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30/06/2016 | CJUE | N°C-176/15

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Guy Riskin et Geneviève Timmermans contre État belge., 30/06/2016, C-176/15


ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

30 juin 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Libre circulation des capitaux — Articles 63 et 65 TFUE — Article 4 TUE — Fiscalité directe — Imposition des dividendes — Convention bilatérale préventive de la double imposition — État tiers — Champ d’application»

Dans l’affaire C‑176/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal de première instance de Liège (Belgique), par décision du 30 mars 2015, parvenue à

la Cour le 20 avril 2015, dans la procédure

Guy Riskin,

Geneviève Timmermans

contre

État belge,

L...

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

30 juin 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Libre circulation des capitaux — Articles 63 et 65 TFUE — Article 4 TUE — Fiscalité directe — Imposition des dividendes — Convention bilatérale préventive de la double imposition — État tiers — Champ d’application»

Dans l’affaire C‑176/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal de première instance de Liège (Belgique), par décision du 30 mars 2015, parvenue à la Cour le 20 avril 2015, dans la procédure

Guy Riskin,

Geneviève Timmermans

contre

État belge,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. C. G. Fernlund (rapporteur) et S. Rodin, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

— pour M. Riskin et Mme Timmermans, par Mes J.‑P. Douny et R. Douny, avocats,

— pour le gouvernement belge, par Mme M. Jacobs et M. J.‑C. Halleux, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et B. Beutler, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme S. Simmons et M. L. Christie, en qualité d’agents, assistés de Me S. Ford, barrister,

— pour la Commission européenne, par M. W. Roels et Mme C. Soulay, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 avril 2016,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 63 et 65 TFUE, lus en combinaison avec l’article 4 TUE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Guy Riskin et Mme Geneviève Timmermans à l’État belge au sujet de l’imposition, en Belgique, de dividendes perçus d’une société établie en Pologne et qui ont fait l’objet d’une retenue à la source dans ce dernier État membre.

Le cadre juridique

Le droit belge

3 L’article 5 du code des impôts sur les revenus de 1992 (ci-après le « CIR 92 ») prévoit :

« Les habitants du royaume sont soumis à l’impôt des personnes physiques à raison de tous leurs revenus imposables visés au présent code, alors même que certains de ces revenus auraient été produits ou recueillis à l’étranger. »

4 L’article 6 du CIR 92 dispose :

« Le revenu imposable est constitué de l’ensemble des revenus nets, diminué des dépenses déductibles.

L’ensemble des revenus nets est égal à la somme des revenus nets des catégories suivantes :

1° les revenus des biens immobiliers ;

2° les revenus des capitaux et biens mobiliers ;

3° les revenus professionnels ;

4° les revenus divers. »

5 Aux termes de l’article 17, paragraphe 1, de ce code :

« Les revenus des capitaux et biens mobiliers sont tous les produits d’avoirs mobiliers engagés à quelque titre que ce soit, à savoir :

1° les dividendes ;

[...] »

6 L’article 285 dudit code dispose :

« Pour ce qui concerne les revenus de capitaux et biens mobiliers [...] une quotité forfaitaire d’impôt étranger est imputée sur l’impôt lorsque ces revenus ont été soumis à l’étranger à un impôt analogue à l’impôt des personnes physiques, à l’impôt des sociétés ou à l’impôt des non-résidents, et lorsque lesdits capitaux et biens sont affectés en Belgique à l’exercice de l’activité professionnelle.

[...] »

7 L’article 286 du même code, dans sa version applicable à l’exercice fiscal en cause dans l’affaire au principal, prévoit :

« La quotité forfaitaire d’impôt étranger est fixée à quinze quatre-vingt cinquièmes du revenu net, avant déduction du précompte mobilier et, le cas échéant, du prélèvement pour l’État de résidence.

[...] »

La convention préventive de la double imposition entre la Belgique et la Pologne

8 La Convention préventive de la double imposition entre le Royaume de Belgique et la République de Pologne tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir la fraude et l’évasion en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, et Protocole, signés à Varsovie le 20 août 2001 (ci-après la « convention belgo-polonaise »), prévoit, à son article 10 :

« 1.   Les dividendes payés par une société qui est un résident d’un État contractant à un résident de l’autre État contractant sont imposables dans cet autre État.

