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11/09/2014 | CJUE | N°C-521/13

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, Think Schuhwerk GmbH contre Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI)., 11/09/2014, C-521/13


ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

11 septembre 2014 ( *1 )

«Pourvoi — Marque communautaire — Règlement (CE) no 207/2009 — Article 7, paragraphe 1, sous b) — Absence de caractère distinctif — Extrémités rouges de lacets de chaussures — Article 122 du règlement de procédure du Tribunal — Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé»

Dans l’affaire C‑521/13 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introdu

it le 27 septembre 2013,

Think Schuhwerk GmbH, établie à Kopfing (Autriche), représentée par Me M. Gail, Rech...

ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

11 septembre 2014 ( *1 )

«Pourvoi — Marque communautaire — Règlement (CE) no 207/2009 — Article 7, paragraphe 1, sous b) — Absence de caractère distinctif — Extrémités rouges de lacets de chaussures — Article 122 du règlement de procédure du Tribunal — Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé»

Dans l’affaire C‑521/13 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 27 septembre 2013,

Think Schuhwerk GmbH, établie à Kopfing (Autriche), représentée par Me M. Gail, Rechtsanwalt,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. C. G. Fernlund, président de chambre, MM. A. Ó Caoimh et E. Jarašiūnas (rapporteur), juges,

avocat général: M. M. Szpunar,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1 Par son pourvoi, Think Schuhwerk GmbH (ci-après «Think Schuhwerk») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Think Schuhwerk/OHMI (extrémités rouges de lacets de chaussures) (T‑208/12, EU:T:2013:376, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), du 23 février 2012 (affaire
R 1552/2011‑1), concernant une demande d’enregistrement d’un signe constitué par des extrémités rouges de lacets de chaussures comme marque communautaire (ci-après la «décision litigieuse»).

Le cadre juridique

2 Sous l’intitulé «Motifs absolus de refus», l’article 7 du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), dispose, à son paragraphe 1, sous b):

«Sont refusés à l’enregistrement:

[...]

b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif».

Les faits à l’origine du litige

3 Le 10 mai 2010, Think Schuhwerk a présenté à l’OHMI une demande d’enregistrement de marque communautaire.

4 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe suivant:

Image

5 Dans la demande d’enregistrement, la marque en cause est décrite de la manière suivante: «La protection est demandée pour des chaussures avec lacets présentant des pointes rouges aux extrémités des lacets».

6 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante: «Chaussures, en particulier lacets».

7 Par décision du 22 juin 2011, l’examinateur a refusé l’enregistrement pour tous les produits, au motif que la marque en cause était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

8 Le 26 juillet 2011, Think Schuhwerk a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de l’examinateur.

9 Par la décision litigieuse, la première chambre de recours de l’OHMI (ci-après la «chambre de recours») a rejeté le recours. Elle a estimé que l’utilisation d’extrémités rouges de lacets ne produirait pas une impression qui différerait fortement de la configuration habituelle des chaussures à lacets, que le consommateur n’y verrait qu’une autre variante du design de la chaussure et qu’il ne percevrait donc pas la marque dont l’enregistrement est demandé comme une indication de l’origine des
produits. Elle a conclu que cette marque ne présentait pas le minimum de caractère distinctif nécessaire au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

10 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 18 mai 2012, Think Schuhwerk a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse. À l’appui de ce recours, elle a soulevé quatre moyens, tirés, premièrement, d’un défaut de motivation au sens de l’article 75 du règlement no 207/2009, deuxièmement, de la violation de l’article 76 de ce règlement, troisièmement, de l’application erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement et, quatrièmement, de la violation du
principe d’égalité de traitement.

11 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ce recours.

Les conclusions des parties devant la Cour

12 Think Schuhwerk conclut à ce que la Cour:

— annule l’arrêt attaqué;

— fasse droit à son recours de première instance, et

— condamne l’OHMI aux dépens.

13 L’OHMI conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de Think Schuhwerk aux dépens.

Sur le pourvoi

14 En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de le rejeter totalement ou partiellement par voie d’ordonnance motivée.

15 Il y a lieu de faire application de cette disposition en l’espèce.

16 À l’appui de son pourvoi, Think Schuhwerk soulève quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation du droit d’être entendu. Par son deuxième moyen, la requérante estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne retenant pas le défaut de motivation de la décision litigieuse. Par les troisième et quatrième moyens, elle fait valoir, respectivement, une violation du principe de l’examen d’office des faits ainsi qu’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement
no 207/2009.

