La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/02/2016 | CJUE | N°T-241/14

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Jean-Pierre Bodson e.a. contre Banque européenne d'investissement (BEI)., 26/02/2016, T-241/14


ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

26 février 2016 ( *1 )

«Pourvoi — Fonction publique — Personnel de la BEI — Nature contractuelle de la relation de travail — Rémunération — Réforme du régime des primes de la BEI — Obligation de motivation — Dénaturation — Erreurs de droit»

Dans l’affaire T‑241/14 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑83/12, RecFP, EU:F:2014:15), et tendant Ã

  l’annulation de cet arrêt,

Jean-Pierre Bodson, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, d...

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

26 février 2016 ( *1 )

«Pourvoi — Fonction publique — Personnel de la BEI — Nature contractuelle de la relation de travail — Rémunération — Réforme du régime des primes de la BEI — Obligation de motivation — Dénaturation — Erreurs de droit»

Dans l’affaire T‑241/14 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑83/12, RecFP, EU:F:2014:15), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

Jean-Pierre Bodson, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), et les autres membres du personnel de la Banque européenne d’investissement, dont les noms figurent en annexe, représentés par Me L. Levi, avocat,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par MM. C. Gómez de la Cruz, T. Gilliams et G. Nuvoli, en qualité d’agents, assistés de Me P.-E. Partsch, avocat,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de M. H. Kanninen, faisant fonction de président, Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur) et M. D. Gratsias, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 23 octobre 2015,

rend le présent

Arrêt

1 Par leur pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, les requérants, M. Jean-Pierre Bodson et sept autres membres du personnel de la Banque européenne d’investissement (BEI) dont les noms figurent en annexe demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑83/12, RecFP, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:F:2014:15), par lequel
celui-ci a rejeté leur recours tendant, en substance, d’une part, à l’annulation de la décision, contenue dans leurs bulletins de salaire d’avril 2012 relatifs aux récompenses, en ce qu’elle fait application de plusieurs décisions de la BEI réformant le régime des primes, et, d’autre part, à la condamnation de la BEI au paiement de la différence entre les montants dus en application des décisions susmentionnées et le régime antérieur ainsi qu’à des dommages et intérêts.

Cadre juridique

2 Conformément à l’article 308 TFUE, les statuts de la BEI font l’objet d’un protocole annexé à ce traité et au traité UE.

3 L’article 7, paragraphe 3, sous h), du protocole no 5 sur les statuts de la BEI prévoit l’approbation par le conseil des gouverneurs du règlement intérieur de la BEI. Selon l’article 11, paragraphe 7, du même protocole, « [l]e règlement intérieur [de la BEI] détermine l’organe compétent pour adopter les dispositions applicables au personnel ».

4 Le règlement intérieur de la BEI a été approuvé le 4 décembre 1958 et a subi plusieurs modifications. En vertu de l’article 31 dudit règlement, « [l]es règlements relatifs au personnel de la [BEI] sont fixés par le [c]onseil d’administration. Le [c]omité de direction en adopte les modalités d’application ».

5 Le conseil d’administration de la BEI a adopté, le 20 avril 1960, un règlement du personnel applicable aux agents de la BEI (ci-après le « règlement du personnel »). Pour ce qui concerne le présent litige, le règlement du personnel a été modifié, en dernier lieu, le 1er janvier 2009.

6 L’article 13 du règlement du personnel dispose :

« Les relations entre la [BEI] et les membres de son personnel sont réglées en principe par des contrats individuels dans le cadre du présent règlement. Le règlement fait partie intégrante de ces contrats. »

7 L’article 14 du règlement du personnel répartit le personnel de la BEI en catégories, selon la fonction exercée. Une première catégorie est celle du personnel de direction ; elle comporte le cadre de direction et la fonction C. Une deuxième catégorie est celle du personnel de conception et regroupe les fonctions D à F. Une troisième catégorie comprend le personnel d’exécution et, plus précisément, les fonctions G à K.

8 Aux termes de l’article 15 du règlement du personnel :

« Les contrats individuels entre la [BEI] et les membres de son personnel prennent la forme de lettres d’engagement. Les personnes engagées contresignent leur lettre d’engagement ainsi qu’un exemplaire du présent règlement.

La lettre d’engagement fixe la rémunération, la durée et les autres conditions d’emploi. »

9 Selon l’article 16, cinquième alinéa, du règlement du personnel :

« Par rémunération au sens de l’alinéa précédent, on entend le traitement de base abondé des indemnités prévues à l’[a]nnexe II [points] 1, 2 et 4 et lorsque le [p]résident le décide, de celles prévues au [point] 3 […] »

10 L’article 20, premier alinéa, du règlement du personnel énonce que « [l]e barème des traitements de base relatif aux catégories de fonctions définies à l’article 14 figure en [a]nnexe I au présent règlement ». Selon le deuxième alinéa du même article, « [l]es traitements de base sont abondés d’indemnités, applicables à toutes ou à certaines catégories de personnel. La liste des indemnités figure en [a]nnexe II au présent [r]èglement ». L’annexe I du règlement du personnel prévoit ainsi que « [l]e
barème des traitements de base fait l’objet de mises à jour régulières ». L’annexe II mentionne des « [p]rimes annuelles » parmi les « [i]ndemnités particulières et individuelles » susceptibles d’être allouées aux agents de la BEI. »

11 L’article 22 du règlement du personnel dispose :

« Chaque membre du personnel fait l’objet d’une appréciation annuelle qui lui est communiquée. La procédure à suivre pour cette appréciation est fixée par une décision [interne]. Pour les fonctions C à K, les avancements d’échelon résultent du mérite professionnel tel qu’il est exprimé par la note globale de l’appréciation annuelle. »

12 En vertu de l’article 43 du règlement du personnel :

« Les [a]nnexes I, II et III font partie intégrante du présent règlement. »

13 Selon l’article 44 du règlement du personnel :

« Sont applicables aux contrats individuels conclus dans le cadre du présent règlement conformément à l’article 13 les principes généraux communs aux droits des États membres de la [BEI]. »

14 L’annexe I du règlement du personnel précise que « [l]e barème des traitements de base fait l’objet de mises à jour régulières ».

15 L’annexe II du règlement du personnel mentionne, au point 3, intitulé « [i]ndemnités particulières et individuelles », notamment, les « [p]rimes annuelles ».

Faits à l’origine du litige

16 Les faits qui sont à l’origine du litige sont énoncés aux points 10 à 39 de l’arrêt attaqué en ces termes :

Procédure en première instance et arrêt attaqué

17 Par requête déposée au Tribunal de la fonction publique le 1er août 2012, les requérants ont introduit un recours, qui a été enregistré sous la référence F‑83/12, tendant, notamment, d’une part, à l’annulation de la décision, contenue dans leurs bulletins de salaire d’avril 2012 relatifs aux récompenses, en ce qu’elle fait application de la décision, du 14 décembre 2010, du conseil d’administration de la BEI et des décisions, du 9 novembre 2010 et du 16 novembre 2011, du comité de direction de
celle-ci réformant le régime des primes (ci-après les « décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 ») et, d’autre part, à la condamnation de la BEI au paiement de la différence entre les montants dus en application des décisions susmentionnées et le régime antérieur ainsi qu’à des dommages et intérêts. De surcroît, ils ont demandé au Tribunal de la fonction publique, au titre de mesures d’organisation de la procédure, d’inviter la BEI à produire certains documents, à
défaut pour cette dernière de les produire spontanément.

18 La BEI a soulevé une exception d’irrecevabilité qui a été jointe au fond par décision du 14 novembre 2012 du Tribunal de la fonction publique.

19 Dans le mémoire en défense, la BEI a conclu à ce que le Tribunal de la fonction publique rejette le recours comme non fondé.

20 S’agissant de la recevabilité du recours, le Tribunal de la fonction publique a écarté les exceptions d’irrecevabilité tirées de la tardiveté du recours, de l’absence d’acte faisant grief et de l’absence d’intérêt à agir (voir points 68, 73 et 83 de l’arrêt attaqué).

21 S’agissant du fond, le Tribunal de la fonction publique a rejeté les quatre moyens invoqués par les requérants, à savoir, premièrement, le moyen tiré de la violation de l’article 11, paragraphe 3, du règlement intérieur de la BEI, deuxièmement, le moyen tiré de la violation du protocole d’accord avec les représentants du personnel prévoyant quatre mesures de nature à compenser globalement les principaux effets de la réforme de 2006/2007 (ci-après le « protocole d’accord »), des conditions
fondamentales des contrats d’emploi et des droits acquis ainsi que du principe de bonne foi dans les relations contractuelles, troisièmement, le moyen tiré de la violation des principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité et de prévisibilité ainsi que du devoir de sollicitude, et, quatrièmement, le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une erreur dans les motifs, d’une violation du principe de proportionnalité ainsi que d’une méconnaissance du règlement du personnel. En
conséquence, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours et condamné les requérants aux dépens.

