ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)
25 janvier 2016 ( *1 )
«Fonction publique — Fonctionnaires — Allocations familiales — Allocation pour enfant à charge — Enfants de l’épouse de la requérante — Versement avec effet rétroactif»
Dans l’affaire F‑47/15,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,
Marie‑Pierre Darchy, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Me É. Boigelot, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par M. T. S. Bohr et Mme A.‑C. Simon, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (troisième chambre),
composé de M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, Mme M. I. Rofes i Pujol et M. E. Perillo, juges,
greffier : M. P. Cullen, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 octobre 2015,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 24 mars 2015, Mme Darchy demande l’annulation de la décision du 9 décembre 2014 par laquelle la Commission européenne lui a accordé le bénéfice de l’allocation pour enfant à charge, au titre des deux enfants de son épouse, à partir du 1er mars 2014 au lieu du premier jour du mois de son mariage, soit le 1er septembre 2011.
Cadre juridique
2 L’article 2 de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci‑après le « statut ») dispose ce qui suit :
« 1. Le fonctionnaire ayant ou un ou plusieurs enfants à charge bénéficie, dans les conditions énumérées aux paragraphes 2 et 3, d’une allocation de 372,61 [euros] par mois pour chaque enfant à sa charge.
2. Est considéré comme enfant à charge, l’enfant légitime, naturel ou adoptif du fonctionnaire ou de son conjoint, lorsqu’il est effectivement entretenu par le fonctionnaire.
Il en est de même de l’enfant ayant fait l’objet d’une demande d’adoption et pour lequel la procédure d’adoption a été engagée.
Tout enfant à l’égard duquel le fonctionnaire a une obligation alimentaire résultant d’une décision judiciaire fondée sur la législation d’un État membre concernant la protection des mineurs est considéré comme un enfant à charge.
3. L’allocation est accordée :
a) d’office, pour l’enfant qui n’a pas encore atteint l’âge de 18 ans ;
b) sur demande motivée du fonctionnaire intéressé, pour l’enfant âgé de 18 ans à 26 ans qui reçoit une formation scolaire ou professionnelle.
[…] »
Faits à l’origine du litige
3 La requérante est entrée au service de la Commission le 16 mai 1999 et a été affectée à l’Office « Infrastructures et logistique » à Bruxelles (Belgique), où elle exerce les fonctions de chef de l’unité « Ressources humaines, communication ».
4 La requérante est mariée à Mme R. depuis le 23 septembre 2011. Mme R. est mère de deux enfants issus d’une précédente union qui vivent une semaine sur deux avec elle et la requérante. Les épouses ont un enfant en commun, adopté par Mme R. La requérante perçoit, pour cet enfant commun, l’allocation pour enfant à charge. Le couple vit dans la maison appartenant à la requérante qui supporte, pour une large part, les dépenses du foyer.
5 Le 10 février 2012, la requérante a introduit une demande d’octroi de l’allocation pour enfant à charge pour les deux enfants de son épouse. Cette demande a été rejetée par l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » de la Commission (PMO), par décision du 15 mai 2012, au motif que la requérante n’avait pas établi que les deux enfants de son épouse étaient effectivement entretenus par elle, conformément à l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe 2 du statut (ci‑après la « décision du
15 mai 2012 »). Aucune réclamation n’a été introduite contre cette décision.
6 Par note du 25 mars 2014, la requérante a introduit une demande de réexamen de la décision du 15 mai 2012, en se fondant notamment sur l’arrêt du 11 février 2014, Armani/Commission (F‑65/12, EU:F:2014:13, ci‑après l’« arrêt Armani »).
7 Le PMO a rejeté la demande de réexamen par décision du 19 juin 2014, considérant, en substance, que l’arrêt Armani n’était pas transposable au cas de la requérante et qu’aucune obligation alimentaire ne pesait sur elle vis‑à‑vis des deux enfants concernés, une telle obligation n’existant que dans le chef de l’épouse de la requérante et de son ex‑épouse, lesquelles assureraient toutes deux l’entretien effectif des enfants.
