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14/01/2016 | CJUE | N°C-141/14

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre République de Bulgarie., 14/01/2016, C-141/14


ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

14 janvier 2016 ( * )

«Manquement d’État — Directive 2009/147/CE — Conservation des oiseaux sauvages — Zones de protection spéciale Kaliakra et Belite skali — Directive 92/43/CEE — Protection des habitats naturels et des espèces vivant à l’état sauvage — Site d’importance communautaire Kompleks Kaliakra — Directive 2011/92/UE — Évaluation des incidences de certains projets sur l’environnement — Applicabilité ratione temporis du régime de protection — Dégradation des habitats naturels des espèces

et perturbation des
espèces — Énergie éolienne — Tourisme»

Dans l’affaire C‑141/14,

ayant ...

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

14 janvier 2016 ( * )

«Manquement d’État — Directive 2009/147/CE — Conservation des oiseaux sauvages — Zones de protection spéciale Kaliakra et Belite skali — Directive 92/43/CEE — Protection des habitats naturels et des espèces vivant à l’état sauvage — Site d’importance communautaire Kompleks Kaliakra — Directive 2011/92/UE — Évaluation des incidences de certains projets sur l’environnement — Applicabilité ratione temporis du régime de protection — Dégradation des habitats naturels des espèces et perturbation des
espèces — Énergie éolienne — Tourisme»

Dans l’affaire C‑141/14,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 24 mars 2014,

Commission européenne, représentée par MM. E. White et C. Hermes ainsi que par Mme P. Mihaylova, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République de Bulgarie, représentée par Mmes E. Petranova et D. Drambozova, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la troisième chambre, Mme C. Toader (rapporteur) et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 mai 2015,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 septembre 2015,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en ayant:

— omis d’inclure l’intégralité des territoires des zones importantes pour la conservation des oiseaux (ci-après les «ZICO») dans la zone de protection spéciale (ci-après la «ZPS») couvrant la région de Kaliakra (ci-après la «ZPS Kaliakra»), la République de Bulgarie n’a pas classé en ZPS les territoires les plus appropriés en nombre et en superficie à la conservation, d’une part, des espèces biologiques visées à l’annexe I de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du
30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7, ci-après la «directive ‘oiseaux’»), et, d’autre part, des espèces migratrices non visées à cette annexe dont la venue est régulière dans la zone géographique maritime et terrestre d’application de cette directive et a ainsi manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de ladite directive;

— approuvé la réalisation des projets «AES Geo Energy», «Windtech», «Brestiom», «Disib», «Eco Energy» et «Longman Investment» sur le territoire de la ZICO couvrant la région de Kaliakra (ci-après la «ZICO Kaliakra») qui n’a pas été classé en ZPS alors qu’il aurait dû l’être, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive «oiseaux»;

— approuvé la réalisation des projets «Kaliakra Wind Power», «EVN Enertrag Kavarna», «TSID – Atlas», «Vertikal – Petkov & Cie» et «Thracian Cliffs Golf & Spa Resort» sur les territoires de la ZPS Kaliakra, du site d’importance communautaire «Kompleks Kaliakra» (ci-après le «SIC Kompleks Kaliakra») et de la ZPS couvrant la région de Belite skali (ci-après la «ZPS Belite skali»), la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la
directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7, ci-après la «directive ‘habitats’»);

— omis d’évaluer correctement l’effet cumulatif des projets «AES Geo Energy», «Windtech», «Brestiom», «Disib», «Eco Energy» et «Longman investment», dont la réalisation, sur le territoire de la ZICO Kaliakra qui n’a pas été classé en ZPS alors qu’il aurait dû l’être, a été approuvée par la République de Bulgarie, cet État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées des articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 2011/92/UE du
Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 26, p. 1), ainsi que de de l’annexe III, point 1, sous b), de celle-ci.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive «oiseaux»

2 Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive «oiseaux», celle-ci concerne la conservation de toutes les espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres auquel le traité UE est applicable. Elle a pour objet la protection, la gestion et la régulation de ces espèces et en réglemente l’exploitation.

3 L’article 4 de cette directive dispose:

«1.   Les espèces mentionnées à l’annexe I font l’objet de mesures de conservation spéciale concernant leur habitat, afin d’assurer leur survie et leur reproduction dans leur aire de distribution.

À cet égard, il est tenu compte:

а) des espèces menacées de disparition;

b) des espèces vulnérables à certaines modifications de leurs habitats;

c) des espèces considérées comme rares parce que leurs populations sont faibles ou que leur répartition locale est restreinte;

d) d’autres espèces nécessitant une attention particulière en raison de la spécificité de leur habitat.

Il sera tenu compte, pour procéder aux évaluations, des tendances et des variations des niveaux de population.

Les États membres classent notamment en [ZPS] les territoires les plus appropriés en nombre et en superficie à la conservation de ces espèces dans la zone géographique maritime et terrestre d’application de la présente directive.

2.   Les États membres prennent des mesures similaires à l’égard des espèces migratrices non visées à l’annexe I dont la venue est régulière, compte tenu des besoins de protection dans la zone géographique maritime et terrestre d’application de la présente directive en ce qui concerne leurs aires de reproduction, de mue et d’hivernage et les zones de relais dans leur aire de migration. À cette fin, les États membres attachent une importance particulière à la protection des zones humides et tout
particulièrement de celles d’importance internationale.

[...]

4.   Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones de protection visées aux paragraphes 1 et 2, la pollution ou la détérioration des habitats ainsi que les perturbations touchant les oiseaux, pour autant qu’elles aient un effet significatif eu égard aux objectifs du présent article. En dehors de ces zones de protection, les États membres s’efforcent également d’éviter la pollution ou la détérioration des habitats.»

La directive «habitats»

4 L’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive «habitats» prévoit:

«2.   Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive.

3.   Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent
leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.

4.   Si, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence de solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l’État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Nature 2000 est protégée. L’État membre informe la Commission des mesures compensatoires adoptées.

Lorsque le site concerné est un site abritant un type d’habitat naturel et/ou une espèce prioritaires, seules peuvent être évoquées des considérations liées à la santé de l’homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ou, après avis de la Commission, à d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur.»

La directive 2011/92

5 Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2011/92:

«Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l’article 4.»

6 L’article 4, paragraphes 2 et 3, de cette directive dispose:

«2.   Sous réserve de l’article 2, paragraphe 4, pour les projets énumérés à l’annexe II, les États membres déterminent si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10. Les États membres procèdent à cette détermination:

а) sur la base d’un examen cas par cas;

ou

b) sur la base des seuils ou critères fixés par l’État membre.

Les États membres peuvent décider d’appliquer les deux procédures visées aux points a) et b).

3.   Pour l’examen cas par cas ou la fixation des seuils ou critères en application du paragraphe 2, il est tenu compte des critères de sélection pertinents fixés à l’annexe III.»

7 L’annexe III, point 1, sous b), de ladite directive prévoit que les caractéristiques des projets doivent être considérées notamment par rapport au cumul avec d’autres projets.

L’acte d’adhésion de la République de Bulgarie à l’Union européenne

8 L’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2005, L 157, p. 203) est entré en vigueur le 1er janvier 2007.

Les antécédents du litige et la procédure précontentieuse

9 La région de Kaliakra, située sur le littoral bulgare de la mer Noire, constitue un site important pour la conservation de nombreuses espèces d’oiseaux et de leurs habitats, raison pour laquelle cette région a été désignée en tant que ZICO par l’organisation non gouvernementale BirdLife International.

