CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. PAOLO MENGOZZI
présentées le 22 septembre 2016 ( 1 )
Affaires jointes C‑247/15 P, C‑253/15 P et C‑259/15 P
Maxcom Ltd (C‑247/15 P),
Commission européenne (C‑253/15 P),
Conseil de l’Union européenne (C‑259/15 P)
contre
Chin Haur Indonesia PT
«Pourvoi — Politique commerciale — Dumping — Règlement d’exécution (UE) no 501/2013 — Importations de bicyclettes expédiées notamment d’Indonésie — Extension à ces importations du droit antidumping définitif institué sur les importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine — Règlement (CE) n ° 1225/2009 — Articles 13 et 18 — Contournement — Défaut de coopération d’une partie des producteurs/exportateurs visés par l’enquête — Preuve du contournement — Faisceau d’indices
concordants — Défaut de motivation — Violation des droits procéduraux»
1. Les présentes conclusions ont trait à trois pourvois par lesquels Maxcom Ltd, la Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne demandent à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 19 mars 2015, Chin Haur Indonesia/Conseil ( 2 ) (ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a annulé l’article 1er, paragraphes 1 et 3, du règlement d’exécution (UE) no 501/2013 du Conseil ( 3 ) (ci-après le « règlement litigieux »), pour autant qu’il concerne la société Chin
Haur Indonesia, PT (ci-après « Chin Haur »), requérante devant le Tribunal.
2. Les trois présentes affaires jointes constituent la première occasion ( 4 ) pour la Cour de se prononcer, dans le cadre d’un pourvoi, sur la réglementation de l’Union en matière de contournement des droits antidumping. Cette réglementation, contenue à l’article 13 du règlement (CE) no 1225/2009 (ci-après le « règlement de base ») ( 5 ), permet aux institutions, à certaines conditions, d’étendre des droits antidumping qu’elles ont institués sur les importations d’un produit en provenance d’un
pays tiers aux importations de produits similaires en provenance notamment d’un autre pays, afin d’éviter que les mesures antidumping soient contournées.
3. Plus particulièrement, la Cour aura l’occasion de clarifier davantage les exigences relatives à la preuve que doivent rapporter la Commission et le Conseil (ci-après, prises ensemble, les « institutions ») pour établir l’existence d’un contournement. La jurisprudence fournit déjà certaines indications au regard de la charge et du niveau de la preuve requis. Toutefois, la Cour a fourni ces indications dans des affaires caractérisées par un cadre factuel particulier dans lequel les institutions
s’étaient heurtées à un refus de coopération de la part de l’ensemble des parties intéressées au cours de l’enquête visant à établir l’existence d’un contournement, enquête qui se fonde sur la coopération volontaire des producteurs/exportateurs visés.
4. Dans les présentes affaires, la Cour est appelée à préciser, à la lumière de cette jurisprudence, les exigences relatives à la preuve auxquelles sont assujetties les institutions afin de pouvoir établir l’existence d’un contournement dans un cadre factuel différent, à savoir dans une situation caractérisée par un défaut de coopération de la part non pas de l’intégralité des parties intéressées mais uniquement d’une partie des producteurs/exportateurs visés par l’enquête.
I – Le cadre juridique
5. Bien que la question du contournement ait été discutée dans le cadre des négociations OMC-GATT, aucun accord n’a pu être trouvé. Par conséquent, le code antidumping de 1994 ( 6 ) ne contient finalement aucune disposition en la matière ( 7 ). Dans ces conditions, l’Union européenne a adopté unilatéralement sa propre réglementation anticontournement ( 8 ).
6. L’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, troisième phrase, du règlement de base définit le contournement comme « une modification de la configuration des échanges entre les pays tiers et [l’Union] ou entre des sociétés du pays soumis aux mesures et [l’Union], découlant de pratiques, d’opérations ou d’ouvraisons pour lesquelles il n’existe pas de motivation suffisante ou de justification économique autre que l’imposition du droit, en présence d’éléments attestant qu’il y a préjudice ou que les
effets correctifs du droit sont compromis en termes de prix et/ou de quantités de produits similaires et d’éléments de preuve, si nécessaire fondés sur les dispositions de l’article 2, de l’existence d’un dumping en liaison avec les valeurs normales précédemment établies pour les produits similaires ».
7. L’article 13, paragraphe 1, second alinéa, du règlement de base contient une liste non exhaustive des pratiques, des opérations ou des ouvraisons visées à l’alinéa précèdent, lesquelles englobent, entre autres « l’expédition du produit soumis aux mesures via des pays tiers » et, « dans les circonstances visées au paragraphe 2, les opérations d’assemblage dans [l’Union] ou dans un pays tiers ». L’article 13, paragraphe 2, du règlement de base définit les trois conditions cumulatives auxquelles une
opération d’assemblage dans l’Union ou dans un pays tiers est considérée comme contournant les mesures antidumping en vigueur ( 9 ).
8. Aux termes de l’article 13, paragraphe 3, du règlement de base, la Commission ouvre une enquête, par règlement, de sa propre initiative ou à la demande d’un État membre ou de toute partie intéressée, sur la base d’éléments de preuve suffisants relatifs aux facteurs énumérés au paragraphe 1 du même article. Lorsque les faits définitivement établis justifient l’extension des mesures antidumping, celle-ci est décidée par le Conseil, statuant sur proposition de la Commission, après consultation du
comité consultatif.
9. L’article 13, paragraphe 4, du règlement de base prévoit la possibilité d’octroyer des exemptions des mesures anticontournement à certaines sociétés. Il dispose que « [l]es importations ne doivent pas […] faire l’objet de mesures si elles sont effectuées par des sociétés bénéficiant d’exemptions. Les demandes d’exemption, dûment étayées par des éléments de preuve, doivent être présentées dans les délais fixés par le règlement de la Commission portant ouverture de l’enquête. Lorsque les pratiques,
opérations ou ouvraisons constituant un contournement interviennent en dehors de [l’Union], des exemptions peuvent être accordées aux producteurs du produit concerné à même de démontrer qu’ils ne sont pas liés à un producteur soumis aux mesures et dont il a été constaté qu’ils ne s’adonnent pas à des pratiques de contournement telles que définies aux paragraphes 1 et 2 du présent article. […] Ces exemptions sont accordées par une décision de la Commission […] ou par une décision du Conseil qui
impose des mesures et restent applicables pendant la période et dans les conditions qui y sont mentionnées. [...] [L]es exemptions peuvent aussi être accordées après la conclusion de l’enquête ayant abouti à l’extension des mesures ».
10. L’article 18 du règlement de base, sous l’intitulé « Défaut de coopération », prévoit :
« 1. Lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans les délais prévus par le présent règlement ou fait obstacle de façon significative à l’enquête, des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives, peuvent être établies sur la base des données disponibles.
[...]
3. Lorsque les informations présentées par une partie concernée ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition que les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes, que les informations soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités.
[...]
6. Si une partie concernée ne coopère pas ou ne coopère que partiellement et que, de ce fait, des renseignements pertinents ne sont pas communiqués, il peut en résulter pour ladite partie une situation moins favorable que si elle avait coopéré. »
II – Les antécédents des litiges et le règlement litigieux
11. Les antécédents des litiges sont exposés en détail aux points 1 à 28 de l’arrêt attaqué auxquels je renvoie. Pour les besoins de la présente procédure, je me limite à rappeler qu’en 1993, déjà, l’Union avait imposé un droit antidumping sur les importations dans la Communauté de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine. Subséquemment, ce droit a fait l’objet de réexamen à plusieurs reprises et a finalement été maintenu, à hauteur de 48,5 %, par le règlement d’exécution (UE)
no 990/2011 ( 10 ).
12. En 2012, à la suite d’une plainte, la Commission a ouvert une enquête concernant l’éventuel contournement des mesures antidumping instituées par le règlement no 990/2011, par des importations de bicyclettes expédiées, entre autres, d’Indonésie ( 11 ). Dans le cadre de cette enquête, Chin Haur a introduit une demande d’exemption au titre de l’article 13, paragraphe 4, du règlement de base. La Commission a procédé à une visite de vérification dans les locaux de Chin Haur en Indonésie, et a
finalement rejeté la demande d’exemption de Chin Haur en raison du manque de fiabilité des informations présentées par cette dernière ( 12 ).
13. Le 29 mai 2013, le Conseil a adopté le règlement litigieux.
14. Dans ce règlement, le Conseil a d’abord indiqué que, parmi les quatre sociétés indonésiennes ayant introduit la demande d’exemption, représentant 91 % du total des importations dans l’Union en provenance d’Indonésie, trois sociétés avaient été considérées comme ayant coopéré, alors que les données communiquées par la quatrième, à savoir Chin Haur, avaient été invérifiables et peu fiables de sorte qu’elles n’avaient pas pu être prises en considération ( 13 ). Par conséquent, le Conseil a indiqué,
au considérant 33 dudit règlement, que les conclusions concernant Chin Haur avaient été fondées sur les données disponibles, conformément à l’article 18 du règlement de base.
15. Ensuite, le Conseil a constaté que toutes les conditions pour le constat de l’existence d’un contournement aux termes de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base étaient satisfaites ( 14 ).
16. S’agissant, spécifiquement, des pratiques de contournement en Indonésie, le Conseil a examiné, d’abord, l’existence d’opérations de réexpédition. À cet égard, les considérants 61 à 64 du règlement litigieux énoncent :
« (61) Pour trois des quatre sociétés ayant initialement coopéré, l’enquête n’a pas révélé de pratiques de réexpédition.
(62) En ce qui concerne la quatrième société [à savoir, Chin Haur], comme indiqué aux considérants 29 à 33, l’application de l’article 18 du règlement de base se justifiait. L’enquête a révélé que la société ne disposait pas des équipements suffisants pour justifier les volumes d’exportations vers l’Union durant la [période de référence]. En l’absence d’une autre justification, il peut être conclu que la société était impliquée dans des pratiques de contournement par des opérations de
réexpédition.
(63) Pour les exportations restantes vers l’Union, aucune coopération n’a été obtenue […].
(64) Par conséquent, à la lumière du considérant 58, qui conclut à l’existence d’une modification de la configuration des échanges entre l’Indonésie et l’Union au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, des constatations présentées au considérant [62] concernant une société indonésienne et du fait que les producteurs/exportateurs indonésiens ne se sont pas tous fait connaître et n’ont pas tous coopéré, l’existence de pratiques de réexpédition de produits d’origine chinoise via
l’Indonésie est confirmée. »
17. Par la suite, le Conseil a indiqué que l’existence d’opérations d’assemblage, au sens de l’article 13, paragraphe 2, du règlement de base, n’avait pas été établie en Indonésie ( 15 ).
18. Dans ces conditions, d’une part, le Conseil a conclu à l’existence d’un contournement par des opérations de réexpédition via l’Indonésie et a étendu le droit antidumping définitif prévu par le règlement d’exécution no 990/2011 aux importations de bicyclettes expédiées d’Indonésie ( 16 ) et, d’autre part, en raison du défaut de coopération véritable constaté, il a refusé l’exemption à Chin Haur aux termes de l’article 13, paragraphe 4, du règlement de base ( 17 ).
