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21/05/2015 | CJUE | N°C-65/14

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Charlotte Rosselle contre Institut national d'assurance maladie-invalidité (INAMI) et Union nationale des mutualités libres (UNM)., 21/05/2015, C-65/14


ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

21 mai 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Politique sociale — Directive 92/85/CEE — Mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail — Article 11, points 2 et 4 — Agent statutaire mise en disponibilité pour convenances personnelles afin d’occuper un emploi en qualité de salariée — Refus de lui attribuer une prestation de maternité au motif que, en tant que salariée, elle n’a pas accompli le stage ouvrant droit Ã

  certaines
prestations sociales»

Dans l’affaire C‑65/14,

ayant pour objet une demande d...

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

21 mai 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Politique sociale — Directive 92/85/CEE — Mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail — Article 11, points 2 et 4 — Agent statutaire mise en disponibilité pour convenances personnelles afin d’occuper un emploi en qualité de salariée — Refus de lui attribuer une prestation de maternité au motif que, en tant que salariée, elle n’a pas accompli le stage ouvrant droit à certaines
prestations sociales»

Dans l’affaire C‑65/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal du travail de Nivelles (Belgique), par décision du 20 décembre 2013, parvenue à la Cour le 10 février 2014, dans la procédure

Charlotte Rosselle

contre

Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI),

Union nationale des mutualités libres (UNM),

en présence de:

Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH),

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, Mme K. Jürimäe, MM. J. Malenovský, M. Safjan (rapporteur) et Mme A. Prechal, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

— pour Mme Rosselle, par Me L. Markey, avocate,

— pour l’Union nationale des mutualités libres (UNM), par Mme A. Mollu,

— pour le gouvernement belge, par Mmes M. Jacobs et C. Pochet, en qualité d’agents,

— pour la Commission européenne, par M. D. Martin, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 décembre 2014,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des directives 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (dixième directive particulière au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE) (JO L 348, p. 1), et 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en
œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO L 204, p. 23).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Rosselle à l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI) et à l’Union nationale des mutualités libres (UNM) au sujet du refus de lui attribuer une prestation de maternité au motif qu’elle n’a pas accompli le stage prévu par le droit national.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 89/391/CEE

3 La directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO L 183, p. 1), énonce, à son article 2, paragraphe 1:

«La présente directive s’applique à tous les secteurs d’activités, privés ou publics (activités industrielles, agricoles, commerciales, administratives, de service, éducatives, culturelles, de loisirs, etc.).»

4 L’article 3, sous a), de cette directive dispose:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

a) travailleur, toute personne employée par un employeur ainsi que les stagiaires et apprentis, à l’exclusion des domestiques».

5 L’article 16, paragraphe 1, de ladite directive prévoit:

«Le Conseil adopte, sur proposition de la Commission fondée sur l’article 118 A du traité CEE, des directives particulières, entre autres dans les domaines tels que visés à l’annexe.»

La directive 92/85

6 Aux termes des neuvième et dix-septième considérants de la directive 92/85:

«considérant que la protection de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, allaitantes ou accouchées ne doit pas défavoriser les femmes sur le marché du travail et ne doit pas porter atteinte aux directives en matière d’égalité de traitement entre hommes et femmes;

[...]

considérant, par ailleurs, que les dispositions concernant le congé de maternité seraient également sans effet utile si elles n’étaient pas accompagnées du maintien des droits liés au contrat de travail et du maintien d’une rémunération et/ou du bénéfice d’une prestation adéquate».

7 L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de cette directive énonce:

«1.   La présente directive, qui est la dixième directive particulière au sens de l’article 16 paragraphe 1 de la directive [89/391], a pour objet la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail.

2.   Les dispositions de la directive [89/391], à l’exception de son article 2 paragraphe 2, s’appliquent pleinement à l’ensemble du domaine visé au paragraphe 1, sans préjudice de dispositions plus contraignantes et/ou spécifiques contenues dans la présente directive.»

8 L’article 2 de ladite directive contient les définitions suivantes:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

a) ‘travailleuse enceinte’: toute travailleuse enceinte qui informe l’employeur de son état, conformément aux législations et/ou pratiques nationales;

b) ‘travailleuse accouchée’: toute travailleuse accouchée au sens des législations et/ ou pratiques nationales, qui informe l’employeur de son état, conformément à ces législations et/ou pratiques;

c) ‘travailleuse allaitante’: toute travailleuse allaitante au sens des législations et/ ou pratiques nationales, qui informe l’employeur de son état, conformément à ces législations et/ou pratiques.»