2.   Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l’État contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet État, mais si le bénéficiaire effectif des dividendes est un résident de l’autre État contractant, l’impôt ainsi établi ne peut excéder :

a) 5 pour cent du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société (autre qu’une société de personnes) :

— qui détient directement au moins 25 pour cent du capital de la société qui paie les dividendes, ou

— qui détient directement au moins 10 pour cent du capital de la société qui paie les dividendes, lorsque la participation a une valeur d’investissement au moins égale à 500000 euros ou son équivalent en une autre devise ;

b) 15 pour cent du montant brut des dividendes, dans tous les autres cas.

Le présent paragraphe n’affecte pas l’imposition de la société au titre des bénéfices qui servent au paiement des dividendes.

3.   Le terme “dividendes” employé dans le présent article désigne les revenus provenant d’actions, actions ou bons de jouissance, parts de mine, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires à l’exception des créances, ainsi que les revenus – même attribués sous la forme d’intérêts – soumis au même régime fiscal que les revenus d’actions par la législation fiscale de l’État dont la société débitrice est un résident.

[...] »

9 L’article 23, paragraphe 1, sous b), de la convention belgo-polonaise dispose :

« 1.   En ce qui concerne la Belgique, la double imposition est évitée de la manière suivante :

[...]

« b) Sous réserve des dispositions de la législation belge relatives à l’imputation sur l’impôt belge des impôts payés à l’étranger, lorsqu’un résident de la Belgique reçoit des éléments de revenu qui sont compris dans son revenu global soumis à l’impôt belge et qui consistent en dividendes non exemptés d’impôt belge en vertu du c) ci-après, en intérêts ou en redevances, l’impôt polonais perçu sur ces revenus est imputé sur l’impôt belge afférent auxdits revenus. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10 M. Riskin et Mme Timmermans, résidents belges, détiennent une participation dans une société établie en Pologne. Au cours de l’année 2009, ils ont perçu des dividendes au titre de cette participation, sur lesquels un impôt de 15 % a été prélevé à la source par ce dernier État membre.

11 Dans le courant de l’année 2012, les services de contrôle de l’administration fiscale belge ont envoyé à M. Riskin et à Mme Timmermans un avis de rectification de leur déclaration à l’impôt des personnes physiques pour l’exercice d’imposition 2010. Cette administration a estimé que, en vertu de l’article 10 de la convention belgo-polonaise et des articles 5, 6 et 17, paragraphe 1, du CIR 92, les dividendes provenant de la société établie en Pologne étaient imposables en Belgique à un taux de
25 %.

12 M. Riskin et Mme Timmermans ont contesté cette rectification en faisant valoir que, conformément à l’article 23 de la convention belgo-polonaise, l’impôt acquitté en Pologne devait être imputé sur l’impôt dû en Belgique.

13 L’administration fiscale a rétorqué que l’article 23 de cette convention prévoyait l’imputation de l’impôt polonais sur l’impôt belge sous réserve de l’application du droit belge, à savoir l’article 285 du CIR 92, lequel ne permettait une telle imputation que si les capitaux et biens ayant généré les dividendes concernés étaient affectés en Belgique à l’exercice d’une activité professionnelle. Considérant que, en l’occurrence, tel n’était pas le cas, l’administration fiscale belge a refusé
d’imputer la retenue à la source polonaise sur l’impôt belge et, partant, a rejeté leur réclamation.

14 M. Riskin et Mme Timmermans ont saisi la juridiction de renvoi d’un recours contre cette décision de l’administration fiscale, en faisant valoir que, à la différence de la convention belgo-polonaise, d’autres conventions préventives de la double imposition conclues entre la Belgique et certains États tiers, non membres de l’Union européenne, ne prévoient pas de renvoi au droit belge et permettent ainsi d’imputer l’impôt payé dans ces États tiers sur l’impôt belge, sans prendre en compte les
conditions prévues par le droit belge. Ils estiment qu’il ne peut être légitimement admis que la Belgique puisse accorder à un État tiers un traitement fiscal plus favorable que celui qu’elle accorde aux États membres.

