ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
13 octobre 2016 ( *1 )
«Renvoi préjudiciel — Réseaux et services de communications électroniques — Directive 2002/21/CE — Article 4, paragraphe 1 — Droit de recours contre une décision prise par une autorité réglementaire nationale — Mécanisme de recours efficace — Maintien de la décision d’une autorité réglementaire nationale dans l’attente de l’issue de la procédure de recours — Effets dans le temps d’une décision d’une juridiction nationale prononçant l’annulation d’une décision d’une autorité réglementaire nationale —
Possibilité d’annuler une décision de l’autorité réglementaire nationale avec effet rétroactif — Principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime»
Dans l’affaire C‑231/15,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne), par décision du 18 février 2015, parvenue à la Cour le 21 mai 2015, dans la procédure
Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej,
Petrotel sp. z o.o. w Płocku
contre
Polkomtel sp. z o.o.,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de M. M. Ilešič, président de chambre, Mme A. Prechal, M. A. Rosas, Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas (rapporteur), juges,
avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
— pour le Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej, par M. L. Ochniewicz, radca prawny,
— pour Petrotel sp. z o.o. w Płocku, par Me K. Stompel, adwokat,
— pour Polkomtel sp. z o.o., par Mme E. Barembruch, radca prawny,
— pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,
— pour la Commission européenne, par M. G. Braun ainsi que par Mmes J. Hottiaux et L. Nicolae, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 juin 2016,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, première et troisième phrases, et second alinéa, de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») (JO 2002, L 108, p. 33), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO 2009,
L 337, p. 37) (ci‑après la « directive‑cadre »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej (président de l’Office des communications électroniques, ci-après le « président de l’UKE ») et Petrotel sp. z o.o. w Płocku (ci-après « Petrotel ») à Polkomtel sp. z o.o. au sujet d’une décision prise par le président de l’UKE dans le cadre d’un litige opposant ces deux entreprises au sujet des tarifs de terminaison d’appel appliqués par Polkomtel sur son réseau de téléphonie mobile.
Le cadre juridique
3 L’article 4 de la directive-cadre, relatif au droit de recours contre une décision prise par une autorité réglementaire nationale (ci-après l’« ARN »), dispose, à son paragraphe 1 :
« Les États membres veillent à ce que des mécanismes efficaces permettent, au niveau national, à tout utilisateur ou à toute entreprise qui fournit des réseaux et/ou des services de communications électroniques, et qui est affecté par une décision prise par une [ARN], d’introduire un recours auprès d’un organisme indépendant des parties intéressées. Cet organisme, qui peut être un tribunal, dispose des compétences appropriées pour être à même d’exercer ses fonctions efficacement. Les États membres
veillent à ce que le fond de l’affaire soit dûment pris en considération et à ce qu’il existe un mécanisme de recours efficace.
Dans l’attente de l’issue de la procédure, la décision de l’[ARN] est maintenue, sauf si des mesures provisoires sont octroyées conformément au droit national. »
Le litige au principal et la question préjudicielle
4 Dans le cadre d’une procédure antérieure à celle en cause au principal, le président de l’UKE, après avoir effectué une analyse du marché pertinent, a pris, le 30 septembre 2008, une décision par laquelle il a imposé à Polkomtel, en tant qu’entreprise disposant d’une puissance significative sur le marché concerné, d’adapter les tarifs de terminaison d’appel vocal sur son réseau de téléphonie mobile à un niveau défini dans cette décision (ci-après la « décision du 30 septembre 2008 »). Polkomtel a
formé un recours contre cette décision.
5 Alors que la procédure devant la juridiction compétente portant sur le recours contre la décision du 30 septembre 2008 était pendante, Polkomtel a mené des négociations avec Petrotel concernant, notamment, la modification des tarifs de terminaison d’appel vocal sur son réseau de téléphonie mobile. Ces entreprises n’étant pas parvenues à un accord, le président de l’UKE a été saisi d’une demande de règlement du litige opposant ces entreprises.
6 Par une décision du 17 mars 2009, qui exécute la décision du 30 septembre 2008, le président de l’UKE a résolu ce litige en modifiant, notamment, les conditions du contrat conclu entre Petrotel et Polkomtel relatives aux tarifs de terminaison d’appel vocal sur le réseau de téléphonie mobile de Polkomtel (ci-après la « décision du 17 mars 2009 »). Le président de l’UKE a, par cette décision, imposé à Polkomtel d’adapter ces tarifs au niveau défini dans sa décision du 30 septembre 2008. Polkomtel a
également formé un recours contre la décision du 17 mars 2009 devant le Sąd Okręgowy w Warszawie – Sąd Ochrony Konkurencji i Konsumentów (tribunal régional de Varsovie – tribunal de protection de la concurrence et du consommateur, Pologne).
