ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
25 février 2016 ( *1 )
«Renvoi préjudiciel — Directive 80/987/CEE — Rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur — Champ d’application — Créances salariales impayées des marins travaillant à bord d’un navire battant pavillon d’un État tiers — Employeur ayant son siège statutaire dans cet État tiers — Contrat de travail soumis au droit de ce même État tiers — Faillite de l’employeur déclarée dans un État membre dans lequel il
dispose de son siège effectif — Article 1er, paragraphe 2 — Annexe, point II, A — Législation nationale prévoyant une garantie des créances salariales impayées des marins applicable uniquement en cas d’abandon de ceux-ci à l’étranger — Niveau de protection non équivalent à celui prévu par la directive 80/987»
Dans l’affaire C‑292/14,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État, Grèce), par décision du 5 mai 2014, parvenue à la Cour le 13 juin 2014, dans la procédure
Elliniko Dimosio
contre
Stefanos Stroumpoulis,
Nikolaos Koumpanos,
Panagiotis Renieris,
Charalampos Renieris,
Ioannis Zacharias,
Dimitrios Lazarou,
Apostolos Chatzisotiriou,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. L. Bay Larsen, président de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, MM. J. Malenovský, M. Safjan, Mmes A. Prechal (rapporteur) et K. Jürimäe, juges,
avocat général: M. P. Cruz Villalón,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
— pour le gouvernement hellénique, par Mmes X. Basakou et I. Kotsoni ainsi que par M. K. Georgiadis, en qualité d’agents,
— pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme B. Tidore, avvocato dello Stato,
— pour la Commission européenne, par Mme M. Patakia et M. J. Enegren, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24 septembre 2015,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (JO L 283, p. 23).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Elliniko Dimosio (État grec) à MM. Stroumpoulis, Koumpanos, P. Renieris, C. Renieris, Zacharias, Lazarou ainsi que Chatzisotiriou au sujet du préjudice que ces derniers allèguent avoir subi en raison d’une mauvaise transposition de la directive 80/987 en droit national.
Le cadre juridique
La CNUDM
3 La convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay le 10 décembre 1982 et entrée en vigueur le 16 novembre 1994 (ci-après la «CNUDM»), a été ratifiée par la République de Malte et par la République hellénique, respectivement, les 20 mai 1993 et 21 juillet 1995, et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 98/392/CE du Conseil, du 23 mars 1998, concernant la conclusion par la Communauté européenne de la convention des Nations unies sur le droit de la mer
du 10 décembre 1982 et de l’accord du 28 juillet 1994 relatif à l’application de la partie XI de ladite convention (JO L 179, p. 1).
4 L’article 91, paragraphe 1er, de la CNUDM stipule:
«Chaque État fixe les conditions auxquelles il soumet l’attribution de sa nationalité aux navires, les conditions d’immatriculation des navires sur son territoire et les conditions requises pour qu’ils aient le droit de battre son pavillon. Les navires possèdent la nationalité de l’État dont ils sont autorisés à battre le pavillon. Il doit exister un lien substantiel entre l’État et le navire.»
5 Intitulé «[c]ondition juridique des navires», l’article 92 de la CNUDM énonce, à son paragraphe 1:
«Les navires naviguent sous le pavillon d’un seul État et sont soumis, sauf dans les cas exceptionnels expressément prévus par des traités internationaux ou par la Convention, à sa juridiction exclusive en haute mer. [...]»
6 Aux termes de l’article 94 de la CNUDM, intitulé «[o]bligations de l’État du pavillon»:
«1. Tout État exerce effectivement sa juridiction et son contrôle dans les domaines administratif, technique et social sur les navires battant son pavillon.
2. En particulier tout État:
[...]
b) exerce sa juridiction conformément à son droit interne sur tout navire battant son pavillon, ainsi que sur le capitaine, les officiers et l’équipage pour les questions d’ordre administratif, technique et social concernant le navire.
[...]»
La convention de Rome
7 L’article 3, paragraphe 1, de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (JO 1980, L 266, p. 1, ci-après la «convention de Rome»), stipule:
«Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. [...]»
8 L’article 6 de la convention de Rome prévoit:
«1. Nonobstant les dispositions de l’article 3, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article.
2. Nonobstant les dispositions de l’article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l’article 3, le contrat de travail est régi:
a) par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s’il est détaché à titre temporaire dans un autre pays, ou
b) si le travailleur n’accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur,
à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.»
9 Intitulé «[d]omaine de la loi du contrat», l’article 10 de ladite convention stipule, à son paragraphe 1:
«La loi applicable au contrat en vertu des articles 3 à 6 et de l’article 12 de la présente convention régit notamment:
a) son interprétation;
b) l’exécution des obligations qu’il engendre;
c) dans les limites des pouvoirs attribués au tribunal par sa loi de procédure, les conséquences de l’inexécution totale ou partielle de ces obligations, y compris l’évaluation du dommage dans la mesure où des règles de droit la gouvernent;
d) les divers modes d’extinction des obligations, ainsi que les prescriptions et déchéances fondées sur l’expiration d’un délai;
e) les conséquences de la nullité du contrat.»
La directive 80/987
10 Eu égard à l’époque à laquelle se sont déroulés les faits en cause au principal, il convient, ainsi que l’a relevé à juste titre la juridiction de renvoi,de se référer aux dispositions de la directive 80/987 dans sa version antérieure aux modifications opérées par la directive 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002 (JO L 270, p. 1). La directive 80/987 a, entre-temps, été abrogée et remplacée par la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil, du
22 octobre 2008, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (JO L 283, p. 36).
