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05/10/2016 | CJUE | N°C-572/15

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, F. Hoffmann-La Roche AG contre Accord Healthcare OÜ., 05/10/2016, C-572/15


ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

5 octobre 2016 ( *1 )

[Texte rectifié par ordonnance du 13 décembre 2016]

«Renvoi préjudiciel — Propriété industrielle et commerciale — Brevet — Certificat complémentaire de protection — Règlement (CE) no 469/2009 — Article 21, paragraphe 2 — Dispositions transitoires — Certificat délivré conformément à la législation nationale d’un État membre avant son adhésion à l’Union européenne — Interprétation de l’article 21, paragraphe 2 — Durée de validité du certificat — Validit

de l’article 21, paragraphe 2 — Adaptation du droit dérivé résultant directement de l’acte
d’adhésion — Incompétence ...

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

5 octobre 2016 ( *1 )

[Texte rectifié par ordonnance du 13 décembre 2016]

«Renvoi préjudiciel — Propriété industrielle et commerciale — Brevet — Certificat complémentaire de protection — Règlement (CE) no 469/2009 — Article 21, paragraphe 2 — Dispositions transitoires — Certificat délivré conformément à la législation nationale d’un État membre avant son adhésion à l’Union européenne — Interprétation de l’article 21, paragraphe 2 — Durée de validité du certificat — Validité de l’article 21, paragraphe 2 — Adaptation du droit dérivé résultant directement de l’acte
d’adhésion — Incompétence de la Cour»

Dans l’affaire C‑572/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Riigikohus (Cour suprême, Estonie), par décision du 21 octobre 2015, parvenue à la Cour le 2 novembre 2015, dans la procédure

F. Hoffmann-La Roche AG

contre

Accord Healthcare OÜ,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme C. Toader (rapporteur), président de chambre, Mme A. Prechal et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

— pour F. Hoffmann-La Roche AG, par Mes C. Ginter et K. Lepasepp, vandeadvokaadid, ainsi que par MM. A. Sehver et T. Nelsas, patendivolinikud,

— pour Accord Healthcare OÜ, par Me R. Antsmäe, vandeadvokaat,

— pour le gouvernement estonien, par Mme K. Kraavi-Käerdi, en qualité d’agent,

— pour le gouvernement tchèque, par M. J. Vláčil, Mme S. Šindelková et M. M. Smolek, en qualité d’agents,

— pour le Parlement européen, par M. J. Rodrigues, Mme I. McDowell et M. M. Allik, en qualité d’agents,

— pour le Conseil de l’Union européenne, par Mme M. Balta et M. M. Alver, en qualité d’agents,

— pour la Commission européenne, par M. T. Scharf ainsi que par Mmes J. Samnadda et E. Randvere, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur la validité et l’interprétation de l’article 21, paragraphe 2, du règlement (CE) no 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO 2009, L 152, p. 1), tel que modifié par l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Croatie et aux adaptations du traité sur l’Union européenne, du traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne et du traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2012, L 112, p. 21) (ci‑après le « règlement no 469/2009 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant F. Hoffmann-La Roche AG (ci‑après « Roche ») à Accord Healthcare OÜ (ci-après « Accord ») au sujet de l’opposabilité des droits de propriété industrielle détenus par Roche à l’égard des médicaments génériques produits par Accord.

Le cadre juridique

3 L’annexe II de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République Slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33) contient une sous‑rubrique 4, C, II,
intitulée « Certificats complémentaires de protection ».

4 Le point 1, sous b), de cette rubrique précise que l’article 20 du règlement (CEE) no 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO 1992, L 182, p. 1), tel que modifié par l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21) (ci‑après le « règlement
no 1768/92 ») est complété par un second alinéa ainsi libellé :

« Le présent règlement s’applique aux certificats complémentaires de protection délivrés conformément à la législation nationale de la République tchèque, de l’Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie avant la date d’adhésion. »

5 Comme le précise le considérant 1 du règlement no 469/2009, le règlement no 1768/92 a été modifié à plusieurs reprises et de façon substantielle, raison pour laquelle le législateur de l’Union a décidé, dans un souci de clarté et de rationalité, de procéder à la codification de ce dernier règlement.

