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05/02/2015 | CJUE | N°C-498/13

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Agrooikosystimata EPE contre Ypourgos Oikonomias kai Oikonomikon e.a., 05/02/2015, C-498/13


ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

5 février 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Agriculture — Politique agricole commune — Règlement (CEE) no 2078/92 — Méthodes de production agricole compatibles avec les exigences de la protection de l’environnement ainsi que l’entretien de l’espace naturel — Retrait des terres agricoles à long terme à des fins liées à l’environnement — Aides agri‑environnementales versées aux exploitants agricoles et cofinancées par l’Union européenne — Qualité de bénéficiaire de telles aides»

Dans l

’affaire C‑498/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, in...

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

5 février 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Agriculture — Politique agricole commune — Règlement (CEE) no 2078/92 — Méthodes de production agricole compatibles avec les exigences de la protection de l’environnement ainsi que l’entretien de l’espace naturel — Retrait des terres agricoles à long terme à des fins liées à l’environnement — Aides agri‑environnementales versées aux exploitants agricoles et cofinancées par l’Union européenne — Qualité de bénéficiaire de telles aides»

Dans l’affaire C‑498/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Symvoulio tis Epikrateias (Grèce), par décision du 1er août 2013, parvenue à la Cour le 16 septembre 2013, dans la procédure

Agrooikosystimata EPE

contre

Ypourgos Oikonomias kai Oikonomikon,

Ypourgos Agrotikis Anaptyxis kai Trofimon,

Perifereia Thessalias (Perifereaki Enotita Magnisias),

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Borg Barthet (rapporteur), faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. E. Levits et F. Biltgen, juges,

avocat général: M. M. Szpunar,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

— pour Agrooikosystimata EPE, par Me P. Giatagantzidis, dikigoros,

— pour l’Ypourgos Oikonomikon et l’Ypourgos Agrotikis Anaptyxis kai Trofimon ainsi que le gouvernement hellénique, par M. I. Chalkias et Mme E. Leftheriotou, en qualité d’agents,

— pour la Commission européenne, par Mme J. Aquilina et M. D. Triantafyllou, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des règlements (CEE) no 2078/92 du Conseil, du 30 juin 1992, concernant des méthodes de production agricole compatibles avec les exigences de la protection de l’environnement ainsi que l’entretien de l’espace naturel (JO L 215, p. 85), et (CE) no 746/96 de la Commission, du 24 avril 1996, portant modalités d’application du règlement no 2078/92 (JO L 102, p. 19).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Agrooikosystimata EPE (ci-après «Agrooikosystimata») à l’Ypourgos Oikonomias kai Oikonomikon (ministre de l’Économie et des Finances), à l’Ypourgos Agrotikis Anaptyxis kai Trofimon (ministre du Développement agricole et de l’Alimentation) et à la Perifereia Thassalias (Perifereaki Enotita Magnisias) (région de Thessalie, département de Magnésie) au sujet de l’exclusion de terres agricoles, prises à bail par Agrooikosystimata, du
programme de retrait des terres agricoles à long terme (ci-après le «programme RTALT»).

Le cadre juridique

Le règlement no 2078/92

3 Les deuxième, quatrième, dixième, onzième et douzième considérants du règlement no 2078/92 étaient libellés comme suit:

«considérant que les mesures visant à réduire la production agricole dans la Communauté doivent avoir des conséquences bénéfiques sur le plan de l’environnement;

[...]

considérant que, sur la base d’un régime d’aides approprié, les agriculteurs peuvent exercer une véritable fonction au service de l’ensemble de la société par l’introduction ou le maintien de méthodes de production compatibles avec les exigences accrues de la protection de l’environnement et des ressources naturelles ou avec les exigences du maintien de l’espace naturel et du paysage;

[...]