22 Dans le cadre de l’examen du deuxième moyen, le Tribunal de la fonction publique a, premièrement, apprécié si le protocole d’accord comportait des éléments susceptibles d’être modifiés sans le consentement des agents. À cet égard, il a jugé, aux points 104 à 111 de l’arrêt attaqué :

23 Le Tribunal de la fonction publique a, deuxièmement, analysé si le régime des primes antérieur à la réforme avait conféré aux agents un droit acquis ou avait été constitutif d’attentes légitimes et a jugé, aux points 114 à 125 de l’arrêt attaqué :

24 Dans le cadre de l’examen du troisième moyen, le Tribunal de la fonction publique a jugé, aux points 133 à 143 de l’arrêt attaqué :

25 Dans le cadre de l’examen de la première branche du quatrième moyen, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une erreur dans les motifs et d’une violation du principe de proportionnalité, le Tribunal de la fonction publique a jugé, aux points 160 à 167 :

26 En ce qui concerne les mesures d’organisation de la procédure sollicitées par les requérants, le Tribunal de la fonction publique a considéré, aux points 180 à 185 de l’arrêt attaqué :

Sur le pourvoi

Procédure et conclusions des parties

27 Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 22 avril 2014, les requérants ont formé le présent pourvoi.

28 Après le dépôt par la BEI du mémoire en réponse, en date du 22 août 2014, les requérants ont été autorisés à présenter un mémoire en réplique, ce qu’ils ont fait le 20 novembre suivant. La BEI a déposé un mémoire en duplique le 15 janvier 2015.

29 Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

— annuler l’arrêt attaqué ;

— en conséquence, leur accorder le bénéfice de leurs conclusions de première instance et, partant, annuler les décisions de leur appliquer une prime en application du nouveau système de performances tel que résultant des décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011, la décision individuelle d’application étant contenue dans le bulletin d’avril 2012, porté à la connaissance des intéressés au plus tôt le 22 avril 2012 ;

— en conséquence :

— condamner la BEI au paiement de la différence de rémunération résultant des décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 par rapport à l’application du précédent régime de bonus, ainsi qu’au paiement d’intérêts de retard courant à compter du 22 avril 2012 jusqu’à complet apurement, ces intérêts étant fixés au niveau du taux de la BCE augmenté de 3 points ;

— condamner la BEI au paiement de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison de la perte du pouvoir d’achat, ce préjudice étant évalué ex aequo et bono, et à titre provisionnel, à 1,5 % de la rémunération mensuelle de chaque requérant ;

— le cas échéant, à défaut pour la BEI de les produire spontanément, au titre de mesures d’organisation de la procédure, inviter la BEI à produire les documents suivants :

— le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de la BEI du 13 décembre 2011 ;

— les projets établis par le département des ressources humaines en date des 22 juin 2011 (RH/P & O/2011-119), 20 octobre 2011 (RH/P & O/2011-74) et 25 janvier 2012 ;

— condamner la BEI à l’entièreté des dépens des deux instances.

30 La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

— rejeter le pourvoi ;

— condamner les requérants au paiement des dépens du pourvoi.

En droit

31 À l’appui du pourvoi, les requérants invoquent cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’une irrégularité de la procédure. Le deuxième moyen est pris de la méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire, de la méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi, de la qualification juridique erronée du protocole d’accord, de la dénaturation du dossier et de la violation de l’obligation de motivation. Le
troisième moyen est tiré de la méconnaissance des droits acquis et de la violation de l’obligation de motivation, ainsi que de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et d’une dénaturation du dossier. Le quatrième moyen est tiré de la méconnaissance des principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité et de prévisibilité, du devoir de sollicitude ainsi que de la violation de l’obligation de motivation. Enfin, par le cinquième moyen, les requérants font grief au
Tribunal de la fonction publique d’avoir commis une erreur de droit lors de l’examen de l’erreur manifeste d’appréciation et d’avoir dénaturé le dossier.

Observations liminaires

32 Au stade du mémoire en réplique, les requérants soutiennent que la lettre d’accompagnement signée le 18 mars 2009 par le directeur des ressources humaines et le porte-parole des représentants du personnel et jointe au protocole d’accord (ci-après la « lettre d’accompagnement ») emportait l’obligation pour la BEI, si cette dernière décidait de modifier les éléments ou les modalités du système de rémunération et si de telles modifications devaient impacter de façon substantielle, dans un sens
négatif, une large fraction du personnel d’aborder cette question « dans le même esprit de collaboration que celui ayant présidé à l’élaboration du protocole d’accord avec pour objectif d’assurer le caractère durable des compensations ». Ni la BEI ni le Tribunal de la fonction publique n’auraient cependant vérifié si les décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 avaient emporté de telles conséquences.

33 La BEI, à la suite d’une question posée en ce sens par le Tribunal, a estimé que ce grief devait être déclaré irrecevable.

34 Étant donné que les requérants ont présenté ce grief pour la première fois au stade du mémoire en réplique, il convient de rappeler que, aux termes des dispositions de l’article 138, paragraphe 1, sous c), et de l’article 144, lu conjointement avec l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, le pourvoi doit indiquer les moyens et arguments de droit invoqués et la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se
fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

35 Cependant, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et présentant un lien étroit avec celui-ci, doit être déclaré recevable. Une solution analogue s’impose pour un grief invoqué au soutien d’un moyen (arrêt du 19 mars 2013, In ‘t Veld/Commission,T‑301/10, Rec, EU:T:2013:135, point 97).

36 Or, force est de constater que le présent grief ne constitue pas une ampliation d’un moyen ou d’un argument existant. Par ailleurs, interrogés lors de l’audience sur la recevabilité de ce grief, les requérants se sont contentés d’indiquer que le grief figurant dans le mémoire en réplique concernant la lettre d’accompagnement était soulevé en liaison avec le deuxième moyen invoqué à l’appui du pourvoi, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience.

37 À cet égard, il suffit de constater que ce grief ne figure pas dans le deuxième moyen et ne saurait être rattaché à ce dernier, en sorte qu’il doit être rejeté comme irrecevable.

Sur le premier moyen, tiré d’une irrégularité de la procédure

38 Par le présent moyen, les requérants reprochent au Tribunal de la fonction publique d’avoir commis une irrégularité de procédure en rejetant, au point 185 de l’arrêt attaqué, leur demande de mesures d’organisation de la procédure concernant la production de certains documents par la BEI.

39 Tout d’abord, il convient de relever que, aux termes de l’article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, « [c]haque partie peut proposer l’adoption ou la modification de mesures d’organisation de la procédure ». Il s’ensuit que les requérants pouvaient demander au Tribunal de la fonction publique d’ordonner à la BEI de produire des documents qui étaient en sa possession. Néanmoins, pour permettre au Tribunal de déterminer s’il était utile au bon
déroulement de la procédure d’ordonner la production de certains documents, la partie qui en fait la demande doit identifier les documents sollicités et fournir au Tribunal au moins un minimum d’éléments accréditant l’utilité de ces documents pour les besoins de l’instance (voir, par analogie, arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission,C‑185/95 P, Rec, EU:C:1998:608, point 93, et du 18 janvier 2005, Entorn/Commission,T‑141/01, Rec, EU:T:2005:10, point 132).

40 Il y a lieu de rappeler qu’il résulte de l’article 11 de l’annexe I du statut de la Cour que le pourvoi devant le Tribunal est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal de la fonction publique, d’irrégularités de procédure devant celui-ci portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit de l’Union par ce dernier. Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique est seul compétent pour constater les faits,
sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal de la fonction publique, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle du juge de pourvoi (voir arrêt du 16 septembre 2013, De Nicola/BEI,T‑264/11 P, RecFP, EU:T:2013:461, point 80 et jurisprudence
citée).

41 À plus forte raison, aux fins de cette appréciation des faits et des preuves, il incombe au seul juge de première instance de décider si et dans quelle mesure il est nécessaire de procéder à des mesures d’organisation de la procédure ou à des mesures d’instruction. Ainsi, le Tribunal de la fonction publique est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi et de choisir les mesures d’organisation de la procédure ou
d’instruction aptes à cet effet (voir arrêt De Nicola/BEI, point 40 supra, EU:T:2013:461, point 81 et jurisprudence citée).

42 Il résulte des points 181 et 182 de l’arrêt attaqué que la BEI n’a produit qu’une partie des documents dont les requérants avaient demandé la production. Néanmoins, le Tribunal de la fonction publique a estimé ne pas devoir donner suite à ladite demande, considérant, d’une part, au point 183 de l’arrêt attaqué, que les requérants avaient décrit dans leurs écrits de procédure la substance de ces documents sans que ces descriptions aient été contestées par la BEI, ce que les requérants ne
contestent pas dans le cadre du présent pouvoir. D’autre part, le Tribunal de la fonction publique a jugé, au point 184 de l’arrêt attaqué, que les requérants étaient restés en défaut d’expliquer en quoi la communication desdits documents était indispensable.

43 Le Tribunal de la fonction publique a ainsi considéré que cette mesure d’organisation de la procédure ne présentait pas d’utilité pour la solution du litige, appréciation qui échappe à la compétence du juge de pourvoi. Il convient en outre de constater que les requérants se limitent à expliquer les raisons pour lesquelles ils estiment que les documents étaient utiles aux débats (voir, en ce sens, arrêt De Nicola/BEI, point 40 supra, EU:T:2013:461, point 82).

