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26/02/2016 | CJUE | N°T-240/14

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Jean-Pierre Bodson e.a. contre Banque européenne d'investissement (BEI)., 26/02/2016, T-240/14


ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

26 février 2016 ( *1 )

«Pourvoi — Fonction publique — Personnel de la BEI — Nature contractuelle de la relation de travail — Réforme du système de rémunérations et de progression salariale de la BEI — Obligation de motivation — Dénaturation — Erreurs de droit»

Dans l’affaire T‑240/14 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑73/12, RecFP, EU:F:2014

:16), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

Jean-Pierre Bodson, membre du personnel de la Banque européenne...

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

26 février 2016 ( *1 )

«Pourvoi — Fonction publique — Personnel de la BEI — Nature contractuelle de la relation de travail — Réforme du système de rémunérations et de progression salariale de la BEI — Obligation de motivation — Dénaturation — Erreurs de droit»

Dans l’affaire T‑240/14 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑73/12, RecFP, EU:F:2014:16), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

Jean-Pierre Bodson, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), et les autres membres du personnel de la Banque européenne d’investissement, dont les noms figurent en annexe, représentés par Me L. Levi, avocat,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par MM. C. Gómez de la Cruz, T. Gilliams et G. Nuvoli, en qualité d’agents, assistés de Me P.-E. Partsch, avocat,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de M. H. Kanninen, faisant fonction de président, Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur) et M. D. Gratsias, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 23 octobre 2015,

rend le présent

Arrêt

1 Par leur pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, les requérants, M. Jean-Pierre Bodson et sept autres membres du personnel de la Banque européenne d’investissement (BEI) dont les noms figurent en annexe demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑73/12, RecFP, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:F:2014:16), par lequel
celui-ci a rejeté leur recours portant sur la réforme du régime du système de progression salariale de la BEI.

Cadre juridique

2 Conformément à l’article 308 TFUE, les statuts de la BEI font l’objet d’un protocole annexé à ce traité et au traité UE.

3 Selon l’article 11, paragraphe 7, du protocole no 5 sur les statuts de la BEI, « [l]e règlement intérieur [de la BEI] détermine l’organe compétent pour adopter les dispositions applicables au personnel ». En vertu de l’article 31 dudit règlement intérieur, « [l]es règlements relatifs au personnel de la [BEI] sont fixés par le [c]onseil d’administration. Le [c]omité de direction en adopte les modalités d’exécution ».

4 Le conseil d’administration de la BEI a adopté, le 20 avril 1960, un règlement du personnel applicable aux agents de la BEI (ci-après le « règlement du personnel »). Pour ce qui concerne le présent litige, le règlement du personnel a été modifié, en dernier lieu, le 1er janvier 2009.

5 L’article 13 du règlement du personnel dispose :

« Les relations entre la [BEI] et les membres de son personnel sont réglées en principe par des contrats individuels dans le cadre du présent règlement. Le règlement fait partie intégrante de ces contrats. »

6 L’article 14 du règlement du personnel répartit le personnel de la BEI en catégories, selon la fonction exercée. Une première catégorie est celle du personnel de direction ; elle comporte le cadre de direction et la fonction C. Une deuxième catégorie est celle du personnel de conception et regroupe les fonctions D à F. Une troisième catégorie comprend le personnel d’exécution et, plus précisément, les fonctions G à K.

7 Aux termes de l’article 15 du règlement du personnel :

« Les contrats individuels entre la [BEI] et les membres de son personnel prennent la forme de lettres d’engagement. Les personnes engagées contresignent leur lettre d’engagement ainsi qu’un exemplaire du présent règlement.

La lettre d’engagement fixe la rémunération, la durée et les autres conditions d’emploi. »

8 L’article 20, premier alinéa, du règlement du personnel énonce que « [l]e barème des traitements de base relatif aux catégories de fonctions définies à l’article 14 figure en [a]nnexe I au présent règlement ». Selon le deuxième alinéa du même article, « [l]es traitements de base sont abondés d’indemnités, applicables à toutes ou à certaines catégories de personnel. La liste des indemnités figure en [a]nnexe II au présent [r]èglement ». L’annexe I du règlement du personnel prévoit ainsi que « [l]e
barème des traitements de base fait l’objet de mises à jour régulières ». L’annexe II mentionne des « [p]rimes annuelles » parmi les « [i]ndemnités particulières et individuelles » susceptibles d’être allouées aux agents de la BEI.

9 L’article 22 du règlement du personnel dispose :

« Chaque membre du personnel fait l’objet d’une appréciation annuelle qui lui est communiquée. La procédure à suivre pour cette appréciation est fixée par une décision [interne]. Pour les fonctions C à K, les avancements d’échelon résultent du mérite professionnel tel qu’il est exprimé par la note globale de l’appréciation annuelle. »

Faits à l’origine du litige

10 Les faits qui sont à l’origine du litige sont énoncés aux points 9 à 28 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants :

Procédure en première instance et arrêt attaqué

11 Par requête déposée au Tribunal de la fonction publique le 17 juillet 2012, les requérants ont introduit un recours qui a été enregistré sous la référence F‑73/12, tendant, notamment, d’une part, à l’annulation des décisions, contenues dans leur bulletin de salaire d’avril 2012, faisant application de la décision du conseil d’administration de la BEI du 13 décembre 2011 fixant une progression salariale limitée à 2,8 % et de la décision du comité de direction de la BEI du 14 février 2012
définissant une grille de mérite emportant la perte d’1 % de salaire (ci-après les « décisions des 13 décembre 2011 et 14 février 2012 »), et de toutes les décisions contenues dans les bulletins de rémunération postérieurs faisant application des mêmes décisions et, d’autre part, à la condamnation de la BEI au paiement de la différence de rémunération résultant des décisions susmentionnées et du régime salarial antérieur ainsi qu’aux dommages et intérêts.

12 La BEI a conclu, en première instance, à ce que le Tribunal de la fonction publique rejette le recours.

13 Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a rejeté les quatre moyens invoqués par les requérants tirés, premièrement, de la violation du protocole d’accord avec les représentants du personnel prévoyant quatre mesures de nature à compenser globalement les principaux effets de la réforme de 2006/2007 (ci-après le « protocole d’accord »), des conditions fondamentales des contrats d’emploi et des droits acquis, ainsi que du principe de bonne foi dans les relations contractuelles,
deuxièmement, de la violation des principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité et de prévisibilité, troisièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une erreur dans les motifs, ainsi que d’une violation du règlement du personnel, du principe de proportionnalité et du devoir de sollicitude et, quatrièmement, d’une violation de l’article 11, paragraphe 3, du règlement intérieur de la BEI. En conséquence, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours et a condamné les
requérants aux dépens.

14 Dans le cadre de l’examen du premier moyen, le Tribunal de la fonction publique a, notamment, apprécié si le protocole d’accord comportait des éléments susceptibles d’être modifiés sans le consentement des agents. À cet égard, il a jugé, aux points 52 à 55 et 57 à 59 de l’arrêt attaqué :

15 Par ailleurs, s’agissant de la question de savoir si et dans quelle mesure le protocole d’accord a tenu compte de la grille « 4-3-2-1-0 », le Tribunal de la fonction publique a jugé, aux points 61, 63 et 64 de l’arrêt attaqué :

16 Dans le cadre de l’examen du deuxième moyen, le Tribunal de la fonction publique a jugé, aux points 70 et 71 de l’arrêt attaqué :

17 Dans le cadre de l’examen de la première branche du troisième moyen, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une erreur dans les motifs et d’une violation du principe de proportionnalité, le Tribunal de la fonction publique a relevé, au point 78 de l’arrêt attaqué, que la BEI disposait, notamment lors de l’élaboration de son budget, d’un large pouvoir d’appréciation, en sorte qu’il devait se limiter à examiner si les appréciations de la BEI étaient entachées d’une erreur manifeste ou si
elle avait manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.

