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18/09/2014 | CJUE | N°C-396/13

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Sähköalojen ammattiliitto ry contre Elektrobudowa Spółka Akcyjna., 18/09/2014, C-396/13


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 18 septembre 2014 ( 1 )

Affaire C‑396/13

Sähköalojen ammattiliitto ry

contre

Elektrobudowa Spólka Akcyjna

[demande de décision préjudicielle formée par le Satakunnan käräjäoikeus (Finlande)]

«Libre circulation des travailleurs — Travailleurs détachés — Créances relatives à des rémunérations découlant d’une relation de travail — Règlement (CE) no 593/2008 (Rome I) — Choix de la loi — Article 8 — Loi applicable au

x contrats individuels de travail — Article 14 — Cession de créances salariales à un syndicat — Article 23 — Règles de conflit de lois spécia...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 18 septembre 2014 ( 1 )

Affaire C‑396/13

Sähköalojen ammattiliitto ry

contre

Elektrobudowa Spólka Akcyjna

[demande de décision préjudicielle formée par le Satakunnan käräjäoikeus (Finlande)]

«Libre circulation des travailleurs — Travailleurs détachés — Créances relatives à des rémunérations découlant d’une relation de travail — Règlement (CE) no 593/2008 (Rome I) — Choix de la loi — Article 8 — Loi applicable aux contrats individuels de travail — Article 14 — Cession de créances salariales à un syndicat — Article 23 — Règles de conflit de lois spéciales en matière d’obligations contractuelles — Directive 96/71/CE — Article 3 — Notion de ‘taux de salaire minimal’ — Marge d’appréciation
dont disposent les États membres — Libre prestation de services — Protection sociale des travailleurs»

Table des matières

  I – Le cadre juridique
  A – Le droit de l’Union
  1. Le règlement Rome I
  2. La directive 96/71
  B – Le droit finlandais
  II – Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles
  III – Analyse
  A – Le contexte
  1. Le paradoxe de la directive 96/71
  2. L’approche adoptée dans la jurisprudence
  B – L’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71: une règle de conflit de lois spéciale
  C – Le taux de salaire minimal
  1. Conventions collectives d’application générale dans le contexte de la directive 96/71
  2. La notion
  3. Les éléments constitutifs du salaire minimal
  a) Répartition en classes de rémunération et groupes de salaires
  b) Pécule de vacances et problème de minima concurrents
  c) Indemnités supplémentaires au titre de missions de travail
  i) L’indemnité journalière
  ii) L’indemnité de trajet
  4. Prise en compte de l’hébergement et des bons d’alimentation dans le calcul du salaire minimal
  5. L’exception de l’ordre public de l’article 3, paragraphe 10, de la directive 96/71
  IV – Conclusion

1.  Une entreprise établie en Pologne détache des travailleurs en Finlande pour exécuter un travail sur le chantier d’une centrale nucléaire. Sur le fondement de conventions collectives d’«application générale» ( 2 ) dans le secteur concerné, en Finlande, les travailleurs ont un certain nombre de droits, lesquels incluent un salaire minimal composé de différents éléments. Ensuite, les travailleurs cèdent les créances salariales découlant de ces conventions collectives à un syndicat finlandais,
lequel engage alors une procédure contre l’employeur afin d’en obtenir le recouvrement.

2.  Deux problèmes se posent. Premièrement, la juridiction de renvoi sollicite des éclaircissements en ce qui concerne le choix de la loi qui s’applique à la cession des créances salariales. Une telle cession à un tiers (un syndicat en l’occurrence) est permise par le droit finlandais – et constitue même une pratique courante dans ce contexte précis –, mais semble être interdite par le droit polonais ( 3 ). Deuxièmement, la juridiction de renvoi demande des indications sur la manière dont il
convient d’interpréter la notion de «taux de salaire minimal» aux fins de la directive 96/71. Cette directive impose à l’État membre d’accueil d’assurer un niveau minimal de protection (notamment en ce qui concerne le salaire) pour les travailleurs détachés sur son territoire. À cet égard, la Cour a aujourd’hui la possibilité de réexaminer son abondante jurisprudence en la matière et de donner, dans la mesure du possible, une définition positive de la notion de taux de salaire minimal dans le
contexte du détachement de travailleurs.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. Le règlement Rome I ( 4 )

3. Le règlement Rome I régit le choix de la loi applicable aux obligations contractuelles. Le considérant 23, qui est particulièrement pertinent en l’espèce, est libellé dans les termes suivants:

«S’agissant des contrats conclus avec des parties considérées comme plus faibles, celles-ci devraient être protégées par des règles de conflit de lois plus favorables à leurs intérêts que ne le sont les règles générales.»

4. En vertu de l’article 3, paragraphe 1, dudit règlement, un contrat est régi par la loi choisie par les parties.

5. L’article 8, paragraphe 1, de ce même règlement prévoit une règle spécifique pour le choix de la loi applicable dans le cas de contrats individuels de travail. Celle-ci prévoit:

«Le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties conformément à l’article 3. Ce choix ne peut toutefois avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable selon les paragraphes 2, 3 et 4 du présent article.»

6. L’article 14 du règlement Rome I précise quelle est la loi applicable en cas de cession de créance ou de subrogation conventionnelle. L’article 14, paragraphe 2, prévoit:

«La loi qui régit la créance faisant l’objet de la cession ou de la subrogation détermine le caractère cessible de celle-ci, les rapports entre cessionnaire ou subrogé et débiteur, les conditions d’opposabilité de la cession ou subrogation au débiteur et le caractère libératoire de la prestation faite par le débiteur.»

7. L’article 23 de ce même règlement dispose:

«[…] le présent règlement n’affecte pas l’application des dispositions de droit communautaire qui, dans des domaines particuliers, règlent les conflits de lois en matière d’obligations contractuelles.»

2. La directive 96/71

8. La directive 96/71 établit les règles qui régissent le détachement de travailleurs vers d’autres États membres. Il ressort du considérant 5 de ladite directive que celle-ci essaie de concilier la promotion de la prestation de services dans un cadre transnational, d’une part, avec la nécessité d’une concurrence loyale et des mesures garantissant le respect des droits des travailleurs, d’autre part.

9. Il ressort également des considérants 6 et 13 de la directive 96/71 que l’objectif de cette dernière est de coordonner les législations des États membres applicables en cas de prestation de services transnationale. Il convient pour cela de prévoir les conditions de travail et d’emploi applicables à la relation de travail envisagée, y compris notamment un noyau de règles impératives de protection minimale que doivent observer, dans l’État membre d’accueil, les employeurs qui détachent des
travailleurs en vue d’effectuer un travail à titre temporaire sur le territoire de l’État membre de la prestation.

10. En ce qui concerne la question du choix de la loi applicable, le considérant 11 énonce que la convention de Rome «ne préjuge pas l’application des dispositions du droit de l’Union qui, dans des matières particulières, règlent les conflits de lois en matière d’obligations contractuelles».

11. Aux termes de l’article 3 de cette directive, pour autant qu’il soit pertinent en l’espèce:

«1.   Les États membres veillent à ce que, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, les entreprises visées à l’article 1er paragraphe 1 garantissent aux travailleurs détachés sur leur territoire les conditions de travail et d’emploi concernant les matières visées ci-après qui, dans l’État membre sur le territoire duquel le travail est exécuté, sont fixées:

— par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives

et/ou

— par des conventions collectives ou sentences arbitrales déclarées d’application générale au sens du paragraphe 8, dans la mesure où elles concernent les activités visées en annexe:

[…]

b) la durée minimale des congés annuels payés;

c) les taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires; le présent point ne s’applique pas aux régimes complémentaires de retraite professionnels […]

[…]

Aux fins de la présente directive, la notion de taux de salaire minimal visée au second tiret point c) est définie par la législation et/ou la pratique nationale(s) de l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché.

[…]

7.   Les paragraphes 1 à 6 ne font pas obstacle à l’application de conditions d’emploi et de travail plus favorables pour les travailleurs.

Les allocations propres au détachement sont considérées comme faisant partie du salaire minimal, dans la mesure où elles ne sont pas versées à titre de remboursement des dépenses effectivement encourues à cause du détachement, telles que les dépenses de voyage, de logement ou de nourriture.

8.   On entend par conventions collectives ou sentences arbitrales, déclarées d’application générale, les conventions collectives ou les sentences arbitrales qui doivent être respectées par toutes les entreprises appartenant au secteur ou à la profession concernés et relevant du champ d’application territoriale de celles-ci.

[…]

10.   La présente directive ne fait pas obstacle à ce que les États membres, dans le respect du traité, imposent aux entreprises nationales et aux entreprises d’autres États, d’une façon égale:

— des conditions de travail et d’emploi concernant des matières autres que celles visées au paragraphe 1 premier alinéa, dans la mesure où il s’agit de dispositions d’ordre public;

— des conditions de travail et d’emploi fixées dans des conventions collectives ou sentences arbitrales au sens du paragraphe 8 et concernant des activités autres que celles visées à l’annexe.»

12. L’annexe de la directive dresse la liste des activités visées à l’article 3, paragraphe 1, second tiret, de la directive. Celles-ci englobent toutes les activités dans le domaine de la construction qui visent la réalisation, la remise en état, l’entretien, la modification ou l’élimination de constructions, telles que spécifiées dans l’annexe en question.

B – Le droit finlandais

13. La loi sur le contrat de travail ( 5 ) contient des dispositions relatives aux contrats de travail conclus entre un employeur et un employé. L’article 7 du chapitre 1 de cette loi prévoit la possibilité de céder à une tierce personne, sans l’accord de l’autre partie, une créance découlant d’un contrat de travail lorsque celle-ci est devenue exigible.

14. Aux termes de l’article 7 du chapitre 2 de la loi sur le contrat de travail qui établit les règles concernant l’applicabilité générale de conventions collectives:

«Dans une convention collective de portée nationale réputée représentative pour la branche en question (convention collective d’application générale), l’employeur doit respecter au moins les dispositions relatives aux conditions de recrutement et de travail applicables aux tâches exécutées par le travailleur ou à celles qui leur sont le plus comparables […]»

15. Aux termes de son article 1er, la loi sur les travailleurs détachés ( 6 ) s’applique au travail effectué par un travailleur détaché en Finlande au titre d’un contrat de travail au sens de l’article 1er du chapitre 1 de la loi sur le contrat de travail.

16. L’article 2 de la loi sur les travailleurs détachés régit les conditions de travail et d’emploi applicables en ce qui concerne les travailleurs détachés. Il prévoit que – indépendamment de la loi régissant la relation de travail – certaines dispositions du droit finlandais doivent être appliquées pour autant qu’elles sont plus favorables au travailleur que les dispositions légales qui seraient sinon applicables. Ces dispositions incluent les stipulations des conventions collectives d’application
générale, au sens de l’article 7 du chapitre 2 de la loi sur le contrat de travail, en matière de congé annuel, d’heures de travail et de sécurité du travail.

17. En vertu de l’article 2 de la loi sur les travailleurs détachés, le travailleur détaché doit percevoir un taux de salaire minimal équivalent à la rémunération prévue dans une convention collective au sens de l’article 7 du chapitre 2 de la loi sur le contrat de travail.

II – Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

18. La présente affaire a pour origine un litige opposant un syndicat finlandais, le Sähköalojen ammattiliitto ry (ci-après le «syndicat»), à une société polonaise, Elektrobudowa Spółka Akcyjna (ci-après «Elektrobudowa»). Ce litige porte sur les créances salariales de 186 travailleurs polonais qui – après avoir conclu des contrats de travail avec Elektrobudowa en Pologne – ont été détachés pour exécuter un travail sur le chantier d’une centrale nucléaire à Olkiluoto, en Finlande. Le travail a été
effectué sous le contrôle d’une succursale d’Elektrobudowa enregistrée à Eurajoki, en Finlande.

19. Les travailleurs concernés ont cédé individuellement leurs créances salariales au syndicat. Les travailleurs sont membres du syndicat qui a entrepris d’obtenir le recouvrement de ces créances salariales devant la juridiction de renvoi. Le syndicat fait valoir, en substance, qu’Elektrobudowa n’a pas rémunéré les employés conformément aux conventions collectives applicables à la branche de l’électrification et à la branche des installations techniques du bâtiment ( 7 ) (ci‑après les «conventions
collectives applicables»). Il est incontesté que ces conventions collectives, qui se succèdent chronologiquement, ont été déclarées d’application générale conformément à l’article 3, paragraphe 8, de la directive 96/71 et qu’elles concernent également les activités visées dans l’annexe de cette directive ( 8 ).