Sur le premier moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu

Argumentation des parties

17 Think Schuhwerk soutient que le Tribunal a méconnu son droit d’être entendue. À cet égard, elle fait observer que, lors de la procédure devant le Tribunal, l’OHMI n’ayant pas présenté dans le délai prescrit d’observations sur le recours, le Tribunal a imparti à Think Schuhwerk un délai pour présenter ses observations sur la poursuite de la procédure aux fins de l’application de l’article 122 du règlement de procédure du Tribunal. Think Schuhwerk aurait demandé au Tribunal de lui adjuger ses
conclusions. Cependant, ce dernier n’aurait statué, dans l’arrêt attaqué, ni sur le défaut de l’OHMI de présenter ses observations ni sur la demande de Think Schuhwerk de rendre l’arrêt par défaut. De plus, Think Schuhwerk fait valoir qu’elle n’a pas eu la possibilité de demander la tenue d’une audience en vue d’y exposer sa position concernant le caractère distinctif de la marque dont l’enregistrement est demandé.

18 L’OHMI fait valoir que ce moyen est manifestement non fondé, le Tribunal n’étant notamment pas tenu d’expliquer aux parties le déroulement de la procédure.

Appréciation de la Cour

19 À titre liminaire, il convient de relever que, au point 9 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que, par lettre déposée au greffe du Tribunal le 2 octobre 2012, Think Schuhwerk avait demandé de lui adjuger ses conclusions, conformément à l’article 122, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Par le présent moyen, Think Schuhwerk fait cependant, en substance, grief au Tribunal de ne pas avoir statué en ce sens et de ne pas avoir tenu d’audience avant de se prononcer.

20 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 122, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement de procédure prévoit que, si le défendeur, régulièrement mis en cause, ne répond pas à la requête dans les formes et le délai prescrits, le requérant peut demander au Tribunal de lui adjuger ses conclusions. Selon le second alinéa de cette disposition, cette demande est signifiée au défendeur et le Tribunal peut décider d’ouvrir la procédure orale sur la demande.

21 L’article 122, paragraphe 2, dudit règlement précise que le Tribunal, avant de rendre l’arrêt par défaut, d’une part, examine la recevabilité de la requête et, d’autre part, vérifie si les formalités ont été régulièrement accomplies et si les conclusions du requérant paraissent fondées.

22 Il ressort de ces dispositions que, si le Tribunal considère qu’il dispose d’éléments suffisants pour rendre un arrêt par défaut, la recevabilité de la requête ne faisant aucun doute et les formalités ayant été régulièrement accomplies, il procède à la vérification du bien-fondé des conclusions du requérant et rend son arrêt, sans toutefois être tenu de faire droit à ces dernières. En outre, il y a lieu de constater que l’article 122 du règlement de procédure du Tribunal ne prévoit pas la
possibilité pour la partie ayant demandé à se voir adjuger ses conclusions de demander la tenue d’une audience et qu’il ne prévoit pas davantage l’obligation pour le Tribunal d’en tenir une.

23 Par ailleurs, il est constant que Think Schuhwerk a présenté son argumentation concernant la décision litigieuse et notamment le caractère distinctif de la marque demandée dans son recours devant le Tribunal et que c’est au vu de celle-ci que ce dernier a rendu l’arrêt attaqué.

24 Dans ces circonstances, le présent moyen doit être écarté comme étant manifestement non fondé.

Sur le deuxième moyen, tiré d’une méconnaissance de l’obligation de motivation

Argumentation des parties

25 Think Schuhwerk estime que le Tribunal a omis de sanctionner une violation par la chambre de recours de l’obligation de motivation. La chambre de recours se serait fondée, dans la décision litigieuse, sur des faits généralement connus, résultant de l’expérience pratique de la commercialisation de produits de consommation générale, tels que les chaussures, mais n’aurait pas exposé en quoi la marque dont l’enregistrement est demandé ne présentait pas de caractère distinctif. Ainsi, elle n’aurait
pas indiqué les faits qui résultent de ladite expérience pratique ni les conséquences sur le caractère distinctif de cette marque qui résulteraient de ces faits.

26 L’OHMI soutient que ce grief est manifestement non fondé.

Appréciation de la Cour

27 Selon une jurisprudence constante de la Cour, il résulte des articles 256 TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de cette dernière qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir, notamment, arrêt Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 43
et jurisprudence citée).

28 Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué, se limite à reproduire les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir, notamment, ordonnance Abbott
Laboratories/OHMI, C‑21/12 P, EU:C:2013:23, point 85 et jurisprudence citée).