18 S’agissant des objectifs poursuivis par la réforme, le Tribunal de la fonction publique a relevé, aux points 82 à 84 de l’arrêt attaqué, qu’il était vrai que la BEI avait exposé, dans son plan d’activité pour les années 2012 à 2014, que son budget devait refléter les réductions des budgets nationaux et, par conséquent, limiter les coûts salariaux, mais qu’il importait d’observer que les décisions du 13 décembre 2011 et du 14 février 2012 s’inscrivaient dans le prolongement d’une réflexion à long
terme tendant à tenir compte, d’une part, des efforts demandés à la BEI et à son personnel pour répondre à la crise économique par un accroissement considérable de son volume d’activités et, d’autre part, de l’attention portée par les gouvernements et les opinions publiques aux rémunérations et aux primes des personnels des banques en général. Il a ajouté qu’il apparaissait que, si le souci de tenir compte des mesures d’austérité adoptées dans de nombreux États membres n’était pas absent des
préoccupations de la BEI, lesdites décisions étaient aussi dictées par la volonté de maîtriser l’augmentation du budget consacré au personnel et de s’aligner sur les bonnes pratiques du secteur dans le contexte général de crise économique et financière, ainsi que de défiance envers les institutions bancaires. Le Tribunal de la fonction publique en a conclu qu’il n’était pas établi que la BEI aurait adopté ces décisions uniquement dans le souci de faire preuve de solidarité à l’égard de la
situation nationale difficile de certains États membres et de prendre ainsi en compte des intérêts strictement nationaux.

19 S’agissant de la situation financière de la BEI, le Tribunal de la fonction publique a jugé, aux points 85 et 86 de l’arrêt attaqué :

20 Pour ce qui est de l’utilité de l’économie résultant d’une limitation de l’augmentation salariale, le Tribunal de la fonction publique a estimé, au point 89 de l’arrêt attaqué :

21 Enfin, avant de rejeter la première branche du troisième moyen, le Tribunal de la fonction publique a constaté, au point 90 de l’arrêt attaqué :

Sur le pourvoi

Procédure et conclusions des parties

22 Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 22 avril 2014, les requérants ont formé le présent pourvoi.

23 Après le dépôt par la BEI du mémoire en réponse, en date du 13 août 2014, les requérants ont été autorisés à présenter un mémoire en réplique, ce qu’ils ont fait le 20 novembre suivant. La BEI a déposé un mémoire en duplique le 15 janvier 2015.

24 Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

— annuler l’arrêt attaqué ;

— en conséquence, leur accorder le bénéfice de leurs conclusions de première instance et, partant, annuler les décisions des 13 décembre 2011 et 14 février 2012, contenues dans les bulletins de salaire d’avril 2012, ainsi qu’annuler, dans la même mesure, toutes les décisions contenues dans les bulletins de salaire postérieurs ;

— en conséquence :

— — condamner la BEI au paiement de la différence de rémunération résultant des décisions des 13 décembre 2011 et 14 février 2012 par rapport à l’application du précédent régime de salaire, ainsi qu’au paiement d’intérêts de retard courant à compter du 12 avril 2012 et, ensuite, le 12 de chaque mois, jusqu’à complet apurement, ces intérêts étant fixés au niveau du taux de la BCE augmenté de 3 points ;

— condamner la BEI au paiement de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison de la perte du pouvoir d’achat, ce préjudice étant évalué ex aequo et bono, et à titre provisionnel, à 1,5 % de la rémunération mensuelle de chaque requérant ;

— condamner la BEI à l’entièreté des dépens des deux instances.

25 La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

— rejeter le pourvoi ;

— condamner les requérants au paiement des dépens du pourvoi.

En droit

26 À l’appui du pourvoi, les requérants invoquent quatre moyens. Le premier moyen est tiré de la méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire, de la méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi et de la qualification juridique erronée du protocole d’accord. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation ainsi que de la dénaturation du dossier. Le troisième moyen est pris de la
méconnaissance des principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité et de prévisibilité ainsi que de la dénaturation du dossier. Le quatrième moyen est tiré du contrôle défaillant de l’erreur manifeste d’appréciation, de la violation de l’obligation de motivation.

Observations liminaires

27 Au stade du mémoire en réplique, les requérants soutiennent que la lettre d’accompagnement signée le 18 mars 2009 par le directeur des ressources humaines et le porte-parole des représentants du personnel et jointe au protocole d’accord (ci-après la « lettre d’accompagnement ») emportait l’obligation pour la BEI, si cette dernière décidait de modifier les éléments ou les modalités du système de rémunération et si de telles modifications devaient impacter substantiellement, dans un sens négatif,
une large fraction du personnel, d’aborder cette question « dans le même esprit de collaboration que celui ayant présidé à l’élaboration du protocole d’accord avec pour objectif d’assurer le caractère durable des compensations ». Ni la BEI ni le Tribunal de la fonction publique n’auraient cependant vérifié si les décisions des 13 décembre 2011 et 14 février 2012 avaient emporté de telles conséquences.

28 La BEI, à la suite d’une question posée en ce sens par le Tribunal, a estimé que ce grief devait être déclaré irrecevable.

29 Étant donné que les requérants ont présenté ce grief pour la première fois au stade du mémoire en réplique, il convient de rappeler que, aux termes des dispositions de l’article 138, paragraphe 1, sous c), et de l’article 144, lu conjointement avec l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, le pourvoi doit indiquer les moyens et arguments de droit invoqués et la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se
fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

30 Cependant, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et présentant un lien étroit avec celui-ci, doit être déclaré recevable. Une solution analogue s’impose pour un grief invoqué au soutien d’un moyen (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 mars 2013, In ‘t Veld/Commission,T‑301/10, Rec, EU:T:2013:135, point 97).

31 Or, force est de constater que le présent grief ne constitue pas une ampliation d’un moyen ou d’un argument existant. Par ailleurs, interrogés lors de l’audience sur la recevabilité de ce grief, les requérants se sont contentés d’indiquer que ce grief constituait un développement du premier grief figurant dans le dossier, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience.

32 À cet égard, il suffit de constater que ce grief ne figure nullement dans la requête et ne saurait être rattaché à un moyen développé dans cette dernière, en sorte que le présent grief doit être rejeté comme irrecevable.

Sur le premier moyen, tiré de la méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire, de la méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi et de la qualification juridique erronée du protocole d’accord

33 Le premier moyen, qui vise les points 46 à 59 de l’arrêt attaqué, comporte trois branches. La première branche concerne, notamment, la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire. La deuxième branche est tirée de la dénaturation et de la qualification juridique erronée de la lettre d’accompagnement. La troisième branche est tirée de la violation de l’obligation de motivation et de la qualification juridique erronée du protocole d’accord.