20. Plus spécifiquement, le syndicat soutient qu’Elektrobudowa n’a pas respecté les droits minimaux que les conventions collectives accordent aux travailleurs. Ces conventions collectives prévoient des règles différentes pour la rémunération au temps et pour la rémunération à la tâche. Le syndicat fait valoir qu’Elektrobudowa n’a pas satisfait à l’obligation, que lui imposaient ces conventions, d’offrir à ses employés du travail à la tâche afin d’augmenter le niveau des rémunérations. Étant donné
que le travail aurait dû être proposé sur cette base, il y a lieu de payer le salaire spécial garanti pour le travail à la tâche. De plus, les travailleurs n’ont pas été individuellement classés en groupes de salaires. Le syndicat fait également valoir que les travailleurs concernés peuvent prétendre à un pécule de vacances, à une indemnité journalière fixe et à une indemnité de trajet, comme le prévoient les conventions collectives.

21. Elektrobudowa soutient quant à elle qu’il s’agit d’un problème entre elle et les travailleurs détachés. Selon elle, il en est ainsi parce qu’une créance ne saurait être cédée à un tiers en vertu du code du travail polonais, qui ne permet pas à un travailleur salarié de renoncer à un droit à rémunération découlant d’une relation de travail ou de le transférer à un tiers. Étant donné que, d’après Elektrobudowa, c’est la législation polonaise qui régit les contrats individuels de travail ainsi que
les relations et droits en découlant, les créances ne sauraient être valablement transférées à un syndicat. En outre, en ce qui concerne la question du niveau adéquat de la contrepartie du travail accompli, Elektrobudowa fait valoir que les créances salariales sont incompatibles avec la directive 96/71 et/ou l’article 56 TFUE.

22. En réponse aux arguments avancés par Elektrobudowa en ce qui concerne le caractère cessible des créances, le syndicat fait valoir que celles-ci ont été valablement cédées, étant donné qu’elles sont fondées sur un travail qui a été effectué en Finlande et que les travailleurs concernés sont également membres du syndicat qui agit en qualité de requérant devant la juridiction de renvoi. Selon le syndicat, interdire une telle cession serait contraire à plusieurs droits consacrés par la charte des
droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»).

23. Ayant des doutes quant à l’interprétation du droit de l’Union, le Satakunnan käräjäoikeus (tribunal de première instance de la région de Satakunta) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Un syndicat agissant dans l’intérêt des travailleurs peut-il directement opposer l’article 47 de la Charte comme source directe de droits à un prestataire de services d’un autre État membre dans une situation où la disposition à laquelle il est reproché d’être contraire à l’article 47 (l’article 84 du code du travail polonais) est une disposition purement nationale?

2) Dans une procédure juridictionnelle concernant des créances échues dans l’État d’exécution du travail au sens de la directive 96/71, découle-t-il du droit de l’Union – en particulier du principe de protection juridictionnelle effective consacré à l’article 47 de la Charte ainsi qu’à l’article 5, deuxième alinéa, et à l’article 6 de la directive précitée, pris en combinaison avec la liberté d’association syndicale garantie par l’article 12 de la Charte – qu’une juridiction nationale doit
écarter l’application d’une disposition du droit du travail de l’État d’origine des travailleurs qui s’oppose à la cession d’une créance salariale à un syndicat de l’État d’exécution du travail pour que ce syndicat en assure le recouvrement, lorsque la disposition correspondante de l’État d’exécution du travail permet de céder la créance salariale échue pour en faire assurer le recouvrement, et donc le statut de personne ayant qualité pour agir, à un syndicat dont tous les travailleurs ayant
procédé à la cession de créances en vue du recouvrement sont membres?

3) Les clauses du protocole no 30 annexé au traité de Lisbonne doivent-elles être interprétées en ce sens que même les juridictions nationales établies ailleurs qu’en Pologne ou au Royaume-Uni doivent en tenir compte lorsque le litige en cause présente des points de rattachement notables avec la Pologne et en particulier lorsque la loi applicable aux contrats de travail est la loi polonaise? Autrement dit, le protocole polono-britannique fait-il obstacle à ce qu’une juridiction finlandaise
déclare que les lois, règles ou dispositions, pratiques ou mesures administratives de la Pologne sont contraires aux principes, libertés et droits fondamentaux proclamés par la Charte?

4) Compte tenu de l’article 47 de la Charte, l’article 14, paragraphe 2, du règlement Rome I doit-il être interprété en ce sens qu’il interdit l’application d’une législation d’un État membre interdisant de céder des créances et droits découlant d’une relation d’emploi?

5) L’article 14, paragraphe 2, du règlement Rome I doit-il être interprété en ce sens que la loi applicable à la cession des créances découlant du contrat de travail est la loi applicable au contrat de travail en cause en vertu du règlement Rome I, indépendamment du point de savoir si les dispositions d’une autre loi ont également une incidence sur le contenu du droit individuel invoqué?

6) Lu à la lumière des articles 56 TFUE et 57 TFUE, l’article 3 de la directive 96/71 doit-il être interprété en ce sens que la notion de taux de salaire minimal couvre le salaire horaire de base conformément au classement en groupes de salaire, le salaire garanti pour le travail à la tâche, le pécule de vacances, l’indemnité journalière fixe et l’indemnité de trajet quotidien, telles que ces conditions de travail sont définies dans une convention collective d’application générale relevant de
l’annexe de la directive?

6.1. Les articles 56 TFUE [et 57 TFUE] et/ou l’article 3 de la directive 96/71 doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils font obstacle à ce que, dans la législation nationale (convention collective d’application générale) de ce qu’il est convenu d’appeler l’État d’accueil, les États membres imposent à des prestataires de services d’autres États membres une obligation de verser une indemnité de trajet et une indemnité journalière aux travailleurs détachés sur leur territoire, compte tenu
du fait que, d’après la législation nationale en cause, tout travailleur détaché est considéré comme travaillant en régime de déplacement professionnel pendant toute la durée du détachement, ce qui lui ouvre droit à la fois aux indemnités de trajet et aux indemnités journalières?

6.2. Les articles 56 TFUE et 57 TFUE et/ou l’article 3 de la directive 96/71 doivent-ils être interprétés comme ne permettant pas à une juridiction nationale de refuser de reconnaître la répartition des travailleurs en classes de rémunération conçue et appliquée par une société d’un autre État membre dans son État d’origine, si une telle répartition a été faite?

6.3. Les articles 56 TFUE et 57 TFUE et/ou l’article 3 de la directive 96/71 doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils permettent à un employeur venant d’un autre État membre de fixer valablement, et de façon contraignante pour le juge de l’État d’exécution du travail, le classement des travailleurs en groupes salariaux dans une situation où une convention collective d’application générale dans le pays d’exécution du travail a exigé la mise en place d’un classement en groupes salariaux
différent du point de vue du résultat final ou l’État membre d’accueil dans lequel les travailleurs du prestataire de services de l’autre État membre ont été détachés peut-il imposer au prestataire de services de respecter les dispositions relatives aux critères de classement des travailleurs en catégories salariales?

6.4. Faut-il, dans le cadre de l’interprétation de l’article 3 de la directive 96/71, lu à la lumière des articles 56 TFUE et 57 TFUE, considérer la prise en charge de l’hébergement imposée à l’employeur par les dispositions de la convention collective visée à la sixième question et les bons d’alimentation distribués au titre du contrat de travail du prestataire de services venant d’un autre État membre comme des compensations de dépenses encourues à cause du détachement ou comme
ressortissant à la notion de taux de salaire minimal au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive?

6.5. Les dispositions combinées de l’article 3 de la directive 96/71 et des articles 56 TFUE et 57 TFUE peuvent-elles être interprétées en ce sens qu’une convention collective d’application générale de l’État d’exécution du travail doit être considérée comme justifiée par des exigences d’ordre public dans le cadre de l’interprétation de la question de la rémunération du travail à la tâche, de l’indemnité de trajet et des indemnités journalières?»

24. Des observations écrites ont été présentées par le syndicat et Elektrobudowa, ainsi que par les gouvernements finlandais, belge, danois, allemand, autrichien, polonais, suédois et norvégien, et par la Commission européenne. Lors de l’audience du 11 juin 2014, des observations orales ont été présentées par le syndicat et Elektrobudowa, par les gouvernements finlandais, allemand, polonais et norvégien, ainsi que par la Commission.

III – Analyse

A – Le contexte

25. La juridiction de renvoi a posé à la Cour un grand nombre de questions. Toutefois, comme cela a déjà été expliqué précédemment, les problèmes soulevés au principal s’articulent essentiellement autour de deux thèmes – qui sont par ailleurs étroitement liés. Pour les traiter, je commencerai, dans des propos introductifs, par décrire ce qui constitue la raison d’être de la directive 96/71, ainsi que les objectifs que celle-ci cherche à atteindre. Dans ce contexte, je donnerai un bref aperçu des
développements jurisprudentiels pertinents. En ce qui concerne les deux principaux problèmes qui se posent dans le cas présent, je vais tout d’abord me pencher sur la question de la loi applicable à la cession de créances salariales. J’examinerai ensuite la notion de «taux de salaire minimal». À la lumière de cette analyse, j’essaierai de donner à la juridiction de renvoi des indications utiles sur la manière dont il conviendrait de considérer les éléments de rémunération en cause dans la
procédure au principal.

1. Le paradoxe de la directive 96/71

26. Il est bien connu que les affaires Laval un Partneri ( 9 ), Rüffert ( 10 ) et Commission/Luxembourg ( 11 ) ont alimenté un débat doctrinal intense sur la question, notamment, des conséquences de la libre prestation de services sur les droits des travailleurs (et sur les droits des syndicats de protéger ces droits) dans des situations transfrontalières. La présente affaire, qui s’inscrit dans le prolongement de cette série d’arrêts, est une nouvelle fois la preuve que la prestation de services
par-delà les frontières nationales reste une question délicate. En effet, elle engendre de nombreuses difficultés en ce qui concerne, notamment, la situation des travailleurs détachés ( 12 ) qui exécutent leur travail dans un autre État membre que celui dans lequel ils ont été recrutés.

27. Comment convient-il alors de déterminer les niveaux de protection adéquats pour ces travailleurs? La directive 96/71 a vocation (au moins dans une certaine mesure) à remédier à ces difficultés et à donner des réponses à la question de savoir quand les niveaux fixés par l’État membre d’accueil doivent être appliqués. À cet égard, il ressort du préambule de la directive que – en indiquant quelles sont les règles de l’État membre d’accueil que les entreprises étrangères doivent appliquer aux
travailleurs détachés – celle-ci cherche à concilier l’objectif de promotion de la prestation de services dans un cadre transnational, d’une part, avec une «concurrence loyale», d’autre part. Dans ce contexte, elle cherche à faire en sorte que les États membres prennent des mesures appropriées pour garantir un certain niveau de protection minimal pour les travailleurs concernés.

28. Une contradiction entre les objectifs ouvertement exprimés par la directive peut être observée à un autre niveau toutefois. Parallèlement à la libre circulation, celle-ci fait également place au désir des États membres de protéger leurs marchés du travail intérieurs ( 13 ). L’absence de convergence entre les coûts du travail dans les différents États membres a sans nul doute été un facteur déterminant pour l’introduction de règles régissant le détachement de travailleurs d’un État membre vers un
autre ( 14 ).

29. En fait, avant l’entrée en vigueur de la directive, c’est une abondante jurisprudence ( 15 ) de la Cour qui fournissait les critères permettant de déterminer quelle était la loi qui devait être appliquée aux travailleurs détachés effectuant des prestations de services dans un État membre autre que celui dans lequel leur employeur opérait habituellement. Un point particulièrement pertinent en l’espèce est que la Cour, dans les arrêts Rush Portuguesa ( 16 ) et Vander Elst ( 17 ), a reconnu à
l’État membre d’accueil une marge d’appréciation étendue pour appliquer son droit du travail aux travailleurs détachés, à condition de respecter les dispositions du traité respectivement applicables en matière de libre prestation de services ( 18 ). Dans une certaine mesure, cela donnait aux États membres d’accueil carte blanche pour étendre l’application de la totalité de leur législation du travail aux travailleurs détachés. Conformément à cette logique, les entreprises étrangères étaient
libres d’effectuer des prestations de services dans l’État membre d’accueil, à condition de se plier à la législation de cet État en matière de droit du travail.

