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05/03/2015 | CJUE | N°C-585/13

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Europäisch-Iranische Handelsbank AG contre Conseil de l'Union européenne., 05/03/2015, C-585/13


ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

5 mars 2015 ( *1 )

«Pourvoi — Mesures restrictives prises à l’encontre de la République islamique d’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire — Gel de fonds — Restriction des transferts de fonds — Aide à des entités désignées à se soustraire à des mesures restrictives ou à les enfreindre»

Dans l’affaire C‑585/13 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 19 novembre 2013,

Europäisch-Iranische Handelsbank AG, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par MM. S. Jeffrey, S. Ashley et A. Irvi...

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

5 mars 2015 ( *1 )

«Pourvoi — Mesures restrictives prises à l’encontre de la République islamique d’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire — Gel de fonds — Restriction des transferts de fonds — Aide à des entités désignées à se soustraire à des mesures restrictives ou à les enfreindre»

Dans l’affaire C‑585/13 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 19 novembre 2013,

Europäisch-Iranische Handelsbank AG, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par MM. S. Jeffrey, S. Ashley et A. Irvine, solicitors, Me H. Hohmann, Rechtsanwalt, M. D. Wyatt, QC, ainsi que par M. R. Blakeley, barrister,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. F. Naert et M. Bishop, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par Mme V. Kaye, en qualité d’agent, assistée de M. R. Palmer, barrister,

Commission européenne,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda, A. Rosas (rapporteur), E. Juhász et D. Šváby, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 novembre 2014,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, Europäisch-Iranische Handelsbank AG (ci-après «EIH») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 6 septembre 2013, Europäisch-Iranische Handelsbank/Conseil (T‑434/11, EU:T:2013:405, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté ses demandes tendant à l’annulation:

— de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 71),

— du règlement d’exécution (UE) no 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement (UE) no 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 11), et

— du règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) no 961/2010 (JO L 88, p. 1),

pour autant que ces actes la concernent.

Le cadre juridique et les antécédents du litige

2 Préoccupé par les nombreux rapports du directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et les résolutions du Conseil des gouverneurs de l’AIEA relatifs au programme nucléaire de la République islamique d’Iran, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le «Conseil de sécurité») a, le 23 décembre 2006, adopté la résolution 1737 (2006), dont le point 12, lu en combinaison avec l’annexe de celle-ci, énumère une série de personnes et d’entités qui seraient impliquées
dans la prolifération nucléaire et dont les fonds ainsi que les ressources économiques devraient être gelés.

3 Afin de mettre la résolution 1737 (2006) en œuvre dans l’Union européenne, le Conseil de l’Union européenne a, le 27 février 2007, adopté la position commune 2007/140/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 61, p. 49).

4 L’article 5, paragraphe 1, de la position commune 2007/140 prévoyait le gel de tous les fonds et de toutes les ressources économiques de certaines catégories de personnes et d’entités énumérées aux points a) et b) de cette disposition. Ainsi, le point a) de cet article 5, paragraphe 1, visait les personnes et les entités désignées à l’annexe de la résolution 1737 (2006) ainsi que les autres personnes et les autres entités désignées par le Conseil de sécurité ou par le comité du Conseil de sécurité
créé conformément à l’article 18 de la résolution 1737 (2006). La liste de ces personnes et de ces entités figurait à l’annexe I de la position commune 2007/140. Le point b) dudit article 5, paragraphe 1, visait les personnes et les entités non mentionnées à cette annexe I qui, notamment, participent, sont directement associées ou apportent un appui aux activités nucléaires de la République islamique d’Iran posant un risque de prolifération. La liste de ces personnes et de ces entités figurait à
l’annexe II de ladite position commune.

5 Dans la mesure où les compétences de la Communauté européenne étaient concernées, la résolution 1737 (2006) a été mise en œuvre par le règlement (CE) no 423/2007, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1), adopté sur la base des articles 60 CE et 301 CE, visant la position commune 2007/140 et dont le contenu est en substance semblable à celui de cette dernière, les mêmes noms d’entités et de personnes physiques figurant à l’annexe IV de
ce règlement, concernant les personnes, les entités et les organismes désignés par le Conseil de sécurité ou le comité des sanctions, et, à l’annexe V dudit règlement, concernant les personnes, les entités et les organismes autres que ceux figurant à cette annexe IV.

6 L’article 7, paragraphes 1 à 3, du règlement no 423/2007 prévoit le gel des fonds. L’article 7, paragraphe 4, de ce règlement est rédigé comme suit:

«Il est interdit de participer sciemment et volontairement à des activités ayant pour objet ou pour effet direct ou indirect de contourner les mesures visées aux paragraphes 1, 2 et 3.»

7 Les articles 8 à 10 du règlement no 423/2007 énoncent diverses hypothèses dans lesquelles les autorités compétentes des États membres peuvent autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés.

8 L’article 8, sous a), de ce règlement, tel que modifié par le règlement (CE) no 618/2007 du Conseil, du 5 juin 2007 (JO L 143, p. 1), prévoit que les autorités compétentes des États membres peuvent autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés lorsqu’ils font l’objet d’un privilège d’origine judiciaire, administrative ou arbitrale établi avant la date à laquelle la personne, l’entité ou l’organisme a été désigné par le comité des sanctions, le Conseil de sécurité ou le
Conseil, ou d’une décision judiciaire, administrative ou arbitrale rendue avant cette date.

9 L’article 9 du règlement no 423/2007 prévoit que les autorités compétentes des États membres peuvent autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés pour autant qu’un paiement soit dû par une personne, une entité ou un organisme inscrit au titre d’un contrat, d’un accord ou d’une obligation souscrit par la personne, l’entité ou l’organisme concerné avant la date de son inscription. L’autorité compétente concernée doit établir l’utilisation des fonds et notifier son
intention d’accorder une autorisation au comité des sanctions ou aux autres États membres et à la Commission européenne, selon que la personne, l’entité ou l’organisme a été désigné par le Conseil de sécurité ou non.

10 L’article 10, paragraphe 1, du règlement no 423/2007 prévoit que les autorités compétentes des États membres peuvent autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés pour des besoins essentiels des personnes, en vue du paiement de prestations de services juridiques ou de frais de garde des fonds. Lorsque l’autorisation concerne une personne, une entité ou un organisme désigné par le Conseil de sécurité, l’autorité doit notifier son intention d’accorder l’autorisation au
comité des sanctions. L’article 10, paragraphe 2, de ce règlement prévoit que les autorités compétentes des États membres peuvent autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés pour régler des dépenses extraordinaires. Lorsque l’autorisation concerne une personne, une entité ou un organisme désigné par le Conseil de sécurité, l’autorité doit notifier sa décision au comité des sanctions qui doit l’approuver. Lorsque l’autorisation concerne une personne, une entité ou un
organisme qui n’a pas été désigné par le Conseil de sécurité, l’autorité compétente doit notifier au préalable les raisons pour lesquelles elle estime qu’une autorisation spécifique devrait être accordée aux autres autorités compétentes des États membres et à la Commission. L’article 10, paragraphe 3, dudit règlement prévoit que l’État membre concerné informe les autres États membres et la Commission de toute autorisation délivrée en vertu des paragraphes 1 et 2 de cet article.

11 Conformément à l’article 18, sous d) et e), du règlement no 423/2007, celui-ci s’applique, notamment, à toute personne morale, toute entité ou tout organisme, établi ou constitué selon le droit d’un État membre, ou en ce qui concerne toute opération commerciale réalisée intégralement ou en partie dans la Communauté.