III – La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
19. Le 9 août 2013, Chin Haur a introduit un recours devant le Tribunal tendant à l’annulation de l’article 1er, paragraphes 1 et 3, du règlement litigieux.
20. Le 8 octobre 2013, le Tribunal a accueilli la demande proposée par Chin Haur à ce qu’il soit statué sur l’affaire selon la procédure accélérée ( 18 ).
21. Par ordonnance du 11 novembre 2013, le président de la septième chambre du Tribunal a fait droit à la demande de la Commission d’intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Toutefois, la Commission n’a pas été autorisée à présenter un mémoire en intervention ( 19 ). Le 25 juin 2014, l’affaire étant soumise à la procédure accélérée, la Commission a introduit une demande visant à être autorisée à déposer un mémoire en intervention en tant que mesure d’organisation de la procédure ( 20 ).
Cette demande a été rejetée par le Tribunal.
22. Maxcom a été autorisée à intervenir par ordonnance du 16 juillet 2014.
23. À l’appui de son recours, Chin Haur a invoqué trois moyens. Le premier moyen était tiré de la violation de l’article 13, paragraphe 1, et de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base. Par la première branche de ce moyen, Chin Haur contestait la conclusion du Conseil relative à l’existence d’une modification de la configuration des échanges. Par la seconde branche dudit moyen, Chin Haur mettait en cause la conclusion du Conseil, au considérant 62 du règlement litigieux, selon laquelle elle
s’était livrée à des opérations de réexpédition. Le deuxième moyen était tiré de la violation de l’article 18 du règlement de base, du principe de proportionnalité ainsi que de l’obligation de motivation. Il concernait le constat du Conseil relatif à l’absence de coopération de Chin Haur. Le troisième moyen était tiré d’une violation de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base et du principe d’égalité de traitement. Il portait sur le constat du Conseil afférent à l’existence d’un
dumping.
24. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté la première branche du premier moyen ainsi que les deuxième et troisième moyens comme étant non fondés. En revanche, il a accueilli la seconde branche du premier moyen, notamment son premier grief dans lequel Chin Haur contestait la conclusion énoncée au considérant 62 du règlement litigieux, selon laquelle elle ne disposait pas de capacités de production suffisantes pour justifier ses volumes d’exportations vers l’Union.
25. À cet égard, le Tribunal a analysé, en premier lieu, aux points 81 à 94 de l’arrêt attaqué, les éléments communiqués par Chin Haur au cours de l’enquête et a jugé que ces éléments ne permettaient pas de démontrer que cette société était bien un exportateur d’origine indonésienne ou qu’elle répondait aux critères prévus à l’article 13, paragraphe 2, du règlement de base.
26. En deuxième lieu, aux points 95 à 103 dudit arrêt, le Tribunal a examiné les éléments dont le Conseil disposait pour conclure à l’existence d’opérations de réexpédition de la part de Chin Haur. À la suite de cette analyse, au point 104 dudit arrêt, le Tribunal a jugé que, sur la base de ces éléments, le Conseil ne disposait pas de suffisamment d’indices pour étayer sa conclusion énoncée au considérant 62 du règlement litigieux. Au point 105 dudit arrêt, le Tribunal a en outre considéré que le
fait que Chin Haur n’ait pas pu démontrer qu’elle était un producteur indonésien ou qu’elle répondait à l’article 13, paragraphe 2, du règlement de base ne permettait pas au Conseil de conclure, par défaut, à l’existence de réexpéditions effectuées par Chin Haur, une telle possibilité ne ressortant aucunement du règlement de base ou de la jurisprudence. Le Tribunal a dès lors accueilli la seconde branche du premier moyen, sans traiter les deux autres griefs soulevés par Chin Haur. Par
conséquent, il a annulé l’article 1er, paragraphes 1 et 3, du règlement litigieux « pour autant qu’il concerne » Chin Haur.
IV – Les conclusions des parties
27. Par leurs pourvois Maxcom, la Commission et le Conseil demandent à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de rejeter le recours en première instance et de condamner Chin Haur aux dépens. À titre subsidiaire, la Commission et le Conseil demandent de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour réexamen et de réserver les dépens des deux instances.
28. Chin Haur demande à la Cour de rejeter intégralement les pourvois contre l’arrêt attaqué et de condamner Maxcom, la Commission et le Conseil aux dépens. À titre subsidiaire, dans le cas où la Cour devrait annuler l’arrêt attaqué, Chin Haur demande à la Cour de statuer sur son recours en première instance, d’accueillir les deux griefs restant de la seconde branche du premier moyen qu’elle a soulevé devant le Tribunal et d’annuler partiellement l’article 1er, paragraphes 1 et 3, du règlement
litigieux dans la mesure où ces dispositions étendent le droit antidumping institué sur les importations de bicyclettes originaires de Chine à Chin Haur et rejettent la demande d’exemption de Chin Haur.
V – Analyse
29. Maxcom soulève deux moyens à l’encontre de l’arrêt attaqué, le premier à titre principal et le second à titre subsidiaire, la Commission en soulève trois et le Conseil, à son tour, en soulève deux. Les moyens invoqués dans les trois pourvois se recoupent dans une large mesure et peuvent, en substance, être rassemblés en trois groupes.
30. Premièrement, Maxcom, la Commission et le Conseil font valoir que le Tribunal a commis différentes erreurs de droit dans l’application de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base ( 21 ). Deuxièmement, la Commission et le Conseil allèguent que l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motivation et d’une motivation contradictoire ; dans le même contexte, le Conseil fait également valoir que le Tribunal aurait dénaturé les faits ( 22 ). Troisièmement, la Commission soutient que le
Tribunal a violé ses droits procéduraux ( 23 ).
A – Sur les moyens tirés d’une application erronée de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base
1. Argumentation des parties
31. Dans un premier groupe de moyens, Maxcom, la Commission et le Conseil soutiennent, en substance, que le raisonnement contenu aux points 95 à 105 de l’arrêt attaqué, sur la base duquel le Tribunal a annulé le règlement litigieux, est entaché de différentes erreurs de droit dans l’application de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base.
32. En premier lieu, Maxcom reproche au Tribunal d’avoir fait une application manifestement erronée de ladite disposition, en considérant que le Conseil ne pouvait pas conclure, sur la base des éléments dont il disposait, que Chin Haur avait été impliquée dans des opérations de réexpédition.
33. Selon Maxcom, premièrement, le raisonnement du Tribunal ne tiendrait pas compte du fait qu’il est constant que Chin Haur a importé des pièces de bicyclette d’un producteur chinois qui était lié à Chin Haur elle-même et qu’elle a exporté des bicyclettes vers l’Union. Dans ces conditions, le Tribunal, ayant constaté que Chin Haur n’avait pas pu établir qu’elle était un véritable producteur indonésien de bicyclettes ou qu’elle effectuait des opérations d’assemblage ne dépassant pas les seuils fixés
à l’article 13, paragraphe 2, du règlement de base, aurait dû qualifier de réexpédition les activités d’import-export de Chin Haur.
34. Deuxièmement, selon Maxcom, les éléments sur lesquels le Tribunal s’est fondé, aux points 95 à 102 de l’arrêt attaqué, pour conclure que le Conseil ne disposait pas de suffisamment d’indices pour constater que Chin Haur n’était pas impliquée dans des opérations de réexpédition, seraient dépourvus de pertinence. En l’espèce, la question essentielle serait le défaut de coopération de Chin Haur qui aurait empêché la Commission de se faire une image complète des activités de cette société de sorte
que les constats la concernant ont dû être faits sur la base de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base. L’arrêt attaqué récompenserait Chin Haur pour son défaut de coopération et serait contraire tant à la finalité du règlement de base qu’à la jurisprudence. D’ailleurs, les institutions ne seraient pas tenues de prouver spécifiquement l’existence de pratiques précises de contournement. Elles devraient prouver seulement que la modification des échanges découle d’opérations de
contournement. Il s’ensuivrait que l’annulation du règlement litigieux en raison du fait que les institutions ne disposaient pas de suffisamment de preuve pour constater l’existence de pratiques de réexpédition constituerait une erreur manifeste de droit.
35. En deuxième lieu, la Commission et le Conseil soutiennent que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal partirait de la prémisse implicite que l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base exige que les institutions démontrent que chaque producteur/exportateur dans le pays faisant l’objet de l’enquête se livre à des pratiques de réexpédition. Une telle interprétation serait erronée. Premièrement, elle irait à l’encontre de l’obligation d’apprécier les conditions énoncées à l’article 13,
paragraphe 1, du règlement de base au niveau du pays, et non pas au niveau des exportateurs individuels. Deuxièmement, elle rendrait l’article 13, paragraphe 4, du règlement de base dépourvu de tout objet. Troisièmement, elle confondrait la notion de «pratique de contournement» avec une de ses manifestations, à savoir la réexpédition. Or, les institutions ne seraient pas tenues de prouver spécifiquement l’existence de pratiques précises de contournement. Quatrièmement, le Tribunal aurait adopté
des interprétations contradictoires de la notion de pratique de contournement dans l’évaluation des différents moyens.
36. En troisième lieu, Maxcom, la Commission et le Conseil soutiennent que, même si le Conseil avait commis une erreur en constatant que Chin Haur était impliquée dans des opérations de réexpédition, ce constat n’aurait pas été suffisant, à lui seul, pour annuler le règlement litigieux. En effet, le constat de l’existence de pratiques de réexpédition via l’Indonésie, établi au considérant 64 du règlement litigieux, ne se fonderait pas uniquement sur le constat concernant Chin Haur, mais également
sur le fait, d’une part, que des producteurs représentant 9 % des exportations de l’Indonésie vers l’Union n’avaient pas du tout coopéré à l’enquête et, d’autre part, qu’aucune coopération n’avait finalement été obtenue de Chin Haur qui représentait 42 % desdites exportations. Dès lors, même en cas d’erreur au regard des réexpéditions de Chin Haur, le Conseil aurait pu conclure que des réexpéditions avaient eu lieu via l’Indonésie, et cela, comme requis par la jurisprudence, sur la base d’un
faisceau d’indices concordants, relatifs aux autres producteurs/exportateurs indonésiens, fondés sur les données disponibles.
37. Chin Haur conteste tous les arguments des requérants aux pourvois. À titre liminaire, elle soutient que les arguments visant la conclusion du Tribunal selon laquelle il n’y avait pas de preuve suffisante de l’existence d’opérations de réexpédition de Chin Haur portent sur l’appréciation des faits et sont donc irrecevables. Ensuite, selon Chin Haur, en premier lieu, la problématique en cause porte fondamentalement sur la charge de la preuve de l’existence d’un contournement et, notamment, des
réexpéditions. Le Tribunal se serait borné à affirmer que cette charge repose sur les institutions et que, en l’espèce, celles-ci ne l’ont pas satisfaite. La distinction entre l’appréciation du contournement au niveau du pays et au niveau de l’exportateur individuel ne serait pas étayée par le libellé du règlement de base et serait dépourvue de pertinence en l’espèce, car le Conseil aurait lui-même fusionné les deux critères dans le règlement litigieux. En outre, à aucun moment le Tribunal ne
soutiendrait que les institutions doivent établir positivement que chaque producteur/exportateur individuel se livre à des opérations de réexpédition. Les requérants aux pourvois entretiendraient une confusion entre la charge de la preuve, qui repose sur les institutions, et le niveau de preuve requis, qui peut être réduit en cas de défaut de coopération, conformément à l’article 18 du règlement de base. Cependant, contrairement à la situation à l’origine de l’affaire Simon, Evers & Co. ( 24 ),
en l’espèce, d’une part, les institutions ne disposaient d’aucun faisceau d’indices concordants concernant l’existence de réexpéditions et, d’autre part, certaines entreprises avaient coopéré à l’enquête.