10 Le 18 décembre 2007, la République de Bulgarie a créé, conformément à la directive «oiseaux», la ZPS Kaliakra. Cette zone de protection ne couvrait néanmoins que les deux tiers du territoire de la ZICO Kaliakra. La République de Bulgarie a également établi, à l’ouest de la ZPS Kaliakra et en dehors de la ZICO Kaliakra, la ZPS Belite skali. En outre, cet État membre a proposé à la Commission de désigner sous le nom de «Kompleks Kaliakra» un site d’intérêt communautaire (ci-après le «SIC Kompleks
Kaliakra») qui comprend la quasi-totalité de la surface de la ZPS Kaliakra et de la ZPS Belite skali.

11 À la suite de plaintes formulées par la société bulgare de protection des oiseaux (Bulgarsko druzhestvo za zashtita na ptitsite) quant au caractère insuffisant de l’étendue géographique de la ZPS Kaliakra et aux conséquences négatives de plusieurs projets d’activités économiques sur les habitats naturels ainsi que sur les habitats d’espèces d’oiseaux, la Commission a adressé, le 6 juin 2008, une lettre de mise en demeure à la République de Bulgarie enjoignant à cet État membre de remédier aux
manquements constatés aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux» en ce qui concerne six ZPS, dont la ZPS Kaliakra. N’étant pas satisfaite des différentes réponses fournies par la République de Bulgarie, la Commission a envoyé, le 1er décembre 2008, une deuxième lettre de mise en demeure l’engageant à remédier aux manquements aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive «oiseaux» et des
dispositions combinées des articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 2011/92 ainsi que de l’annexe III de celle-ci, dans la mesure où ledit État membre avait autorisé l’installation de plusieurs éoliennes à l’intérieur de la ZICO Kaliakra. La République de Bulgarie a répondu le 30 janvier 2009 à ces mises en demeure et, ultérieurement, a transmis à plusieurs reprises des informations complémentaires.

12 Le 30 septembre 2011, la Commission a notifié à la République de Bulgarie une troisième lettre de mise en demeure complémentaire qui visait, d’une part, la consolidation des deux mises en demeure précédentes et, d’autre part, contenait de nouvelles demandes concernant les territoires de la ZICO Kaliakra, de la ZPS Belite skali et du SIC Kompleks Kaliakra. Cette lettre soulevait deux groupes de questions: l’étendue géographique insuffisante du territoire de la ZPS Kaliakra et les incidences de
plusieurs projets sur la ZPS Kaliakra, la ZPS Belite skali, le SIC Kompleks Kaliakra et la zone qui aurait dû être classée en ZPS selon l’inventaire des ZICO, mais qui ne l’avait pas été.

13 Le 30 janvier 2012, la République de Bulgarie a informé la Commission que les projets énumérés par celle-ci avaient été, pour la plupart, approuvés avant son adhésion à l’Union ou avant l’inclusion des zones concernées dans le réseau Natura 2000, de sorte que le droit de l’Union n’avait pas vocation à s’appliquer à ces sites.

14 Par lettre du 22 juin 2012, la Commission a émis un avis motivé dans lequel elle faisait grief à la République de Bulgarie d’avoir manqué aux obligations lui incombant en vertu de l’article 4, paragraphes 1, 2 et 4, de la directive «oiseaux», de l’article 6, paragraphes 2, 3 et 4, de la directive «habitats» et des dispositions combinées des articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 2011/92 et de l’annexe III de celle-ci.

15 La République de Bulgarie a répondu à cet avis motivé et, sur la base d’informations complémentaires, a informé la Commission qu’elle avait pris une série de mesures visant à corriger les défauts constatés.

16 Considérant que la situation demeurait insatisfaisante, la Commission a, le 24 mars 2014, introduit le présent recours.

Sur le recours

Sur le premier grief, tiré de la violation de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux»

Argumentation des parties

17 Par son premier grief, la Commission fait valoir que, en n’ayant pas inclus au sein de la ZPS Kaliakra l’intégralité des zones de la ZICO Kaliakra qu’il était important de protéger en vue de la conservation des oiseaux, la République de Bulgarie n’a pas classé en ZPS les territoires les plus appropriés en nombre et en superficie à la conservation tant des espèces biologiques visées à l’annexe I de la directive «oiseaux» que des espèces migratrices non visées à cette annexe, mais dont la venue est
régulière dans la zone d’application géographique maritime et terrestre de cette directive, de sorte que cet État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de cette directive.

18 La Commission estime que la République de Bulgarie a reconnu, par ses diverses communications complémentaires, être en infraction avec l’obligation de classer, en tant que ZPS, l’intégralité du territoire de la ZICO Kaliakra. Plusieurs mesures auraient été ainsi prises visant à corriger les infractions constatées, à savoir à étendre la ZPS Kaliakra jusqu’aux limites de la ZICO Kaliakra. En outre, un acte juridique du 6 février 2014, publié au Darzhaven vestnik no 15, du 21 février 2014,
déciderait formellement l’extension de la zone de protection. Toutefois, ces mesures ne modifieraient pas formellement la situation infractionnelle, dès lors qu’elles ont été adoptées postérieurement à l’expiration du délai que cette institution avait indiqué dans son avis motivé, soit après le 22 août 2012.

19 Au soutien de ce grief, la Commission avance, en se fondant sur de multiples éléments scientifiques, en substance trois arguments.

20 Cette institution fait tout d’abord valoir que les territoires non classés, en tant que ZPS, de la ZICO Kaliakra sont d’une grande importance, d’un point de vue ornithologique, pour plusieurs espèces et constituent un «goulet migratoire» typique situé sur la via Pontica, la deuxième plus grande voie migratoire d’Europe.

21 Dans ce contexte, la Commission soutient que l’ensemble des territoires couverts par la ZICO Kaliakra doit être considéré comme une seule unité fonctionnelle pour les oiseaux migrateurs, à savoir comme une région à part entière qui ne doit pas être morcelée. Elle ajoute que l’exclusion des terres cultivables de la ZPS Kaliakra laisse sans protection plusieurs couloirs migratoires et aires de repos utilisés par une part importante des populations migratoires sur la côte de la mer dont notamment la
cigogne blanche, l’épervier à pieds courts, l’aigle botté, le busard cendré, le busard pâle, le faucon kobez ainsi que d’autres espèces.

22 Ensuite, selon la Commission, la partie de la ZICO Kaliakra non classée en ZPS offre des habitats de nidification à certaines populations d’oiseaux, notamment l’alouette calandre (Melanocorypha calandra), l’alouette calandrelle (Calandrella brachydactyla), l’oedicnème criard (Burhinus oedicnemus) et le pipit rousseline (Anthus campestris). En outre, cette zone non classée serait un territoire de chasse important pour plusieurs espèces de volatiles qui figurent parmi les oiseaux nicheurs dans le
formulaire standard des données et qui sont expressément nommés dans l’évaluation de la ZPS. Figureraient notamment au nombre de ces espèces des oiseaux de proie tels que l’épervier à pieds courts (Accipiter brevipes), la buse féroce (Buteo rufinus) et le grand-duc d’Europe (Bubo bubo).

23 Enfin, la Commission relève que l’ensemble de la population mondiale de la bernache à cou roux (Branta ruficollis), considérée comme une espèce mondialement menacée, hiverne dans la région considérée, alors que plus de 80 % des habitats permettant aux oies de se nourrir sont situés dans la partie non protégée de la ZICO Kaliakra.