44 Par ailleurs, ne saurait davantage prospérer l’argument des requérants tiré de ce que le Tribunal de la fonction publique a considéré, au point 184 de l’arrêt attaqué, qu’une mesure d’organisation de la procédure invitant une partie à produire des documents supposerait que la communication de ces documents soit indispensable, alors qu’il suffirait, en vertu de l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, point 39 supra (EU:C:1998:608, points 93 et 94), que cette communication soit utile. Certes, le
Tribunal de la fonction publique a constaté, au point 184 de l’arrêt attaqué, que les requérants n’avaient pas démontré que la communication des documents en cause était indispensable. Il n’en demeure pas moins qu’il a clairement considéré, audit point de l’arrêt attaqué, conformément à l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, point 39 supra (EU:C:1998:608), que la partie qui demande au Tribunal d’ordonner la production de certains documents doit, à tout le moins, fournir un minimum d’éléments
accréditant l’utilité de ces documents pour les besoins de l’instance.

45 Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré de la méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire, de la méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi, de la qualification juridique erronée du protocole d’accord, de la dénaturation du dossier et de la violation de l’obligation de motivation

46 Le deuxième moyen, qui vise les points 98 à 111 de l’arrêt attaqué, comporte quatre branches. La première branche concerne, notamment, la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire. La deuxième branche est tirée de la dénaturation et de la qualification juridique erronée de la lettre d’accompagnement. La troisième branche est tirée de la violation de l’obligation de motivation et de la qualification juridique erronée du protocole d’accord. La
quatrième branche est tirée de l’examen incomplet des pièces du dossier et de la dénaturation du dossier.

– Sur la première branche, tirée de la méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire ainsi que de la méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi

47 Les requérants soutiennent que le Tribunal de la fonction publique aurait dû examiner si les décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 dont l’illégalité était excipée avaient porté atteinte aux conditions fondamentales de la relation d’emploi, telles qu’issues du protocole d’accord. Le Tribunal de la fonction publique aurait omis de procéder à cet examen en considérant qu’il ne pouvait pas y avoir une telle atteinte en raison de la nature réglementaire de la relation
d’emploi entre la BEI et ses agents. Le Tribunal de la fonction publique aurait donc méconnu la différence entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire et violé les conditions fondamentales de la relation d’emploi.

48 En premier lieu, s’agissant de la nature de la relation d’emploi, il convient de rappeler que, selon l’article 13 du règlement du personnel, les relations entre la BEI et les membres de son personnel sont réglées en principe par des contrats individuels dans le cadre dudit règlement.

49 Premièrement, les requérants réitèrent, à cet égard, dans leur pourvoi, l’argument selon lequel il résulterait d’une lecture a contrario de l’arrêt du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission (C‑443/07 P, Rec, EU:C:2008:767, point 60), que les droits et les obligations des agents sous contrat ne peuvent être modifiés à tout moment par le législateur. De même, ils invoquent de nouveau l’arrêt du 22 octobre 2002, Pflugradt/BCE (T‑178/00 et T‑341/00, Rec, EU:T:2002:253, point 53), dont
il ressort, selon eux, que la force obligatoire des contrats s’oppose à ce que l’institution ou l’organisme, en tant qu’employeur, impose des modifications aux conditions d’exécution des contrats sans l’accord des agents concernés, lorsque ces conditions correspondent à des éléments essentiels desdits contrats. Ils ajoutent que la théorie des éléments essentiels a été consacrée par le législateur, puisque ce dernier a imposé à l’employeur l’obligation d’informer ses travailleurs des éléments
essentiels du contrat au titre desquels figure la rémunération, conformément à l’article 2, sous h), de la directive 91/533/CEE du Conseil, du 14 octobre 1991, relative à l’obligation de l’employeur d’informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail (JO L 288, p. 32).

50 À cet égard, il y a lieu de constater que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a jugé, au point 104 de l’arrêt attaqué, en faisant référence à l’arrêt du 14 octobre 2004, Pflugradt/BCE (C‑409/02 P, Rec, EU:C:2004:625, point 34), que, lorsque les contrats sont conclus avec un organisme de l’Union, chargé d’une mission d’intérêt général et habilité, comme la BEI, à prévoir, par voie de règlement, les dispositions applicables à son personnel, la volonté des
parties à un tel contrat trouve nécessairement ses limites dans les obligations de toute nature qui découlent de cette mission particulière et qui s’imposent tant aux organes de direction de cet organisme qu’à ses agents.

51 Dans cette perspective, il convient de relever que les relations de la BEI avec son personnel contractuel sont, dans une large mesure, déterminées par le règlement du personnel, auquel les agents adhèrent en contresignant la lettre d’engagement. Plus particulièrement, ainsi que l’a jugé le Tribunal de la fonction publique au point 105 de l’arrêt attaqué, il ressort de l’article 20, premier et deuxième alinéas, du règlement du personnel ainsi que de ses annexes I et II que les traitements de base
et leurs compléments sont fixés par voie réglementaire. Par ailleurs, au point 142 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a considéré, à bon droit, que, en matière de primes, l’article 16 du règlement du personnel conférait un pouvoir discrétionnaire au président de la BEI, tant dans le principe de l’octroi de ces primes qu’en ce qui concerne leur montant.

52 C’est donc sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a jugé, au point 107 de l’arrêt attaqué, que la BEI disposait, pour poursuivre la mission d’intérêt général qui lui incombait, d’un pouvoir d’appréciation pour organiser ses services et fixer unilatéralement la rémunération de son personnel, cela nonobstant les actes juridiques de nature contractuelle qui étaient à la base desdites relations de travail.

53 Deuxièmement, s’agissant de l’argument des requérants selon lequel cette constatation du Tribunal de la fonction publique emporterait le droit pour la BEI d’apporter toute modification à la rémunération de son personnel, voire de la supprimer, il y a lieu de constater que, si le Tribunal de la fonction publique a considéré, notamment au point 109 de l’arrêt attaqué, que la BEI avait le droit de modifier unilatéralement la rémunération, cela ne signifie pas pour autant que son pouvoir
discrétionnaire serait illimité, ce qui ne fait pas l’objet de contestation dans le cadre de la présente affaire.

54 Troisièmement, les requérants, en renvoyant au point 106 de l’arrêt attaqué, reprochent au Tribunal de la fonction publique de n’avoir pas identifié les nouveaux besoins qui auraient contraint la BEI à modifier unilatéralement les contrats.

55 À cet égard, il suffit de constater, indépendamment de la question de savoir si la BEI a procédé à une modification des contrats des requérants, que le Tribunal de la fonction publique a précisément exposé, notamment aux points 136 et 137 de l’arrêt attaqué (voir point 137 ci-après), les raisons qui avaient conduit la BEI à considérer que la réforme du régime des primes était nécessaire.

56 Quatrièmement, les requérants font valoir que la BEI avait soutenu, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 novembre 1976, Mills/BEI (110/75, Rec, EU:C:1976:152), que, lorsque le conseil d’administration procède à une modification du règlement du personnel, celle-ci ne pourrait s’appliquer aux contrats individuels en cours, sauf acceptation par l’autre partie, puisque le règlement du personnel fait partie intégrante des contrats individuels. De plus, ils observent que la BEI a adopté un
nouveau règlement du personnel, applicable aux agents recrutés à compter du 1er juillet 2013 et que, pour les agents recrutés avant cette date, l’ancien règlement reste applicable. Dans ce contexte, ils soulèvent la question de savoir pourquoi la BEI, si elle avait la faculté de modifier unilatéralement le règlement du personnel, n’a pas imposé le nouveau règlement du personnel à l’ensemble de ses agents.

57 À cet égard, il importe de relever que le règlement du personnel applicable en l’espèce prévoit, notamment, la possibilité pour la BEI de modifier unilatéralement les éléments de la rémunération (voir point 51 ci-dessus) et que la réforme du régime de progression salariale n’était pas fondée sur une modification des dispositions du règlement du personnel. Il s’ensuit qu’il n’était pas nécessaire pour le Tribunal de la fonction publique de se prononcer sur la question de savoir dans quelle mesure
la BEI aurait eu la faculté d’appliquer des modifications du règlement du personnel aux agents en service.

58 En deuxième lieu, s’agissant de la prétendue méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi, telle qu’issues du protocole d’accord, il convient de rappeler que, au point 108 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a jugé que la BEI n’avait pas méconnu les droits qui auraient résulté du protocole d’accord, sans qu’il eût été nécessaire de se prononcer sur la valeur en soi de ce dernier. Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique a ajouté, au point 109 de
l’arrêt attaqué, que, au demeurant, selon la lettre d’accompagnement, les autorités de la BEI demeuraient compétentes pour modifier les éléments ou les modalités du système de rémunération ou ce système lui-même, alors même que ces modifications affecteraient le contenu dudit protocole. Au point 111 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a considéré que, en raison de son caractère en toute hypothèse unilatéralement modifiable, la BEI n’avait pas violé le protocole d’accord.

59 Ces considérations, qui impliquent que le protocole d’accord n’a pas affecté, indépendamment de sa valeur juridique, la possibilité pour la BEI de modifier unilatéralement la rémunération de son personnel, ne peuvent qu’être approuvées.