38. En deuxième lieu, en ce qui concerne le grief tiré de ce que les constats du Tribunal n’auraient pas été suffisants pour annuler le règlement litigieux, Chin Haur soutient que, dans ce règlement, le Conseil n’aurait nullement constaté que d’autres producteurs indonésiens qu’elle-même se livraient à des opérations de réexpédition. Le seul constat figurant dans le règlement litigieux serait que certains de ces producteurs, représentant une petite part de la production totale, n’avaient pas
coopéré. Or, au regard de la jurisprudence de la Cour, rien n’autoriserait les institutions à se contenter de déduire l’existence de réexpéditions du simple défaut de coopération de producteurs-exportateurs individuels.
2. Appréciation
a) Sur la recevabilité
39. En ce qui concerne le grief tiré de l’irrecevabilité avancé à titre liminaire par Chin Haur (voir point 37 des présentes conclusions), il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits et, en principe, pour examiner les preuves qu’il retient à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit ainsi que les règles de procédure applicables en matière de
charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour. Toutefois, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la
qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal ( 25 ).
40. Dès lors, en ce que les requérants aux pourvois contestent les appréciations des éléments de fait effectuées par le Tribunal, y compris celles figurant aux points 96 à 102 de l’arrêt attaqué, leurs griefs doivent être considérés comme étant irrecevables.
41. Toutefois, force est de constater que, ainsi que l’a relevé Chin Haur elle‑même, dans le cadre des griefs tirés d’erreurs dans l’application de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, les présents pourvois soulèvent, en substance, des questions concernant la charge et le niveau de preuve requis pour établir l’existence d’un contournement. Ainsi, en ce que lesdits griefs ne visent pas la constatation des faits et l’examen des preuves opérés par le Tribunal, mais portent sur la
méconnaissance des règles applicables en matière de preuve, laquelle, selon la jurisprudence, constitue une question de droit ( 26 ), ces griefs doivent être considérés comme étant recevables.
b) La réglementation de l’Union en matière de contournement à la lumière de la jurisprudence
42. Avant d’examiner les griefs tirés de la violation de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, il convient d’analyser la réglementation de l’Union en matière de contournement à la lumière de la jurisprudence pertinente. Cette réglementation vise à assurer l’efficacité des mesures antidumping instituées et à éviter qu’elles soient contournées ( 27 ).
43. Il ressort de la définition contenue à l’article 13, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement de base, mentionnée au point 6 des présentes conclusions, que, afin que soit établie l’existence d’un contournement, quatre conditions doivent être remplies : i) il doit y avoir une modification de la configuration des échanges entre le pays tiers en cause et l’Union, ii) cette modification doit découler de pratiques, d’opérations ou d’ouvraisons pour lesquelles il n’existe pas de motivation
suffisante ou de justification économique autre que l’imposition du droit, iii) il doit y avoir la preuve de l’existence d’un préjudice, et iv) il doit y avoir la preuve de l’existence d’un dumping. Dans les présents pourvois, seul le deuxième de ces éléments constitutifs d’un contournement fait l’objet de contestation, l’existence des trois autres éléments ayant été définitivement constatée.
44. Dans son arrêt Simon, Evers & Co. ( 28 ), la Cour a relevé que ladite définition du contournement est formulée en des termes très généraux qui laissent une large marge de manœuvre aux institutions ( 29 ). La reconnaissance de cette marge de manœuvre est d’ailleurs cohérente avec le large pouvoir d’appréciation dont, selon la jurisprudence constante, disposent en général les institutions dans le domaine de la politique commerciale commune, tout particulièrement en matière de mesures de défense
commerciale, en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner ( 30 ). Elle implique, de surcroît, que le contrôle juridictionnel soit limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir ( 31 ).
45. Toujours dans l’arrêt Simon, Evers & Co. ( 32 ), la Cour a également indiqué qu’il ressort du règlement de base, particulièrement de l’article 13, paragraphe 3, de celui-ci, que la charge de la preuve de l’existence d’un contournement incombe aux institutions ( 33 ). Lorsque les institutions décident d’étendre à un autre pays les droits antidumping qu’elles ont institués sur les importations en provenance d’un certain pays, elles ont la charge d’établir que tous les éléments constitutifs d’un
contournement de ces droits, tels qu’indiqués à l’article 13, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement de base, sont réunis ( 34 ).
46. Une fois que les institutions ont prouvé que les quatre conditions sont satisfaites et que, par conséquent, est établie l’existence d’un contournement en relation avec le pays en cause dans l’enquête, les droits antidumping précédemment institués sont étendus à l’ensemble des importations en provenance de ce pays.
47. Un producteur/exportateur du produit concerné originaire de ce pays peut, aux termes de l’article 13, paragraphe 4, du règlement de base, se voir accorder une exemption individuelle des droits anticontournement ainsi institués s’il a présenté, dans les délais fixés, une demande d’exemption, dûment étayée par des éléments de preuve, et ‐ dans le cas où les pratiques de contournement interviennent en dehors de l’Union ‐ lorsque deux conditions sont remplies : premièrement, s’il est à même de
démontrer qu’il n’est pas lié à un producteur soumis aux mesures et, deuxièmement, s’il a été constaté que ce producteur ne s’adonne pas à des pratiques de contournement ( 35 ).
48. Il ressort ainsi de la logique et de l’économie de la réglementation de l’Union en matière de contournement que l’analyse visant à vérifier que les quatre conditions prévues à l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base sont satisfaites vise à prouver l’existence d’un contournement des droits antidumping au niveau du pays en cause dans l’enquête anticontournement. En revanche, la situation spécifique des producteurs/exportateurs individuels est prise en considération dans le cadre de
l’analyse aux termes de l’article 13, paragraphe 4, du règlement de base. Cette structure de la réglementation anticontournement n’empêche cependant pas que, comme c’était le cas en l’espèce, des constatations concernant un ou plusieurs producteurs/exportateurs individuels puissent être utilisées pour étayer des conclusions relatives à l’existence des éléments constitutifs d’un contournement, notamment à l’existence de pratiques de contournement, aux termes de l’article 13, paragraphe 1, du
règlement de base ( 36 ).
49. Dans sa jurisprudence, en particulier dans les arrêts Simon, Evers & Co. ( 37 ) et APEX ( 38 ), la Cour a également fourni des indications en ce qui concerne le niveau de la preuve requis pour établir l’existence des éléments constitutifs d’un contournement aux termes de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base. À cet égard, la Cour a mis en exergue que, dans le cadre d’une enquête sur l’existence d’un contournement, les institutions ne disposent pas du pouvoir de contraindre les
producteurs/exportateurs visés à participer à l’enquête ou à produire des renseignements. Elles sont donc tributaires de la coopération volontaire des parties intéressées pour leur fournir les informations nécessaires. C’est la raison pour laquelle le règlement de base a prévu, à son article 18, paragraphes 1 et 6, que, en cas de défaut de coopération, la Commission peut, d’une part, établir des conclusions « sur la base des données disponibles » et, d’autre part, faire résulter pour la partie
qui ne coopère pas ou ne coopère que partiellement « une situation moins favorable que si elle avait coopéré» ( 39 ).
50. La Cour en a explicitement déduit que, en cas de défaut de coopération, les paragraphes 1 et 6 de l’article 18 du règlement de base visent nettement à assouplir la charge de la preuve d’un contournement incombant aux institutions ( 40 ).
51. La Cour a précisé que le législateur de l’Union n’a pas entendu établir une présomption légale permettant de déduire directement du défaut de coopération des parties intéressées ou concernées l’existence d’un contournement et, partant, dispensant les institutions de toute exigence de preuve ( 41 ).
52. Toutefois, compte tenu de la possibilité d’établir des conclusions, même définitives, sur la base des données disponibles et de traiter la partie qui ne coopère pas ou qui ne coopère que partiellement de façon moins favorable que si elle avait coopéré, la Cour a indiqué que, en cas de défaut total de coopération, les institutions sont autorisées à se fonder sur un faisceau d’indices concordants permettant de conclure à l’existence d’un contournement, au sens de l’article 13, paragraphe 1, du
règlement de base ( 42 ).
53. Cet assouplissement de la charge de la preuve trouve sa raison d’être dans la nécessité d’éviter de compromettre l’efficacité des mesures de défense commerciale de l’Union toutes les fois que les institutions sont confrontées au refus de coopération dans le cadre d’une enquête visant à établir un contournement ( 43 ).
54. À cet égard, il convient toutefois de relever que les arrêts Simon, Evers & Co. et APEX concernaient des enquêtes anticontournement caractérisées par un défaut de coopération de la part de l’ensemble des parties intéressées ( 44 ). En revanche, l’enquête en cause dans les présentes affaires se différencie en ce que, ainsi qu’il ressort du point 14 des présentes conclusions, certaines entreprises intéressées ont coopéré et que, à leur égard, il a été constaté qu’elles ne se livraient pas à des
pratiques de contournement. Dans ces conditions, se pose la question de savoir dans quelle mesure les principes jurisprudentiels, exposés dans les deux arrêts précités quant au niveau de la preuve qui est requis pour établir l’existence d’un contournement, sont transposables à un cas caractérisé par un contexte factuel différent.
c) Sur les griefs tirés de la violation de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base
i) Observations liminaires
55. Comme il a déjà été relevé, les griefs tirés de la violation de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base remettent en cause l’analyse concernant uniquement le deuxième élément constitutif d’un contournement, tel qu’indiqué aux points 6 et 43 des présentes conclusions, à savoir l’exigence que la modification de la configuration des échanges découle de pratiques de contournement pour lesquelles il n’existe pas de motivation suffisante ou de justification économique autre que l’imposition
du droit antidumping. Toutefois, avant d’analyser ces griefs, trois considérations de nature liminaire s’imposent.
56. Premièrement, je relève que, ainsi qu’il ressort du point 16 des présentes conclusions, la conclusion du Conseil relative à l’existence de pratiques de réexpédition de bicyclettes chinoises via l’Indonésie (considérant 64 du règlement litigieux) se fonde sur trois éléments, parmi lesquels figure le constat selon lequel Chin Haur était impliquée dans des opérations de réexpédition (constat effectué au considérant 62 du règlement litigieux).
