ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
2 juillet 2015 ( *1 )
«Renvoi préjudiciel — TVA — Directive 2006/112/CE — Livraison de biens ou prestation de services — Contrat de crédit-bail — Restitution au bailleur d’un bien immeuble faisant l’objet d’un contrat de crédit-bail — Notion d’‘annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel’ — Droit du bailleur à la réduction de la base imposable — Double imposition — Prestations distinctes — Principe de neutralité fiscale»
Dans l’affaire C‑209/14,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Vrhovno sodišče (Slovénie), par décision du 16 avril 2014, parvenue à la Cour le 25 avril 2014, dans la procédure
NLB Leasing d.o.o.
contre
Republika Slovenija,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. J.‑C. Bonichot (rapporteur), A. Arabadjiev, J. L. da Cruz Vilaça et C. Lycourgos, juges,
avocat général: M. N. Jääskinen,
greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
— pour NLB Leasing d.o.o., par M. J. Podlipnik, conseiller fiscal,
— pour le gouvernement slovène, par Mme T. Mihelič Žitko, en qualité d’agent,
— pour la Commission européenne, par Mmes C. Soulay et L. Lozano Palacios, ainsi que par M. M. Žebre, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, paragraphe 1, 14, 24, paragraphe 1, et 90, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1, ci‑après la «directive TVA»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant NLB Leasing d.o.o. (ci-après «NLB») à la Republika Slovenija, représentée par le Ministrstvo za finance (ministère des Finances) au sujet du refus de ce dernier de lui accorder une régularisation du montant de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») acquittée à la suite de la conclusion de deux contrats de crédit‑bail.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive TVA:
«Sont soumises à la TVA les opérations suivantes:
a) les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel;
[...]
c) les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel;
[...]»
4 L’article 14 de la directive TVA dispose:
«1. Est considéré comme ‘livraison de biens’, le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire.
2. Outre l’opération visée au paragraphe 1, sont considérées comme livraison de biens les opérations suivantes:
[...]
b) la remise matérielle d’un bien en vertu d’un contrat qui prévoit la location d’un bien pendant une certaine période ou la vente à tempérament d’un bien, assorties de la clause que la propriété est normalement acquise au plus tard lors du paiement de la dernière échéance;
[...]»
5 L’article 24, paragraphe 1, de la directive TVA prévoit:
«Est considérée comme ‘prestation de services’ toute opération qui ne constitue pas une livraison de biens.»
6 Aux termes de l’article 90 de la directive TVA:
«1. En cas d’annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s’effectue l’opération, la base d’imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres.
2. En cas de non-paiement total ou partiel, les États membres peuvent déroger au paragraphe 1.»
Le droit slovène
7 En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée (Zakon o davku na dodano vrednost, ci-après le «ZDDV‑1»), sont soumises à la TVA les opérations suivantes:
«1. les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire de la République de Slovénie [...] par un assujetti ou une assujettie [...] dans le cadre de son activité économique;
[...]
3. les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire de la République de Slovénie par un assujetti dans le cadre de son activité économique;
[...]»
8 Aux termes de l’article 6 du ZDDV‑1:
«1. Est considéré comme ‘livraison de biens’, le transfert du pouvoir de disposer de biens corporels comme si le preneur en était le propriétaire.
2. Sont également considérées comme livraison de biens:
[...]
b) la remise matérielle d’un bien en vertu d’un contrat qui prévoit la location d’un bien pour une certaine période [...], assortie de la clause que la propriété est normalement acquise au plus tard lors du paiement de la dernière échéance;
[...]»
9 L’article 14, paragraphe 1, du ZDDV‑1 dispose qu’est considérée comme «prestation de services» toute opération qui ne constitue pas une livraison de biens.
10 L’article 39, paragraphes 2 et 3, du ZDDV‑1 est libellé comme suit:
«2. En cas d’annulation, de restitution ou de réduction de prix après que l’opération a eu lieu, la base d’imposition est réduite à due concurrence. Un assujetti peut régulariser (diminuer) le montant de la TVA déclarée si le destinataire des biens ou des services régularise (diminue) le montant de la TVA qu’il a déduite et s’il en informe le fournisseur par écrit.