60 Ce constat ne saurait être remis en cause par l’argument des requérants tiré de ce que le protocole d’accord a nécessairement modifié les contrats des agents de la BEI, au motif qu’il était le résultat d’une procédure de conciliation, fondée sur l’article 41 du règlement du personnel. En effet, cet argument est inopérant, dès lors que le protocole d’accord n’a pas vocation à affecter le caractère unilatéralement modifiable de la rémunération. Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur de droit
que le Tribunal de la fonction publique n’a pas examiné dans l’arrêt attaqué la question de savoir si ce protocole avait modifié les contrats de travail et lié la BEI.

61 De même, il convient d’écarter l’argument des requérants selon lequel la possibilité pour la BEI de modifier le protocole d’accord de façon unilatérale irait à l’encontre de la nature de la relation d’emploi et du protocole d’accord ainsi qu’au principe de bonne foi.

62 En effet, la faculté qu’a la BEI de modifier unilatéralement les éléments de la rémunération ainsi que le protocole d’accord fait, respectivement, partie des conditions d’emploi et de la nature dudit protocole et ne saurait, partant, constituer une violation du principe de bonne foi.

63 Il résulte de ce qui précède que le Tribunal de la fonction publique n’a ni méconnu la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire, ni les conditions fondamentales de la relation d’emploi, en sorte qu’il y a lieu d’écarter la première branche du deuxième moyen.

– Sur la deuxième branche, tirée de la dénaturation et de la qualification juridique erronée de la lettre d’accompagnement

64 Les requérants reprochent au Tribunal de la fonction publique d’avoir dénaturé, au point 109 de l’arrêt attaqué, la lettre d’accompagnement, dont il aurait examiné les éléments dans un ordre différent de celui de cette lettre. En outre, en considérant que la lettre confirmait que les éléments figurant dans le protocole d’accord ne constituaient pas des éléments essentiels du contrat de travail, le Tribunal de la fonction publique aurait donné une qualification juridique erronée à ladite lettre.

65 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir arrêt du 10 février 2011, Activision Blizzard Germany/Commission,C‑260/09 P, Rec, EU:C:2011:62, point 53 et jurisprudence citée).

66 Force est de constater que l’argumentation avancée par les requérants au soutien de leur grief ne met en évidence aucune inexactitude matérielle dans la lecture que le Tribunal de la fonction publique a faite de ladite lettre. Ainsi, le fait que le Tribunal de la fonction publique n’a pas examiné les éléments de la lettre dans l’ordre qui est celui de cette lettre ne justifie nullement la conclusion que le Tribunal de la fonction publique aurait fait une lecture de cette lettre qui serait
manifestement contraire à son contenu.

67 Plus particulièrement, il ressort de la première phrase du point 109 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a, en substance, considéré que la lettre d’accompagnement impliquait que le protocole d’accord ne contenait pas d’éléments qui ne pouvaient pas être modifiés unilatéralement par la BEI. Ainsi, le Tribunal de la fonction publique n’a pas dénaturé des éléments de preuve en en déduisant ce que, manifestement, ils ne relèvent pas. En effet, ladite lettre mentionne
explicitement la possibilité pour la BEI de modifier les éléments ou les modalités du système de rémunération.

68 En outre, dans la mesure où les requérants semblent fonder leur grief relatif à la dénaturation de la lettre d’accompagnement également sur la déclaration écrite du 9 avril 2014 de l’ancien porte-parole du collège des représentants du personnel de la BEI entre mars 2007 et mars 2010, il convient de rappeler qu’une dénaturation des éléments de preuve existe lorsque, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît
manifestement erronée (voir arrêt du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission,C‑326/05 P, Rec, EU:C:2007:443, point 60 et jurisprudence citée).

69 Il résulte de ce qui précède que la déclaration écrite mentionnée au point 67 ci-dessus ne saurait démontrer la dénaturation des pièces du dossier, dans la mesure où cette dénaturation doit ressortir des seules pièces qui avaient été produites devant le Tribunal de la fonction publique.

70 Enfin, sur le fondement de son appréciation du contenu de la lettre d’accompagnement, le Tribunal de la fonction publique pouvait conclure, au point 109 de l’arrêt attaqué, sans se livrer à une qualification juridique erronée, que cette lettre s’inscrivait dans la perspective que les éléments figurant dans le protocole d’accord ne constituaient pas des éléments essentiels qui ne sauraient être modifiés sans le consentement des agents de la BEI.

71 En effet, force est de constater que, en ce que le paragraphe 4 de la lettre d’accompagnement précise que « [c]eci ne signifie pas que les autorités compétentes de la [BEI] ne pourraient pas modifier les éléments ou modalités du système de rémunération actuellement mis en œuvre ou ce système lui-même ainsi que le régime de pension tels qu’issus de la réforme », il s’ensuit qu’il ne saurait être considéré, ainsi que le prétendent les requérants, qu’aucune modification ne pouvait être apportée par
la BEI audit régime.

72 Il convient donc de rejeter la deuxième branche du deuxième moyen.

– Sur la troisième branche, tirée de la violation de l’obligation de motivation et de la qualification juridique erronée du protocole d’accord

73 Les requérants font grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir manqué à son devoir de motivation en ne prenant pas en considération certains de leurs arguments.

74 Il y a lieu de rappeler que l’obligation pour le Tribunal de la fonction publique de motiver ses arrêts en vertu de l’article 36 du statut de la Cour, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I du même statut, ne lui impose pas de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles les
mesures en question ont été prises et au juge de pourvoi de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle. En effet, cette obligation ne saurait être interprétée comme impliquant que le Tribunal de la fonction publique fût tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par le requérant, en particulier s’il ne revêtait pas un caractère suffisamment clair et précis et ne reposait pas sur des éléments de preuve circonstanciés (voir arrêts du 24 octobre 2011,
P/Parlement,T‑213/10 P, RecFP, EU:T:2011:617, point 31 et jurisprudence citée, et du 20 mars 2012, Kurrer e.a./Commission,T‑441/10 P à T‑443/10 P, RecFP, EU:T:2012:133, point 72 et jurisprudence citée).

75 En premier lieu, les requérants reprochent au Tribunal de la fonction publique de ne pas avoir mentionné leur argument tiré de ce que, lors de la réforme du système salarial, intervenue en 1987, la BEI avait cherché à obtenir l’accord de son personnel, conformément au caractère contractuel de la relation d’emploi.

76 Cet argument ne saurait être accueilli.

77 Le fait que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique ne s’est pas prononcé sur l’argument concernant la précédente réforme du système salarial ne saurait permettre de conclure que cet arrêt est entaché d’une insuffisance de motivation.

78 En effet, en prenant en considération l’arrêt Pflugradt/BCE (point 50 supra, EU:C:2004:625) et le règlement du personnel de la BEI, le Tribunal de la fonction publique a considéré, en substance, que la BEI était habilitée à déterminer unilatéralement la rémunération de son personnel par voie réglementaire et que le protocole d’accord n’était pas susceptible d’affecter ce pouvoir décisionnel (voir points 104 à 111 de l’arrêt attaqué). Ce raisonnement est clair et de nature à permettre tant aux
requérants de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal de la fonction publique n’a pas fait droit à leurs arguments qu’au Tribunal de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel.

79 En deuxième lieu, les requérants font valoir que le Tribunal de la fonction publique a omis de prendre en considération le fait que la BEI n’avait pas contesté être liée par le protocole d’accord, qu’elle avait cherché à définir de nouvelles mesures compensatoires visant à maintenir le niveau de la compensation fixée par le protocole d’accord et que le comité de rémunérations avait souligné, dans plusieurs procès-verbaux de ses réunions, que les mesures transitoires à adopter devaient respecter
le protocole d’accord. De même, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas tenu compte du cadre dans lequel le protocole d’accord avait été conclu et la nature propre de cet accord. Par ailleurs, les requérants critiquent le point 108 de l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal de la fonction publique a considéré qu’il n’était pas nécessaire de se prononcer sur la valeur en soi du protocole d’accord. Selon eux, le Tribunal de la fonction publique aurait dû examiner s’ils tiraient du protocole
d’accord des droits contractuels, insusceptibles d’être modifiés unilatéralement par la BEI.

80 À cet égard, il convient de rappeler que le Tribunal de la fonction publique a jugé, en substance, aux points 108 et 109 de l’arrêt attaqué, que, quelle que soit la valeur juridique du protocole d’accord, celui-ci n’aurait pas empêché la BEI de déterminer unilatéralement les conditions de la rémunération et que ce constat était confirmé par la lettre d’accompagnement qui affirmait expressément la compétence de la BEI pour modifier les éléments ou les modalités du système de rémunération et, au
point 111 de l’arrêt attaqué, que, en toute hypothèse, le protocole d’accord avait un caractère unilatéralement modifiable. Dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique a estimé que le protocole d’accord n’avait, en tout état de cause, pas vocation à affecter la possibilité, pour la BEI, de modifier unilatéralement la rémunération, il n’était pas nécessaire, aux fins de la motivation de l’arrêt attaqué, de se prononcer sur la question de savoir si, en principe, le protocole d’accord
était susceptible, par sa nature, de créer des droits contractuels qui pourraient lier la BEI.

