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17/07/2014 | CJUE | N°C-81/13

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord contre Conseil de l'Union européenne., 17/07/2014, C-81/13


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 17 juillet 2014 ( 1 )

Affaire C‑81/13

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

contre

Conseil de l’Union européenne

«Relations extérieures — Accord d’association CEE-Turquie — Coordination des systèmes de sécurité sociale — Projet de décision du Conseil d’association CEE‑Turquie sur le modèle du système du règlement (CE) no 883/2004 — Décision 2012/776/UE du Conseil relative à la position à adopter, au nom de

l’Union européenne, au sein du Conseil d’association — Choix de la base juridique matérielle appropriée — Article 48 TFUE, article...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 17 juillet 2014 ( 1 )

Affaire C‑81/13

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

contre

Conseil de l’Union européenne

«Relations extérieures — Accord d’association CEE-Turquie — Coordination des systèmes de sécurité sociale — Projet de décision du Conseil d’association CEE‑Turquie sur le modèle du système du règlement (CE) no 883/2004 — Décision 2012/776/UE du Conseil relative à la position à adopter, au nom de l’Union européenne, au sein du Conseil d’association — Choix de la base juridique matérielle appropriée — Article 48 TFUE, article 79, paragraphe 2, sous b), TFUE, article 216, paragraphe 1, TFUE, ou
article 217 TFUE»

I – Introduction

1. Le présent recours sonne le début d’un nouveau round dans la bataille acharnée que se livrent le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et le Conseil de l’Union européenne sur le point de savoir quelle est la base juridique qu’il convient de retenir lorsque l’Union européenne, dans le cadre d’une association avec un pays tiers, souhaite participer à l’adoption de dispositions en matière de droit social qui sont censées bénéficier non seulement aux ressortissants de ce pays tiers,
mais aussi à des citoyens de l’Union.

2. Comme c’était le cas dans les affaires Royaume-Uni/Conseil (C‑431/11, EU:C:2013:589, et C‑656/11, EU:C:2014:97), le Conseil a l’intention d’introduire vis-à-vis de la République de Turquie, sur proposition de la Commission européenne, certaines dispositions sur la coordination des systèmes de sécurité sociale qui s’inspirent de réglementations de l’Union en vigueur. À cette fin, le Conseil a en amont, par la décision 2012/776/UE ( 2 ), arrêté la position qui doit être défendue par l’Union au sein
du Conseil d’association CEE-Turquie en s’appuyant sur les dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs dans le marché intérieur européen, et plus précisément sur l’article 48 TFUE.

3. Le Royaume-Uni attaque cette décision devant la Cour. À la différence du Conseil et de la Commission, le Royaume-Uni, appuyé par l’Irlande, estime qu’il y a lieu de se fonder non sur les dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs de l’article 48 TFUE, mais sur celles relatives aux droits des ressortissants de pays tiers dans le cadre de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, c’est-à-dire sur l’article 79, paragraphe 2, sous b), TFUE.

4. La délimitation entre l’article 48 TFUE et l’article 79, paragraphe 2, sous b), TFUE, ainsi que le rapport de ces deux dispositions avec la compétence générale en matière d’association de l’article 217 TFUE et de l’article 216, paragraphe 1, TFUE, sont loin d’être des questions purement techniques, tant il est vrai qu’elles présentent une importance pratique considérable, notamment au regard du Royaume-Uni et de l’Irlande qui disposent dans le cadre de l’article 79, paragraphe 2, sous b), TFUE de
certains droits particuliers (option de participation dite «opt-in»).

5. La Cour a récemment décidé, par des arrêts du 26 septembre 2013 ( 3 ) et du 27 février 2014 ( 4 ), que l’article 48 TFUE était la base juridique appropriée pour l’extension à l’Espace économique européen (EEE) (affaire C‑431/11, EU:C:2013:589) et à la Confédération suisse (affaire C‑656/11, EU:C:2014:97) des dispositions de droit social en vigueur au niveau de l’Union. Ces deux arrêts, ainsi que nos conclusions dans l’affaire C‑431/11 ( 5 ), ont été débattus de façon controversée entre les
parties à la présente procédure. Il conviendra, compte tenu des arguments qui ont été échangés, de se pencher sur le point de savoir si la solution qui a été trouvée dans le cas de l’EEE et de la Confédération suisse peut être transposée dans le cadre de l’association avec la République de Turquie.

II – Cadre juridique

6. Le cadre juridique de cette affaire est tracé, d’une part, par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après le «traité FUE») et, d’autre part, par l’accord d’association CEE-Turquie (ci-après l’«accord d’association») ainsi que par les protocoles qui accompagnent ces textes.

A – Le traité FUE

7. Il convient de mentionner en premier lieu, parmi les dispositions relatives aux accords internationaux de l’Union figurant à la cinquième partie, titre V, du traité FUE, l’article 218, paragraphe 9, TFUE:

«Le Conseil, sur proposition de la Commission ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, adopte une décision sur la suspension de l’application d’un accord et établissant les positions à prendre au nom de l’Union dans une instance créée par un accord, lorsque cette instance est appelée à adopter des actes ayant des effets juridiques, à l’exception des actes complétant ou modifiant le cadre institutionnel de l’accord.»

8. Au même titre du traité FUE figure également l’article 216, paragraphe 1, TFUE, qui est libellé dans les termes suivants:

«L’Union peut conclure un accord avec un ou plusieurs pays tiers ou organisations internationales lorsque les traités le prévoient ou lorsque la conclusion d’un accord soit est nécessaire pour réaliser, dans le cadre des politiques de l’Union, l’un des objectifs visés par les traités, soit est prévue dans un acte juridique contraignant de l’Union, soit encore est susceptible d’affecter des règles communes ou d’en altérer la portée.»

9. Les bases juridiques pour l’action extérieure de l’Union comprennent en outre une compétence d’association qui est prévue à l’article 217 TFUE (ex-article 238 du traité CEE):

«L’Union peut conclure avec un ou plusieurs pays tiers ou organisations internationales des accords créant une association caractérisée par des droits et obligations réciproques, des actions en commun et des procédures particulières.»

10. Les dispositions relatives à la liberté de circulation figurant dans la troisième partie, titre IV, du traité FUE incluent l’article 48 TFUE (ex-article 51 du traité CEE), dont le premier alinéa dispose:

«Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, adoptent, dans le domaine de la sécurité sociale, les mesures nécessaires pour l’établissement de la libre circulation des travailleurs, en instituant notamment un système permettant d’assurer aux travailleurs migrants salariés et non salariés et à leurs ayants droit:

a) la totalisation, pour l’ouverture et le maintien du droit aux prestations, ainsi que pour le calcul de celles-ci, de toutes périodes prises en considération par les différentes législations nationales;

b) le paiement des prestations aux personnes résidant sur les territoires des États membres.»

11. L’article 79 TFUE, qui fait partie des dispositions relatives à l’«espace de liberté, de sécurité et de justice» contenues dans la troisième partie, titre V, du traité FUE, inclut notamment les dispositions suivantes:

«1.   L’Union développe une politique commune de l’immigration visant à assurer, à tous les stades, une gestion efficace des flux migratoires, un traitement équitable des ressortissants de pays tiers en séjour régulier dans les États membres, ainsi qu’une prévention de l’immigration illégale et de la traite des êtres humains et une lutte renforcée contre celles-ci.

2.   Aux fins du paragraphe 1, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, adoptent les mesures portant sur:

[…]

b) la définition des droits des ressortissants des pays tiers en séjour régulier dans un État membre, y compris les conditions régissant la liberté de circulation et de séjour dans les autres États membres;

[…]»

Le protocole no 21 du traité UE et du traité FUE

12. Le traité UE et le traité FUE sont complétés par un protocole sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (protocole no 21). En ce qui concerne le Royaume-Uni, ce protocole s’applique à la totalité de l’espace de liberté, de sécurité et de justice; pour l’Irlande, l’article 75 TFUE est exclu du champ d’application de ce protocole (voir l’article 9 du protocole no 21).

13. D’après les articles 1er, premier alinéa, première phrase, et 3 du protocole no 21, le Royaume-Uni et l’Irlande «ne participent pas à l’adoption par le Conseil des mesures» proposées relevant de la troisième partie, titre V, du traité FUE, à moins d’avoir notifié par écrit au président du Conseil, dans un délai de trois mois à compter de la présentation au Conseil d’une proposition ou d’une initiative, leur souhait de participer à l’adoption et à l’application de la mesure proposée.

