ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)
30 novembre 2015 ( * )
«Fonction publique — Concours — Avis de concours EPSO/AD/241/12 — Décision de ne pas inscrire le requérant sur la liste de réserve — Principe d’égalité de traitement des candidats — Impartialité du jury — Recours manifestement non fondé»
Dans l’affaire F‑104/14,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,
Donncha O’Riain, agent temporaire du Parlement européen, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par Me A. Salerno, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par Mme C. Ehrbar et M. G. Gattinara, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (deuxième chambre),
composé de MM. K. Bradley, président, H. Kreppel et Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), juges,
greffier : Mme W. Hakenberg,
rend la présente
Ordonnance
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 7 octobre 2014, M. O’Riain demande l’annulation de la décision du jury du concours EPSO/AD/241/12 visant au recrutement de traducteurs de langue irlandaise (ci-après le « jury »), telle que confirmée le 27 juin 2014 après réexamen, de ne pas l’inscrire sur la liste des lauréats de ce concours.
Cadre juridique
2 En vertu de l’article 27 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») :
« Le recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique aussi large que possible parmi les ressortissants des États membres de l’Union. […]
[…] »
3 L’article 28 du statut dispose :
« Nul ne peut être nommé fonctionnaire :
[…]
d) [s]’il ne satisfait, sous réserve des dispositions de l’article 29, paragraphe 2, [du statut,] à un concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves dans les conditions prévues à l’annexe III [du statut] ;
[…] »
4 L’article 30 du statut est libellé comme suit :
« Pour chaque concours, un jury est nommé par l’autorité investie du pouvoir de nomination. Le jury établit la liste d’aptitude des candidats.
L’autorité investie du pouvoir de nomination choisit sur cette liste le ou les candidats qu’elle nomme aux postes vacants.
[…] »
5 L’annexe III du statut est consacrée aux procédures de concours. Son article 3 prévoit :
« Le jury est composé d’un président désigné par l’autorité investie du pouvoir de nomination et de membres désignés en nombre égal par l’autorité investie du pouvoir de nomination et par le comité du personnel.
[…]
Le jury peut faire appel, pour certaines épreuves, à un ou plusieurs assesseurs ayant voix consultative.
[…] »
6 L’article 6 de l’annexe III du statut est libellé comme suit :
« Les travaux du jury sont secrets. »
7 La décision 2002/620/CE du Parlement européen, du Conseil, de la Commission, de la Cour de justice, de la Cour des comptes, du Comité économique et social, du Comité des régions et du Médiateur, du 25 juillet 2002, portant création de l’Office de sélection du personnel des Communautés européennes [(EPSO)] (JO L 197, p. 53) dispose, en son article 2, relatif aux pouvoirs de l’EPSO :
« 1. L’[EPSO] exerce les pouvoirs de sélection dévolus par l’article 30, premier alinéa, du statut et par l’annexe III du statut aux autorités investies du pouvoir de nomination des institutions signataires de la présente décision. Seulement dans des cas exceptionnels et avec l’accord de l’[EPSO], les institutions peuvent organiser leurs propres concours généraux pour des besoins spécifiques et hautement spécialisés.
2. L’[EPSO] peut exercer les pouvoirs visés au paragraphe 1 lorsqu’ils sont dévolus à l’autorité investie du pouvoir de nomination d’un organisme, organe ou agence institué par les traités ou sur la base de ceux-ci, sur demande de ce dernier.
[…] »
8 L’article 4 de la décision 2002/620, intitulé « Demandes et réclamations, recours », établit :
« En application de l’article 91 bis du statut, les demandes et les réclamations relatives à l’exercice des pouvoirs dévolus en vertu de l’article 2, paragraphes 1 et 2, de la présente décision sont introduites auprès de l’[EPSO]. Tout recours dans ces domaines est dirigé contre la Commission [européenne]. »
Faits à l’origine du litige
9 Il ressort de la requête que le requérant est lauréat de la procédure de sélection EPSO/CAST/S/1/2011 pour le recrutement d’agents temporaires traducteurs de langue irlandaise, suite à laquelle il a été employé par le Parlement européen, et qu’il continuait, à la date de l’introduction du recours, à travailler pour ladite institution en qualité de traducteur de langue irlandaise. Auparavant, du 1er décembre 2007 au 30 novembre 2010, le requérant a travaillé au service de traduction du Conseil de
l’Union européenne en tant qu’expert national détaché.
