ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)
5 février 2016 ( *1 )
«Fonction publique — Ayants droit d’un ancien fonctionnaire décédé — Pensions — Pensions de survie — Article 85 du statut — Répétition de l’indu — Irrégularité du versement — Caractère évident de l’irrégularité du versement — Absence»
Dans l’affaire F‑96/14,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,
Hilde Bulté et Tom Krempa, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentés par Mes J. Lombaert et A. Surny, avocats,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée initialement par MM. J. Currall et G. Gattinara, en qualité d’agents, puis par M. G. Gattinara, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (troisième chambre),
composé de M. S. Van Raepenbusch, président, Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur) et M. E. Perillo, juges,
greffier : M. P. Cullen, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 octobre 2015,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 17 septembre 2014, Mme Bulté et M. Krempa demandent, en substance, l’annulation de la décision de la Commission européenne, du 22 novembre 2013, de modifier, avec effet rétroactif au 1er août 2010, les pensions dont ils bénéficient en leur qualité d’ayants droit d’un ancien fonctionnaire décédé et de procéder à la récupération des sommes qui leur auraient été indûment versées depuis cette date.
Cadre juridique
2 L’article 79, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version applicable en l’espèce (ci-après le « statut »), dispose :
« Dans les conditions prévues au chapitre 4 de l’annexe VIII [du statut], le conjoint survivant d’un fonctionnaire ou d’un ancien fonctionnaire a droit à une pension de survie égale à 60 % de la pension d’ancienneté ou de l’allocation d’invalidité dont son conjoint bénéficiait ou dont il aurait bénéficié s’il avait pu y prétendre, sans condition de durée de service ni d’âge, au moment de son décès. »
3 L’article 80, troisième alinéa, du statut prévoit :
« Lorsque le fonctionnaire ou le titulaire d’une pension d’ancienneté ou d’une allocation d’invalidité est décédé [en laissant un conjoint ayant droit à une pension de survie], les enfants reconnus à sa charge, au sens de l’article 2 de l’annexe VII [du statut], ont droit à une pension d’orphelin dans les conditions visées à l’article 21 de l’annexe VIII [du statut] ; elle est toutefois fixée à la moitié du montant résultant des dispositions de ce dernier article. »
4 L’article 81 bis du statut est libellé comme suit :
« 1. Nonobstant toute autre disposition, concernant notamment les montants minimaux ouverts au profit d’ayants droit à une pension de survie, le montant global des pensions de survie augmentées des allocations familiales et diminuées de l’impôt et des autres retenues obligatoires auquel peuvent prétendre la veuve et les autres ayants droit ne peut excéder :
[…]
b) pour la période postérieure à la date à laquelle le fonctionnaire visé [sous] a) aurait atteint l’âge de 65 ans, le montant de la pension d’ancienneté à laquelle l’intéressé, demeuré en vie, aurait eu droit à compter de cette date, aux mêmes grade et échelon atteints lors du décès, ce montant étant augmenté des allocations familiales qui auraient été versées à l’intéressé et diminué de l’impôt et des autres retenues obligatoires ;
c) en cas de décès d’un ancien fonctionnaire titulaire d’une pension d’ancienneté ou d’une allocation d’invalidité, le montant de la pension à laquelle l’intéressé, demeuré en vie, aurait eu droit, ce montant étant augmenté et diminué des éléments visés [sous] b) ;
[…] »
5 L’article 85 du statut se lit comme suit :
« Toute somme indûment perçue donne lieu à répétition si le bénéficiaire a eu connaissance de l’irrégularité du versement ou si celle-ci était si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.
La demande de répétition doit intervenir au plus tard au terme d’un délai de cinq ans commençant à courir à compter de la date à laquelle la somme a été versée. Ce délai n’est pas opposable à l’autorité investie de pouvoir de nomination lorsque celle-ci est en mesure d’établir que l’intéressé a délibérément induit l’administration en erreur en vue d’obtenir le versement de la somme considérée. »
6 Aux termes de l’article 21 de l’annexe VIII, intitulée « Modalités du régime de pensions », du statut :
1. La pension d’orphelin prévue à l’article 80, premier, deuxième et troisième alinéas, du statut est fixée, pour le premier orphelin, à huit dixièmes de la pension de survie à laquelle aurait eu droit le conjoint survivant du fonctionnaire ou ancien fonctionnaire titulaire d’une pension d’ancienneté ou d’une allocation d’invalidité, abstraction faite des réductions prévues à l’article 25 [de la présente annexe].
Elle ne peut être inférieure au minimal vital, sous réserve des dispositions prévues à l’article 22 [de la présente annexe].
2. La pension ainsi établie est augmentée, pour chacun des enfants à charge à partir du deuxième, d’un montant égal au double de l’allocation pour enfants à charge.
Dans les conditions prévues à l’article 3 de l’annexe VII [du statut] l’orphelin a droit à l’allocation scolaire.
3. Le montant total de la pension et des allocations ainsi obtenu est réparti par parts égales entre les orphelins ayants droit. »
Faits à l’origine du litige
7 La requérante, ancienne fonctionnaire de la Commission et mère du requérant, et le requérant, né le 11 avril 1994, sont, respectivement, la veuve et le fils d’un ancien fonctionnaire de la Commission, né le 12 décembre 1943 et décédé le 13 septembre 2008 en situation d’invalidité (ci-après l’« ancien fonctionnaire » ou l’« ancien fonctionnaire décédé »). Au moment de son décès, l’ancien fonctionnaire avait un autre fils, issu d’une précédente union et plus âgé que le requérant (ci-après le « fils
aîné »).
