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09/07/2015 | CJUE | N°C-249/14

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Pêra-Grave - Sociedade Agrícola, Unipessoal Lda contre Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI)., 09/07/2015, C-249/14


ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

9 juillet 2015 (*)

«Pourvoi – Marque communautaire – Marque communautaire figurative QTA S. JOSÉ DE PERAMANCA – Demande d’enregistrement – Opposition du titulaire des marques figuratives nationales antérieures VINHO PÊRAMANCA TINTO, VINHO PÊRAMANCA BRANCO et PÊRAMANCA – Motifs relatifs de refus – Risque de confusion»

Dans l’affaire C‑249/14 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 22 mai 2014,

ra-Grave – Sociedade Agrícola, Unipessoal Lda, établie à Evora (Portugal), représentée par M^e J. de Oliveira ...

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

9 juillet 2015 (*)

«Pourvoi – Marque communautaire – Marque communautaire figurative QTA S. JOSÉ DE PERAMANCA – Demande d’enregistrement – Opposition du titulaire des marques figuratives nationales antérieures VINHO PÊRAMANCA TINTO, VINHO PÊRAMANCA BRANCO et PÊRAMANCA – Motifs relatifs de refus – Risque de confusion»

Dans l’affaire C‑249/14 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 22 mai 2014,

Pêra-Grave – Sociedade Agrícola, Unipessoal Lda, établie à Evora (Portugal), représentée par M^e J. de Oliveira Vaz Miranda de Sousa, advogado,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

Fundação Eugénio de Almeida, établie à Evora, représentée par M^es B. Braga da Cruz et J. M. Pimenta, advogados,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. S. Rodin, président de chambre, M. A. Borg Barthet (rapporteur) et M^me M. Berger, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, Pêra-Grave – Sociedade Agrícola, Unipessoal Lda demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Pêra-Grave/OHMI – Fundação Eugénio de Almeida (QTA S. JOSÉ DE PERAMANCA) (T‑602/11, EU:T:2014:97, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), du 19 septembre 2011 (affaire
R 1797/2010-2), relative à une procédure d’opposition entre la Fundação Eugénio de Almeida et la requérante (ci-après la «décision litigieuse»).

Le cadre juridique

2 Le règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), entré en vigueur le 13 avril 2009. Néanmoins, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement de la marque en cause, le présent litige demeure régi par le règlement n° 40/94, tel que modifié par le règlement (CE) n° 422/2004 du
Conseil, du 19 février 2004 (JO L 70, p. 1, ci-après le «règlement n° 40/94»).

3 L’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, intitulé «Motifs relatifs de refus», prévoit:

«Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement:

[...]

b) lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.»

Les antécédents du litige

4 Le 6 octobre 2008, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’OHMI, en vertu du règlement n° 40/94.

5 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant:

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6 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci-après l’«arrangement de Nice»), et correspondent à la description «Boissons alcooliques (à l’exception des bières)».

7 La demande d’enregistrement de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 50/2008, du 15 décembre 2008.

8 Le 10 mars 2009, la Fundação Eugénio de Almeida a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94, à l’enregistrement de la marque en cause pour les produits visés au point 6 du présent arrêt.

9 L’opposition était fondée sur les droits antérieurs suivants:

– la marque figurative portugaise, enregistrée le 7 juin 1994 (erronément indiqué dans l’arrêt attaqué comme étant le 7 juin 1992) sous le numéro 283 684, pour des produits relevant de la classe 33 de l’arrangement de Nice correspondant à la description «Vins blancs ou rouges» (ci-après la «première marque antérieure»), reproduite ci-après:

– la marque figurative portugaise, enregistrée le 1^er avril 1996 sous le numéro 308 864, pour des produits relevant de la classe 33 de l’arrangement de Nice correspondant à la description «Vins blancs» (ci-après la «deuxième marque antérieure»), reproduite ci-après:

– la demande de marque figurative portugaise numéro 405 797 du 31 août 2006, pour des produits relevant de la classe 33 de l’arrangement de Nice correspondant à la description «Boissons alcooliques (à l’exception des bières)». Cette marque, enregistrée le 27 janvier 2010 (ci-après la «troisième marque antérieure»), est reproduite ci-après:

10 Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

11 Par décision du 2 août 2010, la division d’opposition a rejeté l’opposition. Elle a considéré, d’une part, que eu égard à la production tardive des éléments de preuve, la Fundação Eugénio de Almeida n’avait pas établi que les marques antérieures jouissaient d’une «renommée», au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. D’autre part, elle a estimé qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en cause dans la mesure où l’identité entre les produits visés était
compensée par une très faible similitude entre les signes en conflit.