12 Constatant que la République islamique d’Iran poursuivait ses activités liées à l’enrichissement nucléaire et ne collaborait pas avec l’AIEA, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1803 (2008), le 3 mars 2008. Au point 10 de cette résolution, le Conseil de sécurité:

«Demande à tous les États de faire preuve de vigilance s’agissant des activités menées par les institutions financières sises sur leur territoire avec toutes les banques domiciliées en Iran, en particulier la Banque Melli et la Banque Saderat, ainsi qu’avec leurs succursales et leurs agences à l’étranger, afin d’éviter que ces activités concourent à des activités posant un risque de prolifération, ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, comme il est dit dans la
résolution 1737 (2006)».

13 Afin de mettre en œuvre cette résolution, le Conseil a adopté, le 7 août 2008, la position commune 2008/652/PESC, modifiant la position commune 2007/140 (JO L 213, p. 58, et rectificatif JO L 285, p. 22). L’article 3 ter, paragraphe 1, de la position commune 2007/140, telle que modifiée par la position commune 2008/652, prévoit que les États membres font preuve de vigilance s’agissant des activités menées par les institutions financières relevant de leur juridiction avec les banques domiciliées
en Iran, en particulier la Banque Saderat, les succursales et les agences de telles banques, ainsi que les entités financières contrôlées par des personnes et des entités domiciliées en Iran, lorsque ces établissements sont inscrits aux annexes III ou IV de cette position commune, telle que modifiée, afin d’éviter que ces activités concourent à des activités nucléaires posant un risque de prolifération nucléaire. L’article 3 ter, paragraphe 2, de ladite position commune, telle que modifiée,
prévoit que les États membres doivent demander aux institutions financières, notamment:

«a) de faire constamment preuve de vigilance à l’égard de l’activité des comptes, notamment au moyen de leurs programmes de mesures de vigilance à l’égard de la clientèle et dans le cadre de leurs obligations relatives au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme;

b) d’exiger que tous les champs d’information des instructions de paiement qui portent sur le donneur d’ordre et le bénéficiaire de l’opération en question soient complétés, et, si ces informations ne sont pas fournies, de refuser l’opération;

c) de conserver pendant cinq ans tous les relevés des opérations et de les mettre sur demande à la disposition des autorités nationales;

d) si elles soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner que des fonds sont liés au financement de la prolifération, de faire rapidement part de leurs soupçons à la cellule de renseignement financier [...] ou à une autre autorité compétente désignée par l’État membre concerné. [...]»

14 Le 10 novembre 2008, le Conseil a adopté le règlement (CE) no 1110/2008, modifiant le règlement no 423/2007 (JO L 300, p. 1). L’article 3 ter de la position commune 2007/140, telle que modifiée par la position commune 2008/652, est mis en œuvre par un article 11 bis ajouté au règlement no 423/2007, lequel est applicable, notamment, aux entités, aux personnes morales et aux organismes établis ou constitués selon le droit d’un État membre, ou en ce qui concerne toute opération commerciale réalisée
dans la Communauté. L’article 11 ter du règlement no 423/2007, tel que modifié par le règlement no 1110/2008, prévoit des dispositions spécifiques aux succursales et aux filiales de la Banque Saderat.

15 Constatant que la République islamique d’Iran ne respectait pas les résolutions du Conseil de sécurité, qu’elle a construit une centrale à Qom en violation de son obligation de suspendre toutes activités liées à l’enrichissement nucléaire et ne l’a révélé qu’au mois de septembre 2009, qu’elle n’informait pas l’AIEA et refusait de coopérer avec cette agence, le Conseil de sécurité a, par la résolution 1929 (2010), du 9 juin 2010, adopté des mesures plus sévères. Les points 21 à 24 de cette
résolution sont relatifs aux services financiers. Au point 21 de ladite résolution, le Conseil de sécurité invite notamment les États «à empêcher la fourniture de services financiers sur leur territoire, notamment les services d’assurance et de réassurance, ou le transfert vers, par ou depuis leur territoire, à ou par leurs nationaux ou des entités relevant de leur juridiction (y compris les filiales à l’étranger), ou des personnes ou institutions financières se trouvant sur leur territoire, de
tous fonds, autres actifs ou ressources économiques s’ils disposent d’informations leur donnant des motifs raisonnables de penser que ces services, actifs ou ressources pourraient contribuer aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, notamment en gelant les fonds, autres actifs et ressources économiques se trouvant sur leur territoire ou qui se trouveraient plus tard sur leur territoire, ou qui sont soumis à leur
juridiction ou viendraient à l’être, et sont associés à ces programmes ou activités, et en exerçant une surveillance renforcée pour prévenir de telles transactions, en accord avec leurs autorités nationales et conformément à leur législation nationale».

16 Dans une déclaration annexée à ses conclusions du 17 juin 2010, le Conseil européen a souligné qu’il était de plus en plus préoccupé par le programme nucléaire iranien, s’est félicité de l’adoption, par le Conseil de sécurité, de la résolution 1929 (2010) et a pris acte du dernier rapport de l’AIEA, en date du 31 mai 2010.

17 Au point 4 de cette déclaration, le Conseil européen a considéré que l’instauration de nouvelles mesures restrictives était devenue inévitable. Compte tenu des travaux réalisés par le Conseil des affaires étrangères, il a invité ce dernier à adopter, lors de sa prochaine session, des mesures mettant en œuvre celles prévues dans la résolution 1929 (2010) du Conseil de sécurité. Ces mesures devaient porter notamment sur «le secteur financier, y compris le gel des avoirs d’autres banques iraniennes
et des restrictions dans le secteur de la banque et des assurances».

18 Par la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140 (JO L 195, p. 39, et rectificatif JO L 197, p. 19), le Conseil a mis ladite déclaration en œuvre, en abrogeant la position commune 2007/140 et en adoptant des mesures restrictives supplémentaires par rapport à cette dernière. Les considérants 17 à 20 de la décision 2010/413, relatifs aux activités financières, rappellent les décisions
du Conseil de sécurité dans la résolution 1929 (2010) ainsi que la déclaration du Conseil européen du 17 juin 2010. Le chapitre 2 de la décision 2010/413 est consacré au secteur financier. L’article 10, paragraphe 1, de cette décision prévoit que, afin d’empêcher la fourniture de services financiers sur le territoire des États membres ou le transfert vers, par ou depuis leur territoire, à ou par des ressortissants des États membres ou des entités relevant de leur juridiction (y compris les
filiales à l’étranger), ou des personnes ou des institutions financières présents sur leur territoire, de tous fonds, autres actifs ou ressources économiques susceptibles de contribuer aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, les États membres exercent une surveillance renforcée de toutes les activités menées par les institutions financières relevant de leur juridiction avec les banques domiciliées en Iran, les
agences, les filiales ou les entités contrôlées par celles-ci. L’article 10, paragraphe 3, de ladite décision prévoit le contrôle des transferts de fonds.