30. Dans ce contexte, la directive 96/71 se présente sous des allures quelque peu paradoxales. Il semble qu’il se soit agi au départ d’une réponse de la Commission à cette jurisprudence, mais dont la teneur a été largement édulcorée au cours de la procédure législative qui s’est ensuivie ( 19 ). La directive apparaît en effet comme le fruit d’un compromis entre les intérêts concurrents des États membres qui détachent des travailleurs étrangers et de ceux qui les accueillent. Alors que les
dispositions du traité sur le fondement desquelles la directive a été adoptée (à savoir les articles 57, paragraphe 2, CE et 66 CE) mettent clairement l’accent sur la promotion de la prestation transfrontalière de services, le résultat final est une directive qui – à première vue, du moins – fait pencher la balance en faveur de la protection des législations du travail nationales.

31. En effet, les matières considérées comme revêtant une importance particulière pour garantir un niveau minimal de protection en faveur des travailleurs détachés sont énumérées à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71. Ces matières, qui peuvent être définies comme constituant le noyau de règles impératives de protection minimale, comprennent les heures de travail, le congé annuel et le salaire minimal. S’agissant de ce noyau, la directive part du principe qu’il convient d’appliquer la
législation de l’État membre d’accueil aux travailleurs détachés. Les entreprises qui détachent leurs employés doivent par conséquent appliquer la législation du pays dans lequel le contrat est exécuté, sauf si le droit de l’État d’origine est plus favorable au travailleur ( 20 ).

32. Cependant, que l’objectif initial de la directive 96/71 ait ou non été de fixer des limites, plutôt que de souscrire à la libre prestation de services – ou plus probablement de tenter une combinaison inconciliable de ces deux objectifs –, il semble que la Cour, dans la jurisprudence décrite ci-dessous, met en principe désormais l’accent moins sur la protection du marché du travail national et davantage sur la libre prestation de services.

2. L’approche adoptée dans la jurisprudence

33. Le changement de paradigme décrit ci-dessus ressort clairement de la jurisprudence découlant de l’arrêt Laval un Partneri ( 21 ). Conséquence logique de l’objectif de promotion de la libre prestation de services, l’accent a été mis tout particulièrement sur la nécessité de garantir certains droits minimaux en faveur des travailleurs détachés afin d’éviter le dumping social ( 22 ). Ces droits minimaux sont, dans une certaine mesure, censés garantir aux travailleurs détachés un niveau adéquat de
protection sociale pendant le détachement. À cet égard, des salaires minimaux clairement fixés donnent aux travailleurs des moyens suffisants pour subvenir à leurs besoins dans l’État membre d’accueil pour la durée du détachement ( 23 ).

34. Parallèlement, l’approche adoptée par la Cour limite substantiellement la liberté des États membres d’imposer des niveaux de protection plus élevés que le minimum requis en ce qui concerne les travailleurs détachés ( 24 ). De manière analogue, alors que le législateur de l’Union n’avait nullement l’intention d’obliger les États membres à prévoir des salaires minimaux lorsque leur propre législation ne le faisait pas ( 25 ), l’arrêt Laval un Partneri semble avoir limité de façon substantielle la
latitude des États membres pour maintenir leurs propres conceptions en matière de fixation des salaires ( 26 ).

35. Il est important d’avoir ces développements jurisprudentiels à l’esprit lors de l’interprétation de la directive 96/71.

36. La difficulté réside ici dans le fait que la directive 96/71 n’harmonise pas expressément le contenu matériel de ces règles à caractère impératif ( 27 ). Au contraire, les États membres ont adopté des approches nettement différentes dans ce domaine ( 28 ). Et il est d’ailleurs de jurisprudence constante que les États membres peuvent librement définir le contenu de ces règles, à condition de respecter le droit de l’Union ( 29 ).

37. Vus sous cet angle, les problèmes qui se posent dans la présente affaire à propos de la signification de la notion de «taux de salaire minimal» ne sont pas entièrement nouveaux. En effet, la Cour a déjà donné des indications sur ce qui ne peut pas être considéré comme étant inclus dans les taux de salaire minimal. Cette jurisprudence a porté sur des questions telles que: la méthode pour déterminer si oui ou non les travailleurs détachés ont en réalité perçu des salaires égaux au salaire minimal
dans l’État membre d’accueil ( 30 ); si oui ou non la moyenne statistique des salaires payés dans un secteur déterminé peut être considérée comme constituant un salaire minimal ( 31 ), et quels types d’éléments de rémunération doivent être exclus de la notion de salaire minimal ( 32 ).

38. Toutefois, cette jurisprudence ne fournit aucune réponse explicite à la question de savoir ce que signifie concrètement la notion de «taux de salaire minimal». En particulier, la Cour a énoncé que, si les États membres demeuraient libres de déterminer le contenu matériel des taux de salaire minimal au sens de la directive 96/71, les éléments de rémunération qui «modifient […] le rapport entre la prestation du travailleur, d’une part, et la contrepartie que celui-ci perçoit au titre de la
rémunération de cette prestation, d’autre part», ne peuvent pas être considérés comme faisant partie du salaire minimal ( 33 ). Ainsi que j’essaierai de l’illustrer aux points 70 et suivants des présentes conclusions, je ne crois pas que cette observation soit d’une quelconque utilité aux fins de l’interprétation de la notion de «taux de salaire minimal».

39. Dans la présente affaire, la Cour est par conséquent invitée à trouver un équilibre entre, d’une part, les intérêts des entreprises qui souhaitent faire usage de l’avantage concurrentiel que peut représenter le détachement de travailleurs d’un État membre vers un autre et, d’autre part, les intérêts des travailleurs concernés. Toutefois, avant d’aborder cette question, il est nécessaire dans un premier temps de se pencher sur les interrogations de la juridiction de renvoi concernant le caractère
cessible des créances salariales découlant de conventions collectives d’application générale dans l’État membre d’accueil.

B – L’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71: une règle de conflit de lois spéciale

40. Les cinq premières questions s’articulent en substance autour de la question de savoir quelle est la loi qu’il convient d’appliquer pour établir si un travailleur détaché peut, dans l’État membre d’accueil, céder à un syndicat une créance salariale qu’il détient à l’encontre de son employeur. Afin de répondre à cette question, il convient de lire les dispositions du règlement Rome I en liaison avec celles de la directive 96/71.

41. Pour savoir quelle est la loi qui doit déterminer le caractère cessible d’une créance déterminée, il convient tout d’abord d’établir quelle est la loi qui régit la créance (contestée, certes) elle-même. Cela ressort expressément de l’article 14, paragraphe 2, du règlement Rome I, qui prévoit que la «loi qui régit la créance faisant l’objet de la cession ou de la subrogation détermine le caractère cessible de celle-ci». Effectivement, étant donné que la question de la cessibilité d’une créance
dépend logiquement de l’existence de ladite créance, il est nécessaire de déterminer quelle est la loi applicable aux créances en question.

42. Tout d’abord, il convient de rappeler que la règle générale en ce qui concerne le choix de la loi dans des relations contractuelles est celle qui est énoncée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement Rome I. Par conséquent, il convient de respecter le choix des parties dans toute la mesure du possible. L’idée que les parties sont libres de choisir la loi applicable est également reprise à l’article 8, paragraphe 1, du règlement Rome I, qui énonce la règle générale en ce qui concerne les contrats
de travail. Par conséquent, c’est le choix des parties qui, conformément au principe prévu à l’article 3, paragraphe 1, du règlement Rome I, régit le contrat de travail en question ( 34 ).

43. En ce qui concerne la présente affaire, il ressort du dossier que les parties qui ont conclu les contrats de travail ont expressément choisi la loi polonaise (même si une formule ambiguë du contrat de travail énonce que les dispositions du droit du travail finlandais sont également «prises en considération») comme étant celle appelée à régir les conditions de travail et d’emploi des travailleurs concernés. En dernière analyse, toutefois, il n’est pas nécessaire de déterminer quelle est la loi
qui régit les contrats de travail individuels sous-jacents à la présente affaire.

44. Ce qui importe ici est plutôt le fait que les créances invoquées par le syndicat sont fondées sur des droits découlant d’une série de dispositions incluses dans les conventions collectives pertinentes qui ont été déclarées d’application générale dans l’État membre d’accueil (c’est-à-dire en Finlande). Ces dispositions portent sur les droits minimaux qui doivent être garantis aux travailleurs dans les secteurs d’activité concernés. En fait, les problèmes à l’origine de la présente affaire
proviennent précisément de ce que les conventions collectives pertinentes confèrent aux travailleurs des droits qui ne correspondent pas à ceux qui sont garantis aux travailleurs sous l’empire, par exemple, du droit polonais.

45. Sur ce point, le gouvernement polonais et Elektrobudowa font tous les deux valoir que les créances découlant d’un contrat de travail ne sauraient être «détachées» du contrat global. Selon eux, toute autre conclusion accroîtrait l’incertitude quant à la loi applicable en ce qui concerne les créances découlant d’une relation de travail. Il s’ensuit que c’est la loi applicable au contrat de travail individuel qui régit toutes les créances découlant de la relation en cause. En l’occurrence, il
s’agit de la loi polonaise, conformément au choix exprès qui a été effectué par les parties. Par conséquent, les prétentions invoquées par le syndicat devraient être examinées sur le fondement de la législation polonaise applicable.

46. Je ne suis pas convaincu par cette argumentation.

47. D’un côté, je ne vois aucune raison d’exclure la possibilité d’une application concurrente de deux lois (ou plus) à des droits et obligations découlant d’un seul et même contrat. Ce scénario est même clairement envisagé – et accepté – à l’article 8, paragraphe 1, du règlement Rome I, qui admet l’application concurrente de plusieurs lois au même contrat de travail ( 35 ).

48. D’un autre côté, ainsi que le gouvernement autrichien le fait observer, la question qui est déterminante en l’espèce est en fait celle de savoir quelles sont les règles de conflit de lois qu’il convient d’appliquer: celles qui sont contenues dans le règlement Rome I ou bien, peut-être, une règle de conflit de lois plus spécifique prévue dans un autre acte juridique de l’Union, conformément à l’article 23 du règlement Rome I?

49. À ce stade, il convient de souligner que, comme l’indique le considérant 23 du règlement Rome I, ledit règlement n’oublie nullement la nécessité de protéger les parties qui sont considérées comme plus faibles dans la relation contractuelle concernée. Afin de protéger ces parties, il conviendrait d’appliquer en priorité les règles de conflit de lois qui sont plus favorables aux intérêts de ces parties, plutôt que les règles générales.

50. Il convient ici de rappeler que l’article 23 du règlement Rome I contient une exception à l’applicabilité des règles de conflit de lois qu’il prévoit. En d’autres termes, il convient de faire prévaloir, lorsqu’elles existent, les dispositions du droit de l’Union qui règlent les conflits de lois en matière d’obligations contractuelles dans des domaines particuliers.

51. J’ai la conviction que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71 – et les mesures nationales qui le mettent en œuvre – exprime une telle règle au regard des matières auxquelles s’applique cette disposition. Il est en l’occurrence particulièrement significatif que l’article 3, paragraphe 1, de cette directive énonce que les États membres veillent à ce que, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, les entreprises respectent le noyau de règles impératives visées dans cette
même disposition (y compris les taux de salaire minimal). Cette disposition fixe ainsi, comme la Cour l’a précédemment relevé, le «niveau de protection qui doit être garanti aux travailleurs détachés» par l’État membre d’accueil ( 36 ). Par conséquent, dès lors que sont en jeu les règles impératives identifiées dans la directive, la règle de conflit de lois découlant de l’article 3, paragraphe 1, du règlement Rome I prime toutes les autres règles (plus générales) envisagées dans ce même
règlement.

52. À cet égard, la directive 96/71 part du principe que les questions reposant sur les taux de salaire minimal (en plus des six autres matières énumérées à l’article 3, paragraphe 1) sont régies par la législation de l’État membre d’accueil (à moins que l’État d’origine n’offre une protection plus étendue) ( 37 ). En effet, il ressort du considérant 13 de la directive 96/71 que celle-ci a vocation à coordonner les législations des États membres de manière à prévoir un noyau de règles impératives de
protection minimale que doivent observer, dans le pays d’accueil, les employeurs qui y détachent des travailleurs. Ce noyau de règles impératives est fixé à l’article 3, paragraphe 1, de la directive.