24 La République de Bulgarie conteste le manquement allégué. Elle affirme que, avec la création de la ZPS Kaliakra au cours de l’année 2007, il a été procédé au classement des territoires les plus appropriés, en nombre et en superficie, en vue de la conservation des espèces concernées, conformément aux dispositions de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux». La correspondance échangée avec la Commission ainsi que les mesures entreprises par cet État membre exprimeraient seulement
la volonté de celui-ci de mener un dialogue avec cette institution, en conformité avec l’obligation de coopération.

25 En réponse à celles avancées par la Commission, la République de Bulgarie produit diverses études scientifiques dont il ressort, selon cet État membre, que la zone de Kaliakra ne constitue pas un «goulet migratoire» pour les oiseaux. En outre, cet État membre fait valoir que, bien qu’il ait, en définitive, décidé d’étendre la ZPS Kalikra aux limites de la ZICO du même nom, aucun élément scientifique, de nature ornithologique, ne justifiait l’intégration, au sein de cette ZPS, des terres agricoles
situées dans la ZICO Kaliakra, ces terres ne formant pas nécessairement une unité naturelle avec celles se situant près des côtes et qui étaient déjà protégées en tant que ZPS. Les oiseaux nicheurs typiques des habitats situés dans cette dernière zone de protection nicheraient en effet dans une mesure nettement moindre dans ces terres agricoles adjacentes.

26 Cet État membre conteste également le fait que la région de Kaliakra est un lieu de repos pour une grande partie des populations d’oiseaux migrateurs. Il ressortirait en effet de divers rapports d’expertise que ces lieux varient en fonction de l’itinéraire concret que ces oiseaux empruntent et des conditions météorologiques. En ce qui concerne la bernache à cou roux, espèce menacée à l’échelle mondiale, la République de Bulgarie invoque divers rapports selon lesquels les zones les plus
importantes pour leur alimentation se situeraient en dehors de la ZICO Kaliakra, à proximité des lacs Shabla et Durankulak.

Appréciation de la Cour

27 Il convient de rappeler, en premier lieu, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux» impose aux États membres de classer en ZPS les territoires répondant aux critères ornithologiques déterminés par ces dispositions (arrêt Commission/Irlande, C‑418/04, EU:C:2007:780, point 36 et jurisprudence citée).

28 En deuxième lieu, les États membres sont tenus de classer en ZPS tous les sites qui, en application des critères ornithologiques, apparaissent comme étant les plus appropriés au regard de la conservation des espèces en cause (arrêt Commission/Irlande, C‑418/04, EU:C:2007:780, point 37 et jurisprudence citée).

29 En troisième lieu, la Cour a jugé que la marge d’appréciation dont jouissent les États membres lors du choix des territoires les plus appropriés pour le classement en ZPS concerne non pas l’opportunité de classer en ZPS les territoires qui apparaissent comme étant les plus appropriés selon des critères ornithologiques, mais seulement la mise en œuvre de ces critères en vue de l’identification des territoires les plus appropriés à la conservation des espèces énumérées à l’annexe I de la directive
«oiseaux» (arrêt Commission/Autriche, C‑209/04, EU:C:2006:195, point 33 et jurisprudence citée).

30 Enfin, en quatrième lieu, concernant le classement partiel de certaines régions, la Cour a déjà décidé, d’une part, que le classement en ZPS ne peut pas résulter d’un examen isolé de la valeur ornithologique de chacune des superficies en cause, mais doit se faire sur la base d’une prise en compte des limites naturelles de l’écosystème concerné et que, d’autre part, les critères ornithologiques, sur lesquels doit reposer exclusivement le classement, doivent être scientifiquement fondés (arrêt
Commission/Irlande, C‑418/04, EU:C:2007:780, point 142).

31 Dans la présente affaire, il est constant que la ZICO Kaliakra présente une importance primordiale pour un nombre d’espèces d’oiseaux et leur habitat. Selon les données fournies par la République de Bulgarie à la Commission, le site de Kaliakra abrite au total 310 espèces d’oiseaux, parmi lesquelles une centaine doivent faire l’objet de mesures spéciales de conservation concernant leur habitat, 95 figurent à l’annexe I de la directive «oiseaux», ainsi qu’un grand nombre d’espèces d’oiseaux
migrateurs. Parmi ces 310 espèces d’oiseaux présentes, 106 sont d’importance européenne sur le plan de la conservation, 17 sont menacées à l’échelle mondiale, 21 sont classées dans la catégorie «SPEC 2» et 68 dans la catégorie «SPEC 3» en tant qu’espèces présentant un état de conservation préoccupant en Europe.

32 S’agissant tout d’abord de la présence d’oiseaux nicheurs dans la partie de la ZICO Kaliakra initialement non classée, il convient de constater, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé aux points 41 à 43 de ses conclusions, que la République de Bulgarie a expliqué, de manière plausible et sans être contredite sur ce point par la Commission, que les oiseaux nicheurs typiques des habitats initialement protégés et situés près de la côte nichent dans une mesure nettement moindre dans les zones
composées de terres agricoles. En outre, la présence très limitée de l’épervier à pieds courts (Accipiter brevipes), de la buse féroce (Buteo rufinus) et du grand-duc d’Europe (Bubo bubo), au point que l’organisation non gouvernementale Birdlife ne les mentionne pas en tant que motif d’identification du site de Kaliakra en tant que ZICO, ne suffit pas pour considérer ces terres agricoles comme étant les plus appropriées à la conservation des espèces en cause.

33 S’agissant ensuite des oiseaux migrateurs, la Commission estime, de manière cohérente avec l’évaluation de cette zone en tant que ZICO et en s’appuyant sur une étude menée au cours de l’année 2005 spécialement afin d’identifier les «goulets migratoires» en Bulgarie, que la ZICO Kaliakra constitue un tel goulet. En effet, selon cette étude, plus de 30000 oiseaux planeurs ont pu être observés au cours de cette année près de Kaliakra. Cette constatation ne saurait être contredite par l’argument de
la République de Bulgarie selon lequel des groupes importants d’oiseaux migrateurs ne sont observés que de façon irrégulière dans la zone en question, dans la mesure où la route de la migration serait influencée par les conditions de vent.

34 En effet, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 50 de ses conclusions, il ressort précisément des éléments fournis par cet État membre que ces concentrations d’oiseaux ne sont ni aléatoires ni tout à fait exceptionnelles et que, au contraire, elles se produisent régulièrement lorsque règnent les conditions de vent correspondantes. Or, lorsque ces concentrations se produisent, les surfaces agricoles de la ZICO Kaliakra initialement non classées constituent précisément des habitats
nécessaires aux oiseaux migrateurs pour se reposer et se nourrir.

35 Il s’ensuit que la ZICO Kaliakra fait partie des zones les plus appropriées à la conservation des oiseaux durant la migration.

36 Enfin, doit également être écarté l’argument de la République de Bulgarie selon lequel la partie de la ZICO Kaliakra qui a été classée ultérieurement en ZPS n’était cependant pas d’une très grande importance pour la conservation de la bernache à cou roux considérée comme une espèce mondialement menacée, dont pratiquement l’ensemble de la population mondiale hiverne sur la côte ouest de la mer Noire. Selon une étude à laquelle cet État membre se réfère, cette espèce ne chercherait pas chaque année
sa nourriture dans les parties de territoire issues de l’extension de la ZPS Kaliakra. Toutefois, comme la Commission le souligne, il ressort de cette même étude que, à tout le moins, durant deux des cinq années de la période d’observation, entre les années 1995 et 2000, plusieurs milliers de bernaches à cou roux ont cherché de la nourriture dans cette partie de la ZICO Kaliakra, ultérieurement classée en ZPS.