19 L’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413 prévoit le gel des fonds de plusieurs catégories de personnes et d’entités. Le point a) de cet article 20, paragraphe 1, vise les personnes et les entités désignées par le Conseil de sécurité, qui sont énumérées à l’annexe I de cette décision. Le point b) dudit article 20, paragraphe 1, concerne «les personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui participent, sont directement associées ou apportent un appui aux activités nucléaires de
l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, y compris en concourant à l’acquisition des articles, biens, équipements, matières et technologies interdits, ou les personnes ou entités agissant pour leur compte ou sur leurs ordres, ou les entités qui sont leur propriété ou sont sous leur contrôle, y compris par des moyens illicites, ou les personnes et les entités qui ont aidé les personnes ou les entités désignées à se soustraire aux dispositions
des résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et 1929 (2010) du Conseil de sécurité ou de la présente décision, ou à les enfreindre, ainsi que les autres membres de haut niveau et entités du Corps des gardiens de la révolution islamique et de la compagnie Islamic Republic of Iran Shipping Lines et les entités qui sont leur propriété, sont sous leur contrôle ou agissent pour leur compte, telles qu’énumérées à l’annexe II».

20 Le règlement no 423/2007 a été abrogé et remplacé par le règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 423/2007 (JO L 281, p. 1), lequel a été adopté sur la base de l’article 215 TFUE. L’article 16 de ce règlement prévoit notamment le gel des fonds et des ressources économiques appartenant à certaines personnes, entités ou certains organismes ou étant contrôlés par eux. Le paragraphe 1
de cet article vise les personnes, les entités ou les organismes désignés par le Conseil de sécurité et énumérés à l’annexe VII dudit règlement.

21 Aux termes de l’article 16, paragraphes 2 à 4, du règlement no 961/2010:

«2.   Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes, entités ou organismes énumérés à l’annexe VIII, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent. L’annexe VIII comprend les personnes physiques et morales, les entités et les organismes [...] qui ont été reconnus conformément à l’article 20, paragraphe 1, point b), de la décision 2010/413 [...]:

a) comme participant, étant directement associés ou apportant un appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires par l’Iran, y compris en concourant à l’acquisition de biens et technologies interdits, ou comme étant détenus par une telle personne ou entité ou par un tel organisme, ou se trouvant sous leur contrôle, y compris par des moyens illicites, ou agissant pour leur compte ou selon leurs instructions;

b) comme étant une personne physique ou morale, une entité ou un organisme ayant aidé une personne, une entité ou un organisme figurant sur une liste à enfreindre les dispositions du présent règlement, de la décision 2010/413 [...] ou des résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et 1929 (2010) du Conseil de sécurité [...], ou à s’y soustraire;

[...]

3.   Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est mis, directement ou indirectement, à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes énumérés aux annexes VII et VIII, ni dégagé à leur profit.

4.   Il est interdit de participer sciemment et volontairement à des activités ayant pour objet ou pour effet direct ou indirect de contourner les mesures visées aux paragraphes 1, 2 et 3.»

22 Les articles 18 et 19 du règlement no 961/2010 sont relatifs aux possibilités de déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés et correspondent aux articles 9 et 10 du règlement no 423/2007.

23 Les restrictions aux transferts de fonds et aux services financiers sont prévues au chapitre V du règlement no 961/2010. L’article 21 de ce règlement, qui figure dans ce chapitre, prévoit des règles spécifiques régissant les transferts de fonds à destination et en provenance d’une personne, d’une entité ou d’un organisme iraniens. En particulier, ledit article impose une obligation d’obtenir, auprès des autorités nationales compétentes, une autorisation préalable pour tout transfert, autre que
les transferts visés à son paragraphe 1, sous a), d’un montant égal ou supérieur à 40 000 euros. Une telle autorisation est, conformément à l’article 21, paragraphe 4, du règlement no 961/2010, délivrée à moins que le transfert de fonds envisagé contribue aux activités mentionnées à cette disposition. En revanche, des transferts de fonds d’un montant inférieur à 40 000 euros ne nécessitent pas d’autorisation préalable, mais doivent être notifiés lorsque leur montant est supérieur à 10 000 euros.
L’article 21, paragraphe 5, du règlement no 961/2010 prévoit que cet article ne s’applique pas si une autorisation de transfert a été délivrée conformément, notamment, aux articles 18 et 19 de ce règlement.

24 L’article 32, paragraphe 2, du règlement no 961/2010 est libellé comme suit:

«Les interdictions visées dans le présent règlement n’entraînent, pour les personnes morales ou physiques ou les entités concernées, aucune responsabilité de quelque nature que ce soit dès lors qu’elles ne savaient, ni ne pouvaient raisonnablement suspecter qu’elles violeraient ces interdictions par leurs actions.»

25 Par la décision 2011/299/PESC, du 23 mai 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO L 136, p. 65), et le règlement d’exécution (UE) no 503/2011, du 23 mai 2011, mettant en œuvre le règlement no 961/2010 (JO L 136, p. 26) (ci-après, pris ensemble, les «actes du 23 mai 2011»), le Conseil a notamment inscrit le nom d’EIH sur les listes des personnes et des entités figurant respectivement à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement no 961/2010 (ci-après les «listes de 2010»).

26 Dans les actes du 23 mai 2011, le Conseil a motivé le gel des fonds et des ressources économiques de la requérante de la façon suivante:

«L’EIH a joué un rôle clé en aidant un certain nombre de banques iraniennes à trouver d’autres options pour mener à bien des transactions interrompues par les sanctions de l’[Union] infligées à l’Iran. On a constaté que l’EIH a fait office de banque conseil et de banque intermédiaire dans le cadre de transactions avec des entités iraniennes désignées.

Par exemple, l’EIH a gelé, début août 2010, les comptes que détiennent auprès d’elle à Hambourg [Allemagne] la Bank Saderat Iran et la Bank Mellat, désignées par l’[Union]. Peu de temps après, l’EIH a recommencé à effectuer des opérations libellées en euros avec la Bank Mellat et la Bank Saderat Iran en utilisant des comptes qu’elle détient dans une banque iranienne non désignée. En août 2010, l’EIH a créé un système permettant d’effectuer des paiements courants à la Bank Saderat de Londres et à
la Future Bank de Bahreïn, de manière à éviter les sanctions de l’[Union]. En octobre 2010, l’EIH continuait à réceptionner les paiements effectués par des banques iraniennes sanctionnées, notamment les banques Mellat et Saderat. Ces banques sanctionnées doivent envoyer leurs paiements à l’EIH par l’intermédiaire de l’Iran’s Bank of Industry and Mine. En 2009, l’EIH a été utilisée par la Post Bank dans le cadre d’un système permettant d’échapper aux sanctions qui consistait à traiter des
opérations au nom de la Bank Sepah désignée par les Nations unies. La Bank Mellat désignée par l’[Union] est l’une des banques mères de l’EIH.»

27 Dans ses conclusions du 1er décembre 2011, le Conseil a, à nouveau, exprimé sa préoccupation concernant la nature du programme nucléaire mis en œuvre par la République islamique d’Iran et, compte tenu de ces inquiétudes, a annoncé la désignation de 180 entités et personnes supplémentaires qui feraient l’objet de mesures restrictives.

28 Au considérant 3 de la décision 2011/783, et au considérant 3 du règlement d’exécution no 1245/2011, le Conseil a indiqué que les personnes, les entités et les organismes énumérés sur les listes de 2010, parmi lesquelles figure EIH, devaient continuer à faire l’objet des mesures restrictives particulières qui y sont prévues.

29 Dans ses conclusions du 9 décembre 2011, le Conseil européen a invité le Conseil à poursuivre en priorité ses travaux relatifs à l’extension du champ d’application des mesures restrictives de l’Union et à l’élargissement des sanctions actuellement en vigueur, en envisageant l’imposition de mesures supplémentaires à l’encontre de la République islamique d’Iran, et à adopter ces mesures au plus tard lors de sa prochaine session.