53. Il est vrai que la solution retenue dans la directive peut être en contradiction avec le libre choix effectué par les parties quant à la loi applicable. C’est le cas dans la procédure devant la juridiction de renvoi. Dans cette mesure, elle est également contraire à la règle générale de l’article 8, paragraphe 1, du règlement Rome I, concernant le choix de la loi en matière de contrats de travail. Elle ne correspond pas non plus aux autres hypothèses énumérées à l’article 8. Toutefois, il s’agit
d’une situation qui est clairement acceptée: elle est non seulement reconnue à l’article 23 de ce règlement et confirmée par le considérant 11 de la directive 96/71, mais elle est aussi conforme à l’objectif, mentionné au considérant 23 du règlement, de faire prévaloir les règles de conflit de lois qui sont favorables à la partie plus faible.

54. En principe, les conditions de travail et d’emploi que l’État membre d’accueil peut imposer aux entreprises qui détachent des travailleurs sur son territoire sont limitativement énumérées à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71 ( 38 ). Il n’y a qu’une seule exception à cette règle, à savoir celle énoncée à l’article 3, paragraphe 10, de cette même directive, qui permet aux États membres (dans le respect des dispositions pertinentes du traité et du principe de l’égalité de traitement)
d’imposer des règles dans des matières autres que celles visées audit article 3, paragraphe 1, lorsqu’ils le jugent nécessaire pour des considérations d’ordre public. Je reviendrai sur cette exception au point 115 des présentes conclusions.

55. Par conséquent, dans la mesure où les créances salariales en cause devant la juridiction de renvoi découlent des taux de salaire minimal visés à l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 96/71, qui doivent être respectés, la question de leur bien-fondé doit être résolue sur le fondement de la loi de l’État membre qui est applicable en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive ( 39 ), c’est‑à‑dire la loi de l’État membre vers lequel les travailleurs ont été détachés.

56. En d’autres termes, les créances salariales en cause dans la procédure au principal relèvent du champ d’application de la règle de conflit de lois spéciale qui est énoncée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71. C’est tout particulièrement le cas, puisque cette disposition fait référence au droit de l’État membre vers lequel les travailleurs sont détachés. Il s’ensuit, conformément à l’article 14, paragraphe 2, du règlement Rome I, que le caractère cessible de ces créances est lui
aussi nécessairement régi par la loi de ce même État.

57. À la lumière de ce qui précède, je considère que l’article 14, paragraphe 2, du règlement Rome I, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71, doit être interprété en ce sens que la question de savoir si un travailleur détaché peut, dans l’État membre d’accueil, céder à un syndicat une créance salariale qu’il détient à l’encontre de son employeur doit être résolue en se fondant sur la loi applicable aux créances salariales en question. Dans la mesure où ces créances
découlent de conditions de travail et d’emploi visées à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71, c’est la loi de l’État membre vers lequel les travailleurs sont détachés qui doit être appliquée, et ce non seulement au regard de ces créances proprement dites, mais aussi en ce qui concerne leur caractère cessible.

58. Enfin, en ce qui concerne les quatre premières questions, je souhaite faire remarquer que celles-ci ne sont pertinentes que pour autant que l’on considère que c’est la loi polonaise qui régit le caractère cessible des créances salariales dans le cas présent. Étant donné que je suis fermement convaincu que la cessibilité des créances salariales en cause est déterminée par le droit finlandais, je ne traiterai pas ces questions dans le cadre des présentes conclusions. Cette mise au point étant
faite, je vais maintenant me pencher sur la notion de salaire minimal.

C – Le taux de salaire minimal

59. Le second thème sur lequel la juridiction de renvoi cherche à obtenir des éclaircissements est centré sur la notion de «taux de salaire minimal», au sens de la directive 96/71, telle qu’interprétée à la lumière de l’article 56 TFUE. Bien que la juridiction de renvoi ait subdivisé la sixième question en une série de sous‑questions, je crois qu’il est possible de les traiter ensemble. En substance, le point que la Cour est invitée à éclaircir est celui de savoir ce qui constitue des «taux de
salaire minimal» au sens de la directive 96/71. Avant de me pencher sur cette question, je ferai quelques observations générales, en relation avec l’article 3, paragraphe 8, de ladite directive, à propos du système de conventions collectives en cause dans la présente affaire.

1. Conventions collectives d’application générale dans le contexte de la directive 96/71

60. En particulier dans les périodes de crise financière, le recours à la négociation collective en tant que méthode de fixation des salaires est une question épineuse. La directive 96/71 admet aussi, sous certaines conditions, la possibilité de faire bénéficier les travailleurs détachés de niveaux minimaux de protection fixés par voie de négociation collective.

61. Le salaire minimal fixé par la loi et/ou la pratique de l’État membre d’accueil doit être déterminé en conformité avec les procédures prévues par la directive 96/71. Plus spécifiquement, il ressort de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive que, en ce qui concerne le secteur de la construction (tel que défini dans l’annexe de la directive), les conditions minimales de travail et d’emploi visées dans cette disposition peuvent être fixées «par des dispositions législatives, réglementaires ou
administratives, et/ou par des conventions collectives […] déclarées d’application générale» au sens de l’article 3, paragraphe 8.

62. Dans la présente affaire, Elektrobudowa a fait valoir que le système de conventions collectives finlandais n’était pas transparent, étant donné qu’il permet aux entreprises nationales, sous certaines conditions, de conclure d’autres conventions collectives qui, le cas échéant, priment celle qui a été déclarée d’application générale dans le secteur concerné. Elle estime que, en conséquence de cela, les entreprises étrangères qui souhaitent effectuer des prestations de services en Finlande font
l’objet d’un traitement différent qui n’est pas justifiable. En effet, l’article 3, paragraphe 8, de la directive 96/71 énonce expressément que les niveaux de protection minimaux fixés par les conventions collectives doivent être respectés par toutes les entreprises appartenant au secteur ou à la profession concernés et relevant du champ d’application territoriale de celles-ci.

63. J’admets que la juridiction de renvoi n’a pas spécifiquement abordé cette question, pas plus qu’elle n’a demandé à la Cour de l’éclairer sur ce point. Les parties ne se sont pas davantage penchées en détail sur cette question. Toutefois, je souhaiterais faire remarquer qu’un système tel que celui de la Finlande, dans lequel les entreprises (nationales) peuvent «contourner» l’applicabilité de la convention collective d’application générale en en concluant une autre – éventuellement plus
spécifique et même, dans certains cas, moins favorable aux travailleurs – ( 40 ) ne va pas totalement, semble-t-il, sans poser problème du point de vue de la prestation de services dans un cadre transfrontalier.

64. J’ai effectivement des doutes sur le point de savoir si un tel système est entièrement conforme à l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Portugaia Construções ( 41 ). Dans cet arrêt, la Cour a constaté que le fait que, contrairement à l’employeur de l’État membre d’accueil, un employeur établi dans un autre État membre n’ait pas la possibilité de se soustraire aux obligations découlant de la convention collective du secteur d’activité concerné créait une inégalité de traitement contraire à ce
qui était, à l’époque, l’article 49 CE. Dans cette affaire, un employeur national pouvait, en concluant un accord collectif d’entreprise, pratiquer un salaire inférieur au salaire minimal fixé dans une convention collective, déclarée d’application générale, alors qu’un employeur établi dans un autre État membre n’avait pas cette possibilité. Certains parallèles peuvent certainement être observés entre cette situation et celle dont Elektrobudowa fait état.

65. Quoi qu’il en soit, la compatibilité avec le droit de l’Union du système finlandais de conventions collectives n’est pas directement en cause dans la présente affaire. Ainsi, je vais maintenant examiner plus en détail la notion de taux de salaire minimal.

2. La notion

66. Il est clair que les États membres gardent une marge de manœuvre importante pour déterminer le contenu matériel des règles auxquelles il est fait référence à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71. Toutefois, ainsi que le démontre la jurisprudence citée au point 37 des présentes conclusions, celle-ci n’est pas sans limites. L’absence de toute limite compromettrait considérablement l’objectif de promotion de la libre prestation de services dans l’Union européenne. La jurisprudence de la
Cour donne quelques indications à l’aide desquelles il est possible de définir les contours de la notion de «taux de salaire minimal».

67. Dans l’arrêt Laval un Partneri, la Cour a, d’une part, reconnu que les États membres avaient l’obligation d’étendre aux travailleurs détachés le niveau minimal de protection prévu par leur législation nationale ( 42 ). Toutefois, elle a, d’autre part, déclaré que ce niveau de protection ne pouvait en principe pas aller au-delà de ce qui est prévu à l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) à g), de la directive 96/71 ( 43 ). Cela a conduit à dire que l’arrêt Laval un Partneri, dans ce
domaine, avait transformé l’harmonisation minimale voulue par la directive en une harmonisation complète. En conséquence, il est possible de soutenir que le niveau minimal prévu dans la directive – qui laissait aux États membres d’accueil une latitude importante pour appliquer aux travailleurs détachés des niveaux de protection plus élevés (que les niveaux minimaux) – a maintenant été transformé en plafond ( 44 ).

68. Quoi qu’il en soit, il ne semble pas que l’intention du législateur de l’Union ait été d’introduire une obligation de mettre en place un système de taux de salaire minimal. Il n’a pas non plus, au départ, limité la compétence des États membres pour définir le contenu de ce minimum (les limites extérieures de cette compétence se déterminant évidemment en fonction des articles 56 TFUE et 57 TFUE). En outre, dans la mesure où il constitue une exception à la règle selon laquelle la législation de
l’État d’origine est applicable aux travailleurs détachés, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71 est d’interprétation stricte. Les matières auxquelles il convient d’appliquer les niveaux de protection fixés par les États membres sont par conséquent limitées à celles qui sont énumérées à l’article 3, paragraphe 1, et le niveau de protection qu’il convient d’appliquer est le niveau minimal fixé dans l’État membre d’accueil ( 45 ).

69. Toutefois, cette approche ne nous dit pas quel est le type d’éléments susceptibles d’être inclus dans le minimum fixé par l’État membre d’accueil en ce qui concerne les taux de salaire minimal.

70. La Cour a tenté de le faire dans l’arrêt Isbir. Dans cet arrêt, la Cour a considéré que seuls les éléments de rémunération qui ne modifient pas le rapport entre la prestation du travailleur, d’une part, et la contrepartie que ce dernier perçoit au titre de celle-ci, d’autre part, pouvaient être pris en compte dans la détermination du salaire minimal au sens de la directive 96/71 ( 46 ). Sur ce fondement, la Cour a estimé que la formation d’un capital dont le travailleur bénéficiera à plus ou
moins long terme ne pouvait être considérée, pour l’application de la directive 96/71, comme s’inscrivant dans le rapport habituel entre la prestation de travail et la contrepartie financière que celle-ci appelle de la part de l’employeur. Cela était d’autant plus le cas que la contribution en question visait un objectif de politique sociale.

71. Cette jurisprudence est en réalité fondée sur l’arrêt rendu dans l’affaire Commission/Allemagne ( 47 ), dans lequel la Cour était confrontée à une situation tout à fait différente. Dans cette affaire, ce qui était en cause n’était pas la compétence de l’État membre d’accueil pour définir la notion de taux de salaire minimal, mais plutôt les méthodes pour établir si les travailleurs détachés recevaient réellement des salaires égaux au salaire minimal dans l’État membre d’accueil. Plus
précisément, cet arrêt a clarifié les conditions dans lesquelles l’État membre d’accueil est tenu de prendre en compte des allocations versées aux travailleurs détachés qui, dans ce même État, ne sont pas considérées comme étant des éléments constitutifs du salaire minimal. Dans ce contexte particulier, la Cour a considéré que, si un employeur demande à un travailleur d’effectuer des tâches supplémentaires ou de travailler dans des conditions particulières, ledit travailleur doit bénéficier
d’une compensation au titre de ce service supplémentaire sans que celle-ci soit prise en compte aux fins du calcul du salaire minimal.

72. Le résultat auquel la Cour est parvenue dans l’arrêt Isbir ( 48 ) est assez séduisant. Toutefois, je ne crois pas que la jurisprudence précitée relative aux éléments susceptibles ou non d’être considérés comme faisant partie des taux de salaire minimal au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 96/71 fournisse un critère fonctionnel en ce qui concerne la compétence des États membres pour définir la notion de taux de salaire minimal.