11 Les premier à quatrième considérants de la directive 80/987 énonçaient:
«considérant que des dispositions sont nécessaires pour protéger les travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, en particulier pour garantir le paiement de leurs créances impayées, en tenant compte de la nécessité d’un développement économique et social équilibré dans la Communauté;
considérant que des différences subsistent entre les États membres quant à la portée de la protection des travailleurs salariés dans ce domaine; qu’il convient de tendre à réduire ces différences qui peuvent avoir une incidence directe sur le fonctionnement du Marché commun;
considérant qu’il y a lieu, par conséquent, de promouvoir le rapprochement des législations en la matière dans le progrès, au sens de l’article 117 du traité;
considérant que le marché du travail du Groenland, en raison de la situation géographique et des structures professionnelles actuelles de cette région, diffère fondamentalement de celui des autres régions de la Communauté».
12 L’article 1er de cette directive prévoyait:
«1. La présente directive s’applique aux créances des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et existant à l’égard d’employeurs qui se trouvent en état d’insolvabilité au sens de l’article 2 paragraphe 1.
2. Les États membres peuvent, à titre exceptionnel, exclure du champ d’application de la présente directive les créances de certaines catégories de travailleurs salariés en raison de la nature particulière du contrat de travail ou de la relation de travail des travailleurs salariés ou en raison de l’existence d’autres formes de garantie assurant aux travailleurs salariés une protection équivalente à celle qui résulte de la présente directive.
La liste des catégories de travailleurs salariés visées au premier alinéa figure en annexe.
3. La présente directive n’est pas applicable au Groenland. Cette exception sera réexaminée dans le cas d’une évolution des structures professionnelles de cette région.»
13 La liste figurant au point II de l’annexe de ladite directive visait les «travailleurs salariés bénéficiant d’autres formes de garantie». En ce qui concerne la République hellénique, cette liste incluait «[l]es équipages de navires de mer».
14 L’article 2 de la directive 80/987 disposait:
«1. Au sens de la présente directive, un employeur est considéré comme se trouvant en état d’insolvabilité:
a) lorsqu’a été demandée l’ouverture d’une procédure prévue par les dispositions législatives, réglementaires et administratives de l’État membre concerné qui porte sur le patrimoine de l’employeur et vise à désintéresser collectivement ses créanciers et qui permet la prise en considération des créances visées à l’article 1er paragraphe 1,
et
b) que l’autorité qui est compétente en vertu desdites dispositions législatives, réglementaires et administratives a:
— soit décidé l’ouverture de la procédure,
— soit constaté la fermeture définitive de l’entreprise ou de l’établissement de l’employeur, ainsi que l’insuffisance de l’actif disponible pour justifier l’ouverture de la procédure.
2. La présente directive ne porte pas atteinte au droit national en ce qui concerne la définition des termes ‘travailleur salarié’, ‘employeur’, ‘rémunération’, [...]»
15 L’article 3, paragraphe 1, de cette directive prévoyait que «[l]es États membres prennent les mesures nécessaires afin que des institutions de garantie assurent [...] le paiement des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats ou de relations de travail et portant sur la rémunération afférente à la période se situant avant une date déterminée».
16 Aux termes de l’article 5 de ladite directive:
«Les États membres fixent les modalités de l’organisation, du financement et du fonctionnement des institutions de garantie en observant notamment les principes suivants:
[...]
b) les employeurs doivent contribuer au financement, à moins que celui-ci ne soit assuré intégralement par les pouvoirs publics;
c) l’obligation de paiement des institutions existe indépendamment de l’exécution des obligations de contribuer au financement.»
Le droit grec
17 La loi 1836/1989 et le décret présidentiel 1/1990 (FEK A’ 1) pris en application des dispositions de cette loi visent à assurer la transposition de la directive 80/987.
18 L’article 29 de la loi 1220/1981 complétant et modifiant la législation relative à l’organisme de gestion du port du Pirée (FEK A’ 296) dispose:
«1. En cas d’abandon à l’étranger de marins grecs embarqués sur des bateaux battant pavillon grec ou des bateaux étrangers affiliés à la caisse de retraite des marins [le ‘Naftiko Apomachiko Tameio’], si le propriétaire du bateau ne respecte pas les dispositions applicables en matière de salaires et de nourriture:
a) la caisse de retraite des marins verse, à partir de son ‘fonds Maladie et Chômage’, une somme correspondant à un trimestre au maximum de rémunération, à valoir sur les salaires de base et les allocations en retard, tels qu’ils sont définis dans les conventions collectives;
b) les bénéficiaires sont rapatriés aux soins du Foyer des marins, conformément aux dispositions applicables et moyennant le versement des menus frais de voyage.
[...]
2. La procédure prévue au paragraphe qui précède n’est pas obligatoire pour le marin qui peut préférer poursuivre son contrat; mais s’il a perçu les frais de rapatriement ou qu’il a accepté le billet proposé, le contrat d’engagement de marin est résilié de plein droit ‘au motif d’abandon du marin à l’étranger par le propriétaire du bateau’ [...]
[...]
5. Le versement de la prestation prévue au paragraphe 1 entraîne l’extinction des créances correspondantes découlant de la relation de travail; l’éventuel solde restant dû est versé aux bénéficiaires par leur employeur ou par ceux qui en sont responsables avec lui.
[...]»
Le litige au principal et les questions préjudicielles
19 Le 14 juillet 1994, les défendeurs au principal, des marins grecs demeurant en Grèce, ont conclu, au Pirée (Grèce), avec Panagia Malta Ltd (ci-après «Panagia Malta»), société dont le siège statutaire est situé à La Valette (Malte), des contrats en vertu desquels ils étaient engagés pour travailler à bord d’un navire de croisière battant pavillon maltais et propriété de ladite société. Ces contrats comportaient une clause prévoyant qu’ils étaient régis par le droit maltais.