8 Le 18 septembre 2014, la requérante a formé une réclamation contre la décision de refus du PMO du 19 juin 2014.
9 Par décision du 9 décembre 2014, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci‑après l’« AIPN ») de la Commission, accueillant partiellement la réclamation, a décidé d’octroyer à la requérante l’allocation pour enfant à charge au titre des deux enfants de son épouse, mais seulement à compter du 1er mars 2014, soit le premier jour du mois de la demande de réexamen introduite par la requérante, et non à compter du premier jour du mois de son mariage, comme sollicité par la requérante dans sa
réclamation.
Conclusions des parties
10 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— annuler la décision de l’AIPN du 9 décembre 2014, en ce qu’elle n’accueille que partiellement la réclamation du 18 septembre 2014 en refusant de lui octroyer, avec effet rétroactif à compter de la date de son mariage, le bénéfice de l’allocation pour enfant à charge au titre des deux enfants de son épouse ;
— condamner, en tout état de cause, la Commission au paiement de dommages‑intérêts, estimés à 33375,99 euros, sous réserve d’augmentation en cours de procédure, en réparation du préjudice causé par la faute de celle‑ci, augmentés des intérêts moratoires au taux légal tel qu’appliqué en Belgique pour la période allant du 1er septembre 2011 jusqu’à la date du complet paiement ;
— condamner la Commission aux dépens.
11 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— rejeter le recours ;
— condamner la requérante à supporter, outre ses propres dépens, ceux de la Commission.
En droit
Sur l’objet du recours
12 La requérante demande l’annulation de la décision de l’AIPN du 9 décembre 2014 en ce qu’elle n’accueille que partiellement sa réclamation du 18 septembre 2014 et refuse de lui octroyer le bénéfice de l’allocation pour enfant à charge au titre des deux enfants de son épouse avec effet rétroactif à compter de la date de son mariage.
13 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 91, paragraphe 1, du statut, le recours doit, en principe, être dirigé contre l’acte initial faisant grief. La jurisprudence est fixée en ce sens que la réclamation administrative et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Il est dès lors de jurisprudence constante que le recours, même formellement dirigé contre le rejet de
la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée. En effet, une décision explicite de rejet d’une réclamation peut, eu égard à son contenu, ne pas avoir un caractère confirmatif de l’acte initial contesté. Tel est le cas lorsque la décision de rejet de la réclamation contient un réexamen de
la situation de l’intéressé, en fonction d’éléments de droit ou de fait nouveaux, ou lorsqu’elle modifie ou complète la décision initiale. Dans ces hypothèses, le rejet de la réclamation constitue un acte soumis au contrôle du juge, qui le prend en considération dans l’appréciation de la légalité de l’acte initial contesté, voire le considère comme un acte faisant grief se substituant à ce dernier (arrêts du 21 mai 2014, Mocová/Commission,T‑347/12 P, EU:T:2014:268, point 34, et du 18 mai 2015,
Dupré/SEAE,F‑11/14, EU:F:2015:47, point 31).
14 En l’espèce, force est de constater que la décision de l’AIPN du 9 décembre 2014 accueille partiellement la réclamation de la requérante en modifiant la décision de refus du PMO du 19 juin 2014. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le Tribunal est directement saisi d’un recours dirigé contre la décision de l’AIPN du 9 décembre 2014 portant rejet partiel de la réclamation (ci‑après la « décision attaquée »), laquelle décision s’est substituée à l’acte initial contesté, en
l’occurrence la décision de refus du PMO du 19 juin 2014.
Sur les conclusions en annulation
15 À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens, tirés, premièrement, de la violation de l’article 25, deuxième alinéa, du statut, deuxièmement, de la violation de l’article 2, paragraphes 1, 2 et 3, sous a), de l’annexe VII du statut et, troisièmement, de la violation du principe du respect de la confiance légitime, du devoir de sollicitude ainsi que des principes de bonne administration et de sécurité juridique.