10 Le requérant indique, sans être contredit par la Commission européenne, avoir mené avec succès des études approfondies en langue irlandaise, être, en outre, titulaire d’un diplôme de maîtrise en gaélique ancien, avoir obtenu son diplôme de doctorat avec une mention honorable de l’Université nationale d’Irlande, avoir bénéficié d’une bourse d’études pour suivre le programme « Diplôme supérieur en traduction en langue irlandaise » (« Higher Diploma in Irish Translation »), avoir obtenu ledit
diplôme avec mention et faire partie des 54 premières personnes à être accréditées par l’Institut du gaélique, seules six personnes travaillant dans les institutions européennes ayant obtenu cet agrément. Le requérant indique également avoir obtenu un diplôme de maîtrise d’études juridiques européennes (« European legal studies ») de l’Institut européen de Luxembourg (Luxembourg) et de Nancy (France) en 2010 et que seul un autre traducteur de langue irlandaise d’une des institutions serait
titulaire de ce diplôme.
11 Le requérant s’est porté candidat au concours EPSO/AD/241/12 organisé par l’EPSO en vue du recrutement de traducteurs de langue irlandaise (ci-après le « concours »), dont l’avis de concours a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 12 juillet 2012 (JO C 204 A, p. 41). Après qu’il avait passé l’ensemble des épreuves, le jury a décidé de ne pas l’inscrire sur la liste des lauréats, ce qui lui a été notifié à une date indéterminée.
12 Le 8 novembre 2013, le requérant a introduit une demande de réexamen, complétée le 13 novembre suivant, de la décision du jury de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve du concours. Dans ses écrits, le requérant reprochait au jury d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où, s’agissant de son épreuve de traduction de l’anglais vers l’irlandais, il n’avait obtenu que 34 points sur 80 et, s’agissant de son épreuve de traduction du français vers l’irlandais, que 33 points
sur 80.
13 Le 27 juin 2014, le requérant a reçu un courriel de l’EPSO signé au nom du président du jury lui faisant part de la réponse du jury à sa demande de réexamen. Le président du jury y indiquait que le jury avait confirmé sa décision initiale de ne pas placer le requérant sur la liste des lauréats du concours (ci-après la « décision attaquée »).
Conclusions des parties et procédure
14 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— donner suite à sa demande de recourir aux mesures d’organisation de la procédure et d’instruction dont il a fourni la liste au point 22 de la requête ;
— annuler la décision attaquée ;
— condamner la partie défenderesse à l’ensemble des dépens.
15 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— rejeter le recours comme manifestement non fondé ;
— condamner le requérant aux dépens.
16 Le Tribunal a adopté des mesures d’organisation de la procédure par lesquelles des précisions ont été demandées à la Commission par lettre du greffe du 13 juillet 2015, notamment sur la manière dont l’anonymat des candidats a été assuré tant lors de la correction des épreuves de traduction du concours par les assesseurs que lors de la validation par le jury des notes données par les assesseurs. Il a également été demandé à la Commission si, s’agissant du requérant, les notes données par les
assesseurs avaient été confirmées ou modifiées par le jury ; si, d’une manière générale, les commentaires relatifs aux compétences spécifiques accompagnant les notes dans le passeport de compétences, qui concernent les épreuves de traduction, ont été rédigés par les assesseurs ou par les membres du jury ; le nombre de membres du jury, titulaires et suppléants, ayant un niveau élevé de connaissance de la langue irlandaise, et enfin le rôle du jury en ce qui concerne les notes accordées aux
candidats pour leurs épreuves de traduction, étant donné qu’elles avaient déjà été corrigées par les assesseurs.
17 La Commission a dûment déféré aux mesures d’organisation de la procédure le 27 juillet 2015.
18 La réponse de la Commission a été communiquée au requérant par lettre du greffe du 29 juillet 2015. Le requérant a déposé des observations le 10 août 2015.