3. Un assujetti peut également régulariser (réduire) le montant de la TVA à acquitter lorsqu’il n’a pas été payé, ou ne l’a été qu’en partie, sur le fondement d’une décision de justice passée en force de chose jugée homologuant une procédure de faillite clôturée, ou bien sur le fondement d’une procédure de concordat menée jusqu’à son terme [...] Si un assujetti reçoit ultérieurement un paiement complet ou partiel en échange de sa fourniture de biens ou de services, au regard de laquelle il a
régularisé la base d’imposition conformément au présent paragraphe, il acquitte la TVA sur le montant reçu.»
11 L’article 13 du règlement d’application du ZZDV‑1 (Pravilnik o izvajanju Zakona o davku na dodano vrednost) dispose:
«1. La TVA n’est ni déclarée ni acquittée sur les indemnités.
2. Sont notamment considérées comme des indemnités visées au paragraphe précédent:
— la livraison que le fournisseur effectue à titre de dommages‑intérêts en réparation d’un préjudice causé par une livraison antérieure, si le fournisseur est responsable du préjudice et de ses conséquences sur un fondement légal ou contractuel;
— les intérêts moratoires que l’assujetti met à la charge de son débiteur jusqu’à concurrence du taux légal, ainsi que les frais afférents à la mise en demeure;
— les pénalités contractuelles;
— les dommages-intérêts afférents à l’annulation du contrat, si le payeur n’a obtenu à cette occasion aucun bien ni service.
3. Si le contrat est partiellement exécuté, cette exécution partielle est assujettie à la TVA.»
12 Aux termes de l’article 41 du règlement d’application du ZDDV‑1:
«[...]
2. Conformément à l’article 39, paragraphe 2, du ZDDV‑1, un assujetti peut réduire le montant de la TVA à concurrence des rabais consentis ultérieurement, tels que par exemple de super rabais ou ristournes consentis du fait de la moins bonne qualité du bien si ceux-ci sont convenus directement entre le fournisseur et le destinataire.
3. La réduction de la base d’imposition du fournisseur en vertu de l’article 39, paragraphe 2, du ZDDV‑1, ne saurait être effectuée avant la période d’imposition au cours de laquelle celui-ci a reçu une notification écrite du destinataire, l’informant qu’il a régularisé la déduction de la TVA.
[...]»
Le litige au principal et les questions préjudicielles
13 Au mois de février 2008, NLB, en qualité de prêteur, et Domino ing, d.o.o. (ci‑après «Domino»), en qualité d’emprunteur, ont conclu deux contrats de prêt à court terme et à usage déterminé, ainsi que des accords de «coopération commerciale». Ces derniers stipulaient, notamment, que les prêts octroyés par NLB à Domino avaient pour finalité l’acquisition d’immeubles en vue de l’édification de logements et que NLB pourrait procéder, si elle le souhaitait, au financement de la construction de ces
logements, dans lequel elle reconnaissait avoir un intérêt. Moyennant ces prêts, Domino a acquis des immeubles dont les propriétaires précédents étaient des tiers aux contrats conclus entre NLB et Domino.
14 Au mois d’avril 2009, NLB et Domino ont conclu deux ensembles de contrats qui, selon les indications du Vrhovno sodišče (Cour suprême), constituent une opération dite de «cession-bail» («sale and lease back»). D’une part, par deux contrats de vente, NLB est devenue propriétaire des immeubles que Domino avait antérieurement acquis et, d’autre part, par deux contrats de crédit-bail, elle s’est simultanément engagée à donner ces immeubles en location à Domino pour des périodes de quelques mois. Sans
préjudice des contrats de coopération commerciale conclus antérieurement entre ces deux sociétés, les contrats de crédit‑bail prévoyaient que, avant leur expiration, Domino devrait faire un choix parmi les trois options suivantes, à savoir, soit prolonger la durée des contrats, soit restituer les immeubles à NLB, soit, enfin, exercer les options d’achat dont elle disposait sur ces immeubles, en s’acquittant alors de l’ensemble des échéances dont elle était redevable à l’égard de NLB.
15 Lors de la conclusion des contrats de crédit-bail, NLB a acquitté la TVA sur le montant facturé à Domino par ces contrats, à savoir la somme qui correspond à l’ensemble des échéances mensuelles, y compris les options d’achat accordées à cette dernière.
16 Domino n’ayant pas, à l’expiration des contrats de crédit-bail, réglé l’ensemble des échéances dont elle était redevable à l’égard de NLB, cette dernière a, comme lesdits contrats lui en donnaient la possibilité, repris possession des immeubles faisant l’objet du crédit-bail. Au mois de juillet 2010, NLB a vendu lesdits immeubles, en tant que terrain constructible, à une société tierce, à savoir Sava IP, d.o.o. (ci-après «Sava IP») tout en déclarant la TVA due à cette occasion.