En ce qui concerne le premier moyen, tiré de la violation de l’article 25, deuxième alinéa, du statut
16 La requérante estime que la décision attaquée viole l’article 25, deuxième alinéa, du statut, parce que sa motivation n’est pas claire et qu’elle est contradictoire. Elle fait valoir en substance que le point 57 de l’arrêt du 13 avril 2011, Sukup/Commission (F‑73/09, EU:F:2011:40, ci‑après l’« arrêt Sukup »), auquel la décision attaquée fait référence pour justifier le rejet de la demande de rétroactivité au premier jour du mois du mariage, énoncerait précisément que le droit du fonctionnaire au
bénéfice de l’allocation pour enfant à charge prend naissance « au moment où la situation du fonctionnaire répond aux conditions prévues par le statut », soit, en l’espèce, le jour où elle a épousé sa partenaire dont les deux enfants sont reconnus comme enfants à charge, dès lors que ces derniers l’auraient déjà été par le seul effet du mariage.
17 La Commission rétorque que la décision attaquée est suffisamment motivée. La référence au point 57 de l’arrêt Sukup constituerait une faute de frappe, dans la mesure où c’est le point 59 de cet arrêt qui aurait été visé, ainsi qu’il ressortirait précisément de l’extrait cité dans la décision attaquée. La décision attaquée reproduirait également le point 65 de l’arrêt Sukup, aux termes duquel, « lorsque l’administration [a] adopt[é] une décision refusant d’accorder le bénéfice de l’allocation pour
enfant à charge […] à un fonctionnaire, cette décision détermine […] les droits de celui‑ci tant qu’elle demeure en vigueur[ ; l]e fonctionnaire ne peut alors obtenir le versement d’allocations correspondant à des périodes passées pour lesquelles ses droits sont fixés par cette décision ».
18 La décision attaquée développerait ainsi un raisonnement logique et cohérent qu’il serait possible de comprendre à la seule lecture des passages reproduits de l’arrêt Sukup.
19 À cet égard, il suffit de constater que la décision attaquée contient indubitablement une motivation, spécialement sur la question de la rétroactivité, l’AIPN ayant reproduit certains passages de l’arrêt Sukup qu’elle a considérés comme pertinents à l’appui de sa position.
20 Par ailleurs, la motivation de la décision attaquée n’apparaît pas contradictoire dès lors que, après avoir rappelé le point 59 de l’arrêt Sukup qui admet le versement rétroactif de l’allocation pour enfant à charge, l’AIPN, suivant le raisonnement tenu par le Tribunal dans cet arrêt, a réservé, « [t]outefois », au vu du point 65 du même arrêt, la situation d’un fonctionnaire dont les droits ont déjà été fixés par une décision définitive.
21 Il y a lieu en conséquence de rejeter le premier moyen comme non fondé.
En ce qui concerne le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphes 1, 2 et 3, sous a), de l’annexe VII du statut
22 La requérante fait valoir que le droit du fonctionnaire au bénéfice de l’allocation pour enfant à charge prend naissance au moment où la situation du fonctionnaire répond aux conditions prévues par le statut, ce qui, en l’espèce, correspondrait au jour où elle s’est mariée avec sa partenaire dont les deux enfants sont reconnus comme étant à sa charge. L’administration, une fois qu’elle a, à la lumière de l’arrêt Armani, accédé à la demande de réexamen de la requérante, aurait dû « d’office » lui
accorder le bénéfice de l’allocation pour enfant à charge avec effet rétroactif à la date de son mariage. La requérante se prévaut, à cet égard, du point 59 de l’arrêt Sukup. Elle ajoute que, en l’espèce, l’administration s’était initialement trompée quant à la portée de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut et qu’elle a été amenée, à sa demande, à revoir sa position, non sans que la requérante ait attiré son attention sur l’arrêt Armani et l’ait dûment informée de son mariage. En
d’autres termes, si l’administration n’avait pas mal interprété le statut, la requérante aurait pu bénéficier de l’allocation pour enfant à charge depuis le moment où elle réunissait les conditions d’octroi, grâce à l’adoption par l’AIPN d’une nouvelle décision favorable mettant fin de manière rétroactive aux effets de la décision du 15 mai 2012.