14. En outre, aux termes de l’article 2 du protocole no 21, «aucune des dispositions de la troisième partie, titre V, [du traité FUE], aucune mesure adoptée en application de ce titre, aucune disposition de tout accord international conclu par l’Union en application de ce titre et aucune décision de la Cour de justice de l’Union européenne interprétant ces dispositions ou mesures, ne lie le Royaume‑Uni ou l’Irlande ou n’est applicable à leur égard»; par ailleurs, «ces dispositions, mesures ou
décisions ne portent en rien atteinte aux compétences, aux droits et aux obligations desdits États».

B – L’accord d’association CEE-Turquie

15. L’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie a été signé le 12 septembre 1963 à Ankara entre la République de Turquie, d’une part, et la CEE ainsi que ses États membres, d’autre part. Le 23 décembre 1963, cet accord a été «conclu [..], approuvé […] et confirmé […]» par le Conseil au nom de la CEE, étant précisé que la base juridique alors utilisée était la compétence d’association de l’article 238 du traité CEE (devenu l’article 217 TFUE) ( 6 ). Cet
accord d’association est entré en vigueur le 1er décembre 1964. Il est complété par un protocole additionnel ( 7 ), qui a été signé le 23 novembre 1970 à Bruxelles et qui a été «conclu […], approuvé […] et confirmé […]» le 19 décembre 1972 au nom de la CEE par le Conseil sur le fondement de l’article 238 du traité CEE ( 8 ).

16. Le préambule de l’accord d’association fait état de la détermination des parties contractantes «à établir des liens de plus en plus étroits entre le peuple turc et les peuples réunis au sein de la Communauté économique européenne» (premier considérant); il exprime également la reconnaissance, par ces mêmes parties contractantes, du fait «que l’appui apporté par la Communauté économique européenne aux efforts du peuple turc pour améliorer son niveau de vie facilitera ultérieurement l’adhésion de
la Turquie à la Communauté» (quatrième considérant).

17. En vertu de l’article 9 de l’accord d’association, qui renvoie à l’article 7 du traité CEE (devenu l’article 18 TFUE), toute discrimination fondée sur la nationalité est interdite dans le cadre de l’association:

«Les parties contractantes reconnaissent que dans le domaine d’application de l’accord […] toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite en conformité du principe énoncé dans l’article 7 du traité instituant la Communauté.»

18. L’article 12 de l’accord d’association fait référence dans les termes suivants aux articles 48 à 50 du traité CEE (devenus les articles 45 TFUE à 47 TFUE):

«Les Parties contractantes conviennent de s’inspirer des articles 48, 49 et 50 du traité instituant la Communauté pour réaliser graduellement la libre circulation des travailleurs entre elles.»

19. L’article 36 du protocole additionnel dispose:

«La libre circulation des travailleurs entre les États membres de la Communauté et la Turquie sera réalisée graduellement conformément aux principes énoncés à l’article 12 de l’accord d’association, entre la fin de la douzième et de la vingt‑deuxième année après l’entrée en vigueur dudit accord.»

20. En matière de sécurité sociale, l’article 39 du protocole additionnel énonce ce qui suit:

«1.   Avant la fin de la première année après l’entrée en vigueur du présent protocole, le Conseil d’association arrête des dispositions en matière de sécurité sociale en faveur des travailleurs de nationalité turque qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté et de leur famille résidant à l’intérieur de la Communauté.

2.   Ces dispositions devront permettre aux travailleurs de nationalité turque, selon des modalités à fixer, la totalisation des périodes d’assurance ou d’emploi accomplies dans les différents États membres pour ce qui concerne les pensions et rentes de vieillesse, de décès et d’invalidité, ainsi que les soins de santé du travailleur et de sa famille résidant à l’intérieur de la Communauté. Ces dispositions ne pourront pas établir une obligation pour les États membres de la Communauté de prendre
en considération les périodes accomplies en Turquie.

3.   Les dispositions visées ci-dessus doivent permettre d’assurer le paiement des allocations familiales lorsque la famille du travailleur réside à l’intérieur de la Communauté.

4.   Les pensions et rentes de vieillesse, de décès et d’invalidité, acquises en vertu des dispositions prises en application du paragraphe 2, devront pouvoir être exportées vers la Turquie.

5.   Les dispositions visées au présent article ne portent pas atteinte aux droits et obligations découlant des accords bilatéraux existant entre la Turquie et les États membres de la Communauté, dans la mesure où ceux-ci prévoient, en faveur des ressortissants turcs, un régime plus favorable.»

21. L’article 6 de l’accord d’association prévoit que les parties contractantes se réunissent au sein d’un Conseil d’association ( 9 ). En application de l’article 22, paragraphe 1, de l’accord d’association, ce Conseil d’association dispose d’un pouvoir de décision pour la réalisation des objets fixés par l’accord et dans les cas prévus par celui-ci.

22. Sur le fondement de l’article 39 du protocole additionnel, le Conseil d’association a adopté la décision no 3/80 ( 10 ), qui coordonne les systèmes de sécurité sociale afin d’ouvrir l’accès des travailleurs turcs et des membres de leur famille à certaines prestations sociales à l’intérieur de la CEE. Sur le fond, la décision no 3/80 a repris pour l’essentiel certaines dispositions du règlement (CEE) no 1408/71 ( 11 ) ainsi que – de manière isolée – certaines dispositions du règlement (CEE)
no 574/72 ( 12 ).

23. Le 8 février 1983, la Commission a transmis au Conseil une proposition de règlement visant à l’application de la décision no 3/80 ( 13 ). Cette proposition, qui était de nouveau fondée sur l’article 238 du traité CEE (devenu l’article 217 TFUE), n’a toutefois jamais débouché sur l’adoption du règlement y afférent par le Conseil et a fini par être retirée par la Commission en 2013, au motif que celle-ci ne revêtait plus un «caractère d’actualité» ( 14 ).

III – Antécédents du litige

24. Les règles de coordination des systèmes de sécurité sociale applicables à l’intérieur de l’Union ont longtemps été contenues dans le règlement no 1408/71 et dans le règlement no 574/72, qui le complétait. Le règlement no 1408/71 a été remplacé par le règlement (CE) no 883/2004 ( 15 ) avec effet au 1er mai 2010, et le règlement (CE) no 987/2009 ( 16 ) a succédé au règlement no 574/72.

25. Au niveau de l’association avec la République de Turquie, il est envisagé d’adapter les règles relatives à l’application des systèmes de sécurité sociale en vigueur en vertu de la décision no 3/80 pour tenir compte de cette évolution du droit de l’Union. À cette fin, il est prévu d’abroger la décision no 3/80 et, tout en gardant les traits fondamentaux du précédent système, de la remplacer par une nouvelle décision du Conseil d’association, notamment en remplaçant les références aux règlements
no 1408/71 et no 574/72 par des références aux règlements no 883/2004 et no 987/2009. Une extension à la République de Turquie de l’intégralité du système du règlement no 883/2004 n’est toutefois toujours pas à l’ordre du jour ( 17 ).

26. Le 6 décembre 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/776, par laquelle il a arrêté la position à adopter par l’Union au sein du Conseil d’association. Conformément à la proposition de la Commission ( 18 ), cette décision est fondée sur l’article 48 TFUE, en liaison avec l’article 218, paragraphe 9, TFUE. Le projet de décision devant être soumis au Conseil d’association lui est joint en annexe (ci‑après le «projet de décision du Conseil d’association»).

27. Les raisons avancées dans les considérants 5 à 7 de la décision 2012/776 sont les suivantes:

«(5) Il est nécessaire de veiller à ce que, dans le domaine de la sécurité sociale, l’article 9 de l’accord et l’article 39 du protocole additionnel soient pleinement mis en œuvre.

(6) Il est nécessaire de mettre à jour les dispositions d’application figurant actuellement dans la décision no 3/80, de sorte que celles-ci reflètent l’évolution de la situation dans le domaine de la coordination des systèmes de sécurité sociale de l’Union européenne.

(7) Il convient donc d’abroger la décision no 3/80 et de la remplacer par une décision du Conseil d’association qui mette à la fois en œuvre les dispositions pertinentes de l’accord et du protocole additionnel qui concernent la coordination des systèmes de sécurité sociale.»