20 Étant immobilisé dans le port du Pirée depuis le mois de septembre 1992 en raison d’une saisie, ce navire devait faire l’objet d’un affrètement au cours de l’été 1994. N’ayant pas perçu leur rémunération durant la période ayant suivi leur engagement et pendant laquelle ils sont demeurés sur ledit navire dans l’attente dudit affrètement qui ne s’est finalement pas concrétisé, les défendeurs au principal ont dénoncé leurs contrats susmentionnés le 15 décembre 1994.
21 Par jugement 1636/1995, le Monomeles Protodikeio Peireos (tribunal de grande instance à juge unique du Pirée) a condamné Panagia Malta à verser aux défendeurs au principal les sommes, majorées des intérêts, correspondant à leur rémunération, à leurs frais de nourriture sur le navire, à l’allocation de congés ainsi qu’à l’indemnité de licenciement.
22 À la suite de nouvelles saisies, le navire concerné a été vendu aux enchères le 7 juin 1995. Au cours de cette même année, Panagia Malta a été déclarée en faillite par le Polymeles Protodikeio Peireos (tribunal de grande instance du Pirée). Bien qu’ayant déclaré leurs créances, les défendeurs au principal n’ont, faute de patrimoine encore réalisable, pu bénéficier d’aucun paiement dans le cadre de ladite faillite.
23 Ils se sont alors adressés à l’Agence pour l’emploi des travailleurs (Organismos Apascholisis Ergatikou Dynamikou) afin de bénéficier de la protection des travailleurs contre l’insolvabilité de l’employeur. Cette protection leur a été refusée au motif que, en tant que marins couverts par des garanties revêtant une autre forme, ils étaient exclus du champ d’application de la directive 80/987 et ne relevaient pas davantage de celui du décret présidentiel 1/1990.
24 Le 11 octobre 1999, les défendeurs au principal ont intenté une procédure devant le Diokitiko Protodikeio Athinon (tribunal administratif de première instance d’Athènes) visant à mettre en cause la responsabilité de l’État grec du fait de ne pas avoir assuré aux équipages de mer, conformément à la directive 80/987, l’accès à une institution de garantie ou, à défaut, une protection équivalente à celle découlant de ladite directive.
25 Ladite juridiction les ayant déboutés, les défendeurs au principal ont interjeté appel de cette décision. Par arrêt 1063/2005, le Dioikitiko Efeteio Athinon (cour administrative d’appel d’Athènes) a infirmé ladite décision en jugeant, d’une part, que la directive 80/987 était applicable au cas d’espèce, dès lors que Panagia Malta exerçait une activité d’exploitation en Grèce, pays dans lequel se trouvait son siège effectif et que le navire en cause battait un pavillon de complaisance. D’autre
part, la juridiction d’appel a estimé que, à l’occasion de la transposition de la directive 80/987 en droit national, l’État grec s’était fautivement abstenu de garantir à des travailleurs salariés, tels que les défendeurs au principal, la protection que prévoit cette directive. À ce dernier égard, ladite juridiction a notamment considéré que, contrairement à ce qu’exigeait l’article 1er, paragraphe 2, de ladite directive, l’article 29 de la loi 1220/1981 n’offrait pas aux intéressés une
protection équivalente à celle qui résulte de cette même directive.
26 L’État grec s’est pourvu en cassation contre ledit arrêt devant le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État).
27 La juridiction de renvoi considère que ce pourvoi soulève des questions d’interprétation du droit de l’Union. À cet égard, elle se réfère, notamment, aux articles 91, 92 et 94 de la CNUDM et à la coutume internationale dont ces dispositions seraient le reflet ainsi qu’à l’arrêt Poulsen et Diva Navigation (C‑286/90, EU:C:1992:453) dans lequel la Cour aurait notamment jugé que, en vertu du droit international, un navire n’a en principe qu’une seule nationalité à savoir celle de l’État dans lequel
il est enregistré, de sorte qu’un État membre ne peut traiter un navire déjà enregistré dans un État tiers comme un navire battant son pavillon, en invoquant la circonstance que ce navire présente un lien substantiel avec cet État membre.
28 C’est dans ces conditions que le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Au sens des dispositions de la directive 80/987, les marins d’un État membre qui travaillaient en tant que tels sur un navire battant pavillon d’un État tiers à l’Union européenne sont-ils soumis, en ce qui concerne les créances impayées qu’ils détiennent à l’égard de la société propriétaire du navire – qui a certes son siège statutaire sur le territoire de cet État tiers, mais son siège effectif dans ledit État membre et qui a été déclarée en faillite par un tribunal de cet État membre selon
le droit de ce dernier, en raison précisément de son siège effectif – aux dispositions protectrices de ladite directive, à la lumière de l’objectif que poursuit celle-ci et indépendamment du point de savoir si les contrats de travail sont régis par le droit de l’État tiers, étant précisé que l’État membre est dans l’impossibilité d’exiger du propriétaire du navire étranger de contribuer au financement de l’institution de garantie?
2) Au sens des dispositions de la directive 80/987, faut-il considérer que constitue une protection équivalente le versement par la caisse de retraite des marins, prévu à l’article 29 de la loi 1220/1981, d’une somme représentant jusqu’à trois mois de salaire, fixée conformément aux conventions collectives concernées relatives aux salaires de base et aux allocations, à des marins grecs engagés en tant que tels sur des navires battant pavillon grec ou sur des navires étrangers affiliés à cette
caisse, dans le cas prévu à cet article, c’est-à-dire uniquement en cas d’abandon de ces marins à l’étranger?»