considérant que l’ampleur des problèmes nécessite que les régimes soient applicables en faveur de tous les agriculteurs de la Communauté qui s’engagent à exploiter de manière à protéger, à entretenir ou à améliorer l’environnement et l’espace naturel et à éviter toute nouvelle intensification de la production agricole;

considérant [...] qu’il s’avère [...] opportun d’introduire un régime permettant le retrait à long terme des terres agricoles à des fins liées à l’environnement et à la protection des ressources naturelles;

considérant que les mesures visées par le présent règlement doivent inciter les agriculteurs à souscrire des engagements concernant une agriculture compatible avec les exigences de la protection de l’environnement et l’entretien de l’espace naturel et ainsi contribuer à l’équilibre des marchés; qu’elles doivent compenser les agriculteurs de leurs pertes de revenu dues à une réduction de la production et/ou à une augmentation des coûts de production ainsi que pour le rôle qu’ils jouent dans
l’amélioration de l’environnement».

4 Aux termes de l’article 1er du règlement no 2078/92:

«Il est institué un régime communautaire d’aides cofinancées par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section ‘garantie’, afin:

— d’accompagner les changements prévus dans le contexte des organisations communes de marchés,

— de contribuer à la réalisation des objectifs des politiques communautaires en matière agricole et d’environnement,

— de contribuer à offrir aux agriculteurs un revenu approprié.

Ce régime communautaire d’aides est destiné à:

a) favoriser l’utilisation de pratiques de production agricole portant sur une diminution des effets polluants de l’agriculture, ce qui contribue également, par une réduction de la production, à un meilleur équilibre des marchés;

b) favoriser une extensification favorable à l’environnement des productions végétales et de l’élevage de bovins et ovins, y compris la reconversion de terres arables en herbages extensifs;

c) favoriser une exploitation des terres agricoles prenant en compte la protection et l’amélioration de l’environnement, de l’espace naturel, du paysage, des ressources naturelles, des sols et de la diversité génétique;

d) encourager l’entretien des terres agricoles et forestières abandonnées là où cela s’avère nécessaire pour des raisons écologiques, de risques naturels ou d’incendie, et prévenir de ce fait les risques liés au dépeuplement des régions agricoles;

e) encourager le retrait des terres agricoles à long terme à des fins liées à l’environnement;

f) encourager la gestion des terres pour l’accès du public et les loisirs;

g) favoriser la sensibilisation et la formation des agriculteurs en matière de production agricole compatible avec les exigences de la protection de l’environnement et l’entretien de l’espace naturel.»

5 L’article 2, paragraphe 1, de ce règlement prévoyait:

«Sous la condition des effets positifs sur l’environnement et l’espace naturel, le régime peut comprendre des aides aux exploitants agricoles qui s’engagent à:

[...]

e) entretenir des terres agricoles ou forestières abandonnées;

f) procéder au retrait des terres agricoles pour au moins vingt ans en vue d’une utilisation à des fins liées à l’environnement, notamment pour constituer des réserves de biotopes ou des parcs naturels ou pour protéger les eaux;

[...]»

6 L’article 4, paragraphe 1, dudit règlement disposait:

«Une prime annuelle par hectare ou par unité de bétail déduite est octroyée aux exploitants agricoles qui souscrivent, pour au moins cinq ans, un ou plusieurs des engagements visés à l’article 2, conformément au programme applicable dans la zone concernée. Dans le cas du retrait des terres, la durée de cet engagement est portée à vingt ans.»

7 L’article 5 du règlement no 2078/92 énonçait:

«1.   En vue d’atteindre les objectifs du présent règlement dans le cadre des dispositions réglementaires générales visées à l’article 3 paragraphe 4 et/ou des programmes zonaux, les États membres déterminent:

a) les conditions de l’octroi de l’aide;

b) le montant des aides en fonction de l’engagement souscrit par le bénéficiaire et en fonction des pertes de revenu ainsi que du caractère incitatif de la mesure;

c) les conditions auxquelles l’aide pour l’entretien des surfaces abandonnées visées à l’article 2 paragraphe 1 point e) peut, en cas de non-disponibilité des agriculteurs, être octroyée à des personnes autres que des agriculteurs;

[...]

2.   Aucune aide en vertu du présent règlement ne peut être octroyée aux surfaces objet du régime communautaire de retrait des terres qui sont utilisées pour une production non alimentaire.