29 En outre, les arguments d’un pourvoi qui critiquent non pas l’arrêt rendu par le Tribunal à la suite d’une demande d’annulation d’une décision, mais la décision dont l’annulation a été demandée devant le Tribunal ne sont pas recevables (voir ordonnance Getty Images/OHMI, C‑70/13 P, EU:C:2013:875, point 38 et jurisprudence citée).

30 En l’espèce, l’argumentation de Think Schuhwerk tirée d’une méconnaissance de l’obligation de motivation étant dirigée contre la décision litigieuse et visant ainsi à obtenir un réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, le présent moyen doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable.

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de l’examen d’office des faits

Argumentation des parties

31 Think Schuhwerk fait valoir que le Tribunal a méconnu le fait que la chambre de recours a violé le principe de l’examen d’office des faits. Elle soutient que, concernant les motifs absolus de refus, l’OHMI devait, en vertu de l’article 76 du règlement no 207/2009, examiner d’office les faits. Cependant, ce dernier aurait estimé que Think Schuhwerk n’avait pas produit d’élément de preuve établissant que la marque dont l’enregistrement est demandé aurait été perçue par le public pertinent comme une
indication de l’origine du produit. Think Schuhwerk précise à cet égard qu’elle avait produit, lors de la procédure devant l’OHMI, divers documents, sur la base desquels ce dernier aurait dû démontrer pour quelles raisons cette marque n’avait pas de caractère distinctif.

32 L’OHMI soutient que le Tribunal s’est prononcé sur le moyen tiré d’une violation du principe de l’examen d’office des faits. Or, selon une jurisprudence constante, dans la mesure où Think Schuhwerk se prévaudrait du caractère distinctif d’un signe dont elle demande l’enregistrement en tant que marque, il lui appartiendrait de démontrer que ce signe est doté du caractère distinctif requis.

Appréciation de la Cour

33 Il convient de constater que le présent moyen est, en réalité, dirigé contre des considérations qui auraient été émises ou omises par la chambre de recours dans la décision litigieuse, ou de manière plus générale par l’OHMI, et qui ne figurent pas dans l’arrêt attaqué. En outre, Think Schuhwerk n’a pas indiqué clairement en quoi le Tribunal aurait commis une erreur de droit en rejetant son moyen tiré d’une violation du principe de l’examen d’office des faits.

34 Par conséquent, en application de la jurisprudence rappelée aux points 27 à 29 de la présente ordonnance, le présent moyen doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable.

Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

Argumentation des parties

35 Think Schuhwerk soutient que le Tribunal, en ne retenant pas la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 par l’OHMI, a lui-même méconnu cette disposition.

36 Elle fait valoir, premièrement, que la jurisprudence citée aux points 31 à 33, 37 et 38 de l’arrêt attaqué, relative aux signes qui se confondent avec l’aspect même des produits visés dans la demande d’enregistrement et qui s’applique notamment aux marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même ou par l’emballage de celui-ci, n’est pas pertinente en l’espèce. Contrairement à la coloration de la pointe d’une chaussette, les extrémités des lacets de chaussures ne
seraient pas un élément indissociable de ces dernières. Dès lors, le Tribunal aurait, en se fondant sur ladite jurisprudence, méconnu le fait que les extrémités rouges de lacets de chaussures pourraient remplir la fonction d’indication de l’origine du produit. À cet égard, Think Schuhwerk souligne que l’enregistrement de ce signe en tant que marque a aussi été demandé pour des chaussures et qu’elle ne comprend pas pour quelle raison, au point 36 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se prononce
uniquement sur les lacets de chaussures.

37 Ne s’appliquerait pas davantage la jurisprudence relative aux marques de position, dès lors que, en l’occurrence, il conviendrait également de prendre en considération «l’aspect de la couleur» de la marque demandée, lequel confirmerait l’indépendance de cette dernière par rapport au produit désigné et, partant, son caractère distinctif.

38 Par conséquent, le Tribunal, comme la chambre de recours, aurait à tort appliqué des critères d’appréciation du caractère distinctif plus stricts que ceux applicables aux marques verbales ou figuratives, en violation de la jurisprudence de la Cour.

39 Deuxièmement, tant la chambre de recours que le Tribunal auraient estimé à tort que le niveau d’attention du public pertinent, s’agissant d’articles de mode tels que les chaussures, ne serait pas élevé.

