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13/11/2014 | CJUE | N°C-447/13

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Riccardo Nencini contre Parlement européen., 13/11/2014, C-447/13


ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

13 novembre 2014 ( *1 )

«Pourvoi — Membre du Parlement européen — Indemnités visant à couvrir les frais encourus dans l’exercice des fonctions parlementaires — Répétition de l’indu — Recouvrement — Prescription — Délai raisonnable»

Dans l’affaire C‑447/13 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 2 août 2013,

Riccardo Nencini, demeurant à Barberino di Mugello (Italie), représenté par M

e M. Chiti, avvocato,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Parlement européen, représenté ...

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

13 novembre 2014 ( *1 )

«Pourvoi — Membre du Parlement européen — Indemnités visant à couvrir les frais encourus dans l’exercice des fonctions parlementaires — Répétition de l’indu — Recouvrement — Prescription — Délai raisonnable»

Dans l’affaire C‑447/13 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 2 août 2013,

Riccardo Nencini, demeurant à Barberino di Mugello (Italie), représenté par Me M. Chiti, avvocato,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Parlement européen, représenté par Mme S. Seyr et M. N. Lorenz, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, M. K. Lenaerts, vice-président de la Cour, faisant fonction de juge de la deuxième chambre, MM. J.‑C. Bonichot (rapporteur), A. Arabadjiev et J. L. da Cruz Vilaça, juges,

avocat général: M. M. Szpunar,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 avril 2014,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 juin 2014,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, M. Nencini demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Nencini/Parlement (T‑431/10 et T‑560/10, EU:T:2013:290, ci-après l’«arrêt attaqué»), d’une part, en tant que celui-ci a, dans l’affaire T‑560/10, rejeté ses demandes tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision du secrétaire général du Parlement européen du 7 octobre 2010 concernant la récupération de certaines sommes que le requérant, ancien membre du Parlement européen, a perçues en
remboursement de frais de voyage et d’assistance parlementaire et qui ont été indûment versées ainsi que de la note de débit du directeur général de la direction générale des finances du Parlement no 315653, du 13 octobre 2010, de même que de tout autre acte connexe ou préalable, et, à titre subsidiaire, au renvoi de l’affaire au secrétaire général du Parlement afin qu’il détermine à nouveau équitablement le montant dont la récupération est demandée, et, d’autre part, en tant que cet arrêt a mis à
sa charge les dépens, en totalité dans l’affaire T‑560/10 et partiellement dans l’affaire T‑431/10.

Les antécédents du litige

2 Les antécédents du litige ont été exposés aux points 1 à 8 de l’arrêt attaqué et peuvent être résumés comme suit.

3 Le requérant a été membre du Parlement durant la législature allant de l’année 1994 à l’année 1999.

4 À la suite d’une enquête de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), le Parlement a, au mois de décembre 2006, engagé une procédure de vérification, en matière de frais d’assistance parlementaire et de frais de voyage visant, notamment, le requérant.

5 Le 16 juillet 2010, le secrétaire général du Parlement a adopté la décision no 311847 relative à une procédure de recouvrement du paiement indu de certaines sommes en remboursement de frais de voyage et d’assistance parlementaire concernant le requérant (ci‑après la «première décision du secrétaire général»).

6 Dans la première décision du secrétaire général, rédigée en anglais, il a été considéré qu’un montant total de 455903,04 euros (dont 46550,88 euros pour les indemnités de voyage et 409 352,16 euros pour les indemnités d’assistance parlementaire) (ci-après la «somme litigieuse») avait été, en vertu de la réglementation concernant les frais et les indemnités des députés du Parlement, indûment versé au requérant durant son mandat parlementaire. Une note de débit du directeur général de la direction
générale des finances du Parlement no 312331, du 4 août 2010, portant sur le recouvrement de la somme litigieuse (ci-après la «première note de débit»), a été notifiée au requérant.

7 Le 7 octobre 2010, le secrétaire général du Parlement a adopté une décision rédigée en italien, remplaçant la première décision du secrétaire général (ci‑après la «seconde décision du secrétaire général»), et accompagnée de la note de débit du directeur général de la direction générale des finances du Parlement no 315653, du même jour, remplaçant la première note de débit pour la somme litigieuse (ci‑après la «seconde note de débit»). Ces deux actes ont été communiqués au requérant le 13 octobre
2010.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

8 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 septembre 2010, le requérant a attaqué, dans l’affaire T‑431/10, la première décision du secrétaire général, la première note de débit et tout autre acte connexe ou préalable.