[...]»

8 Le règlement no 2078/92 a été abrogé par l’article 55, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1257/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements (JO L 160, p. 80).

9 Toutefois, en vertu de l’article 55, paragraphe 3, du règlement no 1257/1999, les règlements et les articles abrogés aux paragraphes 1 et 2, respectivement, de cet article 55 ont continué à s’appliquer aux actions que la Commission des Communautés européennes a approuvées en vertu desdits règlements avant le 1er janvier 2000.

Le règlement no 746/96

10 L’article 1er du règlement no 746/96 disposait:

«Les aides aux exploitations agricoles visées à l’article 2 paragraphe 1 du règlement (CEE) no 2078/92 sont octroyées pour des engagements qui ont des effets positifs sur l’environnement et sur l’espace naturel. Compte tenu des objectifs énoncés à l’article 1er dudit règlement, ces engagements doivent rendre les méthodes de production plus compatibles avec les exigences de la protection de l’environnement et ainsi contribuer à une amélioration des bonnes pratiques agricoles.»

La décision 2000/115/CE

11 L’annexe I de la décision 2000/115/CE de la Commission, du 24 novembre 1999, concernant les définitions des caractéristiques, la liste des produits agricoles, les exceptions aux définitions ainsi que les régions et circonscriptions pour les enquêtes sur la structure des exploitations agricoles (JO 2000, L 38, p. 1), intitulée «Définitions et explications se rapportant à la liste des caractéristiques à utiliser pour les enquêtes communautaires sur la structure des exploitations agricoles», définit
l’exploitation agricole de la manière suivante:

«Unité technico-économique, soumise à une gestion unique et produisant des produits agricoles. L’exploitation peut également fournir d’autres produits et services (non agricoles).»

12 Aux termes du point B/01 de ladite annexe:

«L’exploitant est la personne physique, le groupe de personnes physiques ou la personne morale pour le compte et au nom de laquelle ou duquel l’exploitation est mise en valeur et qui est juridiquement et économiquement responsable de l’exploitation, c’est-à-dire qui en assume les risques économiques. L’exploitant peut être propriétaire, fermier, emphytéote, usufruitier ou mandataire (‘trustee’). Tous les partenaires dans une exploitation en groupement qui participent aux travaux agricoles de
l’exploitation sont réputés en être les exploitants.»

Le litige au principal et la question préjudicielle

13 Agrooikosystimata a été constituée sous la forme d’une société à responsabilité limitée, dont l’objet social est, notamment, l’étude, l’exécution de programmes et de projets qui concernent la protection, la réhabilitation et la mise en valeur de l’environnement naturel et agricole, le développement d’initiatives et d’actions en faveur de la protection de l’environnement, la réalisation d’études d’impact environnemental ainsi que l’étude et la mise en œuvre de programmes à des fins de
développement rural.

14 Au cours de l’année 1997, Agrooikosystimata a pris à bail des terres d’une superficie de 237,4 hectares dans le département de Magnésie, en vue d’y créer, notamment, des biotopes et des parcs écologiques.

15 Le 26 janvier 1998, Agrooikosystimata a conclu avec le chef de la direction du développement agricole de ce département, en sa qualité de représentant du ministre du Développement agricole et de l’Alimentation, une convention d’exploitation dans le cadre du programme RTALT prévu par le règlement no 2078/92.

16 Les terres concernées ont été incluses, à compter de l’année 1998, dans ce programme pour 20 ans. Agrooikosystimata a pris divers engagements liés à la réalisation sous contrôle des objectifs visés par ledit programme et, en contrepartie, a perçu une aide financière de base à l’hectare ainsi qu’une aide complémentaire pendant 5 ans pour la création d’un parc naturel.

17 Au mois de juin 2005, le comité central de contrôle du programme RTALT sur le territoire grec a estimé que, en dépit de l’éligibilité de ces terres audit programme, Agrooikosystimata ne réunissait pas les conditions pour être bénéficiaire desdites aides.