40 Troisièmement, Think Schuhwerk soutient que le Tribunal a méconnu le fait que, pour apprécier le caractère distinctif du signe dont l’enregistrement en tant que marque est demandé, il importe peu que celui-ci diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur concerné. À cet égard, le Tribunal aurait à tort considéré comme inopérants les arguments de Think Schuhwerk portant sur le marché de la chaussure, alors même qu’il a estimé que la chambre de recours avait correctement
pris ce marché en considération dans son analyse. En outre, contrairement à l’affirmation du Tribunal figurant au point 49 de l’arrêt attaqué, Think Schuhwerk aurait bien présenté des arguments établissant que la coloration de certaines parties des lacets d’une chaussure est habituellement perçue par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale du produit.

41 Quatrièmement, Think Schuhwerk fait valoir que le Tribunal a méconnu le fait que l’OHMI a violé le principe d’égalité de traitement en ne prenant pas en compte, dans la décision litigieuse, des enregistrements de marques comparables à la marque demandée. À cet égard, la constatation du Tribunal, au point 57 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la chambre de recours aurait conclu à bon droit que l’enregistrement serait incompatible avec le règlement no 207/2009, ne serait pas motivée.

42 L’OHMI fait valoir que les arguments liés à la diversité des configurations de chaussures et de lacets présents sur le marché et au degré d’attention du public pertinent relèvent de l’appréciation des faits et doivent, par conséquent, être rejetés comme étant manifestement irrecevables. Par ailleurs, les arguments concernant une méconnaissance de la violation du principe d’égalité de traitement seraient irrecevables en ce qu’ils viseraient à obtenir une nouvelle appréciation des faits.

Appréciation de la Cour

43 En premier lieu, il convient de rappeler que, en vertu des articles 256, paragraphe 1, TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le
cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêts Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 39, et Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, point 68).

44 Or, force est de constater que les arguments de Think Schuhwerk portant sur les questions de savoir si les extrémités des lacets de chaussures sont un élément indissociable de ces dernières et si le niveau d’attention du public pertinent serait élevé relèvent de l’appréciation des faits, qui est réservée à la compétence du Tribunal. Ils doivent, par conséquent, être écartés comme étant manifestement irrecevables.

45 En deuxième lieu, il convient de relever que, par ses première et troisième séries d’arguments, Think Schuhwerk conteste, en substance, non seulement la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu, selon laquelle la marque dont l’enregistrement est demandé est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, mais également la pertinence de la jurisprudence en application de laquelle le Tribunal a rejeté son moyen tiré d’une violation de
cette disposition.

46 À cet égard, premièrement, il convient de rappeler que l’analyse du Tribunal s’est fondée sur ses constatations préalables, figurant aux points 35 et 36 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles les extrémités des lacets de chaussures sont indissociables de ces dernières et la marque en cause se confondrait avec l’aspect du produit pour lequel l’enregistrement est demandé, constatations factuelles qui échappent au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

47 En outre, selon une jurisprudence constante de la Cour, le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception que le public pertinent en a (arrêt Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 34 et jurisprudence citée).

48 Cependant, selon une jurisprudence également constante, la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque constituée par l’apparence du produit lui-même que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne, les consommateurs moyens n’ayant pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout
élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celui d’une marque verbale ou figurative (voir arrêt Henkel/OHMI, C‑144/06 P, EU:C:2007:577, point 36 et jurisprudence citée).

49 La Cour a également jugé de manière constante que, d’une part, dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. D’autre part, cette jurisprudence, développée au sujet des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit
lui-même, vaut également lorsque la marque demandée est une marque figurative constituée par la représentation bidimensionnelle dudit produit, considérant que, en pareil cas, la marque ne consiste pas non plus en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne (voir arrêt Henkel/OHMI, EU:C:2007:577, points 37 et 38 ainsi que jurisprudence citée).

50 Or, ainsi qu’il ressort des points 32 à 34 ainsi que 37 à 39 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a précisément rappelé et appliqué cette jurisprudence au cas d’espèce, validant ainsi la décision litigieuse, et cela sans commettre d’erreur de droit, dès lors qu’il avait constaté dans le cadre de son appréciation souveraine – comme cela a été rappelé au point 46 de la présente ordonnance – que les extrémités des lacets de chaussures étaient indissociables de ces dernières et que la marque en cause se
confondrait avec l’aspect du produit visé par la demande d’enregistrement.