7 Alors que le recours contre la décision du 17 mars 2009 était pendant, la décision du 30 septembre 2008 a été annulée par jugement du 23 mars 2011 du Sąd Okręgowy w Warszawie – Sąd Ochrony Konkurencji i Konsumentów (tribunal régional de Varsovie – tribunal de protection de la concurrence et du consommateur), lequel a été confirmé par un arrêt du 30 janvier 2012 du Sąd Apelacyjny w Warszawie (cour d’appel de Varsovie, Pologne).
8 Par un jugement du 26 octobre 2012, le Sąd Okręgowy w Warszawie – Sąd Ochrony Konkurencji i Konsumentów (tribunal régional de Varsovie – tribunal de protection de la concurrence et du consommateur) a également annulé la décision du 17 mars 2009 au motif que celle-ci, qui exécutait la décision du 30 septembre 2008, n’avait plus de fondement, les obligations prévues par la décision du 30 septembre 2008 ayant été supprimées avec effet rétroactif. Il a dès lors considéré que l’annulation de la
décision du 17 mars 2009 entraînait également l’annulation, avec effet rétroactif, de l’obligation de Polkomtel d’adapter ses tarifs au niveau défini par la décision du 30 septembre 2008.
9 Le président de l’UKE et Petrotel ont interjeté appel du jugement du Sąd Okręgowy w Warszawie – Sąd Ochrony Konkurencji i Konsumentów (tribunal régional de Varsovie – tribunal de protection de la concurrence et du consommateur) du 26 octobre 2012 devant le Sąd Apelacyjny w Warszawie (cour d’appel de Varsovie) qui a rejeté leurs recours par un arrêt du 19 septembre 2013, considérant, notamment, qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer en la matière les principes de la procédure administrative établis
par la jurisprudence des juridictions administratives polonaises, selon lesquels l’annulation d’une décision administrative ne produit que des effets ex nunc. Le président de l’UKE et Petrotel se sont pourvus en cassation contre cet arrêt devant le Sąd Najwyższy (Cour suprême).
10 La juridiction de renvoi approuve l’approche retenue par le Sąd Apelacyjny w Warszawie (cour d’appel de Varsovie) en considérant que l’application des principes de la procédure administrative visés au point précédent dans des circonstances telles que celles de l’affaire dont elle est saisie ne permet pas d’assurer une protection juridictionnelle effective au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et de l’article 4 de la
directive-cadre. Il était justifié, selon elle, que les juridictions saisies d’une affaire en matière de réglementation des réseaux et des services de communications électroniques élaborent une approche autonome en ce qui concerne les effets de l’annulation de la décision du 30 septembre 2008.
11 Elle expose que, selon cette approche, la juridiction saisie du recours contre la décision du 17 mars 2009, qui était immédiatement exécutoire et qui mettait en œuvre la décision du 30 septembre 2008, pourrait, à la suite de l’annulation de cette dernière, soit modifier les tarifs de terminaison d’appel vocal sur le réseau de téléphonie mobile pour la période couverte par la décision du 17 mars 2009, soit annuler celle-ci, supprimant l’obligation d’appliquer lesdits tarifs définis pour la même
période. L’annulation de la décision du 17 mars 2009, selon elle, ne porterait pas atteinte à l’efficacité du droit de l’Union en matière de communications électroniques et permettrait à l’ARN d’adopter une nouvelle décision fixant le niveau des tarifs de terminaison d’appel vocal sur le réseau de téléphonie mobile prévus dans le contrat liant les entreprises fournissant un réseau pour la période couverte par la décision du 17 mars 2009.
12 Cependant, dès lors que Petrotel soutient que la décision du 17 mars 2009 a été maintenue au sens de l’article 4, paragraphe 1, second alinéa, de la directive-cadre et que l’annulation de la décision du 30 septembre 2008 ne peut avoir d’effet ex tunc, la juridiction de renvoi se demande si cette disposition apporte une limite à l’autonomie procédurale des États membres et éprouve des doutes quant à la signification à donner à la mise en œuvre du principe de protection juridictionnelle effective
au sens de cet article, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte.