28. Ces raisons sont reprises aux considérants 6, 7 et 9 du projet de décision du Conseil d’association.

29. Par ailleurs, il ressort en substance de l’article 2 du projet de décision du Conseil d’association («Champ d’application personnel») que ladite décision doit s’appliquer non seulement aux travailleurs turcs qui exercent ou ont exercé légalement une activité salariée sur le territoire d’un État membre, mais aussi, dans le sens inverse, aux travailleurs ressortissants d’un État membre qui exercent ou ont exercé légalement une activité salariée sur le territoire turc. Il est en outre prévu que la
nouvelle décision s’applique aux membres de la famille du travailleur en question, à condition que ceux-ci résident ou aient résidé légalement avec lui pendant son activité salariée dans le pays d’accueil respectivement concerné.

30. Sur le fond, l’article 3 du projet prévoit un principe d’égalité de traitement en matière de prestations et l’article 4 impose la levée des clauses de résidence concernant l’accès à certaines prestations. Enfin, les articles 5 et 6 du projet prévoient l’introduction d’un système de coopération entre les parties contractantes ainsi que certaines règles relatives aux contrôles administratifs et médicaux.

31. Dans une déclaration commune consignée dans les minutes du Conseil ( 19 ), le Royaume-Uni et l’Irlande ont exprimé leurs doutes concernant le choix de l’article 48 TFUE en tant que base juridique matérielle de la décision 2012/776 et se sont réservé le droit d’engager des recours. En outre, une déclaration du Conseil a été consignée dans les minutes de la réunion, indiquant que l’Union n’apporterait son concours à une décision au sein du Conseil d’association qu’une fois que la Cour se serait
prononcée dans les affaires Royaume-Uni/Conseil, C‑431/11, EU:C:2013:589, et C‑656/11, EU:C:2014:97. Selon ses propres déclarations, le Royaume-Uni n’a pas participé au vote sur la décision 2012/776.

IV – La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

32. Par acte du 15 février 2013, le Royaume-Uni a introduit un recours en annulation contre la décision 2012/776. Il estime que la décision attaquée n’aurait pas dû être fondée sur l’article 48 TFUE, mais sur l’article 79, paragraphe 2, sous b), TFUE.

33. Le 2 juillet 2013, la Commission a été autorisée à intervenir à l’appui des conclusions du Conseil, l’Irlande ayant pour sa part été autorisée le 15 janvier 2014 à intervenir à l’appui des conclusions du Royaume-Uni. En raison de la tardiveté de sa demande, l’intervention de l’Irlande a toutefois été limitée à des observations orales, conformément à l’article 129, paragraphe 4, du règlement de procédure.

34. Le Royaume-Uni, soutenu par l’Irlande, demande qu’il plaise à la Cour:

— annuler la décision 2012/776 et

— condamner le Conseil aux dépens.

35. Le Conseil, appuyé par la Commission, a conclu:

— au rejet du recours et

— à la condamnation de la partie requérante aux dépens.

36. Le recours du Royaume-Uni a donné lieu à une procédure écrite et, le 13 mai 2014, à une audience de plaidoiries. À la demande du Royaume-Uni, la Cour siège en grande chambre dans cette procédure, conformément à l’article 16, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice.

V – Appréciation

37. Le recours du Royaume-Uni, comme déjà dans les affaires Royaume-Uni/Conseil, C‑431/11, EU:C:2013:589, et C‑656/11, EU:C:2014:97, est fondé sur un seul moyen d’annulation: le Conseil aurait fixé la position à adopter par l’Union au sein du Conseil d’association CEE-Turquie en s’appuyant sur une base juridique erronée.

38. Sur le plan procédural, toutes les parties prenantes conviennent que c’est à juste titre que le Conseil a fixé le point de vue de l’Union par une décision fondée sur l’article 218, paragraphe 9, TFUE. En effet, le Conseil d’association est une instance créée par l’accord d’association qui, pour la réalisation des objets fixés par cet accord, est habilité à adopter des décisions ayant des effets juridiques (voir, à ce sujet, les stipulations des articles 6 et 22, paragraphe 1, de l’accord
d’association).

39. Il est en outre constant que, au-delà de l’article 218, paragraphe 9, TFUE, une telle décision du Conseil définissant la position de l’Union, conformément au principe d’attribution (article 5, paragraphe 1, première phrase, TUE) a également besoin d’un fondement juridique matériel, qui détermine l’étendue des compétences, et, partant, la marge de manœuvre que les traités confèrent finalement à l’Union ( 20 ).

40. Il y a cependant de fortes controverses sur la question de savoir si ce fondement juridique matériel doit être recherché en l’occurrence dans les dispositions sur le marché intérieur, dans celles sur l’espace de liberté, de sécurité et de justice ou encore dans la compétence d’association de l’article 217 TFUE. La question de savoir quel rôle joue l’article 216, paragraphe 1, TFUE fait également l’objet de discussions.

A – Le choix de la base juridique matérielle appropriée

41. Le fait que le choix de la base juridique appropriée revêt une importance considérable, d’un point de vue tant pratique qu’institutionnel, voire constitutionnel ( 21 ), est particulièrement évident dans une affaire telle celle qui nous occupe ici: c’est en effet ce choix qui permettra de déterminer si le Royaume-Uni et l’Irlande peuvent faire usage des prérogatives reconnues par l’option de participation ouverte par le protocole no 21 du traité UE et du traité FUE ( 22 ).

42. Toutefois, le protocole no 21 n’est pas, en tant que tel, de nature à avoir une incidence de quelque nature que ce soit sur la question de la base juridique appropriée pour l’adoption de la décision attaquée ( 23 ). Selon une jurisprudence constante, le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit plutôt se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent, notamment, le but et le contenu de l’acte ( 24 ).

43. L’objectif de la décision attaquée du Conseil est de préparer une nouvelle décision du Conseil d’association, censée actualiser et élargir dans une mesure limitée les règles de coordination des systèmes de sécurité sociale entre l’Union et la République de Turquie actuellement en vigueur ( 25 ) dans le cadre de l’association existante.

1. L’article 79 TFUE n’est pas une base juridique appropriée

44. Le projet de décision du Conseil d’association que la décision attaquée sert à préparer prévoit notamment un certain nombre de règles de coordination des systèmes de sécurité sociale qui – dans les conditions qu’elles énoncent – doivent bénéficier aux travailleurs turcs qui exercent légalement une activité salariée dans l’Union, ainsi qu’à certains membres de leur famille ( 26 ).

45. Un examen superficiel pourrait dès lors faire croire que l’article 79, paragraphe 2, sous b), TFUE est la disposition appropriée, puisqu’il permet expressément «la définition des droits des ressortissants des pays tiers en séjour régulier dans un État membre, y compris les conditions régissant la liberté de circulation et de séjour dans les autres États membres». Cela peut englober les dispositions en matière de sécurité sociale de ressortissants de pays tiers ( 27 ).

46. Il est constant que cette disposition a déjà servi de base juridique à plusieurs actes qui voulaient, dans le cadre d’accords avec des pays tiers, étendre le bénéfice de dispositions de droit social du droit de l’Union à des ressortissants de ces pays ( 28 ); c’est un point souligné avec insistance par le Royaume-Uni.

47. Une telle pratique institutionnelle ne suffit toutefois pas à elle seule pour déterminer la base juridique appropriée pour la décision du Conseil qui est attaquée en l’espèce ( 29 ).

48. Dans le cas présent, deux raisons s’opposent à l’utilisation de l’article 79, paragraphe 2, sous b), TFUE: d’une part, le projet de décision du Conseil d’association ne se résume pas à une simple définition des droits des ressortissants de pays tiers [voir sous a) ci‑après]. D’autre part, cette décision vise à développer l’association existante entre l’Union et la République de Turquie [voir sous b) ci‑dessous].

a) La mesure litigieuse va au-delà d’une simple définition des droits des ressortissants de pays tiers

49. En premier lieu, il convient de faire remarquer qu’il faudrait déjà, pour que l’on puisse envisager d’utiliser l’article 79, paragraphe 2, sous a), TFUE comme base juridique matérielle, que le projet de décision du Conseil d’association se résume à la définition des droits des ressortissants de pays tiers ou soit au moins consacré de manière prépondérante à ce thème. Nul n’ignore en effet que le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit se fonder sur la composante principale ou
prépondérante du contenu de celui-ci ( 30 ).