51 Il s’ensuit que l’argumentation selon laquelle le Tribunal aurait, aux fins de l’appréciation du caractère distinctif de la marque dont l’enregistrement est demandé, fait application de critères juridiques erronés est manifestement non fondée.

52 Deuxièmement, en tant que, par cette argumentation, Think Schuhwerk conteste la conclusion du Tribunal selon laquelle cette marque est dépourvue de caractère distinctif, il suffit de relever que cette conclusion résulte d’une appréciation de nature factuelle et que Think Schuhwerk n’invoque aucune dénaturation des faits ou des éléments de preuve. Partant, en application de la jurisprudence rappelée au point 43 de la présente ordonnance, cette argumentation est manifestement irrecevable.

53 Troisièmement, quant aux arguments selon lesquels le Tribunal n’aurait pas analysé le caractère distinctif de ladite marque au regard des produits visés dans la demande d’enregistrement de celle-ci et aurait erronément affirmé que Think Schuhwerk n’avait pas présenté d’arguments établissant que les extrémités des lacets de couleurs sont habituellement perçus par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits, force est de constater qu’ils reposent sur une lecture
erronée de l’arrêt attaqué.

54 D’une part, il ressort du point 36 de celui-ci que le Tribunal a rappelé que les chaussures étaient les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé et que le terme «produit» employé par le Tribunal audit point se rapporte aux chaussures avec lacets.

55 D’autre part, il est vrai que, au point 49 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a affirmé que Think Schuhwerk n’avait «pas [apporté] d’éléments suggérant que la coloration de certaines parties des lacets d’une chaussure est habituellement perçue par le public pertinent en tant qu’indication de l’origine commerciale». Cependant, il ressort d’une lecture d’ensemble des points 46 à 49 de l’arrêt attaqué, dont le point 49 constitue la conclusion, que, ce faisant, le Tribunal a simplement considéré, au
terme de l’analyse de l’argumentation de Think Schuhwerk effectuée auxdits points, que les arguments et éléments apportés par cette dernière ne permettaient pas d’établir le caractère distinctif de la marque dont l’enregistrement est demandé. Le Tribunal n’a donc nullement affirmé que Think Schuhwerk n’avait avancé aucun argument visant à établir ledit caractère distinctif.

56 Par conséquent, les première et troisième séries d’arguments de Think Schuhwerk doivent être rejetées comme étant en partie manifestement irrecevables et en partie manifestement non fondées.

57 En troisième lieu, quant à la prétendue violation du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation, il convient de relever que, aux points 55 et 56 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, si l’OHMI doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque communautaire, prendre en considération les décisions déjà prises sur
des demandes similaires, lesdits principes doivent toutefois se concilier avec le respect de la légalité et que, par conséquent, il convient notamment, pour des raisons de sécurité juridique et, plus précisément, de bonne administration, que l’examen de toute demande d’enregistrement soit strict et complet et soit effectué dans chaque cas concret, afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue (voir, en ce sens, arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P,
EU:C:2011:139, points 74 à 77).

58 Partant, dès lors que le Tribunal avait constaté que la chambre de recours avait justement conclu que la demande d’enregistrement en cause se heurtait, eu égard aux produits pour lesquels l’enregistrement était demandé et à la perception par les milieux intéressés, au motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il pouvait, sans commettre d’erreur de droit, rejeter le moyen tiré de la violation dudit principe.

59 L’argumentation de Think Schuhwerk tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement est, dès lors, manifestement non fondée.

60 En outre, considérant que le Tribunal a examiné, aux points 29 à 53 de l’arrêt attaqué, le moyen tiré de l’application erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement et l’a ainsi rejeté de manière motivée, la violation alléguée de l’obligation de motivation n’est manifestement pas davantage établie.

61 Le présent moyen doit, dès lors, être écarté comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé.

62 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé.

Sur les dépens

63 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant conclu à la condamnation de Think Schuhwerk aux dépens et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

  Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne:

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) Think Schuhwerk GmbH est condamnée aux dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : C-521/13
Date de la décision : 11/09/2014
Type d'affaire : Pourvoi - irrecevable, Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi - Marque communautaire - Règlement (CE) nº 207/2009 - Article 7, paragraphe 1, sous b) - Absence de caractère distinctif - Extrémités rouges de lacets de chaussures - Article 122 du règlement de procédure du Tribunal - Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé.

Marques

Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale


Parties
Demandeurs : Think Schuhwerk GmbH
Défendeurs : Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

Composition du Tribunal
Avocat général : Szpunar
Rapporteur ?: Jarašiūnas

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2014:2222

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