30 Faisant référence à ces conclusions, le Conseil a adopté de nouvelles mesures par la décision 2012/35/PESC, du 23 janvier 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO L 19, p. 22).

31 De même, il a adopté de nouvelles mesures par le règlement no 267/2012, qui abroge et remplace le règlement no 961/2010. Le gel des fonds et des ressources économiques est prévu à l’article 23 du règlement no 267/2012. L’article 23, paragraphe 2, sous a) et b), de ce règlement prévoit le gel des fonds et des ressources économiques des personnes, des entités ou des organismes énumérés à l’annexe IX dudit règlement. Le nom de la requérante est inscrit sur la liste figurant à cette annexe.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

32 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 août 2011, EIH a introduit un recours en annulation contre la décision 2011/299 et le règlement d’exécution no 503/2011. Par la suite, elle a adapté ses chefs de conclusions et a demandé l’annulation de la décision 2011/783, du règlement d’exécution no 1245/2011 et du règlement no 267/2012.

33 À l’appui de son recours, la requérante invoquait quatre moyens et soulevait une exception d’illégalité. Les moyens étaient pris, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation, de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective, le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation, le troisième, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime, du principe de sécurité juridique et du droit à une bonne administration et, le
quatrième, d’une violation du principe de proportionnalité, de son droit de propriété et de sa liberté d’entreprise. L’exception d’illégalité visait l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, l’article 16, paragraphe 2, sous b), du règlement no 961/2010 et, par l’effet de la seconde adaptation des conclusions, l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 267/2012.

34 À plusieurs reprises, le Tribunal a constaté que la requérante avait admis, dans ses écritures, avoir effectué des opérations impliquant des banques iraniennes désignées, mais faisait valoir que ces opérations étaient licites. Ainsi qu’il ressort du point 168 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a également relevé que la requérante avait admis avoir effectué de telles opérations notamment dans la lettre du 29 juillet 2011 qu’elle a adressée au Conseil, lorsqu’elle a présenté ses observations sur
l’inscription de son nom sur les listes de 2010 par les actes du 23 mai 2011.

35 S’agissant du premier moyen, le Tribunal a considéré, aux points 45 à 47 de l’arrêt attaqué, que la base juridique de l’inscription et du maintien de la requérante sur les listes de 2010 et sur celle figurant à l’annexe IX du règlement no 267/2012 était l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, l’article 16, paragraphe 2, sous b), du règlement no 961/2010 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 267/2012, c’est-à-dire le critère visant une entité qui a aidé une personne,
une entité ou un organisme désigné à se soustraire aux mesures restrictives ou à les enfreindre. Après avoir examiné la motivation de l’inscription de la requérante sur lesdites listes, le Tribunal a conclu, au point 55 de l’arrêt attaqué, que la motivation de la décision 2011/299, du règlement d’exécution no 503/2011, de la décision 2011/783, du règlement d’exécution no 1245/2011 et du règlement no 267/2012 (ci-après, ensemble, les «actes attaqués») au regard dudit critère était suffisante en ce
qu’elle permettait à la requérante de comprendre les comportements qui lui étaient reprochés et au Tribunal d’exercer son contrôle.

36 Dans le cadre de l’examen du deuxième moyen, le Tribunal a observé, au point 166 de l’arrêt attaqué, que, «s’agissant de la première inscription du nom de la requérante sur les listes de 2010, [...] le dossier ne contient aucun indice suggérant que le Conseil a vérifié le bien-fondé des allégations contenues dans la proposition d’inscription». Il a dès lors accueilli l’argument tiré de ce que le Conseil ne pouvait, en l’absence de preuve, procéder à une évaluation du bien-fondé de l’inscription
du nom de la requérante sur lesdites listes pour autant que cet argument vise les actes du 23 mai 2011. Il a rejeté le deuxième moyen pour le surplus.

37 Le Tribunal a par la suite rejeté les troisième et quatrième moyens ainsi que l’exception d’illégalité.

38 En conséquence, le Tribunal a annulé la décision 2011/299 ainsi que le règlement d’exécution no 503/2011 et a rejeté le recours pour le surplus.

39 Le Tribunal a condamné EIH à supporter les trois cinquièmes de ses propres dépens et de ceux du Conseil et a condamné le Conseil à supporter les deux cinquièmes de ses propres dépens et de ceux d’EIH. Il a décidé que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et la Commission supporteraient leurs propres dépens.

Les conclusions des parties

40 EIH demande à la Cour:

— d’annuler l’arrêt attaqué sur les points précis indiqués dans le présent pourvoi;

— d’annuler la décision 2011/783, le règlement d’exécution no 1245/2011 et le règlement no 267/2012, avec effet immédiat, dans la mesure où ils lui sont applicables, et

— de condamner le Conseil à payer les dépens exposés par elle afférents à la procédure devant le Tribunal et à la procédure devant la Cour dans le cadre du pourvoi.

41 Le Conseil demande à la Cour de rejeter l’ensemble du pourvoi comme étant dénué de fondement et de condamner EIH aux dépens exposés par lui.

42 Le Royaume-Uni demande à la Cour de rejeter le pourvoi.

Sur le pourvoi

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

43 Par son premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et des droits de la défense, EIH fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit et est parvenu à une conclusion incompatible avec les conclusions de la requête lorsqu’il a conclu qu’elle a admis avoir effectué les opérations invoquées par le Conseil pour justifier sa désignation en tant que personne, entité ou organisme faisant l’objet de mesures restrictives.

44 Elle conteste les points 115 à 117 de l’arrêt attaqué, ainsi que les points 51 à 52 de celui-ci, auxquels le point 115 dudit arrêt renvoie. Par ces points, le Tribunal a constaté que la requérante a admis avoir réalisé un certain nombre d’opérations bancaires, parmi lesquelles figurent celles qui lui sont reprochées. Eu égard à cette constatation, le Tribunal a conclu, au point 118 de l’arrêt attaqué, que le Conseil n’était pas tenu d’apporter la preuve de faits non contestés.

45 La requérante rappelle le premier moyen de la requête, relatif au caractère insuffisant de la motivation des actes attaqués et à la violation des droits de la défense. Elle soutient qu’il ne pouvait en être déduit qu’elle reconnaissait avoir effectué les opérations exposées dans la motivation de son inscription sur les listes de 2010 et sur celle figurant à l’annexe IX du règlement no 267/2012.

46 Le Conseil et le Royaume-Uni font valoir que, ainsi que le Tribunal l’a exposé au point 114 de l’arrêt attaqué, la requérante a admis, dans ses écritures, avoir effectué des opérations impliquant des banques iraniennes désignées en tant que personnes, entités ou organismes faisant l’objet de mesures restrictives, mais a soutenu que ces opérations étaient licites. Le Tribunal n’a dès lors commis aucune erreur de droit en jugeant qu’il n’y avait pas eu de violation de l’obligation de motivation ni
des droits de la défense.

Appréciation de la Cour

47 À plusieurs reprises, le Tribunal a constaté que la requérante avait effectué des opérations intéressant des banques iraniennes désignées en tant que personnes, entités ou organismes faisant l’objet de mesures restrictives. Ainsi qu’il ressort des points 52, 167 et 168 de l’arrêt attaqué, cette constatation résulte de l’examen de la requête déposée en première instance et de la lettre du 29 juillet 2011, par laquelle la requérante a présenté au Conseil ses observations sur l’inscription de son
nom sur les listes de 2010 par les actes du 23 mai 2011.