– Sur la première branche, tirée de la méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire ainsi que de la méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi

34 Les requérants soutiennent que le Tribunal de la fonction publique aurait dû examiner si les décisions des 13 décembre 2011 et 14 février 2012 ont porté atteinte aux conditions fondamentales de la relation d’emploi, telles qu’issues du protocole d’accord. Le Tribunal de la fonction publique aurait omis de procéder à cet examen en considérant qu’il ne pouvait pas y avoir une telle atteinte en raison de la nature réglementaire de la relation d’emploi entre la BEI et ses agents. Le Tribunal de la
fonction publique aurait donc méconnu la différence entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire et violé les conditions fondamentales de la relation d’emploi.

35 En premier lieu, s’agissant de la nature de la relation d’emploi, il convient de rappeler que, selon l’article 13 du règlement du personnel, les relations entre la BEI et les membres de son personnel sont réglées en principe par des contrats individuels dans le cadre dudit règlement.

36 Premièrement, les requérants réitèrent, à cet égard, dans leur pourvoi, l’argument selon lequel il résulte d’une lecture a contrario de l’arrêt du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission (C‑443/07 P, Rec, EU:C:2008:767, point 60), que les droits et les obligations des agents sous contrat ne peuvent être modifiés à tout moment par le législateur. De même, ils invoquent de nouveau l’arrêt du 22 octobre 2002, Pflugradt/BCE (T‑178/00 et T‑341/00, Rec, EU:T:2002:253, point 53), dont il
ressort, selon eux, que la force obligatoire des contrats s’oppose à ce que l’institution ou l’organisme, en tant qu’employeur, impose des modifications aux conditions d’exécution des contrats sans l’accord des agents concernés, lorsque ces conditions correspondent à des éléments essentiels desdits contrats. Ils ajoutent que la théorie des éléments essentiels a été consacrée par le législateur, puisque ce dernier a imposé à l’employeur l’obligation d’informer ses travailleurs des éléments
essentiels du contrat au titre desquels figure la rémunération, conformément à l’article 2, sous h), de la directive 91/533/CEE du Conseil, du 14 octobre 1991, relative à l’obligation de l’employeur d’informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail (JO L 288, p. 32).

37 À cet égard, il y a lieu de constater que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a jugé, au point 52 de l’arrêt attaqué, en faisant référence à l’arrêt du 14 octobre 2004, Pflugradt/BCE (C‑409/02 P, Rec, EU:C:2004:625, point 34), que, lorsque les contrats sont conclus avec un organisme de l’Union, chargé d’une mission d’intérêt général et habilité, comme la BEI, à prévoir, par voie de règlement, les dispositions applicables à son personnel, la volonté des
parties à un tel contrat trouve nécessairement ses limites dans les obligations de toute nature qui découlent de cette mission particulière et qui s’imposent tant aux organes de direction de cet organisme qu’à ses agents.

38 Dans cette perspective, il convient de relever que les relations de la BEI avec son personnel contractuel sont, dans une large mesure, déterminées par le règlement du personnel, auquel les agents adhèrent en contresignant la lettre d’engagement. Plus particulièrement, ainsi que l’a jugé le Tribunal de la fonction publique, au point 53 de l’arrêt attaqué, il ressort de l’article 20, premier et deuxième alinéas, du règlement du personnel ainsi que de ses annexes I et II que les traitements de base
et leurs compléments sont fixés par voie réglementaire.

39 C’est donc sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a jugé, au point 55 de l’arrêt attaqué, que la BEI disposait, pour poursuivre la mission d’intérêt général qui lui incombait, d’un pouvoir d’appréciation pour organiser ses services et fixer unilatéralement la rémunération de son personnel, cela nonobstant les actes juridiques de nature contractuelle qui étaient à la base desdites relations de travail.

40 Deuxièmement, s’agissant de l’argument des requérants selon lequel cette constatation du Tribunal de la fonction publique emporterait le droit pour la BEI d’apporter toute modification à la rémunération de son personnel, voire de la supprimer, il y a lieu de constater que, si le Tribunal de la fonction publique a considéré, notamment au point 58 de l’arrêt attaqué, que la BEI avait le droit de modifier unilatéralement la rémunération, cela ne signifie pas pour autant que son pouvoir
discrétionnaire serait illimité.

41 Troisièmement, les requérants, en renvoyant au point 54 de l’arrêt attaqué, reprochent au Tribunal de la fonction publique de n’avoir pas identifié les nouveaux besoins qui auraient contraint la BEI à modifier unilatéralement les contrats.

42 À cet égard, il suffit de constater, indépendamment de la question de savoir si la BEI a procédé à une modification des contrats des requérants, que le Tribunal de la fonction publique a précisément exposé, notamment aux points 82 à 84 de l’arrêt attaqué (voir point 105 ci-après), les raisons qui avaient conduit la BEI à considérer qu’une réforme du système de rémunération était nécessaire.

43 Quatrièmement, les requérants font valoir que la BEI avait soutenu, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 novembre 1976, Mills/BEI (110/75, Rec, EU:C:1976:152), que, lorsque le conseil d’administration procède à une modification du règlement du personnel, celle-ci ne pourrait s’appliquer aux contrats individuels en cours, sauf acceptation par l’autre partie, puisque le règlement du personnel fait partie intégrante des contrats individuels. Selon eux, le fait que la réforme relative aux
progressions salariales intervenues en 1987 a été soumise à l’accord de chaque agent en service n’est donc nullement « une pratique, de surcroît, isolée », à la différence de ce que le Tribunal de la fonction publique a affirmé au point 59 de l’arrêt attaqué. Dans ce contexte, ils font également référence à une lettre du 3 février 2014 dans laquelle le président de la BEI avait considéré que l’extension des résultats d’une procédure de conciliation relatifs à un différend concernant les coûts de
transport des enfants vers l’École européenne à Mamer (Luxembourg) supposerait l’accord de chacun des agents concernés. De plus, ils observent que la BEI a adopté un nouveau règlement du personnel, applicable aux agents recrutés à compter du 1er juillet 2013, et que, pour les agents recrutés avant cette date, l’ancien règlement restait applicable. À cet égard, ils soulèvent la question de savoir pourquoi la BEI, si elle avait la faculté de modifier unilatéralement le règlement du personnel,
n’avait pas imposé le nouveau règlement du personnel à l’ensemble de ses agents.

44 D’une part, il importe de relever que le règlement du personnel applicable en l’espèce prévoit, notamment, la possibilité pour la BEI de modifier unilatéralement les éléments de la rémunération (voir point 39 ci-dessus) et que la réforme du régime de progression salariale n’était pas fondée sur une modification des dispositions du règlement du personnel. En l’espèce, il n’était donc pas nécessaire pour le Tribunal de la fonction publique de se prononcer sur la question de savoir dans quelle
mesure la BEI aurait eu la faculté d’appliquer des modifications du règlement du personnel aux agents en service.

45 D’autre part, c’est à bon droit que le Tribunal de la fonction publique a constaté, au point 59 de l’arrêt attaqué, relatif à la réforme salariale de 1987 soumise à l’accord de chaque agent, qu’une pratique, de surcroît isolée, ne saurait altérer les compétences attribuées aux organes de la BEI.

46 La lettre du 3 février 2014 du président de la BEI, portant sur les coûts de transport des enfants vers l’École européenne à Mamer, ne saurait, en tout état de cause, modifier cette constatation.

47 Il convient de relever que le Tribunal de la fonction publique a considéré qu’une pratique ne saurait altérer les compétences attribuées aux organes de direction de la BEI, indépendamment du caractère isolé ou non de ladite pratique. En effet, le Tribunal de la fonction publique, en employant l’expression « de surcroît », a simplement voulu renforcer l’idée selon laquelle aucune pratique ne saurait déroger aux règles de l’attribution des compétences, en relevant, au demeurant, que, en
l’occurrence, la pratique était isolée. Ainsi, à supposer même que la lettre du 3 février 2014 puisse être prise en considération, elle ne saurait remettre en cause la constatation, effectuée à juste titre par le Tribunal de la fonction publique, selon laquelle une pratique ne saurait altérer les compétences attribuées aux organes de direction de la BEI.