17 En raison de l’inexécution des obligations incombant à Domino en vertu des contrats de crédit-bail, NLB a demandé la régularisation du montant de la TVA déclarée à hauteur de la valeur des options d’achat prévues par ces contrats.
18 À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que NLB et Domino ont établi, conformément aux termes des contrats de crédit-bail, un décompte final en vertu duquel NLB a versé à Domino une somme qui correspond à la différence entre, d’une part, la plus-value réalisée grâce au prix obtenu lors de la vente des immeubles à Sava IP et, d’autre part, les sommes non acquittées par Domino, y inclus les options d’achat.
19 NLB a déduit du prix de vente des immeubles en question un montant correspondant à la somme, premièrement, de la TVA qu’elle avait acquittée lors de cette cession, deuxièmement, des échéances relatives aux options d’achat non encore payées par Domino, et enfin, troisièmement, des échéances mensuelles dont Domino demeurait, par ailleurs, redevable envers NLB. Elle a, ensuite, reversé le solde restant à Domino. Par la suite, NLB a adressé à Domino deux notes de crédit d’un montant correspondant aux
échéances relatives aux options d’achat et, ce faisant, elle a procédé à l’annulation de ces échéances.
20 Par décision du 5 juin 2012, les autorités fiscales slovènes ont refusé de faire droit à la demande de NLB de diminuer le montant de la TVA acquitté par cette société à l’occasion de la conclusion des contrats de crédit-bail au motif que les deux notes de crédit ne constituaient pas un fondement régulier pour la diminution de la base d’imposition de NLB. Elles considèrent que ces contrats n’ont pas été «résiliés», et la récupération des immeubles par NLB ne constitue pas un cas de «restitution»
au sens de l’article 39, paragraphe 2, du ZDDV‑1, qui transpose dans le droit slovène l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA. Selon ces autorités, le bailleur a effectivement assumé le rôle d’un créancier et a vendu les immeubles pour le compte du preneur à Sava IP.
21 NLB a contesté la décision de l’administration fiscale slovène en introduisant, successivement, un recours administratif devant le ministère des Finances, puis un recours contentieux devant la juridiction de première instance compétente. Ces deux recours ont été rejetés.
22 Dans son pourvoi, NLB soutient que l’administration fiscale et la juridiction de première instance ont procédé à une interprétation erronée de l’article 39 du ZDDV‑1 et de l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA. La restitution des immeubles, à laquelle Domino aurait procédé en raison de l’inexécution de ses obligations contractuelles, correspondrait bien à l’un des cas visés aux dispositions précitées. NLB fait également valoir que, si l’on n’admettait pas qu’elle puisse réduire sa base
d’imposition dans un contexte tel que celui de l’affaire au principal, le principe de neutralité fiscale s’en trouverait violé dès lors qu’elle a acquitté la TVA une seconde fois lors de la cession des immeubles à une société tierce.
23 Dans ces conditions, le Vrhovno sodišče a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Faut-il interpréter, compte tenu des faits au principal, l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA en ce sens que la restitution au crédit-bailleur d’un bien immeuble faisant l’objet d’un crédit-bail, en raison de l’inexécution partielle des obligations du preneur dudit crédit-bail, en vue de la revente et de l’exécution des autres obligations contractuelles stipulées dans le contrat en question, dès la date d’exigibilité de l’ensemble des échéances dudit crédit-bail, correspond à une
situation d’‘annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel’ après l’opération dans le cadre de laquelle la base d’imposition est réduite à due concurrence?
2) Faut-il interpréter les articles 2, paragraphe 1, 14 et 24, paragraphe 1, de la directive TVA en ce sens que le montant de deux options de rachat, qui représente une partie substantielle du montant total dû en vertu de contrats de crédit-bail, payé par le preneur de crédit-bail au crédit-bailleur d’une manière telle que, en raison du non-paiement partiel des obligations, ce dernier a repris possession du bien faisant l’objet du crédit-bail, l’a revendu à un tiers et a remboursé la plus-value
de cette vente au preneur de crédit‑bail, en déduisant de celle-ci, dans le décompte final, le montant des options de rachat, est considéré comme un paiement en exécution du contrat et comme une livraison de biens, soumise à la TVA en tant que telle; ou bien comme un paiement afférent soit à un service de location, soit à la mise à disposition d’un immeuble (la contrepartie étant soumise à la TVA en tant que telle, au choix des assujettis); ou bien comme une indemnité de résiliation du
contrat, versée en réparation du préjudice subi à la suite de la défaillance du preneur de crédit-bail, sans lien direct avec un quelconque service rendu à titre onéreux et, en tant que telle, non soumise à la TVA?