48 Conformément aux articles 256 TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Dès lors, le Tribunal est seul compétent pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, ainsi que pour apprécier les éléments de preuve retenus. La constatation de ces faits et l’appréciation de ces éléments ne constituent donc pas,
sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêts France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 78 et jurisprudence citée, ainsi que Commune de Millau et SEMEA/Commission, C‑531/12 P, EU:C:2014:2008, point 56).

49 Il y a lieu à ce dernier égard de rappeler qu’une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt General Motors/Commission, C‑551/03 P, EU:C:2006:229, point 54).

50 Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 29 et 30 de ses conclusions, la requérante a admis dans la requête avoir effectué des opérations concernant des entités désignées comme faisant l’objet de mesures restrictives, mais a contesté plutôt le caractère illicite de telles opérations. Dans ces conditions, il n’apparaît pas de manière manifeste que le Tribunal aurait dénaturé les faits constatés aux points 51, 52, 101, 114 à 117 de l’arrêt attaqué.

51 En ce qui concerne le reproche selon lequel le Tribunal aurait commis une erreur de droit en considérant que le Conseil n’était pas tenu d’apporter la preuve de la matérialité des opérations en cause, il y a lieu de rappeler qu’il appartient à l’autorité compétente de l’Union d’établir, en cas de contestation, le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée (arrêt Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121). Les faits quant à
l’existence même des opérations en cause pouvant être considérés comme non contestés en l’espèce, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.

52 Eu égard à ces considérations, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

Sur le deuxième moyen

Argumentation des parties

53 Par son deuxième moyen, EIH soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que les critères de fond pour sa désignation en tant que personne, entité ou organisme faisant l’objet de mesures restrictives étaient remplis.

54 Par la première branche du deuxième moyen, elle fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, pour justifier sa désignation en tant que personne, entité ou organisme faisant l’objet de mesures restrictives, qu’elle avait admis avoir effectué les opérations invoquées par le Conseil.

55 Le Conseil et le Royaume-Uni font valoir que la première branche du deuxième moyen se confond avec le premier moyen et doit être rejetée pour les mêmes motifs que ceux présentés à l’encontre du premier moyen.

56 Dans la seconde branche du deuxième moyen, EIH fait valoir que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit lorsqu’il a examiné les trois catégories d’opérations qu’elle a effectuées et qui, selon elle, n’étaient pas interdites. Il s’agirait, premièrement, d’opérations exclues du champ d’application de la réglementation en cause, deuxièmement, d’opérations autorisées et, troisièmement, d’opérations effectuées conformément à la procédure dite «de la troisième voie» (ci-après la «procédure de la
troisième voie»), à savoir une procédure qui consiste en la possibilité, pour une entité désignée comme faisant l’objet de mesures restrictives, de s’acquitter d’une dette, née d’une obligation antérieure à sa désignation, envers un créditeur établi sur le territoire de l’Union, en transférant des avoirs à l’attention de ce dernier, par l’intermédiaire d’une entité non désignée comme faisant l’objet de telles mesures.

57 La requérante conteste à titre liminaire le point 145 de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a jugé qu’elle s’était limitée à soutenir que certaines opérations étaient exclues du champ d’application des mesures restrictives sans autrement étayer son argumentation.

58 S’agissant de la catégorie des opérations autorisées, EIH critique les points 147 à 149 de l’arrêt attaqué. Elle fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant qu’elle n’avait pas apporté des éléments de preuve permettant d’établir qu’elle bénéficiait d’autorisations au titre de l’article 21 du règlement no 961/2010, relatif aux transferts de fonds à destination ou en provenance d’une personne, d’une entité ou d’un organisme iraniens, pour des opérations qui ont eu lieu
après le 2 septembre 2010, étant donné que seuls des exemples de telles autorisations ont été donnés.

59 S’agissant des opérations effectuées selon la procédure de la troisième voie, EIH fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit:

— en considérant que l’approbation, par la Bundesbank, des opérations effectuées par elle et relatives à d’anciennes activités avec les banques sanctionnées n’était pas licite parce qu’il s’agissait d’une approbation généralisée et que seules des opérations autorisées au cas par cas créent des exceptions valables au régime de sanctions de l’Union;

— en estimant que les autorisations de la Bundesbank au titre de l’article 21 du règlement no 961/2010 ne confirmaient pas la légalité des opérations effectuées selon ladite procédure, et

— en jugeant que les opérations effectuées par elle selon la procédure de la troisième voie n’étaient pas licites étant donné qu’elles méconnaissaient l’interdiction de contournement faite à l’article 16, paragraphe 4, du règlement no 961/2010, en ce qu’elle avait sciemment et volontairement participé au contournement des sanctions.

60 Elle soutient à cet égard qu’elle n’a pas eu l’occasion de présenter d’observations sur le caractère licite des approbations généralisées, ce qui constitue une violation de ses droits de la défense.

61 La requérante soutient que les dispositions pertinentes des règlements en cause n’excluent pas des autorisations généralisées et que de telles autorisations généralisées sont fréquemment délivrées par des États membres. Elle donne à titre d’exemple les autorisations généralisées délivrées et appliquées par le Trésor du Royaume-Uni.

62 Elle fait valoir, en substance, que le Conseil ne peut imposer de mesures restrictives en raison d’opérations entreprises conformément à une procédure approuvée par une autorité nationale compétente lorsque cette approbation relève du champ implicite des compétences d’une telle autorité en vertu du règlement no 423/2007. Ainsi, lorsqu’il est demandé à une autorité nationale compétente d’accorder une exemption au titre de l’article 9 de ce règlement, mais que cette autorité considère que, dans ce
cas ou dans cette catégorie de cas, l’article 7 dudit règlement n’est pas applicable et donc qu’aucune autorisation n’est requise ou appropriée et en informe l’opérateur économique, celui-ci doit bénéficier de la même protection juridique que celle dont il aurait bénéficié si ladite autorité avait conclu que ledit article 7 s’applique et qu’elle avait accordé l’exemption demandée.

63 EIH soutient que la conclusion à laquelle est parvenu le Tribunal au point 150 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les autorisations de la Bundesbank au titre de l’article 21 du règlement no 961/2010 ne confirmaient pas la légalité des opérations effectuées selon la procédure de la troisième voie, est erronée en droit. Elle fait valoir, notamment, qu’un opérateur économique qui procède à la complète divulgation d’une opération envisagée à une autorité nationale compétente et se fonde sur une
approbation ou une autorisation d’effectuer l’opération en question accordée par cette autorité ne saurait être considéré comme s’étant sciemment et volontairement livré au contournement du régime de gel des avoirs au sens de l’article 16, paragraphe 4, de ce règlement.

64 EIH conteste en outre la conclusion du Tribunal selon laquelle la procédure de la troisième voie viole l’article 16, paragraphe 4, du règlement no 961/2010 au motif que le Tribunal a soulevé d’office un moyen nouveau. À titre subsidiaire, elle rappelle que les opérations effectuées par elle faisaient l’objet, premièrement, d’une approbation généralisée par la Bundesbank et/ou d’une assurance généralement applicable de ce qu’aucune autorisation n’était requise et, deuxièmement, d’autorisations au
titre de l’article 21 de ce règlement, qui confirmaient la légalité de ces opérations. La requérante marque enfin son désaccord avec les conclusions que le Tribunal a tirées des différents documents composant son dossier.