48 En deuxième lieu, s’agissant de la prétendue méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi, telle qu’issues du protocole d’accord, il convient de rappeler que, au point 57 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a jugé que la BEI n’avait pas méconnu les droits qui auraient résulté du protocole d’accord, sans qu’il eût été nécessaire de se prononcer sur la valeur en soi de ce dernier. Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique a ajouté, au point 58 de
l’arrêt attaqué, que, au demeurant, selon la lettre d’accompagnement, les autorités de la BEI demeuraient compétentes pour modifier les éléments ou les modalités du système de rémunération ou ce système lui-même, alors même que ces modifications affecteraient le contenu dudit protocole.

49 Ces considérations, qui impliquent que le protocole d’accord n’a pas affecté, indépendamment de sa valeur juridique, la possibilité pour la BEI de modifier unilatéralement la rémunération de son personnel, ne peuvent qu’être approuvées.

50 Ce constat ne saurait être remis en cause par l’argument des requérants tiré de ce que le protocole d’accord a nécessairement modifié les contrats des agents de la BEI, au motif qu’il était le résultat d’une procédure de conciliation, fondée sur l’article 41 du règlement du personnel. En effet, cet argument est inopérant, dès lors que le protocole d’accord n’a pas vocation à affecter le caractère unilatéralement modifiable de la rémunération. Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur de droit
que le Tribunal de la fonction publique n’a pas examiné, dans l’arrêt attaqué, la question de savoir si ce protocole avait modifié les contrats de travail et lié la BEI.

51 De même, il convient d’écarter l’argument des requérants selon lequel la possibilité pour la BEI de modifier le protocole d’accord de façon unilatérale irait à l’encontre de la nature de la relation d’emploi et du protocole d’accord ainsi qu’au principe de bonne foi.

52 En effet, la faculté qu’a la BEI de modifier unilatéralement les éléments de la rémunération ainsi que le protocole d’accord fait, respectivement, partie des conditions d’emploi et de la nature dudit protocole et ne saurait, partant, constituer une violation du principe de bonne foi.

53 Il résulte de ce qui précède que le Tribunal de la fonction publique n’a méconnu ni la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire, ni les conditions fondamentales de la relation d’emploi, en sorte qu’il y a lieu d’écarter la première branche du premier moyen.

– Sur la deuxième branche, tirée de la dénaturation et de la qualification juridique erronée de la lettre d’accompagnement

54 Les requérants reprochent au Tribunal de la fonction publique d’avoir dénaturé, au point 58 de l’arrêt attaqué, la lettre d’accompagnement, dont il aurait examiné les éléments dans un ordre différent de celui de cette lettre. En outre, en considérant que la lettre confirmait que les éléments figurant dans le protocole d’accord ne constituaient pas des éléments essentiels du contrat de travail, le Tribunal de la fonction publique aurait donné une qualification juridique erronée à ladite lettre.

55 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir arrêt du 10 février 2011, Activision Blizzard Germany/Commission,C‑260/09 P, Rec, EU:C:2011:62, point 53 et jurisprudence citée).

56 Force est de constater que l’argumentation avancée par les requérants au soutien de leur grief ne met en évidence aucune inexactitude matérielle dans la lecture que le Tribunal de la fonction publique a faite de ladite lettre. Ainsi, le fait que le Tribunal de la fonction publique n’a pas examiné les éléments de la lettre dans l’ordre qui est celui de cette lettre ne justifie nullement la conclusion que le Tribunal de la fonction publique aurait fait une lecture de cette lettre qui serait
manifestement contraire à son contenu.

57 Plus particulièrement, il ressort de la première phrase du point 58 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a, en substance, considéré que la lettre d’accompagnement impliquait que le protocole d’accord ne contenait pas d’éléments, qui ne pouvaient pas être modifiés unilatéralement par la BEI. Ainsi, le Tribunal de la fonction publique n’a pas dénaturé des éléments de preuve en en déduisant ce que, manifestement, ils ne relèvent pas. En effet, ladite lettre mentionne
explicitement la possibilité pour la BEI de modifier les éléments ou les modalités du système de rémunération, alors même que ces modifications affecteraient le contenu dudit protocole.

58 Il s’ensuit que, sur le fondement de son appréciation du contenu de la lettre d’accompagnement, le Tribunal de la fonction publique pouvait conclure, au point 58 de l’arrêt attaqué, sans se livrer à une qualification juridique erronée, que cette lettre s’inscrivait dans la perspective que les éléments figurant dans le protocole d’accord ne constituaient pas des éléments essentiels qui ne pouvaient être modifiés sans le consentement des agents de la BEI.

59 Il convient donc de rejeter la deuxième branche du premier moyen.

– Sur la troisième branche, tirée de la violation de l’obligation de motivation et de la qualification juridique erronée du protocole d’accord

60 Les requérants font valoir que le Tribunal de la fonction publique n’a pas tenu compte du cadre dans lequel le protocole d’accord avait été conclu et de la nature propre de ce dernier, manquant de la sorte à son obligation de motivation. Par ailleurs, ils critiquent le point 57 de l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal de la fonction publique a considéré qu’il n’était pas nécessaire de se prononcer sur la valeur en soi du protocole d’accord. Selon eux, le Tribunal de la fonction publique aurait
dû examiner s’ils tiraient du protocole d’accord des droits contractuels, insusceptibles d’être modifiés unilatéralement par la BEI.

61 Il y a lieu de rappeler que l’obligation pour le Tribunal de la fonction publique de motiver ses arrêts en vertu de l’article 36 du statut de la Cour, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I du même statut, ne lui impose pas de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles les
mesures en question ont été prises et au juge de pourvoi de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle. En effet, cette obligation ne saurait être interprétée comme impliquant que le Tribunal de la fonction publique fût tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par le requérant, en particulier s’il ne revêtait pas un caractère suffisamment clair et précis et ne reposait pas sur des éléments de preuve circonstanciés (voir arrêts du 24 octobre 2011,
P/Parlement,T‑213/10 P, RecFP, EU:T:2011:617, point 31 et jurisprudence citée, et du 20 mars 2012, Kurrer e.a./Commission,T‑441/10 P à T‑443/10 P, RecFP, EU:T:2012:133, point 72 et jurisprudence citée).

62 À cet égard, il convient de rappeler que le Tribunal de la fonction publique a considéré, en substance, aux points 57 et 58 de l’arrêt attaqué, que, quelle que soit la valeur juridique du protocole d’accord, celui-ci n’aurait pas empêché la BEI de déterminer unilatéralement les conditions de la rémunération et que ce constat était confirmé par la lettre d’accompagnement qui affirmait expressément la compétence de la BEI pour modifier les éléments ou les modalités du système de rémunération. Dans
la mesure où le Tribunal de la fonction publique a estimé que le protocole d’accord n’avait, en tout état de cause, pas vocation à affecter la possibilité, pour la BEI, de modifier unilatéralement la rémunération, il n’était pas nécessaire, aux fins de la motivation de sa décision, de se prononcer sur la question de savoir si, en principe, le protocole d’accord était susceptible, par sa nature, de créer des droits contractuels qui pourraient lier la BEI.