9 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 décembre 2010, le requérant a attaqué, dans l’affaire T‑560/10, la seconde décision du secrétaire général et la seconde note de débit ainsi que la première décision du secrétaire général, la première note de débit et tout autre acte connexe ou préalable.

10 Les demandes en référé introduites parallèlement par le requérant ont été rejetées par les ordonnances du président du Tribunal Nencini/Parlement (T‑431/10 R, EU:T:2010:441) et Nencini/Parlement (T‑560/10 R, EU:T:2011:40).

11 Les affaires T‑431/10 et T‑560/10 ont été jointes aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l’arrêt.

12 Lors de l’audience du 18 avril 2012, le requérant a informé le Tribunal de son désistement du recours dans l’affaire T‑431/10.

13 Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a pris acte du désistement du requérant dans l’affaire T‑431/10 et il a ordonné, en conséquence, la radiation de cette affaire du registre.

14 Statuant sur l’affaire T‑560/10, le Tribunal a considéré que les conclusions du requérant tendant à l’annulation de «tout autre acte connexe ou préalable» à la seconde décision du secrétaire général étaient dirigées contre des actes purement préparatoires et étaient par suite irrecevables.

15 Il a considéré, en outre, que les conclusions du requérant tendant à l’annulation de la seconde note de débit étaient dirigées contre un acte purement confirmatif de la seconde décision du secrétaire général et étaient, par suite, également irrecevables.

16 Le Tribunal a, sur le fond, rejeté les conclusions du requérant tendant à l’annulation de la seconde décision du secrétaire général.

17 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a condamné le requérant aux dépens dans l’affaire T‑560/10, y compris les dépens relatifs à la procédure de référé et il a condamné chacune des parties à supporter ses propres dépens dans l’affaire T‑431/10, y compris les dépens afférents à la procédure de référé.

Le pourvoi

18 Le requérant conclut à ce que la Cour:

— annule l’arrêt attaqué en tant qu’il rejette ses conclusions tendant à l’annulation de la seconde décision du secrétaire général;

— à titre subsidiaire, renvoie l’affaire devant le secrétaire général du Parlement pour qu’il détermine équitablement le montant de la somme due, et

— condamne le Parlement aux dépens afférents à l’instance devant le Tribunal dans les deux affaires T‑431/10 et T‑560/10 ainsi qu’aux dépens relatifs à la procédure devant la Cour.

19 Le Parlement conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation du requérant aux dépens.

Sur le pourvoi

20 Le requérant invoque cinq moyens à l’appui de son pourvoi. Ses quatre premiers moyens se rapportent aux motifs par lesquels le Tribunal a rejeté son argumentation tendant à l’annulation de la seconde décision du secrétaire général. Son cinquième moyen porte sur les condamnations aux dépens prononcées par le Tribunal tant dans l’affaire T‑431/10 que dans l’affaire T‑560/10.

21 Le Parlement soutient que ces moyens sont irrecevables ou non fondés.

Sur les conclusions du pourvoi en tant qu’elles visent la condamnation aux dépens dans l’affaire T‑431/10

22 Il convient de rappeler que, conformément à l’article 58, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, un pourvoi ne peut porter uniquement sur la charge et le montant des dépens.

23 En l’espèce, il importe de relever que le dispositif de l’arrêt attaqué comporte, en ce qui concerne l’affaire T‑431/10, des points 3 et 4, selon lesquels, respectivement, cette affaire est radiée du registre du Tribunal et chacune des parties supporte ses propres dépens dans ladite affaire.

24 Le requérant ne conteste cependant, dans le présent pourvoi, que les motifs de cette partie de l’arrêt attaqué qui se rapportent au point 4 du dispositif de celui-ci, relatif aux dépens.

25 Or, ainsi qu’il résulte de la disposition susmentionnée du statut de la Cour, le contrôle de la charge des dépens échappe à la compétence de cette dernière (voir, notamment, ordonnance Eurostrategies/Commission, C‑122/07 P, EU:C:2007:743, point 24).

26 Les conclusions du pourvoi, en tant qu’elles visent la condamnation aux dépens dans l’affaire T‑431/10, sont irrecevables. Les conclusions du pourvoi, en tant qu’elles se rapportent à cette affaire, doivent, dès lors, être rejetées.