En droit
1. Sur la décision du Tribunal de statuer par voie d’ordonnance motivée
19 En vertu de l’article 81 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.
20 Il est de jurisprudence constante que, lorsqu’à la lecture du dossier d’une affaire la formation de jugement, s’estimant suffisamment éclairée par les pièces dudit dossier, est entièrement convaincue de l’irrecevabilité manifeste de la requête ou est d’avis que le recours est manifestement mal fondé et considère de surcroît que la tenue d’une audience ne serait pas de nature à offrir le moindre élément nouveau à cet égard, le rejet de la requête par voie d’ordonnance motivée, sur le fondement de
l’article 81 du règlement de procédure, non seulement contribue à l’économie du procès, mais épargne également aux parties les frais que la tenue d’une audience comporterait (voir ordonnance du 25 avril 2012, Oprea/Commission, F‑108/11, EU:F:2012:55, point 12, et la jurisprudence citée).
21 En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces produites par le requérant et décide, en application de l’article 81 du règlement de procédure, de statuer par voie d’ordonnance motivée sans poursuivre la procédure (ordonnance du 23 octobre 2012, Possanzini/Frontex, F‑61/11, EU:F:2012:146, point 28).
2. Sur le recours
Considérations liminaires
22 Le Tribunal constate, à titre liminaire, que la requête désigne l’EPSO comme partie défenderesse.
23 Or, conformément à l’article 4 de la décision 2002/620, les demandes et les réclamations contre les décisions de l’EPSO sont introduites auprès de ce dernier, alors que les recours contre les mêmes décisions sont dirigés contre la Commission, y compris lorsque la décision visée par le recours est une décision d’un jury de concours.
24 Il s’ensuit que le présent recours aurait dû être dirigé contre la Commission. En l’espèce, cette circonstance n’a pas eu d’incidence, étant donné que c’est bien la Commission et non pas l’EPSO qui s’est constituée devant le Tribunal et a déposé le mémoire en défense dans la présente affaire.
Sur les conclusions en annulation
25 À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant soulève deux moyens. Le premier, invoqué à titre principal, est tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et de l’obligation d’impartialité que doivent respecter les jurys de concours. Le second, excipé à titre subsidiaire, est tiré du détournement de pouvoir. Le Tribunal examinera d’abord le second moyen, puis le premier.
Sur le second moyen
26 Le Tribunal constate que, contrairement à la règle prévue à l’article 50, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, le second moyen n’est aucunement étayé par une quelconque argumentation et que le requérant se limite à affirmer, à l’appui de ce moyen, que « les développements consacrés au premier moyen peuvent aussi fonder un moyen tiré du détournement de pouvoir, le jury ayant fait de ses pouvoirs un usage autre que celui en vue duquel ils lui avaient été conférés ».
27 À cet égard, le Tribunal a déjà décidé qu’il ne lui appartenait pas de regrouper comme il l’entend les arguments et les griefs d’une requête sous l’un ou l’autre moyen (voir arrêt du 30 septembre 2013, BP/FRA, F‑38/12, EU:F:2013:138, point 149, confirmé sur ce point sur pourvoi par arrêt du 3 juin 2015, BP/FRA, T‑658/13 P, EU:T:2015:356, point 73).
28 Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer manifestement irrecevable le second moyen du recours.
Sur le premier moyen
– Arguments des parties
29 À l’appui de son premier moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et du devoir d’impartialité que doivent respecter les jurys de concours, le requérant expose que les notes que le jury a accordées à ses épreuves de traduction à partir de l’anglais et du français vers l’irlandais, notes qui l’ont empêché d’être inscrit sur la liste des lauréats du concours, ne correspondent pas à sa formation ni à sa longue expérience professionnelle dans le domaine de la traduction vers la
langue irlandaise, langue dont il est un fin connaisseur et dont il a une parfaite maîtrise.
30 Pour ces raisons, le requérant a du mal à comprendre comment, lors de l’évaluation de son épreuve de traduction d’un texte en langue anglaise, langue dont il soutient avoir également une parfaite maîtrise, vers l’irlandais le jury a pu écrire que « [sa] traduction […] était trop littérale et [que] quelques expressions et phrases étaient forcées et incompréhensibles ». Le requérant ajoute que, même après avoir comparé sa traduction avec le texte source, qu’il a pu retrouver sur Internet, il ne
voit pas comment il aurait pu l’améliorer.