63 En outre, dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique ne s’est pas prononcé sur « la valeur en soi du protocole d’accord », il ne saurait pas non plus lui être fait grief d’avoir retenu une qualification juridique erronée du protocole d’accord.

64 Il s’ensuit que la troisième branche du premier moyen doit être rejetée ainsi que ce moyen dans son intégralité.

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation et de la dénaturation du dossier

65 Le deuxième moyen, qui vise, notamment, les points 63 et 64 de l’arrêt attaqué, se subdivise en deux branches, la première tirée d’une contradiction de motifs et la seconde d’une dénaturation des éléments du dossier.

– Sur la première branche, tirée d’une motivation contradictoire

66 Les requérants soutiennent que la motivation de l’arrêt attaqué est contradictoire, en ce que le Tribunal de la fonction publique ne pouvait pas, dans un même temps, constater, notamment au point 19 de l’arrêt attaqué, que le protocole d’accord avait pour objet de compenser, par la définition de mesures utiles, les effets (négatifs) de la réforme de 2006/2007 prétendument subis par les agents et considérer, au point 63 dudit arrêt, que lesdites mesures compensatoires auraient pu être définies sur
la base de la grille minimale issue de la réforme contestée, soit la grille « 2-2-1-0-0 » et non sur la base de la grille en vigueur avant la réforme, soit la grille « 4-3-2-1-0 ».

67 Il y a lieu de constater que la motivation figurant au point 63 de l’arrêt attaqué n’est entachée d’aucune contradiction.

68 Si le protocole d’accord prévoit des mesures de nature à compenser les principaux effets de la réforme 2006/2007, cette circonstance n’implique nullement que ces mesures auraient été définies sur la base de la grille « 4-3-2-1-0 ». Dans cette perspective, la constatation effectuée au point 63 de l’arrêt attaqué selon laquelle, « dans le cadre d’une simulation à long terme et d’un contexte budgétaire incertain, il apparaît cohérent d’avoir pris comme base de calcul un élément stable [à savoir la
grille‘2-2-1-0-0’] plutôt qu’une mesure transitoire dont la pérennité était par nature aléatoire et qui, d’ailleurs, n’avait été retenue en 2007 que grâce à des disponibilités dans le budget affecté à la gestion des ressources humaines », ne saurait être considérée comme contradictoire.

69 Cette conclusion ne saurait être contredite par l’argument des requérants selon lequel les mesures compensatoires ne pouvaient pas reposer sur une grille de mérite, qui était la grille minimale issue de la réforme, dès lors que, dans ce cas, il n’y aurait rien à compenser, puisque « les effets de la réforme seraient comparés aux effets de la réforme ».

70 En effet, il y a lieu de distinguer entre, d’une part, la comparaison du régime antérieur et du régime reformé et, d’autre part, la définition des mesures compensatoires. Or, lorsque la comparaison révèle l’existence d’effets négatifs de la réforme, rien n’exclut de définir leur compensation sur la base de la grille issue de la réforme.

71 La première branche du deuxième moyen doit donc être rejetée.

– Sur la seconde branche, tirée de la dénaturation du dossier

72 Les requérants soutiennent que c’est par suite d’une dénaturation du dossier que le Tribunal de la fonction publique a conclu, au point 64 de l’arrêt attaqué, qu’ils n’avaient pas démontré que les mesures compensatoires figurant dans le protocole d’accord avaient été définies sur la seule base de la grille « 4-3-2-1-0 ».

73 À titre liminaire, il y a lieu de constater que, en tout état de cause, cette seconde branche ne saurait prospérer, dans la mesure où les requérants se fondent sur une prémisse erronée, à savoir que les mesures compensatoires que la BEI aurait dû mettre en œuvre devaient compenser dans leur intégralité les effets négatifs de la réforme mise en œuvre. Or, les requérants ont été en défaut de mentionner un quelconque fondement sur lequel cette prémisse reposerait.

74 Au demeurant, s’agissant de la prétendue dénaturation du dossier, il y a lieu de rappeler que le Tribunal de la fonction publique est seul compétent pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal de la fonction publique, une
question de droit soumise, comme telle, au contrôle du juge du pourvoi (arrêt P/Parlement, point 61 supra, EU:T:2011:617, point 47).

75 Or, force est de constater que les requérants, bien qu’ils invoquent une dénaturation des éléments de preuve, visent en réalité à obtenir une nouvelle appréciation de ceux-ci, ce qui échappe à la compétence du Tribunal.

76 En effet, en ce que les requérants font valoir qu’ils ont démontré que les mesures compensatoires avaient été définies sur la seule base de la grille « 4-3-2-1-0 » et, notamment, que l’absence de stabilité de la grille « 4-3-2-1-0 » n’était pas de nature à remettre en cause leur position selon laquelle les mesures compensatoires avaient été définies en tenant compte de cette grille, ils contestent l’appréciation des preuves par le Tribunal de la fonction publique, mais ne démontrent pas
l’existence d’une constatation manifestement inexacte des faits.

77 Il en va de même de l’argument des requérants selon lequel la simulation produite dans l’annexe C 1 du mémoire en réplique en première instance montre que, si la grille minimale (« 2-2-1-0-0 ») avait été appliquée pour apprécier les effets négatifs de la réforme, les mesures compensatoires auraient dû être plus importantes que celles convenues et fixées par le protocole d’accord. Il résulte du point 63 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a constaté que la simulation
montrait que la réforme du système de rémunération causerait aux requérants, en cas d’application de la grille « 2-2-1-0-0 », une perte plus importante que si la grille « 4-3-2-1-0 » leur avait été appliquée. Or, le simple fait que le Tribunal de la fonction publique ne tire, de cette circonstance, pas les mêmes conclusions que les requérants ne constitue nullement, en soi, une dénaturation des éléments de preuve.

78 Enfin, les requérants invoquent trois attestations, datant des 15 et 16 juillet 2013 ainsi que du 9 avril 2014, de trois anciens membres du collège des représentants dans sa composition en 2008-2009, selon lesquelles la grille « 4-3-2-1-0 » avait été retenue par les parties pour définir les mesures compensatoires.

79 Il y a lieu de relever que les deux premières attestations, bien qu’elles soient antérieures à la date du prononcé de l’arrêt attaqué, n’ont pas été produites devant le Tribunal de la fonction publique et que la dernière attestation, étant postérieure à la date du prononcé dudit arrêt, n’a pas été produite, pour cette raison, devant le Tribunal de la fonction publique.

80 Il convient de rappeler, toutefois, d’une part, qu’il ne saurait être reproché au Tribunal de la fonction publique d’avoir dénaturé des documents ne figurant pas dans le dossier porté à son attention (voir, en ce sens, arrêt du 2 juillet 2010, Kerstens/Commission,T‑266/08 P, RecFP, EU:T:2010:273, point 45), et, d’autre part, qu’une dénaturation des éléments de preuve existe lorsque, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve
existants apparaît manifestement erronée (voir arrêt du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission,C‑326/05 P, Rec, EU:C:2007:443, point 60 et jurisprudence citée).

81 Il résulte de ce qui précède que ces attestations ne sauraient démontrer la dénaturation des pièces du dossier, dans la mesure où cette dénaturation doit ressortir des seules pièces qui avaient été produites devant le Tribunal de la fonction publique.

82 Il résulte des considérations qui précèdent que la seconde branche et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble doivent être rejetés.

Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance des principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité et de prévisibilité ainsi que de la dénaturation du dossier

83 En premier lieu, les requérants soutiennent que, dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique a rejeté le premier moyen en méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire, en violant des conditions fondamentales de la relation d’emploi ainsi qu’au terme d’une motivation contradictoire et en dénaturant le dossier, les considérations figurant au point 70 de l’arrêt attaqué sont également entachées d’illégalité.

84 Il convient de rappeler que, au point 70 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a, notamment, considéré qu’il ressortait de l’examen du premier moyen que la BEI ne s’était pas engagée à garantir l’immuabilité du régime des rémunérations du personnel ni spécialement celle des dispositions figurant dans le protocole d’accord, en sorte que, en adoptant les décisions des 13 décembre 2011 et 14 février 2012, la BEI n’avait pas violé le principe de sécurité juridique.

85 Force est de constater que, en statuant ainsi, le Tribunal de la fonction publique n’a commis aucune erreur de droit.

86 En effet, le grief des requérants est fondé sur une prémisse erronée, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort notamment des points 39 et 49 ci-dessus, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a considéré que le protocole d’accord n’avait pas affecté, indépendamment de sa valeur juridique, la possibilité pour la BEI de modifier unilatéralement la rémunération de son personnel. La BEI ne s’étant pas engagée à garantir l’immuabilité du régime des rémunérations,
elle ne saurait avoir porté atteinte, en modifiant ce régime, au principe de sécurité juridique.

87 En deuxième lieu, les requérants soutiennent que le Tribunal de la fonction publique, nonobstant l’absence de définition d’une nouvelle échelle de notation, aurait dû constater une violation des principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité et de prévisibilité, dès lors que la BEI a diminué la contrepartie financière attachée à l’échelle de notation, bien que les agents de la BEI aient travaillé en 2011 sur la base d’un régime de progression salariale défini et connu, à savoir celui de la
grille « 4-3-2-1-0 ».

88 À cet égard, il convient de relever qu’il résulte d’une jurisprudence constante qu’une règle nouvelle s’applique immédiatement, sauf dérogation, aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne (voir arrêt du 19 septembre 2013, Filev et Osmani, C‑297/12, Rec, EU:C:2013:569, point 40 et jurisprudence citée).

89 Il n’en va autrement que pour les situations nées et définitivement réalisées sous l’empire de la règle précédente, qui créent des droits acquis (arrêt du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission,C‑443/07 P, Rec, EU:C:2008:767, point 62).

90 Un droit est considéré comme acquis lorsque le fait générateur de celui-ci s’est produit avant la modification législative. Toutefois, tel n’est pas le cas d’un droit dont le fait constitutif ne s’est pas réalisé sous l’empire de la législation qui a été modifiée (arrêt Centeno Mediavilla e.a./Commission, point 89 supra, EU:C:2008:767, point 63).

91 Il convient de constater que le Tribunal de la fonction publique a jugé, à bon droit, au point 71 de l’arrêt attaqué, que les décisions des 13 décembre 2011 et 14 février 2012 s’étaient limitées à régler, sur le plan salarial, les effets futurs des mérites dont les agents de la BEI avaient fait preuve au cours de l’année 2011. Dès lors que la modification est intervenue avant même que les évaluations aient eu lieu et que les augmentations au titre de l’avancement d’échelon au mérite n’aient été
octroyées, la modification ne saurait avoir porté atteinte à un droit acquis des requérants.

92 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler, que, selon les constatations du Tribunal de la fonction publique figurant au point 70 de l’arrêt attaqué, la grille « 4-3-2-1-0 » était déjà une grille transitoire et précaire, laquelle ne pouvait donc être constitutive d’un droit acquis des requérants.

93 En troisième lieu, les requérants reprochent au Tribunal de la fonction publique, d’une part, d’avoir dénaturé le dossier en affirmant, au point 71 de l’arrêt attaqué, qu’ils n’avaient pas contesté que la modification de la grille d’avancement d’échelon au mérite était « intervenue avant même que les évaluations [n’]aient eu lieu et que les augmentations au titre de l’avancement d’échelon au mérite n’aient été octroyées ». Au contraire, ils rappellent avoir indiqué, au point 76 de la requête en
première instance, que, « [e]n réalité, cette modification unilatérale au [p]rotocole d’accord [avait] été appliquée même de façon rétroactive, puisqu’elle s’[était] appliquée à un exercice d’évaluation déjà terminé (l’année 2011) et, en outre, alors même que la procédure d’évaluation était déjà ouverte et a donc porté sur des situations déjà nées et abouties à l’entrée en vigueur du nouveau régime. »

94 Force est de constater que, au point 76 de la requête en première instance, les requérants ont fait valoir que la modification était intervenue, alors que la procédure d’évaluation était déjà ouverte. En revanche, au point 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique ne s’est pas prononcé sur la procédure d’évaluation, mais sur l’évaluation même, c’est-à-dire sur l’issue de la procédure d’évaluation. Celle-ci n’avait pas encore eu lieu quand la modification est intervenue, ce qui
n’est pas contesté au point 76 de la requête en première instance. Le Tribunal de la fonction publique n’a donc pas dénaturé l’argumentation des requérants.

95 Par ailleurs, la dénaturation alléguée par les requérants ne ressort pas des lignes directrices de la procédure d’évaluation annuelle. En effet, si le « calendrier pour l’évaluation des performances de 2011 » prévu par ces lignes directrices indique que « les entretiens d’évaluation des performances de 2011 devront être terminés et les documents y relatifs finalisés par les évaluateurs » pour le 3 février 2012, il ne ressort pas de cette formulation si ces documents concernent uniquement
l’entretien ou également l’évaluation même. De plus, les lignes directrices, arrêtées le 13 décembre 2011, ne sauraient démontrer que ledit calendrier a été finalement respecté par les évaluateurs.

96 D’autre part, les requérants reprochent au Tribunal de la fonction publique d’avoir dénaturé le dossier et de ne pas avoir répondu au moyen soulevé, en qualifiant, au point 70 de l’arrêt attaqué, la grille « 4-3-2-1-0 » de « grille transitoire et précaire », alors qu’il s’agissait de la grille minimale garantie avant la réforme des salaires de 2006/2007.

97 Force est de constater que, par cet argument, les requérants n’invoquent pas une dénaturation qui apparaîtrait de manière manifeste des éléments du dossier, dès lors qu’ils reconnaissent eux-mêmes, au point 51 du pourvoi, que la grille a été maintenue après la réforme de 2006/2007 de façon précaire, subordonnée aux disponibilités budgétaires.

98 Dans la mesure où les requérants soutiennent que l’appréciation de la violation des principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité et de prévisibilité ne devait pas se faire au regard du maintien précaire de la grille « 4-3-2-1-0 » après la réforme des salaires de 2006/2007, mais au regard de la suppression, par cette réforme, de ladite grille comme grille minimale par une autre grille moins favorable, il suffit de constater que la réforme de 2006/2007 ne fait pas l’objet du présent
recours, qui concerne les décisions des 13 décembre 2011 et 14 février 2012.

99 Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique a clairement motivé, aux points 70 et 71 de l’arrêt attaqué, le rejet du moyen tiré de la violation de sécurité juridique, de non-rétroactivité et de prévisibilité, en sorte qu’il a répondu au moyen soulevé.

100 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.