73. Selon moi, la Cour s’est, à cet égard, fondée sur une division artificielle entre, d’une part, la rémunération qui constitue la contrepartie financière de la prestation de travail et, d’autre part, d’autres types de rémunération. Premièrement, une telle distinction est délicate à établir étant donné que la rémunération représente nécessairement la contrepartie de la prestation de travail accomplie. Deuxièmement, et ainsi que le gouvernement norvégien l’a à juste titre souligné lors de
l’audience, l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 96/71, en mentionnant expressément la rémunération des heures supplémentaires au titre des éléments du salaire minimal, est lui‑même déjà révélateur du problème que pose la distinction entre différents types de rémunération. La contrepartie des heures supplémentaires ne peut pas à proprement parler être considérée comme étant intrinsèquement liée à la prestation de travail accomplie étant donné qu’elle a trait aux conditions
particulières dans lesquelles cette prestation est effectuée. En d’autres termes, la définition donnée par la Cour dans l’arrêt Isbir fait abstraction des aspects subjectifs de la rémunération qui, étant donné l’inclusion de la rémunération des heures supplémentaires dans l’article 3, paragraphe 1, ne peuvent pas être détachés des taux de salaire minimal.

74. Bien au contraire, je crois que l’on peut trouver la limite de la marge d’appréciation des États membres en lisant l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71 à la lumière de l’objectif consistant à assurer un niveau minimal de protection en faveur des travailleurs détachés, et non à la lumière de la protection du marché national du travail. De plus, un certain nombre d’autres conditions doivent également être remplies.

75. Premièrement, ainsi que je l’ai précédemment mentionné, pour satisfaire à la directive, le salaire minimal prévu par la loi et/ou les conventions collectives dans l’État membre d’accueil doit avoir été fixé dans le respect des procédures prévues par cette même directive. Plus particulièrement, il ressort de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71 que les conventions collectives doivent avoir été déclarées d’application générale au sens de l’article 3, paragraphe 8, de ladite directive,
qui prévoit des conditions plus précises. Indépendamment des éventuels problèmes inhérents au système de conventions collectives finlandais, qui ont été brièvement évoqués ci-dessus, il ressort de la décision de renvoi – et aucune partie ne l’a contesté – que les conventions collectives auxquelles il est fait référence ont été déclarées d’applicabilité directe et qu’elles fixent les niveaux de protection que les entreprises étrangères doivent respecter en ce qui concerne les travailleurs
détachés ( 49 ).

76. Deuxièmement, et ceci est peut-être l’aspect le plus fondamental, la Cour a, dans l’arrêt Laval un Partneri, mis l’accent sur le fait que l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 96/71 fait référence aux taux de salaire «minimal». Ainsi, cette disposition exclut les taux de salaire qui sont supérieurs aux taux minimaux prévus dans les dispositions pertinentes ( 50 ). En d’autres termes, même en admettant qu’en pratique la plupart (ou la totalité) des travailleurs perçoivent de facto
un salaire supérieur en raison de circonstances propres à leur situation personnelle, cela ne change rien au fait que c’est le minimum absolu prévu, selon le cas, dans la législation et/ou dans la convention collective en question qui constitue la référence pertinente aux fins de l’article 3, paragraphe 1, sous c). Toute autre solution aurait en pratique pour résultat de reconnaître une multitude de minima ou, plus exactement, de taux de salaire différents en fonction de la situation personnelle
de chaque travailleur, lesquels, en définitive, iraient au-delà du minimum absolu accepté dans l’État membre d’accueil.

77. Tout en gardant à l’esprit les observations formulées par la Cour dans l’arrêt Laval un Partneri, je vais maintenant me pencher sur les différents aspects de la rémunération qui sont en cause dans la procédure devant la juridiction de renvoi.

3. Les éléments constitutifs du salaire minimal

78. La notion de «taux de salaire minimal» peut inclure une pléthore d’éléments et peut prendre quantité de formes différentes selon les États membres. En effet, le salaire minimal peut être basé sur une unité de temps déterminée (salaire mensuel ou horaire), mais aussi sur un certain niveau de productivité; il peut comporter un taux unique, reposant sur une convention collective, pour tous les employés dans une industrie donnée ou différents taux de salaire minimal en fonction de l’activité, des
compétences et des attributions, telles que spécifiées dans les conventions collectives. En outre, différents bonus et allocations sont généralement inclus dans le salaire minimal applicable ( 51 ). Par conséquent et compte tenu, notamment, de la marge de manœuvre dont disposent les États membres pour définir le contenu des «taux de salaire minimal», il ne semble pas souhaitable de donner une définition positive et globale de cette notion par la voie de l’interprétation jurisprudentielle. Je
m’attacherai ci-dessous à démontrer que la délimitation des contours du salaire minimal applicable implique nécessairement une appréciation au cas par cas.

a) Répartition en classes de rémunération et groupes de salaires

79. Il ressort du dossier soumis à la Cour que les travailleurs concernés ont été payés sur la base du temps travaillé (rémunération au temps). Il semble que cette rémunération corresponde au minimum du groupe de salaires le plus bas des salaires au temps travaillé prévus par les conventions collectives applicables. Néanmoins, elle reste inférieure au salaire garanti pour le travail à la tâche (rémunération au rendement), tel que prévu dans ces mêmes conventions collectives. Le problème qui se pose
à propos de la répartition en classes de rémunération et groupes de salaires, tels que prévus dans les conventions collectives en cause, est que la législation finlandaise ne fixe pas de salaire minimal général (ni même de salaire minimal par secteur d’activité), mais que cette question relève de la négociation collective entre les partenaires sociaux respectivement concernés. Une autre difficulté réside dans le fait que les conventions collectives sur lesquelles le syndicat s’appuie contiennent
des règles portant à la fois sur la rémunération au temps et sur la rémunération au rendement.

80. À cet égard, le syndicat soutient qu’un employeur étranger qui détache des travailleurs vers la Finlande a l’obligation de proposer à ses employés un travail à la tâche afin d’augmenter le niveau de revenus, auquel cas il convient de payer un salaire spécial garanti pour le travail à la tâche. Une autre question litigieuse, étroitement liée à celle-ci, est celle de la répartition (ou de l’absence de répartition) des travailleurs en groupes de salaires conformément aux conventions collectives en
cause.

81. Il ne fait guère de doute que la rémunération au temps (rémunération horaire) et la rémunération au rendement sont toutes deux des formes de rémunération pour les services rendus et qu’elles sont, par conséquent, couvertes par la notion de «taux de salaire minimal» au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71. J’ai toutefois du mal à admettre l’argument qui est avancé par le syndicat et qui est soutenu par la grande majorité des gouvernements qui ont présenté des observations.
Ceux-ci font valoir que le salaire garanti pour le travail à la tâche devrait, aux fins de la présente affaire, constituer le salaire minimal. Or, je ne vois aucune raison convaincante permettant de considérer qu’autre chose que la rémunération la plus faible (en l’occurrence, le salaire horaire, basé sur le temps travaillé) à laquelle il est fait référence dans la convention collective pourrait constituer le salaire «minimal» aux fins de l’application de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de
la directive 96/71. La même remarque est valable en ce qui concerne les groupes de salaires en cause. Tout autre point de vue ouvrirait en pratique la voie à une situation analogue à celle que la Cour a expressément prohibée dans l’affaire Laval un Partneri, où le syndicat exigeait qu’une société étrangère se conforme à un taux de salaire basé sur une moyenne statistique des rémunérations versées à des travailleurs disposant de qualifications professionnelles ( 52 ). En effet, une telle moyenne
peut difficilement être considérée comme constituant un «minimum» au sens de la directive 96/71.

82. Plus fondamentalement, nous avons ici affaire à des conventions collectives applicables dans un secteur particulier de l’industrie du bâtiment. Dans ces conditions, je ne vois pas comment le taux le plus faible de salaire – que ce soit par classes de rémunérations ou par groupes de salaires – prévu dans les conventions collectives ne protégerait pas les travailleurs détachés de manière adéquate. En effet, cette rémunération sera également applicable à l’égard d’un certain nombre de travailleurs
nationaux. Pour cette raison, tout ce qui va au-delà de ce minimum ira également nécessairement à l’encontre de l’article 56 TFUE ( 53 ).

83. Compte tenu de l’accent mis par la Cour sur la libre prestation de services dans sa jurisprudence, j’estime que permettre aux États membres d’imposer aux entreprises étrangères des classes de rémunération ou des groupes de salaires au‑delà du minimum expressément prévu par la législation ou par les conventions collectives pertinentes reviendrait à accorder une importance injustifiée à la protection du marché du travail national au détriment de la libre prestation de services. Dès lors que
l’entreprise qui détache des travailleurs vers l’État membre d’accueil satisfait à ce minimum requis, ledit État ne peut pas imposer un système de classes de rémunération, ni exiger de l’entreprise qu’elle place ses employés dans des groupes de salaires déterminés. Elle serait en effet alors tenue de verser un salaire supérieur au minimum prévu dans les conventions collectives respectivement applicables.

b) Pécule de vacances et problème de minima concurrents

84. La juridiction de renvoi a également exprimé des interrogations quant à la qualification du pécule de vacances en cause dans la présente affaire. Tout d’abord, je remarque que le pécule de vacances («lomaraha») est un élément de rémunération qui n’est pas prévu dans les dispositions pertinentes de la loi sur le congé annuel ( 54 ) qui régissent le congé annuel et l’indemnité de congé («lomakorvaus»). À la différence de l’indemnité de congé, cet élément de rémunération a son fondement dans des
conventions collectives. Le paiement de ce pécule se traduit par une majoration de 50 % de l’indemnité de congé, telle que prévue dans la législation.

85. À ce stade, avant d’examiner plus en détail la nature du pécule de vacances en tant que forme de rémunération, il est nécessaire de se pencher brièvement sur l’argumentation développée par Elektrobudowa à cet égard. Celle-ci soutient qu’un pécule de vacances tel que celui en cause ne peut pas être considéré comme étant inclus dans les taux de salaire minimal parce qu’il va au-delà de ce qui est requis par la législation.

86. Le libellé de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71 admet expressément que les taux de salaire minimal applicables puissent être prévus par la législation et/ou par des conventions collectives. Cela semble indiquer que, si certains éléments de ces taux de salaire minimal peuvent avoir un fondement législatif, d’autres peuvent très bien reposer sur des conventions collectives (d’application générale). À cet égard, il semble que rien dans la directive n’exclut – a priori – que cette
allocation particulière relève de la notion de «taux de salaire minimal». Tel est le cas même si celle-ci constitue un supplément par rapport à l’indemnité de congé prévue dans la législation.

87. Je dois, toutefois, formuler une réserve importante. L’approche exposée au point 85 des présentes conclusions repose sur le présupposé selon lequel nous sommes en présence d’éléments de rémunération différents. Si tel n’était pas le cas, nous aurions en réalité affaire à des minima concurrents dans la mesure où la législation applicable et la convention collective d’application générale au sens de l’article 3, paragraphe 8, de la directive 96/71 contiendraient toutes deux des dispositions
applicables à un seul et même élément de rémunération ( 55 ). Selon ce scénario, et en tenant compte de l’objectif premier de la directive 96/71 – telle que lue par la Cour –, à savoir promouvoir la libre prestation de services, un tel conflit devrait être tranché en faveur du plus bas de ces «minima» ( 56 ). Toute autre conclusion serait non seulement inconciliable avec cet objectif, mais serait également incompatible, conceptuellement, avec l’idée même de «minimum».

88. Cette parenthèse refermée, je vais maintenant me pencher sur l’indemnité de congé en tant qu’élément constitutif des «taux de salaire minimal» au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71.

89. À cet égard, je voudrais faire observer que, en application de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive 96/71, les entreprises qui détachent des travailleurs vers un autre État membre doivent respecter non seulement les taux de salaire minimal, mais aussi les règles régissant le congé annuel payé minimal dans l’État membre d’accueil. Le simple fait qu’une partie de la rémunération soit prévue dans une convention collective ne saurait signifier qu’il faudrait l’exclure de la notion de
salaire. Une telle exclusion empêcherait en effet les travailleurs détachés dans l’État membre en question de recevoir la rémunération qui correspond au minimum applicable dans cet État, ce qui violerait la directive 96/71. À la différence des indemnités traitées ci-dessous, le pécule de vacances fait intrinsèquement partie de la rémunération que le travailleur reçoit en contrepartie des services rendus.

c) Indemnités supplémentaires au titre de missions de travail

90. L’indemnité journalière fixe et l’indemnité de trajet prévues dans les conventions collectives posent également beaucoup de difficultés à la juridiction de renvoi. Certes, il serait tentant d’admettre que de telles indemnités ne devraient pas relever de la notion de «taux de salaire minimal» tout simplement en raison de l’absence de tout lien entre lesdites indemnités et le travail accompli. En effet, elles sont toutes deux liées à la personne qui effectue le travail (et à la situation
personnelle de celle-ci).