8 Par avis du 12 février 2009, l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » de la Commission (PMO) a fixé les droits à pension des requérants et du fils aîné de l’ancien fonctionnaire en leur qualité d’ayants droit dudit fonctionnaire (ci-après l’« avis de fixation du 12 février 2009 »). Selon cet avis, la requérante et les deux fils de l’ancien fonctionnaire avaient le droit de percevoir, respectivement, une pension de survie et une pension d’orphelin à partir du 1er janvier 2009. Ces
pensions étaient calculées à partir de l’allocation d’invalidité que l’ancien fonctionnaire recevait au moment de son décès et qui, selon l’avis de fixation du 12 février 2009, s’élevait à 5321,13 euros mensuels. Selon l’avis susmentionné, la pension de la requérante était constituée d’une pension de base, augmentée d’une allocation de foyer, d’allocations pour enfant à charge et d’allocations scolaires et diminuée des cotisations d’assurance maladie et de l’impôt communautaire. L’avis de fixation
du 12 février 2009 disposait également que les pensions de survie étaient soumises à la limitation prévue à l’article 81 bis, paragraphe 1, sous c), du statut et contenait le calcul des pensions accordées aux requérants et au fils aîné de l’ancien fonctionnaire après application de cette limitation, de sorte que la somme globale desdites pensions ne dépassait pas le montant de 5163,80 euros, à savoir la pension d’ancienneté de l’ancien fonctionnaire, augmentée des allocations familiales qui lui
auraient été versées et diminuée de l’impôt et des autres retenues obligatoires (ci-après la « pension d’ancienneté globale ») à laquelle, demeuré en vie, il aurait eu droit au 1er janvier 2009.
9 Pendant la période allant de janvier 2009 à juin 2011, une somme mensuelle de 1428,01 euros, s’agissant de la requérante, et de 212,85 euros, s’agissant du requérant, a été déduite de leur pension respective, au titre de l’article 81 bis, paragraphe 1, sous c), du statut.
10 Le 31 juillet 2010, le fils aîné a terminé ses études. Cet événement a entraîné une modification des paramètres de calcul des pensions des requérants, car, à partir du 1er août 2010, ce fils aîné avait cessé d’être un enfant à charge et n’ouvrait donc plus droit, notamment, à l’allocation scolaire.
11 Le 17 juin 2011, soit presque un an plus tard, le PMO a effectué un nouveau calcul, avec effet au 1er août 2010, des droits à pension des requérants. Ce nouveau calcul s’est révélé erroné, car le PMO a plafonné le montant global de ces pensions, au titre de l’article 81 bis, paragraphe 1, sous c), du statut, par rapport à l’allocation d’invalidité de l’ancien fonctionnaire, de 5321,13 euros, alors qu’il aurait dû le plafonner par rapport à la pension d’ancienneté globale que ce dernier, demeuré
en vie, aurait perçue à partir du 1er août 2010. Il s’est avéré que, en raison de l’achèvement des études de son fils aîné au 31 juillet 2010, l’ancien fonctionnaire aurait eu le droit de bénéficier, au 1er août 2010, d’une pension d’ancienneté globale de 4425,86 euros mensuels, soit d’un montant inférieur au montant de 5163,80 euros figurant dans l’avis de fixation du 12 février 2009.
12 Par un avis de modification du 17 juin 2011 de l’avis de fixation du 12 février 2009 (ci-après l’« avis de modification du 17 juin 2011 »), le nouveau calcul, erroné, des pensions de survie a été communiqué à la requérante. L’avis de modification du 17 juin 2011 était libellé comme suit :
13 Il ressort du dossier que l’information selon laquelle la pension d’ancienneté globale à laquelle l’ancien fonctionnaire, demeuré en vie, aurait eu droit au 1er août 2010, soit 4425,86 euros, n’a pas été fournie aux requérants lors de la notification de l’avis de modification du 17 juin 2011 et qu’elle ne leur a été transmise au plus tôt que le 22 novembre 2013.
14 Conformément à l’avis de modification du 17 juin 2011, la totalité des sommes qui avaient été déduites, par application de l’article 81 bis, paragraphe 1, sous c), du statut, pendant la période de onze mois allant d’août 2010 à juin 2011 de leurs pensions a été remboursée aux requérants. Parallèlement, la pension de base du requérant a été augmentée, avec effet au 1er août 2010, de 503,89 euros et est ainsi passée de 861,53 euros à 1365,42 euros. Par conséquent, les bulletins de pension des
requérants du mois de juillet 2011 affichaient une créance totale qui s’élevait à 19586,91 euros pour la requérante et à 9249,56 euros pour le requérant. Après déduction d’une somme due par la requérante à la Commission, les sommes de 19148,73 euros et de 9249,56 euros ont été versées en juillet 2011 à la requérante, respectivement, pour son compte et pour celui du requérant.
15 Pendant la période allant de juillet 2011 à novembre 2013, le PMO n’a rien déduit des pensions versées aux requérants au titre de l’article 81 bis, paragraphe 1, sous c), du statut.