12 Le 16 septembre 2010, la Fundação Eugénio de Almeida a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d’opposition.

13 Par la décision litigieuse, la deuxième chambre de recours de l’OHMI (ci-après la «chambre de recours») a annulé la décision de la division d’opposition et a rejeté la demande d’enregistrement de la marque en cause pour tous les produits concernés. Elle a estimé qu’il n’y avait pas lieu de prendre en considération les preuves de la réputation et du caractère distinctif renforcé des marques antérieures dès lors qu’elles avaient été produites tardivement. En revanche, elle a considéré,
contrairement à la division d’opposition, que le risque de confusion ne pouvait pas être exclu dans la mesure où le faible degré de similitude entre les signes en conflit était compensé par l’identité des produits visés. Selon la chambre de recours, étant donné que le seul élément commun aux signes en conflit, l’élément «pêra-manca» ou «peramanca», était l’élément le plus important dans leur perception par le public pertinent et possédait un degré moyen de caractère distinctif, lesdits signes
présentaient certaines similitudes. Ces similitudes ont été qualifiées de très faibles en ce qui concerne la comparaison visuelle, dans la mesure où les éléments figuratifs des signes en conflit n’étaient pas de nature à prévaloir dans le souvenir imparfait qu’aurait le public pertinent de ceux-ci et de faibles en ce qui concerne la comparaison phonétique. S’agissant de la comparaison conceptuelle, l’élément «pêra-manca» ou «peramanca» pouvait, selon la chambre de recours, être perçu comme faisant
référence à un nom de lieu et, de ce fait, susciter un «chevauchement» conceptuel entre les signes en conflit.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

14 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 novembre 2011, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

15 À l’appui de son recours, elle a invoqué un moyen unique tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

16 Dans la mesure où il suffit que le risque de confusion soit établi en ce qui concerne une seule marque antérieure pour que la demande d’enregistrement d’une marque soit refusée par l’OHMI, le Tribunal a examiné, dans un premier temps, l’existence d’un tel risque avec la troisième marque antérieure, qui présente selon lui, de prime abord, le plus de similitude avec la marque dont l’enregistrement est demandé.

17 Le Tribunal a considéré que les signes en conflit étaient très faiblement similaires sur le plan visuel, faiblement similaires sur le plan phonétique et qu’il pouvait exister un certain recoupement entre eux sur le plan conceptuel. Il a jugé que le niveau de similitude entre lesdits signes était suffisant pour que le risque de confusion entre eux ne puisse pas être exclu et a, par conséquent, rejeté le moyen unique et, dès lors, le recours, sans qu’il soit besoin, notamment, d’apprécier
l’existence d’un risque de confusion entre la marque dont l’enregistrement est demandé et les première et deuxième marques antérieures.

Les conclusions des parties

18 Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour:

– de faire droit au recours et d’annuler l’arrêt attaqué;

– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

– de condamner l’OHMI aux dépens exposés tant dans le cadre de la procédure devant le Tribunal que dans le cadre de la procédure de pourvoi.

19 L’OHMI demande à la Cour:

– de rejeter le pourvoi comme étant irrecevable;

– à titre subsidiaire, de rejeter le pourvoi comme étant non fondé, et

– de condamner la requérante aux dépens.

Sur le pourvoi

20 À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève un moyen unique tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, lequel est divisé en trois branches.

Sur la première branche du moyen unique

Argumentation des parties

21 Par la première branche de son moyen unique, la requérante soutient que le Tribunal n’a pas correctement établi l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit. En jugeant, aux points 60 et 61 de l’arrêt attaqué, que le «niveau de similitude est suffisant pour que le risque de confusion entre les marques en conflit ne puisse pas être exclu» et qu’ «il ne saurait être exclu que le consommateur pertinent perçoive la marque demandée comme se rapportant à une gamme de produits
provenant de l’entreprise titulaire de la troisième marque antérieure», le Tribunal accroîtrait excessivement la portée de la protection conférée aux marques par le droit de l’Union. Il aboutirait ainsi à une inversion injustifiée de la charge de la preuve obligeant les demandeurs de marques à apporter la preuve d’un fait négatif, à savoir celle d’une absence de risque de confusion.