31 Le requérant se plaint également de l’évaluation par le jury de son épreuve de traduction du français vers l’irlandais, selon laquelle ladite traduction contiendrait « beaucoup d’erreurs de grammaire et de sens et des expressions et des phrases incompréhensibles ». Le requérant, qui indique posséder un très bon niveau de français même si ce n’est pas sa langue « la plus forte », s’étonne d’avoir obtenu pratiquement la même note qu’à l’épreuve de traduction du texte en langue anglaise, alors qu’il
a une meilleure maîtrise de cette dernière langue.
32 Dans sa requête, le requérant fait valoir que, si la confrontation entre ses capacités et l’appréciation du jury devrait normalement conduire à caractériser une erreur manifeste d’appréciation du jury, tel ne serait pas le cas en l’absence de bonne foi du jury, celui-ci ayant volontairement attribué à ses prestations des notes ne correspondant aucunement à leur valeur intrinsèque, dans la mesure où il se serait volontairement départi de son obligation d’impartialité et d’objectivité. En effet, le
requérant considère que le jury était composé de personnes qui avaient de bonnes raisons de le jalouser et de vouloir lui porter préjudice en le faisant échouer.
33 Le requérant fonde cette affirmation sur plusieurs circonstances, à savoir : l’ambiance malsaine dans laquelle le concours se serait déroulé compte tenu du fait que, dans le milieu des institutions de l’Union, les personnes susceptibles de traduire vers l’irlandais constituent un microcosme ; trois membres titulaires du jury et un des membres suppléants auraient, dans le passé, eu des rapports professionnels conflictuels ou de concurrence soit avec le requérant soit avec un membre de sa famille ;
le requérant détiendrait des diplômes et des qualifications que bien des membres du jury ne possèdent pas, ce qui aurait pu les pousser à lui faire payer sa supériorité en le faisant échouer dans un concours pour lequel il avait tous les atouts.
34 Le requérant estime que les personnes ayant des raisons précises de lui en vouloir auraient dû s’abstenir de participer aux délibérations sur ses prestations et que le jury ne peut se retrancher derrière l’anonymat des épreuves, car, compte tenu des particularismes régionaux que connaît la langue irlandaise, chaque candidat était facilement identifiable à travers sa prose.
35 Enfin, le requérant indique que, son cas étant tout à fait exceptionnel, le principe du secret des travaux du jury ne devrait pas pouvoir lui être opposé et, à cet égard, il demande au Tribunal d’ordonner plusieurs mesures d’organisation de la procédure et d’instruction, à savoir : se faire communiquer l’intégralité du dossier du concours ; vérifier soigneusement si les notes de ses deux épreuves de traduction finalement fixées par le jury sont en cohérence avec la notation initialement proposée
par les assesseurs qui ont effectivement corrigé les épreuves et avec la grille de correction qui a dû être préalablement établie, le requérant ayant de très bonnes raisons de penser que ses propres notes ont été manipulées par le jury lui-même pour conduire à son échec ; vérifier quel membre du jury était effectivement présent lorsqu’ont eu lieu les délibérations conduisant à son échec ; faire déposer devant lui, sous la foi du serment, en levant l’obligation de secret à laquelle ils ont dû
souscrire, les membres du jury, que ce soient les auteurs éventuels des manipulations ou les membres du jury dont le requérant n’a pas de raison de mettre en doute l’impartialité.
36 La Commission considère que le premier moyen est à rejeter comme étant non fondé.
– Appréciation du Tribunal
37 Le Tribunal constate, à titre liminaire, que, comme cela a été exposé aux points 29 à 32 de la présente ordonnance, aux points 7 à 11 de la requête, le requérant se plaint du fait de ne pas avoir atteint le minimum requis, à savoir la note de 40/80 pour les épreuves de traduction vers la langue irlandaise à partir de l’anglais et du français, alors qu’il possèderait des connaissances exceptionnelles de l’irlandais, argument qui semble destiné à fonder une erreur manifeste d’appréciation du jury.
Le requérant exclut toutefois, de manière expresse, au point 12 de la requête, qu’une erreur d’appréciation du jury puisse être à l’origine de ses résultats aux épreuves de traduction précitées, résultats qu’il qualifie d’« aberrant[s] », car l’erreur d’appréciation présuppose la bonne foi du jury, alors que précisément ses résultats seraient dus à la mauvaise foi du jury, dont les membres auraient violé leur devoir d’impartialité.