13 Selon elle, considérer que le principe de protection juridictionnelle effective conduit à autoriser la modification ou l’annulation d’une décision de l’ARN avec effet rétroactif contribuerait à garantir un équilibre entre le principe d’effectivité du droit de l’Union en matière de réglementation des réseaux et des services de communications électroniques et le principe de protection juridictionnelle effective, et ne serait pas contraire aux principes de sécurité juridique ou de protection de la
confiance légitime.
14 Dans ces conditions, le Sąd Najwyższy (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 4, paragraphe 1, [premier alinéa,] première et troisième phrases, de la directive-cadre doit-il être interprété en ce sens que, lorsqu’une entreprise fournissant un réseau attaque la décision de l’ARN fixant le tarif de terminaison d’appel dans le réseau de ladite entreprise ([première décision]) et qu’elle attaque ensuite la décision consécutive de l’ARN modifiant le contrat qui lie le destinataire de la [première décision] et une autre entreprise de sorte que les tarifs payés par
cette autre entreprise au titre de la terminaison d’appel dans le réseau du destinataire de la [première décision] correspondent aux tarifs fixés dans la [première décision] (décision d’exécution), le juge national, constatant que la [première décision] a été annulée, ne peut annuler la décision d’exécution compte tenu du libellé de l’article 4, paragraphe 1, [second alinéa], de la directive-cadre ainsi que des intérêts que l’entreprise bénéficiant de la décision d’exécution tire des principes de
confiance légitime et de sécurité juridique ; ou l’article 4, paragraphe 1, [premier alinéa], première et troisième phrases, de la directive-cadre, [lu] en combinaison avec l’article 47 de la Charte, doit-il être interprété en ce sens que le juge national peut annuler la décision d’exécution de l’ARN et en conséquence abroger les obligations prévues dans cette décision pour la période précédant l’arrêt s’il juge que cela est nécessaire pour assurer une protection effective des droits de
l’entreprise ayant introduit le recours contre la décision de l’ARN qui exécute les obligations prévues dans la [première décision] annulée par la suite ? »
Sur la question préjudicielle
Sur la recevabilité
15 Polkomtel soutient que la question posée par le Sąd Najwyższy (Cour suprême) est irrecevable aux motifs que, d’une part, la juridiction de renvoi ne précise pas les dispositions de droit polonais applicables et ne décrit pas concrètement le rapport qu’elle établit entre les dispositions du droit national et celles du droit de l’Union dont elle sollicite l’interprétation et, d’autre part, la question posée présente un caractère général et hypothétique dès lors qu’elle consiste à solliciter une
appréciation générale des effets d’une décision d’une juridiction nationale prononçant l’annulation d’une décision de l’ARN alors que cette appréciation n’est pas nécessaire à la solution du litige au principal.
16 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que
l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 16 avril 2016, arrêt Polkomtel, C‑397/14, EU:C:2016:256, point 37 et jurisprudence citée).
17 Or, tel n’est pas le cas en l’occurrence. En effet, d’une part, la décision de renvoi expose de manière suffisante le cadre factuel et juridique ainsi que l’analyse de la jurisprudence des juridictions polonaises pour permettre de déterminer la portée de la question posée. D’autre part, la demande de décision préjudicielle fait clairement apparaître que la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre permet à une juridiction nationale d’annuler avec
effet rétroactif une décision de l’ARN et que la réponse à cette question lui est nécessaire pour statuer sur les pourvois formés contre l’arrêt du Sąd Apelacyjny w Warszawie (cour d’appel de Varsovie) qui a annulé, avec effet rétroactif, la décision du 17 mars 2009.
18 Par conséquent, la question posée est recevable.
Sur le fond
19 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, première et troisième phrases, et second alinéa, de la directive-cadre, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’une juridiction nationale saisie d’un recours contre une décision de l’ARN doit pouvoir annuler celle-ci avec effet rétroactif si elle juge que cela est nécessaire pour assurer une protection effective des droits de l’entreprise qui
a introduit le recours.
20 Il y a lieu de relever d’emblée que la Cour a déjà jugé que l’article 4 de la directive-cadre constitue une émanation du principe de protection juridictionnelle effective, garanti par l’article 47 de la Charte, en vertu duquel il incombe aux juridictions des États membres d’assurer la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2015, T-Mobile Austria, C‑282/13, EU:C:2015:24, point 33 et jurisprudence citée).