Sur les conclusions du pourvoi en tant qu’elles concernent l’affaire T‑560/10

Argumentation des parties

27 Le requérant ayant fait valoir en vain, en première instance, que la créance qui lui est réclamée était prescrite soutient, par le premier moyen de son pourvoi, que le Tribunal a violé les règles de prescription applicables en l’espèce. Pour déterminer le point de départ du délai de prescription, le Tribunal se serait en effet, en premier lieu, mépris dans l’interprétation qu’il a donnée de l’article 73 bis du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement
financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 1995/2006 du Conseil, du 13 décembre 2006 (JO L 390, p. 1, ci‑après le «règlement financier»), et de l’article 85 ter du règlement (CE, Euratom) no 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement no 1605/2002 (JO L 357, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 478/2007 de la Commission, du
23 avril 2007 (JO L 111, p. 13, ci‑après le «règlement d’exécution»).

28 Selon le requérant, et sauf à méconnaître les principes de sécurité juridique et de protection effective, le délai de la prescription quinquennale prévue par la norme hiérarchiquement supérieure, à savoir l’article 73 bis du règlement financier, serait, en ce qu’il s’applique à la période pendant laquelle doit être déterminé le droit de créance, d’une nature différente de celle du délai visé à l’article 85 ter du règlement d’exécution, qui s’applique seulement à la période pendant laquelle cette
créance doit être mise en recouvrement. Le point de départ de ces deux délais ne saurait donc être le même, contrairement à ce qu’a considéré le Tribunal.

29 Si l’interprétation ainsi proposée n’était pas admise, le requérant invoque, en deuxième lieu, par voie d’exception, l’illégalité de ces deux règlements en ce qu’ils méconnaîtraient les principes généraux régissant la prescription et les principes de sécurité juridique et de protection effective ainsi que les droits de la défense dont bénéficie le débiteur. Le requérant reproche, en troisième lieu, au Tribunal d’avoir examiné, comme un argument autonome, celui qu’il avait invoqué à l’appui du
moyen tiré de la violation des règles de prescription et qui était fondé sur le non‑respect, par le Parlement, du délai raisonnable pour établir sa créance.

30 Le Parlement soutient que ce moyen est irrecevable en ce que, d’une part, le requérant fait valoir les mêmes arguments que ceux qu’il avait présentés en première instance, selon lesquels il existerait deux délais de prescription. D’autre part, l’exception d’illégalité serait invoquée pour la première fois, dans le cadre du présent pourvoi.

31 Le Parlement souligne que, en tout état de cause, ledit moyen n’est pas fondé, puisque le Tribunal a correctement appliqué les dispositions parfaitement claires des articles 73 bis du règlement financier et 85 ter du règlement d’exécution, lesquels articles étaient invoqués par le requérant lui-même.

Appréciation de la Cour

– Sur la recevabilité du premier moyen du pourvoi, en ce qu’il est relatif à l’interprétation des articles 73 bis du règlement financier et 85 ter du règlement d’exécution

32 En vertu des articles 256 TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour et 169 du règlement de procédure de la Cour, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué, se limite à
répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal.

33 En revanche, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être de nouveau discutés au cours de la procédure de pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, ladite procédure serait privée d’une partie de son sens.

34 Or, le premier moyen du pourvoi vise, précisément, à mettre en cause l’interprétation du règlement financier et du règlement d’exécution retenue par le Tribunal pour écarter le premier moyen invoqué en première instance. Le requérant met ainsi en doute la réponse que cette juridiction a expressément donnée à une question de droit dans l’arrêt attaqué, laquelle peut faire l’objet d’un contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

35 Le premier moyen du pourvoi doit donc être jugé recevable, en ce qu’il est relatif à l’interprétation, par le Tribunal, des articles 73 bis du règlement financier et 85 ter du règlement d’exécution.

– Sur le bien-fondé du premier moyen du pourvoi, en ce qu’il est relatif à l’interprétation, par le Tribunal, des articles 73 bis du règlement financier et 85 ter du règlement d’exécution

36 Il convient de rappeler que, d’une part, selon l’article 73 bis du règlement financier, «[s]ans préjudice des dispositions de la réglementation spécifique et de l’application de la décision du Conseil relative au système des ressources propres [de l’Union européenne], les créances détenues par [l’Union], sur des tiers, ainsi que les créances détenues par des tiers sur [l’Union], sont soumises à un délai de prescription de cinq ans. La date à retenir pour le calcul du délai de prescription et les
conditions d’interruption de ce délai sont fixées dans les modalités d’exécution». D’autre part, selon article 85 ter, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement d’exécution, «[l]e délai de prescription pour les créances détenues par [l’Union] sur des tiers commence à courir à compter de la date limite communiquée au débiteur dans la note de débit».