6 Aux termes du considérant 9 du règlement no 469/2009 :

« La durée de la protection conférée par le certificat devrait être déterminée de telle sorte qu’elle permette une protection effective suffisante. À cet effet, le titulaire, à la fois d’un brevet et d’un certificat, doit pouvoir bénéficier au total de quinze années d’exclusivité au maximum à partir de la première autorisation de mise sur le marché, dans la Communauté, du médicament en question. »

7 L’article 13 de ce règlement, intitulé « Durée du certificat », dispose :

« 1.   Le certificat produit effet au terme légal du brevet de base pour une durée égale à la période écoulée entre la date du dépôt de la demande du brevet de base et la date de la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté, réduite d’une période de cinq ans.

2.   Nonobstant le paragraphe 1, la durée du certificat ne peut être supérieure à cinq ans à compter de la date à laquelle il produit effet.

[…] »

8 Aux termes de l’article 21, paragraphe 2, dudit règlement, dont le libellé est en substance analogue à celui de l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 1768/92, cette dernière disposition ne visant toutefois pas encore la République de Croatie :

« Le présent règlement s’applique aux certificats complémentaires de protection délivrés conformément à la législation nationale de la République tchèque, de l’Estonie, de la Croatie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de Malte, de la Pologne, de la Roumanie, de la Slovénie et de la Slovaquie avant leurs dates respectives d’adhésion. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9 Roche, société établie en Suisse, commercialise en Estonie un médicament dénommé « Xeloda », dont le principe actif est la capécitabine et pour lequel elle bénéficie d’un brevet de base no 03086, délivré le 15 avril 1998 (ci-après le « brevet de base »). Aux fins de la commercialisation de ce médicament, Roche a enregistré pour la première fois le Xeloda en Estonie le 8 juin 2001 et, après avoir introduit une demande de protection complémentaire en date du 1er août 2001, a obtenu, pour ledit
médicament, un certificat complémentaire de protection (CCP) no 00001, délivré le 24 octobre 2001 par le Patendiamet (Office des brevets, Estonie).

10 Accord Healthcare Limited a, par l’intermédiaire d’une filiale, Accord, établie en Estonie, obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour un médicament générique, dont le principe actif est également la capécitabine. Cette filiale a, en date du 3 octobre 2014, introduit une demande auprès du ministère des Affaires sociales estonien en vue de l’inscription de son médicament générique sur une liste de médicaments prévue par le législateur national, cette inscription ayant pour effet de
diminuer le coût de ce médicament pour l’assuré social, la caisse de maladie nationale prenant une partie du coût de celui-ci à sa charge. Le 4 décembre 2014, le ministère des Affaires sociales a accueilli cette demande d’inscription. Accord prévoyait de rendre son propre médicament disponible sur le marché estonien dès le 15 décembre 2014.

11 Le 8 décembre 2014, Roche a intenté une action devant le Harju Maakohus (tribunal de première instance de Harju, Estonie) en vue, notamment, de contraindre Accord à s’abstenir et/ou à cesser d’agir en violation du droit exclusif détenu par Roche, en sa qualité de titulaire du CCP relatif au Xeloda et ce jusqu’au terme de la validité de ce certificat, soit, selon elle, le 8 juin 2016, ainsi que d’interdire à Accord de commercialiser, de proposer à la vente, de vendre et de promouvoir par voie de
publicité en Estonie jusqu’à la même date des médicaments contenant le principe actif capécitabine. Par ailleurs, Roche a demandé à cette juridiction d’ordonner la destruction de tous les médicaments appartenant à Accord ou se trouvant en possession de celle-ci et dont le principe actif est la capécitabine.

12 Au soutien de ses différentes demandes, Roche a fait valoir qu’elle était titulaire, jusqu’au 18 novembre 2014, du brevet de base et du CCP relatif au Xeloda, dont la validité expirait, selon elle, le 8 juin 2016.

13 Soutenant que la mise sur le marché du médicament générique d’Accord lui causerait un préjudice important, évalué à une baisse de 50 % de son chiffre d’affaires, c’est‑à‑dire à environ 460000 euros, Roche a simultanément présenté une demande de mesures conservatoires à l’appui de son recours consistant, d’une part, en la saisie de tous les médicaments en possession d’Accord ainsi qu’en l’interdiction, pour cette dernière, de céder à des tiers les médicaments en sa possession dont la substance
active est la capécitabine et, d’autre part, en l’interdiction de commercialiser, de proposer à la vente, de vendre et de promouvoir par le biais de la publicité, en Estonie, des médicaments contenant cette substance active, jusqu’à ce que la décision de justice devienne définitive, mais pas au-delà du 8 juin 2016.