18 Selon ce comité, peuvent participer au programme RTALT les personnes physiques ou morales qui, au moment de l’inclusion de leurs terres agricoles dans ce programme, disposaient d’un revenu issu de leur activité agricole exercée sur les terres éligibles, dont elles étaient susceptibles d’être privées en raison de la baisse planifiée de la production ou encore de l’augmentation des coûts de production.

19 En revanche, ne seraient pas en mesure de participer audit programme les personnes physiques ou morales qui, au moment de l’inclusion de leurs terres agricoles dans celui-ci, n’ont subi aucune perte de revenu due à la reconversion de leur exploitation ni, à plus forte raison, les personnes morales qui se sont constituées en poursuivant l’objectif commercial d’accéder aux aides financières prévues par le même programme, grâce à l’inclusion dans celui-ci de terres agricoles qu’elles louaient ou
projetaient de louer à cet effet.

20 Considérant qu’Agrooikosystimata a été constituée en tant que société commerciale, que celle-ci n’a subi aucune perte de revenu à la suite de l’inclusion des terres en question dans le programme RTALT et que la location de ces terres ainsi que leur inclusion dans ce programme avaient par ailleurs un but commercial et lucratif, en contradiction avec les dispositions du règlement no 2078/92, le comité central de contrôle du programme RTALT a estimé que lesdites terres avaient été incluses à tort
dans ce programme et devaient en être exclues.

21 En conséquence, par une décision du directeur du développement agricole de l’administration préfectorale de Magnésie du 14 novembre 2007, la convention d’exploitation conclue entre le ministre du Développement agricole et de l’Alimentation et Agrooikosystimata a été résiliée et les terres concernées ont été exclues du programme RTALT.

22 Agrooikosystimata a introduit un recours contre cette décision. Devant le Dioikitiko Efeteio Larisas (cour administrative d’appel de Larisa), elle soutient, notamment, qu’il ressort tant de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 2078/92 que de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 746/96, ainsi que des décisions 89/651/CEE de la Commission, du 26 octobre 1989, relative aux définitions des caractéristiques et à la liste des produits agricoles en vue des enquêtes communautaires sur la
structure des exploitations agricoles au cours de la période 1988-1997 (JO L 391, p. 1), et 2000/115 que les bénéficiaires du programme RTALT sont les exploitants, personnes physiques ou morales, qu’ils soient propriétaires ou fermiers, et cela indépendamment de la question de savoir s’ils exercent une activité agricole dans des exploitations déjà en activité et productrices d’un revenu agricole. Selon Agrooikosystimata, c’est en raison de la privation de la possibilité d’utiliser les terres
concernées conformément à leur destination que la compensation financière prévue par le règlement no 2078/92 est versée à l’exploitant.

23 Le Dioikitiko Efeteio Larisas considère qu’il ressort des règlements nos 2078/92 et 746/96 que seules les personnes dont l’agriculture est l’activité professionnelle principale et dont le revenu qu’elles tirent des exploitations éligibles diminue en raison des engagements et des contraintes auxquels elles ont souscrit peuvent participer au programme RTALT. Estimant qu’Agrooikosystimata n’exerçait aucune activité agricole et n’a subi aucune perte de revenu agricole en raison du retrait des terres
concernées, ladite juridiction a jugé que cette société ne réunissait pas les conditions lui permettant de bénéficier de ce programme au titre de ces terres.

24 Par conséquent, le Dioikitiko Efeteio Larisas a rejeté le recours introduit par Agrooikosystimata.

25 La requérante au principal, qui reproche à ladite juridiction de s’être fondée sur une interprétation erronée des règlements nos 2078/92 et 746/96, a formé un pourvoi devant la juridiction de renvoi.

26 Considérant que la solution du litige au principal dépend de l’interprétation desdits règlements, le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’économie des règlements nos 2078/92 et 746/96 exige-t-elle que les bénéficiaires du programme RTALT aient la qualité d’agriculteur ou suffit-il qu’ils assument le risque économique lié à la gestion de l’exploitation éligible dont ils ont la responsabilité?»