3) S’il convient de répondre à la deuxième question qu’il s’agit d’un paiement afférent à une livraison de bien et à une exécution contractuelle, la question se pose également de savoir si le principe de la neutralité de la TVA s’oppose à ce que le crédit‑bailleur acquitte deux fois la TVA en aval: une première fois lors de la conclusion des contrats de crédit-bail (y compris au titre du montant des options de rachat que représentait la majeure partie de la valeur contractuelle) et une seconde
fois en raison des obligations partiellement inexécutées du preneur de crédit-bail lors de la (re)vente de l’immeuble en cause à un tiers, quand bien même ce serait sur le preneur de crédit-bail que le crédit-bailleur aurait fait peser, avec le décompte final, la charge de la TVA afférente à la seconde livraison?»
Sur les questions préjudicielles
Sur la deuxième question
24 Il ressort de la décision de renvoi que NLB, en tant que bailleur, et Domino, en tant que preneur, ont conclu deux contrats de crédit-bail ayant pour objet la location de deux immeubles. Il semble également ressortir de cette décision que, en raison de l’inexécution des obligations incombant à Domino, NLB a repris, conformément à ces contrats, possession desdits immeubles, les a vendus à un tiers et a remboursé la plus-value de cette vente à Domino, en déduisant de celle‑ci, dans le décompte
final, le montant des options de rachat. C’est dans ce contexte que, par sa deuxième question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 2, paragraphe 1, 14 et 24, paragraphe 1, de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’une prestation de crédit-bail telle que celle en cause au principal constitue une opération de livraison de biens ou une prestation de services au sens de ces dispositions.
25 Il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de l’article 267 TFUE, la Cour n’a pas compétence pour appliquer les règles du droit de l’Union à une espèce déterminée (arrêt Patriciello, C‑163/10, EU:C:2011:543, point 21). Dans une affaire telle que celle au principal, il appartient dès lors à la juridiction de renvoi de procéder aux qualifications juridiques nécessaires pour la solution du litige au principal. En revanche, il incombe à la Cour de lui fournir toutes les indications nécessaires en vue
de la guider dans cette appréciation (arrêt Patriciello, C‑163/10, EU:C:2011:543, point 23).
26 Ainsi, et indépendamment de la question de savoir si, eu égard aux faits sous‑jacents au litige au principal, la prestation de crédit-bail en cause fait en réalité partie d’une opération unique composée de plusieurs éléments, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, il convient de fournir à cette dernière les éléments permettant d’apprécier, aux fins de la TVA, la nature juridique d’une prestation de crédit-bail.
27 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 24, paragraphe 1, de la directive TVA, «est considérée comme ‘prestation de services’ toute opération qui ne constitue pas une livraison de biens». Quant à la notion de «livraison de biens», elle exige, aux termes de l’article 14, paragraphe 1, de cette directive, le «transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire». En outre, l’article 14, paragraphe 2, sous b), de la directive TVA considère comme une
«livraison de biens» la remise matérielle d’un bien en vertu d’un contrat qui prévoit la location de ce bien pendant une certaine période, assortie de la clause que la propriété est normalement acquise au plus tard lors du paiement de la dernière échéance.
28 À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le contrat de location simple doit être distingué du contrat de location-financement, ce dernier étant caractérisé par le transfert au preneur de la majorité des avantages et des risques inhérents à la propriété légale. Le fait qu’un transfert de propriété soit prévu au terme du contrat ou que la somme actualisée des échéances soit pratiquement identique à la valeur vénale du bien constituent, individuellement ou conjointement, des
critères permettant de déterminer si un contrat peut être qualifié de contrat de location-financement (voir, en ce sens, arrêt Eon Aset Menidjmunt, C‑118/11, EU:C:2012:97, point 38).