16 Le 22 novembre 2013, le PMO a découvert l’erreur de calcul décrite au point 11 du présent arrêt et, par un avis du même jour portant modification de l’avis de fixation du 12 février 2009 (ci-après l’« avis de modification du 22 novembre 2013 »), il a informé les requérants du fait que leurs droits à pension avaient été recalculés. L’avis de modification du 22 novembre 2013 était libellé comme suit :
17 Ainsi qu’il ressort des bulletins de pension des requérants du mois de décembre 2013, le PMO a prélevé directement une somme de 6476,88 euros sur la pension versée à la requérante et une somme de 5461,68 euros sur celle versée au requérant et a constaté que la dette restante s’élevait à 26944,83 euros pour la requérante et à 6208,85 euros pour le requérant.
18 Le 15 janvier 2014, un agent du service compétent de la Commission a rencontré la requérante pour discuter de la modification de sa pension de survie et de celle de la pension d’orphelin du requérant, ainsi que de la manière de procéder à la récupération du trop-perçu.
19 Par notes du 21 février 2014, les requérants ont introduit chacun une réclamation contre l’avis de modification du 22 novembre 2013.
20 Par décision du 17 juin 2014, les réclamations ont été rejetées.
21 Par courriers des 11 août et 10 octobre 2014, le PMO a notifié à la requérante et au requérant le plan d’échelonnement établi pour chacun d’eux suivant lequel il procéderait à la récupération de leurs dettes respectives.
Conclusions des parties et procédure
22 Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
23 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— rejeter le recours ;
— condamner les requérants aux dépens.
24 Le 11 décembre 2014, le Tribunal a invité la Commission à répondre à des mesures d’organisation de la procédure, ce qu’elle a fait dans le délai accordé.
25 Le 30 avril 2015, le Tribunal a invité les parties à répondre à des mesures d’organisation de la procédure complémentaires. Les parties ont dûment déféré à cette demande.
26 Le rapport préparatoire d’audience du 28 septembre 2015 comprenait également des mesures d’organisation de la procédure complémentaires, auxquelles la Commission devait répondre avant l’audience, ce qu’elle a fait dans le délai imparti.
En droit
Sur l’objet du litige
27 Il ressort du libellé de l’avis de modification du 22 novembre 2013 que les droits à pension des requérants ont fait l’objet d’un nouveau calcul à la suite d’un contrôle de leur dossier et que, même si leurs pensions de base étaient restées inchangées, certaines sommes auraient dû être déduites de leurs pensions pendant la période allant du 1er août 2010 au 30 avril 2011, d’une part, et du 1er mai 2011 au mois de novembre 2013, d’autre part. Il résulte donc du libellé de l’avis susmentionné que
les sommes versées aux requérants depuis le 1er août 2010 au titre de leurs pensions étaient trop élevées et que l’administration procéderait à la correction correspondante.
28 Partant, il y a lieu de comprendre que les réclamations introduites par les requérants contre l’avis de modification du 22 novembre 2013 ainsi que le premier chef de conclusions du recours visent à l’annulation de la décision du PMO du 22 novembre 2013, telle qu’elle ressort dudit avis, de modifier, avec effet rétroactif au 1er août 2010, les pensions allouées, respectivement, à la requérante et au requérant, en leur qualité d’ayants droit d’un ancien fonctionnaire décédé, et de procéder à la
récupération des sommes qui leur avaient été indûment versées durant la période allant du 1er août 2010 au mois de novembre 2013 (ci-après la « décision attaquée »).
Sur le premier chef de conclusions, tendant à l’annulation de la décision attaquée
29 Au soutien de leur recours en annulation, les requérants soulèvent trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 85 du statut, le deuxième, de la méconnaissance de l’article 41 de l’annexe VIII du statut et, le troisième, de la violation du droit national belge.
30 Le Tribunal examinera d’abord le moyen tiré de la violation de l’article 85 du statut.
Arguments des parties
31 Les requérants soutiennent que la Commission méconnaît les dispositions de l’article 85 du statut en poursuivant la récupération sur leurs pensions des sommes qui leur ont été indûment versées. Ils estiment que la Commission invoque cet article à tort au soutien de la décision attaquée. D’abord, l’article 85 du statut ne leur serait pas applicable, car il ne s’appliquerait qu’aux fonctionnaires et il viserait exclusivement la récupération de traitements que ces derniers auraient indûment perçus.
Or, les requérants agiraient en leur qualité de conjoint survivant et d’orphelin d’un ancien fonctionnaire et les versements indus concerneraient le traitement que l’ancien fonctionnaire décédé aurait dû percevoir. Par ailleurs, le statut ne prévoirait pas à l’égard d’une veuve ou d’un orphelin, bénéficiaires d’une pension de survie ou d’orphelin, l’obligation de rembourser des sommes indûment perçues.
32 Ensuite, les requérants affirment que, à supposer même que l’article 85 du statut leur soit applicable, il ne trouverait pas à s’appliquer en l’espèce dans la mesure où aucune des deux conditions prévues dans ledit article, à savoir la connaissance par le bénéficiaire de l’irrégularité du versement et la nature évidente de l’irrégularité, ne serait remplie. En effet, non seulement ils auraient ignoré que les sommes perçues depuis juillet 2011 étaient trop élevées, mais ils auraient également été
dans l’impossibilité de se rendre compte de l’erreur de calcul commise par le PMO en juin 2011 lors de la révision de leurs pensions.
33 La Commission soulève l’irrecevabilité de ce moyen. À son avis, les requérants auraient, certes, soulevé dans leurs réclamations, notamment, la violation de l’obligation de motivation au motif que la décision attaquée serait incompréhensible, mais ils n’auraient pas remis en cause la légalité de la décision attaquée pour méconnaissance de l’article 85 du statut. Dans la mesure où les requérants soulèveraient la violation de cette disposition pour la première fois au stade de leur requête, il
s’agirait d’un moyen nouveau, non évoqué dans la réclamation, ce qui devrait entraîner son irrecevabilité pour violation de la règle de concordance entre la réclamation et le recours.