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
29 Par sa première question, la juridiction de renvoi vise en substance à savoir si la directive 80/987 doit être interprétée en ce sens que, sous réserve de l’application éventuelle de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, des marins demeurant dans un État membre et ayant été engagés dans cet État par une société qui a son siège statutaire dans un État tiers, mais dont le siège effectif est situé dans ledit État membre, pour travailler en tant que salariés à bord d’un navire de croisière
propriété de cette société et battant pavillon dudit État tiers, aux termes d’un contrat de travail désignant comme droit applicable le droit de ce même État tiers, doivent, après que ladite société a été déclarée en faillite par une juridiction de l’État membre concerné selon le droit de ce dernier, pouvoir bénéficier de la protection que prévoit ladite directive en ce qui concerne les créances salariales impayées qu’ils détiennent à l’égard de cette même société.
30 Il importe de rappeler que, aux termes d’une jurisprudence constante, la directive 80/987 poursuit une finalité sociale qui consiste à garantir un minimum de protection à tous les travailleurs salariés au niveau de l’Union en cas d’insolvabilité de l’employeur par le paiement des créances impayées résultant de contrats ou de relations de travail et portant sur la rémunération afférente à une période déterminée (voir, notamment, arrêts Maso e.a., C‑373/95, EU:C:1997:353, point 56; Walcher,
C‑201/01, EU:C:2003:450, point 38, ainsi que Tümer, C‑311/13, EU:C:2014:2337, point 42). Dans ce contexte, la Cour a itérativement souligné que, par leur nature même, les créances salariales présentent une très grande importance pour les intéressés (voir, notamment, arrêt Visciano, C‑69/08, EU:C:2009:468, point 44 et jurisprudence citée).
31 À cet égard, la directive 80/987 prévoit notamment des garanties spécifiques pour le paiement de telles créances impayées (voir arrêt Francovich e.a., C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:428, point 3).
32 En ce qui concerne la détermination des bénéficiaires desdites garanties, il y a lieu de rappeler que, selon son article 1er, paragraphe 1, la directive 80/987 s’applique aux créances des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et existant à l’égard d’employeurs qui se trouvent en état d’insolvabilité, au sens de l’article 2, paragraphe 1, de celle-ci. L’article 2, paragraphe 2, de cette directive renvoie au droit national pour la détermination des
notions de «travailleur salarié» et d’«employeur». Enfin, le paragraphe 2 dudit article 1er prévoit que les États membres peuvent, à titre exceptionnel et sous certaines conditions, exclure du champ d’application de ladite directive certaines catégories de travailleurs énumérées à l’annexe de celle-ci (arrêt Francovich e.a., C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:428, point 13).
33 Ainsi que l’a jugé la Cour, il découle de ces dispositions qu’une personne entre dans le champ d’application de la directive 80/987, d’une part, si elle a la condition de travailleur salarié en vertu du droit national et ne relève pas de l’une des exclusions prévues à l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive et, d’autre part, si l’employeur de cette personne se trouve dans un état d’insolvabilité, au sens de l’article 2 de ladite directive (voir, en ce sens, arrêt Francovich e.a., C‑6/90
et C‑9/90, EU:C:1991:428, point 14).
34 S’agissant de cette dernière condition, il résulte des termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 80/987 qu’un tel «état d’insolvabilité» requiert, premièrement, que les dispositions législatives, réglementaires et administratives de l’État membre concerné prévoient une procédure qui porte sur le patrimoine de l’employeur et qui vise à désintéresser collectivement ses créanciers, deuxièmement, que soit permise, dans le cadre de cette procédure, la prise en considération des créances des
travailleurs salariés résultant de contrats ou de relations de travail, troisièmement, que l’ouverture de la procédure ait été demandée et, quatrièmement, que l’autorité compétente en vertu des dispositions nationales précitées ait soit décidé l’ouverture de la procédure, soit constaté la fermeture définitive de l’entreprise ou de l’établissement de l’employeur ainsi que l’insuffisance de l’actif disponible pour justifier l’ouverture de la procédure (voir arrêt Francovich, C‑479/93,
EU:C:1995:372, point 18).
35 Par ailleurs, s’agissant de la qualité de travailleur salarié, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 80/987 doit être interprété à la lumière de la finalité sociale de celle-ci rappelée au point 30 du présent arrêt, de sorte que les États membres ne sauraient à leur gré définir le terme «travailleur salarié» de manière à mettre en péril cette finalité et que la marge d’appréciation dont ils disposent à cet effet
est ainsi encadrée par ladite finalité sociale qu’ils sont tenus de respecter (arrêt Tümer, C‑311/13, EU:C:2014:2337, points 42 et 43).
36 En ce qui concerne l’affaire au principal, il y a lieu de relever, d’une part, qu’il n’est pas contesté que, selon le droit grec, des marins engagés sous contrat, tels que ceux en cause au principal, sont des travailleurs salariés.
37 D’autre part, il ressort de la décision de renvoi que Panagia Malta a fait l’objet d’un jugement déclaratif de faillite prononcé par une juridiction grecque. Ladite décision fait également état de ce que, bien qu’ayant été produites dans le cadre de la procédure ayant conduit audit état de faillite, les créances salariales des défendeurs au principal n’ont pu être honorées faute d’éléments d’actif patrimoniaux réalisables.