50. Or, ainsi que le Conseil et la Commission le soulignent à juste titre, la décision attaquée, loin de se limiter à fixer unilatéralement les droits sociaux de ressortissants de pays tiers – de travailleurs turcs et de membres de leur famille en l’occurrence – dans l’Union, a également pour objectif, au-delà, de définir certains droits sociaux de citoyens de l’Union et des membres de leur famille en Turquie ( 31 ).

51. L’article 79, paragraphe 2, sous b), TFUE n’offre pas de base juridique au moins en ce qui concerne cette seconde composante. Celle-ci pourrait être incluse dans une mesure au titre de l’article 79, paragraphe 2, sous b), TFUE tout au plus dans le cas où elle n’y jouerait qu’un rôle secondaire et n’en constituerait pas l’élément prépondérant.

52. Aussi, lors de l’audience devant la Cour, le Royaume-Uni et l’Irlande ont essayé de minimiser l’importance de cette seconde composante – adoption de règles en faveur des citoyens de l’Union et des membres de leur famille en Turquie – de la décision envisagée. Selon eux, cela ne constitue pas l’élément prépondérant de la mesure qu’il est prévu d’adopter au sein du Conseil d’association. Ils prétendent que l’élément central se situe dans la première composante, c’est-à-dire dans les dispositions
envisagées pour les travailleurs turcs employés dans l’Union, ainsi que pour les membres de leur famille.

53. C’est pourtant l’inverse qui est vrai.

54. Il convient de prendre en considération le fait qu’actuellement, dans le cadre de l’association entre l’Union et la République de Turquie, il n’existe encore aucune règle de coordination des systèmes de sécurité sociale susceptible de bénéficier aux citoyens de l’Union travaillant en Turquie et aux membres de leur famille ( 32 ). De telles règles doivent être instaurées pour la première fois par le projet de décision du Conseil d’association, ce qui permettrait également de mettre fin au
déséquilibre en faveur des travailleurs turcs qui résulte de la décision no 3/80, actuellement en vigueur.

55. Dans ces conditions, les dispositions envisagées en faveur des citoyens de l’Union et des membres de leur famille ne représentent en aucun cas un simple domaine marginal doté d’une importance secondaire, mais constituent la véritable innovation du texte que le Conseil d’association va être appelé à adopter. En revanche, les nouvelles dispositions envisagées concernant les travailleurs turcs exerçant une activité salariée dans l’Union, ainsi que les membres de leur famille, n’ont d’autre fonction
que de mettre à jour un corpus de règles du droit de l’Union ( 33 ) qui, dans sa substance, existe déjà depuis la décision no 3/80 du Conseil d’association ( 34 ).

56. À titre d’objection, le Royaume-Uni fait valoir que les dispositions envisagées pour les citoyens de l’Union employés en Turquie et les membres de leur famille créeraient surtout des obligations à la charge des autorités turques et n’affecteraient pour ainsi dire que marginalement les autorités des États membres de l’Union, essentiellement dans le cadre de l’assistance mutuelle ( 35 ).

57. Cet argument ne saurait toutefois non plus prospérer. En effet, le choix de la base juridique d’un acte du droit de l’Union ne saurait dépendre du point de savoir qui devra ensuite mettre celui-ci en œuvre: des organismes de l’Union, des autorités nationales des États membres ou des pays tiers.

58. Il nous semble que le Royaume-Uni, en se focalisant sur les mesures nécessaires à l’intérieur de l’Union aux fins de la mise en œuvre de la nouvelle décision du Conseil d’association actuellement en projet, méconnaît l’économie des traités qui font clairement la distinction entre les compétences internes de l’Union et ses compétences externes. Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, les compétences externes de l’Union sont définies d’une manière plus claire et organisées de manière
systématique dans les traités, comme le montrent, notamment, les articles 216, paragraphe 1, TFUE et 3, paragraphe 2, TFUE, nouvellement ajoutés ( 36 ).

59. Admettre qu’il suffirait, pour justifier une action extérieure de l’Union, qu’existent les compétences internes permettant à l’Union de prendre les mesures d’application éventuellement nécessaires pour satisfaire à des obligations contractées au niveau international conduirait à une extension considérable des compétences externes de celle-ci et à estomper presque totalement les contours de ses prérogatives dans ce domaine. Cela serait contraire au principe d’attribution (article 5, paragraphe 1,
première phrase, TUE).

60. Dans ces conditions, l’argumentation du Royaume-Uni et de l’Irlande concernant la composante prépondérante de la nouvelle réglementation projetée ne saurait convaincre.

b) La mesure litigieuse vise à développer l’association entre l’Union et la République de Turquie

61. En second lieu, il faut considérer que l’article 79 TFUE fait partie des dispositions sur l’espace de liberté, de sécurité et de justice et qu’il est inclus dans le chapitre intitulé «Politiques relatives aux contrôles aux frontières, à l’asile et à l’immigration».

62. Selon son paragraphe 1, l’article 79 TFUE a un objet spécifique, à savoir qu’il vise au développement d’une politique commune de l’immigration afin d’assurer «une gestion efficace des flux migratoires, un traitement équitable des ressortissants de pays tiers [...] ainsi qu’une prévention de l’immigration illégale et de la traite des êtres humains et une lutte renforcée contre celles-ci». Les mesures assises sur l’article 79, paragraphe 2, sous b), TFUE doivent toutes être vues dans ce contexte
et sont au demeurant expressément adoptées exclusivement «aux fins du paragraphe 1».

63. Cette finalité de l’article 79, paragraphe 2, sous b), TFUE et sa place dans le système ne sont pas conciliables avec une mesure comme celle qui fait l’objet du présent litige.

64. La décision attaquée est en effet loin de se borner à reconnaître, dans le cadre d’une politique commune de l’immigration, certains droits sociaux à certains ressortissants de pays tiers en séjour régulier sur le territoire de l’Union, afin de leur assurer un «traitement équitable» au sens de l’article 79, paragraphe 1, TFUE. Elle va beaucoup plus loin. Elle vise à développer l’association existante entre l’Union et la République de Turquie et, en particulier, à réaliser une mission normative
qui est prévue à l’article 39 du protocole additionnel à l’accord d’association.

65. Le fait que les dispositions que le Conseil d’association est appelé à adopter s’inscrivent dans le contexte de l’association existante avec la République de Turquie et contribuent à la développer est d’une importance décisive pour le choix de la base juridique matérielle. En effet, ce sont précisément ce contexte et cette finalité qui confèrent à la décision attaquée une dimension supplémentaire – une dimension qui va bien au-delà de ce que vise l’article 79 TFUE et des mesures qu’il autorise.

66. Dans l’ensemble, il convient par conséquent de rejeter les allégations du Royaume-Uni et de l’Irlande selon lesquelles l’article 79, paragraphe 2, sous b), TFUE serait la base juridique appropriée pour la décision attaquée.

2. L’article 48 TFUE n’est pas non plus une base juridique appropriée

67. À nos yeux, la décision attaquée ne peut pas non plus être fondée sur l’article 48 TFUE, invoqué par le Conseil et la Commission.

68. Le Royaume-Uni et l’Irlande ont en effet parfaitement raison d’observer que l’article 48 TFUE ne peut, en substance, servir de base juridique qu’à l’adoption de mesures internes à l’Union et que, en outre, il ne concerne que la sécurité sociale des citoyens de l’Union, et non celle de ressortissants de pays tiers.

69. L’article 48 TFUE permet simplement d’adopter, «dans le domaine de la sécurité sociale, les mesures nécessaires pour l’établissement de la libre circulation des travailleurs». En effet, il fait partie du même chapitre du traité que l’article 45, paragraphe 1, TFUE, qui établit que la libre circulation des travailleurs est assurée seulement «à l’intérieur de l’Union». La Cour elle-même a déjà constaté que l’article 45 TFUE (ex-article 48 du traité CEE) ne garantit la liberté de circulation
«qu’aux travailleurs des États membres» ( 37 ), c’est-à-dire à des citoyens de l’Union ( 38 ).