57. Dans ces conditions, force est de constater que, dans ledit règlement, le constat concernant un producteur individuel (Chin Haur) constitue un des éléments sur lesquels se fonde la conclusion de l’existence de pratiques de contournement au niveau du pays (l’Indonésie). En d’autres termes, comme l’a correctement mis en exergue Chin Haur, dans ce règlement, le Conseil, afin de prouver l’existence du deuxième élément constitutif d’un contournement, a procédé à une sorte de « fusion » entre
l’analyse au niveau du pays et celle au niveau individuel, mentionnées au point 48 des présentes conclusions.
58. Deuxièmement, ainsi qu’il ressort des points 24 à 26 des présentes conclusions, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé partiellement le règlement litigieux « pour autant qu’il concerne » Chin Haur en accueillant son premier moyen et en considérant insuffisamment prouvé le constat qui concernait cette société, figurant au considérant 62 du règlement litigieux ( 45 ).
59. Aux points pertinents de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’indique pas explicitement les dispositions du règlement de base que, à son avis, le Conseil a violées. Cependant, dès lors que le premier moyen du recours introduit devant lui était tiré de la violation de l’article 13, paragraphe 1, et de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, il est évident que le Tribunal a annulé le règlement litigieux en raison de la violation de ces deux dispositions.
60. Or, une annulation fondée sur la violation de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base suppose que le constat concernant l’existence de l’un des éléments constitutifs d’un contournement, tels que prévus dans cette disposition, soit erroné. Il s’ensuit que, dans l’arrêt attaqué, même s’il ne l’a pas affirmé explicitement, le Tribunal a considéré que la conclusion retenue dans le règlement litigieux concernant le deuxième élément constitutif du contournement était erronée.
61. Dans le règlement litigieux, la conclusion concernant l’existence de ce deuxième élément constitutif, spécifiquement la conclusion concernant l’existence de pratiques de contournement au niveau de l’Indonésie, est contenue au considérant 64 du règlement litigieux. Le Tribunal a toutefois relevé une erreur au regard du constat concernant l’implication de Chin Haur dans des opérations de réexpédition (constat figurant au considérant 62 du règlement litigieux).
62. Dans ces conditions, ayant fondé l’annulation du règlement litigieux sur la violation de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, le Tribunal a nécessairement considéré, de manière implicite, que l’erreur relevée au regard du constat concernant Chin Haur a irrémédiablement invalidé la conclusion relative au deuxième élément constitutif du contournement, spécifiquement la conclusion relative à l’existence de pratiques de contournement via l’Indonésie. En d’autres termes, le Tribunal a
considéré que l’erreur constatée au regard du considérant 62 du règlement litigieux a « fait tomber » la conclusion générale contenue au considérant 64 du même règlement.
63. Troisièmement, il est constant que Chin Haur a communiqué des informations invérifiables et non fiables et que, par conséquent, elle a été considérée à bon droit comme n’ayant pas coopéré véritablement à l’enquête. Ainsi, les conclusions la concernant ont été fondées à bon droit, dans le règlement litigieux, sur les données disponibles, conformément à l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base ( 46 ).
ii) Sur les griefs relatifs aux conclusions du Tribunal concernant l’implication de Chin Haur dans des opérations de réexpédition
64. Il convient, d’emblée, d’aborder l’argumentation des requérants aux pourvois selon laquelle le Tribunal, aux points 95 à 105 de l’arrêt attaqué, a fait une application erronée de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base.
65. Auxdits points de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, sur la base des éléments présents au dossier, le Conseil ne disposait pas de suffisamment d’indices pour conclure, au considérant 62 du règlement attaqué, que Chin Haur ne disposait pas de capacités de production suffisantes, au vu des volumes exportés vers l’Union ni, partant, qu’elle était impliquée dans des opérations de réexpédition. Pour arriver à cette conclusion, le Tribunal, premièrement aux points 96 à 101 dudit arrêt, a
analysé les constats opérés par les agents de la Commission lors de la visite de vérification dans le locaux de Chin Haur et a conclu qu’aucun de ces constats, individuellement ou pris ensemble, ne pointait de manière convaincante vers l’existence de réexpéditions. Deuxièmement, au point 102 dudit arrêt, le Tribunal a relevé, d’une part, que la plupart des constats tirés du rapport de mission des agents de la Commission sur lequel s’était fondé le Conseil étaient contestés par Chin Haur et,
d’autre part, que d’autres photos auxquelles le Conseil avait fait référence ne donnaient aucune indication au regard de l’existence d’opérations de réexpédition. Troisièmement, au point 103 du même arrêt, après avoir relevé que le Conseil avait fondé son raisonnement également sur le fait que Chin Haur était restée en défaut de démontrer qu’elle était bien un producteur indonésien de bicyclettes ou qu’elle répondait aux critères prévus à l’article 13, paragraphe 2, du règlement de base, le
Tribunal a considéré qu’il ne saurait découler de ce constat, en soi, que Chin Haur était engagée dans des opérations de réexpédition.
– Sur l’objet et le niveau de la preuve requis dans le cas de non-coopération à l’enquête anticontournement de la part d’une partie des producteurs/exportateurs concernés
66. L’argumentation des requérants aux pourvois soulève d’abord la question de savoir ce que les institutions doivent prouver et quel niveau de la preuve elles doivent satisfaire pour pouvoir conclure à l’existence du deuxième élément constitutif d’un contournement, tel qu’identifié aux points 43 et 55 des présentes conclusions, dans une enquête caractérisée par un défaut de coopération non pas de l’ensemble des producteurs-exportateurs concernés, mais uniquement de certains d’entre eux.
67. Plus spécifiquement, les institutions sont-elles tenues de rapporter la preuve de pratiques précises de contournement ‐ telles que celles mentionnées, à titre non exhaustif, à l’article 13, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de base ‐ ou peuvent-elles se contenter de prouver, sur la base d’un faisceau d’indices concordants, que la modification de la configuration des échanges découle des pratiques de contournement, sans toutefois devoir démontrer l’existence de pratiques précises ?
68. À cet égard, premièrement, il a déjà été relevé ( 47 ) que, lorsqu’elles décident d’imposer des droits anticontournement, les institutions sont tenues de prouver l’existence de chacun des quatre éléments constitutifs d’un contournement. Elles ne peuvent donc pas se borner à prouver la simple existence d’une modification de la configuration des échanges, mais elles doivent établir à suffisance de droit que, selon les termes utilisés à l’article, 13, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement de
base, cette modification découle de pratiques (opérations ou ouvraisons) de contournement pour lesquelles il n’existe pas de justification autre que l’imposition du droit.
69. Deuxièmement, en ce qui concerne le niveau de la preuve, j’estime que la raison d’être de l’interprétation retenue par la Cour dans les arrêts Simon, Evers & Co. et APEX dans les cas de défaut total de coopération, à savoir l’exigence de ne pas compromettre l’efficacité des mesures de défense commerciale de l’Union ( 48 ), est tout à fait valable également dans un cas, tel que celui de l’espèce, dans lequel les entreprises qui n’ont pas coopéré à l’enquête représentent une proportion majoritaire
des importations du produit concerné dans l’Union ( 49 ). Ainsi, dans un cas où le niveau de non-coopération est si élevé, j’estime que les institutions sont autorisées à se fonder sur un faisceau d’indices concordants pour pouvoir prouver à suffisance de droit l’existence des éléments constitutifs d’un contournement et, plus spécifiquement, pour établir que la modification de la configuration des échanges découle de pratiques de contournement. Certes, dans un tel cas, elles ne peuvent pas
ignorer, pour arriver à leur conclusion, qu’il a été constaté qu’une partie, plus ou moins importante, des producteurs/exportateurs ne se livrait pas à de telles pratiques.
70. Troisièmement, en ce qui concerne la question de savoir si les institutions doivent démontrer l’existence de pratiques spécifiques de contournement, je crois que l’arrêt Simon, Evers & Co. peut fournir quelques indications pertinentes. En effet, dans cet arrêt, qui, comme il a été relevé, concernait un cas de défaut total de coopération, la Cour, dans le cadre de l’analyse du deuxième élément constitutif du contournement, a confirmé la validité de la conclusion positive contenue dans le
règlement en cause, en se fondant, entre autres, sur le constat que, parmi les indices concordants qui avaient étayé cette conclusion, le Conseil disposait d’indices semblant indiquer l’existence de certaines pratiques de contournement ( 50 ).
71. Il s’ensuit que, dans un cas de défaut total de coopération, en présence d’un faisceau d’indices concordant allant dans le sens que la modification de la configuration des échanges découle de pratique de contournement, s’il n’est pas nécessaire que les institutions prouvent l’existence de pratiques de contournement spécifiques, elles doivent, cependant, du moins, disposer de quelques éléments semblant indiquer l’existence de telles pratiques. Pour les raisons exposées au point 69 des présentes
conclusions, j’estime qu’une telle approche peut s’appliquer à un cas tel que celui de l’espèce caractérisé par un défaut de coopération à l’enquête de la part de producteurs/exportateurs représentant une proportion majoritaire des importations du produit concerné.
72. Or, en l’espèce, il ne ressort ni du règlement litigieux ni du dossier que, exception faite du constat de l’implication de Chin Haur dans des opérations de réexpédition, lesdites institutions aient disposé d’autres éléments semblant indiquer l’existence de pratiques de contournement.
73. En outre, et en tout état de cause, j’estime que dans le cas où, comme en l’espèce, les institutions décident de fonder leur conclusion concernant le deuxième élément constitutif du contournement sur l’existence de pratiques spécifiques, il leur revient d’étayer à suffisance de droit leurs conclusions.
74. Dans ces conditions, la question concernant le bien-fondé du constat du Conseil concernant l’implication de Chin Haur dans des pratiques de réexpédition est décisive, en l’espèce, pour vérifier la légalité de la conclusion que cette institution a tirée quant au deuxième élément constitutif d’un contournement ( 51 ).
– Sur la preuve de l’implication de Chin Haur dans des opérations de réexpédition
75. Lorsque les institutions, comme en l’espèce, entendent fonder leurs conclusions relatives au deuxième élément constitutif d’un contournement – qui, comme il a été relevé, doit être prouvé au niveau du pays ‐ sur des constats concernant l’implication d’un exportateur/producteur individuel dans des pratiques de contournement, il ressort de la jurisprudence mentionnée au point 45 des présentes conclusions que la charge de prouver ces constats leur incombe ( 52 ).
76. Toutefois, aux termes de l’article 18, paragraphes 1 et 6, du règlement de base, en cas de défaut de coopération, les institutions peuvent fonder leurs conclusions sur les données disponibles. Dans un tel cas, ainsi qu’il découle de la jurisprudence mentionnée aux points 49 à 52 des présentes conclusions, la charge de la preuve leur incombant est nettement assouplie et elles sont autorisées à fonder leurs conclusions sur un faisceau d’indices concordants.
77. À cet égard, je relève que, dans les arrêts Simon, Evers & Co. et APEX, la Cour a retenu cette interprétation de l’article 18, paragraphes 1 et 6, en référence à l’existence d’un contournement en général ( 53 ). En outre, dans l’arrêt Simon, Evers & Co., elle l’a appliqueé in concreto aux éléments constitutifs d’un contournement et, notamment, au deuxième de ces éléments ( 54 ). En revanche, elle ne l’a jamais appliquée aux constats relatifs à une entreprise prise individuellement.