34 À titre subsidiaire, la Commission estime que le moyen est non fondé. Elle soutient que l’irrégularité des versements perçus par les requérants à compter du mois de juillet 2011 était si évidente qu’elle ne pouvait raisonnablement leur échapper.
35 À l’appui de cette argumentation, la Commission fait valoir, en premier lieu, que les requérants avaient reçu des bulletins de pension pour le mois de juillet 2011 où figuraient des montants de pension qui s’élevaient à près du double des sommes qu’ils avaient reçues les mois précédents, et cela sans que, selon leurs dires, il n’y ait eu le moindre changement de circonstances. En deuxième lieu, la Commission affirme que, en juillet 2011, des sommes très élevées ont été versées aux requérants. En
troisième lieu, la Commission estime que les requérants savaient pertinemment que la somme de leurs nouvelles pensions respectives, de 3878,80 euros et de 1365,42 euros, dépassait la pension d’ancienneté globale à laquelle l’ancien fonctionnaire, demeuré en vie, aurait eu droit et qu’ils pouvaient facilement se rendre compte que le paiement de ces nouvelles pensions était contraire à l’article 81 bis, paragraphe 1, sous c), du statut.
Appréciation du Tribunal
– Sur la recevabilité du moyen
36 En ce qui concerne la règle de concordance entre la requête et la réclamation, le Tribunal rappelle que la procédure précontentieuse prévue par l’article 90 du statut a pour objet de permettre et de favoriser un règlement amiable du différend surgi entre le fonctionnaire et l’administration et d’imposer à l’autorité dont dépend le fonctionnaire de réexaminer sa décision à la lumière des objections éventuelles de celui-ci (arrêt du 21 mai 2014, Mocová/Commission,T‑347/12 P, EU:T:2014:268,
point 38).
37 Selon la jurisprudence, la règle de concordance entre la requête et la réclamation vise à éviter que le fonctionnaire ne fasse valoir certains griefs, voire l’ensemble de ceux-ci, que lors de la phase contentieuse, avec pour conséquence que toute possibilité de règlement extra-judiciaire du litige se trouve significativement réduite. Dans ces circonstances, en effet, n’étant pas en mesure de connaître avec une précision suffisante les griefs ou desiderata de l’intéressé, l’autorité investie du
pouvoir de nomination n’aura aucune possibilité de faire droit aux prétentions de celui-ci, le cas échéant, ou de proposer une solution amiable et, ainsi, de ne pas soumettre directement le litige à la décision du juge (arrêt du 21 mai 2014, Mocová/Commission,T‑347/12 P, EU:T:2014:268, point 39).
38 Dans le cadre du respect du droit à une protection juridictionnelle effective, il importe néanmoins de préciser que, dans l’hypothèse où le réclamant prend connaissance de la motivation de l’acte lui faisant grief par le biais de la réponse à sa réclamation ou dans l’hypothèse où ladite motivation modifie, ou complète, substantiellement la motivation contenue dans ledit acte, tout moyen avancé pour la première fois au stade de la requête et visant à contester le bien-fondé des motifs exposés dans
la réponse à la réclamation doit être considéré comme recevable. En effet, dans de telles hypothèses, l’intéressé n’a pas été mis en mesure de prendre connaissance avec précision et de manière définitive des motifs sous-tendant l’acte lui faisant grief (arrêt du 21 mai 2014, Mocová/Commission,T‑347/12 P, EU:T:2014:268, point 44).
39 En l’espèce, ainsi qu’il a été précisé au point 16 du présent arrêt, l’avis de modification du 22 novembre 2013 indique que, « [à] la suite d’un contrôle [du] dossier [des requérants], les droits à pension de [la requérante] et [du requérant] ont été recalculés sur [la] base des nouveaux paramètres au [1er août] 2010 et au [1er mai] 2011 ». Ledit avis relève ensuite que les pensions de base des requérants demeurent inchangées et il précise la somme que chacun d’eux perçoit à ce titre. L’avis
susmentionné indique également les déductions applicables à chaque pension au 1er août 2010 et au 1er mai 2011.
40 Il ressort dès lors de l’avis de modification du 22 novembre 2013 que la seule motivation fournie aux requérants justifiant la décision attaquée est la circonstance que leur dossier a fait l’objet d’un contrôle, qui a amené l’administration à recalculer leurs droits à pension sur la base de nouveaux paramètres, lesquels ne sont par ailleurs pas identifiés. Ledit avis n’explique pas non plus pour quelles raisons leurs droits à pension doivent être recalculés avec effet rétroactif à deux dates
différentes, à savoir au 1er août 2010 et au 1er mai 2011.
41 Ce n’est qu’au stade de la décision du 17 juin 2014 portant rejet des réclamations que la Commission a expliqué que l’avis de modification du 17 juin 2011 était erroné, qu’à son avis les requérants auraient pu se rendre compte de l’erreur commise et que l’avis de modification du 22 novembre 2013 visait à récupérer, conformément à l’article 85 du statut, les sommes qu’ils avaient indûment perçues à la suite de cette erreur.