14 Accord a demandé le rejet du recours et a, en outre, introduit, le 6 février 2015, une demande reconventionnelle visant à obtenir l’annulation du CCP ou la constatation que ce certificat n’a pas de validité et qu’il ne saurait en avoir.

15 Par ordonnance du 15 décembre 2014, le Harju Maakohus (tribunal de première instance de Harju) a fait droit à la demande de mesures conservatoires.

16 Accord a contesté cette ordonnance et a demandé son annulation par le Harju Maakohus (tribunal de première instance de Harju). Selon Accord, de telles mesures conservatoires ne pouvaient être accordées, dès lors que l’action de Roche n’a aucune chance d’aboutir quant au fond, cette dernière ne disposant pas d’un droit exclusif sur la capécitabine jusqu’au 8 juin 2016. En effet, dans l’ordonnance du 13 février 2014, Merck Canada (C‑555/13, EU:C:2014:92), la Cour aurait jugé que l’article 13 du
règlement no 469/2009, lu en combinaison avec le considérant 9 de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que le titulaire à la fois d’un brevet et d’un CCP puisse se prévaloir de la totalité de la durée de validité d’un tel certificat calculée en application de cet article 13, dans une situation où, en vertu d’une telle durée, il bénéficierait d’une période d’exclusivité, concernant un principe actif, supérieure à quinze années à partir de la première AAM, dans l’Union
européenne, du médicament consistant en ce principe actif ou contenant celui-ci. La première AMM dans l’Union du médicament contenant la capécitabine ayant été délivrée le 10 juin 1998, la durée maximale de la protection complémentaire dont Roche pourrait se prévaloir serait de quinze années à compter de cette première mise sur le marché, soit du 10 juin 1998 au 10 juin 2013. Dans la mesure où, le 10 juin 2013, la validité du brevet de base a expiré, tout comme celle du CCP relatif au Xeloda,
Roche ne serait, depuis lors, plus titulaire d’un droit exclusif sur la capécitabine.

17 Le Harju Maakohus (tribunal de première instance de Harju) a renvoyé l’affaire à la Tallinna ringkonnakohus (cour d’appel de Tallinn, Estonie) afin que celle-ci se prononce sur cette contestation.

18 Par ordonnance du 26 février 2015, cette dernière a annulé l’ordonnance rendue le 15 décembre 2014 par le Harju Maakohus (tribunal de première instance de Harju) ainsi que les mesures conservatoires afférentes.

19 Par son recours devant le Riigikohus (Cour suprême, Estonie), Roche demande l’annulation de l’ordonnance de la Tallinna ringkonnakohus (cour d’appel de Tallinn) et la confirmation de la validité de l’ordonnance du Harju Maakohus (tribunal de première instance de Harju).

20 Selon Roche, la Tallinna ringkonnakohus (cour d’appel de Tallinn) a mal interprété l’article 21, paragraphe 2, du règlement no 469/2009. De plus, l’interprétation de cette dernière juridiction relative à l’effet rétroactif du règlement no 469/2009 serait contraire à d’autres dispositions du droit de l’Union, et notamment à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