37 En outre, ainsi que le souligne Mme l’avocat général aux points 60 à 63 de ses conclusions, le fait que des observations récentes tendent à démontrer que la bernache à cou roux est moins présente dans ces parties de territoire qui n’ont pas fait l’objet d’un classement en ZPS dès l’origine n’exclut pas que ces dernières constituent un site d’importance primordiale pour l’alimentation de cette espèce d’oiseau, dans la mesure où lesdites observations ont commencé seulement après la construction
d’un grand nombre d’installations éoliennes sur ces parties de territoire.

38 Partant, il y a lieu de constater que le premier grief de la Commission est fondé.

Sur le troisième grief, tiré du non-respect des dispositions de l’article 6, paragraphe 2, de la directive ‘habitats’ en ce qui concerne l’approbation des projets dans les ZPS Kaliakra et Belite skali ainsi que sur le territoire du SIC Kompleks Kaliakra

Argumentation des parties

39 Par son troisième grief, qu’il convient d’examiner en deuxième lieu, la Commission demande de constater que, en approuvant les projets d’installations éoliennes dénommés «Kaliakra Wind Power», «EVN Enertrag Kavarna», «TSID – Atlas», «Vertikal – Petkov & Cie» ainsi que le projet immobilier «Thracian Cliffs Golf & Spa Resort» sur le territoire des ZPS Kaliakra et Belite skali et du SIC Kompleks Kaliakra, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6,
paragraphe 2, de la directive «habitats», tel qu’interprété par la Cour dans les arrêts Dragaggi e.a. (C‑117/03, EU:C:2005:16) et Bund Naturschutz in Bayern e.a. (C‑244/05, EU:C:2006:579), dans la mesure où cet État membre n’a pas pris les mesures appropriées pour éviter la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces en vue de la conservation desquelles ces territoires ont été classés en ZPS ou en SIC.

40 La Commission soutient que, avant leur classement en ZPS, c’est-à-dire du 1er janvier 2007 au 18 décembre 2007, le régime juridique applicable aux parties de territoire correspondantes de Kaliakra et de Belite skali était celui de l’article 4, paragraphe 4, de la directive «oiseaux», tel qu’interprété par la Cour dans les arrêts Commission/France (C‑96/98, EU:C:1999:580) et Commission/France (C‑374/98, EU:C:2000:670). À la suite du classement du site en ZPS, c’est-à-dire depuis le 18 décembre
2007, le régime juridique applicable à ces deux ZPS serait celui de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats».

41 En ce qui concerne le SIC Kompleks Kaliakra, la Commission fait valoir que, avant l’inclusion de cette zone dans la liste européenne des SIC, mais après son classement dans la liste nationale en tant que projet de SIC, c’est-à-dire du 18 décembre 2007 au 15 décembre 2008, le régime juridique applicable était celui précisé par la Cour dans ses arrêts Dragaggi e.a. (C‑117/03, EU:C:2005:16) et Bund Naturschutz in Bayern e.a. (C‑244/05, EU:C:2006:579), à savoir:

— s’agissant des sites susceptibles d’être identifiés comme SIC, mentionnés sur les listes nationales transmises à la Commission, parmi lesquels peuvent figurer, notamment, des sites abritant des types d’habitats naturels prioritaires ou des espèces prioritaires, les États membres sont, en vertu de la directive «habitats», tenus de prendre des mesures de protection aptes, au regard de l’objectif de conservation visé par cette directive, à sauvegarder l’intérêt écologique que ces sites revêtent au
niveau national;

— le régime d’une protection appropriée applicable aux sites figurant sur une liste nationale transmise à la Commission, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive «habitats», exige que les États membres s’opposent à toute intervention qui risque de compromettre sérieusement les caractéristiques écologiques de ces sites.

42 En ce qui concerne, en premier lieu, les ZPS Kaliakra et Belite skali, la Commission fait valoir, sur la base de rapports scientifiques, que les divers projets approuvés par la République de Bulgarie (infrastructures liées à la production d’énergie éolienne, terrain de golf, hôtels, logements, etc.), visés au point 39 du présent arrêt, ont des incidences négatives significatives sur les oiseaux, les habitats et les espèces prioritaires. Ainsi, dans la ZPS Kaliakra, la destruction directe
d’habitats d’espèces d’oiseaux figurant à l’annexe I de la directive «oiseaux» serait estimée à au moins 15,8 % de la superficie totale de cette zone. Dans la ZPS Belite skali, 456,23 hectares de terres, représentant 10,9 % de la surface de cette zone, et abritant des habitats steppiques prioritaires, principalement des habitats de nidification pour des espèces d’oiseaux figurant à l’annexe I de la directive «oiseaux», auraient été irrémédiablement détruits.

43 La mise en œuvre de ces différents projets, autorisés par la République de Bulgarie, aurait ainsi entraîné la destruction des habitats abritant, entre autres, les espèces d’oiseaux suivantes, énumérées à l’annexe I de la directive «oiseaux» et qui figurent également dans le formulaire standard des données concernant ces deux ZPS: le traquet pie (Oenanthe pleschanka), l’alouette calandre (Melanocorypha calandra), l’alouette calandrelle (Calandrella brachydactyla), l’oedicnème criard (Burhinus
oedicnemus), la buse féroce (Buteo rufinus), l’épervier à pieds courts (Accipiter brevipes) et le rollier d’Europe (Coracias garrulus).

44 S’agissant, en second lieu, du SIC Kompleks Kaliakra, la Commission fait grief à la République de Bulgarie de ne pas l’avoir suffisamment protégé des dommages causés par la réalisation des projets liés à la production d’énergie éolienne, à savoir les projets «Kaliakra Wind Power», «EVN Enertrag Kavarna» et «Vertikal – Petkov & Cie», ainsi que du projet d’infrastructures touristiques «Thracian Cliffs Golf & Spa Resort». À cet égard, cette institution estime que ces projets ont entraîné, au sein de
ce SIC, la destruction irrémédiable de 587,51 hectares de terres qui abritaient l’habitat prioritaire «Steppes ponto-sarmatiques», repris à l’annexe I de la directive «habitats» sous le code 62C0*, soit 24,5 % de cet habitat.

45 En réponse à ces allégations, la République de Bulgarie fait valoir que l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» n’est pas applicable à des projets qui ont été autorisés avant son adhésion à l’Union et, partant, n’est pas davantage applicable au regard de leur exécution. En effet, les trois projets de production d’énergie éolienne ainsi que le projet de complexes hôteliers en cause auraient été approuvés au cours de l’année 2005 et leur incidence sur la conservation des habitats
naturels ne pourrait dès lors pas être examinée à l’aune de cette directive.

46 En outre, la Commission ne préciserait pas de quelle manière les chiffres et données dont il est question aux points 42 à 45 du présent arrêt ont été obtenus.

47 Enfin, s’agissant des incidences négatives significatives sur le SIC Kaliakra, la République de Bulgarie oppose également l’argument selon lequel les quatre projets mentionnés par la Commission dans son recours ont été approuvés par cet État membre durant l’année 2005, de sorte qu’il ne peut lui être fait grief d’avoir éventuellement manqué aux obligations d’une directive qui ne lui était pas opposable avant son adhésion à l’Union.