22 L’OHMI soutient que la première branche du moyen unique doit être rejetée comme étant manifestement irrecevable. Il relève, à cet égard, que la chambre de recours a conclu dans la décision litigieuse qu’«un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement [n° 40/94] ne peut pas être exclu» et que le Tribunal a confirmé cette analyse en reprenant la même formulation au point 61 de l’arrêt attaqué. Cependant, dans le cadre de son recours devant le Tribunal, la
requérante n’aurait pas contesté le raisonnement de la chambre de recours en faisant valoir qu’il aboutissait à un renversement de la charge de la preuve. L’OHMI estime, par conséquent, que cette première branche ne faisait pas partie de l’objet du litige devant le Tribunal, dont la modification au stade du pourvoi est interdite en vertu de l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

23 À titre subsidiaire, l’OHMI soutient que la première branche n’est pas fondée dans la mesure où la formulation «il ne saurait être exclu» figurant dans l’arrêt attaqué ne peut être interprétée à l’encontre de la substance de la décision, qui ne présume pas l’existence d’un risque de confusion.

Appréciation de la Cour

24 S’agissant, en premier lieu, de la recevabilité de la première branche, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est, en principe, limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des
moyens qui ont été débattus devant lui. Toutefois, un argument qui n’a pas été soulevé en première instance ne constitue pas un moyen nouveau qui est irrecevable au stade du pourvoi s’il ne constitue que l’ampliation d’une argumentation déjà développée dans le cadre d’un moyen présenté dans la requête devant le Tribunal (arrêt Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, points 113 et 114 ainsi que jurisprudence citée).

25 En l’occurrence, la requérante avait soulevé dans sa requête de première instance un moyen unique tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, par lequel elle soutenait notamment que le degré de similitude globale entre les signes en conflit n’était pas suffisant pour conclure à l’existence d’un risque de confusion, ainsi que cela ressortait des points 14 et 55 de l’arrêt attaqué. Partant, si la requérante n’a pas expressément soulevé, en première
instance, que le raisonnement de la chambre de recours constituait un renversement de la charge de la preuve, force est de constater qu’elle contestait l’appréciation effectuée par cette chambre lors de l’évaluation de l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit. Il y a dès lors lieu de considérer l’argumentation tirée de ce que le Tribunal n’aurait pas correctement établi l’existence d’un tel risque, invoquée par la requérante dans le cadre du pourvoi, comme un développement
dudit moyen.

26 Il y a lieu, en conséquence, de considérer la première branche du moyen unique comme étant recevable.

27 S’agissant, en second lieu, du bien-fondé de la première branche, il convient de constater que le Tribunal a considéré, au point 60 de l’arrêt attaqué, que le «niveau de similitude est suffisant pour que le risque de confusion entre les marques en conflit ne puisse pas être exclu» et, au point 61 du même arrêt, qu’«il ne saurait être exclu que le consommateur pertinent perçoive la marque demandée comme se rapportant à une gamme de produits provenant de l’entreprise titulaire de la troisième
marque antérieure».

28 Ainsi que le fait valoir l’OHMI à cet égard, l’utilisation des expressions «ne puisse pas être exclu» ou «il ne saurait être exclu» ne saurait être interprétée indépendamment de la substance de l’arrêt attaqué. En effet, au point 19 de celui-ci, le Tribunal a, d’abord, indiqué que dans la mesure où il suffit que le risque de confusion soit établi en ce qui concerne une seule marque antérieure pour que la demande d’enregistrement d’une marque soit refusée par l’OHMI, il convient, dans un
premier temps, d’examiner l’existence du risque de confusion avec la troisième marque antérieure. Il a, ensuite, procédé à l’examen de la comparaison des signes en conflit, aux points 23 à 52 de l’arrêt attaqué, ainsi qu’à l’appréciation globale du risque de confusion, aux points 53 à 61 de cet arrêt, en rappelant la jurisprudence pertinente à cet égard. Enfin, au point 62 dudit arrêt, le Tribunal a rejeté le moyen unique et partant le recours, estimant qu’il n’y avait pas lieu, notamment,
d’examiner l’argument de l’intervenante tiré d’une certaine renommée dont jouiraient les marques antérieures au Portugal, étant donné que le Tribunal avait confirmé l’appréciation de la chambre de recours qui avait conclu à l’existence d’un risque de confusion sans prendre en considération une telle renommée.