70. En conséquence, les ressortissants de pays tiers ne peuvent invoquer, à l’intérieur de l’Union, le droit de libre circulation prévu à l’article 45 TFUE et le législateur de l’Union n’est pas habilité à adopter, sur la seule base de l’article 48 TFUE, des mesures spécifiques de coordination des systèmes de sécurité sociale entre l’Union et des pays tiers, car de telles mesures ne sont ni appropriées ni même nécessaires en vue d’établir la libre circulation (interne à l’Union) des travailleurs
salariés au sens des articles 45 TFUE et 48 TFUE.

71. Certes, il ne nous semble nullement exclu que les institutions de l’Union puissent s’appuyer sur les compétences qui leur ont été conférées pour établir le marché intérieur pour réglementer également la situation de ressortissants de pays tiers dans le cadre de l’adoption de réglementations destinées aux citoyens et aux entreprises de l’Union, par exemple si cela s’avère nécessaire pour établir l’égalité des conditions de concurrence au sein du marché intérieur ( 39 ).

72. Cependant, il ne s’agit ici pas seulement de se servir de l’adoption de dispositions de droit social s’appliquant au territoire de l’Union pour réglementer par la même occasion la situation de ressortissants de pays tiers. La décision attaquée a plutôt pour principal objet de créer des règles de coordination des systèmes de sécurité sociale entre l’Union et un pays tiers.

73. L’article 48 TFUE ne donne pas compétence aux institutions de l’Union pour cela.

74. Certes, la Cour a récemment considéré, dans les affaires Royaume-Uni/Conseil, C‑431/11, EU:C:2013:589, et C‑656/11, EU:C:2014:97, que l’article 48 TFUE était un fondement juridique suffisant pour l’extension d’une réglementation de droit social de l’Union à l’EEE et à la Confédération suisse ( 40 ). On ne saurait toutefois en déduire que l’article 48 TFUE permettrait de manière générale l’adoption de règles de droit social concernant les rapports entre l’Union et des pays tiers. L’application de
l’article 48 TFUE que la Cour a admise dans les rapports avec les États participant à l’EEE et la Confédération suisse doit en effet être resituée dans le contexte spécifique de l’accord EEE et de l’accord sur la libre circulation des personnes avec la Confédération suisse, dont les particularités ont d’ailleurs été soulignées par la Cour dans les arrêts qu’elle a rendus dans les affaires Royaume-Uni/Conseil (C‑431/11, EU:C:2013:589, et C‑656/11, EU:C:2014:97).

75. La Cour a ainsi rappelé, dans l’affaire Royaume-Uni/Conseil (C‑431/11, EU:C:2013:589), que l’accord EEE établit une association étroite entre l’Union et les États de l’AELE fondée sur des liens particuliers et privilégiés entre les associés et qui a pour objectif, notamment, de réaliser de la manière la plus complète possible la libre circulation des personnes ( 41 ). La décision du Conseil litigieuse dans l’affaire Royaume-Uni/Conseil (C‑431/11, EU:C:2013:589) s’inscrivait précisément parmi les
mesures par lesquelles le droit du marché intérieur de l’Union doit autant que possible être étendu à l’EEE, de sorte que les ressortissants desdits États bénéficient de la libre circulation des personnes aux mêmes conditions sociales que les citoyens de l’Union ( 42 ).

76. De manière similaire, la Cour a souligné peu de temps après dans l’affaire Royaume-Uni/Conseil (C‑656/11, EU:C:2014:97) que les accords bilatéraux entre l’Union et la Confédération suisse couvraient de vastes domaines et prévoyaient des droits et des obligations spécifiques, analogues, à certains égards, à ceux prévus par le traité FUE ( 43 ). Elle a ajouté que, tout particulièrement au regard des dispositions sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, la Confédération suisse devait
«être assimilée à un État membre de l’Union» ( 44 ).

77. Le fait que la Cour ait constaté que la Confédération suisse et les États de l’AELE, c’est-à-dire le Royaume de Norvège, la République d’Islande et la Principauté de Liechtenstein, étaient, en ce qui concerne les conditions sociales pour l’exercice de la libre circulation des personnes, assimilés aux États membres de l’Union à un point tel qu’ils pouvaient être considérés comme faisant partie intégrante du marché intérieur a donc joué un rôle crucial dans les affaires Royaume-Uni/Conseil
(C‑431/11, EU:C:2013:589, et C‑656/11, EU:C:2014:97).

78. La situation entre l’Union et la République de Turquie n’est pas comparable. Contrairement à l’accord EEE et à l’accord sur la libre circulation des personnes avec la Confédération suisse, l’accord d’association qui nous intéresse ici ne prévoit aucune extension généralisée à la République de Turquie des règles du marché intérieur. Même si l’accord d’association vise à établir des liens de plus en plus étroits avec la République de Turquie ( 45 ), avec en ligne de mire l’objectif, à long terme,
d’une adhésion de la République de Turquie à l’Union européenne ( 46 ), il n’en reste pas moins que l’on est, en l’état actuel des choses, très en-deçà d’une assimilation complète de la République de Turquie aux États appartenant au marché intérieur européen ( 47 ).

79. En particulier, l’accord d’association n’instaure pas encore la libre circulation des travailleurs entre l’Union et la Turquie, mais en prévoit seulement la réalisation graduelle ( 48 ). Un certain nombre d’éléments essentiels de ce programme n’ont pas encore été réalisés à ce jour ( 49 ). Ce n’est par conséquent que de manière ponctuelle que la jurisprudence, en ce qui concerne les droits des ressortissants turcs employés dans l’Union et des membres de leur famille, s’inspire «dans la mesure du
possible» des principes applicables à l’intérieur de l’Union en matière de libre circulation des travailleurs ( 50 ).

80. Cependant, à la différence de ce qui peut être observé dans le cas de l’accord EEE et de l’accord sur la libre circulation des personnes avec la Confédération suisse, l’objectif n’est pas, dans le cadre de l’association avec la République de Turquie, de permettre aux ressortissants turcs dans l’Union ou aux citoyens de l’Union en Turquie d’exercer leur activité économique dans les mêmes conditions sociales que les ressortissants de ces pays respectifs. L’Union et la République de Turquie
souhaitent plutôt seulement «s’inspirer» ( 51 ), sur le fond, des articles 48 à 50 du traité CEE (devenus les articles 45 TFUE à 47 TFUE) et appliquer le principe de non‑discrimination en raison de la nationalité ( 52 ); on notera en revanche que, de manière révélatrice, l’accord d’association ne fait pas référence à l’article 51 du traité CEE, qui correspond à l’actuel article 48 TFUE.

81. Cette intensité nettement moindre du lien d’association se répercute sur la coordination des systèmes de sécurité sociale entre l’Union et la République de Turquie. Ainsi, même si l’on trouve aussi bien dans la décision no 3/80, actuellement en vigueur, que dans le projet de décision du Conseil d’association, des emprunts ponctuels au règlement no 1408/71 ou au règlement no 883/2004, qui lui a succédé, il n’en demeure pas moins qu’il n’y a pas de transposition globale à la République de Turquie
des règles de droit social en vigueur à l’intérieur de l’Union. Ce n’est pas tout: une transposition complète de la coordination des systèmes de sécurité sociale en vigueur à l’intérieur de l’Union est même expressément exclue dans l’accord d’association, puisque les États membres ne sont pas obligés de prendre en considération certaines périodes d’assurance ou d’emploi accomplies en Turquie ( 53 ).

82. Par conséquent, contrairement à ce que pensent le Conseil et la Commission, la solution qui a été trouvée dans les affaires Royaume-Uni/Conseil (C‑431/11, EU:C:2013:589, et C‑656/11, EU:C:2014:97) ne peut pas être transposée au cas présent.

83. Certes, en vertu de cette jurisprudence, l’article 48 TFUE peut exceptionnellement entrer en ligne de compte pour l’adoption de règles dans le cadre d’une association qui a déjà atteint un stade de développement suffisamment approfondi et étendu pour que les pays tiers associés, en pratique, participent au marché intérieur de la même façon que les États membres de l’Union. C’est en effet dans ce cas – et seulement dans ce cas – que la coordination des systèmes de sécurité sociale peut être
assimilée à une affaire interne du marché intérieur, y compris par rapport à ces pays tiers, et être assise sur l’article 48 TFUE.