Appréciation de la Cour

48 À titre liminaire, il convient de constater que, compte tenu des informations fournies par la République Bulgarie dans son mémoire en défense selon lesquelles elle n’a pas autorisé la réalisation du projet «TSID – Atlas», la Commission a décidé d’exclure ce projet du présent recours en manquement.

49 En outre, ainsi que le relève à juste titre Mme l’avocat général aux points 71 à 73 de ses conclusions, il convient de comprendre ce troisième grief en ce sens que la Commission soutient que la République de Bulgarie a manqué, d’une part, aux obligations découlant de l’article 6, paragraphe 2, de la directive«habitats» en s’étant abstenue de s’opposer à l’exécution de projets au sein des ZPS Kaliakra et Belite skali et, d’autre part, aux obligations provisoires de protection découlant des arrêts
Dragaggi e.a. (C‑117/03, EU:C:2005:16) et Bund Naturschutz in Bayern e.a. (C‑244/05, EU:C:2006:579) pour s’être abstenue de s’opposer à ceux qui ont été réalisés dans le périmètre du SIC Kompleks Kaliakra proposé. Par ce grief, la Commission vise dès lors non pas les décisions d’autorisation de projets adoptées par la République de Bulgarie avant son adhésion à l’Union, mais leur mise en œuvre après cette adhésion et la détérioration des sites susmentionnés qui en a découlé.

50 Il convient donc d’examiner, en premier lieu, si l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» était susceptible de s’appliquer, ratione temporis, à la situation en cause, en ce sens que cette disposition était susceptible de contraindre la République de Bulgarie de s’opposer à la mise en œuvre, dans les ZPS Kaliakra et Belite skali, des projets «Kaliakra Wind Power», «EVN Enertrag Kavarna», «Vertikal – Petkov & Cie», ainsi que «Thracian Cliffs Golf & Spa Resort».

51 À ce égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» s’applique également à des installations dont le projet a été approuvé par l’autorité compétente avant que la protection prévue par ladite directive ne devienne applicable pour la zone de protection concernée (voir, en ce sens, arrêt Commission/Espagne, C‑404/09, EU:C:2011:768, point 124).

52 En effet, la Cour a déjà jugé que, si de tels projets ne sont pas soumis aux prescriptions portant sur la procédure d’évaluation préalable des incidences du projet sur le site concerné, édictées par la directive «habitats», leur exécution tombe néanmoins sous le couvert de l’article 6, paragraphe 2, de cette directive (arrêts Stadt Papenburg, C‑226/08, EU:C:2010:10, points 48 et 49, ainsi que Commission/Espagne, C‑404/09, EU:C:2011:768, point 125).

53 En l’espèce, s’agissant, d’une part, du projet «Kaliakra Wind Power» visant la construction de 35 installations éoliennes, il ressort du dossier soumis à la Cour que celui-ci a été autorisé au cours de l’année 2006 et mis en exploitation le 5 juin 2008. Le projet «EVN Enertrag Kavarna», ayant quant à lui pour objet la construction de 32 installations éoliennes, a été autorisé le 26 juillet 2006. Cette dernière autorisation a été réduite, par la suite, à 20 installations, dont huit auraient été
construites et seraient exploitées depuis le 8 juin 2012. Trois autres installations ont été autorisées durant l’année 2005 dans le cadre du projet «Vertikal – Petkov & Cie». Un recours contre ces trois autorisations a donné lieu, le 26 juillet 2007, à une conciliation à la suite de laquelle l’exploitation de deux installations a débuté respectivement le 24 avril 2008 et le 14 février 2011, tandis que la troisième installation n’a pas été construite.

54 D’autre part, en ce qui concerne le projet touristique «Thracian Cliffs Golf & Spa Resort» dans la ZPS Belite skali, qui comprend la construction d’un terrain de golf et d’une station thermale, un premier permis de construire a été délivré le 22 décembre 2005 tandis que l’autorisation d’exploitation a été accordée le 6 avril 2010.

55 Il découle des considérations développées aux points 51 et 52 du présent arrêt que l’exécution de tels projets ainsi que l’activité générée par les installations qui en sont issues, bien qu’ayant été autorisées avant l’adhésion de la République de Bulgarie et avant que les directives «oiseaux» et «habitats» ne s’appliquent à ces autorisations, relèvent de l’article 6, paragraphe 2, de cette dernière directive.

56 En second lieu, s’agissant du grief selon lequel la République de Bulgarie n’a pas pris les mesures appropriées pour éviter la détérioration d’un certain nombre d’habitats d’espèces et le trouble causé aux oiseaux par l’activité liée aux installations issues de la mise en œuvre des quatre projets en cause dans les ZPS Kaliakra et Belite skali, il convient de rappeler qu’une activité n’est conforme à l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» que s’il est garanti qu’elle n’engendre
aucune perturbation susceptible d’affecter de manière significative les objectifs de ladite directive, en particulier les objectifs de conservation de celle-ci (arrêt Commission/Espagne, C‑404/09, EU:C:2011:768, point 126 et jurisprudence citée).

57 Il en découle que le présent grief n’est fondé que si la Commission démontre à suffisance de droit que la République de Bulgarie n’a pas pris les mesures de protection appropriées, consistant à éviter que les activités liées à l’exploitation des installations issues de ces projets, pour autant qu’elles ont eu lieu après le classement des sites de Kaliakra et de Belite skali en ZPS, ne détériorent les habitats d’un certain nombre d’espèces et ne provoquent, au détriment de ces dernières, des
perturbations susceptibles d’avoir des effets significatifs eu égard à l’objectif de la directive «habitats» consistant à assurer la conservation de ces espèces (voir, par analogie, arrêt Commission/Espagne, C‑404/09, EU:C:2011:768, point 128).

58 Néanmoins, afin d’établir un manquement à l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», il n’appartient pas à la Commission d’établir l’existence d’une relation de cause à effet entre l’exploitation des installations issues d’un projet et une perturbation significative causée aux espèces concernées. En effet, il suffit que cette institution établisse l’existence d’une probabilité ou d’un risque que cette exploitation provoque de telles perturbations (voir, en ce sens, arrêt
Commission/Espagne, C‑404/09, EU:C:2011:768, point 142 et jurisprudence citée).

59 À cet égard, il ressort du dossier soumis à la Cour que, compte tenu de la forte densité des installations éoliennes implantées dans la ZPS Kaliakra, notamment dans le cadre du projet «Kaliakra Wind Power», leur activité est susceptible de provoquer des perturbations significatives et une détérioration des habitats d’espèces d’oiseaux protégées. Il en va de même s’agissant de la partie de la ZPS Belite skali concernée par les installations de la «Thracian Cliffs Golf & Spa» dont l’exploitation
modifie les caractéristiques des habitats en cause.

60 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le présent grief invoqué par la Commission est, dans cette mesure, fondé.

61 En revanche, s’agissant, en troisième lieu de la destruction substantielle de l’habitat prioritaire «Steppes ponto-sarmatiques», dont il est question au point 44 du présent arrêt, la République de Bulgarie fait valoir, sans être contredite, que les travaux de préparation des sols qui ont détruit ces habitats situés sur le territoire du SIC Kompleks Kaliakra avaient été réalisés avant l’adhésion de cet État membre à l’Union. Par conséquent, la destruction desdits habitats n’est pas susceptible de
constituer, ratione temporis, un manquement au droit de l’Union.

62 En outre, il convient de constater que, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 107 de ses conclusions, si un type d’habitat est déjà détruit sur les surfaces concernées, l’exploitation ultérieure des installations issues de la mise en œuvre des projets ne saurait le détériorer davantage. Partant, le recours de la Commission n’est pas fondé sur ce point.