42 Par conséquent, les requérants ont pris connaissance de la motivation de la décision attaquée par le biais de la réponse de la Commission à leurs réclamations. Étant donné qu’ils n’ont pas été mis en mesure de connaître, lors de la procédure précontentieuse, les raisons sous-tendant la décision attaquée, le moyen tiré de la violation de l’article 85 du statut, invoqué pour la première fois au stade de la requête et visant à contester le bien-fondé du motif exposé dans la réponse aux réclamations,
doit être considéré comme recevable.
43 Le moyen étant recevable, il convient dès lors de l’examiner au fond.
– Sur le fond
44 Il incombe au Tribunal d’examiner si l’article 85 du statut est applicable aux requérants et si, dans l’affirmative, la Commission pouvait en l’espèce se fonder à bon droit sur ledit article pour adopter la décision attaquée.
45 Il ressort du libellé même de l’article 85 du statut que cet article ne s’applique pas exclusivement aux fonctionnaires, mais à toutes les personnes visées par le statut. En effet, l’article 85 du statut se réfère à la répétition de l’indu auprès du « bénéficiaire » et de l’« intéressé » qui a indûment perçu une somme déterminée. Or, le conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire et les enfants reconnus à la charge d’un ancien fonctionnaire au moment de son décès sont bel et bien des personnes
visées par le statut dans la mesure où, conformément à l’article 79, premier alinéa, et à l’article 80, troisième alinéa, du statut, ils peuvent faire valoir des droits, soit à une pension de survie, pour le premier, soit à une pension d’orphelin, pour les seconds. Par ailleurs, les requérants eux-mêmes font valoir dans leur requête que c’est en tant que personnes visées au statut qu’ils ont chacun introduit, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation contre la décision
attaquée. Par conséquent, il y a lieu de conclure que l’article 85 du statut est applicable aux requérants en tant que bénéficiaires d’une pension de survie ou d’orphelin en leur qualité d’ayants droit d’un ancien fonctionnaire décédé.
46 Quant à la question de savoir si, en l’espèce, la Commission était en droit de se fonder sur l’article 85 du statut pour adopter la décision attaquée, le Tribunal observe qu’il résulte de l’article 85, premier alinéa, du statut que, pour qu’une somme versée sans justification puisse être répétée, il est nécessaire d’administrer la preuve que le bénéficiaire avait une connaissance effective du caractère irrégulier du paiement ou que l’irrégularité était si évidente que le bénéficiaire ne pouvait
manquer d’en avoir connaissance (arrêts du 9 septembre 2008, Ritto/Commission,F‑18/08, EU:F:2008:110, point 29, et du 21 novembre 2013, Roulet/Commission,F‑72/12 et F‑10/13, EU:F:2013:184, point 46).
47 En l’espèce, la Commission ne prétend pas que les requérants avaient une connaissance effective du caractère irrégulier des versements perçus depuis le mois de juillet 2011, mais elle estime que l’irrégularité des versements était si évidente qu’ils ne pouvaient manquer d’en avoir connaissance ou, à tout le moins, d’éprouver des doutes.
48 Ainsi qu’il a été jugé, l’expression « si évidente » qui caractérise l’irrégularité des versements au sens de l’article 85, premier alinéa, du statut signifie non pas que le bénéficiaire de paiements indus est dispensé de tout effort de réflexion ou de contrôle, mais que cette restitution est due dès qu’il s’agit d’une erreur qui n’échappe pas à un bénéficiaire d’une pension de survie normalement diligent (voir, en matière de rémunération et par analogie, arrêts du 9 septembre 2008,
Ritto/Commission,F‑18/08, EU:F:2008:110, point 31, et du 21 novembre 2013, Roulet/Commission,F‑72/12 et F‑10/13, EU:F:2013:184, point 48). En effet, tout comme un fonctionnaire a un intérêt personnel à vérifier les paiements qui lui sont mensuellement versés et à être vigilant quant au calcul de sa rémunération, le bénéficiaire d’une pension de survie doit également remplir un devoir de diligence et est censé connaître les règles régissant les prestations financières auxquelles il a droit (voir,
en matière d’allocation de foyer et par analogie, arrêts du 11 juillet 1979, Broe/Commission,252/78, EU:C:1979:186, point 13, et du 5 novembre 2002, Ronsse/Commission,T‑205/01, EU:T:2002:269, point 46).
49 En outre, il convient de tenir compte, dans chaque espèce, de la capacité du bénéficiaire concerné à procéder aux vérifications nécessaires (arrêts du 5 novembre 2002, Ronsse/Commission,T‑205/01, EU:T:2002:269, point 47, et du 21 novembre 2013, Roulet/Commission,F‑72/12 et F‑10/13, EU:F:2013:184, point 49).
50 Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, il n’est pas nécessaire que l’intéressé puisse, dans l’exercice du devoir de diligence qui lui incombe, déterminer avec précision l’étendue de l’erreur commise par l’administration. Il suffit, à cet égard, qu’il éprouve des doutes sur le bien-fondé des versements en question pour qu’il soit obligé de se manifester auprès de l’administration, afin que celle-ci effectue les vérifications nécessaires (arrêts du 29 septembre 2005,
Thommes/Commission,T‑195/03, EU:T:2005:344, point 124, et du 21 novembre 2013, Roulet/Commission,F‑72/12 et F‑10/13, EU:F:2013:184, point 50).