29 En outre, la notion de livraison de biens ne se réfère pas au transfert de propriété dans les formes prévues par le droit national applicable, mais elle inclut toute opération de transfert d’un bien corporel par une partie qui habilite l’autre partie à en disposer en fait comme si elle était le propriétaire de ce bien (arrêt Eon Aset Menidjmunt, C‑118/11, point 39 et jurisprudence citée).
30 Dès lors, dans l’hypothèse où un contrat de crédit-bail relatif à un immeuble prévoit soit le transfert de propriété au preneur à l’échéance de ce contrat, soit la mise à la disposition du preneur des attributs essentiels de la propriété de cet immeuble, ledit preneur se voyant, notamment, transférer la majorité des avantages et des risques inhérents à la propriété légale dudit immeuble et la somme actualisée des échéances étant pratiquement identique à la valeur vénale du bien, l’opération
résultant d’un tel contrat doit être assimilée à une opération d’acquisition d’un bien d’investissement (voir, en ce sens, arrêt Eon Aset Menidjmunt, C‑118/11, point 40).
31 À cet égard, les faits sous-jacents au litige au principal, à savoir, notamment, les stipulations des contrats de «coopération commerciale» ainsi que les transactions effectuées selon le décompte final, suggèrent que l’objectif des contrats de crédit‑bail a été le transfert de propriété des immeubles faisant l’objet desdits contrats à Domino, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier à la lumière des critères rappelés aux points 26 à 30 du présent arrêt.
32 Il résulte des considérations qui précèdent que les articles 2, paragraphe 1, 14 et 24, paragraphe 1, de la directive TVA, doivent être interprétés en ce sens que, dans l’hypothèse où un contrat de crédit-bail relatif à un immeuble prévoit soit le transfert de propriété au preneur à l’échéance de ce contrat, soit la mise à la disposition du preneur des attributs essentiels de la propriété de cet immeuble, ledit preneur se voyant, notamment, transférer la majorité des avantages et des risques
inhérents à la propriété légale dudit immeuble et la somme actualisée des échéances étant pratiquement identique à la valeur vénale du bien, l’opération qui résulte d’un tel contrat doit être assimilée à une opération d’acquisition d’un bien d’investissement.
Sur la première question
33 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans les circonstances du litige au principal, telles qu’elles ressortent du point 24 du présent arrêt, l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA doit être interprété en ce sens que la restitution au crédit‑bailleur d’un bien immeuble faisant l’objet d’un crédit‑bail constitue un cas d’annulation, de résiliation, de résolution, de non‑paiement total ou partiel ou de réduction de prix au sens de cette disposition.
34 Alors qu’il appartient à la juridiction de renvoi de procéder à la qualification juridique des opérations effectuées par NLB et Domino, il incombe à la Cour de lui fournir toutes les indications nécessaires afin de la guider dans cette appréciation.
35 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA, qui vise les cas d’annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel ou de réduction de prix après la date à laquelle s’effectue l’opération, oblige les États membres à réduire la base d’imposition et, partant, le montant de la TVA due par l’assujetti chaque fois que, postérieurement à la conclusion d’une transaction, une partie ou la totalité de la contrepartie n’est pas perçue par
l’assujetti. Cette disposition constitue l’expression d’un principe fondamental de la directive TVA, selon lequel la base d’imposition est constituée par la contrepartie réellement reçue et dont le corollaire consiste en ce que l’administration fiscale ne saurait percevoir au titre de la TVA un montant supérieur à celui que l’assujetti avait perçu (arrêt Almos Agrárkülkereskedelmi, C‑337/13, EU:C:2014:328, point 22).
36 Il résulte de la jurisprudence de la Cour que, en dehors des cas d’annulation ou de résolution des contrats, dans lesquels les parties sont replacées dans la situation qui était la leur avant de conclure le contrat et l’assujetti ne dispose plus de sa créance, l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA vise les seules situations dans lesquelles l’autre partie à un contrat ne s’acquitte pas, ou bien ne s’acquitte que partiellement, d’une créance dont elle est, pourtant, redevable en vertu de
ce contrat (voir, en ce sens, arrêt Almos Agrárkülkereskedelmi, C‑337/13, EU:C:2014:328, points 23 et 24).
37 Partant, la base d’imposition de l’assujetti ne saurait être réduite lorsque, dans les conditions prévues au contrat, cet assujetti a effectivement perçu l’ensemble des paiements en contrepartie de la prestation qu’il a fournie ou que, sans que le contrat ait été résolu ou annulé, le bénéficiaire de cette prestation n’est plus redevable envers l’assujetti du prix convenu.