Sur le deuxième grief, tiré du non-respect des dispositions de l’article 4, paragraphe 4, de la directive «oiseaux» en ce qui concerne l’approbation des projets dans la ZICO Kaliakra

Argumentation des parties

63 Par son deuxième grief, la Commission demande de constater que, en approuvant les projets «AES Geo Energy», «Windtech», «Brestiom», «Disib», «Eco Energy» et «Longman Investment» sur le territoire de la ZICO Kaliakra qui n’a pas été classé en ZPS alors qu’il aurait dû l’être, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive «oiseaux», tel qu’interprété par la Cour dans les arrêts Commission/France (C‑96/98, EU:C:1999:580)
et Commission/France (C‑374/98, EU:C:2000:670).

64 La Commission fait valoir que, en omettant de prendre les mesures appropriées au regard de l’objectif de conservation visé par la directive «oiseaux» et en autorisant ou en tolérant des interventions qui, premièrement, risquent de compromettre sérieusement les caractéristiques écologiques de la partie de la ZICO Kaliakra non classée en ZPS, deuxièmement, réduisent de manière significative la superficie de ce site, troisièmement, aboutissent à la disparition d’espèces prioritaires présentes sur
ledit site et, enfin, quatrièmement, ont pour résultat la destruction du même site ou l’anéantissement de ses caractéristiques représentatives, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive «oiseaux». À ce titre, la Commission soutient que, dans cette partie de la ZICO Kaliakra, 1450 hectares de terres abritant des habitats ainsi que des zones d’alimentation et de repos pour des espèces d’oiseaux visées à l’annexe I de
la directive «oiseaux» sont irrémédiablement perdus.

65 Pour sa part, la République de Bulgarie fournit des informations relatives à la situation factuelle de divers projets d’investissements et fait valoir, entre autres, qu’un délai de prescription de cinq ans a été introduit dans la législation nationale, au cours de l’année 2012, limitant ainsi la durée de validité des autorisations délivrées pour l’exécution de ces projets, de sorte que tous ceux dont la mise en œuvre n’a pas été entamée dans le délai imparti seront suspendus.

Appréciation de la Cour

66 L’article 4, paragraphe 4, de la directive «oiseaux» impose aux États membres de prendre les mesures appropriées pour éviter, dans les ZPS, la pollution ou la détérioration des habitats ainsi que les perturbations touchant les oiseaux, pour autant qu’elles aient un effet significatif eu égard aux objectifs dudit article.

67 À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que selon la jurisprudence de la Cour, les États membres doivent respecter les obligations qui découlent de l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux», même lorsque les zones concernées n’ont pas été classées en ZPS, dès lors qu’il apparaît qu’elles auraient dû l’être (voir arrêt Commission/Espagne, C‑186/06, EU:C:2007:813, point 27 et jurisprudence citée).

68 Ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, les projets en cause se trouvent sur des territoires qui, comme il a été constaté au point 38 du présent arrêt, auraient dû faire l’objet d’un classement par la République de Bulgarie, lequel toutefois n’a eu lieu que postérieurement à l’expiration, le 22 août 2012, du délai imparti dans l’avis motivé.

69 En deuxième lieu, aux fins d’établir un manquement aux obligations découlant de l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux», ainsi que le relève Mme l’avocat général au point 115 de ses conclusions, il convient de se référer, mutatis mutandis, à la jurisprudence de la Cour en matière de manquement à l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», dès lors que les termes de cette dernière disposition correspondent largement à ceux de l’article 4, paragraphe 4,
première phrase de la directive «oiseaux» (voir, en ce sens, arrêt Commission/Irlande, C‑117/00, EU:C:2002:366, point 26 et jurisprudence citée).

70 Selon cette jurisprudence, et ainsi qu’il ressort du point 58 du présent arrêt, une violation de la disposition concernée doit être constatée dès que la Commission établisse l’existence de la probabilité ou du risque qu’un projet détériore les habitats d’espèces d’oiseaux protégées ou provoque des perturbations significatives pour ces espèces.

71 Par conséquent, il y a lieu d’examiner si la Commission a établi l’existence de la probabilité ou du risque que les projets en cause au sein de la partie de la ZICO Kaliakra tardivement classée en ZPS provoquent les détériorations et perturbations visées au point précédent du présent arrêt.

72 Il ressort, d’une part, du mémoire en défense de la République de Bulgarie, dont les éléments à cet égard ne sont pas contestés par la Commission, que pour trois des projets visés au point 63 du présent arrêt, à savoir les projets «Windtech», «Brestiom» et «Eco Energy», il a été simplement décidé qu’une évaluation des incidences sur l’environnement n’était pas nécessaire. Cet État membre n’a pas délivré d’autorisation supplémentaire en ce qui les concerne et les installations n’ont pas été
construites. Entre-temps, les décisions constatant qu’il n’y avait pas lieu de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement sont devenues caduques.

73 Il s’ensuit que, en tant qu’il se rapporte à ces trois projets, le deuxième grief de la Commission n’est pas fondé.

74 D’autre part, s’agissant des trois autres projets dont il est question au point 63 du présent arrêt, dénommés «AES Geo Energy», «Disib» et «Longman Investment», il ressort du dossier soumis à la Cour que la République de Bulgarie a délivré des autorisations supplémentaires et que les installations éoliennes autorisées ont été construites. Ainsi, le premier de ces projets a obtenu, à la suite d’une évaluation des incidences sur l’environnement réalisée au cours de l’année 2008, un permis de
construire visant 52 éoliennes, dont l’exploitation a été entamée le 15 novembre 2011. Les deuxième et troisième projets ont également chacun bénéficié d’un permis délivré après l’adhésion de la République de Bulgarie à l’Union et ayant entraîné la construction de deux éoliennes, mises en service dans le courant de l’année 2008.

75 Or, ainsi que cela a déjà été constaté au point 59 du présent arrêt, l’exploitation d’installations éoliennes est susceptible de provoquer des perturbations significatives et une détérioration des habitats d’espèces d’oiseaux protégées.

76 Le fait que, selon les résultats d’observations menées par le parc éolien «AES Geo Energy», auxquelles se réfère la République de Bulgarie, les zones en cause seraient encore fréquentées par les bernaches à cou roux, et que, lorsque les conditions de vent s’y prêtent, le flux migratoire se concentrerait sur le site de Kaliakra ne s’oppose pas à ce constat. En effet, les obligations de protection existent avant même qu’une diminution du nombre d’oiseaux ne soit constatée ou que le risque
d’extinction d’une espèce d’oiseau protégée ne se soit concrétisé (voir, en ce sens, arrêt Commission/Espagne, C‑186/06, EU:C:2007:813, point 36 et jurisprudence citée).

77 En outre, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 128 de ses conclusions, ces données semblent indiquer une perte d’attractivité, dès lors qu’il en ressort que l’utilisation des surfaces par les bernaches à cou roux est moindre par rapport aux valeurs maximales constatées avant la construction des éoliennes.

78 Il résulte des considérations qui précèdent que, en approuvant les projets d’installations éoliennes «AES Geo Energy», «Disib» et «Longman Investment» sur le territoire de la ZICO Kaliakra qui n’a pas été classé en ZPS alors qu’il aurait dû l’être, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive «oiseaux».