38 Eu égard à ce qui précède, il est constant que, sous réserve de vérifier, ce qui constitue l’objet de la seconde question préjudicielle, que des travailleurs, tels que les défendeurs au principal, ne se trouvent pas exclus du champ d’application de la directive 80/987 en tant que travailleurs salariés bénéficiant d’autres formes de garantie au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, les deux autres conditions, rappelées au point 33 du présent arrêt auxquelles la directive 80/987
subordonne la qualité de bénéficiaire de la protection qu’elle prévoit se trouvent satisfaites en l’occurrence, de sorte que de tels travailleurs doivent, en principe, pouvoir bénéficier de cette protection.
39 Contrairement à ce qu’a fait valoir la Commission européenne, la garantie des créances salariales prévue par la directive 80/987 doit s’appliquer quelles que soient par ailleurs les eaux maritimes (mer territoriale ou zone économique exclusive d’un État membre ou d’un État tiers ou, encore, haute mer), sur lesquelles le navire sur lequel les défendeurs au principal étaient appelés à travailler aurait finalement été amené à naviguer.
40 C’est à tort que ladite institution croit pouvoir déduire des arrêts Mosbæk (C‑117/96, EU:C:1997:415) ainsi que Everson et Barrass (C‑198/98, EU:C:1999:617) que cette garantie ne serait susceptible de bénéficier à des travailleurs salariés se trouvant dans une situation telle que celle des défendeurs au principal qu’à la condition qu’ils exercent leur activité sur le territoire grec.
41 En effet, dans le premier de ces arrêts, la Cour a jugé que, en cas d’insolvabilité d’un employeur établi dans un État membre autre que celui sur le territoire duquel le travailleur réside et exerce son activité salariée, l’institution de garantie compétente pour le paiement des créances salariales dudit travailleur est, en principe, celle du lieu d’établissement de l’employeur qui, en règle générale, contribue au financement de l’institution (voir, en ce sens, arrêt Mosbæk, C‑117/96,
EU:C:1997:415, points 24 et 25). Dans le second arrêt, la Cour a précisé qu’il en allait toutefois autrement, dans une situation dans laquelle l’employeur dispose de plusieurs établissements dans différents États membres, auquel cas il convient, afin de déterminer l’institution de garantie compétente, de se référer, outre au lieu d’établissement, à titre de critère additionnel, au lieu d’activité des travailleurs (arrêt Everson et Barrass, C‑198/98, EU:C:1999:617, points 22 et 23).
42 Or, il y a lieu de constater que ces deux arrêts, qui concernent des situations dans lesquelles les institutions de garantie de deux États membres semblaient a priori compétentes aux fins d’assurer le paiement des créances impayées de travailleurs salariés, ne sont pas de nature à étayer la thèse défendue par la Commission. Les réponses apportées par la Cour dans lesdits arrêts ne préjugent en effet en rien du point de savoir si, lorsqu’un employeur qui a son siège effectif dans un État membre a
engagé des travailleurs demeurant dans celui-ci aux fins d’exercer des prestations salariées sur un navire, les créances salariales impayées dont disposent, le cas échéant, lesdits travailleurs à l’égard de cet employeur, une fois ce dernier en état d’insolvabilité, doivent ou non bénéficier de la protection que prévoit la directive 80/987. Cette jurisprudence ne conduit, plus particulièrement, aucunement à devoir limiter ladite protection en fonction du statut desdits espaces maritimes au regard
du droit international.
43 Par ailleurs, il importe de préciser, en réponse aux interrogations formulées par la juridiction de renvoi, que l’appréciation figurant au point 38 du présent arrêt n’est susceptible d’être affectée par aucune des particularités mentionnées par ladite juridiction dans sa question et tenant, respectivement, au fait que les contrats de travail en cause au principal sont soumis au droit d’un État tiers, à la circonstance que le navire sur lequel les défendeurs au principal étaient appelés à
travailler bat pavillon de cet État tiers, au fait que l’employeur a son siège statutaire dans ce même État tiers ou, encore, à la circonstance que l’État membre concerné ne serait pas en mesure d’exiger d’un tel employeur qu’il contribue au financement de l’institution de garantie visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 80/987.
44 S’agissant, en premier lieu, de la clause contractuelle en vertu de laquelle les contrats en cause au principal sont soumis au droit d’un État tiers, il convient de relever que la demande de paiement de l’équivalent de créances de rémunération impayées adressée par un travailleur salarié à une institution de garantie doit être distinguée de la demande introduite par un tel travailleur à l’encontre de l’employeur en état d’insolvabilité et visant à obtenir le paiement de telles créances (voir, en
ce sens, arrêt Visciano, C‑69/08, EU:C:2009:468, point 41).
45 Ainsi que la Commission l’a fait valoir à bon droit, une réglementation, telle que celle en cause au principal, qui gouverne les conditions auxquelles un État membre garantit la prise en charge de créances salariales impayées à la suite de l’état d’insolvabilité d’un employeur n’a pas pour objet de réglementer la relation contractuelle existant entre le travailleur et l’employeur.
46 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient le gouvernement grec, de telles conditions et une telle demande de prise en charge auprès d’une institution de garantie ne sauraient relever du domaine de la loi du contrat, au sens de l’article 10 de la convention de Rome.
47 En deuxième lieu, quant à la circonstance, d’une part, que le navire sur lequel les défendeurs au principal étaient appelés à exercer leur activité battait pavillon d’un État tiers et au fait, d’autre part, que l’employeur avait son siège statutaire dans ce même État tiers, il importe de souligner, premièrement, que, ainsi qu’il a été rappelé aux points 32 et 33 du présent arrêt, les critères auxquels la directive 80/987 subordonne la qualité de bénéficiaire de la protection qu’elle institue ont
trait, pour l’essentiel, à la qualité de travailleur salarié de ce dernier et à la circonstance que l’employeur a fait l’objet d’une procédure de désintéressement collectif des créanciers en application des dispositions en vigueur dans un État membre.