78. Cependant, à la lumière de la teneur même des dispositions des paragraphes 1 et 6 de l’article 18 du règlement de base, qui se réfèrent à une « partie intéressée » prise au singulier, j’estime que ladite interprétation est applicable aux constatations que les institutions sont amenées à faire dans le cadre d’une enquête anticontournement en ce qui concerne une entreprise individuelle qui n’a pas coopérée à cette enquête.
79. Il s’ensuit que, en l’espèce, en raison du manque de coopération de Chin Haur, les institutions étaient assujetties à une charge de la preuve assouplie et pouvaient se fonder sur un faisceau d’indices concordants pour étayer à suffisance de droit leurs conclusions concernant l’implication de cette entreprise dans des pratiques de contournement.
80. Force est toutefois de constater que, dans l’analyse détaillée qu’il a effectuée, aux points 95 à 105 de l’arrêt attaqué, des éléments dont disposait le Conseil pour conclure, au considérant 62 du règlement litigieux, à l’implication de Chin Haur dans des opérations de réexpédition, le Tribunal n’a véritablement pas pris en compte les conséquences juridiques découlant du fait que, lors de l’enquête, il avait été constaté que Chin Haur n’avait pas coopéré. Il s’agissait pourtant, ainsi que l’a
fait valoir Maxcom, d’un élément essentiel de l’analyse, par ailleurs confirmé en fait par le Tribunal lui-même. Ce manque de coopération avait, en effet, une incidence fondamentale sur le niveau de la preuve que devait satisfaire le Conseil pour étayer à suffisance de droit ses conclusions concernant Chin Haur, conclusions qui, à leur tour, étayaient la conclusion générale concernant l’existence de pratiques de contournement en Indonésie.
81. À la lecture des points pertinents de l’arrêt attaqué on s’aperçoit, en revanche, que, bien qu’il ait utilisé le terme « indice », le Tribunal, en réalité, a exigé du Conseil l’application d’un critère de preuve plutôt strict. Cela ressort de manière évidente lorsque le Tribunal affirme que le Conseil aurait dû « démontrer l’existence de réexpéditions » de la part de Chin Haur sur la base d’éléments pointant « de manière convaincante » vers cette existence ( 55 ).
82. Dans les points pertinents de l’arrêt attaqué, les conséquences du défaut de coopération de Chin Haur sont mentionnées seulement au point 103 dans lequel le Tribunal a conclu que le fait que Chin Haur était restée en défaut de fournir les preuves à même de démontrer qu’elle était bien un producteur indonésien ou qu’elle répondait aux critères prévus à l’article 13, paragraphe 2, du règlement de base ne prouvait pas, en soi, qu’elle était engagée dans des opérations de réexpédition. Si, certes,
le défaut de coopération ne peut fonder en soi une présomption de contournement ( 56 ), c’est, toutefois, justement en raison du défaut de coopération de Chin Haur lors de l’enquête que les institutions ont été empêchées de déterminer avec certitude qu’elle était engagée dans de véritables activités de production de bicyclettes.
83. Or, le constat qu’une entreprise constitue un producteur véritable du produit qu’elle exporte est évidemment une condition nécessaire et préalable à une éventuelle conclusion que ses exportations ne sont pas le résultat de pratiques de contournement. Au contraire, le fait qu’il ne soit pas possible d’établir que cette entreprise n’est pas un vrai producteur constitue un indice du fait que les produits qu’elle exporte ne sont pas le résultat d’une véritable activité de production.
84. Dans ces conditions, j’estime que le Tribunal a commis une erreur dans l’application de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base en ne considérant pas véritablement les conséquences juridiques découlant du défaut de coopération de Chin Haur à l’enquête dans l’analyse qui l’a amené à conclure que le Conseil ne disposait pas de suffisamment d’indices pour justifier que Chin Haur était impliquée dans des pratiques de réexpéditions. Cette erreur s’est répercutée sur le constat, implicite (
57 ), effectué par le Tribunal, qui a justifié l’annulation du règlement litigieux, selon lequel, en raison de cette insuffisance, la conclusion, énoncée au considérant 64 du règlement litigieux, concernant l’existence de pratiques de réexpédition de produits d’origine chinoise vers l’Indonésie était erronée. Il s’ensuit que l’arrêt attaqué doit, à mon avis, être annulé.
iii) Sur les autres griefs avancés dans le cadre des moyens tirés d’une application erronée de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base
85. Par souci d’exhaustivité, j’effectue les quelques considérations qui suivent également au regard des autres griefs soulevés dans le cadre des moyens tirés d’une application erronée de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base.
86. S’agissant des griefs avancés par les institutions selon lesquels l’approche retenue par le Tribunal aurait pour conséquence qu’elles sont tenues de démontrer que chaque producteur/exportateur dans le pays faisant l’objet de l’enquête se livre à des pratiques de réexpédition, j’estime qu’ils se fondent sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué et du règlement litigieux. Chin Haur a, à mon avis, raison lorsqu’elle affirme que dans aucun point de cet arrêt le Tribunal a considéré que les
institutions doivent établir positivement que chaque producteur/exportateur individuel se livre à des opérations de réexpédition. Ainsi que je l’ai relevé aux points 56 et 57 des présentes conclusions ( 58 ), en l’espèce, c’est le Conseil lui-même qui a opéré une fusion entre l’analyse au niveau du pays et celle au niveau individuel en utilisant les constats concernant un producteur/exportateur individuel pour étayer ses conclusions au niveau du pays. Il s’ensuit que tous les griefs des
institutions fondés sur cette prémisse doivent être rejetés ( 59 ).
87. S’agissant des griefs contestant le caractère suffisant des conclusions du Tribunal pour annuler le règlement litigieux, ils doivent à mon avis également être rejetés. En effet, si, ainsi que l’a considéré le Tribunal dans l’arrêt attaqué, le constat relatif à l’implication de Chin Haur dans des pratiques de réexpédition était erroné ou non suffisamment étayé, alors le constat de l’existence d’opérations de contournement au niveau de l’Indonésie se fonderait exclusivement sur les deux éléments
restant mentionnés au considérant 64 du règlement litigieux. Or, le premier de ces deux éléments restant, à savoir l’existence de la modification de la configuration des échanges, constitue le premier des éléments constitutifs d’un contournement. Il ne saurait donc, en tant que tel, être considéré comme un indice de l’existence du deuxième de ces éléments constitutifs, les institutions devant les prouver tous ( 60 ). En ce qui concerne le second de ces deux éléments restant, à savoir le défaut
de coopération des producteurs/exportateurs représentant 9 % des exportations vers l’Union, il ressort de la jurisprudence mentionnée au point 51 des présentes conclusions que le défaut de coopération en tant que tel ne peut pas faire présumer l’existence d’un contournement. Partant, il ne saurait constituer, en tant que tel, un indice du deuxième élément constitutif d’un contournement.
88. Il s’ensuit que, contrairement à ce que font valoir les requérants aux pourvois, en l’espèce, si le Tribunal avait eu raison de considérer le constat concernant Chin Haur comme étant erroné, cela aurait pu justifier l’annulation du règlement litigieux.
B – Sur les moyens tirés d’un défaut de motivation, d’une motivation contradictoire et d’une dénaturation des faits
1. Argumentation des parties
89. Dans un deuxième groupe de moyens, les institutions mettent en cause la motivation de l’arrêt attaqué. Le Conseil fait également valoir une dénaturation des faits.
90. En premier lieu, les institutions font valoir que l’arrêt attaqué n’explique pas pourquoi le Conseil aurait violé l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base. Premièrement, l’arrêt attaqué n’indiquerait pas si l’erreur commise par le Conseil est une simple erreur d’appréciation ou une erreur manifeste d’appréciation. Deuxièmement, le Tribunal n’expliquerait pas pourquoi il s’appuie sur le fait que Chin Haur ne disposait pas des capacités de production suffisantes alors que le considérant 62
du règlement litigieux évoque le fait que la société ne disposait pas des équipements suffisants. Troisièmement, le Tribunal aurait fondé sa conclusion relative au défaut de preuves suffisantes concernant les pratiques de réexpédition sur son analyse de la visite de vérification, en omettant toutefois de motiver pourquoi le Conseil ne disposait pas des preuves suffisantes pour établir la présence de pratiques de réexpédition sur la base des informations écrites présentées par Chin Haur avant
cette visite.
91. En second lieu, la Commission considère que la motivation de l’arrêt attaqué est contradictoire. À cet égard, premièrement, la Commission se demande, à la lumière du point 94 de l’arrêt attaqué, comment les éléments de preuve soumis par Chin Haur pourraient ne pas démontrer qu’elle était également impliquée dans des opérations de réexpédition, s’ils indiquent qu’elle se livrait à un contournement par le biais de pratiques d’assemblage. Deuxièmement, la Commission reproche au Tribunal de se
contredire en affirmant, d’une part, que le seul élément de preuve dont disposait le Conseil était le rapport relatif à la visite de vérification et, d’autre part, au point 138 de l’arrêt attaqué, qu’un vaste corpus de données disponibles permettait de conclure à l’existence d’un contournement par Chin Haur.
92. Le Conseil fait valoir, à titre subsidiaire, que le Tribunal aurait dénaturé les faits établis. Étant donné que la réexpédition a été dûment démontrée au niveau du pays et que la demande d’exemption de Chin Haur était non fondée, la seule conclusion que le Tribunal aurait pu tirer des faits disponibles était que Chin Haur se livrait à des opérations de réexpédition.
93. Chin Haur conteste les arguments de la Commission.
2. Appréciation
94. En ce qui concerne, en premier lieu, les griefs tirés du défaut de motivation, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d’un arrêt doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel. L’obligation de motivation qui incombe au Tribunal conformément aux articles 36 et 53, premier alinéa, du
statut de la Cour de justice de l’Union européenne est satisfaite lorsque, même en étant implicite, la motivation retenue permet aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle ( 61 ).
95. Or, il ressort des points 58 à 62 des présentes conclusions que, même si dans l’arrêt attaqué le Tribunal n’a pas développé de manière détaillée le raisonnement qui l’a amené à conclure à l’annulation partielle du règlement litigieux « pour autant qu’il concerne » Chin Haur, ce raisonnement peut être déduit de manière non équivoque dudit arrêt, ce qui permet à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel. De ce point de vue, l’arrêt attaqué ne peut donc pas être considéré, à mon avis, comme
étant entaché d’un défaut de motivation.
96. Quant aux autres griefs, premièrement, celui tiré de ce que l’arrêt attaqué serait entaché d’un défaut de motivation en ce qu’il n’explique pas si l’erreur commise par le Conseil est une simple erreur d’appréciation ou une erreur manifeste d’appréciation ne saurait selon moi prospérer. En effet, même s’il est certainement souhaitable que le Tribunal dans ses arrêts indique le critère de contrôle juridictionnel qu’il applique, un arrêt ne saurait être considéré comme étant entaché d’un défaut de
motivation en raison du seul fait que le Tribunal n’y indique pas explicitement le critère de contrôle juridictionnel qu’il a appliqué. Or, les institutions n’ayant pas contesté au fond l’application d’un critère de contrôle juridictionnel erroné, mais ayant limité leurs griefs au défaut de motivation ( 62 ), la question de savoir si le critère appliqué in concreto dans l’arrêt attaqué était erroné ou non ne fait pas partie de l’objet des présents pourvois.