15 Dans ces conditions, le tribunal de premier instance de Liège (Belgique) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) La règle de droit inscrite à l’article 285 du CIR 92, validant implicitement la double imposition de dividendes étrangers dans le chef d’une personne physique résidant en Belgique, est-elle conforme aux principes de droit de l’Union consacrés par l’article 63 TFUE, lu en combinaison avec l’article 4 TUE, en ce qu’elle permet à la Belgique de favoriser à son gré, selon les dispositions de droit belge auxquelles la convention préventive de la double imposition négociée par la Belgique renvoie,
à savoir selon qu’elle renvoie à l’article 285 qui fixe les conditions d’imputation ou à l’article 286 qui fixe uniquement le taux d’imputation de la quotité forfaitaire d’impôt, des investissements dans des États tiers (États-Unis) au détriment de ceux pouvant être réalisés dans les États membres de l’Union européenne (Pologne) ?

2) Dans la mesure où il subordonne la possibilité d’imputer l’impôt étranger sur l’impôt belge à la condition que les capitaux et biens à l’origine des revenus soient affectés en Belgique à l’exercice de l’activité professionnelle, l’article 285 du CIR 92 n’est-il pas en contradiction avec les articles 49, 56 et 58 TFUE ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité de la seconde question

16 Le gouvernement belge estime que la seconde question préjudicielle, portant sur la possibilité d’imputer l’impôt étranger sur l’impôt belge à la condition que les capitaux et biens à l’origine des revenus soient affectés en Belgique à l’exercice de l’activité professionnelle, est irrecevable, dans la mesure où l’issue du litige pendant devant la juridiction de renvoi ne dépend pas de la réponse éventuelle à cette question.

17 Il importe de rappeler à cet égard que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste
que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 21 mai 2015, Verder LabTec, C‑657/13, EU:C:2015:331, point 29 et jurisprudence citée).

18 En l’occurrence, il ressort clairement du dossier soumis à la Cour que les capitaux ou biens à l’origine des dividendes en cause au principal n’ont pas été affectés à l’exercice d’une activité professionnelle, que ce soit en Belgique ou sur le territoire d’un autre État membre. Dans ces conditions, la seconde question préjudicielle doit être considérée comme revêtant un caractère hypothétique et est, partant, irrecevable.

Sur la première question

19 À titre liminaire, il convient de relever qu’il n’a pas été soulevé que la différence de traitement alléguée concerne les dividendes provenant d’une société établie en Pologne et ceux provenant d’une société établie en Belgique. En revanche, il a été soutenu que cette différence de traitement concerne les dividendes provenant d’une société établie en Pologne et ceux provenant d’une société établie dans un État tiers.

20 Il est, en effet, constant que, à la différence de la convention belgo-polonaise qui, afin d’établir les conditions d’imputation de l’impôt prélevé à la source en Pologne sur l’impôt dû en Belgique, renvoie aux dispositions du droit belge, d’autres conventions préventives de la double imposition conclues entre le Royaume de Belgique et certains États tiers ne prévoient pas un tel renvoi et permettent ainsi, sans prendre en compte les conditions prévues par le droit belge, d’imputer l’impôt
prélevé à la source dans ces États tiers sur l’impôt dû en Belgique.

21 S’agissant de l’affaire au principal, le renvoi au droit belge a pour effet que l’impôt afférent aux dividendes prélevés à la source en Pologne ne peut pas être imputé sur l’impôt dû en Belgique puisque la condition prévue à l’article 285 du CIR 92 – à savoir celle de l’affectation des capitaux et des biens à l’origine des dividendes concernés à l’exercice d’une activité professionnelle en Belgique – n’est pas remplie, tandis que cette imputation aurait été octroyée, sans qu’il soit besoin de
remplir cette condition d’affectation, si les dividendes provenaient d’un État tiers avec lequel le Royaume de Belgique a conclu une convention préventive de la double imposition prévoyant un droit inconditionnel à une telle imputation.

22 Ainsi, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, lues en combinaison avec l’article 4 TUE, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’un État membre n’étende pas, dans une situation telle que celle en cause au principal, le bénéfice d’un traitement avantageux octroyé à un actionnaire résident, découlant d’une convention fiscale bilatérale préventive de la double
imposition conclue entre cet État membre et un État tiers, par lequel l’impôt prélevé à la source par l’État tiers est imputé d’une manière inconditionnelle sur l’impôt dû dans ledit État membre de résidence de l’actionnaire, à un actionnaire résident qui perçoit des dividendes provenant d’un État membre avec lequel ce même État membre de résidence a conclu une convention fiscale bilatérale préventive de la double imposition qui subordonne l’octroi d’une telle imputation au respect de conditions
supplémentaires prévues par le droit national.