81 En outre, dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique ne s’est pas prononcé sur « la valeur en soi du protocole d’accord », il ne saurait pas non plus lui être fait grief d’avoir retenu une qualification juridique erronée du protocole d’accord.

82 Il s’ensuit que la troisième branche du deuxième moyen doit être rejetée.

– Sur la quatrième branche, tirée de l’examen incomplet des pièces du dossier et de la dénaturation de ce dernier

83 Les requérants reprochent au Tribunal de la fonction publique d’avoir omis de prendre en compte des pièces importantes du dossier et d’avoir, ainsi, dénaturé le dossier.

84 Il y a lieu de rappeler que sont recevables au stade du pourvoi des griefs relatifs à la constatation des faits et à leur appréciation dans la décision attaquée lorsque la partie requérante allègue que le Tribunal de la fonction publique a effectué des constatations dont l’inexactitude matérielle résulte des pièces du dossier ou qu’il a dénaturé les éléments de preuve qui lui sont soumis. Est également considéré comme recevable au stade du pourvoi le moyen tiré de l’examen incomplet des faits
(voir arrêt du 19 novembre 2009, Michail/Commission,T‑50/08 P, RecFP, EU:T:2009:457, point 50 et jurisprudence citée).

85 Premièrement, les requérants font valoir que le Tribunal de la fonction publique n’a pas pris en considération le protocole de la réunion du comité de direction de la BEI du 9 novembre 2010 dont il ressortirait que le comité de direction avait invité les « RH » et les représentants du personnel à discuter « the scope of a possible new Memorandum with the Staff Representatives », les représentants du personnel ayant souligné le lien existant entre les mesures compensatoires et la prime, la réforme
du régime de la prime (ou de la récompense des performances) portant atteinte aux mesures compensatoires.

86 Selon le protocole de la réunion du comité de direction de la BEI du 9 novembre 2010, il a été pris note des observations des représentants du personnel concernant le lien existant entre les mesures compensatoires et le système des primes ainsi que de leurs préoccupations concernant le respect du protocole d’accord. Ensuite, le comité de direction a invité les « RH » et les représentants du personnel à mener une discussion sur un éventuel nouveau protocole d’accord.

87 À cet égard, force est de constater que la simple invitation à mener une discussion sur un nouveau protocole d’accord est insuffisante aux fins de démontrer une inexactitude matérielle manifeste des constatations effectuées par le Tribunal de la fonction publique, résultant d’un examen incomplet des pièces du dossier.

88 Il s’ensuit que le présent grief doit être rejeté.

89 Deuxièmement, il y a lieu de rejeter le grief tiré de ce que le Tribunal de la fonction publique a dénaturé le document intitulé « Procès-verbal des réunions du Conseil d’administration/Comité de rémunérations des 10 mars, 5 mai, 14 juin, 13 juillet, 20 septembre et 15 novembre 2010 », ainsi que la note, y compris ses annexes, soumise par le département des ressources humaines au comité de direction le 22 juin 2011.

90 À cet égard, il y a lieu de constater que les requérants ne précisent nullement les raisons pour lesquelles, d’une part, le Tribunal de la fonction publique aurait dû prendre en considération lesdits documents et, d’autre part, cette omission aurait pu constituer une dénaturation du dossier. Ils n’ont donc pas démontré que le Tribunal de la fonction publique avait commis une telle dénaturation.

91 S’agissant de la prétendue dénaturation de la note soumise par le département des ressources humaines au comité de direction le 22 juin 2011, cet argument ne saurait, en outre, prospérer, dès lors que ladite note n’a pas été produite par la BEI en première instance (voir point 182 de l’arrêt attaqué) et que le Tribunal de la fonction publique a pu refuser, ainsi qu’il ressort des points 43 à 46 ci-dessus, de demander sa production dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure.

92 Il s’ensuit que la quatrième branche et, partant, le deuxième moyen doivent être rejetés.

Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance des droits acquis et la violation de l’obligation de motivation ainsi que de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et d’une dénaturation du dossier

93 Le troisième moyen, qui vise les points 114 à 125 de l’arrêt attaqué, se subdivise en trois branches, la première tirée de la méconnaissance des droits acquis, la deuxième tirée de la violation de l’obligation de motivation et la troisième tirée de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et d’une dénaturation du dossier.

– Sur la première branche, tirée de la méconnaissance des droits acquis

94 Les requérants reprochent au Tribunal de la fonction publique d’avoir commis une erreur de droit en considérant que le régime des primes antérieur à la réforme n’avait pas conféré aux agents de la BEI un droit acquis, alors que ce régime reposait sur le droit de bénéficier d’une prime d’un montant croissant et au moins équivalant à la prime allouée l’année précédente à mérite égal.

95 Il convient de rappeler que, au point 118 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a considéré que l’ancien régime des primes avait été conçu comme discrétionnaire et variable, mais que la pratique suivie lui avait de facto conféré une stabilité significative quant aux conditions générales de l’octroi des primes et quant à leur ordre de grandeur.

96 La constatation du Tribunal de la fonction publique, retenue au point 119 de l’arrêt attaqué, selon laquelle cette situation n’impliquait pas que les requérants avaient acquis un droit s’opposant à la réforme de l’ancien régime des primes est dépourvue d’erreur de droit.

97 En effet, ainsi qu’il a déjà été exposé aux points 50 à 52 ci-dessus, il ressort des articles 16 et 20 du règlement du personnel que la BEI fixe les traitements de base et leurs compléments par voie réglementaire, ce qui inclut la possibilité pour la BEI de modifier la rémunération pour l’avenir. Dans cette perspective, c’est à bon droit que le Tribunal de la fonction publique a relevé, au point 120 de l’arrêt attaqué, en faisant référence à l’arrêt du 17 décembre 1981, Ludwigshafener Walzmühle
Erling e.a./Conseil et Commission (197/80 à 200/80, 243/80, 245/80 et 247/80, Rec, EU:C:1981:311, point 40), que le fait qu’un organisme de l’Union ait, pendant une longue période, suivi une politique déterminée ne créait pas, pour les intéressés, un droit au maintien des avantages que cette politique avait pu leur valoir.

98 Les requérants soutiennent qu’ils disposaient d’un droit à un régime de primes issu de leurs contrats et, en tout cas, de l’usage. Plus particulièrement, ils font référence à l’arrêt du 6 mars 2001, Dunnett e.a./BEI (T‑192/99, Rec, EU:T:2001:72, points 84 à 86). Dans cet arrêt, le Tribunal a jugé, au point 85, que, conformément à un principe général de droit du travail commun aux droits des États membres, applicable, en vertu de l’article 44 du règlement du personnel, aux contrats conclus entre
la BEI et ses agents, un employeur ne pouvait retirer unilatéralement un avantage financier qu’il avait librement accordé à ses employés de manière continue qu’après consultation de ces derniers ou de leurs représentants.

99 Or, à supposer même que la réforme de l’ancien régime des primes constitue le retrait d’un tel avantage financier, en l’espèce, les représentants du personnel ont été consultés préalablement à cette réforme, en sorte qu’il ne résulte nullement de l’arrêt Dunnett e.a./BEI, point 98 supra (EU:T:2001:72), que la BEI était empêchée de réaliser ladite réforme en raison d’un droit acquis résultant de l’ancien régime de primes.

100 La première branche du troisième moyen doit donc être rejetée.

– Sur la deuxième branche, tirée de la violation de l’obligation de motivation

101 Les requérants soutiennent que le Tribunal de la fonction publique a violé son obligation de motivation, en ce qu’il n’a pas répondu à leur argument tiré, en substance, de ce que leur droit acquis était le droit de bénéficier d’une garantie d’une prime d’un montant croissant et au moins équivalant à la prime allouée l’année précédente à mérite égal. Ils prétendent qu’il s’agissait là d’une situation pleinement née et réalisée sous l’ancien régime des primes.

102 À cet égard, il suffit de rappeler qu’il ressort des points 119, 120 et 133 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a mentionné les raisons pour lesquelles les requérants n’avaient pas acquis un droit s’opposant à la réforme de l’ancien régime des primes, en sorte qu’ils ne pouvaient faire valoir aucun droit au maintien des avantages résultant de l’ancienne pratique. Ces considérations permettaient aux requérants de connaître les raisons pour lesquelles ils n’avaient acquis
aucun droit et au Tribunal de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel.

103 Il s’ensuit que la deuxième branche du troisième moyen doit être rejetée.

– Sur la troisième branche, tirée d’une méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et d’une dénaturation du dossier

104 Les requérants reprochent au Tribunal de la fonction publique d’avoir, aux points 121 à 125 de l’arrêt attaqué, méconnu le principe de protection de la confiance légitime et d’avoir dénaturé le dossier.

105 Au point 122 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a estimé que, dans un domaine où l’administration disposait d’un large pouvoir d’appréciation, une simple pratique, aussi courante soit-elle, n’équivalait pas à des renseignements précis, inconditionnels et concordants pouvant créer une attente légitime. Dans ce contexte, il a fait référence, d’une part, à l’arrêt du 29 novembre 2006, Campoli/Commission (T‑135/05, RecFP, EU:T:2006:366, point 70), concernant le régime des
pensions des fonctionnaires et, d’autre part, aux arrêts du 8 septembre 2010, Deltafina/Commission (T‑29/05, Rec, EU:T:2010:355, points 292, 426 et 435), et du 5 octobre 2011, Transcatab/Commission (T‑39/06, Rec, EU:T:2011:562, point 291), relatifs au domaine de la concurrence.