65 S’agissant des opérations prétendument exclues du champ d’application des mesures restrictives, le Conseil est d’avis que la conclusion du Tribunal, selon lequel EIH n’a pas étayé ses allégations, est juste.

66 S’agissant des opérations prétendument autorisées, le Conseil estime également que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.

67 S’agissant des opérations effectuées conformément à la procédure de la troisième voie, le Conseil rappelle que le Tribunal a posé aux parties une question relative à l’effet juridique de l’approbation, par une autorité nationale compétente, d’une telle procédure et que celles-ci ont pu s’exprimer à cet égard. Le Conseil considère, par ailleurs, que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.

68 Le Royaume-Uni rappelle l’article 18 du règlement no 961/2010 selon lequel une autorité nationale compétente est tenue d’établir que les conditions de l’autorisation sont réunies. L’approbation serait donnée après un examen individuel et ne saurait couvrir une série de transactions différentes et indéterminées. De même, un tel examen ne saurait être évité en adoptant un moyen indirect d’acheminer un paiement. Le Royaume-Uni souligne également que les institutions de l’Union et les autres États
membres ne sont pas liés par l’interprétation faite par l’autorité compétente d’un État membre selon laquelle une forme d’approbation générale peut être donnée pour certaines opérations. S’agissant des autorisations délivrées en application de la législation du Royaume-Uni et auxquelles la requérante fait référence, le Royaume-Uni fait valoir qu’elles sont applicables dans le cadre d’un autre règlement de l’Union et qu’elles ne sont pas pertinentes dans la présente espèce.

69 Le Royaume-Uni relève par ailleurs qu’EIH a tenté de justifier ses opérations en renvoyant au fait que la Bundesbank avait émis des autorisations au titre de l’article 21 du règlement no 961/2010, mais que cela ne répond pas à l’accusation selon laquelle EIH a agi en violation de l’article 16, paragraphe 4, de ce règlement. Quelle que soit la nature, en droit national, des déclarations de l’autorité nationale compétente, elles ne lient pas le Conseil lorsqu’il apprécie la question de savoir si
une personne, une entité ou un organisme a effectué des opérations pour le compte de banques désignées comme faisant l’objet de mesures restrictives afin de contourner l’article 16, paragraphes 1 et 2, dudit règlement.

Appréciation de la Cour

70 S’agissant de la première branche du deuxième moyen, il y a lieu de constater qu’elle se confond avec le premier moyen de pourvoi qui a été rejeté au point 52 du présent arrêt.

71 S’agissant de la seconde branche du deuxième moyen, il y a lieu, au préalable, de rappeler que, ainsi que le Tribunal l’a jugé au point 47 de l’arrêt attaqué, le Conseil a entendu fonder l’adoption des mesures restrictives à l’encontre de la requérante sur le fait que celle-ci a aidé une personne, une entité ou un organisme désigné à se soustraire aux mesures restrictives ou à les enfreindre.

72 Les premières mesures restrictives prises à l’encontre de la requérante ont été adoptées par le Conseil le 23 mai 2011. Les faits mentionnés dans les motifs des actes du 23 mai 2011 datent des années 2009 et 2010.

73 Les mesures restrictives prises à l’encontre de la requérante et les faits qui sont mentionnés dans lesdits actes s’inscrivent dans un contexte de suspicion grandissante et de contrôles accrus et de plus en plus stricts des opérations financières rappelé aux points 12 à 24 du présent arrêt, contexte que la requérante ne pouvait ignorer eu égard à son statut de banque spécialisée dans les services et les activités concernant l’Iran ou en Iran.

74 Selon ses propres déclarations, EIH a effectué trois types d’opérations qui, selon elle, n’étaient pas interdites.

75 S’agissant de la troisième catégorie d’opérations, celle-ci comprenait des opérations prétendument approuvées par la Bundesbank et, notamment, des opérations effectuées selon la procédure de la troisième voie. Il ressort du dossier de la procédure devant le Tribunal que la requérante s’est exprimée par écrit sur la licéité de telles opérations dans un document du 9 janvier 2013, en réponse à une question du Tribunal. Elle a également pu s’exprimer à ce sujet lors de l’audience devant le Tribunal,
qui a eu lieu le 20 février 2013. Son argument tiré d’une violation de ses droits de la défense n’est donc manifestement pas fondé.

76 Aux points 124 à 128 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a procédé à une interprétation des articles 7 à 10 du règlement no 423/2007 ainsi que des articles 16 à 19 et 21 du règlement no 961/2010. C’est sans commettre d’erreur de droit qu’il a relevé que le déblocage de certains fonds est une exception au principe du gel des fonds, que l’autorité compétente doit procéder à une appréciation au cas par cas et, dès lors, n’est pas autorisée à émettre une approbation généralisée d’une certaine catégorie
d’opérations pour lesquelles les entités concernées seraient dispensées de demander les autorisations au cas par cas.

77 Une telle conclusion résulte du texte clair, précis et détaillé desdites dispositions, qui prévoient le contrôle, dans chaque cas, des conditions du déblocage des fonds par l’autorité compétente et l’information, selon le cas, du comité des sanctions ou des États membres et de la Commission afin que, éventuellement, ceux-ci puissent réagir conformément aux dispositions applicables.

78 Aux points 132 à 141 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné s’il était possible de considérer comme licites des opérations réalisées par l’intermédiaire d’une entité non désignée comme faisant l’objet de mesures restrictives dans le but d’effectuer des paiements ou, comme dans le cadre de la procédure de la troisième voie, de régler des dettes d’entités désignées comme faisant l’objet de telles mesures. C’est sans commettre d’erreur de droit qu’il a considéré, aux points 135 et 136 de l’arrêt
attaqué, que des opérations réalisées par l’intermédiaire d’une entité non désignée comme faisant l’objet de mesures restrictives sont susceptibles d’enfreindre l’interdiction posée respectivement à l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 423/2007 et à l’article 16, paragraphe 4, du règlement no 961/2010 lorsqu’elles sont réalisées en vue de contourner les mesures d’interdiction.

79 À juste titre, le Tribunal a conclu de cet examen, au point 141 de l’arrêt attaqué, que «l’effet utile des dispositions combinées des articles 7 à 10 du règlement no 423/2007 et des articles 16 à 19 et 21 du règlement no 961/2010 serait compromis si une entité non désignée pouvait librement réaliser des opérations par l’intermédiaire d’une entité non désignée aux fins de régler des dettes ou d’effectuer des paiements pour le compte d’une entité désignée. Il en découle qu’une entité non désignée
doit toujours s’assurer de la légalité de telles opérations en demandant, le cas échéant, des autorisations à l’autorité nationale compétente».

80 Il ressort de cette analyse desdites dispositions effectuée par le Tribunal que, dans tous les cas, y compris les transferts de fonds tels que ceux visés à l’article 21 du règlement no 961/2010, la requérante devait demander une autorisation spécifique à l’autorité nationale compétente. La requérante pouvait d’autant moins ignorer cette exigence que, ainsi qu’il a été indiqué au point 73 du présent arrêt, les réglementations adoptées successivement prévoyaient des contrôles accrus et de plus en
plus stricts des opérations financières et que la requérante est une banque spécialisée dans les services et les activités concernant l’Iran ou en Iran. En outre, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 62 de ses conclusions, la requérante savait que les opérations qu’elle effectuait concernaient des entités désignées comme faisant l’objet de mesures restrictives, et étaient dès lors particulièrement suspectes car elles permettaient le contournement du gel des fonds de ces entités.