9 L’article 8 de la même directive, intitulé «Congé de maternité», prévoit:

«1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les travailleuses au sens de l’article 2 bénéficient d’un congé de maternité d’au moins quatorze semaines continues, réparties avant et/ou après l’accouchement, conformément aux législations et/ou pratiques nationales.

2.   Le congé de maternité visé au paragraphe 1 doit inclure un congé de maternité obligatoire d’au moins deux semaines, réparties avant et/ou après l’accouchement, conformément aux législations et/ou pratiques nationales.»

10 L’article 11 de la directive 92/85, intitulé «Droits liés au contrat de travail», dispose:

«En vue de garantir aux travailleuses, au sens de l’article 2, l’exercice des droits de protection de leur sécurité et de leur santé reconnus dans le présent article, il est prévu que:

[...]

2) dans le cas visé à l’article 8, doivent être assurés:

a) les droits liés au contrat de travail des travailleuses au sens de l’article 2, autres que ceux visés au point b);

b) le maintien d’une rémunération et/ou le bénéfice d’une prestation adéquate des travailleuses au sens de l’article 2;

3) la prestation visée au point 2 b) est jugée adéquate lorsqu’elle assure des revenus au moins équivalents à ceux que recevrait la travailleuse concernée dans le cas d’une interruption de ses activités pour des raisons liées à son état de santé, dans la limite d’un plafond éventuel déterminé par les législations nationales;

4) les États membres ont la faculté de soumettre le droit à la rémunération ou à la prestation visée au point 1 et au point 2 b) à la condition que la travailleuse concernée remplisse les conditions d’ouverture du droit à ces avantages prévues par les législations nationales.

Ces conditions ne peuvent en aucun cas prévoir des périodes de travail préalable supérieures à douze mois immédiatement avant la date présumée de l’accouchement.»

Le droit belge

11 La loi du 14 juillet 1994 relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités coordonnée (Moniteur belge du 27 août 1994, p. 21524), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la «loi du 14 juillet 1994»), énonce à son article 86, paragraphe 1er:

«Sont bénéficiaires du droit aux indemnités d’incapacité de travail telles qu’elles sont définies au titre IV, chapitre III, de la présente loi coordonnée et dans les conditions prévues par celle-ci, en qualité de titulaires:

1° a) les travailleurs assujettis à l’assurance obligatoire indemnités, en vertu de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs y compris les travailleurs bénéficiant d’une indemnité (due à la suite de la rupture irrégulière du contrat de travail, de la rupture unilatérale du contrat de travail pour les délégués du personnel, de la rupture unilatérale du contrat de travail pour les délégués syndicaux ou de la cessation du
contrat de travail de commun accord), pendant la période couverte par cette indemnité;

b) les travailleuses visées ci-dessus pendant la période de repos visée à l’article 32, alinéa 1er, 4;

c) les travailleurs qui se trouvent dans une des situations visées à l’article 32, alinéa 1er, 3, et 5;

[...]

2° les travailleurs qui, au cours d’une période d’incapacité de travail (ou de protection de la maternité), telle qu’elle est définie par la présente loi coordonnée, perdent la qualité de titulaire visée au 1°;

3° à l’expiration de la période d’assurance continuée visée à l’article 32, alinéa 1er, 6°, les travailleurs ayant eu la qualité visée au 1°, à condition qu’ils soient devenus incapables de travailler (ou se soient trouvées dans une période de protection de la maternité au plus tard le premier jour ouvrable suivant l’expiration de la période d’assurance continuée).»

12 L’article 112 de la loi du 14 juillet 1994 prévoit:

«Sont bénéficiaires du droit à l’indemnité de maternité telle qu’elle est définie au titre V, chapitre III, de la présente loi coordonnée et dans les conditions prévues par celle-ci, les titulaires visées à l’article 86, paragraphe 1er.»

13 L’article 116 de ladite loi dispose:

«Pour obtenir le droit aux prestations prévues au titre V les titulaires visées à l’article 112 doivent satisfaire aux conditions prévues par les articles 128 à 132.

Le Roi peut après avis du Comité de gestion du Service des indemnités pour les catégories de titulaires qu’Il définit, soit dispenser des conditions de stage prévues à l’article 128, soit les adapter.»