Sur le quatrième grief, tiré du non-respect des dispositions des articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 2011/92 ainsi que de l’annexe III, point 1, sous b), de celle-ci

Argumentation des parties

79 Par son quatrième grief, la Commission fait valoir que, en n’évaluant pas correctement l’effet cumulatif des projets d’installations éoliennes dont la construction a été autorisée sur le territoire de la ZICO Kaliakra qui n’a pas été classé en ZPS alors qu’il aurait dû l’être, à savoir les projets «AES Geo Energy», «Windtech», «Brestiom», «Disib», «Eco Energy» et «Longman Investment», la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées des
articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 2011/92 ainsi que de l’annexe III, point 1, sous b), de celle-ci.

80 Selon la Commission, pour quatre de ces projets, à savoir les projets «Windtech», «Brestiom», «Eco Energy» et «Longman Investment», la République de Bulgarie a décidé de ne pas procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement. Pour l’un d’entre eux, «AES Geo Energy», cet État membre aurait décidé de réaliser une telle étude d’incidences, sans toutefois que celle-ci tienne compte ni de l’effet cumulatif des nuisances engendrées par les différents projets autorisés dans la ZICO
Kaliakra, ni de l’effet d’évitement et la perturbation qu’induisent les installations éoliennes sur le comportement des oiseaux, ni de l’effet barrière des turbines, ni de la perte et de la détérioration qu’entraînent ces installations au préjudice des différents habitats d’oiseaux.

81 Au soutien de ce grief, la Commission fait en outre valoir que, s’agissant des quatre projets n’ayant pas fait l’objet d’une étude d’évaluation des incidences sur l’environnement, les décisions en ce sens sont, pour l’essentiel, libellées de manière identique. Par ailleurs, ces décisions ne seraient pas étayées par des arguments pertinents démontrant que le projet concerné n’aura pas d’incidences négatives significatives sur le territoire désigné comme ZICO et identifié pour être inclus dans le
réseau Natura 2000.

82 La République de Bulgarie fait valoir que, dans les décisions visées au point précédent du présent arrêt, il a été expressément constaté qu’il ne fallait s’attendre à aucun effet cumulatif avec d’autres projets. En outre, cet État membre affirme que les projets «Disib» et «AES Geo Energy» doivent être exclus de l’objet du présent recours dans la mesure où les demandes d’évaluation de la nécessité de réaliser une étude d’incidence sur l’environnement ont été introduites avant le 1er janvier 2007.

Appréciation de la Cour

83 À titre liminaire, il y a lieu de relever, d’une part, que la Commission conclut à une violation de la directive 2011/92, alors que les décisions qu’elle invoque à l’appui de son recours ont été adoptées par la République de Bulgarie au cours de l’année 2007, à un moment où la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40), telle que modifiée par la directive 2003/35/CE du
Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003 (JO L 156, p. 17), était en vigueur. Toutefois, ainsi que le souligne à juste titre Mme l’avocat général au point 139 de ses conclusions, les dispositions des directives 85/337 et 2011/92 pertinentes en l’espèce sont substantiellement identiques.

84 D’autre part, il ressort du mémoire en réplique de la Commission que, compte tenu des informations fournies par la République de Bulgarie dans son mémoire en défense, cette institution souhaite exclure du présent grief les projets d’installations éoliennes «Disib» et «AES Geo Energy».

85 Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner, en premier lieu, si la Cour dispose d’éléments suffisants pour constater que la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 2011/92 ainsi que de l’annexe III, point 1, sous b), de celle-ci en n’évaluant pas correctement l’effet cumulatif des projets d’installations éoliennes «Windtech», «Brestiom», «Eco Energy» et «Longman Investment» approuvés dans
les zones de la ZICO Kaliakra qui n’ont été classées en ZPS qu’après la date fixée par la Commission dans son avis motivé.

86 Ainsi que cela a été déjà constaté au point 72 du présent arrêt, s’agissant des projets «Windtech», «Brestiom» et «Eco Energy», aucun permis de construire n’a été délivré et, d’après les indications fournies par la République de Bulgarie, les décisions sur la nécessité d’une évaluation des incidences sur l’environnement sont devenues caduques faute d’avoir été mises en œuvre dans le délai de cinq ans prescrit par la législation nationale. Seul le projet «Longman Investment» a été réalisé et est
en exploitation depuis le 16 juin 2008.

87 À cet égard, s’agissant des projets «Windtech», «Brestiom» et «Eco Energy», aucun élément du dossier soumis à la Cour ne permet d’établir une violation de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2011/92.

88 En effet, il est certes exact que les décisions sur la nécessité d’une évaluation des incidences sur l’environnement étaient encore valides à la date fixée par la Commission dans l’avis motivé complémentaire, à savoir le 22 août 2012, et ne sont devenues caduques que cinq ans après leur adoption, soit respectivement les 24 et 28 septembre 2012. Or, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’existence du manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle
se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, en ce sens, arrêt Commission/Belgique, C‑421/12, EU:C:2014:2064, point 45).

89 Toutefois, ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour et comme le relève Mme l’avocat général aux points 148 et 149 de ses conclusions, les décisions concluant à l’absence de nécessité de réaliser une étude d’incidence d’un projet n’équivalent pas, en droit national, à une décision autorisant la réalisation de ce même projet, celui-ci devant encore bénéficier d’un permis de construire. Partant, il y a lieu de constater que la République de Bulgarie ne saurait se voir reprocher d’avoir
dispensé les projets «Windtech», «Brestiom» et «Eco Energy» de la réalisation d’une étude d’incidences sur l’environnement «avant l’octroi de l’autorisation», au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2011/92. Cependant, dans la mesure où la décision quant à la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement doit néanmoins être adoptée conformément à cette directive, et notamment à l’article 4, paragraphes 2 et 3, et à l’annexe III de celle-ci, une violation
de ces dispositions est possible même si le projet n’a jamais obtenu toutes les autorisations nécessaires.

90 S’agissant du projet réalisé, «Longman Investment», et pour lequel il a été décidé qu’il n’y avait pas lieu de réaliser une étude d’incidences sur l’environnement avant l’octroi de l’autorisation nécessaire, il convient de constater que la République de Bulgarie est susceptible d’avoir manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu tant de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2011/92 que de l’article 4, paragraphes 2 et 3, et de l’annexe III de celle-ci.

91 En ce qui concerne, en second lieu, la vérification préalable de la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2011/92, les États membres déterminent, soit sur la base d’un examen au cas par cas, soit sur la base des seuils ou des critères fixés par eux si les projets relevant de l’annexe II de cette directive doivent être soumis à une évaluation de leurs incidences
sur l’environnement. Figurent parmi ces projets, au point 3 de cette annexe, les installations destinées à l’exploitation de l’énergie éolienne pour la production d’énergie (parcs éoliens).

92 En ce qui concerne la fixation de ces seuils ou critères, il convient de rappeler que, certes, l’article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 85/337 confère aux États membres une marge d’appréciation à cet égard. Cependant, une telle marge d’appréciation trouve ses limites dans l’obligation, énoncée à l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, de soumettre à une étude d’incidences sur l’environnement les projets susceptibles d’avoir des incidences notables, notamment en raison de leur
nature, de leurs dimensions ou de leur localisation (arrêts Salzburger Flughafen, C‑244/12, EU:C:2013:203, point 29, et Marktgemeinde Straßwalchen e.a., C‑531/13, EU:C:2015:79, point 40).

93 Ainsi, les critères et les seuils mentionnés à l’article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 85/337 ont pour but de faciliter l’appréciation des caractéristiques concrètes que présente un projet en vue de déterminer s’il est soumis à l’obligation d’une évaluation de ses incidences sur l’environnement (arrêts Salzburger Flughafen, C‑244/12, EU:C:2013:203, point 30, et Marktgemeinde Straßwalchen e.a., C‑531/13, EU:C:2015:79, point 41).