37 Pour écarter le moyen du requérant tiré de ce que, à la date d’adoption de la seconde décision du secrétaire général, le 7 octobre 2010, l’action du Parlement visant à obtenir la répétition de la somme litigieuse était prescrite, en application de l’article 73 bis du règlement financier, le Tribunal, en premier lieu, a considéré, en substance aux points 39 et 40 de l’arrêt attaqué, que, en application des dispositions combinées de cet article et de celles de l’article 85 ter du règlement
d’exécution, le délai de prescription n’avait commencé à courir qu’à compter de la date limite communiquée au requérant dans la seconde note de débit, soit le 20 janvier 2011. Il en a conclu, au point 41 de l’arrêt attaqué, que, au 7 octobre 2010, le délai de prescription n’avait pas commencé à courir et que celle-ci n’était donc, à cette date, aucunement acquise.

38 En second lieu, le Tribunal, au point 43 de l’arrêt attaqué, a considéré que le requérant avait entendu également faire grief au Parlement d’avoir manqué aux exigences qui lui incombent en vertu du principe du délai raisonnable, lequel s’oppose, eu égard à l’exigence fondamentale de sécurité juridique, à ce que les institutions de l’Union puissent retarder indéfiniment l’exercice de leurs pouvoirs. Le Tribunal a rappelé que l’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des
procédures administratives constitue un principe général du droit de l’Union, dont le juge de l’Union assure le respect, et que ce principe est repris, comme une composante du droit à une bonne administration, à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

39 Après avoir considéré que le respect d’un délai raisonnable est requis dans tous les cas où, dans le silence des textes applicables, les principes de sécurité juridique ou de protection de la confiance légitime font obstacle à ce que les institutions de l’Union puissent agir sans aucune limite de temps, le Tribunal a, aux points 45 et 46 de l’arrêt attaqué, constaté que, en l’espèce, ni le règlement financier ni le règlement d’exécution ne précisent le délai dans lequel une note de débit doit
être communiquée et que, en conséquence, il lui appartenait de vérifier si le Parlement avait respecté les obligations qui lui incombent en vertu du principe du délai raisonnable.

40 Aux points 47 et 49 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, d’une part, que la durée qui s’est écoulée entre la fin du mandat parlementaire du requérant, au cours de l’année 1999, et la date d’adoption de la seconde décision du secrétaire général, le 7 octobre 2010, ne s’avère pas exempte de toute critique au regard du principe du délai raisonnable. D’autre part, les faits reprochés à l’intéressé étaient rattachés à des pièces comptables qui étaient déjà en possession du Parlement, dont
l’attention, quant aux risques d’erreurs, aurait dû, au demeurant, être attirée par une lettre du requérant du 13 juillet 1999 le saisissant d’une demande de clarification des modalités de remboursement des frais d’assistance parlementaire.

41 Le Tribunal en a conclu, au point 50 de l’arrêt attaqué, que la procédure de vérification engagée par le Parlement aurait pu être diligentée plus tôt et que la seconde décision du secrétaire général aurait pu être adoptée également plus tôt, de sorte que le Parlement avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du principe du délai raisonnable.

42 Il a, toutefois, jugé que le moyen tiré de la violation du principe du délai raisonnable devait être rejeté puisqu’il ne saurait emporter l’annulation d’un acte en étant entaché que si cette violation avait affecté l’exercice, par son destinataire, des droits de la défense. Or, le Tribunal a estimé, au point 52 de l’arrêt attaqué, que, en l’espèce, le requérant n’avait fait valoir aucun argument faisant état d’une atteinte portée aux droits de la défense dans les observations qu’il avait
présentées au titre de cette violation.

43 À cet égard, il convient de relever que l’article 73 bis du règlement financier fixe une règle générale prévoyant un délai de prescription des créances de l’Union de cinq ans et renvoie la fixation de la date à retenir pour le calcul de ce délai aux modalités d’exécution que, en vertu de l’article 183 de ce règlement, il appartient à la Commission européenne d’arrêter.

44 Il ressort de ces dispositions, d’une part, que l’article 73 bis du règlement financier ne peut, à lui seul, sans ses modalités d’application, être utilement invoqué pour établir qu’une créance de l’Union serait prescrite.