Sur le quatrième moyen, tiré du contrôle défaillant de l’erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’obligation de motivation

101 Le quatrième moyen, qui vise les points 78 à 91 de l’arrêt attaqué, comporte deux branches, tirées, d’une part, du fait que le Tribunal a commis une erreur en ne constatant pas que la BEI avait poursuivi un objectif illégitime et, d’autre part, d’une violation de l’obligation de motivation et d’une méconnaissance du principe de proportionnalité.

– Sur la première branche, tirée de l’erreur commise par le Tribunal de la fonction publique en ne constatant pas que la BEI avait poursuivi un objectif illégitime

102 Les requérants remettent en cause le contrôle, par le Tribunal de la fonction publique, de l’erreur manifeste d’appréciation. En particulier, ils soutiennent que le Tribunal de la fonction publique aurait dû considérer que l’objectif poursuivi par les décisions des 13 décembre 2011 et 14 février 2012 d’aligner le budget de la BEI sur le budget des États membres était illégitime.

103 À cet égard, il est certes exact que la BEI a exposé, dans son plan d’activité pour les années 2012 à 2014, que, au vu de la situation politique et économique et des mesures d’austérité adoptées dans de nombreux États membres, son budget devait refléter les réductions des budgets nationaux et, par conséquent, limiter les coûts salariaux (voir point 82 de l’arrêt attaqué).

104 Il n’en demeure pas moins que le Tribunal de la fonction publique a constaté, à bon droit, au point 84 de l’arrêt attaqué, qu’il n’était pas établi que la BEI avait adopté les décisions des 13 décembre 2011 et 14 février 2012 uniquement dans le souci de faire preuve de solidarité à l’égard de la situation nationale difficile de certains États membres et de prendre ainsi en compte des intérêts strictement nationaux.

105 En effet, ainsi que le Tribunal de la fonction publique l’a constaté, au point 82 de l’arrêt attaqué, les décisions des 13 décembre 2011 et 14 février 2012 s’inscrivent dans le prolongement d’une réflexion à long terme tendant à tenir compte, d’une part, des efforts demandés à la BEI et à son personnel pour répondre à la crise économique par un accroissement considérable de son volume d’activités et, d’autre part, de l’attention portée par les gouvernements et les opinions publiques aux
rémunérations et primes des personnels des banques en général. Or, dans la mesure où les décisions susmentionnées étaient, notamment, dictées par la volonté de maîtriser l’augmentation du budget consacré au personnel et de s’aligner sur les bonnes pratiques du secteur dans le contexte général de crise économique et financière, ainsi que de défiance envers les institutions bancaires, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a considéré, en substance, qu’il ne
saurait être reproché à la BEI d’avoir poursuivi des objectifs illégitimes (voir points 83 à 90 de l’arrêt attaqué).

106 Il s’ensuit que la première branche du quatrième moyen doit être rejetée.

– Sur la seconde branche, tirée d’une violation de l’obligation de motivation et d’une méconnaissance du principe de proportionnalité

107 Les requérants reprochent au Tribunal de la fonction publique de ne pas avoir examiné si les décisions des 13 décembre 2011 et 14 février 2012 étaient conformes au principe de proportionnalité. En particulier, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas examiné certains des arguments avancés par les requérants et n’aurait, en toute hypothèse, pas procédé à une évaluation de ces arguments de façon globale, violant son obligation de motivation et méconnaissant le principe de proportionnalité.

108 En premier lieu, il convient d’examiner le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation.

109 À cet égard, il importe de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence mentionnée au point 61 ci-dessus que le Tribunal de la fonction publique n’est pas tenu de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige et que la motivation peut être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles les mesures en question ont été prises et au juge de pourvoi de disposer des éléments
suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel.

110 En l’espèce, le Tribunal de la fonction publique a rappelé, au point 78 de l’arrêt attaqué, que la BEI disposait, notamment, lors de l’élaboration du budget de celle-ci, d’un large pouvoir d’appréciation, en sorte qu’il devait se limiter à examiner si les appréciations de la BEI étaient entachées d’une erreur manifeste ou si elle avait manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation. Il a, aux points 81 à 90 de l’arrêt attaqué, procédé à l’examen des griefs des requérants, en
prenant en considération, premièrement, la limitation de l’augmentation du budget des dépenses de personnel à 4,5 %, deuxièmement, les objectifs de la réforme, troisièmement, la situation financière de la BEI, quatrièmement, l’utilité de l’économie résultant d’une limitation de l’augmentation salariale et, cinquièmement, l’affirmation des requérants selon laquelle ces économies étaient uniquement supportées par le personnel. Au regard de ces éléments, il a conclu, au point 91 de l’arrêt attaqué,
que le grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une erreur dans les motifs et d’une violation du principe de proportionnalité devait être rejeté.

111 Force est de constater que le Tribunal de la fonction publique a, ainsi, fourni une motivation suffisante, en ce qu’elle permet aux requérants de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal de la fonction publique n’a pas fait droit à leurs arguments et au Tribunal d’exercer son contrôle.

112 En effet, le Tribunal de la fonction publique a pris en considération l’ensemble des arguments soulevés par les requérants et a clairement expliqué les raisons pour lesquelles aucun de ces arguments n’était susceptible de remettre en cause la légalité des décisions des 13 décembre 2011 et 14 février 2012. Pour autant que les requérants reprochent au Tribunal de la fonction publique de ne pas avoir examiné certains de leurs arguments, il suffit de relever, outre que les requérants critiquent en
fait dans le pourvoi l’analyse au fond effectuée par le Tribunal de la fonction publique, que ce dernier a pris en considération l’ensemble des arguments, étant observé qu’il n’était pas tenu d’y répondre dans le détail.

113 Le présent grief doit donc être rejeté.

114 En second lieu, il convient d’examiner le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité.

115 D’une part, il doit être précisé que la question de la proportionnalité d’une mesure constitue une question de droit qui est, par conséquent, soumise au contrôle du juge du pourvoi dans le cadre d’un pourvoi, pour autant que ce contrôle puisse être réalisé sans remise en cause des constats et des appréciations des faits opérés par le premier juge (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 septembre 2010, Andreasen/Commission,T‑17/08 P, RecFP, EU:T:2010:374, point 93).

116 D’autre part, il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité exige, selon la jurisprudence de la Cour, que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés
par rapport aux buts visés (voir arrêt du 17 octobre 2013, Schaible,C‑101/12, Rec, EU:C:2013:661, point 29 et jurisprudence citée).

117 En ce qui concerne le contrôle juridictionnel du respect de ces conditions, la Cour a reconnu au législateur de l’Union, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, un large pouvoir d’appréciation dans les domaines où son action implique des choix de nature tant politique qu’économique ou sociale, et où il est appelé à effectuer des appréciations et des évaluations complexes. Ainsi, il ne s’agit pas de savoir si une mesure arrêtée dans un tel domaine était la seule ou la
meilleure possible, seul le caractère manifestement inapproprié de celle-ci par rapport à l’objectif que les institutions compétentes entendent poursuivre pouvant affecter la légalité de cette mesure (arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a.,C‑58/08, Rec, EU:C:2010:321, point 52).

118 Ces considérations s’appliquent, par voie d’analogie, également au contrôle de la proportionnalité des décisions prises par la BEI dans le cadre de la réforme du système de rémunérations et de progression salariale. Or, ladite réforme impliquait pour la BEI des choix de nature politique, économique et sociale, dans lesquels elle était appelée à effectuer des appréciations complexes, en sorte qu’elle disposait d’une large marge d’appréciation dont il faut tenir compte lors de l’appréciation de la
proportionnalité des mesures en cause.