97. Deuxièmement, le grief relatif au manque d’explication de la différence entre la notion de capacité de production suffisante et celle d’équipements suffisants ne saurait non plus prospérer. En effet, les deux notions ont été utilisées en se référant à la même idée, à savoir les activités de production de Chin Haur au regard desquelles, selon l’avis du Tribunal, le Conseil n’avait pas prouvé à suffisance de droit sa conclusion selon laquelle elles ne pouvaient pas justifier les volumes
d’importations de Chin Haur.
98. Troisièmement, quant au grief tiré de ce que le Tribunal aurait omis d’expliquer pourquoi le Conseil ne disposait pas des preuves suffisantes pour établir la présence de pratiques de réexpédition sur la base des informations écrites présentées par Chin Haur, il doit être à mon avis également rejeté. En effet, il ressort de la jurisprudence qu’il n’appartient pas à la Cour d’exiger du Tribunal qu’il motive chacun de ses choix lorsqu’il retient, à l’appui de sa décision, un élément de preuve
plutôt qu’un autre. En décider autrement reviendrait pour la Cour à substituer sa propre appréciation de ces éléments à celle opérée par le Tribunal, ce qui n’est pas en son pouvoir ( 63 ).
99. En ce qui concerne, en deuxième lieu, les griefs tirés de la motivation contradictoire, j’estime que la première allégation invoquée par la Commission se fonde sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, au point 94 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a aucunement relevé que les preuves soumises par Chin Haur auraient indiqué que celle-ci se livrait à un contournement par le biais de pratiques d’assemblage. La seconde prétendue contradiction, mise en exergue par la Commission, ne saurait
non plus fonder le grief tiré d’une motivation contradictoire. En effet, au point 138 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est borné à énumérer les données ayant été utilisées par le Conseil pour conclure à l’existence de tous les éléments constitutifs d’un contournement spécifiquement en réponse à un argument tiré de ce que le Conseil n’avait pas clarifié la nature des informations disponibles ( 64 ). Je ne vois pas de contradiction avec l’affirmation contenue aux points 96 et 102 du même arrêt
selon laquelle le Conseil s’est fondé dans une large mesure sur le rapport de mission, s’agissant des constats factuels sur la base desquels il a conclu à l’implication de Chin Haur dans des opérations de réexpédition.
100. En ce qui concerne, en troisième lieu, le grief du Conseil tiré d’une dénaturation des faits, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves ( 65 ). Or, l’argumentation du Conseil se fonde sur la prémisse selon laquelle l’existence d’opérations de réexpéditions au niveau du pays aurait été démontrée même en l’absence
d’erreur concernant le constat relatif à l’implication de Chin Haur dans des opérations de réexpédition. Ainsi que je l’ai relevé au point 85 des présentes conclusions, à mon avis, cela n’est pas le cas. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est borné à juger que, au vu des éléments présents dans le dossier, le Conseil ne pouvait pas conclure à l’implication de Chin Haur dans des opérations de réexpéditions. Ainsi faisant, le Tribunal n’a pas dénaturé les faits mais a, à mon avis, commis une
erreur de droit en omettant de considérer l’élément essentiel de l’absence de coopération de Chin Haur à l’enquête, élément ayant un impact décisif sur le niveau de la preuve que les institutions devaient rapporter pour pouvoir prouver ladite implication.
101. Il résulte de ce qui précède que, à mon avis, tant le deuxième moyen du pourvoi de la Commission dans l’affaire C‑253/15 P que le second moyen du pourvoi du Conseil dans l’affaire C‑259/15 P doivent être rejetés.
C – Sur le troisième moyen du pourvoi de la Commission dans l’affaire C‑53/15 P, tiré d’une violation de ses droits procéduraux
1. Argumentation des parties
102. Par son troisième moyen, la Commission fait valoir que le Tribunal a violé ses droits procéduraux, en ce qu’il lui a interdit de présenter un mémoire en intervention. D’abord, la décision du Tribunal d’octroyer la procédure accélérée qui, en vertu de l’article 76 bis, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement de procédure du Tribunal en vigueur au moment de la procédure devant cette juridiction, exclut toute intervention écrite de la Commission serait dénuée de motivation. Ensuite, le rejet
de sa demande ultérieure du 25 juin 2014 à être admise à présenter un mémoire en intervention, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, serait également non motivée. En outre, le refus persistant du Tribunal d’autoriser la Commission à présenter des observations écrites n’aurait pas été motivé par la nécessité d’accélérer le traitement de l’affaire, ce qui ressortirait de la circonstance que le Tribunal aurait mis 19,3 mois pour rendre son arrêt, alors que la durée moyenne
d’une procédure devant cette juridiction aurait été de 23,4 mois en 2014. Enfin, les constatations du Tribunal qui constituent, selon la Commission, des erreurs de droit sont liées à ses activités d’enquête et en particulier à l’importance des rapports de mission établis lors des visites de vérification. Ces constatations auraient été différentes si elle avait été autorisée à exprimer sa position avant l’audience.
103. Chin Haur conteste les arguments de la Commission.
2. Appréciation
104. S’il est vrai que les institutions sont des intervenants privilégiés et qu’elles ne doivent pas démontrer qu’elles justifient d’un intérêt à la solution du litige ( 66 ), il n’en demeure pas moins qu’elles restent assujetties aux règles contenues dans les règlements de procédure des juridictions de l’Union.
105. En l’espèce, il convient tout d’abord de relever qu’il ressort du dossier que la Commission a présenté sa demande d’intervention le 17 octobre 2013, à savoir après que le Tribunal avait décidé, en accueillant la demande de Chin Haur, de soumettre l’affaire en cause à une procédure accélérée.
106. Or, conformément aux termes de l’article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal en vigueur au moment de la procédure devant lui, l’intervenant accepte le litige dans l’état où il se trouve lors de son intervention. Il s’ensuit que la Commission ne saurait en tout état de cause contester une décision, telle que celle de statuer sur l’affaire selon la procédure accélérée, qui a été adoptée avant l’acceptation de sa demande d’intervention.
107. Ensuite, il ressort de l’article 76 bis, paragraphe 2, deuxième alinéa, du même règlement que, en cas de soumission d’une affaire à une procédure accélérée, l’intervenant ne peut présenter un mémoire en intervention que si le Tribunal l’autorise dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure adoptées conformément à l’article 64 dudit règlement.
108. S’agissant du refus opposé par le Tribunal à une demande de mesures d’organisation de la procédure soumise par une partie, il ressort d’une jurisprudence constante que le Tribunal est seul juge, en principe, de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose concernant les affaires dont il est saisi ( 67 ).
109. Dans ce contexte, il appartient au Tribunal de décider de la nécessité de faire usage du pouvoir d’ordonner des mesures d’organisation de la procédure afin de compléter les éléments d’information dont il dispose, étant entendu que le caractère probant ou non des pièces de la procédure relève de son appréciation souveraine des faits, laquelle, pour cette raison, échappe au contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi, sauf en cas de dénaturation des éléments de preuve présentés au Tribunal, ou
lorsque l’inexactitude matérielle des constatations effectuées par ce dernier ressort des documents versés au dossier ( 68 ).
110. En l’espèce, premièrement, la Commission n’invoque ni une dénaturation des éléments de preuve ni une inexactitude matérielle des constatations effectuées par le Tribunal. Deuxièmement, sa demande du 25 juin 2014 visant à être admise à présenter un mémoire en intervention au titre de mesure d’organisation de la procédure n’identifiait pas des documents ou des éléments objectifs précis qui auraient dû être nécessairement produits en forme écrite de sorte qu’une présentation orale n’aurait pas été
suffisante à permettre à la Commission d’exposer ses arguments. Troisièmement, la Commission a eu la possibilité de s’exprimer pleinement lors de l’audience devant le Tribunal. Son pourvoi n’identifie pas en quoi la circonstance de n’avoir pu exposer sa position qu’à l’audience aurait eu un impact sur les constats du Tribunal de sorte que ceux-ci auraient été différents si sa demande à être admise à présenter un mémoire en intervention avait été accueillie.
111. Dans ces conditions, le troisième moyen de la Commission doit, à mon avis, être rejeté.
112. Il ressort de l’analyse qui précède, et notamment de la conclusion à laquelle je suis arrivé au point 84 des présentes conclusions que, à mon avis, les pourvois introduits par Maxcom, la Commission et le Conseil doivent être accueillis et que, par conséquent, l’arrêt attaqué doit être annulé.
VI – Sur le recours devant le Tribunal
113. Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cette dernière, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé. J’estime que, ainsi que l’a relevé Chin Haur elle-même, tel est le cas en l’espèce.
114. Dans ces conditions, il convient d’analyser les trois griefs avancés par Chin Haur dans son recours introduit devant le Tribunal dans le cadre de la seconde branche du premier moyen. À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 44 des présentes conclusions, selon la jurisprudence, le contrôle du juge de l’Union est limité dans le sens exposé audit point.
115. En ce qui concerne le premier de ces trois griefs, il s’agit du grief qui a été accueilli par le Tribunal dans l’arrêt attaqué sur la base d’une analyse qui est, à mes yeux, viciée d’erreur. Ce grief est tiré de ce que le Conseil a de manière erronée conclu, au considérant 62 du règlement litigieux, que Chin Haur n’avait pas de capacités de production suffisantes pour justifier ses volumes d’exportations vers l’Union.
116. À cet égard, il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 49 à 52 des présentes conclusions, ainsi que des considérations exposées aux points 75 à 79 des mêmes conclusions, que, dans une situation telle que celle de la présente espèce, en raison du manque de coopération de Chin Haur, les institutions étaient assujetties à une charge de la preuve assouplie et pouvaient se fonder sur un faisceau d’indices concordants pour étayer à suffisance de droit leurs conclusions concernant
l’implication de cette entreprise dans des pratiques de contournement.
117. Dans ces conditions, j’estime que la présence, d’une part, d’importants volumes d’exportations de bicyclettes vers l’Union de la part de Chin Haur dont l’origine n’avait pas pu être établie ( 69 ) et l’absence concomitante, d’autre part, d’éléments montrant que Chin Haur était un véritable producteur de bicyclettes constituaient des indices permettant aux institutions, en l’absence d’autres éléments, de conclure sur la base d’un lien logique et raisonnable que Chin Haur était impliquée dans des
opérations de réexpédition ( 70 ). Ces indices étaient d’ailleurs étayés davantage par la présence de différents éléments faisant instaurer des doutes sur les activités réelles de Chin Haur ( 71 ). S’il existait un motif raisonnable justifiant ses activités, autre que celui d’échapper au droit antidumping, il aurait appartenu à Chin Haur d’apporter la preuve de ce motif ( 72 ).
118. Il s’ensuit que le Conseil n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation lorsqu’il a conclu, au considérant 62 du règlement litigieux, que Chin Haur était impliquée dans des opérations de réexpédition. Par conséquent, le premier grief de la seconde branche du premier moyen avancé en première instance par Chin Haur doit être, selon moi, rejeté.