29 Il s’ensuit que, si l’utilisation, à titre conclusif, desdites expressions dans l’arrêt attaqué n’est pas exempte d’équivoque, il ressort néanmoins clairement du raisonnement du Tribunal que celui-ci a effectué une appréciation globale du risque de confusion entre les signes en conflit et a établi l’existence de celui-ci.

30 Eu égard à ce qui précède, la première branche du moyen unique invoqué par la requérante au soutien de son pourvoi doit être rejetée.

Sur la deuxième branche du moyen unique

Argumentation des parties

31 Par la deuxième branche de son moyen unique, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte des effets et de l’importance des différences conceptuelles entre les signes dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion entre les marques en conflit. Elle invoque, à cet égard, la jurisprudence selon laquelle les différences conceptuelles entre deux marques sont de nature à neutraliser dans une large mesure les similitudes visuelles et phonétiques qu’elles
présentent, pour autant qu’au moins l’un des signes en cause a, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que le public est susceptible de la saisir directement (arrêt T.I.M.E. ART/OHMI, C‑171/06 P, EU:C:2007:171, point 49).

32 Dès lors que le Tribunal aurait considéré, au point 47 de l’arrêt attaqué, que le public pertinent perçoit le syntagme «qta s. josé de peramanca» comme constituant un ensemble logique et conceptuel faisant référence à un domaine portant le nom de San José de Peramanca, la teneur conceptuelle de la marque dont l’enregistrement est demandé devrait suffire, selon la requérante, à neutraliser le très faible degré de similitude sur le plan visuel et le faible degré de similitude sur le plan
phonétique.

33 L’OHMI soutient que la requérante invoque pour la première fois devant la Cour une telle jurisprudence. Cette argumentation ne faisant pas partie de l’objet du litige devant le Tribunal, elle serait donc manifestement irrecevable. La deuxième branche du moyen unique de la requérante serait également irrecevable en ce qu’elle tend à obtenir de la Cour un nouvel examen des faits.

34 À titre subsidiaire, l’OHMI fait valoir que ladite branche n’est pas fondée dès lors que la requérante interpréterait l’arrêt attaqué de manière erronée, le Tribunal n’ayant pas constaté une différence conceptuelle entre les signes.

Appréciation de la Cour

35 S’agissant, en premier lieu, de la recevabilité de la deuxième branche, il convient de relever, d’une part, que la requérante avait soulevé dans sa requête de première instance un moyen unique tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, par lequel elle soutenait, notamment, que la chambre de recours avait commis une erreur en minimisant l’importance globale de nombreuses différences sur les plans visuel, phonétique et conceptuel entre les signes en
conflit, ainsi que cela ressort des points 14 et 22 de l’arrêt attaqué.

36 Si la requérante n’a pas mentionné expressément en première instance la jurisprudence résultant de l’arrêt T.I.M.E. ART/OHMI (C‑171/06 P, EU:C:2007:171), force est de constater qu’elle contestait l’appréciation effectuée par la chambre de recours en ce qui concerne l’importance des différences conceptuelles. Dès lors, les arguments invoqués par la requérante relatifs à cet arrêt ne constituent que l’ampliation d’une argumentation déjà développée dans le cadre du moyen présenté dans la
requête de première instance, conformément à la jurisprudence rappelée au point 24 du présent arrêt.

37 D’autre part, en soutenant que le Tribunal aurait dû jugé que la teneur conceptuelle de la marque dont l’enregistrement est demandé devait suffire à neutraliser les faibles similitudes sur le plan visuel et phonétique des marques en conflit dès lors qu’il avait considéré que le public pertinent percevait le syntagme «qta s. josé de peramanca» comme constituant un ensemble logique et conceptuel, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en n’appliquant pas la
jurisprudence résultant de l’arrêt T.I.M.E. ART/OHMI (C‑171/06 P, EU:C:2007:171). Il s’agit, dès lors, d’une question de droit qui peut être soumise à la Cour dans le cadre d’un pourvoi, conformément aux articles 256 TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

38 Par conséquent, la deuxième branche du moyen unique doit être considérée comme étant recevable.

39 S’agissant, en second lieu, du bien-fondé de la deuxième branche, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion implique que les différences conceptuelles entre deux signes peuvent neutraliser des similitudes visuelles et auditives entre eux, pour autant qu’au moins l’un de ces signes a, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public est susceptible de la saisir
directement (voir, en ce sens, arrêts Ruiz-Picasso e.a./OHMI, C‑361/04 P, EU:C:2006:25, point 20; Mülhens/OHMI, C‑206/04 P, EU:C:2006:194, point 35, ainsi que T.I.M.E. ART/OHMI, C‑171/06 P, EU:C:2007:171, point 49).