48 En revanche, il ne résulte pas des dispositions de cette directive, et en particulier de l’article 1er de celle-ci délimitant son champ d’application, que le lieu du siège statutaire de l’employeur ou le pavillon battu par le navire à bord duquel sont employés les travailleurs doivent constituer des critères en fonction desquels s’opère ladite délimitation.
49 Ne saurait, en particulier, prospérer l’argumentation du gouvernement grec selon laquelle il se déduirait de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 80/987, qui dispose que celle-ci n’est pas applicable au Groenland, que ladite directive ne s’applique qu’en présence de relations de travail impliquant des prestations salariées effectuées sur le territoire de l’Union et non lorsque de telles prestations sont effectuées sur un navire battant pavillon d’un État tiers.
50 En effet, cette absence d’applicabilité de la directive 80/987 s’expliquait, ainsi que cela ressort du quatrième considérant de celle-ci, par le fait que le marché du travail du Groenland, en raison de la situation géographique et des structures professionnelles de cette région, différait, à l’époque, fondamentalement de celui des autres régions de la Communauté. Elle est cependant sans incidence sur la question de savoir si la situation des marins demeurant dans un État membre, qui ont été
engagés dans ce dernier État pour travailler sur un navire battant pavillon d’un État tiers, par une société ayant son siège effectif dans ce même État membre, relève ou non du marché du travail dudit État membre.
51 De la même manière, ne saurait être retenu l’argument avancé par le gouvernement italien selon lequel la circonstance que le premier considérant de la directive 80/987 se réfère à la nécessité d’un développement économique et social équilibré dans la Communauté serait de nature à conduire à la conclusion que les créances salariales dont disposent de tels travailleurs à l’endroit d’un tel employeur devraient être exclues du champ d’application de la protection instituée par ladite directive. Il
suffit en effet d’observer que, dans les circonstances de l’affaire au principal rappelées au point 50 du présent arrêt, il n’apparaît aucunement en quoi l’octroi d’une telle protection ne participerait pas à la réalisation de cet objectif de développement économique et social équilibré ou méconnaîtrait celui-ci.
52 Deuxièmement, la thèse du gouvernement grec selon laquelle la circonstance que le navire concerné battait pavillon d’un État tiers et le fait que l’employeur avait son siège statutaire dans ce même État tiers auraient pour conséquence qu’une situation telle que celle en cause au principal ne relève, plus généralement, pas du champ d’application ratione loci du droit de l’Union, dans la mesure où celui-ci ne s’étendrait pas aux États tiers, ne saurait davantage prospérer.
53 À cet égard, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que la seule circonstance que les activités d’un travailleur s’exercent en dehors du territoire de l’Union ne suffit pas pour écarter l’application des règles de l’Union sur la libre circulation des travailleurs, dès lors que le rapport de travail conserve un rattachement suffisamment étroit avec le territoire de l’Union (voir, notamment, arrêt Bakker, C‑106/11, EU:C:2012:328, point 28 et jurisprudence citée).
54 S’agissant de l’affaire au principal, il y a lieu de relever que la relation de travail entre les défendeurs au principal et leur employeur présente différents rattachements avec le territoire de l’Union. En effet, lesdits défendeurs ont conclu un contrat de travail, sur le territoire d’un État membre dans lequel ils demeuraient, avec un employeur dont l’insolvabilité a, par la suite, été prononcée par une juridiction dudit État membre, au motif que cet employeur exerçait dans cet État une
activité d’exploitation et y disposait de son siège effectif.
55 Or, s’agissant d’une garantie telle que celle qu’institue la directive 80/987 à la charge des États membres et eu égard, notamment, à la finalité sociale de celle-ci rappelée au point 30 du présent arrêt, de telles circonstances traduisent l’existence d’un lien suffisamment étroit entre les relations de travail concernées et le territoire de l’Union.
56 Troisièmement, la juridiction de renvoi s’étant référée, dans sa décision, aux articles 91, 92 et 94 de la CNUDM ainsi qu’à l’arrêt Poulsen et Diva Navigation (C‑286/90, EU:C:1992:453) et le gouvernement grec soutenant qu’il découle desdites dispositions, lues à la lumière de cette jurisprudence, que celles-ci se trouveraient méconnues s’il fallait interpréter la directive 80/987 en ce sens que la protection qu’institue celle-ci bénéficie à des travailleurs employés, par une société ayant son
siège statutaire dans un État tiers, sur un navire battant le pavillon de ce même État tiers, il convient d’apporter les précisions suivantes.
57 Ayant rappelé, au point 13 de l’arrêt Poulsen et Diva Navigation (C‑286/90, EU:C:1992:453), que, en vertu du droit international, un bateau n’a en principe qu’une seule nationalité, à savoir celle de l’État dans lequel il est enregistré, la Cour a dit pour droit, au point 16 dudit arrêt, qu’un bateau enregistré dans un État tiers ne pouvait dès lors pas être traité pour l’application de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement (CEE) no 3094/86 du Conseil, du 7 octobre 1986, prévoyant
certaines mesures techniques de conservation des ressources de pêche (JO L 288, p. 1), comme un bateau possédant la nationalité d’un État membre au motif qu’il présente un lien substantiel avec cet État membre.