23 Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, les mesures interdites par l’article 63, paragraphe 1, TFUE, en tant que restrictions aux mouvements de capitaux, comprennent celles qui sont de nature à dissuader les non-résidents de faire des investissements dans un État membre ou à dissuader les résidents dudit État membre d’en faire dans d’autres États (arrêt du 17 septembre 2015, Miljoen e.a., C‑10/14, C‑14/14 et C‑17/14, EU:C:2015:608, point 44 et jurisprudence citée).

24 En l’occurrence, il n’est pas contesté que la situation des résidents belges, tels que M. Riskin et Mme Timmermans, percevant des dividendes provenant d’États membres, tels que la République de Pologne, qui, afin de bénéficier d’une imputation de l’impôt prélevé à la source sur l’impôt belge, doivent satisfaire à la condition prévue à l’article 285 du CIR 92, est moins favorable que celle des résidents belges percevant des dividendes provenant d’un État tiers avec lequel le Royaume de Belgique a
conclu une convention bilatérale prévoyant un droit inconditionnel à une telle imputation.

25 Un tel traitement désavantageux est susceptible de dissuader les résidents belges de procéder à des investissements dans les États membres avec lesquels le Royaume de Belgique n’a pas conclu de convention bilatérale prévoyant un droit inconditionnel à une imputation de l’impôt prélevé à la source sur l’impôt belge et, partant, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 63, paragraphe 1, TFUE.

26 Toutefois, aux termes de l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE, « [l]’article 63 [TFUE] ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres [...] d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ».

27 Cette dérogation, qui est d’interprétation stricte, est elle-même limitée par l’article 65, paragraphe 3, TFUE, qui prévoit que les dispositions nationales visées au paragraphe 1 de cet article « ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 63 [TFUE] » (arrêt du 13 mars 2014, Bouanich, C‑375/12, EU:C:2014:138, point 62 et jurisprudence citée).

28 Dès lors, il y a lieu de distinguer les traitements inégaux permis au titre de l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE des discriminations interdites par le paragraphe 3 de ce même article. Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour qu’une réglementation fiscale nationale opérant une distinction entre les contribuables selon le lieu où leurs capitaux sont investis puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux,
il faut que cette différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (arrêt du 13 mars 2014, Bouanich, C‑375/12, EU:C:2014:138, point 63 et jurisprudence citée) .

29 À cet égard, il convient de rappeler qu’il appartient aux États membres d’organiser, dans le respect du droit de l’Union, leur système d’imposition des bénéfices distribués et de définir, dans ce cadre, l’assiette imposable ainsi que le taux d’imposition qui s’appliquent dans le chef de l’actionnaire bénéficiaire et que, en l’absence de mesures d’unification ou d’harmonisation adoptées par l’Union, les États membres demeurent compétents pour définir, par voie conventionnelle ou unilatérale, les
critères de répartition de leur pouvoir d’imposition (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2008, Orange European Smallcap Fund, C‑194/06, EU:C:2008:289, point 48).

30 Par conséquent, en présence de disparités entre les législations fiscales des différents États membres qui découlent de cette situation, un État membre peut être amené, par voie conventionnelle ou unilatérale, à appliquer aux dividendes provenant des différents États un traitement différencié qui tienne compte de ces disparités (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2008, Orange European Smallcap Fund, C‑194/06, EU:C:2008:289, point 49).

31 Dans le contexte des conventions fiscales bilatérales, il découle de la jurisprudence de la Cour que le champ d’application d’une telle convention est circonscrit aux personnes physiques ou morales définies par celle-ci. De même, les avantages y prévus font partie intégrante de l’ensemble des règles conventionnelles et contribuent à l’équilibre général des relations réciproques entre les deux États contractants (voir, en ce sens, arrêts du 5 juillet 2005, D., C‑376/03, EU:C:2005:424, points 54
et 61 à 62, ainsi que du 20 mai 2008, Orange European Smallcap Fund, C‑194/06, EU:C:2008:289, points 50 à 51). Il convient de relever, ainsi que l’a fait Mme l’avocat général au point 43 de ses conclusions, que cette situation est la même s’agissant de conventions préventives de double imposition conclues avec les États membres ou avec des États tiers.