14 L’article 128 de la même loi est libellé comme suit:

«1.   Pour obtenir le droit aux prestations prévues au titre IV, les titulaires visés à l’article 86, paragraphe 1er, doivent accomplir un stage dans les conditions suivantes:

1° avoir totalisé, au cours d’une période de six mois précédant la date d’obtention du droit, un nombre de jours de travail que le Roi détermine. Les jours d’inactivité professionnelle assimilables à des journées de travail effectif sont définis par le Roi. Il définit ce qu’il y a lieu d’entendre par ‘journée de travail’;

2° fournir la preuve, dans les conditions déterminées par le Roi, que par rapport à cette même période, les cotisations pour le secteur des indemnités ont été effectivement payées, ces cotisations doivent atteindre un montant minimum fixé par le Roi ou doivent, dans les conditions fixées par Lui, être complétées par des cotisations personnelles.

2.   Le Roi détermine les conditions dans lesquelles le stage est supprimé ou diminué.

[...]»

15 L’arrêté royal du 3 juillet 1996 portant exécution de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 (Moniteur belge du 31 juillet 1996, p. 20285), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après «l’arrêté royal du 3 juillet 1996»), énonce à son article 203:

«Pour l’application de l’article 128, paragraphe 1er, de la loi [du 14 juillet 1994], les titulaires doivent totaliser, au cours d’une période de six mois, au moins cent vingt jours de travail [...]»

16 L’article 205, paragraphe 1er, 6°, de cet arrêté royal prévoit:

«Sont dispensés du stage pour le droit aux indemnités d’incapacité de travail:

[...]

6° la personne qui, dans la période de trente jours suivant la date à laquelle prend effet sa démission volontaire comme agent statutaire, acquiert la qualité de titulaire au sens de l’article 86, paragraphe 1er, 1°, a) ou c) de la loi [du 14 juillet 1994], pour autant qu’elle ait été employée pendant une période ininterrompue d’au moins six mois comme agent statutaire. Si elle a été employée pendant une période de moins de six mois en cette qualité, cette période est assimilée à une période,
prise en considération pour le calcul du stage, prévu à l’article 128 de la loi [du 14 juillet 1994].»

17 Les articles 203 et 205 de l’arrêté royal du 3 juillet 1996 figurent sous le titre III, chapitre III, sections 1 et 2, de cet arrêté.

18 La loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions sociales et diverses (Moniteur belge du 1er août 1991, p. 16951), dans sa version applicable au litige au principal, énonce à son article 7, paragraphe 1er:

«Ce chapitre est applicable à toute personne:

— dont la relation de travail dans un service public ou tout autre organisme de droit public prend fin parce qu’elle est rompue unilatéralement par l’autorité ou parce que l’acte de nomination est annulé, retiré, abrogé ou non renouvelé,

— et qui du fait de cette relation de travail n’est pas assujettie aux dispositions de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs salariés, en ce qu’elles concernent le régime de l’emploi et du chômage et le secteur des indemnités de l’assurance obligatoire contre la maladie et l’invalidité.»

19 L’article 10, paragraphe 1er, de cette loi dispose:

«L’employeur verse à l’Office national de sécurité sociale ou à l’Office national de sécurité sociale des administrations provinciales et locales au profit des bénéficiaires du présent chapitre:

1° les cotisations dues par l’employeur et le travailleur pour la période qui correspond au nombre de journées de travail que la personne licenciée doit prouver normalement vu la catégorie d’âge à laquelle elle appartient, pour être admise au bénéfice des allocations de chômage en vertu de la réglementation en matière de chômage;

2° les cotisations dues par l’employeur et le travailleur, calculées sur une période de six mois, pour l’admission de l’intéressé au bénéfice du régime de l’assurance obligatoire contre la maladie et l’invalidité, secteur des indemnités, et de l’assurance maternité.»

Le litige au principal et la question préjudicielle

20 Au mois de septembre 2003, Mme Rosselle a été engagée pour travailler en qualité d’enseignante à Ternat (Belgique) et, au mois de septembre 2008, elle a été nommée agent statutaire par la Communauté flamande.

21 Mme Rosselle a obtenu une mise en disponibilité pour convenances personnelles afin d’enseigner en Communauté française, dans le cadre de classes d’immersion linguistique, à partir du 1er septembre 2009, en qualité de salariée.