81 À l’appui de son argument selon lequel les opérations selon la procédure de la troisième voie étaient licites, la requérante a fourni un certain nombre de preuves telles que des courriels reçus de la Bundesbank, des lettres adressées par l’Österreichische Nationalbank (Banque nationale autrichienne) à la Wirtschaftskammer Österreich (chambre de commerce autrichienne), ainsi que trois rapports d’audit. Le Tribunal a considéré, au point 155 de l’arrêt attaqué, que les lettres de l’Österreichische
Nationalbank n’étaient pas pertinentes et, au point 156 dudit arrêt, que l’un des rapports d’audit allait à l’encontre de la thèse de la requérante.

82 S’agissant des courriels provenant de la Bundesbank, le Tribunal a relevé, au point 154 de l’arrêt attaqué, qu’ils étaient antérieurs aux opérations visées dans les actes attaqués et que, en l’absence d’autorisations délivrées au cas par cas, ils étaient insuffisants pour démontrer le caractère licite des opérations effectuées. Compte tenu des exigences prévues aux articles 7 à 10 du règlement no 423/2007 ainsi que 16 à 19 et 21 du règlement no 961/2010, c’est à juste titre que le Tribunal a
considéré, au même point, qu’une approbation généralisée octroyée sans distinction de la nature des opérations précises et des entités désignées concernées est insuffisante.

83 Eu égard à l’ensemble de ces éléments, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 157 de l’arrêt attaqué, que, «contrairement à ce que soutient la requérante, les opérations visées dans les motifs des actes attaqués ne sont, en l’absence d’autorisations délivrées aux cas par cas, pas licites au regard, selon le cas, du règlement no 423/2007 et du règlement no 961/2010, de sorte que [...] le Conseil pouvait valablement fonder l’adoption des mesures restrictives à
l’égard de la requérante sur lesdites opérations».

84 Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner si le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 145, 147 à 149 de l’arrêt attaqué, quant aux première et deuxième catégories d’opérations. En effet, la troisième catégorie d’opérations justifiant à elle seule l’adoption de mesures restrictives à l’égard de la requérante, une éventuelle erreur de droit à l’égard des première et deuxième catégories d’opérations serait sans incidence pour la solution du litige et ne saurait affecter le
dispositif de l’arrêt attaqué.

85 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

Sur le troisième moyen

L’arrêt attaqué

86 Par son troisième moyen soulevé en première instance, la requérante soutenait, en substance, que le Conseil a violé le principe de protection de la confiance légitime en ne tenant pas compte des autorisations et des approbations de la Bundesbank. À titre subsidiaire, elle soutenait que le Conseil a violé, notamment, le principe de sécurité juridique en ce qu’il a inscrit son nom sur les listes de 2010 et sur celle figurant à l’annexe IX du règlement no 267/2012 sur la base d’opérations autorisées
ou effectuées selon des procédures approuvées par la Bundesbank.

87 Au point 176 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que les opérations visées dans les motifs des actes attaqués n’ont pas été autorisées par la Bundesbank conformément aux dispositions du règlement no 423/2007, c’est-à-dire après une appréciation au cas par cas, si bien que l’argument tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime n’était pas fondé. S’agissant de l’argument tiré de la violation du principe de sécurité juridique, le Tribunal a considéré, au point 179 de
l’arrêt attaqué, que le règlement no 423/2007 ainsi que la décision 2010/413, le règlement no 961/2010 et le règlement no 267/2012 énonçaient clairement les conditions de désignation en tant que personne, entité ou organisme faisant l’objet de mesures restrictives, précisaient les opérations interdites et fixaient les conditions d’autorisation, si bien que leur application était prévisible pour la requérante.

Argumentation des parties

88 Par son troisième moyen, EIH fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en rejetant le moyen tiré de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

89 Elle soutient que les assurances claires, précises et répétées données par la Bundesbank s’opposent non seulement à l’imposition de toute sanction en vertu des règles allemandes mettant en œuvre l’article 16, paragraphe 4, du règlement no 961/2010, mais également à l’imposition de mesures restrictives par le Conseil qui, comme le Tribunal l’a reconnu, pourrait en principe être lié par la confiance légitime découlant des assurances de la Bundesbank. Selon la requérante, compte tenu des avis
invoqués dans le cadre des preuves soumises au Tribunal, c’est à l’évidence à tort que ce dernier a conclu que les règles pertinentes étaient dépourvues d’ambiguïté.

90 Le Conseil fait valoir que le troisième moyen s’appuie sur le deuxième moyen et doit être rejeté pour les mêmes motifs que ceux qu’il a développés à l’encontre de ce moyen.

91 Il relève que la requérante fonde son argumentation sur une jurisprudence relative au principe de protection de la confiance légitime en matière pénale, d’infliction d’amendes ou de récupération d’une aide d’État. Toutefois, il s’agirait en l’espèce de mesures restrictives qui constituent non pas des sanctions, mais des mesures conservatoires préventives. Il fait valoir que le risque qu’une entité adopte un comportement répréhensible peut être suffisant (arrêt Conseil/Manufacturing Support &
Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 85). De plus, le système de notification de certaines décisions par les autorités nationales compétentes ne lie pas les institutions de l’Union ni les autres États membres.

92 Le Royaume-Uni fait valoir que l’opinion d’une autorité nationale compétente n’équivaut pas à une affirmation du Conseil, que les affirmations invoquées par EIH étaient formulées en termes généraux et ne constituaient pas une assurance suffisamment précise et spécifique indiquant que les opérations réellement effectuées par EIH étaient légales, qu’un opérateur économique ne peut invoquer une confiance légitime fondée sur des assurances qui ne sont pas conformes aux normes applicables et, enfin,
que les dispositions des règlements no 423/2007 et no 961/2010 étaient sans ambiguïté.

Appréciation de la Cour

93 Le principe de sécurité juridique exige qu’une réglementation soit claire et précise et que l’application de celle-ci soit prévisible pour tous ceux qui sont concernés (arrêt France/Commission, C‑325/91, EU:C:1993:245, point 26).

94 Ainsi qu’il a été constaté au point 77 du présent arrêt, la réglementation applicable en l’espèce était claire, précise et détaillée. C’est dès lors sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a constaté, au point 179 de l’arrêt attaqué, que cette réglementation était prévisible pour la requérante et a, au point 181 dudit arrêt, rejeté l’argument de cette dernière tiré de la violation du principe de sécurité juridique comme étant non fondé.

95 S’agissant de l’argument tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a rappelé, au point 174 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence selon laquelle le droit de se prévaloir de ce principe s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies. Toutefois, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en
mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice de ce principe lorsque cette mesure est adoptée (outre la jurisprudence citée audit point 174, voir arrêt Alcoa Trasformazioni/Commission, C‑194/09 P, EU:C:2011:497, point 71).

96 En l’espèce, il convient de constater que le libellé de la réglementation en cause était claire et ne laissait place à aucun doute que les opérations en cause étaient soumises à un régime de déblocage et d’autorisation au cas par cas tel que décrit notamment aux points 76 et 77 du présent arrêt. En outre, il y a lieu de rappeler le constat déjà effectué au point 73 du présent arrêt, à savoir que la réglementation applicable a été adoptée dans un contexte de suspicion grandissante et de contrôles
accrus et de plus en plus stricts des opérations financières, contexte que la requérante ne pouvait ignorer eu égard à son statut de banque spécialisée dans les services et les activités concernant l’Iran ou en Iran. À cet égard, la requérante devait savoir que des opérations réalisées concernaient des entités désignées comme faisant l’objet de mesures restrictives et étaient, dès lors, particulièrement suspectes.