106 Les requérants soutiennent que la pratique décisionnelle de la Commission en matière de concurrence n’est pas pertinente, puisqu’ils invoquent la violation du principe de protection de la confiance légitime en raison de la modification substantielle d’un élément de leur rémunération.

107 À cet égard, il suffit de constater que le Tribunal de la fonction publique s’est également fondé, au point 122 de l’arrêt attaqué, sur un arrêt portant sur le régime des pensions. Le grief à l’encontre de l’arrêt en matière de concurrence est donc, en tout état de cause, inopérant.

108 Par ailleurs, est dépourvu d’erreur de droit le constat effectué au point 123 de l’arrêt attaqué, selon lequel les requérants peuvent d’autant moins se prévaloir d’une confiance légitime que la BEI avait annoncé à plusieurs reprises depuis 2004 une refonte du régime des primes.

109 Les requérants soutiennent toutefois qu’aucune des pièces produites par la BEI ne remet en cause l’existence d’un régime de primes reposant sur la garantie d’une prime au moins équivalente à la prime de l’année précédente à mérite égal et que, de ce fait, le comité de rémunérations et le conseil d’administration s’étaient référés, en 2010, aux attentes légitimes et aux droits acquis des agents relatifs aux primes régulières croissantes. En se fondant sur des déclarations de 2004, le Tribunal de
la fonction publique aurait, partant, dénaturé le dossier et méconnu le principe de protection de la confiance légitime.

110 Il y a lieu de rejeter cet argument.

111 Si la BEI n’a pas expressément contesté l’existence de la prétendue garantie d’une prime lorsqu’elle a annoncé, en 2004, une refonte du régime des primes, cette circonstance ne permet nullement de conclure que la BEI a reconnu une telle garantie.

112 Certes, il ressort, notamment, du procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 14 décembre 2010 que, en septembre 2009, celui-ci avait reconnu que, en raison d’une longue pratique, une partie des primes régulières devait être considérée comme un élément de la rémunération dans la mesure où elle était fondée sur l’ancienneté.

113 Toutefois, il ressort du procès-verbal des réunions du comité de rémunérations du personnel des 10 mars, 5 mai, 14 juin, 13 juillet et 20 septembre 2010 que l’un des objectifs poursuivis par la réforme du régime des primes était précisément de réduire le caractère automatique de leur allocation et de limiter ainsi les risques de « réémergence » d’attentes légitimes ou de droits acquis dans les années à venir (voir point 117 de l’arrêt attaqué).

114 Si la BEI voulait prévenir la « réémergence » d’attentes légitimes ou de droits acquis, il ne ressort pas de cette description de l’un des objectifs de la réforme que la BEI a reconnu l’existence d’attentes légitimes ou de droits acquis dans une prime régulière croissante ou au moins équivalente à la prime de l’année précédente.

115 Il s’ensuit que le Tribunal de la fonction publique n’a, aux points 121 à 125 de l’arrêt attaqué, ni méconnu le principe de protection de la confiance légitime, ni dénaturé les pièces du dossier.

116 Il y a donc lieu de rejeter cette branche et, partant, le troisième moyen dans son ensemble.

Sur le quatrième moyen, tiré de la méconnaissance des principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité et de prévisibilité, du devoir de sollicitude et de la violation de l’obligation de motivation

117 Le quatrième moyen, qui vise les points 133 à 137 de l’arrêt attaqué, et, notamment, le rejet du troisième moyen d’annulation, comporte cinq branches, respectivement tirées, de la méconnaissance du principe de sécurité juridique, de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité, de la violation de l’obligation de motivation, de la méconnaissance du devoir de sollicitude et d’une erreur de droit lors de l’appréciation de l’intérêt du service.

– Sur la première branche, tirée de la méconnaissance du principe de sécurité juridique

118 Les requérants soutiennent que, dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique a rejeté le deuxième moyen en méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire, en violant des conditions fondamentales de la relation d’emploi ainsi qu’au terme d’une motivation contradictoire et en dénaturant le dossier, les considérations au point 133 de l’arrêt attaqué sont également entachées d’illégalité.

119 Il convient de rappeler que, au point 133 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a, notamment, considéré qu’il ressortait de l’examen du deuxième moyen que la BEI n’avait pas garanti l’immuabilité du régime des rémunérations du personnel, ni spécialement celle des dispositions figurant dans le protocole d’accord et qu’il s’ensuivait que, en adoptant les décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011, la BEI n’avait pas violé le principe de sécurité
juridique.

120 Force est de constater que, en statuant ainsi, le Tribunal de la fonction publique n’a commis aucune erreur de droit.

121 En effet, le grief des requérants est fondé sur une prémisse erronée, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort notamment des points 52 et 59 ci-dessus, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a considéré que le protocole d’accord n’avait pas affecté, indépendamment de sa valeur juridique, la possibilité pour la BEI de modifier unilatéralement la rémunération de son personnel. La BEI n’ayant pas garanti l’immuabilité du régime des rémunérations, la réforme de
celui-ci ne saurait, partant, avoir porté atteinte au principe de sécurité juridique.

122 La première branche du quatrième moyen doit donc être rejetée.

– Sur la deuxième branche, tirée de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité

123 À cet égard, il importe de rappeler qu’il résulte de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 138 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991 qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (voir, en
ce sens, arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec, EU:C:2000:361, point 34 ; du 26 juin 2012, Pologne/Commission,C‑335/09 P, Rec, EU:C:2012:385, point 25, et ordonnance du 8 mai 2014, Greinwald/Wessang,C‑608/12 P, EU:C:2014:394, point 31).

124 Ne répond pas à ces exigences et doit être déclaré irrecevable un pourvoi ou un moyen qui est trop obscur pour recevoir une réponse (voir, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission,C‑194/99 P, Rec, EU:C:2003:527, point 106). Par ailleurs, il convient de rappeler que la seule énonciation abstraite d’un moyen dans un pourvoi, non étayée d’indications plus précises, ne satisfait pas à l’obligation de motiver ledit pourvoi (arrêts du 9 juin 2011, Evropaïki
Dynamiki/BCE,C‑401/09 P, Rec, EU:C:2011:370, point 61, et du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission,T‑515/14 P et T‑516/14 P, RecFP, EU:T:2015:844, point 31).

125 En l’occurrence, force est de constater que la quatrième branche de ce moyen ne permet pas de discerner avec suffisamment de clarté le raisonnement juridique des requérants selon lequel le Tribunal de la fonction publique a méconnu le principe de non-rétroactivité, dans la mesure où ils se contentent de citer la prétendue méconnaissance par le Tribunal de la fonction publique dudit principe sans développer, même de manière succincte, les raisons pour lesquelles ce principe aurait été violé.

126 Il doit donc être rejeté comme irrecevable.

– Sur la troisième branche, tirée de la violation de l’obligation de motivation

127 Les requérants reprochent au Tribunal de la fonction publique d’avoir violé son obligation de motivation, s’agissant de leur argument tiré d’une atteinte à la sécurité juridique et à la prévisibilité, la réforme du régime de la prime ayant emporté une modification substantielle, à peine deux ans après sa conclusion, du protocole d’accord, que les parties ont voulu durable aux fins de préserver la paix sociale.

128 Ainsi qu’il a été rappelé au point 74 ci-dessus, l’obligation pour le Tribunal de la fonction publique de motiver ses arrêts ne lui impose pas de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles les mesures en question ont été prises et au juge de pourvoi de disposer des éléments suffisants pour exercer
son contrôle juridictionnel.

129 À cet égard, il convient de relever que le Tribunal de la fonction publique a considéré, au point 133 de l’arrêt attaqué ainsi que dans le cadre de l’examen du deuxième moyen invoqué devant lui, que la BEI n’avait pas garanti l’immuabilité du régime des rémunérations, ni spécialement celle des dispositions figurant dans le protocole d’accord, en sorte qu’elle n’avait pas violé le principe de sécurité juridique. Il résulte, ainsi, à suffisance de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction
publique a considéré que le protocole d’accord ne faisait pas obstacle à la réforme en cause. Cette motivation est suffisante pour permettre aux requérants de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal de la fonction publique n’a pas retenu leur argumentation et au juge de pourvoi de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel.

130 La troisième branche du quatrième moyen doit donc être écartée.

– Sur la quatrième branche, tirée de la méconnaissance du devoir de sollicitude

131 Les requérants soutiennent que la prise en compte des possibilités budgétaires ne justifie pas que des économies soient faites à la charge du personnel et que le Tribunal de la fonction publique a donc méconnu, au point 134 de l’arrêt attaqué, le devoir de sollicitude.

132 Il convient de rappeler que, au point 134 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a rappelé, en faisant référence aux arrêts du 17 décembre 1981, Bellardi-Ricci e.a./Commission (178/80, Rec, EU:C:1981:310, point 19), et du 9 octobre 2007, Bellantone/Cour des comptes (F‑85/06, RecFP, EU:F:2007:171, point 64), que les possibilités budgétaires étaient des facteurs dont l’administration devait tenir compte dans la politique du personnel et que, par conséquent, la volonté de réaliser
des économies à charge du personnel n’était pas en soi un motif irrégulier et ne méconnaissait pas non plus par elle-même le devoir de sollicitude.