45 D’autre part, en fixant ainsi une règle générale prévoyant un délai de prescription de cinq ans, le législateur de l’Union a considéré qu’un tel délai était suffisant pour protéger les intérêts du débiteur au regard des exigences des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, et pour permettre aux organes de l’Union d’obtenir le remboursement de sommes indûment versées. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 50 de ses conclusions, l’article 73 bis du règlement financier
vise notamment à limiter dans le temps la possibilité de recouvrer les créances de l’Union sur des tiers, afin de satisfaire au principe de bonne gestion financière. Les modalités d’exécution de la règle ainsi posée à l’article 73 bis ne sauraient être adoptées qu’en conformité avec ces objectifs.

46 À cet égard, l’article 85 ter du règlement d’exécution fixe le point de départ du délai de prescription à compter de la date limite communiquée au débiteur dans la note de débit, c’est-à-dire dans l’acte par lequel la constatation d’une créance par l’ordonnateur est portée à la connaissance du débiteur à qui est fixée une date limite de paiement, conformément à l’article 78 du règlement d’exécution.

47 Ainsi que l’a relevé le Tribunal au point 45 de l’arrêt attaqué, il convient toutefois de constater que ni le règlement financier ni le règlement d’exécution ne précisent le délai dans lequel une note de débit doit être communiquée à compter de la date du fait générateur de la créance en cause.

48 Cela étant, ainsi qu’il a été rappelé au point 44 de l’arrêt attaqué, le principe de sécurité juridique exige, dans le silence des textes applicables, que l’institution concernée procède à cette communication dans un délai raisonnable. En effet, à défaut, l’ordonnateur, à qui il revient de déterminer, dans la note de débit, la date limite de paiement qui, selon les termes mêmes de l’article 85 ter du règlement d’exécution, constitue le point de départ du délai de prescription, pourrait librement
fixer la date de ce point de départ, sans lien avec le moment où la créance en cause est née, ce qui, manifestement, irait à l’encontre du principe de sécurité juridique ainsi que de la finalité de l’article 73 bis du règlement financier.

49 À cet égard, il convient d’admettre, compte tenu de cet article 73 bis, que le délai de communication d’une note de débit doit être présumé déraisonnable lorsque cette communication intervient au-delà d’une période de cinq ans à compter du moment où l’institution a été normalement en mesure de faire valoir sa créance. Une telle présomption ne saurait être renversée que si l’institution en cause établit que, malgré les diligences qu’elle a entreprises, le retard à agir incombe au comportement du
débiteur, notamment à ses manœuvres dilatoires ou à sa mauvaise foi. En l’absence d’une telle preuve, il doit alors être constaté que l’institution a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du principe du délai raisonnable.

50 En l’occurrence, ainsi que l’a constaté le Tribunal aux points 46 à 50 de l’arrêt attaqué, le Parlement n’a adopté et communiqué au requérant la seconde décision du secrétaire général et la seconde note de débit qu’au mois d’octobre 2010, alors que le mandat parlementaire de l’intéressé avait pris fin en 1999, que le Parlement avait pris connaissance des faits en question le 18 mars 2005, date à laquelle le rapport final de l’OLAF lui fut transmis, et qu’il disposait, antérieurement à cette date,
des pièces comptables afférentes à ces faits. En l’absence de preuve d’un comportement de l’intéressé de nature à expliquer ce retard, c’est à juste titre que le Tribunal a considéré que le Parlement avait manqué en l’espèce aux obligations qui lui incombaient en vertu du principe du délai raisonnable

51 Toutefois, en considérant, aux points 51 et 52 de l’arrêt attaqué, que cette violation du principe du délai raisonnable ne pouvait emporter l’annulation de la seconde décision du secrétaire général au motif que le requérant n’avait pas établi que ladite violation avait affecté les droits de la défense, le Tribunal s’est mépris sur les conséquences qu’il convient de tirer de la violation du principe du délai raisonnable, lorsque le législateur de l’Union a adopté une disposition à caractère
général imposant aux institutions de l’Union d’agir dans un délai déterminé.

52 En effet, en adoptant, comme il a été dit au point 45 du présent arrêt, une règle générale selon laquelle, ainsi qu’il ressort de l’article 73 bis du règlement financier, les créances de l’Union sur les tiers sont prescrites au terme d’un délai de cinq ans, le législateur de l’Union a entendu conférer aux débiteurs éventuels de l’Union une garantie selon laquelle, passé ce délai, ils ne sauraient, en principe, conformément aux exigences de sécurité juridique et de protection de la confiance
légitime, faire l’objet de mesures de recouvrement de telles créances, pour lesquelles ils sont alors dispensés d’apporter la preuve qu’ils n’en sont pas les débiteurs.