119. En ce qui concerne le deuxième grief soulevé dans le cadre de la seconde branche du premier moyen en première instance devant le Tribunal, Chin Haur a fait valoir que le Conseil aurait commis une erreur de droit en déduisant l’existence de réexpéditions de la seule modification de la configuration des échanges. Le Conseil n’aurait ni apporté de preuves de l’existence desdites réexpéditions ni établi un lien causal entre ces opérations et la modification supposée de la configuration des
échanges.
120. À cet égard, il est vrai, ainsi que cela ressort du considérant 64 du règlement litigieux, que le Conseil s’est référé à l’existence de la modification de la configuration des échanges comme un des éléments desquels il était possible de déduire l’existence de pratiques de réexpéditions en Indonésie. Or, ainsi que je l’ai relevé au point 87 des présentes conclusions, l’existence de la modification de la configuration des échanges constitue le premier des éléments constitutifs d’un contournement.
Elle ne saurait donc, en tant que telle, être considérée comme un indice de l’existence des pratiques de contournement.
121. Cependant, force est de constater que, contrairement à ce que Chin Haur a soutenu devant le Tribunal, le Conseil ne s’est pas basé sur cet unique élément au considérant 64 du règlement litigieux. En effet, il s’est fondé sur deux autres éléments : d’une part, le constat concernant l’implication de Chin Haur ‐ dont les importations représentaient une proportion importante (42 %) des importations de bicyclettes dans l’Union – dans des pratiques de réexpédition et, d’autre part, le fait que des
parties intéressées représentant 9 % desdites importations n’avaient pas coopéré à l’enquête. Certes, ainsi qu’il a été relevé ( 73 ), ce défaut de coopération tout seul ne pouvait pas permettre de présumer l’existence d’opérations de réexpédition. Toutefois, en présence d’une augmentation considérable des importations de bicyclettes de l’Indonésie vers l’Union juste après le relèvement des droits antidumping sur les importations en provenance de la Chine ( 74 ) et en présence d’indications,
découlant du constat concernant Chin Haur, de l’existence d’opérations de réexpédition via l’Indonésie, ce défaut de coopération pouvait constituer un indice supplémentaire renforçant la conclusion de l’existence de telles opérations ( 75 ). Dans ces conditions, le Conseil disposait de suffisamment d’indices concordants, aux termes de la jurisprudence, pour justifier, en l’espèce, sa conclusion de l’existence de pratiques de contournement via l’Indonésie.
122. Pour ce qui est de l’argument tiré de ce que le Conseil aurait commis une erreur en n’établissant pas un lien causal entre les opérations de réexpédition et la modification de la configuration des échanges, il convient de relever ce qui suit. Premièrement, il est définitivement avéré que le Conseil a établi sans erreur que, pour ces opérations, il n’existait aucune motivation ou justification économique autre que l’intention d’éviter les mesures antidumping ( 76 ). Deuxièmement, le Conseil a
affirmé que l’enquête n’avait révélé aucune augmentation de la consommation de bicyclettes en Indonésie, qui aurait pu inciter les producteurs à accroître leurs capacités de production. En outre, l’enquête a révélé que les trois sociétés indonésiennes exemptées mettaient plutôt l’accent sur le marché intérieur que sur les marchés d’exportation. Troisièmement, force est de constater que les allégations de Chin Haur, selon lesquelles la modification dans la configuration des échanges pourrait
s’être produite en raison d’une augmentation des capacités de production en Indonésie, d’une délocalisation des producteurs chinois en Indonésie en raison de l’augmentation des droits antidumping, ou du fait que les producteurs indonésiens ont saisi l’occasion de la baisse des exportations chinoises vers l’Union pour accroître leur part de marché dans l’Union, ne sont étayées par aucun élément de preuve.
123. Il s’ensuit que le deuxième grief de la seconde branche du premier moyen avancé par Chin Haur en première instance doit également être, à mon avis, rejeté.
124. En ce qui concerne le troisième grief de ladite seconde branche du premier moyen, exposé devant le Tribunal, Chin Haur a fait valoir que, en l’absence de toute autre preuve, les éléments qu’elle avait fournis auraient dû constituer les faits disponibles, au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, sur le fondement desquels le Conseil aurait dû constater l’inexistence d’opérations de réexpédition.
125. Ce grief doit également être rejeté. En effet, d’une part, le Tribunal a constaté dans l’arrêt attaqué que les informations fournies par Chin Haur étaient contradictoires, incomplètes, non vérifiables et, d’autre part, il ressort de l’analyse des premier et deuxième griefs ci-dessus que le Conseil disposait de suffisamment d’indices pour conclure, en l’espèce, à la lumière de la jurisprudence pertinente, à l’existence d’opérations de réexpédition.
126. À la lumière de toutes ces considérations, j’estime que le recours en annulation introduit par Chin Haur doit être rejeté.
VII – Sur les dépens
127. Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie q ui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
128. Si la Cour fait siennes mes appréciations concernant les trois pourvois joints, Chin Haur sera la partie qui succombe. Dans ces conditions, Maxcom, le Conseil et la Commission ayant conclu à sa condamnation aux dépens, je propose à la Cour de condamner Chin Haur aux dépens exposés tant en première instance que dans les présents pourvois par Maxcon, la Commission et le Conseil.
VIII – Conclusion
129. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer de la manière suivante :
1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 19 mars 2015, Chin Haur Indonesia/Conseil (T‑412/13, EU:T:2015:163), est annulé.
2) Le recours en annulation introduit par Chin Haur Indonesia PT, est rejeté.
3) Chin Haur Indonesia PT, est condamnée aux dépens exposés en première instance ainsi que dans les pourvois par Maxcom Ltd, la Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne.
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( 1 ) Langue originale: le français.
( 2 ) T‑412/13, EU:T:2015:163.
( 3 ) Règlement du 29 mai 2013, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement d’exécution (UE) no 990/2011 sur les importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine aux importations de bicyclettes expédiées d’Indonésie, de Malaisie, du Sri Lanka et de Tunisie, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de ces pays (JO 2011, L 153, p. 1).
( 4 ) Ces conclusions sont présentées parallèlement aux conclusions relatives aux affaires C‑248/15 P, Maxcom/City Cycle Industries, C‑254/15, Commission/City Cycle Industries et C‑260/15 P, Conseil/City Cycle Industries, qui concernent trois pourvois introduits par les même requérants visant un arrêt du Tribunal prononcé le même jour que l’arrêt attaqué et concernant le même règlement litigieux. Les questions soulevées dans ces trois autres pourvois sont analogues à celles soulevées dans les
présentes affaires.
( 5 ) Règlement du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, et rectificatif JO 2010, L 7, p. 22), tel que modifié par le règlement (UE) no 1168/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juin 2012 (JO 2012, L 237, p. 1).
( 6 ) Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO 1994, L 336, p. 103) figurant à l’annexe 1A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO
1994, L 336, p. 1).
( 7 ) Voir considérant 22 du règlement de base ainsi que point 10 des conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:261).
( 8 ) Pour des références à la réglementation anticontournement de l’Union en vigueur avant l’adoption du règlement de base, voir point 9 des conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:261).
( 9 ) Plus précisément, aux termes de cette disposition, une opération d’assemblage est considérée comme contournant les mesures en vigueur lorsque : a) l’opération a commencé ou s’est sensiblement intensifiée depuis ou juste avant l’ouverture de l’enquête antidumping et que les pièces concernées proviennent du pays soumis aux mesures ; b) les pièces constituent 60 % ou plus de la valeur totale des pièces du produit assemblé; cependant, il ne sera en aucun cas considéré qu’il y a contournement
lorsque la valeur ajoutée aux pièces incorporées au cours de l’opération d’assemblage ou d’achèvement de la fabrication est supérieure à 25 % du coût de fabrication, et c) les effets correctifs du droit sont compromis en termes de prix et/ou de quantités de produit similaire assemblé et qu’il y a la preuve d’un dumping en liaison avec les valeurs normales précédemment établies pour les produits similaires.
( 10 ) Règlement du Conseil du 3 octobre 2011, sur les importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures effectué en vertu de l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1225/2009 (JO 2009, L 261, p. 2). Voir points 2 à 6 de l’arrêt attaquée pour les références aux règlements antérieures.
( 11 ) Règlement (UE) no 875/2012 de la Commission, du 25 septembre 2012, ouvrant une enquête concernant l’éventuel contournement des mesures antidumping instituées par le règlement d’exécution no 990/2011 par des importations de bicyclettes expédiées d’Indonésie, de la Malaisie, du Sri Lanka et de la Tunisie, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de l’Indonésie, de la Malaisie, du Sri Lanka et de la Tunisie, et soumettant ces importations à enregistrement (JO 2012, L 258, p. 21). Cette
enquête a été ouverte à la suite d’une demande déposée par la Fédération européenne des fabricants de bicyclettes (EBMA), au nom, entre autres, de Maxcom. Voir points 10 à 13 du règlement litigieux ainsi que 8 et 9 de l’arrêt attaqué.
( 12 ) À cet égard, voir, plus en détail, points 8 à 18 de l’arrêt attaqué.
( 13 ) Voir considérants 28 à 32 du règlement litigieux.
( 14 ) Voir, respectivement, considérants 45 à 58 et 59 à 67 du règlement litigieux, ainsi que considérants 92 (concernant l’absence de motivation ou de justification économique autre que l’intention d’éviter les mesures antidumping en vigueur), 93 à 96 (concernant la neutralisation des effets correctifs de ces mesures) et 99 à 102 (concernant l’existence d’un dumping par rapport à la valeur normale précédemment établie) du règlement litigieux.
( 15 ) Voir considérants 65 à 67 du règlement litigieux.
( 16 ) Voir considérants 115 et 117 et article 1er, paragraphes 1 et 3, du règlement litigieux.
( 17 ) Voir considérant 120 et article 1er, paragraphe 1, du règlement litigieux.
( 18 ) Voir article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal en vigueur au moment du déroulement de la procédure devant cette juridiction.
( 19 ) Cette décision a été adoptée eu égard à l’article 76 bis, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement de procédure du Tribunal qui était en vigueur au moment du déroulement de la procédure devant cette juridiction.
( 20 ) Aux termes de l’article 76 bis, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement de procédure du Tribunal en vigueur au moment du déroulement de la procédure devant cette juridiction, en cas de soumission d’une affaire à une procédure accélérée, l’intervenant ne pouvait présenter un mémoire en intervention que si le Tribunal l’autorisait dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure adoptées conformément à l’article 64 dudit règlement. La demande de la Commission se fondait sur cette
dernière disposition.
( 21 ) Premier et second moyens du pourvoi de Maxcom dans l’affaire C‑247/15 P, ainsi que premier moyen des pourvois de la Commission et du Conseil, respectivement dans les affaires C‑253/15 P et C‑259/15 P.
( 22 ) Deuxième moyen des pourvois de la Commission et du Conseil, respectivement dans les affaires C‑253/15 P et C‑259/15 P.
( 23 ) Troisième moyen du pourvoi de la Commission dans l’affaire C‑253/15 P.