84. En revanche, l’article 48 TFUE – contrairement à ce que pensent le Conseil et la Commission – n’est définitivement pas une base juridique appropriée dans des cas où les conditions analogues à celles du marché intérieur font défaut parce que les relations entre l’Union et le pays tiers concerné en sont encore au stade d’un rapprochement graduel avec le marché intérieur.

85. C’est ce qui est le cas en ce qui concerne le rapport à la République de Turquie, qui nous intéresse en l’espèce.

86. Partant, l’article 48 TFUE ne peut pas plus que l’article 79 TFUE servir de base juridique à la décision attaquée.

3. L’article 217 TFUE aurait été la base juridique matérielle appropriée

87. Le critère déterminant pour désigner la base juridique appropriée pour la décision attaquée est le fait que cette décision constitue, sur le plan interne à l’Union, le premier pas nécessaire sur la voie d’un développement de l’association avec la République de Turquie. Pour cela, il conviendrait de recourir à la même base d’habilitation matérielle que celle qui a été utilisée par la Communauté économique européenne, à l’époque, lors de la conclusion de l’accord d’association et du protocole
additionnel, à savoir la compétence d’association de l’article 217 TFUE (ex-article 238 du traité CEE).

88. À notre avis, la jurisprudence ne contient pas d’élément de nature à étayer la position du Conseil et de la Commission selon laquelle l’article 217 TFUE pourrait être utilisé comme fondement juridique uniquement pour créer une association et pour en compléter ou en modifier, éventuellement, le cadre institutionnel, alors que toutes les mesures contribuant à la mise en œuvre du programme d’association défini dans l’accord d’association devraient être exclues de son champ d’application.

89. C’est l’inverse qui est vrai: si l’article 217 TFUE permet de prendre une mesure qui va aussi loin que la création d’une association entre l’Union et un pays tiers, il doit a fortiori pouvoir également servir de base juridique pour des mesures ponctuelles visant à modifier, à étendre ou à développer une association déjà existante (argumentum a maiore ad minus). Cet argument vaut tout particulièrement pour des mesures destinées à mettre en œuvre le programme d’association ( 54 ) défini dans
l’accord d’association, dont l’objectif est notamment de réaliser graduellement la libre circulation des travailleurs ( 55 ).

90. Il est possible que l’Union puisse et, le cas échéant, doive fonder les mesures unilatérales qu’elle adopte aux fins de la mise en œuvre des obligations qui lui incombent en vertu d’un accord d’association sur d’autres fondements juridiques que l’article 217 TFUE ( 56 ). Toutefois, si c’est – comme en l’espèce – le Conseil d’association qui adopte de telles mesures, c’est un organe de l’association entre l’Union et la République de Turquie qui agit. Du point de vue du droit de l’Union, l’action
de ce Conseil d’association puise sa légitimité uniquement dans la compétence d’association de l’article 217 TFUE. Les dispositions devant être adoptées par le Conseil d’association peuvent difficilement être fondées sur l’article 79 TFUE ou sur l’article 48 TFUE. Cela vaut forcément également pour la décision attaquée, par laquelle notre Conseil fixe le point de vue de l’Union avant toute intervention du Conseil d’association et prépare donc l’action de l’Union sur le plan international ainsi
que les adaptations envisagées des règles en vigueur au niveau de l’association. Elle doit également avoir l’article 217 TFUE pour fondement juridique matériel.

91. Même à vouloir supposer que certaines des dispositions projetées en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale – à savoir celles concernant les ressortissants de pays tiers et leurs familles – puissent également être adoptées sur le fondement de l’article 79, paragraphe 2, sous b), TFUE ( 57 ), l’article 217 TFUE devrait être considéré comme une lex specialis dans le contexte d’un accord d’association avec un pays tiers tel que la République de Turquie ( 58 ).

92. À la différence de l’article 48 TFUE, l’article 217 TFUE permet au demeurant sans aucun doute d’adopter des dispositions concernant les rapports entre l’Union et des pays tiers et d’en faire bénéficier aussi bien des citoyens de l’Union que des ressortissants de pays tiers, même si ces personnes ne sont pas économiquement actives. Un accord d’association est précisément constitué de telles dispositions, qui se rapportent aux relations entre l’Union et des pays tiers et qui touchent au statut
juridique des ressortissants de ces pays. En ce sens, la Cour a constaté il y a longtemps déjà que l’article 217 TFUE (ex-article 238 du traité CEE) doit nécessairement conférer à l’Union la compétence pour assurer des engagements vis-à-vis de pays tiers dans tous les domaines couverts par les traités – y compris par rapport à la situation juridique des travailleurs migrants et des membres de leur famille ( 59 ).

93. En reconnaissant l’article 217 TFUE comme base juridique matérielle pour toutes les mesures visant à la mise en œuvre d’un programme d’association défini dans un accord d’association, la Cour pourrait apporter une contribution importante à la sécurité juridique dans le domaine des accords d’association et à l’unification de la pratique disparate des institutions de l’Union dans ce domaine. Cela permettrait en outre d’empêcher qu’éclatent toute une série de litiges liés à la question de la base
juridique, comme c’était le cas dans les affaires Royaume-Uni/Conseil (C‑431/11, EU:C:2013:589, et C‑656/11, EU:C:2014:97), et comme c’est le cas dans la présente affaire.

94. Contrairement à ce que pensent le Conseil et la Commission, la jurisprudence CITES ( 60 ) ne s’oppose pas non plus à l’utilisation de l’article 217 TFUE comme base juridique matérielle de la décision litigieuse. L’arrêt CITES indique seulement que le Conseil, dans le cadre des décisions qu’il prend en application de l’article 218, paragraphe 9, TFUE afin d’établir les positions à prendre au nom de l’Union dans des instances internationales, doit avoir recours à une base juridique matérielle
spécifique, qu’il doit également citer ( 61 ). Mais aucun passage de cet arrêt ne permet de conclure que l’article 217 TFUE ne serait pas une base juridique appropriée ou suffisamment concrète pour de telles décisions.

95. Au demeurant, on ne saurait opposer à l’utilisation de l’article 217 TFUE comme base d’habilitation pour une décision comme celle qui est attaquée en l’espèce le fait qu’elle rendrait excessivement difficile la procédure d’adoption d’une décision par le Conseil d’association.

96. D’une part, ce ne sont en effet pas les procédures qui définissent la base juridique d’un acte, mais la base juridique d’un acte qui détermine les procédures à suivre pour adopter ce dernier ( 62 ).

97. D’autre part, le recours à l’article 217 TFUE comme fondement juridique matériel n’induit en l’espèce aucune modification de la procédure. De ce point de vue, la disposition déterminante reste en effet l’article 218, paragraphe 9, TFUE, dans le champ d’application duquel le Conseil statue à la majorité qualifiée (article 16, paragraphe 3, TUE). Tout comme l’exigence d’approbation du Parlement européen [article 218, paragraphe 6, sous a), i), TFUE], l’exigence d’unanimité au sein du Conseil
(article 218, paragraphe 8, deuxième alinéa, TFUE) concerne, d’après son sens et son objet, ainsi que d’après l’économie de l’article 218 TFUE ( 63 ), uniquement la première conclusion d’un accord d’association ou les modifications structurelles d’un tel accord, c’est‑à‑dire des cas où l’application de l’article 218, paragraphe 9, TFUE est à son tour exclue en vertu de la dernière phrase de cette disposition («à l’exception des [...]»).

98. Dans ces conditions, nous concluons – comme déjà dans l’affaire C‑431/11 ( 64 ) – que l’article 217 TFUE aurait été la base juridique matérielle appropriée pour la décision attaquée, tandis que l’article 218, paragraphe 9, TFUE aurait été pertinent du point de vue procédural, avec un vote du Conseil à la majorité qualifiée (article 16, paragraphe 3, TUE).

99. S’agissant de la procédure judiciaire, rien n’empêche au demeurant la Cour de considérer en l’espèce l’article 217 TFUE comme la base juridique appropriée pour la décision attaquée. En effet, le grief tiré de la base juridique erronée a été expressément soulevé par le Royaume-Uni, avec le soutien de l’Irlande, et il entre donc bien dans l’objet du litige. En outre, la possibilité de recourir à l’article 217 TFUE comme base juridique matérielle a été débattue tant au cours de la phase écrite que
de la phase orale de la procédure. Ainsi, nous ne voyons aucun obstacle fondé sur le droit des parties à être entendues et les exigences d’une procédure contradictoire ( 65 ).