Sur la question préjudicielle

27 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les bénéficiaires du programme RTALT instauré par le règlement no 2078/92 doivent avoir la qualité d’agriculteur ou s’il suffit qu’ils assument le risque économique lié à la gestion de l’exploitation éligible dont ils ont la responsabilité.

28 Devant la juridiction de renvoi, Agrooikosystimata conteste l’interprétation des règlements nos 2078/92 et 746/96 à laquelle s’est livré le Dioikitiko Efeteio Larisas, selon laquelle seules les personnes dont l’agriculture est l’activité professionnelle principale et dont le revenu qu’elles tirent des exploitations éligibles diminue en raison des engagements et des contraintes auxquels elles ont souscrit peuvent participer audit programme.

29 Selon Agrooikosystimata, il ressort de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 2078/92, lequel, dans sa version en langue grecque, identifie les destinataires du régime d’aides instauré par le règlement comme étant les «κατόχους γεωργικών εκμεταλλεύσεων» (exploitants agricoles), que la qualité d’agriculteur n’est pas requise afin de pouvoir participer au programme RTALT.

30 Agrooikosystimata soutient, à cet égard, que ledit règlement établit une distinction entre la notion de «γεωργοί» (agriculteurs) et celle de «κατόχους γεωργικών εκμεταλλεύσεων» (exploitants agricoles). Cette dernière notion, plus large que la première, devrait correspondre à la définition figurant au point B/01 de l’annexe I de la décision 2000/115, à savoir «la personne physique, le groupe de personnes physiques ou la personne morale pour le compte et au nom de laquelle ou duquel l’exploitation
est mise en valeur et qui est juridiquement et économiquement responsable de l’exploitation, c’est-à-dire qui en assume les risques économiques.»

31 Il convient de relever qu’il existe des disparités entre les différentes versions linguistiques de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 2078/92.

32 En effet, tandis que les versions en langues grecque, française, italienne et néerlandaise de cette disposition se réfèrent à la notion d’«exploitant agricole» aux fins d’identifier les destinataires du régime d’aides prévu par ce règlement, les versions en langues espagnole, allemande et anglaise de ladite disposition font référence à la notion d’«agriculteur».

33 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, les dispositions du droit de l’Union doivent être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union et que, en cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un texte du droit de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un
élément (voir arrêt GSV, C‑74/13, EU:C:2014:243, point 27 et jurisprudence citée).

34 En l’occurrence, bien que les versions en langues grecque, française, italienne et néerlandaise emploient, à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 2078/92, l’expression «exploitant agricole», plutôt que le terme «agriculteur», pour désigner les bénéficiaires du régime d’aides concerné, ces deux notions ont, ainsi qu’il découle de l’économie de ce règlement, un sens équivalent.

35 Cela ressort tant du préambule du règlement no 2078/92 qui, dans chacune des versions linguistiques mentionnées au point 32 du présent arrêt, emploie le terme «agriculteur», à l’exclusion du terme «exploitant», y compris lorsqu’il identifie, à ses quatrième et douzième considérants notamment, les «agriculteurs» comme étant les destinataires du régime d’aides qu’il instaure, que de l’article 1er de ce règlement, selon lequel ce régime d’aides a pour objectif de contribuer à offrir «aux
agriculteurs» un revenu approprié.

36 Cette interprétation est corroborée par l’article 5, paragraphe 1, sous c), du règlement no 2078/92, relatif aux surfaces abandonnées, duquel il ressort que l’aide prévue à l’article 2, paragraphe 1, de ce règlement ne pouvait être octroyée à des personnes autres que des agriculteurs que dans la mesure où ces derniers n’étaient pas disponibles aux fins d’assurer l’entretien des terres agricoles ou forestières abandonnées.

37 L’interprétation qui découle des considérations qui précèdent, selon laquelle seules des personnes ayant la qualité d’agriculteur pouvaient prétendre participer au programme RTALT, est également conforme aux objectifs poursuivis par le règlement no 2078/92.

38 En effet, ainsi qu’il découle de ses deuxième, dixième et douzième considérants, ce règlement avait institué un régime communautaire d’aides dont l’objectif principal était de réguler la production agricole (voir, en ce sens, arrêt Huber, C‑336/00, EU:C:2002:509, point 35).