23 Enfin, la requérante observe qu’il est constant que les éléments de fait présentés par elle pour justifier l’entretien effectif des deux enfants de son épouse sont demeurés inchangés depuis sa demande initiale du bénéfice de l’allocation pour enfant à charge, le 10 février 2012.
24 La Commission conclut au rejet du deuxième moyen.
25 À cet égard, il convient d’observer, à titre liminaire, que la requérante a bénéficié du versement rétroactif de l’allocation pour enfant à charge, au titre des deux enfants de son épouse, dès lors que cette allocation lui a été versée à compter du 1er mars 2014, soit le premier jour du mois au cours duquel sa demande de réexamen a été introduite. La question essentielle que soulève le présent litige est de savoir si la Commission était tenue de faire remonter la rétroactivité au 1er septembre
2011, soit le premier jour du mois du mariage de la requérante.
26 Il est constant, en l’espèce, que le droit à l’allocation pour enfant à charge de la requérante a été fixé, dans un premier temps, par la décision du 15 mai 2012, contre laquelle la requérante n’a pas introduit de réclamation et qui est donc devenue définitive.
27 Or, ainsi que le rappelle à juste titre la Commission, il est de jurisprudence constante (arrêt du 5 mars 2008, Combescot/Commission,T‑414/06 P, EU:T:2008:58, point 43, et la jurisprudence citée) que les délais de réclamation et de recours, qui sont d’ordre public et ne sont pas à la disposition des parties ni à celle du juge, visent à sauvegarder, au sein des institutions de l’Union, la sécurité juridique, indispensable à leur bon fonctionnement, en évitant la remise en cause indéfinie des actes
de l’Union entraînant des effets de droit. Admettre que, en réponse à une demande de réexamen introduite postérieurement par le fonctionnaire concerné, ce dernier puisse bénéficier du versement rétroactif d’allocations précédemment refusées serait, ainsi que le Tribunal l’a souligné au point 62 de son arrêt Sukup, de nature à générer une forte insécurité juridique, avec un risque d’accumulation de dettes de la part des institutions à l’égard de leurs fonctionnaires, sans que les institutions
soient en mesure de limiter ce risque.
28 La situation de la requérante se distingue ainsi de celle du fonctionnaire qui, après avoir introduit une demande d’octroi d’allocation pour enfant à charge, verrait sa demande accueillie favorablement par l’administration et pourrait bénéficier de ladite allocation avec effet rétroactif depuis le moment où il réunit les conditions d’octroi de cette allocation.
29 Il y a lieu d’ajouter, ainsi que le souligne également la Commission, que l’arrêt Armani ne peut être considéré à l’égard de la requérante comme un fait nouveau et substantiel, de nature à justifier la réouverture des délais de réclamation et de recours à l’encontre de la décision du 15 mai 2012, dans la mesure où la requérante n’était pas partie à cet arrêt ni directement concernée par l’acte annulé par cet arrêt (arrêt du 21 février 1974, Kortner e.a./Conseil e.a.,15/73 à 33/73, 52/73, 53/73,
57/73 à 109/73, 116/73, 117/73, 123/73, 132/73 et 135/73 à 137/73, EU:C:1974:16, points 36 et 39, et ordonnance du 13 février 2014, Probst/Commission,F‑75/13, EU:F:2014:20, point 23).
30 Il convient cependant d’observer que, contrairement à ce que prétend la Commission, le réexamen de la situation de la requérante auquel l’AIPN a procédé à la suite de la réclamation du 18 septembre 2014 ne saurait être considéré comme ayant été effectué à titre gracieux, l’administration étant tenue, conformément au principe de légalité, de reconsidérer le refus d’octroyer, à tout le moins pour l’avenir, une prestation continue, telle l’allocation pour enfant à charge, s’il est avéré que le
fonctionnaire était en droit de prétendre au versement de ladite prestation et, donc, que le refus précédemment opposé était illégal, cela même si la décision de refus est devenue définitive. En effet, le principe de sécurité juridique ne saurait, dans de telles circonstances, justifier que l’administration puisse faire perdurer l’illégalité.