94 Il s’ensuit que les autorités nationales compétentes, saisies d’une demande d’autorisation d’un projet relevant de l’annexe II de cette directive, doivent se livrer à un examen particulier du point de savoir si, compte tenu des critères figurant à l’annexe III de ladite directive, il doit être procédé à une évaluation des incidences sur l’environnement (arrêt Marktgemeinde Straßwalchen e.a., C‑531/13, EU:C:2015:79, point 42).

95 Quant à la question de savoir s’il convenait, eu égard à l’application combinée de l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 2011/92 et de l’annexe III, point 1, sous b), de celle-ci, d’examiner l’effet cumulatif des différents projets éoliens approuvés dans la ZICO Kaliakra, la Cour a déjà jugé qu’il y a lieu d’apprécier les caractéristiques d’un projet, notamment, par rapport à ses effets cumulatifs avec d’autres projets. En effet, l’absence de prise en considération de l’effet cumulatif
d’un projet avec d’autres projets peut avoir pour résultat pratique de le soustraire à l’obligation d’évaluation alors que, pris ensemble avec d’autres projets, il est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement (arrêt Marktgemeinde Straßwalchen e.a., C‑531/13, EU:C:2015:79, point 43 et jurisprudence citée).

96 Il s’ensuit qu’il incombe à une autorité nationale, lorsqu’elle vérifie si un projet doit être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement, d’examiner l’impact que celui-ci pourrait avoir conjointement avec d’autres projets (arrêt Marktgemeinde Straßwalchen e.a., C‑531/13, EU:C:2015:79, point 45). Or, en l’espèce, il ressort du dossier soumis à la Cour que les décisions en question se bornent à constater qu’il ne fallait s’attendre à aucun effet cumulatif. Ainsi que le relève
Mme l’avocat général au point 161 de ses conclusions, la simple allégation, par la République de Bulgarie, qu’il n’y aura pas d’effet cumulatif ne prouve cependant pas que cette conclusion a été établie sur la base d’une appréciation circonstanciée, ledit État membre n’apportant d’ailleurs aucun élément de preuve à cet égard.

97 Partant, il y a lieu de constater que, d’une part, en n’ayant pas évalué de manière appropriée l’effet cumulatif, sur le territoire de la ZICO Kaliakra qui n’a pas été classé en ZPS alors qu’il aurait dû l’être, des projets d’installations éoliennes «Windtech», «Brestiom», «Eco Energy» et «Longman Investment», lors de la vérification de la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement, la République de Bulgarie a manqué aux obligations lui incombant en vertu de
l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 2011/92 ainsi que de l’annexe III, point 1, sous b), de celle-ci, et, d’autre part, en ayant néanmoins autorisé la mise en œuvre du projet d’installations éoliennes «Longman Investment», cet État membre a manqué aux obligations lui incombant en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive.

98 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, en ayant:

— omis d’inclure l’intégralité des territoires des zones importantes pour la conservation des oiseaux dans la ZPS Kaliakra, la République de Bulgarie n’a pas classé en ZPS les territoires les plus appropriés en nombre et en superficie à la conservation, d’une part, des espèces biologiques visées à l’annexe I de la directive «oiseaux» et, d’autre part, des espèces migratrices non visées à cette annexe, mais dont la venue est régulière dans la zone d’application géographique maritime et terrestre
de cette directive et a ainsi manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de ladite directive;

— approuvé la réalisation des projets «AES Geo Energy», «Disib» et «Longman Investment» sur le territoire de la ZICO Kaliakra qui n’a pas été classé en ZPS alors qu’il aurait dû l’être, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive «oiseaux»;

— approuvé la réalisation des projets «Kaliakra Wind Power», «EVN Enertrag Kavarna» et «Vertikal – Petkov & Cie», ainsi que «Thracian Cliffs Golf & Spa Resort» sur le territoire, respectivement, des ZPS Kaliakra et Belite skali, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats»;

— omis, d’une part, d’évaluer correctement l’effet cumulatif des projets «Windtech», «Brestiom», «Eco Energy» et «Longman Investment» sur le territoire de la ZICO Kaliakra qui n’a pas été classé en ZPS alors qu’il aurait dû l’être, et néanmoins autorisé, d’autre part, la mise en œuvre du projet «Longman Investment», cet État membre a manqué aux obligations lui incombant en vertu, respectivement, d’une part, de l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 2011/92 ainsi que de l’annexe III,
point 1, sous b), de celle-ci et, d’autre part, de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive.

Sur les dépens

99 En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Bulgarie et l’essentiel des griefs qui lui étaient reprochés ayant été accueillis, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.

  Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

  1) En ayant:

— omis d’inclure l’intégralité des territoires des zones importantes pour la conservation des oiseaux dans la zone de protection spéciale couvrant la région de Kaliakra, la République de Bulgarie n’a pas classé en zone de protection spéciale les territoires les plus appropriés en nombre et en superficie à la conservation, d’une part, des espèces biologiques visées à l’annexe I de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des
oiseaux sauvages, et, d’autre part, des espèces migratrices non visées à cette annexe, mais dont la venue est régulière dans la zone d’application géographique maritime et terrestre de cette directive, de sorte que cet État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de ladite directive;

— approuvé la réalisation des projets «AES Geo Energy», «Disib» et «Longman Investment» sur le territoire de la zone importante pour la conservation des oiseaux couvrant la région de Kaliakra qui n’a pas été classé en zone de protection spéciale alors qu’il aurait dû l’être, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2009/147;

— approuvé la réalisation des projets «Kaliakra Wind Power», «EVN Enertrag Kavarna» et «Vertikal – Petkov & Cie», ainsi que «Thracian Cliffs Golf & Spa Resort» sur le territoire, respectivement, des zones de protection spéciale couvrant les régions de Kaliakra et de Belite skali, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi
que de la faune et de la flore sauvages;

— omis, d’une part, d’évaluer correctement l’effet cumulatif des projets «Windtech», «Brestiom», «Eco Energy» et «Longman Investment» sur le territoire de la zone importante pour la conservation des oiseaux couvrant la région de Kaliakra qui n’a pas été classé en zone de protection spéciale alors qu’il aurait dû l’être, et néanmoins autorisé, d’autre part, la mise en œuvre du projet «Longman Investment», la République de Bulgarie a manqué aux obligations lui incombant en vertu, respectivement,
d’une part, de l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, ainsi que de l’annexe III, point 1, sous b), de celle-ci et, d’autre part, de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive.

  2) Le recours est rejeté pour le surplus.

  3) La République de Bulgarie est condamnée aux dépens.

  Signatures

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( * )   Langue de procédure: le bulgare.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-141/14
Date de la décision : 14/01/2016
Type de recours : Recours en constatation de manquement - non fondé, Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d’État – Directive 2009/147/CE – Conservation des oiseaux sauvages – Zones de protection spéciale Kaliakra et Belite skali – Directive 92/43/CEE – Protection des habitats naturels et des espèces vivant à l’état sauvage – Site d’importance communautaire Kompleks Kaliakra – Directive 2011/92/UE – Évaluation des incidences de certains projets sur l’environnement – Applicabilité ratione temporis du régime de protection – Dégradation des habitats naturels des espèces et perturbation des espèces – Énergie éolienne – Tourisme.

Environnement


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : République de Bulgarie.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott
Rapporteur ?: Toader

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2016:8

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