100. Il se peut qu’un certain nombre de parties à la procédure – comme c’était déjà le cas, à l’époque, dans l’affaire Royaume-Uni/Conseil (C‑431/11, EU:C:2013:589) – aient des réserves à l’encontre de l’utilisation de l’article 217 TFUE comme base juridique matérielle pour la décision attaquée. Cependant, ces réserves sont sans doute liées pour l’essentiel aux intérêts poursuivis par ces parties et ne sont pas de nature à réduire la marge dont la Cour dispose pour rendre sa décision à un choix
binaire entre l’article 79 TFUE, d’un côté, et l’article 48 TFUE, de l’autre côté. En effet, le juge n’est pas la «bouche des parties» ( 66 ). Par conséquent, il ne saurait être tenu par les seuls arguments invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions, sauf à se voir contraint, le cas échéant, de fonder sa décision sur des considérations juridiques erronées ( 67 ).

4. À titre subsidiaire: recours à l’article 216, paragraphe 1, TFUE

101. Pour le cas où la Cour ne suivrait pas nos conclusions sur l’article 217 TFUE, nous ajoutons qu’il est possible en l’espèce de recourir également à l’article 216, paragraphe 1, TFUE.

102. L’article 216, paragraphe 1, TFUE ne saurait être confondu avec une habilitation générale des institutions de l’Union en matière d’action extérieure. En réalité, une compétence externe ne peut être déduite de cette disposition qu’en combinaison avec les dispositions des traités, les objectifs de l’Union, les actes juridiques et les règles du droit de l’Union, cités dans cette même disposition.

103. Dans le cas présent, il nous semble indiqué de nous pencher sur l’article 216, paragraphe 1, TFUE notamment parce que le Conseil, au cours de la procédure écrite et orale devant la Cour, a par moment tenté de défendre le recours à l’article 48 TFUE en tant que base juridique matérielle de la décision attaquée en invoquant la jurisprudence dite «AETR» ( 68 ).

104. Il convient de faire observer à ce sujet que, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, la jurisprudence AETR est pour l’essentiel codifiée à l’article 216, paragraphe 1, TFUE ( 69 ). Ainsi, si le Conseil avait voulu se prévaloir d’«effets AETR» de quelque nature que ce soit lors de l’adoption de la décision attaquée, il n’aurait pas pu se contenter d’une simple référence à l’article 48 TFUE dans ses visas, mais aurait dû en plus également citer l’article 216,
paragraphe 1, TFUE, en tant que base juridique matérielle. Le fait qu’il ait renoncé à ajouter l’article 216, paragraphe 1, TFUE doit au minimum être considéré comme un défaut de motivation au sens de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

105. Cela étant dit, il semble en l’espèce tout à fait concevable de déduire de l’article 216, paragraphe 1, TFUE des éléments qui plaident en faveur de l’existence d’une compétence pour l’action extérieure de l’Union. Contrairement à ce que pensent certaines parties à la procédure, telle est justement la fonction de cette disposition.

106. Certes, l’adoption d’une mesure telle que le projet de décision du Conseil d’association n’est prévue nulle part dans le droit primaire de l’Union – c’est‑à‑dire dans le traité UE ou dans le traité FUE –, si bien qu’un recours au premier cas de figure envisagé à l’article 216, paragraphe 1, TFUE («lorsque les traités le prévoient») est exclu. En outre, la décision que le Conseil d’association est appelé à prendre ne contribue pas à «réaliser, dans le cadre des politiques de l’Union, l’un des
objectifs visés par les traités», raison pour laquelle le deuxième cas de figure envisagé à l’article 216, paragraphe 1, TFUE n’est pas non plus un point de rattachement envisageable ( 70 ).

107. On ne voit pas davantage de quelle manière l’adoption des dispositions visant à la coordination des systèmes de sécurité sociale des États membres avec celui de la République de Turquie pourrait «affecter» ou «altérer dans leur portée» des «règles communes» – c’est-à-dire des dispositions du droit de l’Union –, comme le supposerait le quatrième cas de figure envisagé à l’article 216, paragraphe 1, TFUE. Dans ce contexte, il convient de rappeler que, en tant que telle, la législation sociale de
l’Union, telle qu’elle ressort des règlements no 883/2004 et no 987/2009, ne s’applique qu’au marché intérieur, sans s’étendre aux rapports avec les États tiers. Cette législation sociale n’est pas affectée lorsqu’il est envisagé – comme en l’espèce – de conférer, en dehors de son champ d’application, certains droits à caractère social à des ressortissants de pays tiers dans l’Union et, inversement, à des ressortissants de l’Union dans des États tiers, ainsi qu’aux membres de leur famille.

108. On peut en revanche envisager un recours au troisième cas de figure visé à l’article 216, paragraphe 1, TFUE, qui autorise l’Union à conclure un accord «dans le cadre [de ses] politiques» lorsque la conclusion dudit accord «est prévue dans un acte juridique de l’Union».

109. En effet, l’accord d’association et son protocole additionnel sont deux accords internationaux qui ont été conclus par la Communauté économique européenne, prédécesseur en droit de l’Union, qui doivent être considérés comme formant depuis lors partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union ( 71 ) et qui, en application de l’article 216, paragraphe 2, TFUE, lient aussi bien les institutions que les États membres de l’Union. Tous les deux doivent par conséquent être considérés comme des
«acte[s] juridique[s] de l’Union» au sens du troisième cas de figure visé à l’article 216, paragraphe 1, TFUE.

110. Il est prévu, à l’article 39 du protocole additionnel, que le Conseil d’association arrête des «dispositions en matière de sécurité sociale» en faveur des travailleurs migrants de nationalité turque et de leur famille résidant à l’intérieur de l’Union; ces dispositions devront permettre, «selon des modalités à fixer», la totalisation de certaines périodes d’assurance ou d’emploi.

111. Certes, il n’existe pas de règle spéciale expresse, comparable à l’article 39 du protocole additionnel, pour l’adoption de dispositions analogues pour les citoyens de l’Union employés en Turquie et les membres de leur famille. Il ressort toutefois de l’article 12 de l’accord d’association et de l’article 36 du protocole additionnel que l’objectif de la réalisation graduelle de la libre circulation des travailleurs s’applique de manière très générale entre les États membres et la République de
Turquie, étant précisé que l’article 9 de l’accord d’association interdit les discriminations en raison de la nationalité. On peut en déduire que la coordination des systèmes de sécurité sociale entre l’Union et la République de Turquie prévue dans l’accord d’association a vocation à bénéficier également aux citoyens de l’Union employés en Turquie et aux membres de leur famille.

112. Dans ces conditions, la décision attaquée pourrait avoir pour base juridique matérielle également l’article 216, paragraphe 1, TFUE, pris dans le troisième cas de figure qu’il envisage. En effet, la décision attaquée prépare un accord international dans le cadre du Conseil d’association, lequel accord est prévu dans deux actes juridiques de l’Union – l’accord d’association et son protocole additionnel.

113. Cependant, comme l’article 217 TFUE constitue, ainsi que nous l’avons déjà exposé, une autre base juridique matérielle, plus spécifique, pour la décision attaquée ( 72 ), c’est finalement sur ce dernier article qu’il faudrait s’appuyer, et non sur l’article 216, paragraphe 1, TFUE, pris dans son troisième cas de figure ( 73 ).

B – L’effet utile du protocole no 21 du traité UE et du traité FUE

114. À titre complémentaire, nous nous permettons d’observer – comme, déjà, dans l’affaire Royaume-Uni/Conseil (C‑431/11, EU:C:2013:589) – que, dans une affaire telle celle qui nous occupe ici, l’application de l’article 217 TFUE, de même que celle de l’article 48 TFUE, voire de l’article 216, paragraphe 1, TFUE, pris dans son troisième cas de figure, ne prive pas le protocole no 21 du traité UE et du traité FUE de son effet utile.

115. Le protocole no 21 prévoit un régime particulier pour le Royaume-Uni et l’Irlande en ce qui concerne l’espace de liberté, de sécurité et de justice. D’après ce protocole, les mesures proposées relevant de la troisième partie, titre V, du traité FUE ne s’appliquent au Royaume-Uni et à l’Irlande que dans la mesure où ces deux États membres font savoir expressément et par écrit qu’ils entendent participer à ces mesures (option de participation, voir les dispositions combinées des articles 1er,
paragraphe 1, première phrase, et 3 du protocole no 21).