58 Dans ce même arrêt, la Cour, après avoir relevé que la loi applicable à l’activité de l’équipage dépend non pas de la nationalité des membres de cet équipage, mais de l’État dans lequel le bateau est enregistré et, le cas échéant, de la zone maritime dans laquelle se trouve ce bateau, a également considéré que cet article 6, paragraphe 1, sous b), ne peut pas être appliqué au capitaine et aux autres membres de l’équipage au seul motif qu’ils sont des ressortissants d’un État membre (voir arrêt
Poulsen et Diva Navigation, C‑286/90, EU:C:1992:453, points 18 et 20).
59 Enfin, après avoir souligné que ledit article 6, paragraphe 1, sous b), ne peut pas être appliqué à un bateau enregistré dans un État tiers, premièrement, lorsqu’il se trouve en haute mer, dans la mesure où un tel bateau y est en principe soumis exclusivement à la loi de son pavillon, deuxièmement, lorsqu’il navigue dans la zone économique exclusive d’un État membre, dès lors qu’il y jouit de la liberté de navigation, ni, troisièmement, lorsqu’il traverse les eaux territoriales d’un État membre
dans la mesure où il exerce ce faisant le droit de passage inoffensif, la Cour a jugé, en revanche, qu’une telle disposition pouvait lui être appliquée lorsqu’il se trouve dans les eaux intérieures ou, plus particulièrement, dans un port d’un État membre, où il est en principe soumis à la pleine juridiction de cet État (voir arrêt Poulsen et Diva Navigation, C‑286/90, EU:C:1992:453, points 22 à 29).
60 Il convient, toutefois, de rappeler que l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 3094/86 prévoyait, pour ce qui est de certaines espèces halieutiques, que, même lorsqu’elles ont été capturées en dehors des eaux relevant de la souveraineté ou de la juridiction des États membres, elles ne pouvaient pas être gardées à bord, transbordées, débarquées, transportées, stockées, vendues, exposées ou mises en vente, mais devaient être rejetées aussitôt à la mer.
61 À la différence du règlement no 3094/86, la directive 80/987 vise non pas à gouverner une activité effectuée au moyen d’un navire par l’équipage se trouvant à son bord, telle que la pêche, le stockage, le transport, le débarquement ou la vente de ressources halieutiques, mais uniquement à imposer à chaque État membre de garantir aux travailleurs salariés, notamment à ceux qui ont été précédemment employés à bord d’un navire, le paiement de leurs créances salariales impayées après que leur
employeur a été déclaré en état d’insolvabilité dans cet État membre.
62 Or, il n’apparaît pas, à cet égard, que le droit international public comporterait des règles à l’effet de réserver exclusivement à l’État dont le navire bat le pavillon la faculté d’instituer un tel mécanisme de garantie, en excluant, notamment, ladite faculté dans le chef d’un État sur le territoire duquel se trouve situé le siège effectif des activités de l’employeur dont l’état d’insolvabilité est ainsi constaté par une juridiction de cet État.
63 Tel n’est notamment pas le cas des articles 92, paragraphe 1, ainsi que 94, paragraphes 1 et 2, sous b), de la CNUDM, auxquels se réfère la juridiction de renvoi, ou des règles coutumières antérieures que refléteraient, le cas échéant, ces dispositions.
64 En effet, l’article 92, paragraphe 1, de la CNUDM a trait à la juridiction exclusive dont dispose, «en haute mer», un État sur les navires battant son pavillon.
65 Par ailleurs, il ressort de l’article 94, paragraphes 1 et 2, sous b), de la CNUDM que tout État exerce effectivement sa juridiction et son contrôle dans les domaines administratif, technique et social sur les navires battant son pavillon et que tout État exerce, en particulier, sa juridiction conformément à son droit interne sur tout navire battant son pavillon, ainsi que sur le capitaine, les officiers et l’équipage pour les questions d’ordre administratif, technique et social concernant le
navire.
66 Or, il y a lieu de relever que l’édiction d’un mécanisme tel que celui prévu par la directive 80/987, en vertu duquel une institution de garantie d’un État membre assure le paiement des créances salariales impayées dont des marins ayant antérieurement été employés sur un navire bénéficient à l’encontre de leur employeur déclaré en état d’insolvabilité par une juridiction dudit État membre, n’empêche pas l’État du pavillon d’un tel navire d’exercer effectivement sa juridiction sur ce navire ou sur
l’équipage de celui-ci pour les questions d’ordre social concernant ledit navire ainsi que le prévoient lesdites dispositions de la CNUDM.
67 En troisième lieu, et s’agissant de la circonstance que, en l’occurrence, l’État grec ne serait pas en mesure d’exiger de l’employeur le versement de cotisations au fonds de garantie visé à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 80/987, il convient de relever, tout d’abord, que la décision de renvoi ne comporte pas d’explications quant à l’origine d’une telle impossibilité.
68 Ensuite, il ressort de l’article 5, sous b), de la directive 80/987 qu’une contribution des employeurs au financement des institutions de garantie n’est envisagée qu’à moins que celui-ci ne soit assuré intégralement par les pouvoirs publics, de telle sorte que, en vertu de l’économie même de ladite directive, le lien susceptible d’exister entre l’obligation de cotisation de l’employeur et l’intervention du fonds de garantie ne revêt aucun caractère nécessaire.
69 Enfin, il convient de relever que, en l’occurrence, et ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, c’est au regard de la circonstance que Panagia Malta avait son siège effectif en Grèce que la faillite de celle-ci a pu être prononcée par une juridiction de cet État membre par application de la législation de celui-ci. Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 60 de ses conclusions, la seule circonstance que l’État grec se soit, le cas échéant, abstenu soit de prévoir, dans sa
législation, qu’une telle société soit tenue au versement de cotisations, soit de faire en sorte que ladite société respecte l’obligation qui pèserait sur elle en vertu de ladite législation ne saurait avoir pour conséquence de priver les travailleurs concernés de la protection qu’institue la directive 80/987.