21 Roche soutient que, contrairement à ce qu’a jugé la Tallinna ringkonnakohus (cour d’appel de Tallinn), le CCP relatif au Xeloda était valide, étant donné qu’il a été délivré à une époque où la République d’Estonie n’était pas membre de l’Union. Il conviendrait dès lors d’appliquer le seul droit estonien, en vertu duquel la durée de validité du CCP dépendait non pas de la délivrance de la première AMM dans l’Union, mais de la délivrance de cette autorisation en Estonie. L’article 21, paragraphe 2,
du règlement no 469/2009 n’indiquerait pas expressément qu’il convient de recalculer la durée de validité des CCP qui ont été délivrés avant l’adhésion de l’État membre concerné à l’Union. Ainsi, l’interprétation de cette disposition retenue par la Tallinna ringkonnakohus (cour d’appel de Tallinn) violerait le principe de sécurité juridique. Selon Roche, le CCP relatif au Xeloda demeurait dès lors valable jusqu’au 8 juin 2016, soit quinze années à compter de la première AMM estonienne du
médicament, conformément à la législation nationale applicable à l’époque. L’idée sous-jacente à l’article 21, paragraphe 2, du règlement no 469/2009 serait de permettre aux titulaires de CCP nationaux antérieurs à l’adhésion de l’État membre concerné d’exercer leurs droits et cette disposition n’aurait ni pour contenu ni pour but de s’appliquer de manière rétroactive à des CCP délivrés en vertu de la législation nationale. Selon Roche, la référence à l’ordonnance du 13 février 2014, Merck Canada
(C‑555/13, EU:C:2014:92), n’est pas pertinente, dès lors que cette ordonnance ne concerne pas l’application dans le temps de l’article 21, paragraphe 2, du règlement no 469/2009.

22 La juridiction de renvoi souligne, d’une part, que, si, dans ladite ordonnance, la Cour a interprété l’article 13 du règlement no 469/2009, lu en combinaison avec le considérant 9 de celui-ci, la même ordonnance ne portait ni sur l’interprétation de l’article 21, paragraphe 2, du règlement no 469/2009 ni sur l’application rétroactive du droit qui en découle, étant donné que l’affaire ayant donné lieu à cette décision ne concernait pas un nouvel État membre. Ainsi, il n’apparaîtrait pas clairement
si les enseignements qui en sont issus sont également applicables à un CCP qui a été délivré conformément à la législation estonienne avant l’adhésion de la République d’Estonie à l’Union, le 1er mai 2004.

23 D’autre part, et dans l’hypothèse où la Cour serait amenée à considérer qu’il convient de réduire la durée de validité d’un CCP, cette juridiction s’interroge sur la compatibilité de cette disposition avec le droit primaire de l’Union, en particulier avec les principes généraux de l’Union relatifs à la protection des droits acquis et à la non‑rétroactivité ainsi qu’ avec les articles 16 et 17 de la Charte.

24 Dans ces conditions, le Riigikohus (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Convient-il d’interpréter l’article 21, paragraphe 2, du règlement no 469/2009 […] en ce sens qu’il entraîne une réduction de la durée de validité d’un [CCP] qui a été délivré par un État membre conformément à la législation nationale avant l’adhésion de cet État membre à l’Union européenne et dont la durée de validité à l’égard du principe actif serait, d’après les indications figurant sur le [CCP], supérieure à 15 ans à partir de la première [AMM], dans l’Union européenne, du médicament
consistant en ce principe actif ou contenant celui‑ci ?

2) Si la réponse à la première question est affirmative, faut-il considérer que l’article 21, paragraphe 2, du règlement no 469/2009 […] est conforme au droit de l’Union, notamment aux principes généraux de l’Union relatifs à la protection des droits acquis, au principe de non-rétroactivité et à la [Charte] ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la seconde question

25 Par sa seconde question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la validité de l’article 21, paragraphe 2, du règlement no 469/2009 au regard du droit de l’Union.

26 Il importe d’emblée de rappeler que l’article 267, premier alinéa, sous b), TFUE attribue compétence à la Cour pour statuer, à titre préjudiciel, tant sur l’interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union que sur la validité de ces actes.

27 En l’occurrence, ainsi qu’il ressort du point 4 du présent arrêt, l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 1768/92 a été inséré dans celui-ci par l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République Slovaque, et aux adaptations des
traités sur lesquels est fondée l’Union européenne.

28 Aux termes de cet article 20, paragraphe 2, le règlement no 1768/92 s’applique aux CCP « délivrés conformément à la législation nationale de la République tchèque, de l’Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie avant la date d’adhésion ».

29 Le règlement no 469/2009 a codifié le règlement no 1768/92, de sorte que l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 1768/92 est devenu l’article 21, paragraphe 2, du règlement no 469/2009.

30 S’agissant d’une disposition telle que celle en cause au principal, la Cour a déjà jugé que les adaptations figurant en annexe d’un acte d’adhésion font l’objet d’un accord entre les États membres ainsi que l’État demandeur et qu’elles ne constituent pas un acte d’une institution, mais sont des dispositions de droit primaire qui ne peuvent être suspendues, modifiées ou abrogées que selon les procédures prévues pour la révision des traités originaires (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 1988,
LAISA et CPC España/Conseil, 31/86 et 35/86, EU:C:1988:211, point 12).