51 Il y a encore lieu d’ajouter que les institutions de l’Union sont soumises à des obligations relevant du principe général de bonne administration à l’égard des administrés dans le cadre de l’exercice de leurs responsabilités administratives. Dès lors, le droit des institutions de l’Union, reconnu à l’article 85 du statut, de répéter des sommes indûment versées doit être mis en balance avec leur obligation d’assurer le droit des administrés à une bonne administration. Ce droit, consacré à
l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, suppose un devoir de diligence qui impose à l’institution compétente d’examiner et de traiter avec soin et vigilance les dossiers portant sur les droits pécuniaires des administrés, dont les pensions de survie.
52 En l’espèce, l’irrégularité est constituée par le fait que les sommes versées aux requérants, en juillet 2011, à titre d’arriérés de pension au 1er août 2010 et celles payées durant la période allant du mois de juillet 2011 au mois de novembre 2013, au titre de leur pension respective, sont trop élevées. Ceci s’explique par le fait que, avec effet au 1er août 2010, les pensions des requérants ont été limitées, erronément, par rapport à l’allocation d’invalidité de l’ancien fonctionnaire décédé,
d’un montant de 5321,13 euros, alors qu’elles auraient dû être limitées par rapport à la pension d’ancienneté globale que cet ancien fonctionnaire, demeuré en vie, aurait perçue au 1er août 2010, à savoir 4425,86 euros.
53 Cette erreur a conduit le PMO à estimer à tort que, avec effet au 1er août 2010, le montant global des pensions nettes versées aux requérants, telles que recalculées à cette date et dont les montants respectifs s’élevaient à 3878,80 euros, pour la requérante, et à 1365,42 euros, pour le requérant, ne devait plus être soumis à la limitation prévue à l’article 81 bis, paragraphe 1, sous c), du statut. Toutefois, il s’est avéré que la somme globale de ces pensions nettes, recalculées au 1er août
2010, dépassait bel et bien les 4425,86 euros que l’ancien fonctionnaire, demeuré en vie, aurait perçus à cette même date au titre de sa pension d’ancienneté globale.
54 Par suite, il s’est avéré, d’une part, que, en juillet 2011, les sommes déduites pendant la période allant d’août 2010 à juin 2011 au titre de l’article 81 bis, paragraphe 1, sous c), du statut auraient dû faire l’objet d’un remboursement partiel, et non pas total, et, d’autre part, que le PMO aurait dû continuer à appliquer la limitation prévue par cet article en déduisant chaque mois une certaine somme des pensions versées aux requérants. Par conséquent, les versements effectués par le PMO en
faveur des requérants en juillet 2011 et pendant la période allant du mois de juillet 2011 au mois de novembre 2013, respectivement à titre d’arriérés de pension et de pensions, n’étaient pas fondés en raison de l’inobservation par la Commission de l’article 81 bis, paragraphe 1, sous c), du statut (ci-après les « versements litigieux »).
55 Il convient donc, à la lumière des constatations et des considérations qui précèdent, de déterminer si les pièces du dossier permettent d’établir que l’erreur commise par l’administration était à ce point évidente que les requérants ne pouvaient manquer d’avoir connaissance de l’irrégularité des versements litigieux ou, à tout le moins, d’éprouver des doutes.
56 À cet égard, le Tribunal constate, en premier lieu, que les requérants n’étaient pas en mesure de s’apercevoir, pendant la période allant de juillet 2011 à novembre 2013, que la somme globale de leurs pensions perçue pendant ladite période dépassait la pension d’ancienneté globale que l’ancien fonctionnaire, demeuré en vie, aurait perçue au 1er août 2010, à savoir 4425,86 euros, car ce nouveau montant du plafond à appliquer à leurs pensions au titre de l’article 81 bis, paragraphe 1, sous c), du
statut ne leur a été communiqué au plus tôt que le 22 novembre 2013.
57 En deuxième lieu, le Tribunal observe qu’il ressort du libellé de l’avis de modification du 17 juin 2011 que, « [e]n raison de la fin des études [du fils aîné] au 31 [juillet] 2010, les droits à pension de [la requérante] et d[u requérant] ont été recalculés sur [la] base des nouveaux paramètres au [1er août] 2010 » et que les pensions respectives des requérants « n[’étaient] plus soumises à la limitation selon l’article 81 bis du [s]tatut ».
58 Il y a donc lieu de constater, d’une part, que, bien que l’administration ait informé les requérants du fait que leurs pensions avaient été recalculées en tenant compte de nouveaux paramètres, ces derniers n’étaient toutefois pas expliqués dans l’avis de modification du 17 juin 2011 et, d’autre part, que l’administration a précisé que ce nouveau calcul était effectué avec effet rétroactif au 1er août 2010. Enfin, c’est l’administration elle-même qui a indiqué aux requérants que, à partir du
1er août 2010, leurs pensions n’étaient plus soumises à la limitation prévue par l’article 81 bis, paragraphe 1, sous c), du statut, ce qui équivaut à la reconnaissance d’une créance à l’égard des requérants pour un montant égal à toutes les sommes qui, depuis le 1er août 2010, avaient été déduites de leurs pensions au titre de l’article 81 bis susmentionné.
59 Par conséquent, les requérants pouvaient s’attendre à percevoir, en juillet 2011, le remboursement par la Commission des sommes qu’elle-même avait admis avoir déduites indûment de leurs pensions, au titre de l’article 81 bis du statut, pendant la période allant du 1er août 2010 à juin 2011. Le montant plus ou moins élevé du remboursement total ne change en rien cette conclusion.