( 24 ) Arrêt du 4 septembre 2014 (C‑21/13, EU:C:2014:2154).
( 25 ) Voir, notamment, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP (C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, points 64 à 65 et jurisprudence citée).
( 26 ) Voir, notamment, arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 44 et jurisprudence citée). Voir, également, arrêt du 30 mai 2013, Quinn Barlo e.a./Commission (C‑70/12 P, EU:C:2013:351, point 36 et jurisprudence citée). La Cour a, à maintes reprises, analysé en pourvoi des questions concernant la méconnaissance des règles relatives au niveau de la preuve (voir, notamment, arrêts du 3 avril 2014, France/Commission,C‑559/12 P,
EU:C:2014:217, points 54 et suiv., ainsi que du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a.,C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, points 77 et suiv.).
( 27 ) Sur la raison d’être de la réglementation de l’Union en matière de contournement, voir considérant 19 du règlement de base ainsi que arrêt du 6 juin 2013, Paltrade (C‑667/11, EU:C:2013:368, point 28), et arrêt du Tribunal du 26 septembre 2000, Starway/Conseil (T‑80/97, EU:T:2000:216, points 85 et 113).
( 28 ) Arrêt du 4 septembre 2014 (C‑21/13, EU:C:2014:2154).
( 29 ) Arrêt du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 48). Voir, également, conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:261, point 87).
( 30 ) Arrêt du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 29 et jurisprudence citée).
( 31 ) Arrêt du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 29 et jurisprudence citée).
( 32 ) Arrêt du 4 septembre 2014 (C‑21/13, EU:C:2014:2154).
( 33 ) Arrêt du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 35).
( 34 ) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:261, point 4). L’exigence que les institutions prouvent toutes les conditions énumérées à l’article 13, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement de base trouve confirmation, non pas uniquement dans le texte de la disposition elle-même, mais aussi dans l’approche retenue par la Cour dans l’arrêt du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:2154). En effet, dans cet
arrêt, la Cour a analysé de manière distincte la validité du règlement en cause en relation avec chacune des conditions sur lesquelles la juridiction de renvoi avait exprimé des doutes (notamment, les première et deuxième conditions mentionnées au point 43 des présentes conclusions ; voir respectivement, points 39 et suiv. ainsi que points 50 et suiv. dudit arrêt).
( 35 ) Les parties sont en désaccord sur la question de savoir sur qui doit peser la charge de prouver que le producteur/exportateur n’est pas impliqué dans des pratiques de contournement afin que soit reconnue l’exemption prévue à l’article 13, paragraphe 4, du règlement de base. D’une part, la Commission et le Conseil soutiennent que la charge de la preuve incombe au producteur/exportateur qui, aux termes de cette disposition, doit présenter une demande d’exemption « dûment étayée par des éléments
de preuve ». D’autre part, Chin Haur soutient, en revanche, qu’une telle interprétation de la charge de la preuve serait contraire au texte de la disposition, laquelle, en utilisant l’expression « a été constaté », supposerait que la charge de la preuve pèse sur les institutions. À cet égard, j’estime qu’il revient à la partie qui coopère de manière authentique et qui veut bénéficier de l’exemption de fournir tous les éléments qui permettent aux institutions d’apprécier pleinement qu’elle n’était
pas impliquée dans des pratiques de contournement. Une telle approche est particulièrement justifiée au vu du fait que, comme il est indiqué au point 49 des présentes conclusions, dans les enquêtes sur l’existence d’un contournement, les institutions sont tributaires de la coopération volontaire des parties intéressées. À cet égard, je relève, toutefois, que, bien que cette question soit liée, en l’espèce, à celle de la constatation du contournement aux termes de l’article 13, paragraphe 1, du
règlement de base (voir dernière phrase du point 48 des présentes conclusions et références à la note suivante), elle n’est en réalité pas décisive pour la solution des présentes affaires. En effet, il a été définitivement constaté que Chin Haur n’était pas éligible à une exemption aux termes de l’article 13, paragraphe 4, du règlement de base (voir point 63 et note 46 des présentes conclusions).
( 36 ) En ce qui concerne la charge de la preuve dans un pareil cas, voir points 57 et 75 des présentes conclusions.
( 37 ) Arrêt du 4 septembre 2014 (C‑21/13, EU:C:2014:2154).
( 38 ) Arrêt du 17 décembre 2015 (C‑371/14, EU:C:2015:828).
( 39 ) Arrêts du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:2154, points 32 à 34), et du 17 décembre 2015, APEX (C‑371/14, EU:C:2015:828, points 64 à 66).
( 40 ) Arrêts du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 35), et du 17 décembre 2015, APEX (C‑371/14, EU:C:2015:828, point 67).
( 41 ) Arrêts du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 36), et du 17 décembre 2015, APEX (C‑371/14, EU:C:2015:828, point 68).
( 42 ) Arrêts du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 36), et du 17 décembre 2015, APEX (C‑371/14, EU:C:2015:828, point 68).
( 43 ) Arrêts du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 37), et du 17 décembre 2015, APEX (C‑371/14, EU:C:2015:828, point 69).
( 44 ) Voir arrêts du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:2154, points 39 et 56), ainsi que du 17 décembre 2015, APEX (C‑371/14, EU:C:2015:828, point 71).
( 45 ) Voir points 95 et 104 de l’arrêt attaqué.
( 46 ) En effet, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal, d’une part, a confirmé que les informations fournies étaient contradictoires, incomplètes et invérifiables (voir points 81 à 94 et 110 à 120 de l’arrêt attaqué) et, d’autre part, a rejeté la branche du deuxième moyen tiré d’erreurs dans le constat de non-coopération de Chin Haur (voir points 110 à 120). Ces points de l’arrêt attaqué n’ont pas été contestés par Chin Haur.
( 47 ) Voir point 45 des présentes conclusions.
( 48 ) Voir point 53 des présentes conclusions.
( 49 ) Il ressort du dossier que les importations de Chin Haur représentaient 42 % des importations de bicyclettes dans l’Union en provenance de l’Indonésie et que le quota de ces importations attribuables aux importateurs n’ayant pas coopéré, mentionnés au considérant 63 du règlement litigieux, était de 9 %.
( 50 ) Notamment, l’existence d’importantes opérations d’assemblage (voir arrêt du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co., C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 53).
( 51 ) Cela est encore plus vrai en raison du fait que, ainsi que je le relèverai au point 87 des présentes conclusions, les deux autres éléments sur lesquels cette conclusion a été fondée n’étaient pas suffisants, en tant que tels, à étayer une telle conclusion.
( 52 ) Dans le cas où le producteur/exportateur concerné a présenté une demande d’exemption au titre de l’article 13, paragraphe 4, du règlement de base, les institutions peuvent se fonder sur les données fournies par celui-ci. Cela n’enlève rien au fait que la preuve de l’existence des éléments constitutifs d’un contournement aux termes de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base incombe toujours aux institutions (sur la charge de la preuve dans le cadre de l’analyse aux termes
l’article 13, paragraphe 4, du règlement de base, voir, en revanche, note 35 des présentes conclusions).
( 53 ) Voir points 49 à 53 ci-dessus.
( 54 ) Arrêt du 4 septembre 2014 (C‑21/13, EU:C:2014:2154, points 50 à 56).
( 55 ) Voir points 97 et 100 de l’arrêt attaqué.
( 56 ) Voir point 51 des présentes conclusions.
( 57 ) Voir points 60 à 62 des présentes conclusions.
( 58 ) À cet égard, voir également points 48 et 75 des présentes conclusions.
( 59 ) En particulier, les griefs exposés au point 35 des présentes conclusions, tirés de l’effet utile de l’article 13, paragraphe 4, du règlement de base et de la confusion entre la notion de « pratique de contournement » et une de ses manifestations sont absorbées dans le raisonnement qui précède.
( 60 ) Voir point 45 des présentes conclusions.
( 61 ) Voir notamment, en ce sens, arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission (C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, points 54 et 55).
( 62 ) Il convient de relever que, dans le cadre de son premier moyen, tiré d’erreurs dans l’application de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, la Commission, après avoir affirmé que l’arrêt attaqué n’est pas suffisamment motivé en ce qui concerne les raisons pour lesquelles le règlement attaqué aurait enfreint cette disposition, qualifie d’erreur de droit la circonstance que « l’arrêt attaqué ne mentionne même pas de norme de contrôle juridictionnel et, en particulier, ne précise pas
si le Conseil a commis une simple erreur d’appréciation ou une erreur manifeste d’appréciation ». Dans ce cadre, toutefois, la Commission ne développe aucune argumentation concernant ce grief, mais se borne à renvoyer explicitement, « pour une analyse plus en détail », à son deuxième moyen, tiré du défaut de motivation. Or, force est de constater que la simple qualification d’erreur de droit du défaut de mention du critère de contrôle juridictionnel appliqué par le Tribunal, sans que cette
qualification soit étayée par aucun argument ou développement, sauf un renvoi général au moyen tiré du défaut de motivation, ne saurait être interprétée comme un grief autonome tiré de ce que le Tribunal aurait outrepassé le niveau de contrôle juridictionnel requis, violant ainsi le pouvoir d’appréciation reconnu aux institutions par la jurisprudence mentionnée au point 44 des présentes conclusions. Dans ces conditions, ce grief de la Commission coïncide, en substance, avec le grief tiré du défaut
de motivation analysé dans le présent point. À cet égard, je relève qu’il ressort de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour qu’il revient aux requérants aux pourvois de développer de manière suffisante les arguments qu’ils invoquent au soutien de leurs pourvois.
( 63 ) Voir arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP (C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 161).
( 64 ) Voir point 129 de l’arrêt attaqué.
( 65 ) Voir arrêt du 2 juin 2016, Photo USA Electronic Graphic/Conseil (C‑31/15 P, EU:C:2016:390, point 52 et jurisprudence citée).
( 66 ) Arrêt du 29 octobre 1980, Roquette Frères/Conseil (138/79, EU:C:1980:249, point 21).
( 67 ) Voir, notamment, arrêt du 9 juin 2016, PROAS/Commission (C‑616/13 P, EU:C:2016:415, point 66 et jurisprudence citée).
( 68 ) Voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2016, Heli-Flight/AESA (C‑61/15 P, EU:C:2016:59, point 94 et jurisprudence citée).
( 69 ) Voir point 118 de l’arrêt attaqué.
( 70 ) La Cour a appliqué les termes « lien et logique et raisonnable » au point 52 de l’arrêt du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:2154).
( 71 ) Le Tribunal lui-même a mis en exergue ces éléments. Voir le point 100 de l’arrêt attaqué ainsi que les considérations de la première phrase du point 105 du même arrêt.
( 72 ) Voir arrêt du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 56, in fine).
( 73 ) Voir points 51, 82 et 87 des présentes conclusions.
( 74 ) Voir point 46 du règlement litigieux et point 52 de l’arrêt du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:2154).
( 75 ) Voir, en ce sens, point 54 de l’arrêt du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:2154) applicable par analogie en raison des considérations effectuées au point 69 des présentes conclusions.
( 76 ) Voir point 92 du règlement litigieux.