22 Mme Rosselle a exercé cette activité jusqu’au 11 janvier 2010, date à laquelle son congé de maternité a débuté. Elle a accouché le 2 février 2010.

23 Mme Rosselle a demandé à l’UNM, organisme auprès duquel elle était affiliée, qu’une prestation de maternité lui soit versée à partir du 11 janvier 2010.

24 Par décision du 23 février 2010, l’UNM a rejeté cette demande au motif que Mme Rosselle avait changé de statut le 1er septembre 2009, en étant devenue salariée après avoir été agent statutaire. Or, selon la réglementation belge, un stage de six mois devrait être accompli pour bénéficier d’une prestation de maternité, condition qu’elle ne remplissait pas en tant que salariée.

25 Mme Rosselle a introduit un recours contre cette décision devant le tribunal du travail de Nivelles, en invoquant notamment la directive 92/85.

26 La juridiction de renvoi souligne que la réglementation belge prévoit, dans le cas de l’agent statutaire qui démissionne ou qui est licencié, une dispense de stage pour percevoir certaines prestations sociales. En revanche, une telle dispense n’existe pas dans la situation d’un agent statutaire mis en disponibilité pour convenances personnelles, notamment en ce qui concerne la prestation afférente au congé de maternité.

27 Dans ces conditions, le tribunal du travail de Nivelles a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’arrêté royal du 3 juillet 1996, dans son titre III, chapitre III, sections 1 et 2, viole-t-il la directive 92/85 et la directive 2006/54 en ne prévoyant pas de dispense de stage pour l’agent statutaire mis en disponibilité pour convenances personnelles qui est en congé de maternité, alors que tel est le cas de l’agent statutaire démissionnaire et de l’agent statutaire licencié?»

Sur la question préjudicielle

28 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les directives 92/85 et 2006/54 doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’un État membre refuse d’accorder à une travailleuse une prestation de maternité au motif que, en sa qualité d’agent statutaire ayant obtenu une mise en disponibilité pour convenances personnelles en vue d’exercer une activité salariée, elle n’a pas accompli, dans le cadre de cette activité salariée, le stage prévu par le droit
national pour bénéficier de ladite prestation de maternité, même si elle a travaillé pendant plus de douze mois immédiatement avant la date présumée de son accouchement.

Sur la directive 92/85

29 Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 92/85, les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les travailleuses bénéficient d’un congé de maternité d’au moins quatorze semaines continues, réparties avant et/ou après l’accouchement, conformément aux législations et/ou aux pratiques nationales.

30 Selon une jurisprudence constante de la Cour, le droit à un congé de maternité reconnu aux travailleuses enceintes doit être considéré comme un moyen de protection de droit social revêtant une importance particulière. Le législateur de l’Union européenne a ainsi estimé que les modifications essentielles dans les conditions d’existence des intéressées pendant la période limitée d’au moins quatorze semaines qui précède et suit l’accouchement constituaient un motif légitime de suspendre l’exercice
de leur activité professionnelle, sans que la légitimité de ce motif puisse être remise en cause, d’une manière quelconque, par les autorités publiques ou les employeurs (arrêts Kiiski, C‑116/06, EU:C:2007:536, point 49; Betriu Montull, C‑5/12, EU:C:2013:571, point 48, et D., C‑167/12, EU:C:2014:169, point 32).

31 Il découle de l’article 11, point 2, sous b), de la directive 92/85 que, en vue de garantir aux travailleuses l’exercice des droits de protection de leur sécurité et de leur santé reconnus à cet article, il est prévu que, dans le cas du congé de maternité, doivent être assurés le maintien d’une rémunération et/ou le bénéfice d’une prestation adéquate des travailleuses.

32 À cet égard, l’article 11, point 4, de la directive 92/85 précise que les États membres ont la faculté de soumettre le droit à la rémunération ou à la prestation de maternité visée au point 2, sous b), de cet article à la condition que la travailleuse concernée remplisse les conditions d’ouverture du droit à ces avantages prévues par les législations nationales, ces conditions ne pouvant en aucun cas prévoir des périodes de travail préalable supérieures à douze mois immédiatement avant la date
présumée de l’accouchement.

33 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que, en vertu de la réglementation nationale en cause au principal, pour obtenir le droit à une allocation de maternité, la travailleuse concernée doit accomplir un stage, lequel suppose notamment d’avoir totalisé, au cours des six mois précédant la date d’obtention du droit à l’allocation de maternité, au moins 120 jours de travail.