21 Ainsi, l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, première et troisième phrases, de la directive-cadre impose aux États membres de prévoir des mécanismes de recours efficaces permettant à tout utilisateur ou à toute entreprise qui fournit des réseaux et/ou des services de communications électroniques, et qui est affecté(e) par une décision prise par une ARN, d’introduire un recours contre cette décision. En vertu du second alinéa de ce même paragraphe, la décision de l’ARN est maintenue dans
l’attente de l’issue de la procédure, sauf si des mesures provisoires sont octroyées conformément au droit national.
22 Ledit article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre ne prescrit pas de règles de procédure particulières pour mettre en œuvre l’obligation d’assurer un mécanisme de recours efficace et il ne régit pas les effets dans le temps d’une décision d’une juridiction nationale prononçant l’annulation d’une décision de l’ARN.
23 En l’absence de réglementation de l’Union en la matière, il appartient, en principe, aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale et sous réserve du respect des exigences découlant des principes d’équivalence et d’effectivité, de prévoir les règles procédurales applicables à un recours tel que celui en cause au principal (voir, par analogie, arrêts du 18 mars 2010, Alassini e.a., C‑317/08 à C‑320/08, EU:C:2010:146, point 47 ainsi que jurisprudence citée, et du 27 juin 2013,
Agrokonsulting, C‑93/12, EU:C:2013:432, point 35).
24 Cela étant, ainsi qu’il ressort du point 20 du présent arrêt, l’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre, qui prévoit l’obligation d’assurer un mécanisme de recours efficace, constitue une émanation du principe de protection juridictionnelle effective des droits que tirent les justiciables du droit de l’Union, consacré à l’article 47 de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2007, Unibet, C‑432/05, EU:C:2007:163, point 44), lequel doit être respecté dans chaque cas.
25 Dès lors, une juridiction nationale saisie d’un recours contre une décision de l’ARN doit pouvoir annuler celle-ci avec effet rétroactif, si elle juge que cela est nécessaire pour assurer une protection effective des droits de l’entreprise qui a introduit le recours.
26 L’article 4, paragraphe 1, second alinéa, de la directive-cadre n’empêche nullement ni ne restreint cette possibilité.
27 En effet, il résulte seulement de cette disposition que le recours formé contre une décision de l’ARN n’a pas d’effet suspensif, sauf si des mesures provisoires sont octroyées conformément au droit national. La décision de l’ARN s’applique donc, en principe, pendant la durée de la procédure, ce qui ne préjuge pas de la possibilité, à l’issue de celle-ci, d’annuler ladite décision avec effet rétroactif, si la juridiction nationale juge que cela est nécessaire pour assurer une protection effective
des droits de l’entreprise qui a introduit le recours.
28 Par ailleurs, ainsi que la juridiction de renvoi le relève, la possibilité pour une juridiction nationale d’annuler une décision de l’ARN avec effet rétroactif n’est pas contraire au respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.
29 À cet égard, il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique, qui a pour corollaire le principe de protection de la confiance légitime, exige, d’une part, que les règles de droit soient claires et précises et, d’autre part, que leur application soit prévisible pour les justiciables (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2009, Plantanol, C‑201/08, EU:C:2009:539, point 46 et jurisprudence citée, ainsi que du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a., C‑98/14, EU:C:2015:386, point 77 et
jurisprudence citée).
30 Il ressort clairement du libellé de l’article 4, paragraphe 1, second alinéa, de la directive-cadre que c’est seulement dans l’attente de l’issue de la procédure que la décision de l’ARN faisant l’objet du recours est maintenue en vertu de cette disposition. Dans ces conditions, des opérateurs économiques, parties à un recours tel que prévu à l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive ne sauraient placer leur confiance légitime dans le fait que, en cas d’annulation de la décision de l’ARN en
cause, cette annulation ne produira pas d’effets ex tunc.
31 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, première et troisième phrases, et second alinéa, de la directive-cadre, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’une juridiction nationale saisie d’un recours contre une décision de l’ARN doit pouvoir annuler celle-ci avec effet rétroactif, si elle juge que cela est nécessaire pour assurer une protection
effective des droits de l’entreprise qui a introduit le recours.
Sur les dépens
32 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :
L’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, première et troisième phrases, et second alinéa, de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre »), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, lu en combinaison avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
doit être interprété en ce sens qu’une juridiction nationale saisie d’un recours contre une décision de l’autorité réglementaire nationale doit pouvoir annuler celle-ci avec effet rétroactif, si elle juge que cela est nécessaire pour assurer une protection effective des droits de l’entreprise qui a introduit le recours.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure : le polonais.