31 En tout état de cause, et comme l’a plaidé la Commission, la demande de réexamen de la requérante du 25 mars 2014 a pu légitimement être interprétée par l’administration comme une demande de réexamen pour l’avenir et non pour le passé. En effet, il ressort de la décision du 15 mai 2012, devenue définitive, que la requérante avait, à l’époque, fourni comme information à l’administration que les enfants de son épouse faisaient l’objet d’une garde alternée par leurs deux parents qui disposaient de
moyens financiers suffisants pour les entretenir. En revanche, dans sa demande de réexamen du 25 mars 2014, la requérante a « rappel[é] » – mais en fait elle a indiqué pour la première fois – que les deux enfants de son épouse vivaient à leur domicile commun dont elle était propriétaire et dont elle assurait tous les frais. Elle a ajouté qu’elle participait plus que majoritairement à la prise en charge effective des besoins essentiels des enfants, car, compte tenu des revenus de son épouse, il
avait été convenu entre elles de répartir les frais à raison d’un tiers pour cette dernière et de deux tiers pour elle‑même. Enfin, la requérante a conclu sa demande de réexamen du 25 mars 2014 en demandant au PMO de bien vouloir réexaminer sa demande au vu non seulement de la jurisprudence qu’elle citait, mais aussi de « ces nouveaux éléments ».
32 Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.
En ce qui concerne le troisième moyen, tiré de la violation du principe du respect de la confiance légitime, du devoir de sollicitude ainsi que des principes de bonne administration et de sécurité juridique
33 Concernant la première branche du moyen, tirée d’une violation du principe du respect de la confiance légitime, la requérante fait valoir que la pratique gracieuse de l’administration militerait en faveur de la rétroactivité de la décision attaquée. Une telle pratique, confirmée dans des situations moins évidentes que celle de la requérante (voir, par exemple, ordonnance du 20 mars 2014, Michel/Commission,F‑44/13, EU:F:2014:40, point 66), aurait fait naître chez la requérante l’espoir de
bénéficier de l’allocation pour enfant à charge avec effet rétroactif à compter de son mariage.
34 Quant à la deuxième branche du moyen, tirée de la méconnaissance du devoir de sollicitude, la requérante souligne que c’est une mauvaise interprétation du statut par l’AIPN qui serait à l’origine du premier refus d’octroi de l’allocation pour enfant à charge, en l’occurrence la décision du 15 mai 2012. Sans cette faute, la requérante aurait bénéficié ab initio des sommes lui revenant. Un juste équilibre entre les intérêts de l’institution et ceux de la requérante devrait conduire la Commission à
ne pas causer à cette dernière le moindre dommage.
35 Enfin, quant à la troisième branche du moyen, tirée de la violation des principes de bonne administration et de sécurité juridique, la requérante fait valoir que l’administration ne peut à la fois, après réexamen, modifier radicalement une première décision et refuser l’application rétroactive de la nouvelle décision se substituant à cette dernière, laquelle devrait disparaître. En l’espèce, la requérante aurait bien demandé à l’administration de réexaminer la réponse donnée à sa première demande
d’octroi de l’allocation pour enfant à charge, en l’occurrence la décision du 15 mai 2012. Ce serait ainsi la même décision qui aurait été revue à la demande de la requérante.
36 Dans ces conditions, il ne serait pas conforme au principe de sécurité juridique que, pour une période, le droit au bénéfice de l’allocation pour enfant à charge lui soit refusé et que, pour une autre période, il lui soit reconnu, alors que la situation familiale de la requérante est restée inchangée au cours des deux périodes.