60 De même, au vu du libellé de l’avis de modification du 17 juin 2011, les requérants pouvaient s’attendre à percevoir, à partir du mois de juillet 2011, leurs pensions nettes, sans déduction quelconque au titre de l’article 81 bis du statut, ce qui impliquait une augmentation considérable par rapport aux sommes perçues les mois précédents. Dans la mesure où les versements effectués à partir du mois de juillet 2011 étaient supérieurs à ceux des mois précédents, les requérants ont pu à bon droit
considérer que l’information qu’ils avaient reçue dans l’avis de modification du 17 juin 2011 était confirmée.
61 Lors de l’audience, la Commission a souligné que l’avis de modification du 17 juin 2011 aurait dû constituer une « sonnette d’alarme » et que les requérants auraient dû se rendre compte de son caractère erroné pour deux motifs. D’une part, le fait que ledit avis donnait comme seule explication pour le nouveau calcul de leurs pensions la fin des études du fils aîné aurait dû conduire les requérants à penser que, à partir de ce moment, le montant de leurs pensions baisserait, mais certainement pas
qu’il augmenterait. D’autre part, ils auraient dû s’apercevoir que l’indication dans ledit avis, selon laquelle aucune limitation au titre de l’article 81 bis, paragraphe 1, sous c), du statut n’était plus d’application, était manifestement contraire au statut.
62 Ces arguments ne sauraient toutefois prospérer. En effet, s’agissant tout d’abord du nouveau montant de la pension de la requérante, il ressort du libellé de l’avis de modification du 17 juin 2011 que sa pension de base, de 3413,54 euros, demeurait inchangée et ne serait pas modifiée. En outre, il ressort du dossier que, en juin 2011, la pension totale de la requérante s’élevait à 2450,79 euros du fait que la somme de 1428,01 euros avait été déduite, au titre de l’article 81 bis, paragraphe 1,
sous c), du statut, de la somme de 3878,80 euros, cette dernière somme étant l’équivalent de sa pension de base de 3413,54 euros augmentée d’allocations et diminuée de l’impôt et d’autres retenues obligatoires. Or, en juillet 2011, la requérante a perçu la somme de 3878,80 euros, à savoir la même pension de base, augmentée d’allocations et diminuée de l’impôt et d’autres retenues obligatoires, que celle du mois de juin 2011. Par conséquent, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que
fait valoir la Commission, la pension de survie de la requérante n’a pas augmenté à partir du mois de juillet 2011. S’il est certes vrai que, à compter du mois de juillet 2011, la requérante a perçu une somme plus élevée que le mois précédent, il n’en demeure pas moins que cela est exclusivement dû à la non-application de l’article 81 bis susmentionné, selon les informations fournies par la Commission elle-même, et que, ainsi qu’il vient d’être jugé au point 60 du présent arrêt, la requérante
pouvait s’attendre à percevoir ladite somme.
63 S’agissant, ensuite, du nouveau montant mensuel de la pension du requérant, sa pension de base s’est effectivement élevée, en juillet 2011, à 1365,42 euros, alors que, selon le dossier, elle était auparavant de 861,53 euros. Or, conformément à l’article 21, paragraphe 3, de l’annexe VIII du statut, le montant global de la pension allouée aux orphelins ayants droit, augmenté des allocations auxquelles ces derniers ont droit, est réparti par parts égales entre ces orphelins. Par conséquent, les
requérants pouvaient légitimement penser que, suite à la fin des études du fils aîné et au calcul subséquent de leurs pensions, le montant alloué au demi-frère du requérant à titre de pension d’orphelin viendrait s’ajouter à la pension d’orphelin du requérant, entraînant l’augmentation de celle-ci. Les montants des pensions de base indiqués dans l’avis de modification du 17 juin 2011 n’étaient donc pas nécessairement de nature à éveiller des doutes dans l’esprit des requérants à propos du
bien-fondé du nouveau calcul de ces pensions.
64 S’agissant de l’indication dans l’avis de modification du 17 juin 2011 selon laquelle les pensions des requérants « ne [seraient] plus soumises à la limitation selon l’article 81 bis du [s]tatut », il est certes vrai que les requérants avaient eu connaissance de l’existence de cette disposition par le biais de l’avis de fixation du 12 février 2009. Il n’en demeure pas moins qu’il peut y avoir des cas de figure dans lesquels le cumul des pensions ne dépasse pas le plafond fixé à cette disposition,
ainsi que, par ailleurs, la Commission l’a admis lors de l’audience en réponse à une question posée par le Tribunal. À la lecture de l’indication susmentionnée, les requérants pouvaient donc légitimement penser que, à la suite de la fin des études du fils aîné, la somme de leurs pensions ne dépassait pas la pension d’ancienneté globale que l’ancien fonctionnaire, demeuré en vie, aurait perçue au 1er août 2010 et qu’ils se trouvaient dans un cas de figure semblable.
65 En outre, la Commission ne saurait invoquer en sa faveur les erreurs contenues dans l’avis de modification du 17 juin 2011 dans la mesure où il ressort des points 57 à 60 du présent arrêt que ces erreurs sont d’une telle envergure qu’elles ne peuvent trouver leur origine que dans la violation, par la Commission, de son obligation d’examiner avec soin le dossier des requérants, comme l’exige le principe de bonne administration.
66 En troisième et dernier lieu, à supposer même que, compte tenu du point 8 du mémoire en défense, la Commission reproche aux requérants de ne pas s’être rendu compte que la somme de leurs nouvelles pensions respectives de 3878,80 euros et de 1365,42 euros, soit un montant global de 5244,22 euros, dépassait le montant de 5163,80 euros, à savoir la pension d’ancienneté globale à laquelle l’ancien fonctionnaire, demeuré en vie, aurait eu droit au 1er janvier 2009 et qui figurait dans l’avis de
fixation du 12 février 2009, le Tribunal constate que la somme globale des pensions des requérants et du fils aîné était, en 2009, déjà supérieure à ce montant de 5163,80 euros.