133 À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte du devoir de sollicitude que la BEI est tenue, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision, c’est-à-dire non seulement l’intérêt du service, mais aussi, notamment, celui de l’agent concerné (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 21 mai 2014, Commission/Macchia,T‑368/12 P, RecFP, EU:T:2014:266, point 49). Le devoir de considérer
les intérêts du personnel concernés n’exclut cependant pas de tenir compte des objectifs qui sont défavorables au personnel.

134 C’est donc à bon droit que le Tribunal de la fonction publique a estimé que, eu égard à la possibilité de tenir compte des possibilités budgétaires, l’objectif de réaliser des économies à charge du personnel n’était pas incompatible avec le devoir de sollicitude.

135 Il y a donc lieu de rejeter la quatrième branche du quatrième moyen.

– Sur la cinquième branche, tirée d’une erreur de droit lors de l’appréciation de l’intérêt du service

136 Les requérants font valoir que la BEI a poursuivi l’objectif d’aligner son budget sur celui des États membres et de marquer une solidarité à l’égard des États membres en poursuivant d’autres intérêts que ceux qui lui avaient été confiés. Ils soutiennent, partant, que le Tribunal de la fonction publique ne pouvait pas considérer que les décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 étaient justifiées par l’intérêt du service.

137 Il convient de rappeler que, aux points 135 à 137 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a constaté que les requérants n’avaient produit aucun élément de nature à étayer leur assertion selon laquelle la réforme du régime des primes s’expliquait par un souci de la BEI de témoigner une forme de solidarité avec la situation de certains États membres. En revanche, il a relevé que la BEI avait pour objectif de continuer à allouer prioritairement les ressources aux activités
opérationnelles dans un effort durable pour assurer que les objectifs stratégiques de financement soient réalisés tant en termes qualitatifs que quantitatifs. Il a ajouté que la réforme du régime des primes avait été voulue par la BEI pour respecter « les meilleures pratiques [bancaires] » et pour tenir compte des « connotations négatives [...] associées à la notion de prime » dans le secteur bancaire, alors que le régime antérieur des primes ne répondait pas adéquatement aux besoins d’une
organisation hautement performante en ce qu’il était notamment fondé sur l’ancienneté. Il a ajouté que le plan d’activité de la BEI pour les années 2012 à 2014 évoquait également, succinctement, le fait que des circonstances économiques et politiques avaient influencé le budget 2012. Enfin, il a indiqué, au point 137 de l’arrêt attaqué, qu’il ressortait du point 82 de l’arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑73/12, RecFP, EU:F:2014:16), que, si le souci de tenir compte des mesures
d’austérité adoptées dans de nombreux États membres n’était pas absent des préoccupations de la BEI, la décision du 13 décembre 2011 arrêtant le plan d’activité de celle-ci pour les années 2012 à 2014, notamment, était aussi dictée par la volonté de maîtriser l’augmentation du budget consacré au personnel et de s’aligner sur les bonnes pratiques du secteur bancaire dans le contexte général de crise économique et financière, ainsi que de défiance du public envers les institutions bancaires.

138 Le Tribunal de la fonction publique n’a donc nullement constaté que la BEI avait poursuivi l’objectif d’aligner son budget sur celui des États membres et de marquer une solidarité à l’égard de ces derniers.

139 Il s’ensuit qu’il n’est pas établi que la BEI a adopté les décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre uniquement dans le souci de faire preuve de solidarité à l’égard de la situation nationale difficile de certains États membres, ayant conduit ceux-ci à réduire le coût salarial de leur fonction publique, et de prendre ainsi en compte des intérêts strictement nationaux.

140 En revanche, il ressort des considérations rappelées au point 137 ci-dessus que la BEI a entendu adapter le régime des primes aux besoins de son service. Si la BEI a également pris en compte des éléments qui n’étaient pas strictement liés à ses tâches, telles que les mesures d’austérité adoptées dans de nombreux États membres, cette circonstance ne permet pas de conclure que la réforme du régime des primes n’était pas justifiée par l’intérêt du service.

141 Dans ces conditions, l’appréciation du Tribunal de la fonction publique figurant au point 138 de l’arrêt attaqué, selon laquelle il ne peut être soutenu que les décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 ne seraient pas justifiées par l’intérêt du service, n’est entachée d’aucune erreur de droit.

142 La cinquième branche doit, par conséquent, être rejetée, ainsi que le quatrième moyen dans son ensemble.

Sur le cinquième moyen, tiré du contrôle défaillant de l’erreur manifeste d’appréciation et de la dénaturation du dossier

143 Le cinquième moyen vise, notamment, les points 164 à 167 de l’arrêt attaqué.

144 Les requérants soutiennent que c’est en méconnaissant le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation et en dénaturant le dossier que le Tribunal de la fonction publique a conclu au rejet du quatrième moyen soulevé devant lui.

145 En premier lieu, il y a lieu d’emblée d’écarter l’argument des requérants selon lequel, dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique a rejeté leur argumentation selon laquelle le protocole d’accord comportait des éléments essentiels insusceptibles d’être modifiés sans le consentement des agents en méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire, en méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi,
en commettant une erreur dans la qualification juridique de la lettre d’accompagnement, ainsi qu’au terme d’une motivation contradictoire et en dénaturant le dossier, les considérations au point 164 de l’arrêt attaqué seraient également entachées d’illégalité.

146 En effet, il résulte déjà des considérations exposées dans le cadre de l’examen du deuxième moyen (voir points 46 à 92 ci-dessus) que c’est à bon droit que le Tribunal de la fonction publique a considéré, au point 164 de l’arrêt attaqué, que les instances dirigeantes de la BEI ne s’étaient pas engagées juridiquement à ne pas modifier le protocole d’accord et donc à compenser toute altération de son économie.

147 Il s’ensuit que l’existence d’une modification du protocole d’accord, notamment en ce qui concerne le niveau des mesures compensatoires prévues par celui-ci, ne suffirait pas pour conclure à une erreur manifeste d’appréciation de la part de la BEI.

148 En deuxième lieu, les requérants soutiennent que les considérations du Tribunal de la fonction publique, énoncées au point 165 de l’arrêt attaqué, constituent une méconnaissance de l’erreur manifeste d’appréciation et une dénaturation du dossier.

149 Il convient de rappeler que, au point 165 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a constaté que les requérants n’avaient pas démontré l’insuffisance des mesures compensatoires décidées les 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 d’une manière susceptible d’établir l’existence, en l’espèce, d’une erreur manifeste d’appréciation.

150 Premièrement, l’argument des requérants selon lequel le comité de direction de la BEI a rejeté une partie des mesures compensatoires qui lui avaient été soumises par le département des ressources humaines en accord avec les représentants du personnel ne saurait être accueilli, dès lors que ces derniers ont établi, aux fins du maintien du niveau de compensation fixé par le protocole d’accord, le caractère utilement compensatoire desdites mesures.

151 À cet égard, il suffit de relever que la proposition de ces mesures compensatoires n’était pas susceptible de lier la BEI. En particulier, ainsi que le Tribunal de la fonction publique l’a jugé, à bon droit, au point 164 de l’arrêt attaqué, le droit des représentants du personnel d’être consultés laisse intactes les prérogatives de décision de l’employeur (arrêt Dunnett e.a./BEI, point 98 supra, EU:T:2001:72, point 89).

152 Deuxièmement, il convient de rejeter l’argument des requérants selon lequel le fait que les décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 dont l’illégalité est excipée sont de portée générale ne vide pas, en principe, toute simulation produite par eux de sa nature probatoire à leur égard, contrairement à ce qui ressortirait du point 166 de l’arrêt attaqué.

153 Il y a lieu de rappeler que, au point 166 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a, d’abord, indiqué que les requérants avaient produit une simulation dont il résultait que, sur une carrière entière, le nouveau régime des récompenses serait bénéfique pour trois des requérants, à savoir Mme Heger, MM. Bodson et Sutil, et désavantageux pour les cinq autres requérants, quoique de manière peu significative pour trois d’entre eux. Il a, ensuite, jugé que les décisions des 9 novembre
2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011 ayant une portée générale, il ne saurait dès lors être inféré de cette simulation que celles-ci seraient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.

154 Il convient de préciser que, au point 166 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique n’a pas encore apprécié la crédibilité de la simulation produite par les requérants, mais a examiné le contenu de ladite simulation. Il a constaté que, selon cette simulation, le nouveau régime des primes n’affectait pas les requérants de la même manière : alors qu’il serait bénéfique pour les uns, il serait plus ou moins désavantageux pour les autres. Au vu de cette analyse dudit contenu, qui n’est
pas contestée par les requérants dans le pourvoi, et de la portée générale des décisions des 9 novembre 2010, 14 décembre 2010 et 16 novembre 2011, le Tribunal de la fonction publique a estimé que la simulation en question ne permettait pas de conclure à une erreur manifeste d’appréciation.