91. Toutefois, cela serait en contradiction avec le libellé de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 96/71, qui mentionne explicitement la rémunération des heures supplémentaires parmi les éléments constituant le salaire minimal. Effectivement, comme cela a été évoqué au point 73 des présentes conclusions à propos de l’arrêt Isbir ( 57 ), la rémunération des heures supplémentaires – comme les indemnités ici litigieuses – est intrinsèquement liée à la situation personnelle du
travailleur et non au travail effectivement réalisé. Compte tenu de ce fait, je ne vois pas comment ces indemnités pourraient automatiquement être exclues du champ d’application de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de ladite directive.

92. Effectivement, les indemnités supplémentaires au titre de missions de travail peuvent relever du champ d’application de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 96/71, dès lors qu’elles correspondent à un taux qui est considéré comme étant le taux de salaire minimal pour de telles missions. Cette condition est une conséquence inévitable de la marge d’appréciation dont jouissent les États membres lorsqu’ils définissent le contenu matériel de cette notion. Celle-ci se heurte néanmoins à
une réserve importante. Le contenu des règles impératives concernant la protection minimale aux fins de l’application de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de cette même directive doit également respecter l’article 56 TFUE ( 58 ).

93. Il est de jurisprudence constante que l’article 56 TFUE exige non seulement l’élimination de toute discrimination à l’encontre du prestataire de services établi dans un autre État membre en raison de sa nationalité, mais également la suppression de toute restriction, lorsqu’elle est de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités du prestataire établi dans un autre État membre, où il fournit des services analogues. Tel est le cas même si la restriction en question
s’applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres ( 59 ).

94. Il convient de bien avoir conscience du fait que les États membres n’ont pas à subordonner la réalisation de la prestation de services sur leur territoire à l’observation de toutes les conditions requises pour un établissement. Il faut en effet garantir que la libre prestation de services transfrontalière ne soit pas indûment entravée. À cet égard, l’application des réglementations nationales de l’État membre d’accueil à des entreprises étrangères est susceptible de prohiber, de gêner ou de
rendre moins attrayantes les prestations de services dans la mesure où elle entraîne des frais ainsi que des charges administratives et économiques supplémentaires ( 60 ).

95. Il ressort du dossier soumis à la Cour que les indemnités litigieuses s’appliquent de la même façon aux entreprises étrangères et à leurs concurrents nationaux. Toutefois, je ne peux pas exclure a priori que l’obligation de payer ces indemnités, imposée aux prestataires de services étrangers, soit susceptible de diminuer l’attrait qu’il y a à effectuer leurs prestations dans les États membres d’accueil, voire de les rendre plus difficiles. Une telle obligation est donc susceptible de constituer
une restriction à la libre prestation de services au sens de l’article 56 TFUE. Elle réduirait en effet l’avantage concurrentiel que pourrait offrir le coût du travail inférieur dans l’État membre d’origine. Il en est ainsi parce qu’il s’agit d’indemnités qui doivent être payées – sous réserve d’un certain nombre de conditions – dans des cas où le travail est effectué dans un autre lieu que celui où les employés ont été recrutés ( 61 ). Il semblerait par conséquent que, alors que certaines
entreprises nationales n’ont pas à verser ces indemnités, leur paiement soit une conséquence nécessaire du détachement de travailleurs vers l’État membre d’accueil.

96. Il est de jurisprudence constante que, lorsque les dispositions en cause s’appliquent indistinctement à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l’État membre d’accueil, la restriction peut être justifiée pour autant qu’elle répond à une raison impérieuse d’intérêt général. Cela suppose que cet intérêt ne soit pas déjà sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l’État membre où il est établi. De plus, la restriction doit être propre à
garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre celui-ci ( 62 ). En l’espèce, il importe tout particulièrement de noter que, parmi les raisons impérieuses d’intérêt général, figure la protection des travailleurs ( 63 ).

97. Même si c’est en définitive à la juridiction de renvoi qu’il appartient de se prononcer sur ce point, il me semble que les deux indemnités en cause répondent ici à l’objectif de compenser les coûts supplémentaires auxquels l’employé a dû faire face en conséquence de la mission de travail. En ce qui concerne les travailleurs détachés, on pourrait faire valoir que le paiement de ces indemnités s’inscrit dans l’objectif de garantir le niveau de rémunération nécessaire pour assurer des conditions de
vie adéquates durant la mission de travail. C’est la raison pour laquelle je ne peux pas exclure, dans l’absolu, que le paiement de ces indemnités puisse être nécessaire pour la protection sociale des employés concernés.

98. Toutefois, le paiement de ces indemnités supplémentaires doit également être proportionné à la réalisation de cet objectif, en tenant compte de tous les éléments pertinents. En particulier, la juridiction de renvoi doit mettre en balance, d’une part, les charges administratives et économiques qui s’imposent aux prestataires de services et, d’autre part, le surcroît de protection sociale qu’elles confèrent aux travailleurs par rapport à ce que garantit la réglementation de l’État membre
d’établissement de leur employeur ( 64 ).

99. Mes observations ci-dessous ont vocation à aider la juridiction de renvoi dans cette tâche.

i) L’indemnité journalière

100. D’une part, la juridiction de renvoi part du principe que les travailleurs détachés, en application des conventions collectives en cause, ont droit à l’indemnité journalière fixe pour toute la période de leur détachement ( 65 ), au motif qu’ils ont été recrutés en Pologne et non à l’endroit où le travail doit être effectué. J’ai de la peine à admettre qu’une telle mesure soit proportionnée aux fins de la protection des travailleurs détachés.

101. Il y a essentiellement deux raisons pour cela.

102. Premièrement, une indemnité journalière telle que celle en cause dans la procédure au principal a vocation à compenser les dépenses supplémentaires auxquelles un travailleur peut avoir à faire face au cours d’une période pendant laquelle il est (temporairement) éloigné de son lieu de résidence. Le cas typique est celui des missions de travail impliquant de passer la nuit sur place. S’il n’est pas contesté que les employés ont été recrutés en Pologne, ils ont néanmoins, au cours de leur
détachement en Finlande, été logés dans des hébergements payés par leur employeur, à proximité du site du chantier de la centrale nucléaire. Dans ces conditions, il semble difficile de soutenir que le paiement de l’indemnité journalière fixe est nécessaire pour protéger les travailleurs détachés.

103. Deuxièmement, si l’État membre d’accueil pouvait exiger qu’une indemnité telle que celle ici en cause soit payée aux travailleurs détachés pour toute la période du détachement, je suis convaincu que cela entraverait de façon importante la capacité des entreprises étrangères de concourir avec les opérateurs nationaux, car elles seraient certainement dissuadées par la perspective des coûts qu’impliquerait un tel détachement ( 66 ). Par sa nature même, l’obligation de payer aux travailleurs
détachés une allocation telle que l’indemnité journalière fixe pour toute la durée de leur détachement pénaliserait les entreprises étrangères. En effet, il apparaît que les entreprises qui détachent des travailleurs vers la Finlande sont systématiquement obligées de payer cette indemnité, tandis que les entreprises nationales ne sont ni nécessairement ni systématiquement tenues de le faire.

ii) L’indemnité de trajet

104. Il ressort de l’ordonnance de renvoi que les conventions collectives exigent également de l’employeur que celui-ci verse aux employés une indemnité de trajet lorsque le temps de trajet quotidien pour se rendre sur le lieu de travail est supérieur à une heure. Le syndicat demande le paiement de cette indemnité au taux le plus bas prévu dans ces conventions collectives. Les parties sont en désaccord sur le point de savoir si, en réalité, la durée du trajet quotidien a ou non excédé une heure.

105. Quoi qu’il en soit, il est certain que le fait de se déplacer jusqu’au lieu où le travail est effectué implique pour l’employé non seulement des coûts, mais également une perte de temps. Si le trajet quotidien entre l’hébergement fourni par l’employeur et le lieu de travail ne peut pas être considéré comme du temps de travail à proprement parler, il s’agit néanmoins d’un temps passé afin de pouvoir effectuer les prestations de services convenues dans le contrat de travail. En outre, et dans les
conditions particulières de la présente affaire, il semble que la durée du temps passé pour se rendre sur le lieu de travail ne relève pas vraiment d’un libre choix des employés, en raison non seulement de l’emplacement de l’hébergement payé par l’employeur, mais aussi de l’isolement du chantier.

106. À cet égard, le fait d’indemniser le travailleur pour cette perte de temps par l’octroi d’une allocation spécifique qui (une fois atteint le seuil d’une heure par jour) est proportionnée au temps passé à se déplacer pour se rendre au travail apparaît de prime abord comme une mesure qui contribue réellement à la protection sociale des travailleurs. En effet, comme la compensation des heures supplémentaires, le paiement d’une indemnité de trajet garantit que les employés obtiennent une
compensation au titre de la perte de temps et d’argent résultant du trajet quotidien.

107. Toutefois, comme l’indemnité journalière fixe, l’obligation imposée aux entreprises étrangères d’octroyer à leurs travailleurs détachés une compensation au titre du temps de trajet semble, en raison des coûts supplémentaires qu’elle implique, avoir un effet dissuasif en ce qui concerne la prestation transfrontalière de services. Cela étant dit, la nécessité d’imposer aux entreprises étrangères le versement de cette compensation est, de mon point de vue, étroitement liée aux circonstances du cas
d’espèce. Si, par exemple, le site du chantier est tellement isolé que tous les travailleurs nationaux auraient droit à une telle compensation, ne pas la verser aux travailleurs détachés équivaudrait, semble-t-il, à priver ceux-ci de la protection minimale exigée par l’État membre d’accueil. Toutefois, si tel n’était pas le cas et si certains travailleurs nationaux ne pouvaient pas prétendre à cette indemnité, je ne vois aucune raison justifiant, au nom de la protection sociale des
travailleurs, d’imposer de façon systématique une telle exigence aux entreprises étrangères. Comme l’indemnité journalière, l’indemnité de trajet ne peut, à mon avis, être justifiée et, par conséquent, être considérée comme étant nécessaire dans l’optique de la protection sociale des travailleurs que lorsqu’un travailleur national qui effectue des prestations de travail dans des conditions similaires a droit, en toutes circonstances, au paiement de cette indemnité.

108. Pour résumer, je considère que l’indemnité journalière fixe et l’indemnité de trajet sont couvertes par l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 96/71. Toutefois, étant donné que l’application de ces indemnités à des entreprises étrangères qui détachent des travailleurs peut rendre la prestation de services moins attrayante dans la mesure où elle implique des dépenses et des charges économiques supplémentaires, c’est à la juridiction de renvoi qu’il appartient d’apprécier si les
conventions collectives d’application générale qui prévoient les indemnités en cause poursuivent l’objectif de la protection sociale des travailleurs et de vérifier qu’elles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

109. Ainsi qu’il ressort de l’analyse ci-dessus, on peut répondre à la question de savoir ce qui est susceptible de relever de la notion de «taux de salaire minimal», dans chaque cas individuel et pour chaque élément particulier de rémunération, en prenant pour point de départ le taux de salaire qui correspond au taux minimal imposé dans les dispositions pertinentes applicables dans l’État membre d’accueil et en vérifiant, pour ce qui concerne les allocations qui sont fonction de circonstances
propres à un employé donné, si le paiement de celles-ci est nécessaire aux fins de la protection sociale des travailleurs.

4. Prise en compte de l’hébergement et des bons d’alimentation dans le calcul du salaire minimal

110. Dans l’affaire au principal, Elektrobudowa a fourni un hébergement et des bons d’alimentation aux travailleurs détachés concernés ( 67 ). La question qui se pose est alors de savoir comment ces avantages doivent être traités lorsqu’il s’agit d’établir si ces travailleurs ont ou non reçu de facto un salaire égal au minimum prévu dans l’État membre d’accueil. L’article 3, paragraphe 7, de la directive 96/71 énonce que les allocations propres au détachement sont considérées comme faisant partie du
salaire minimal, dans la mesure où elles ne sont pas versées à titre de remboursement des dépenses effectivement encourues à cause du détachement, telles que les dépenses de voyage, de logement ou de nourriture. Sommes-nous ici face à un remboursement de dépenses effectivement encourues à cause du détachement, ou s’agit-il d’autre chose?