119 Dans ce contexte, il y a lieu de constater, eu égard aux considérations effectuées au point 110 ci-dessus, que le Tribunal de la fonction publique n’a commis aucune erreur de droit dans le cadre de son contrôle du respect du principe de proportionnalité.

120 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments avancés par les requérants qui visent, en substance, à contester le caractère approprié, nécessaire et proportionné des mesures prises par la BEI au regard des objectifs poursuivis.

121 Les requérants soutiennent, ainsi, que la BEI n’a pas évalué au préalable si la réduction du budget et l’ampleur de celle-ci étaient aptes à réaliser les objectifs de la réforme et s’ils pouvaient, le cas échéant, être atteints de façon moins contraignante pour les agents. La BEI n’aurait pas non plus établi que l’économie, d’une ampleur limitée, résultant de la réduction du budget du personnel était nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis. Les requérants se fondent sur le fait que la
situation financière de la BEI était saine et que seul le budget dédié au coût du personnel a été réduit.

122 Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que la BEI dispose d’une large marge d’appréciation dans la définition des mesures susceptibles de réaliser les objectifs de la réforme du système de rémunération, en sorte que seul le caractère manifestement inapproprié de celles-ci par rapport aux objectifs poursuivis pourrait affecter la légalité de ces mesures. L’allégation générale relative à l’absence d’une évaluation préalable du caractère approprié des mesures en cause et de l’existence d’éventuelles
alternatives ne suffit donc pas à remettre en cause la légalité des décisions des 13 décembre 2011 et 14 février 2012. Par ailleurs, les constatations effectuées par le Tribunal de la fonction publique ne permettent pas de mettre en doute le caractère approprié de ces mesures.

123 Ensuite, ainsi qu’il ressort du point 89 de l’arrêt attaqué, si les requérants qualifient de marginale l’économie résultant du changement de la grille d’avancement, il s’agit d’une appréciation subjective qui n’implique pas pour autant une erreur manifeste d’appréciation. Le Tribunal de la fonction a ajouté que cette économie devait s’apprécier au regard des deux impératifs auxquels la BEI était confrontée, à savoir tenir compte de l’environnement économique détérioré, spécialement dans le
secteur bancaire, tout en veillant à toujours disposer d’une main d’œuvre expérimentée. Dans cette perspective, l’ampleur de l’économie réalisée ne permet pas de conclure au caractère manifestement inapproprié des mesures adoptées par les décisions des 13 décembre 2011 et 14 février 2012.

124 Par ailleurs, si la situation financière de la BEI est saine, il n’en demeure pas moins qu’elle a pu considérer qu’il était nécessaire de limiter l’augmentation du budget consacré au personnel, ainsi que l’a exposé, à bon droit, le Tribunal de la fonction publique, aux points 85 et 86 de l’arrêt attaqué.

125 En outre, il convient de rejeter l’argument des requérants tiré de ce que seul le budget du personnel a été réduit.

126 D’abord, il résulte du point 81 de l’arrêt attaqué que la BEI n’a pas réduit le budget des dépenses du personnel, mais qu’elle a uniquement limité son augmentation. Plus précisément, elle avait fixé cette augmentation à 2,8 % (voir points 23 et 25 de l’arrêt attaqué). Elle y a ajouté une hausse de 1,7 % financée par les réserves du département des ressources humaines et par la renonciation à engager douze personnes en 2012, portant ainsi le pourcentage global d’augmentation à 4,5 % (voir
point 26 de l’arrêt attaqué).

127 Ensuite, il y a lieu de relever que l’affirmation générale des requérants selon laquelle les économies ont été supportées uniquement par le personnel ne permet pas de considérer que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur en constatant le caractère proportionné des mesures adoptées par les décisions des 13 décembre 2011 et 14 février 2012. Si, plus particulièrement, les requérants ont soutenu en première instance que d’autres économies auraient pu être faites, il y a lieu de
rappeler que, au regard de la marge d’appréciation de la BEI, seul le caractère manifestement inapproprié de ces mesures aurait pu affecter leur légalité.

128 Enfin, force est de constater que l’argument tiré de ce que le Tribunal de la fonction publique n’a pas procédé à une évaluation globale des arguments des requérants ne saurait prospérer. En effet, il résulte de la motivation figurant aux points 81 à 90 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a considéré qu’aucun des éléments discutés n’était susceptible de remettre en cause la légalité des mesures adoptées par les décisions des 13 décembre 2011 et 14 février 2012. Par
conséquent, l’évaluation globale de ces éléments ne pouvait résulter d’une appréciation divergente.

129 Il résulte de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté ainsi que le pourvoi dans son ensemble.

Sur les dépens

130 Conformément à l’article 211, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

131 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 211, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

132 Les requérants ayant succombé en leurs conclusions et la BEI ayant conclu en ce sens, ils supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la BEI dans le cadre de la présente instance.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

  1) Le recours est rejeté.

  2) M. Bodson et les autres requérants dont les noms figurent en annexe supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Banque européenne d’investissement (BEI) dans le cadre de la présente instance.

Kanninen

Martins Ribeiro

Gratsias

Signatures

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 février 2016.

ANNEXE

Dalila Bundy, demeurant à Cosnes-et-Romain (France),
 
Didier Dulieu, demeurant à Roussy-le-Village (France),

Marie-Christel Heger, demeurant à Nospelt (Luxembourg),

Evangelos Kourgias, demeurant à Senningerberg (Luxembourg),

Manuel Sutil, demeurant à Luxembourg,

Patrick Vanhoudt, demeurant à Gonderange (Luxembourg),

Henry von Blumenthal, demeurant à Bergem (Luxembourg).

Signatures

Table des matières

  Cadre juridique
  Faits à l’origine du litige
  Procédure en première instance et arrêt attaqué
  Sur le pourvoi
  Procédure et conclusions des parties
  En droit
  Observations liminaires
  Sur le premier moyen, tiré de la méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire, de la méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi et de la qualification juridique erronée du protocole d’accord
  – Sur la première branche, tirée de la méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire ainsi que de la méconnaissance des conditions fondamentales de la relation d’emploi
  – Sur la deuxième branche, tirée de la dénaturation et de la qualification juridique erronée de la lettre d’accompagnement
  – Sur la troisième branche, tirée de la violation de l’obligation de motivation et de la qualification juridique erronée du protocole d’accord
  Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation et de la dénaturation du dossier
  – Sur la première branche, tirée d’une motivation contradictoire
  – Sur la seconde branche, tirée de la dénaturation du dossier
  Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance des principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité et de prévisibilité ainsi que de la dénaturation du dossier
  Sur le quatrième moyen, tiré du contrôle défaillant de l’erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’obligation de motivation
  – Sur la première branche, tirée de l’erreur commise par le Tribunal de la fonction publique en ne constatant pas que la BEI avait poursuivi un objectif illégitime
  – Sur la seconde branche, tirée d’une violation de l’obligation de motivation et d’une méconnaissance du principe de proportionnalité
  Sur les dépens

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( *1 )   Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Chambre des pourvois
Numéro d'arrêt : T-240/14
Date de la décision : 26/02/2016
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en responsabilité, Recours de fonctionnaires

Analyses

Pourvoi – Fonction publique – Personnel de la BEI – Nature contractuelle de la relation de travail – Réforme du système de rémunérations et de progression salariale de la BEI – Obligation de motivation – Dénaturation – Erreurs de droit.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Jean-Pierre Bodson e.a.
Défendeurs : Banque européenne d'investissement (BEI).

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Martins Ribeiro

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2016:104

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