38 Pour cette raison, le Tribunal ne vérifiera pas si la décision attaquée est entachée ou non d’une erreur manifeste d’appréciation et limitera son examen au moyen spécifiquement invoqué à titre principal à l’appui des conclusions en annulation de la décision attaquée, à savoir celui tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et du devoir d’impartialité du jury.
39 Le principe d’impartialité d’un jury de concours constitue une expression du principe d’égalité de traitement et figure parmi les garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union (arrêt du 30 avril 2008, Dragoman/Commission, F‑16/07, EU:F:2008:51, point 41).
40 Le requérant cherche à démontrer qu’il y aurait eu violation par le jury de son devoir d’impartialité en affirmant que trois des sept membres titulaires, dont le président du jury, et un des huit membres suppléants, dont le président du jury suppléant, membres dont il fournit les noms, auraient voulu lui porter préjudice en le faisant échouer.
41 En vertu de l’article 11 bis, paragraphe 1, du statut, applicable respectivement aux agents temporaires et aux agents contractuels en vertu des articles 11 et 81 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, dans l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire ne traite aucune affaire dans laquelle il a, directement ou indirectement, un intérêt personnel, notamment familial ou financier, de nature à compromettre son indépendance.
42 Il est de jurisprudence constante qu’une relation de connaissance entre un membre du jury et un candidat ne suffit pas, à elle seule, à démontrer que ledit membre a un « intérêt personnel », au sens de l’article 11 bis du statut, qui vise à garantir l’indépendance, l’intégrité et l’impartialité des fonctionnaires, qui serait susceptible en tant que tel de remettre en cause son impartialité. En effet, la circonstance qu’un membre du jury connaisse personnellement un des candidats n’implique pas
nécessairement que ledit membre aura un préjugé favorable, voire défavorable, à l’égard de la prestation dudit candidat (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2012, Soukup/Commission, F‑1/11, EU:F:2012:157, point 38).
43 C’est uniquement lorsqu’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, que ne serait-ce qu’un seul des membres du jury est en conflit d’intérêts, en ce sens qu’il a, directement ou indirectement, un intérêt personnel à favoriser ou à défavoriser l’un des candidats, que l’obligation d’impartialité, telle que consacrée à l’article 11 bis du statut, exige que celui-ci ne puisse pas s’exprimer sur les mérites de ce candidat (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014,
CG/BEI, F‑115/11, EU:F:2014:187, point 65).
44 En l’espèce, le Tribunal relève, en premier lieu, que, à l’appui du premier moyen, le requérant se limite, tel qu’il ressort notamment du point 33 de la présente ordonnance, à avancer toute une série d’affirmations subjectives ainsi que des suppositions, voire des accusations, non étayées par aucun indice ni commencement de preuve.
45 En second lieu, il est constant que le requérant, qui a pu prendre connaissance des noms des membres titulaires et des membres suppléants du jury le 1er février 2013, lorsque la liste de ces membres a été publiée par l’EPSO sur son site Internet, n’a pas signalé immédiatement ni, en tout état de cause, avant de participer aux épreuves d’éventuels conflits d’intérêts susceptibles de l’opposer à certains membres du jury, ce qui aurait eu pour effet, en cas de conflit d’intérêts avéré, que les
membres du jury concernés auraient dû s’abstenir de participer aux délibérations relatives à l’évaluation de ses épreuves. Il a, en revanche, attendu d’avoir échoué aux épreuves du concours pour porter de très graves accusations à l’encontre de certains des membres du jury, qui, faute ne serait-ce que d’un commencement de preuve, s’avèrent ainsi purement gratuites.
46 Le requérant fait en outre valoir que les particularismes régionaux de la langue irlandaise auraient permis aux membres du jury d’identifier chaque candidat à travers sa prose, ce qui aurait eu pour effet d’anéantir l’anonymat des épreuves.
47 À cet égard, il ressort de la décision attaquée que chaque épreuve de traduction a été corrigée par au moins deux assesseurs indépendants qui sont des traducteurs et qui ont travaillé sur les copies anonymisées en utilisant une grille de correction établie par le jury et appliquée à tous les candidats.
48 En ce qui concerne le respect de l’anonymat par le jury, il ressort de la réponse de la Commission aux mesures d’organisation de la procédure que, lors de la correction, chaque copie de chaque candidat portait un numéro secret, non connu du jury, et que, ni lors de la finalisation des résultats par le jury, ni lors de la saisie informatique des notes finales, les membres du jury n’ont eu accès à la liste de correspondance entre le numéro secret et le nom du candidat.