34 Cependant, cette réglementation ne prévoit pas de dispense de stage pour obtenir cette allocation de maternité dans le cas, tel que celui en cause dans l’affaire au principal, d’un agent statutaire mis en disponibilité pour convenances personnelles en vue d’exercer une activité salariée, à la différence du cas de l’agent statutaire démissionnaire ou licencié.

35 Ainsi, dans l’affaire au principal, entre la date à laquelle Mme Rosselle est devenue travailleur salarié après avoir été agent statutaire et la date présumée de son accouchement, elle n’avait pas accompli, en cette qualité de travailleur salarié, les six mois de stage requis par la réglementation belge. Il en résulte que, même si Mme Rosselle a travaillé sans interruption en qualité d’enseignante pendant plusieurs années avant de prendre son congé de maternité, elle a été privée de toute
prestation de maternité.

36 Il convient donc de vérifier si l’article 11, point 4, second alinéa, de la directive 92/85 s’oppose à ce qu’un État membre puisse imposer un nouveau stage de six mois lorsqu’un agent statutaire, telle Mme Rosselle, est mise en disponibilité en vue d’occuper un emploi salarié, même si cet agent a travaillé pendant plus de douze mois immédiatement avant la date présumée de son accouchement.

37 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux termes de son article 1er, paragraphes 1 et 2, la directive 92/85 est la dixième directive particulière au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391 et que les dispositions de cette dernière directive, à l’exception de son article 2, paragraphe 2, s’appliquent pleinement à l’ensemble du domaine visé à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 92/85. Or, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 89/391, cette
dernière directive s’applique à tous les secteurs d’activités, privés ou publics. À son article 3, sous a), la même directive définit le «travailleur» comme toute personne employée par un employeur ainsi que les stagiaires et apprentis, à l’exclusion des domestiques.

38 S’agissant du libellé de l’article 11, point 4, second alinéa, de la directive 92/85, il y a lieu de constater que celui-ci se réfère à des «périodes de travail préalable» au pluriel dans plusieurs versions linguistiques de cette disposition. Tel est le cas notamment dans les versions en langues espagnole («períodos de trabajo previo»), anglaise («periods of previous employment»), française («périodes de travail préalable»), italienne («periodi di lavoro preliminare») ou portugaise («períodos de
trabalho»).

39 D’autres versions linguistiques, notamment les versions en langues danoise, allemande ou néerlandaise, n’excluent pas l’existence de plusieurs périodes de travail préalable.

40 Par ailleurs, ni l’article 11, point 4, second alinéa, de la directive 92/85 ni aucune autre disposition de cette directive ne fixe de condition quant à la nature de ces périodes de travail.

41 Dans ces conditions, les «périodes de travail préalable» visées à l’article 11, point 4, second alinéa, de la directive 92/85 ne sauraient être limitées au seul emploi en cours avant la date présumée de l’accouchement. Ces périodes de travail doivent être entendues comme comprenant les différents emplois successifs occupés par la travailleuse concernée avant cette date, y compris pour différents employeurs et sous des statuts distincts. La seule exigence prévue par cette disposition est que la
personne concernée ait exercé un ou plusieurs emplois pendant la période requise par le droit national pour ouvrir le droit à la prestation de maternité, en application de ladite directive.

42 Il résulte ainsi du libellé de l’article 11, point 4, second alinéa, de la directive 92/85 qu’un État membre ne peut imposer une nouvelle période de stage de six mois préalable à l’ouverture du droit à une prestation de maternité en raison du seul fait que la travailleuse concernée a changé de statut ou de travail.

43 Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêts Merck, 292/82, EU:C:1983:335, point 12; TNT Express Nederland, C‑533/08, EU:C:2010:243, point 44, et Utopia, C‑40/14, EU:C:2014:2389, point 27).

44 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’objectif de la directive 92/85, qui a été adoptée sur la base de l’article 118 A du traité CEE, auquel correspond l’article 153 TFUE, est de promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (arrêts Paquay, C‑460/06, EU:C:2007:601, point 27; Danosa, C‑232/09, EU:C:2010:674, point 58, et D., C‑167/12, EU:C:2014:169, point 29).