155 Ces considérations ne sont pas entachées d’erreurs de droit. En effet, à supposer même que la simulation produite par les requérants soit crédible, le fait que la réforme du régime s’avère désavantageuse pour une partie du personnel ne saurait remettre en cause la légalité de cette réforme, puisque la BEI n’était pas obligée de maintenir le niveau antérieur des primes.

156 Troisièmement, l’argument des requérants selon lequel le fait que le nouveau régime des primes est dépourvu de stabilité ne nuirait pas à la crédibilité de la simulation produite par eux doit également être rejeté.

157 À cet égard, le Tribunal de la fonction publique a jugé, au point 167 de l’arrêt attaqué, que, dès lors que le nouveau régime de récompense était caractérisé par son caractère discrétionnaire et sa variabilité, la simulation produite par les requérants et sur laquelle ceux-ci se fondaient était nécessairement trop aléatoire pour étayer, au vu des résultats de cette simulation, l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans le chef de la BEI.

158 Ainsi, le Tribunal de la fonction publique a, principalement, apprécié la valeur probante de la simulation produite par les requérants. L’argument de ces derniers tiré, en substance, de ce que le Tribunal de la fonction publique a, à cet égard, dénaturé les preuves ne saurait prospérer. En effet, il n’existe pas de pièces du dossier laissant apparaître de manière manifeste, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves, une telle dénaturation,
notamment relative au manque de crédibilité de ladite simulation.

159 Quatrièmement, il convient d’écarter l’argument des requérants selon lequel, à supposer même que la nature d’instabilité du nouveau régime des primes nuise à la crédibilité de la simulation produite par les requérants, le Tribunal de la fonction publique aurait dû considérer, en poursuivant son raisonnement jusqu’à son terme, que cette instabilité aurait empêché la BEI d’apprécier le caractère compensatoire des mesures adoptées, ce qui aurait nécessairement signifié une erreur manifeste
d’appréciation de la BEI.

160 En effet, au regard de l’objectif poursuivi, notamment, par la réforme du régime des primes de réduire le caractère automatique de leur allocation (voir point 117 de l’arrêt attaqué), le caractère discrétionnaire et la variabilité du nouveau régime ne sauraient être constitutifs d’une erreur manifeste d’appréciation. De surcroît, ainsi qu’il a déjà été exposé au point 146 ci-dessus, la BEI ne s’était pas engagée à maintenir le niveau de compensation prévu par le protocole d’accord. Il n’était
donc pas nécessaire, pour la BEI, d’apprécier le caractère compensatoire futur du nouveau régime des primes à l’égard de chacun des requérants.

161 Cinquièmement, dans la mesure où les requérants soutiennent que c’est en dénaturant le dossier que le Tribunal de la fonction publique leur a fait grief, au point 167 de l’arrêt attaqué, de ne pas avoir explicité la simulation qu’ils ont produite, cet argument ne saurait être retenu.

162 Il convient de rappeler que, au point 167 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a constaté que, bien qu’invités dans le rapport préparatoire d’audience à expliciter par écrit la simulation susmentionnée en précisant notamment les données sur lesquelles elle se fondait, les requérants s’étaient limités à renvoyer à la liste des annexes de la requête et au mémoire en réplique en première instance, alors que la BEI avait contesté précisément les éléments figurant dans ces
documents.

163 Les requérants soutiennent toutefois qu’ils avaient apporté, notamment dans le mémoire en réplique en première instance, des précisions relatives à la définition des paramètres qui répondaient à la position adoptée par la BEI dans le mémoire en défense et le mémoire en duplique en première instance.

164 Force est de constater que les requérants se contentent de prétendre qu’ils avaient fourni des précisions dans le mémoire en réplique en première instance, mais ne contestent pas ne pas avoir fourni les précisions sollicitées par le Tribunal de la fonction publique à la suite du rapport préparatoire d’audience.

165 Ainsi, si le Tribunal de la fonction publique a estimé, dans le cadre de l’évaluation de la crédibilité de la simulation produite par les requérants, que le renvoi à la liste d’annexes de la requête et du mémoire en réplique en première instance n’était pas suffisant pour expliciter, au regard des observations de la BEI qui contestaient les éléments figurant dans ces documents, les données sur lesquelles était fondée ladite simulation, cette appréciation ne saurait constituer une dénaturation
des faits ou des preuves.

166 Il s’ensuit que la conclusion du Tribunal de la fonction publique selon laquelle la simulation produite par les requérants n’était pas susceptible de démontrer l’insuffisance des mesures compensatoires n’est pas fondée sur une dénaturation des faits ou des preuves et ne constitue pas une méconnaissance du contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.

167 En troisième lieu, s’agissant de l’affirmation des requérants selon laquelle la BEI n’a nullement pris en considération l’intérêt des membres de son personnel et, singulièrement, le leur, il suffit de rappeler que le Tribunal de la fonction publique a jugé, au point 169 de l’arrêt attaqué, sans que ceux-ci le contestent, que « [l]e caractère absolu de cette affirmation [était] […] démenti par les discussions menées par le département des ressources humaines avec les représentants du personnel,
ainsi que par l’existence même de mesures compensatoires assortissant précisément la réforme du régime des primes. »

168 Il résulte de ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté ainsi que le pourvoi dans son ensemble.

Sur la demande de production de documents

169 Les requérants demandent au Tribunal d’inviter la BEI à produire le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de la BEI du 13 décembre 2011 ainsi que les projets établis par le département des ressources humaines en date des 22 juin 2011 (RH/P & O/2011-119), 20 octobre 2011 (RH/P & O/2011-74) et 25 janvier 2012.

170 Il suffit de relever que, eu égard aux considérations énoncées dans le cadre du premier moyen, la demande de production de documents réitérée dans le cadre du présent pourvoi est dénuée de toute pertinence.

Sur les dépens

171 Conformément à l’article 211, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

172 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 213, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

173 Les requérants ayant succombé en leurs conclusions et la BEI ayant conclu en ce sens, ils supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la BEI dans le cadre de la présente instance.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

  1) Le recours est rejeté.

  2) M. Bodson et les autres requérants dont les noms figurent en annexe supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Banque européenne d’investissement (BEI) dans le cadre de la présente instance.

Kanninen

Martins Ribeiro

  Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 février 2016.

Signatures

ANNEXE

Dalila Bundy, demeurant à Cosnes-et-Romain (France),

Didier Dulieu, demeurant à Roussy-le-Village (France),

Marie-Christel Heger, demeurant à Nospelt (Luxembourg),

Evangelos Kourgias, demeurant à Senningerberg (Luxembourg),

Manuel Sutil, demeurant à Luxembourg,

Patrick Vanhoudt, demeurant à Gonderange (Luxembourg),

Henry von Blumenthal, demeurant à Bergem (Luxembourg).

Table des matières

  Cadre juridique
  Faits à l’origine du litige
  Procédure en première instance et arrêt attaqué
  Sur le pourvoi
  Procédure et conclusions des parties
  En droit
  Observations liminaires
  Sur le premier moyen, tiré d’une irrégularité de la procédure
  Sur le deuxième moyen, tiré de la méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire, de la méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi, de la qualification juridique erronée du protocole d’accord, de la dénaturation du dossier et de la violation de l’obligation de motivation
  – Sur la première branche, tirée de la méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire ainsi que de la méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi
  – Sur la deuxième branche, tirée de la dénaturation et de la qualification juridique erronée de la lettre d’accompagnement
  – Sur la troisième branche, tirée de la violation de l’obligation de motivation et de la qualification juridique erronée du protocole d’accord
  – Sur la quatrième branche, tirée de l’examen incomplet des pièces du dossier et de la dénaturation de ce dernier
  Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance des droits acquis et la violation de l’obligation de motivation ainsi que de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et d’une dénaturation du dossier
  – Sur la première branche, tirée de la méconnaissance des droits acquis
  – Sur la deuxième branche, tirée de la violation de l’obligation de motivation
  – Sur la troisième branche, tirée d’une méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et d’une dénaturation du dossier
  Sur le quatrième moyen, tiré de la méconnaissance des principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité et de prévisibilité, du devoir de sollicitude et de la violation de l’obligation de motivation
  – Sur la première branche, tirée de la méconnaissance du principe de sécurité juridique
  – Sur la deuxième branche, tirée de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité
  – Sur la troisième branche, tirée de la violation de l’obligation de motivation
  – Sur la quatrième branche, tirée de la méconnaissance du devoir de sollicitude
  – Sur la cinquième branche, tirée d’une erreur de droit lors de l’appréciation de l’intérêt du service
  Sur le cinquième moyen, tiré du contrôle défaillant de l’erreur manifeste d’appréciation et de la dénaturation du dossier
  Sur la demande de production de documents
  Sur les dépens

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 )   Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Chambre des pourvois
Numéro d'arrêt : T-241/14
Date de la décision : 26/02/2016
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en responsabilité, Recours de fonctionnaires

Analyses

Pourvoi – Fonction publique – Personnel de la BEI – Nature contractuelle de la relation de travail – Rémunération – Réforme du régime des primes de la BEI – Obligation de motivation – Dénaturation – Erreurs de droit.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Jean-Pierre Bodson e.a.
Défendeurs : Banque européenne d'investissement (BEI).

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Martins Ribeiro

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2016:103

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award