53 Il convient donc de tenir compte de la volonté ainsi clairement exprimée par le législateur de l’Union de limiter dans le temps la possibilité pour les institutions de recouvrer les créances de l’Union sur les tiers, pour tirer les conséquences de la constatation d’un manquement de l’une de ces institutions aux obligations qui lui incombaient en vertu du principe du délai raisonnable.

54 Eu égard aux exigences de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime qui sous-tendent cette volonté du législateur, est sans pertinence, en l’espèce, la jurisprudence, rappelée par le Tribunal au point 51 de l’arrêt attaqué, selon laquelle une violation du principe du délai raisonnable ne saurait emporter l’annulation de l’acte attaqué qu’en cas d’atteinte portée, par cette violation, aux droits de la défense.

55 Dans ces conditions, dès lors que, en l’espèce, le Tribunal a constaté que le Parlement avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du principe du délai raisonnable, il ne pouvait, sans commettre d’erreur de droit, s’abstenir de prononcer l’annulation de la seconde décision du secrétaire général, au motif que le requérant n’avait pas fait valoir d’atteinte portée aux droits de la défense.

56 Il s’ensuit que c’est à tort que le Tribunal a rejeté le premier moyen du requérant.

57 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens et arguments des parties, d’annuler l’arrêt attaqué en tant qu’il concerne l’affaire T‑560/10.

Sur le recours devant le Tribunal

58 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour, cette dernière peut, en cas d’annulation de l’arrêt attaqué, statuer définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

59 En l’espèce, la Cour estime que le recours en annulation introduit par M. Nencini devant le Tribunal est en état d’être jugé et qu’il convient, dès lors, de statuer définitivement sur celui-ci.

60 Le premier moyen du requérant, tiré de la prescription et d’une violation du principe du délai raisonnable, doit être accueilli pour les motifs exposés aux points 48 à 50 du présent arrêt.

61 Partant, il convient d’annuler la seconde décision du secrétaire général et la seconde note de débit.

Sur les dépens

62 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

63 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu de cette même disposition, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre.

64 En l’occurrence, il y a lieu de relever, d’une part, que le requérant a succombé sur les chefs de son pourvoi en tant qu’il se rapporte à l’affaire T‑431/10. D’autre part, le Parlement a succombé en ses moyens dans le cadre du pourvoi en tant qu’il se rapporte à l’affaire T‑560/10. En conséquence, chacune des parties ayant conclu à la condamnation de l’autre aux dépens, il y a lieu de condamner le Parlement à supporter, outre ses propres dépens, les trois-quarts des dépens exposés par le
requérant dans le cadre du présent pourvoi.

65 S’agissant des dépens afférents à la procédure de première instance dans l’affaire T‑560/10, ils seront supportés par le Parlement.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

  1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Nencini/Parlement (T‑431/10 et T‑560/10, EU:T:2013:290) est annulé en tant qu’il concerne l’affaire T‑560/10.

  2) La décision du secrétaire général du Parlement européen du 7 octobre 2010 concernant la récupération de certaines sommes que M. Riccardo Nencini, ancien membre du Parlement européen, a perçues en remboursement de frais de voyage et d’assistance parlementaire ainsi que la note de débit du directeur général de la direction générale des finances du Parlement européen no 315653, du 13 octobre 2010, sont annulées.

  3) Le Parlement européen est condamné à supporter, outre ses propres dépens, les trois-quarts des dépens exposés par M. Riccardo Nencini dans le cadre du présent pourvoi.

  4) Le Parlement européen est condamné aux dépens afférents à la procédure de première instance dans l’affaire T‑560/10.

  5) Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: l’italien.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-447/13
Date de la décision : 13/11/2014
Type d'affaire : Pourvoi
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Membre du Parlement européen – Indemnités visant à couvrir les frais encourus dans l’exercice des fonctions parlementaires – Répétition de l’indu – Recouvrement – Prescription – Délai raisonnable.

Dispositions institutionnelles


Parties
Demandeurs : Riccardo Nencini
Défendeurs : Parlement européen.

Composition du Tribunal
Avocat général : Szpunar
Rapporteur ?: Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2014:2372

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