45 Dans ce contexte et ainsi qu’il ressort du dix-septième considérant de la directive 92/85, afin d’éviter le risque que les dispositions concernant le congé de maternité soient sans effet utile si elles n’étaient pas accompagnées du maintien des droits liés au contrat de travail, le législateur de l’Union a prévu, à l’article 11, point 2, sous b), de la directive 92/85, que le maintien d’une rémunération et/ou le bénéfice d’une prestation adéquate pour les travailleuses auxquelles s’applique cette
directive doivent être assurés dans le cas du congé de maternité visé à l’article 8 de ladite directive (voir, en ce sens, arrêt Boyle e.a., C‑411/96, EU:C:1998:506, point 30).

46 Or, requérir un stage distinct à chaque changement de statut ou de travail reviendrait à remettre en cause la protection minimale prévue à l’article 11, point 2, de la directive 92/85 lorsque la travailleuse concernée n’a pas accompli le stage de six mois dans son nouvel emploi, même si elle a exécuté des périodes de travail supérieures à douze mois immédiatement avant la date présumée de son accouchement.

47 Enfin, le gouvernement belge fait valoir que la réglementation nationale en cause au principal n’impose pas à la travailleuse concernée d’occuper le même emploi pendant les six mois précédant tout accouchement, mais exige que celle-ci ait occupé, pendant six mois au minimum, un ou plusieurs emplois lui ouvrant des droits dans le cadre de la sécurité sociale des travailleurs salariés. Or, s’agissant d’un emploi exercé dans le cadre de la fonction publique, celui-ci n’engendrerait pas le versement
de cotisations à la sécurité sociale des travailleurs salariés.

48 À cet égard, il suffit de rappeler que, dans le cas où la travailleuse concernée a changé d’emploi en devenant salariée après avoir été agent statutaire pendant la période visée à l’article 11, point 4, second alinéa, de la directive 92/85, il appartient à chaque État membre d’assurer la coordination des différents organismes qui pourraient intervenir dans le versement de la prestation de maternité.

49 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, en application de l’article 11, point 4, second alinéa, de la directive 92/85, un État membre ne peut refuser d’accorder à une travailleuse une prestation de maternité au motif que, en sa qualité d’agent statutaire ayant obtenu une mise en disponibilité pour convenances personnelles en vue d’exercer une activité salariée, elle n’a pas accompli, dans le cadre de cette activité salariée, le stage prévu par le droit national pour bénéficier de
ladite prestation de maternité, même si elle a travaillé pendant plus de douze mois immédiatement avant la date présumée de son accouchement.

Sur la directive 2006/54

50 Compte tenu de la réponse apportée à la question au regard de la directive 92/85, il n’y a pas lieu de répondre à cette même question au regard de la directive 2006/54.

51 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que l’article 11, point 4, second alinéa, de la directive 92/85 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre refuse d’accorder à une travailleuse une prestation de maternité au motif que, en sa qualité d’agent statutaire ayant obtenu une mise en disponibilité pour convenances personnelles en vue d’exercer une activité salariée, elle n’a pas accompli, dans le cadre de cette activité salariée, le stage
prévu par le droit national pour bénéficier de ladite prestation de maternité, même si elle a travaillé pendant plus de douze mois immédiatement avant la date présumée de son accouchement.

Sur les dépens

52 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

  L’article 11, point 4, second alinéa, de la directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (dixième directive particulière au sens de l’article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE), doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre refuse d’accorder à une travailleuse une prestation de maternité au
motif que, en sa qualité d’agent statutaire ayant obtenu une mise en disponibilité pour convenances personnelles en vue d’exercer une activité salariée, elle n’a pas accompli, dans le cadre de cette activité salariée, le stage prévu par le droit national pour bénéficier de ladite prestation de maternité, même si elle a travaillé pendant plus de douze mois immédiatement avant la date présumée de son accouchement.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: le français.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-65/14
Date de la décision : 21/05/2015
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le tribunal du travail de Nivelles.

Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 92/85/CEE – Mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail – Article 11, points 2 et 4 – Agent statutaire mise en disponibilité pour convenances personnelles afin d’occuper un emploi en qualité de salariée – Refus de lui attribuer une prestation de maternité au motif que, en tant que salariée, elle n’a pas accompli le stage ouvrant droit à certaines prestations sociales.

Politique sociale

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Charlotte Rosselle
Défendeurs : Institut national d'assurance maladie-invalidité (INAMI) et Union nationale des mutualités libres (UNM).

Composition du Tribunal
Avocat général : Sharpston
Rapporteur ?: Safjan

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2015:339

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