39 Tel était, notamment, l’objectif visé par le programme RTALT en vertu duquel une compensation financière était versée aux agriculteurs qui s’étaient engagés à procéder au retrait, de leur activité agricole, d’une partie de leurs terres agricoles à des fins liées à l’environnement et à la protection des ressources naturelles.

40 À cet égard, il convient de préciser que la notion d’«activité agricole», telle qu’elle est définie à l’article 2, sous c), du règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) no 2019/93, (CE) no 1452/2001, (CE) no 1453/2001, (CE) no 1454/2001, (CE) no 1868/94, (CE)
no 1251/1999, (CE) no 1254/1999, (CE) no 1673/2000, (CEE) no 2358/71 et (CE) no 2529/2001 (JO L 270, p 1 et rectificatif JO 2004, L 94, p. 70), qui inclut le maintien des terres dans de bonnes conditions agricoles et environnementales, ne saurait être utilisée aux fins d’interpréter le règlement no 2078/92, étant donné que cette notion a été définie dans le cadre du découplage des aides de la production agricole, soit dans un contexte totalement différent de celui dans lequel s’inscrivent les
faits en cause au principal. En effet, dans ledit contexte, les aides agricoles étaient encore octroyées essentiellement en fonction du volume de la production.

41 Il découle des considérations qui précèdent que seules des personnes qui disposaient auparavant d’une production agricole pouvaient participer au programme RTALT.

42 Cette interprétation est corroborée par l’annexe I de la décision 2000/115, aux termes de laquelle «[t]ous les partenaires dans une exploitation en groupement qui participent aux travaux agricoles de l’exploitation sont réputés en être les exploitants», l’exploitation agricole étant définie comme une «[u]nité technico-économique, soumise à une gestion unique et produisant des produits agricoles».

43 En outre, si la Cour a jugé que les objectifs environnementaux font partie des objectifs poursuivis par le règlement no 2078/92, elle a également précisé que la promotion de formes de production plus respectueuses de l’environnement, bien qu’elle constitue un objectif certes réel de la politique agricole commune, n’en demeure pas moins accessoire (voir, en ce sens, arrêt Huber, EU:C:2002:509, points 32 et 36).

44 Dans ces conditions, il ne saurait être soutenu, comme le fait Agrooikosystimata, que la réalisation des objectifs agri-environnementaux visés par le règlement no 2078/92 est à elle seule suffisante pour justifier que l’aide prévue par celui-ci soit octroyée à des personnes autres que des agriculteurs.

45 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que le règlement no 2078/92 doit être interprété en ce sens que seules des personnes qui disposaient auparavant d’une production agricole pouvaient bénéficier du programme RTALT prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous f), de celui-ci.

Sur les dépens

46 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:

  Le règlement (CEE) no 2078/92 du Conseil, du 30 juin 1992, concernant des méthodes de production agricole compatibles avec les exigences de la protection de l’environnement ainsi que l’entretien de l’espace naturel, doit être interprété en ce sens que seules des personnes qui disposaient auparavant d’une production agricole pouvaient bénéficier du programme de retrait des terres agricoles à long terme prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous f), de celui-ci.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: le grec.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-498/13
Date de la décision : 05/02/2015
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Symvoulio tis Epikrateias.

Renvoi préjudiciel – Agriculture – Politique agricole commune – Règlement (CEE) no 2078/92 – Méthodes de production agricole compatibles avec les exigences de la protection de l’environnement ainsi que l’entretien de l’espace naturel – Retrait des terres agricoles à long terme à des fins liées à l’environnement – Aides agri‑environnementales versées aux exploitants agricoles et cofinancées par l’Union européenne – Qualité de bénéficiaire de telles aides.

Environnement

Structures agricoles

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : Agrooikosystimata EPE
Défendeurs : Ypourgos Oikonomias kai Oikonomikon e.a.

Composition du Tribunal
Avocat général : Szpunar
Rapporteur ?: Borg Barthet

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2015:61

Source

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