70 À ce dernier égard, il convient de rappeler que l’article 5, sous c), de ladite directive prévoit expressément que l’obligation de paiement des institutions existe indépendamment de l’exécution des obligations de contribuer au financement.
71 Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de répondre à la première question que la directive 80/987 doit être interprétée en ce sens que, sous réserve de l’application éventuelle de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, des marins demeurant dans un État membre et ayant été engagés dans cet État par une société qui a son siège statutaire dans un État tiers, mais dont le siège effectif est situé dans ledit État membre, pour travailler en tant que salariés à bord d’un navire de
croisière propriété de cette société et battant pavillon dudit État tiers, aux termes d’un contrat de travail désignant comme droit applicable le droit de ce même État tiers, doivent, après que ladite société a été déclarée en faillite par une juridiction de l’État membre concerné selon le droit de ce dernier, pouvoir bénéficier de la protection que prévoit ladite directive en ce qui concerne les créances salariales impayées qu’ils détiennent à l’égard de cette même société.
Sur la seconde question
72 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 80/987 doit être interprété en ce sens que, s’agissant de travailleurs se trouvant dans une situation telle que celle des défendeurs au principal, constitue une «protection équivalente à celle qui résulte de [cette] directive», au sens de ladite disposition, une protection telle que celle prévue à l’article 29 de la loi 1220/1981 en cas d’abandon de marins à l’étranger.
73 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 80/987, les «États membres peuvent, à titre exceptionnel, exclure du champ d’application de [cette] directive les créances de certaines catégories de travailleurs salariés en raison de la nature particulière du contrat de travail ou de la relation de travail des travailleurs salariés, ou en raison de l’existence d’autres formes de garantie assurant aux travailleurs salariés une protection
équivalente à celle qui résulte de la présente directive», la liste des catégories de travailleurs salariés concernés figurant en annexe à ladite directive.
74 Le point II de cette liste afférent aux «travailleurs salariés bénéficiant d’autres formes de garantie» inclut, en ce qui concerne la République hellénique, les équipages de navires de mer.
75 Par ailleurs, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, il résulte tant de la finalité de la directive 80/987, qui tend à assurer un minimum de protection à tous les travailleurs, que du caractère exceptionnel de la possibilité d’exclusion, prévue à l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci, que ne peut être considérée comme «équivalente», au sens de cette disposition, qu’une protection qui, tout en étant fondée sur un système dont les modalités diffèrent de celles prévues par la directive 80/987, assure
aux travailleurs les garanties essentielles définies par celle-ci (arrêt Commission/Grèce, C‑53/88, EU:C:1990:380, point 19).
76 En ce qui concerne l’article 29 de la loi 1220/1981, il convient de relever que, ainsi que le souligne la juridiction de renvoi dans sa question, la protection instituée en vertu de ladite disposition n’intervient qu’en cas d’abandon de marins à l’étranger et non, ainsi que l’exige la directive 80/987, du fait de la survenance de l’insolvabilité de l’employeur.
77 Or, il convient de constater, à cet égard, qu’un employeur peut se trouver en état d’insolvabilité au sens de la directive 80/987, sans, pour autant, que les marins qu’il a engagé fassent par ailleurs l’objet d’un abandon à l’étranger dans les conditions prévues par lesdites dispositions nationales.
78 Il en découle que, dans une telle situation, qui correspond précisément à celle des travailleurs en cause au principal, ces mêmes dispositions ne prévoient pas le paiement aux travailleurs de leurs créances impayées, garantie qui constitue pourtant, ainsi qu’il ressort notamment du premier considérant de ladite directive, l’objectif essentiel de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Commission/Grèce, C‑53/88, EU:C:1990:380, point 20).
79 Dans ces conditions, la disposition nationale considérée n’assure pas à des travailleurs se trouvant dans une situation telle que celle des défendeurs au principal une protection équivalente à celle qui résulte de la directive 80/987.
80 Il y a lieu, par conséquent, de répondre à la seconde question que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 80/987 doit être interprété en ce sens que, s’agissant de travailleurs se trouvant dans une situation telle que celle des défendeurs au principal, ne constitue pas une «protection équivalente à celle qui résulte de [cette] directive», au sens de ladite disposition, une protection telle que celle prévue à l’article 29 de la loi 1220/1981 en cas d’abandon de marins à l’étranger.
Sur les dépens
81 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:
1) La directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité des employeurs, doit être interprétée en ce sens que, sous réserve de l’application éventuelle de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, des marins demeurant dans un État membre et ayant été engagés dans cet État par une société qui a son siège statutaire dans un État tiers, mais dont le siège
effectif est situé dans ledit État membre, pour travailler en tant que salariés à bord d’un navire de croisière propriété de cette société et battant pavillon dudit État tiers, aux termes d’un contrat de travail désignant comme droit applicable le droit de ce même État tiers, doivent, après que ladite société a été déclarée en faillite par une juridiction de l’État membre concerné selon le droit de ce dernier, pouvoir bénéficier de la protection que prévoit ladite directive en ce qui concerne
les créances salariales impayées qu’ils détiennent à l’égard de cette même société.
2) L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 80/987 doit être interprété en ce sens que, s’agissant de travailleurs se trouvant dans une situation telle que celle des défendeurs au principal, ne constitue pas une «protection équivalente à celle qui résulte de [cette] directive», au sens de ladite disposition, une protection telle que celle prévue à l’article 29 de la loi 1220/1981 complétant et modifiant la législation relative à l’organisme de gestion du port du Pirée en cas d’abandon de
marins à l’étranger.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: le grec.