31 Il y a lieu de préciser à cet égard que la différence de traitement résultant de ce qui précède n’est pas arbitraire, mais n’est que la conséquence des procédures respectivement choisies en vue de l’adoption de ces dispositions. En effet, alors que certaines desdites dispositions sont arrêtées en vertu d’actes des institutions, qui sont soumis en tant que tels au régime général du contrôle de légalité prévu par le traité FUE, les dispositions résultant directement d’un acte d’adhésion ne
constituent pas des actes des institutions et ne sont dès lors pas susceptibles d’un tel contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 1988, LAISA et CPC España/Conseil, 31/86 et 35/86, EU:C:1988:211, point 17).

32 Par ailleurs, comme le fait valoir le Parlement européen, la circonstance que le règlement no 1768/92 a été abrogé et remplacé par le règlement no 469/2009 ne modifie en rien les considérations qui précèdent, puisque ce dernier se limite à codifier des modifications apportées précédemment au texte d’origine, dans un souci de clarté et de rationalité, tout en préservant leur substance.

33 Il s’ensuit que la Cour n’est pas compétente pour connaître de la validité de l’article 21, paragraphe 2, du règlement no 469/2009.

Sur la première question

34 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 21, paragraphe 2, du règlement no 469/2009 doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à un CCP, relatif à un médicament déterminé, délivré par un État membre avant son adhésion à l’Union.

35 Il convient tout d’abord de rappeler que l’article 21, paragraphe 2, du règlement no 469/2009 précise que ce règlement s’applique aux CCP délivrés conformément à la législation nationale de la République d’Estonie avant la date de son adhésion à l’Union.

36 Ensuite, l’article 13 de ce règlement, lu en combinaison avec le considérant 9 de ce dernier, prévoit que le titulaire à la fois d’un brevet et d’un CCP ne doit pas pouvoir bénéficier de plus de quinze années d’exclusivité à partir de la première AMM, délivrée dans l’Union, du médicament concerné (voir, en ce sens, ordonnance du 13 février 2014, Merck Canada, C‑555/13, EU:C:2014:92, point 30 et jurisprudence citée).

37 Ainsi, comme le souligne le gouvernement estonien, depuis le 1er mai 2004, la durée de validité du CCP dépend non pas de la délivrance de la première AMM en République d’Estonie, mais de celle dans l’Union.

38 À cet égard, il importe de rappeler que les termes « première [AMM] dans [l’Union] », au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 469/2009, font référence à la première AMM délivrée non pas dans l’État membre de la demande, mais dans l’un quelconque des États membres. Seule cette interprétation permet de garantir que l’extension de la protection assurée par le brevet, en ce qui concerne le produit couvert par le certificat, prendra fin au même moment dans tous les États membres où ce
certificat aura été octroyé (ordonnance du 13 février 2014, Merck Canada, C‑555/13, EU:C:2014:92, point 31 et jurisprudence citée).

39 [Tel que rectifié par ordonnance du 13 décembre 2016] En l’occurrence, il ressort cependant du dossier soumis à la Cour que la première AMM du Xeloda a été délivrée non pas par un État membre de l’Union, mais par un État tiers, à savoir la Confédération suisse, en date du 10 juin 1998. La Cour a néanmoins déjà jugé que, dans la mesure où l’AMM d’un médicament délivrée par les autorités suisses et reconnue automatiquement par la Principauté de Liechtenstein en vertu de la législation de cet État
est la première AMM de ce médicament dans un des États de l’Espace économique européen (EEE), elle constitue la première AMM, au sens de l’article 13 du règlement no 1768/92, tel qu’il doit être lu aux fins de l’application de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3) (voir, en ce sens, ordonnance du 14 novembre 2013, Astrazeneca, C‑617/12, EU:C:2013:761, points 41 et 42 ainsi que jurisprudence citée).