32 S’agissant de l’affaire au principal, il y a lieu de relever que les situations dans lesquelles l’avantage d’une imputation inconditionnelle est accordé sont celles où le Royaume de Belgique s’est engagé, dans le cadre des conventions fiscales bilatérales de prévention de la double imposition conclues avec certains États tiers ayant opéré une retenue à la source afférente aux dividendes, à permettre aux résidents belges d’imputer ladite retenue sur l’impôt dû en Belgique.

33 Il s’ensuit que le champ d’application d’une telle convention est circonscrit aux résidents belges percevant des dividendes provenant d’un tel État tiers et ayant subi un prélèvement à la source par ce dernier. Ne saurait être analysé comme un avantage détachable du reste de cette convention le fait que l’avantage concerné n’est octroyé qu’aux résidents belges relevant du champ d’application de cette convention, étant donné que, ainsi qu’il a été mentionné au point 31 du présent arrêt, cet
avantage fait partie intégrante des règles conventionnelles et contribue à l’équilibre général des relations réciproques entre les deux États contractants de ladite convention.

34 Dans ces conditions, les résidents belges, tels que ceux en cause au principal, percevant des dividendes provenant d’États membres, tels que la République de Pologne, qui, afin de bénéficier d’une imputation de l’impôt prélevé à la source sur l’impôt belge, doivent satisfaire à la condition prévue à l’article 285 du CIR 92, ne se trouvent pas dans une situation objectivement comparable à celle de résidents belges percevant des dividendes provenant d’un État tiers avec lequel le Royaume de
Belgique a conclu une convention bilatérale préventive de la double imposition prévoyant un droit inconditionnel à une telle imputation.

35 Il s’ensuit qu’un traitement désavantageux, comme celui en cause au principal, ne constitue pas une entrave prohibée par les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux.

36 Enfin, s’agissant de la coopération loyale établie par l’article 4 TUE, il suffit de rappeler que cet article ne saurait être interprété en ce sens qu’il ferait naître une obligation indépendante à la charge des États membres allant au-delà des obligations qui peuvent leur incomber en vertu des articles 63 et 65 TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 19 septembre 2012, Levy et Sebbag, C‑540/11, non publiée, EU:C:2012:581, points 27 à 29).

37 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que les articles 63 et 65 TFUE, lus en combinaison avec l’article 4 TUE, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’un État membre n’étende pas, dans une situation telle que celle en cause au principal, le bénéfice d’un traitement avantageux octroyé à un actionnaire résident, découlant d’une convention fiscale bilatérale préventive de la double imposition conclue entre cet État
membre et un État tiers, par lequel l’impôt prélevé à la source par l’État tiers est imputé d’une manière inconditionnelle sur l’impôt dû dans ledit État membre de résidence de l’actionnaire, à un actionnaire résident qui perçoit des dividendes provenant d’un État membre avec lequel ce même État membre de résidence a conclu une convention fiscale bilatérale préventive de la double imposition qui subordonne l’octroi d’une telle imputation au respect de conditions supplémentaires prévues par le
droit national.

Sur les dépens

38 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

  Les articles 63 et 65 TFUE, lus en combinaison avec l’article 4 TUE, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’un État membre n’étende pas, dans une situation telle que celle en cause au principal, le bénéfice d’un traitement avantageux octroyé à un actionnaire résident, découlant d’une convention fiscale bilatérale préventive de la double imposition conclue entre cet État membre et un État tiers, par lequel l’impôt prélevé à la source par l’État tiers est imputé d’une
manière inconditionnelle sur l’impôt dû dans ledit État membre de résidence de l’actionnaire, à un actionnaire résident qui perçoit des dividendes provenant d’un État membre avec lequel ce même État membre de résidence a conclu une convention fiscale bilatérale préventive de la double imposition qui subordonne l’octroi d’une telle imputation au respect de conditions supplémentaires prévues par le droit national.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: le français.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-176/15
Date de la décision : 30/06/2016
Type de recours : Recours préjudiciel, Recours préjudiciel - irrecevable

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le tribunal de première instance de Liège.

Renvoi préjudiciel – Libre circulation des capitaux – Articles 63 et 65 TFUE – Article 4 TUE – Fiscalité directe – Imposition des dividendes – Convention bilatérale préventive de la double imposition – État tiers – Champ d’application.

Libre prestation des services

Droit d'établissement


Parties
Demandeurs : Guy Riskin et Geneviève Timmermans
Défendeurs : État belge.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott
Rapporteur ?: Fernlund

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2016:488

Source

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