37 La Commission conclut au rejet du troisième moyen.
38 À cet égard, ainsi que le relève à juste titre la Commission, la requérante n’a pas étayé à suffisance de droit, en méconnaissance de l’article 50, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, son allégation selon laquelle des assurances précises, inconditionnelles et concordantes qui auraient pu faire naître dans son chef des espérances fondées lui auraient été fournies par l’administration. La première branche du troisième moyen doit, en conséquence, être rejetée comme irrecevable.
39 S’agissant des deuxième et troisième branches du troisième moyen, concernant respectivement la prétendue méconnaissance du devoir de sollicitude, d’une part, et des principes de bonne administration ainsi que de sécurité juridique, d’autre part, qu’il convient d’examiner ensemble, il suffit d’observer que le devoir de sollicitude, pas plus que le principe de bonne administration, ne saurait contraindre l’administration à s’écarter des délais de réclamation et de recours, lesquels, étant d’ordre
public, ne sont pas à sa disposition, en reconsidérant, pour le passé, une décision devenue définitive. Quant au principe de sécurité juridique, également invoqué par la requérante au soutien de son troisième moyen, il sert précisément de fondement à la considération qui précède.
40 Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième moyen et, par voie de conséquence, les conclusions en annulation dans leur ensemble.
Sur les conclusions indemnitaires
41 La requérante évalue son préjudice pour défaut de paiement de l’allocation pour enfant à charge entre septembre 2011 et février 2014 à la somme, fixée ex æquo et bono, de 33375,99 euros. Elle demande au Tribunal, même pour le cas où il ne prononcerait pas l’annulation de la décision attaquée, d’exercer sa compétence de pleine juridiction, au titre de l’article 91, paragraphe 1, du statut, en condamnant la Commission à réparer ce préjudice, en raison des fautes ou erreurs commises par elle. Dans
le calcul du montant des dommages‑intérêts, la requérante aurait tenu compte du différentiel salarial, selon qu’un ou trois enfants seraient considérés comme étant à sa charge, ainsi que des frais de voyage annuel.
42 La requérante réclame également le versement d’intérêts moratoires, au taux annuel légal applicable en Belgique, lieu de sa résidence, sur les sommes qui lui seraient dues depuis qu’elle remplit les conditions pour bénéficier de l’allocation pour enfant à charge.
43 À cet égard, comme l’a relevé la Commission, dès lors que la requérante a omis d’attaquer la décision du 15 mai 2012, elle ne saurait valablement, par le biais d’une demande d’indemnité introduite ultérieurement et dont l’objet serait clairement d’obtenir un résultat pécuniaire identique à celui qui aurait résulté d’un recours en annulation, exercé en temps utile, contre la décision du 15 mai 2012, se ménager un nouveau délai de recours (voir, en ce sens, ordonnance du 28 septembre 2011,
Hecq/Commission,F‑12/11, EU:F:2011:165, point 50, et la jurisprudence citée). De plus, et plus généralement, selon une jurisprudence constante, la faculté d’introduire une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut ne saurait permettre au fonctionnaire d’écarter les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut pour l’introduction de la réclamation et du recours, en mettant indirectement en cause, par le biais d’une telle demande, une décision antérieure qui n’aurait pas été
contestée dans les délais (ordonnance du 20 mars 2014, Michel/Commission,F‑44/13, EU:F:2014:40, point 46, et la jurisprudence citée).
44 Par ailleurs, s’il fallait considérer les conclusions indemnitaires comme étant liées aux prétendues illégalités invoquées à l’appui des conclusions en annulation, le rejet de ces dernières comme étant non fondées entraîne, par voie de conséquence, le rejet des premières.
45 Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de rejeter également les conclusions indemnitaires.
Sur les dépens
46 Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux
dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
47 Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que la requérante a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que la requérante soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, la requérante doit supporter ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Mme Darchy supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par la Commission européenne.
Van Raepenbusch
Rofes i Pujol
Perillo
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 janvier 2016.
Le greffier
W. Hakenberg
Le président
S. Van Raepenbusch
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( *1 ) Langue de procédure : le français.