38 Il résulte des considérations qui précèdent que l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas à un assujetti de réduire sa base d’imposition lorsque ce dernier a effectivement perçu l’ensemble des paiements en contrepartie de la prestation qu’il a fournie ou que, sans que le contrat ait été résolu ou annulé, l’autre partie au contrat ne lui est plus redevable du prix convenu.
Sur la troisième question
39 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le principe de neutralité fiscale doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un assujetti acquitte la TVA une première fois lors de la conclusion d’un contrat de crédit-bail comprenant une option d’achat et, une seconde fois, lorsqu’il cède le bien faisant l’objet de ce contrat à une société tierce en raison de l’inexécution de ses obligations par le preneur du contrat de crédit-bail.
40 À cet égard, il importe de rappeler qu’il découle de la jurisprudence de la Cour que le principe de neutralité fiscale, inhérent au système commun de TVA, s’oppose à ce que l’imposition des activités professionnelles d’un assujetti engendre une double imposition (voir, en ce sens, arrêts Puffer, C‑460/07, EU:C:2009:254, points 45 et 46, ainsi que Klub, C‑153/11, EU:C:2012:163, point 42).
41 La Cour a également jugé que, aux fins de la TVA, chaque prestation doit normalement être considérée comme distincte et indépendante, ainsi qu’il découle de l’article 1er, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive TVA (arrêt BGŻ Leasing, C‑224/11, EU:C:2013:15, point 29). Toutefois, dans certaines circonstances, plusieurs prestations formellement distinctes, qui pourraient être fournies séparément et, ainsi, donner lieu, séparément, à taxation ou à exonération, doivent être considérées comme
une opération unique lorsqu’elles ne sont pas indépendantes (voir, en ce sens, arrêt RR Donnelley Global Turnkey Solutions Poland, C‑155/12, EU:C:2013:434, point 20).
42 Conformément à cette jurisprudence, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si les opérations en cause au principal, à savoir, d’une part, les prestations fournies en faveur de Domino et, d’autre part, la cession des biens immeubles à une société tierce, doivent être considérées comme une «prestation unique». Tel est notamment le cas lorsque plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique
indissociable dont la division revêtirait un caractère artificiel.
43 Lorsqu’il s’avère que lesdites opérations ne sauraient être considérées comme formant une prestation unique, le principe de neutralité fiscale ne s’oppose pas à ce qu’elles fassent l’objet d’une imposition distincte aux fins de la TVA.
44 Il résulte des considérations qui précèdent que le principe de neutralité fiscale doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que, d’une part, une prestation de crédit-bail qui porte sur des biens immeubles et, d’autre part, la cession de ces biens immeubles à un tiers (au contrat de crédit-bail) fassent l’objet d’une imposition distincte aux fins de la TVA, dans la mesure où ces opérations ne peuvent pas être considérées comme formant une prestation unique, ce qu’il incombe à la
juridiction de renvoi d’apprécier.
Sur les dépens
45 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:
1) Les articles 2, paragraphe 1, 14 et 24, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens que, dans l’hypothèse où un contrat de crédit-bail relatif à un immeuble prévoit soit le transfert de propriété au preneur à l’échéance de ce contrat, soit la mise à la disposition du preneur des attributs essentiels de la propriété de cet immeuble, ledit preneur se voyant, notamment,
transférer la majorité des avantages et des risques inhérents à la propriété légale dudit immeuble et la somme actualisée des échéances étant pratiquement identique à la valeur vénale du bien, l’opération qui résulte d’un tel contrat doit être assimilée à une opération d’acquisition d’un bien d’investissement.
2) L’article 90, paragraphe 1, de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas à un assujetti de réduire sa base d’imposition lorsque ce dernier a effectivement perçu l’ensemble des paiements en contrepartie de la prestation qu’il a fournie ou que, sans que le contrat ait été résolu ou annulé, l’autre partie au contrat ne lui est plus redevable du prix convenu.
3) Le principe de neutralité fiscale doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que, d’une part, une prestation de crédit-bail qui porte sur des biens immeubles et, d’autre part, la cession de ces biens immeubles à un tiers (au contrat de crédit-bail) fassent l’objet d’une imposition distincte aux fins de la taxe sur la valeur ajoutée, dans la mesure où ces opérations ne peuvent pas être considérées comme formant une prestation unique, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi
d’apprécier.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: le slovène.