111. Même sur la base d’une interprétation littérale de l’article 3, paragraphe 7, de ladite directive, la réponse à cette question semble être relativement simple. En effet, bien que l’employeur n’ait pas remboursé a posteriori les dépenses de nourriture et de logement aux travailleurs, il a fourni à ceux-ci un hébergement et des bons d’alimentation pendant le détachement. On pourrait néanmoins soutenir que ces avantages constituent des allocations «propres au détachement» et qu’il conviendrait par
conséquent de les prendre en compte pour calculer si les travailleurs détachés ont ou non reçu un salaire correspondant au niveau minimal applicable dans l’État membre d’accueil. Toutefois, une telle qualification contribuerait à mon avis à contourner l’objectif de l’article 3, paragraphe 7, de la directive 96/71.

112. Cette disposition vise à exclure la possibilité de prendre en compte, aux fins du calcul du salaire minimal, les avantages liés aux dépenses de voyage, de logement ou de nourriture d’une manière qui priverait les travailleurs concernés de la contrepartie économique de leur travail. La raison en est que tous ces avantages sont intrinsèquement liés au détachement de travailleurs. Il serait évidemment possible de prétendre que les bons d’alimentation, en particulier, constituent un avantage
supplémentaire. En effet, les travailleurs détachés ont les mêmes dépenses de nourriture que lorsqu’ils travaillent dans leur État d’origine. Toutefois, les bons d’alimentation ou, pour reprendre la terminologie utilisée dans la directive, le remboursement des dépenses de nourriture semblent néanmoins nécessaires pour compenser le coût plus élevé de la vie dans l’État membre d’accueil. Compte tenu de cela, il n’est guère contestable qu’inclure l’hébergement et les bons d’alimentation distribués
par l’employeur dans le calcul du salaire minimal aurait en pratique pour effet de porter le niveau global de rémunération des travailleurs détachés concernés en dessous du minimum admis.

113. L’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Commission/Allemagne est particulièrement utile. La Cour y a considéré que, si l’employeur exige que le travailleur fournisse des heures de travail dans des conditions particulières, cette prestation supplémentaire doit être compensée pour ce travailleur sans que cette compensation soit prise en compte pour le calcul du salaire minimal ( 68 ). C’est la même idée que reflète l’article 3, paragraphe 7, de la directive 96/71. En effet, dans la mesure où la
prise en compte de ces avantages porterait atteinte, au détriment du travailleur, à l’équilibre entre les services que celui-ci a rendus et la contrepartie reçue en retour, ces avantages devraient ne pas être pris en compte lors de la comparaison du montant brut des salaires reçus de facto par les travailleurs détachés et des taux de salaire minimal requis par la législation de l’État membre d’accueil.

114. En d’autres termes, l’hébergement et les bons d’alimentation distribués par l’entreprise qui détache des travailleurs dans l’État membre d’accueil doivent être considérés comme le remboursement de dépenses effectivement encourues à cause du détachement. Par conséquent, ils ne peuvent pas être pris en compte pour calculer si les travailleurs détachés ont ou non reçu des salaires égaux au minimum fixé dans l’État membre d’accueil.

5. L’exception de l’ordre public de l’article 3, paragraphe 10, de la directive 96/71

115. Enfin, la juridiction de renvoi souhaite savoir si les avantages en question ( 69 ) – pour autant qu’ils ne font pas partie du noyau de droits à caractère impératif prévu à l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive – peuvent être considérés comme des matières relevant de l’article 3, paragraphe 10, de la directive 96/71. Cette disposition permet aux États membres d’appliquer aux entreprises qui détachent des travailleurs sur leur territoire des conditions de travail et d’emploi concernant
des matières autres que celles visées à l’article 3, paragraphe 1, dans la mesure où il s’agit de dispositions d’ordre public.

116. Je crois qu’il convient de répondre à cette question par la négative.

117. Premièrement, je note que, en vertu de l’article 3, paragraphe 10, de cette même directive, cette disposition s’applique seulement aux conditions de travail et d’emploi concernant des matières autres que celles visées spécifiquement au paragraphe 1, premier alinéa, sous a) à g), dudit article 3, pour autant que ces conditions de travail et d’emploi sont appliquées dans le respect du traité ( 70 ). Deuxièmement, il ressort de la jurisprudence de la Cour que ledit article 3, paragraphe 10, doit –
en tant qu’«exception à une exception» – faire l’objet d’une interprétation stricte ( 71 ).

118. Plus spécifiquement, pour relever de l’exception de l’ordre public, les dispositions en question doivent avoir été jugées cruciales pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique de l’État membre concerné, au point d’en imposer le respect à toute personne se trouvant sur le territoire national de cet État membre ou à tout rapport juridique localisé dans celui-ci ( 72 ). Un des exemples les plus évidents est celui des dispositions interdisant le travail forcé ( 73 ). La
Cour, particulièrement soucieuse de la nécessité d’interpréter l’article 3, paragraphe 10, de ladite directive d’une manière qui ne compromette pas la libre prestation de services, a ainsi souligné que les mots «dispositions d’ordre public» devraient être considérés comme couvrant celles des dispositions obligatoires à l’égard desquelles il ne peut être dérogé et qui, par leur nature et leur objectif, répondent aux exigences impératives de l’intérêt public.

119. À la lumière de cette interprétation très stricte, il faut bien le dire, de l’article 3, paragraphe 10, de la directive 96/71, il apparaît que les éléments de rémunération évoqués par la juridiction de renvoi ne peuvent pas répondre au niveau élevé d’exigence requis par la Cour dans sa jurisprudence antérieure. Et, plus important encore, tous – comme cela a été expliqué ci-dessus – relèvent du champ d’application de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive. En outre, ils vont tous
au-delà du strict minimum requis par la législation et/ou les conventions collectives ( 74 ) et ne peuvent pas, pour cette raison, être considérés comme étant nécessaires pour répondre à des exigences impératives de l’intérêt public.

IV – Conclusion

120. À la lumière de ce qui précède, je propose à la Cour de répondre aux questions posées par le Satakunnan käräjäoikeus de la manière suivante:

1) Il convient d’interpréter l’article 14, paragraphe 2, du règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), lu en liaison avec l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, en ce sens que la question de savoir si un travailleur détaché peut,
dans l’État membre d’accueil, céder à un syndicat une créance salariale qu’il détient à l’encontre de son employeur doit être résolue en se fondant sur la loi applicable aux créances salariales en question. Dans la mesure où ces créances découlent de conditions de travail et d’emploi visées à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71, c’est la loi de l’État membre vers lequel les travailleurs sont détachés qui doit être appliquée, et ce non seulement au regard de ces créances
proprement dites, mais aussi en ce qui concerne leur caractère cessible.

2) Il convient d’interpréter l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 96/71, lu à la lumière des articles 56 TFUE et 57 TFUE, en ce sens que la notion de taux de salaire minimal peut couvrir le salaire horaire de base conformément au classement en groupes de salaires, le salaire garanti pour le travail à la tâche, le pécule de vacances, l’indemnité journalière fixe et l’indemnité de trajet quotidien, telles que ces conditions de travail sont définies dans une convention collective
déclarée d’application générale au sens de l’article 3, paragraphe 8, de la directive 96/71 et relevant de l’annexe de cette même directive (ou, selon le cas, dans d’autres instruments pertinents). Toutefois:

— l’État membre d’accueil ne peut pas imposer aux entreprises étrangères qui détachent des salariés sur son territoire de répartir ceux-ci dans des classes de rémunération ou dans des groupes de salaires déterminés, dans la mesure où le résultat de ce classement irait au-delà du minimum expressément prévu, dans cet État membre d’accueil, par la législation pertinente ou par une telle convention collective;

— l’État membre d’accueil ne peut pas imposer aux entreprises étrangères qui détachent des travailleurs sur son territoire une obligation de verser aux travailleurs détachés une indemnité journalière fixe pendant toute la durée du détachement, ou une indemnité de trajet, dès lors que la juridiction de renvoi constate que l’application de ces allocations à ces entreprises étrangères diminue l’attrait de la prestation de services et que le paiement de ces indemnités va au-delà de ce qui est
nécessaire pour atteindre l’objectif de la protection sociale des travailleurs.

3) Il convient d’interpréter l’article 3, paragraphe 7, de la directive 96/71 en ce sens que la prise en charge de l’hébergement et la distribution de bons d’alimentation par une entreprise détachant des travailleurs, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, doivent être considérées comme le remboursement des dépenses effectivement encourues à cause du détachement. Par conséquent, elles ne peuvent pas être prises en compte pour calculer si les travailleurs détachés ont ou non reçu
des salaires égaux au salaire minimal fixé dans l’État membre d’accueil.

4) Il convient d’interpréter l’article 3, paragraphe 10, de la directive 96/71 en ce sens que des éléments de rémunération prévus dans des conventions collectives déclarées d’application générale, tels que la rémunération du travail à la tâche, l’indemnité de trajet et les indemnités journalières, ne peuvent pas être considérés comme constituant des conditions de travail et d’emploi dont le respect est nécessaire pour répondre à des exigences impératives de l’intérêt public au sens de cette
même disposition.

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( 1 ) Langue originale: l’anglais.

( 2 ) Voir article 3 de la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (JO 1997, L 18, p. 1).

( 3 ) En vertu de l’article 84 du code du travail polonais (Ustawa z dnia 26 czerwca 1974 r. Kodeks pracy, Dz. U de 1974, no 24, position 141, z późn. zm, et modifications ultérieures), la cession à un tiers d’une créance salariale découlant d’une relation d’emploi est interdite.

( 4 ) Règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO L 177, p. 6, ci-après le «règlement Rome I»). Ledit règlement a succédé à la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (JO L 266, p. 1, ci-après la «convention de Rome»).

( 5 ) Loi no 55/2001, du 26 janvier 2001 (Työsopimuslaki).

( 6 ) Loi no 1146/1999, du 9 décembre 1999, sur les travailleurs détachés, telle que modifiée par la loi no 74/2001 (Laki lähetetyistä työntekijöistä).

( 7 ) Respectivement Sähköistysalan työehtosopimus 2010‑2013, pouvant être consulté à l’adresse: http://osasto019.sahkoliitto.fi/@Bin/112850/S%C3%A4hk%C3%B6istysalan%2BTES%2B2010-2013.pdf(375.pdf et Talotekniikka-alan sähköasennustoimialan työehtosopimus 2007-2010, non disponible en ligne.

( 8 ) Il convient de souligner que, en vertu de l’article 3, paragraphes 1 et 8, de la directive 96/71, la possibilité de fixer les conditions minimales d’emploi par le biais de la négociation collective concerne seulement le secteur de la construction. Pour une analyse de la procédure législative ayant débouché sur l’adoption de ladite directive, voir Davies, P., «Posted workers: Single market or protection of national labour law systems?», Common Market Law Review 34(1997), p. 571 à 602.

( 9 ) C‑341/05, EU:C:2007:809.

( 10 ) C‑346/06, EU:C:2008:189.

( 11 ) C‑319/06, EU:C:2008:350.

( 12 ) En vertu de l’article 2 de la directive 96/71, on entend par travailleur détaché tout travailleur qui, pendant une période limitée, exécute son travail sur le territoire d’un État membre autre que l’État sur le territoire duquel il travaille habituellement.

( 13 ) Voir, à cet égard, Davies, P., op. cit., p. 591 en particulier.

( 14 ) Voir proposition de directive du Conseil relative au détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services [COM(91) 230 final, JO C 225, p. 6, plus particulièrement p. 5 à 8].

( 15 ) Voir, par exemple, arrêts Webb (279/80, EU:C:1981:314); Seco et Desquenne & Giral (62/81 et 63/81, EU:C:1982:34), et Rush Portuguesa (C‑113/89, EU:C:1990:142).

( 16 ) EU:C:1990:142.

( 17 ) C‑43/93, EU:C:1994:310.

( 18 ) Arrêts Rush Portuguesa (EU:C:1990:142, points 17 et 18) et Vander Elst (EU:C:1994:310, point 23).

( 19 ) Voir Davies, P., op. cit., p. 591, sur les contradictions de la directive 96/71.

( 20 ) Voir arrêts Laval un Partneri (EU:C:2007:809, point 80) et Rüffert (EU:C:2008:189, points 32 à 34).

( 21 ) EU:C:2007:809.

( 22 ) Ibidem, points 103 à 108.

( 23 ) Voir, par exemple, Sigeman, T., «Fri rörlighet av tjänster och nationell arbetsrätt», 2005, Europarättslig tidskrift, p. 465 à 495, p. 474.