67 En effet, il ressort du dossier que, pendant la période allant de janvier à avril 2009, les sommes de 3987,90 euros et de 617,11 euros ont été versées, respectivement, à la requérante et au requérant. Étant donné que, selon l’avis de fixation du 12 février 2009 et conformément à l’article 21, paragraphe 3, de l’annexe VIII du statut, le fils aîné avait le droit de recevoir, au titre de sa pension d’orphelin, la même somme que celle versée au requérant, il y a lieu de conclure que, pendant la
période allant du mois de janvier au mois d’avril 2009, la Commission a payé la somme totale de 5222,12 euros, représentant le montant de la pension versée à la requérante, de 3987,90 euros, augmenté du montant des deux pensions versées aux enfants de l’ancien fonctionnaire, de 617,11 euros chacune, soit, au total, un montant supérieur à celui de 5163,80 euros indiqué dans l’avis de fixation du 12 février 2009. Ce dépassement n’est toutefois pas remis en question par la Commission, qui a expliqué
lors de l’audience que celui-ci était dû à l’adaptation annuelle des traitements et des pensions.
68 Par conséquent, à supposer que, en juillet 2011, les requérants aient additionné les sommes perçues au titre de leurs nouvelles pensions, de 3878,80 euros pour la requérante et de 1365,42 euros pour le requérant, ils auraient en effet conclu que cette addition aboutissait à la somme globale de 5244,22 euros. Or, dans la mesure où ce montant de 5244,22 euros est à peine supérieur à la somme de 5222,12 euros effectivement versée par la Commission de janvier 2009 à avril 2009 et que le montant de
5222,12 euros dépassait déjà le plafond de 5163,80 euros précisé dans l’avis de fixation du 12 février 2009, il ne saurait être exigé des requérants, sur le fondement du devoir de diligence incombant aux bénéficiaires des prestations établies par le statut, de douter, au vu de la somme globale des nouvelles pensions qui leur étaient allouées à partir du mois de juillet 2011, du bien-fondé des versements perçus. Ils pouvaient en effet légitimement penser que le montant de 5244,22 euros dépassait
légèrement le plafond de 5163,80 euros précité, comme c’était déjà le cas depuis janvier 2009, ce qui aurait pu s’expliquer par l’adaptation annuelle des traitements et des pensions.
69 Au vu de ce qui précède, le Tribunal estime que, en l’espèce, la condition relative à l’évidence de l’irrégularité des versements litigieux, à laquelle l’article 85 du statut subordonne la répétition de l’indu, n’est pas remplie.
70 Le moyen étant fondé, il y a lieu d’accueillir les conclusions en annulation de la décision attaquée, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête.
Sur les deuxième et troisième chefs de conclusions
71 Par les deuxième et troisième chefs de conclusions, qu’il convient d’examiner ensemble, tels qu’éclairés par l’argumentation présentée à l’appui de la requête et les précisions apportées lors de l’audience, les requérants doivent être regardés comme demandant que la Commission soit condamnée à rembourser les sommes qu’elle a indûment prélevées sur leurs pensions pour récupérer le trop-perçu à la suite des versements litigieux.
72 À cet égard, le Tribunal estime que, s’agissant en l’occurrence d’un litige de caractère pécuniaire dans lequel le juge de l’Union dispose d’une compétence de pleine juridiction, conformément à l’article 91, paragraphe 1, deuxième phrase, du statut, ces conclusions pécuniaires doivent être déclarées recevables.
73 Quant au fond, dans la mesure où il vient d’être jugé au point 70 du présent arrêt qu’il y a lieu d’accueillir les conclusions en annulation de la décision attaquée, les conclusions pécuniaires doivent être accueillies. Il s’ensuit que la Commission doit être condamnée à rembourser aux requérants les sommes indûment déduites de leurs pensions (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 1998, Aquilino/Conseil,T‑130/96, EU:T:1998:159, point 88).
Sur les dépens
74 Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. Selon l’article 103, paragraphe 3, du même règlement, à défaut de conclusions sur les dépens, chaque partie supporte ses propres dépens.
75 Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que la Commission est la partie qui succombe. Les requérants n’ayant pas conclu que la Commission soit condamnée aux dépens, il y a lieu de décider, conformément à l’article 103, paragraphe 3, du règlement de procédure, que chaque partie supporte ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la Commission européenne, du 22 novembre 2013, telle qu’elle ressort de l’avis de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » du même jour, de modifier, avec effet rétroactif au 1er août 2010, les pensions allouées, respectivement, à Mme Bulté et à M. Krempa, en leur qualité d’ayants droit d’un ancien fonctionnaire décédé, et de procéder à la récupération des sommes qui leur ont été indûment versées pour la période allant du 1er août 2010 au mois de novembre 2013
est annulée.
2) La Commission européenne est condamnée à rembourser à Mme Bulté et à M. Krempa les sommes prélevées, en application de la décision visée au point 1 du présent dispositif, sur leur pension respective.
3) Chaque partie supporte ses propres dépens.
Van Raepenbusch
Rofes i Pujol
Perillo
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 février 2016.
Le greffier
W. Hakenberg
Le président
S. Van Raepenbusch
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( *1 ) Langue de procédure : le français.