97 Enfin, il convient de relever que, eu égard à ce contexte, les mesures restrictives en cause ont été adoptées à l’encontre de la requérante du seul fait d’avoir effectué des opérations illicites. Ainsi, à supposer même que des autorisations ou des approbations générales, accordées par la Bundesbank en tant qu’autorité nationale compétente désignée par le Conseil, auraient été susceptibles de fonder une confiance légitime de la requérante, une telle confiance légitime ne saurait rendre licites des
opérations qui étaient expressément interdites par la réglementation en cause et ne saurait, en conséquence, s’opposer à l’adoption desdites mesures à l’encontre de la requérante.

98 C’est dès lors sans commettre d’erreur de droit que, au point 177 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’argument tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime comme étant non fondé.

99 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.

Sur le quatrième moyen

Argumentation des parties

100 Par son quatrième moyen, EIH fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 205 de l’arrêt attaqué, qu’elle ne pouvait pas invoquer l’article 32, paragraphe 2, du règlement no 961/2010 étant donné qu’elle avait effectué les opérations illicites alléguées par le Conseil. EIH rappelle que l’objectif de cet article 32, paragraphe 2, est de protéger les entreprises qui ont violé des interdictions visées dans ce règlement mais ne savaient pas ni ne pouvaient
raisonnablement suspecter qu’elles l’avaient fait.

101 EIH conteste en outre la conclusion du Tribunal, aux points 209 à 211 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’adoption de mesures restrictives était nécessaire afin d’atteindre l’objectif légitime poursuivi. La requérante avait fait valoir que d’autres mesures auraient pu être adoptées telles que le fait, pour la Bundesbank, de ne plus approuver la procédure de la troisième voie ou de ne plus délivrer d’autorisations sur le fondement de l’article 21 du règlement no 961/2010. À tort, selon la
requérante, le Tribunal a rejeté l’éventualité de l’adoption de telles mesures au motif qu’elles n’étaient pas de nature à assurer un effet préventif suffisant.

102 La requérante fait valoir que le Tribunal n’a pas tenu compte de l’obligation de coopération loyale de la Bundesbank en ce qui concerne la mise en œuvre effective du régime de sanctions. Il relèverait, en outre, de la responsabilité des institutions de l’Union de prendre les mesures nécessaires pour éviter des divergences d’interprétation des règles relatives au régime de sanctions par les autorités nationales compétentes. La requérante conclut que sa désignation en tant que personne, entité ou
organisme faisant l’objet de mesures restrictives était une mesure disproportionnée, que le Tribunal a donné une qualification juridique erronée à la situation de fait et qu’il a tiré des conclusions du dossier qui sont fondamentalement inexactes. Elle estime également que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant, au point 210 de l’arrêt attaqué, que le système d’approbation prévu à l’article 21 du règlement no 961/2010 n’était pas en mesure d’assurer un effet préventif équivalent
au gel des avoirs, alors que les deux systèmes sont comparables.

103 Le Conseil et le Royaume-Uni soutiennent que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a interprété l’article 32, paragraphe 2, du règlement no 961/2010. Par ailleurs, cette disposition ne fait pas obstacle à la désignation d’une entité qui remplit les critères de désignation en tant qu’entité faisant l’objet de mesures restrictives, mais se borne à empêcher que cette entité soit tenue responsable de violations involontaires. Le Conseil estime que le Tribunal n’a pas commis d’erreur
de droit lorsqu’il a considéré que les mesures restrictives en cause étaient proportionnées. Il rappelle qu’il est habilité à apprécier le risque d’une fuite de fonds dans le cas d’une catégorie de personnes ou d’entités désignées comme faisant l’objet de mesures restrictives.

104 Le Conseil et le Royaume-Uni font enfin valoir que le système d’approbation prévu à l’article 21 du règlement no 961/2010 n’a pas le même effet qu’un gel des avoirs. En effet, une fois que des avoirs sont gelés, le risque que ceux-ci soient utilisés en violation de mesures restrictives serait de toute évidence moindre que le risque de violations associées aux opérations, potentiellement très nombreuses, pour lesquelles une autorisation serait requise.

Appréciation de la Cour

105 Les passages critiqués de l’arrêt attaqué dans le cadre du quatrième moyen font partie de la réponse que le Tribunal a apportée au quatrième moyen soulevé devant lui, par lequel la requérante a fait valoir que le Conseil avait violé le principe de proportionnalité, son droit de propriété ainsi que sa liberté d’entreprise.

106 La requérante soutenait notamment que, imposer la désignation de toute entité identifiée comme ayant aidé une autre entité sanctionnée à enfreindre ou à se soustraire à des sanctions, nonobstant le fait qu’une telle aide puisse être fournie par mégarde et être insignifiante, violait le principe de proportionnalité et était contraire aux dispositions de l’article 32, paragraphe 2, du règlement no 961/2010 qui prévoit que les interdictions prévues par ce règlement n’entraînent, pour les personnes
morales ou physiques ou les entités concernées, aucune responsabilité dès lors qu’elles ne savaient ni ne pouvaient raisonnablement suspecter qu’elles violeraient ces interdictions par leurs actions.

107 Au point 205 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté cet argument en rappelant que, ainsi qu’il ressortait de la réponse au deuxième moyen soulevé devant lui, les opérations visées dans les motifs des actes attaqués n’étaient pas licites.

108 Ce faisant, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit. Il ne fait pas de doute, en effet, que le rejet du moyen par lequel la requérante contestait des mesures restrictives adoptées au motif qu’elle avait aidé des entités désignées comme faisant l’objet de mesures restrictives à se soustraire aux mesures restrictives les concernant est suffisant pour justifier le rejet d’un argument fondé sur une prétendue ignorance raisonnable du caractère illicite de l’aide apportée.

109 Quant aux mesures alternatives proposées par la requérante consistant notamment pour la Bundesbank à ne plus approuver la procédure de la troisième voie ou pour le Conseil à suggérer à la Bundesbank une modification de sa pratique réglementaire, elles ne sauraient être considérées comme permettant d’atteindre l’objectif poursuivi, à savoir la lutte contre la prolifération nucléaire et son financement, de manière aussi efficace que les mesures restrictives adoptées à l’encontre de la requérante.
Ainsi, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en concluant, aux points 210 et 211 de l’arrêt attaqué, que l’adoption des mesures restrictives à l’égard de la requérante était nécessaire afin d’atteindre l’objectif légitime poursuivi.

110 En conséquence, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme non fondé.

111 Il résulte de tout ce qui précède que, aucun des moyens soulevés par la requérante au soutien de son pourvoi n’étant accueilli, celui-ci doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

112 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

113 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

114 Le Conseil ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner celle-ci à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par cette partie.

  Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) Europäisch-Iranische Handelsbank AG est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-585/13
Date de la décision : 05/03/2015
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Mesures restrictives prises à l’encontre de la République islamique d’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel de fonds – Restriction des transferts de fonds – Aide à des entités désignées à se soustraire à des mesures restrictives ou à les enfreindre.

Relations extérieures

Politique étrangère et de sécurité commune


Parties
Demandeurs : Europäisch-Iranische Handelsbank AG
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi
Rapporteur ?: Rosas

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2015:145

Source

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