40 Il s’ensuit que, pour pouvoir appliquer cette jurisprudence, il est nécessaire que le Tribunal constate qu’au moins un des signes en cause ait, dans l’esprit du public pertinent, une signification claire et déterminée.

41 Il convient de relever qu’une telle constatation ne ressort pas de l’arrêt attaqué.

42 En effet, au point 47 dudit arrêt, le Tribunal a non pas reconnu que le public pertinent percevait le syntagme «qta s. josé de peramanca» comme constituant un ensemble logique et conceptuel, faisant référence à un domaine portant le nom San José de Peramanca, mais a, au contraire, rejeté l’argument de la requérante selon lequel le fait que le public pertinent percevait ledit syntagme comme constituant un ensemble logique et conceptuel, faisant référence à un domaine portant le nom San José
de Peramanca, empêchait que l’attention de ce public fût attirée en particulier par l’élément «peramanca».

43 Au point 52 de ce même arrêt, le Tribunal a relevé une incohérence dans l’argumentation de la requérante en ce qui concerne la portée du terme «peramanca». Il a indiqué qu’elle soutenait, d’une part, que ce terme possédait une signification, car il faisait référence à une région du Portugal réputée pour la qualité des vins qui y sont produits, et, d’autre part, que ce terme était dénué de signification et ne présentait qu’un degré moyen de caractère distinctif.

44 Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir appliqué dans l’arrêt attaqué la jurisprudence résultant de l’arrêt T.I.M.E. ART/OHMI (C‑171/06 P, EU:C:2007:171).

45 Partant, la deuxième branche du moyen unique doit être rejetée comme étant non fondée.

Sur la troisième branche du moyen unique

Argumentation des parties

46 Par la troisième branche de son moyen unique, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir examiné dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion entre les signes en conflit, s’il était raisonnable d’envisager que les consommateurs pertinents puissent établir à l’avenir un lien entre le nom géographique «peramanca» et les produits en cause. La requérante se réfère à cet égard à l’arrêt Windsurfing Chiemsee (C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230).

47 L’OHMI considère que l’argumentation soulevée par la requérante au soutien de ladite branche est irrecevable dans la mesure où elle ne faisait pas partie de l’objet du litige devant le Tribunal. De surcroît, la requérante ne contesterait pas l’appréciation du Tribunal figurant au point 52 de l’arrêt attaqué selon laquelle il aurait relevé que l’argumentation qu’elle a présentée en ce qui concerne la signification du terme «peramanca» était incohérente.

48 En tout état de cause, la troisième branche du moyen unique soulevé par la requérante serait manifestement non fondée dans la mesure où le Tribunal n’aurait pas commis d’erreur de droit.

Appréciation de la Cour

49 Il convient de relever d’emblée que la troisième branche du moyen unique est inopérante dans la mesure où le Tribunal, dans l’exercice de son appréciation souveraine des faits, a constaté, au point 52 de l’arrêt attaqué, que l’argumentation de la requérante relative à la portée du terme «peramanca» était incohérente. La requérante n’ayant pas contesté ce point dans le cadre de son pourvoi, l’argumentation qu’elle a développée au soutien de la troisième branche de moyen ne saurait prospérer.

50 Il s’ensuit que la troisième branche du moyen unique doit être écartée.

51 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le moyen unique soulevé par la requérante au soutien de son pourvoi et, partant, le pourvoi dans son intégralité.

Sur les dépens

52 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant conclu à la condamnation de Pêra-Grave aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Pêra-Grave – Sociedade Agrícola, Unipessoal Lda est condamnée aux dépens.

Signatures

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* Langue de procédure: l’anglais.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-249/14
Date de la décision : 09/07/2015
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi - Marque communautaire - Marque communautaire figurative QTA S. JOSÉ DE PERAMANCA - Demande d’enregistrement - Opposition du titulaire des marques figuratives nationales antérieures VINHO PÊRAMANCA TINTO, VINHO PÊRAMANCA BRANCO et PÊRAMANCA - Motifs relatifs de refus - Risque de confusion.

Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale

Marques


Parties
Demandeurs : Pêra-Grave - Sociedade Agrícola, Unipessoal Lda
Défendeurs : Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi
Rapporteur ?: Borg Barthet

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2015:459

Source

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