49 Il ressort également de la réponse de la Commission aux mesures d’organisation de la procédure que les notes données par les deux assesseurs aux épreuves de traduction du requérant ont été revues par le jury, de même que celles des autres candidats. La Commission affirme que, s’agissant de la traduction de l’anglais vers l’irlandais, la note donnée par les assesseurs a été diminuée par le jury en raison de ce que la qualité de la traduction a été jugée insuffisante, diminution qui a été appliquée
de manière uniforme aux candidats, et que, s’agissant de la traduction du français vers l’irlandais, la note accordée par les assesseurs au requérant a été confirmée par le jury sans modification.
50 Dans ses observations à la réponse de la Commission aux mesures d’organisation de la procédure, le requérant, d’une part, insiste sur la possibilité, qu’il avait déjà avancée dans la requête, pour les membres du jury de percer l’anonymat des candidats en raison des particularismes régionaux de la langue irlandaise ; d’autre part, il réitère ses doutes quant à l’impartialité du jury lorsqu’il a vérifié le bien-fondé des notes attribuées par les assesseurs ; enfin, il reproche à la Commission de ne
pas indiquer si son échec à l’épreuve de traduction de l’anglais vers l’irlandais résultait déjà de la notation par les assesseurs ou si c’est la correction par le jury qui a conduit à lui attribuer une note inférieure à la note minimale requise.
51 En ce qui concerne, en premier lieu, les particularismes régionaux de la langue irlandaise et le rôle qu’ils auraient joué lors de la correction des épreuves de traduction, le Tribunal se doit de constater que le requérant ne fait pas état des particularismes dont il s’agit, ne donne pas d’exemples de la manière dont ses épreuves de traduction auraient pu être identifiées par certains membres du jury le connaissant et n’indique pas non plus être le seul parmi les 20 candidats ayant passé
l’ensemble des épreuves du concours pour lequel de tels particularismes régionaux transparaîtraient dans l’expression écrite.
52 Pour ce qui est, en deuxième lieu, des arguments du requérant relatifs aux méthodes de travail du jury lors de la révision des notes données par les assesseurs et qui mettraient en cause l’impartialité de ses membres, le Tribunal observe que, quelle qu’ait été la méthode suivie par le jury, il ressort du tableau joint en annexe par la Commission à sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure que, parmi les vingt candidats ayant complété les épreuves du concours, seuls dix ont eu une note
égale ou supérieure à la note minimale requise pour l’épreuve de traduction de l’anglais vers l’irlandais et que seuls sept ont eu une note égale ou supérieure à la note minimale requise pour l’épreuve de traduction du français vers l’irlandais, ce qui montre à l’évidence la sévérité dont le jury a fait preuve envers tous les candidats lors de la notation des épreuves de traduction.
53 Enfin, l’argument du requérant relatif à la question de savoir si la note donnée par les assesseurs à son épreuve de traduction de l’anglais vers l’irlandais était déjà inférieure à la note minimale requise est inopérant. En effet, quelle que soit la note donnée par les assesseurs, seule la note octroyée par le jury est à prendre en compte, car le jury est le seul à avoir une vue d’ensemble de toutes les épreuves, qu’il doit garantir la qualité de la traduction de manière uniforme parmi tous les
candidats et conserve le pouvoir d’appréciation final, dans la mesure où il n’est pas lié par les propositions des assesseurs.
54 Il découle de ce qui précède que les arguments avancés par le requérant ne sauraient amener le Tribunal à conclure à une violation du principe d’égalité de traitement des candidats au concours ni du devoir d’impartialité du jury. Le premier moyen doit donc être rejeté comme étant manifestement non fondé.
55 Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’ordonner les mesures d’organisation de la procédure sollicitées par le requérant ni d’entendre les membres du jury comme témoins, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.
Sur les dépens
56 Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux
dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
57 Il résulte des motifs énoncés dans la présente ordonnance que le requérant a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (deuxième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.
2) M. O’Riain supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission européenne.
Fait à Luxembourg, le 30 novembre 2015.
Le greffier
W. Hakenberg
Le président
K. Bradley
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( * ) Langue de procédure : le français.