40 En outre, la circonstance que les AMM accordées en Suisse ne permettent pas la circulation des médicaments qui en font l’objet sur le territoire de l’EEE, à l’exception du Liechtenstein, n’est pas pertinente pour interpréter l’article 13 du règlement no 469/2009, tel qu’il doit être lu aux fins de l’application de l’accord EEE (ordonnance du 14 novembre 2013, Astrazeneca, C‑617/12, EU:C:2013:761, point 43 et jurisprudence citée).

41 [Tel que rectifié par ordonnance du 13 décembre 2016] Il résulte des considérations qui précèdent que les effets d’une première AMM, telle que celle en cause au principal, sont équivalents à ceux d’“une première [AMM] dans [l’Union]”, au sens de l’article 13 du règlement no 469/2009.

42 Partant, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, et aux fins de procéder au calcul de la durée de validité du CCP, il y a lieu, ainsi qu’il résulte des constatations de la juridiction de renvoi, de se fonder sur la date à laquelle la première AMM a été délivrée pour le Xeloda non pas en Estonie, soit le 8 juin 2001, mais en Suisse, à savoir le 10 juin 1998.

43 Enfin, il convient de souligner, d’une part, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, une règle nouvelle relevant du droit matériel de l’Union s’applique immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne. Par ailleurs, dès l’adhésion d’un nouvel État membre, les dispositions du droit de l’Union sont applicables dans les conditions prévues par les traités originaires et par l’acte d’adhésion en cause (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2013,
Kuso, C‑614/11, EU:C:2013:544, point 25 et jurisprudence citée).

44 D’autre part, comme le font observer le gouvernement estonien et la Commission, et conformément au libellé de l’article 13 du règlement no 469/2009, le CCP ne produit effet qu’au terme légal du brevet de base.

45 Or, il est en l’occurrence constant que ce brevet a expiré ultérieurement à l’adhésion dudit État membre.

46 Dès lors qu’à l’expiration dudit brevet et au moment auquel le CCP aurait pu prendre effet, ce règlement était déjà en vigueur, il ne saurait s’agir d’une application rétroactive dudit règlement.

47 Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la première question que l’article 21, paragraphe 2, du règlement no 469/2009 doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à un CCP, relatif à un médicament déterminé, délivré par un État membre avant son adhésion à l’Union. Dans la mesure où ce médicament a fait l’objet, au sein de l’EEE, d’une AMM antérieure à celle délivrée dans ledit État membre et, le cas échéant, à l’adhésion de celui-ci à l’Union,
seule cette première AMM doit être prise en compte pour la détermination de la durée de validité dudit CCP.

Sur les dépens

48 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

  1) La Cour de justice de l’Union européenne n’est pas compétente pour connaître de la validité de l’article 21, paragraphe 2, du règlement (CE) no 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, tel que modifié par l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Croatie et aux adaptations du traité sur l’Union européenne, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
et du traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique.

  2) L’article 21, paragraphe 2, du règlement no 469/2009, tel que modifié, doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à un certificat complémentaire de protection, relatif à un médicament déterminé, délivré par un État membre avant son adhésion à l’Union européenne. Dans la mesure où ce médicament a fait l’objet, au sein de l’Espace économique européen, d’une autorisation de mise sur le marché antérieure à celle délivrée dans ledit État membre et, le cas échéant, à l’adhésion de celui-ci à
l’Union, seule cette première autorisation de mise sur le marché doit être prise en compte pour la détermination de la durée de validité dudit certificat complémentaire de protection.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’estonien.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : C-572/15
Date de la décision : 05/10/2016
Type de recours : Recours préjudiciel - irrecevable, Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Riigikohus.

Renvoi préjudiciel – Propriété industrielle et commerciale – Brevet – Certificat complémentaire de protection – Règlement (CE) no 469/2009 – Article 21, paragraphe 2 – Dispositions transitoires – Certificat délivré conformément à la législation nationale d’un État membre avant son adhésion à l’Union européenne – Interprétation de l’article 21, paragraphe 2 – Durée de validité du certificat – Validité de l’article 21, paragraphe 2 – Adaptation du droit dérivé résultant directement de l’acte d’adhésion – Incompétence de la Cour.

Rapprochement des législations

Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale


Parties
Demandeurs : F. Hoffmann-La Roche AG
Défendeurs : Accord Healthcare OÜ.

Composition du Tribunal
Avocat général : Wathelet
Rapporteur ?: Toader

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2016:739

Source

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