( 24 ) Arrêts Laval un Partneri (EU:C:2007:809, points 80 et 81); Rüffert (EU:C:2008:189, points 32 à 34), et Commission/Luxembourg (EU:C:2008:350, point 47). Voir aussi Kilpatrick, C., «Laval’s regulatory conundrum: collective standard-setting and the Court’s new approach to posted workers», 6(34) 2009, European Law Review, p. 844 à 865.

( 25 ) Voir proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’exécution de la directive 96/71 [COM(2012) 131 final, p. 3]. Voir, également, procès‑verbal du Conseil à l’occasion de l’adoption de la directive 96/71 (document 10048/96 add. 1 du 20 septembre 1996).

( 26 ) Voir, à cet effet, arrêt Laval un Partneri (EU:C:2007:809, point 81). En doctrine, voir, par exemple, Kilpatrick, C., op. cit., p. 853 et 854.

( 27 ) Voir arrêt Commission/Allemagne (C‑490/04, EU:C:2007:430, point 19).

( 28 ) Voir, par exemple, van Hoek, A., et Houwerzijl, M., Complementary study on the legal aspects of the posting of workers in the framework of the provision of services in the European Union, p. 8 et suiv., pouvant être consulté à l’adresse http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId= 471.

( 29 ) Arrêts Laval un Partneri (EU:C:2007:809, point 60); Commission/Allemagne (EU:C:2007:430, point 19), et Isbir (C‑522/12, EU:C:2013:711, point 37).

( 30 ) Arrêt Commission/Allemagne (C‑341/02, EU:C:2005:220).

( 31 ) Arrêt Laval un Partneri (EU:C:2007:809).

( 32 ) Arrêt Isbir (EU:C:2013:711).

( 33 ) Ibidem (point 45).

( 34 ) L’article 8 prévoit également une série d’hypothèses auxquelles il convient de se référer pour déterminer la loi applicable aux contrats de travail individuels dans d’autres circonstances (c’est-à-dire en l’absence de choix).

( 35 ) Voir, également, rapport concernant la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, par M. Mario Giuliano, professeur à l’université de Milan, et M. Paul Lagarde, professeur à l’université de Paris (JO 1980, C 282, p. 1), notamment en ce qui concerne l’article 12, paragraphe 2, de la convention, qui régit la question du caractère cessible des créances: «Nonobstant les dispositions du paragraphe 2, les matières dont il traite, avec la seule exception du caractère cessible,
sont réglées, pour ce qui est du rapport entre cédant et débiteur au cas où il existe un contrat entre eux, par la loi qui régit leur contrat dans la mesure où lesdites matières sont traitées dans ce contrat».

( 36 ) Arrêt Laval un Partneri (EU:C:2007:809, point 81).

( 37 ) Voir, sur ce point, idem et arrêt Rüffert (EU:C:2008:189, point 34).

( 38 ) Arrêt Commission/Luxembourg (EU:C:2008:350, points 31 et 49).

( 39 ) Il convient ici de souligner également que, pour trancher la question du droit applicable, il n’est pas nécessaire d’établir au préalable si les prétentions invoquées sont ou non justifiées. Il suffit qu’une prétention existe. Si ce n’était pas le cas, l’ordre dans lequel les questions sont examinées serait modifié d’une manière quelque peu inhabituelle, puisqu’il conviendrait de traiter d’abord la question de fond, avant de pouvoir répondre à la question du choix de la loi.

( 40 ) En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du chapitre 2 de la loi finlandaise sur le contrat de travail, tous les employeurs doivent, en principe, dans une convention collective qui a été déclarée d’application générale dans le secteur en question, respecter au moins les dispositions relatives aux conditions de travail et d’emploi. Il y a toutefois une exception à cette règle. En effet, l’article 7, paragraphe 3, du chapitre 2 de cette même loi prévoit que, dans la mesure où un employeur (ou
l’organisation d’employeurs à laquelle il appartient) a conclu une convention collective avec une organisation syndicale nationale, cet employeur est tenu d’appliquer cette dernière convention collective.

( 41 ) C‑164/99, EU:C:2002:40.

( 42 ) EU:C:2007:809, en particulier points 80 et 81.

( 43 ) Ibidem (point 80).

( 44 ) _ Voir, entre autres, Deakin, S., «The Lisbon Treaty, the Viking and Laval Judgments and the Financial Crisis: In Search of New Foundations for Europe’s ‘Social Market Economy’», Bruun, N., Lörcher, K., et Schömann, I. (sous la direction de), The Lisbon Treaty and Social Europe, Hart Publishing, Oxford, 2012, p. 19 à 43, p. 28, et Kilpatrick, C., op. cit., p. 848.

( 45 ) Arrêts Laval un Partneri (EU:C:2007:809, points 80 et 81); Rüffert (EU:C:2008:189, points 33 et 34), et Commission/Luxembourg (EU:C:2008:350, points 24 à 26).

( 46 ) EU:C:2013:711, point 40.

( 47 ) EU:C:2005:220.

( 48 ) EU:C:2013:711, point 40.

( 49 ) Il y a toutefois controverse sur le point de savoir si ces conventions collectives sont concrètement applicables aux travailleurs concernés. Cette question, bien que certainement fort intéressante, ne relève toutefois pas de la compétence de la Cour.

( 50 ) EU:C:2007:809, points 70 et 71.

( 51 ) Voir rapport des services de la Commission sur la mise en œuvre de la directive 96/71 [SEC(2006) 439], joint à la communication de la Commission COM(2006) 159 final, p. 16.

( 52 ) Voir, en ce sens, arrêt Laval un Partneri (EU:C:2007:809, point 71). Dans son raisonnement, la Cour a également accordé une importance particulière au fait que les conventions collectives en cause ne satisfaisaient pas aux exigences de l’article 3, paragraphes 1 et 8, de la directive 96/71 pour faire office de référence en ce qui concerne le salaire minimal dans l’État membre d’accueil.

( 53 ) Voir points 90 et suiv. des présentes conclusions. Effectivement, il est important de garder à l’esprit le fait que les travailleurs détachés, à la différence des travailleurs migrants, n’exécutent par définition qu’à titre temporaire un travail dans l’État membre d’accueil, si bien qu’il ne semble ni nécessaire ni approprié d’étendre en leur faveur l’ensemble des droits dont bénéficient les travailleurs qui effectuent leur travail de manière habituelle dans l’État membre d’accueil. Cela est
également confirmé par l’approche adoptée par la Cour dans la jurisprudence antérieure. Voir, sur la différence en ce qui concerne les droits dont bénéficient les travailleurs, Kilpatrick, C., op. cit., p. 847 à 849. Voir également, sur le cas particulier de l’industrie du bâtiment, Davies, P., op. cit., p. 601.

( 54 ) Loi no 162/2005, du 18 mars 2005, telle que modifiée par la loi no 1448/2007 (Vuosilomalaki). Les articles 16 et 17 de cette loi posent les règles en vertu desquelles l’indemnité de congé doit être versée à l’employé au cours de sa relation de travail et au terme de celle-là.

( 55 ) Sur la question des minima concurrents dans une situation dans laquelle un salaire minimal légal coexiste avec un salaire minimal défini dans une convention collective, voir Kilpatrick, C., op. cit., p. 855 et 856.

( 56 ) Voir arrêt Laval un Partneri (EU:C:2007:809, point 78), à propos de conventions collectives qui ne satisfaisaient pas aux critères prévus à l’article 3, paragraphe 8, de la directive 96/71.

( 57 ) EU:C:2013:711.

( 58 ) Voir, de manière similaire, arrêt de la Cour AELE EFTA Surveillance Authority/Norway (E‑2/11, EFTA Court Report 2012, p. 4, points 72 et suiv.).

( 59 ) Arrêts Arblade e.a. (C‑369/96 et C‑376/96, EU:C:1999:575, point 33) et Portugaia Construções (EU:C:2002:40, point 16 et jurisprudence citée).

( 60 ) Arrêts Mazzoleni et ISA (C‑165/98, EU:C:2001:162, points 23 et 24) et Portugaia Construções (EU:C:2002:40, point 18 et jurisprudence citée). Voir, également, arrêt FKP Scorpio Konzertproduktionen (C‑290/04, EU:C:2006:630, point 46 et jurisprudence citée).

( 61 ) Cela ressort clairement du mécanisme mis en place par l’article 14 de la convention collective pour la branche de l’électrification. En application de cette disposition, le paiement d’une indemnité journalière fixe (en totalité ou en partie) et d’une indemnité de trajet n’est requis que si le lieu de travail se situe à une distance d’au moins 40 km du lieu de recrutement et d’au moins 15 km du domicile du travailleur.

( 62 ) Voir, par exemple, arrêts Webb (EU:C:1981:314, point 17); Analir e.a. (C‑205/99, EU:C:2001:107, point 25); Mazzoleni et ISA (EU:C:2001:162, point 26); Portugaia Construções (EU:C:2002:40, point 19), et Wolff & Müller (C‑60/03, EU:C:2004:610, point 34). Voir également, plus récemment, arrêt Commission/Belgique (C‑577/10, EU:C:2012:814, point 44).

( 63 ) Arrêts Arblade e.a. (EU:C:1999:575, point 36) et, également, dans le même sens, Mazzoleni et ISA (EU:C:2001:162, point 27).

( 64 ) Arrêt Finalarte e.a. (C‑49/98, C‑50/98, C‑52/98 à C‑54/98 et C‑68/98 à C‑71/98, EU:C:2001:564, points 49 et 50).

( 65 ) Pour l’année 2012, cette indemnité journalière avait été fixée à 36 euros par jour.

( 66 ) Les conventions collectives en question prévoient une condition supplémentaire pour le paiement d’une indemnité journalière à taux plein, en plus des conditions visées à la note 61 des présentes conclusions. Selon l’article 14, point A 2, de la convention collective, l’indemnité journalière est versée au taux plein seulement si la durée du trajet («työmatka») par rapport au lieu de recrutement ou au domicile habituel est supérieure à 10 heures.

( 67 ) Il ressort de la décision de renvoi qu’Elektrobudowa doit, en vertu des conventions collectives en question, payer l’hébergement lorsque le travail est effectué dans un autre lieu que celui où les employés ont été recrutés. Toutefois, les bons d’alimentation, qui peuvent également être utilisés pour acheter des provisions dans certains magasins, sont quant à eux distribués au titre du contrat de travail.

( 68 ) EU:C:2005:220, points 39 et 40.

( 69 ) À savoir, la rémunération du travail à la tâche, l’indemnité de trajet et les indemnités journalières.

( 70 ) Voir, en ce sens, arrêt Laval un Partneri (EU:C:2007:809, point 82). Voir également arrêt Rüffert (EU:C:2008:189, points 36 et 37), au regard de ce qui était alors l’article 49 CE.

( 71 ) Voir arrêt Commission/Luxembourg (EU:C:2008:350, point 31). L’exception, telle qu’exprimée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71, étant dans le cas présent une dérogation au principe de l’application de la législation de l’État membre d’origine.

( 72 ) Voir arrêt Commission/Luxembourg (EU:C:2008:350, points 29 à 31 et jurisprudence citée). Ainsi qu’un commentateur l’a fait observer, l’impact de l’arrêt dans l’affaire Commission/Luxembourg est de donner de l’article 3, paragraphe 10, une interprétation qui le «prive quasiment d’existence». Voir Barnard, C., «The UK and Posted Workers: The Effect of Commission v Luxembourg on the Territorial Application of British Labour Law», 1(38), 2009, Industrial Law Journal, p. 122 à 132, p. 129.

( 73 ) Arrêt Commission/Luxembourg (EU:C:2008:350, points 3 et 32).

( 74 ) Voir également, mutatis mutandis, arrêt Laval un Partneri (EU:C:2007:809, point 84).


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-396/13
Date de la décision : 18/09/2014
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Satakunnan käräjäoikeus.

Renvoi préjudiciel – Articles 56 TFUE et 57 TFUE – Directive 96/71/CE – Articles 3, 5 et 6 – Travailleurs d’une société ayant son siège dans un État membre A, détachés pour effectuer des travaux dans un État membre B – Salaire minimal prévu par les conventions collectives de l’État membre B – Qualité pour agir d’une organisation syndicale ayant son siège dans l’État membre B – Réglementation de l’État membre A interdisant le transfert à un tiers de créances relatives aux rémunérations.

Charte des droits fondamentaux

Droits fondamentaux


Parties
Demandeurs : Sähköalojen ammattiliitto ry
Défendeurs : Elektrobudowa Spółka Akcyjna.

Composition du Tribunal
Avocat général : Wahl

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2014:2236

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