116. Le champ d’application matériel de ce régime particulier a été expressément limité à l’espace de liberté, de sécurité et de justice. En tant que régime dérogatoire, il est en outre d’interprétation stricte ( 74 ).

117. Le protocole no 21 n’a pas pour sens et pour objet de laisser le Royaume‑Uni et l’Irlande libres de se soumettre et de participer ou non aux mesures adoptées par les institutions de l’Union dans d’autres domaines du droit de l’Union, et en particulier dans le cadre du marché intérieur ou de l’association de pays tiers.

118. Partant, l’option de participation ne peut s’appliquer à l’adoption de mesures qui – comme la décision litigieuse du Conseil – concernent le développement de l’association existante entre l’Union et un pays tiers.

119. Par ailleurs, le fonctionnement d’un accord d’association et la réalisation du programme d’association que celui-ci prévoit ( 75 ) seraient notablement affectés si, dans leurs relations avec les États associés ou avec les ressortissants de ces États, certains États membres de l’Union n’appliquaient l’acquis du droit de l’Union qu’en partie seulement ou avec des variantes et pouvaient ainsi prétendre à un traitement particulier.

120. Dans le champ d’application d’un accord d’association, il n’y a pas de place pour des options de participation ou de non-participation, et donc, en définitive, pour une Europe à la carte. Il se présenterait sinon le danger d’un éclatement de l’association, avec des conséquences négatives pour l’égalité de traitement de toutes les personnes et entreprises opérant dans son champ d’application ainsi que pour l’uniformité des conditions de concurrence qui leur sont applicables ( 76 ).

C – Impact du choix de la base juridique erronée sur la validité de la décision attaquée

121. Comme nous l’avons constaté, le Conseil a fait reposer la décision attaquée sur une base juridique erronée. Il aurait dû se fonder sur la compétence d’association de l’article 217 TFUE comme base juridique matérielle, à titre subsidiaire sur l’article 216, paragraphe 1, TFUE, pris dans sa troisième variante, ainsi que, dans chacun de ces deux cas, sur l’article 218, paragraphe 9, TFUE comme base juridique procédurale.

122. Le choix d’une base juridique erronée pour un acte de l’Union ne signifie cependant pas nécessairement que cet acte doive être annulé. D’après la jurisprudence, l’annulation n’a pas lieu d’être lorsque le recours à la base juridique erronée ne pouvait avoir d’effet sur le contenu de l’acte ou sur la procédure de son adoption, de sorte que le vice était purement formel ( 77 ).

123. C’est le cas en l’espèce. Conformément à l’article 218, paragraphe 9, TFUE, la décision attaquée devait être prise au sein du Conseil à la majorité qualifiée et sans participation du Parlement européen ( 78 ), peu importe que la base juridique appropriée soit l’article 217 TFUE, l’article 216, paragraphe 1, TFUE ou l’article 48 TFUE, qui a été utilisé par le Conseil. Par ailleurs, aucune des bases juridiques matérielles précitées ne permet au Royaume-Uni et à l’Irlande de faire usage du régime
particulier prévu par le protocole no 21 du TUE et du TFUE.

124. Partant, le choix de la base juridique erronée n’est en l’espèce pas susceptible de justifier l’annulation de la décision attaquée.

VI – Dépens

125. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Selon la solution que nous proposons, le Royaume-Uni doit succomber et devra donc être condamné aux dépens, puisque le Conseil a conclu en ce sens. En revanche, en qualité de parties intervenantes, l’Irlande et la Commission supporteront leurs propres dépens, conformément à l’article 140, paragraphe 1, dudit règlement de procédure.

VII – Conclusion

126. Par ces motifs, nous proposons à la Cour de rendre l’arrêt suivant:

1) Le recours est rejeté.

2) L’Irlande et la Commission européenne sont condamnées à supporter leurs propres dépens.

3) Pour le surplus, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord est condamné aux dépens de la procédure.

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( 1 ) Langue originale: l’allemand.

( 2 ) Décision du Conseil, du 6 décembre 2012, relative à la position à adopter, au nom de l’Union européenne, au sein du Conseil d’association institué par l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, en ce qui concerne l’adoption de dispositions sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO L 340, p. 19, ci-après également la «décision attaquée»).

( 3 ) Arrêt Royaume-Uni/Conseil (EU:C:2013:589).

( 4 ) Arrêt Royaume-Uni/Conseil (EU:C:2014:97).

( 5 ) Conclusions Royaume-Uni/Conseil (EU:C:2013:187).

( 6 ) Décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963, portant conclusion de l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie (JO 1964, 217, p. 3685).

( 7 ) JO 1972, L 293, p. 3.

( 8 ) Règlement (CEE) no 2760/72 du Conseil, du 19 décembre 1972, portant conclusion du protocole additionnel ainsi que du protocole financier, signés le 23 novembre 1970, annexés à l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie et relatif aux mesures à prendre pour leur entrée en vigueur (JO L 293, p. 1).

( 9 ) Ci-après le «Conseil d’association» ou le «Conseil d’association CEE-Turquie».

( 10 ) Décision du 19 septembre 1980, relative à l’application des régimes de sécurité sociale des États membres des Communautés européennes aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille (JO 1983, C 110, p. 60).

( 11 ) Règlement du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (publié pour la première fois au JO L 149, p. 2, plusieurs fois modifié par la suite).

( 12 ) Règlement du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement no 1408/71 (publié pour la première fois au JO L 74, p. 1, plusieurs fois modifié par la suite).

( 13 ) Proposition de règlement (CEE) du Conseil visant à appliquer, dans la Communauté économique européenne, la décision no 3/80 [COM(83) 13 final, JO 1983, C 110, p. 1].

( 14 ) JO 2013, C 109, p. 7.

( 15 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO L 166, p. 1).

( 16 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 883/2004 (JO L 284, p. 1).

( 17 ) Il n’est pas prévu par exemple, à la différence de ce qui est le cas dans le système du règlement no 883/2004, que les prestations en cas de chômage, de maladie, de maternité et de paternité puissent être exportées. En outre, conformément à l’article 39, paragraphe 2, du protocole additionnel à l’accord d’association, il n’est toujours prévu aucune obligation pour les États membres de l’Union de prendre en compte les périodes d’assurance ou d’emploi accomplies en Turquie pour ce qui concerne
les pensions et rentes de vieillesse, de décès et d’invalidité, ainsi que les soins de santé.

( 18 ) Proposition de la Commission du 30 mars 2012 [COM(2012) 152 final].

( 19 ) Minutes de la réunion du Conseil du 6 décembre 2012.

( 20 ) Arrêt Royaume-Uni/Conseil (EU:C:2013:589, points 42 et 43); dans le même sens, déjà, arrêt Kramer e.a. (3/76, 4/76 et 6/76, EU:C:1976:114, point 19), selon lequel «il convient de prendre en considération le système du droit communautaire, autant que ses dispositions matérielles»; voir, en outre, avis 2/94 (EU:C:1996:140, points 23 et suiv.).

( 21 ) Voir avis 2/00 (EU:C:2001:664, point 5), 1/08 (EU:C:2009:739, point 110) et arrêt Commission/Conseil, dit «CITES» (C‑370/07, EU:C:2009:590, point 47).

( 22 ) Des problèmes similaires peuvent au demeurant se poser en ce qui concerne le Royaume de Danemark, avec le protocole no 22 du traité UE et du traité FUE.

( 23 ) Arrêts Commission/Conseil (C‑137/12, EU:C:2013:675, points 73 et 74) et Royaume‑Uni/Conseil (EU:C:2014:97, point 49).

( 24 ) Arrêts Commission/Conseil (C‑300/89, EU:C:1991:244, point 10); Parlement/Conseil (C‑130/10, EU:C:2012:472, point 42); Commission/Conseil (EU:C:2013:675, point 52), et Commission/Parlement et Conseil (C‑43/12, EU:C:2014:298, point 29).

( 25 ) Actuellement, c’est la décision no 3/80 du Conseil d’association qui est en vigueur.

( 26 ) Voir, fondamentalement, article 2, sous a) et b), du projet de décision du Conseil d’association.

( 27 ) Cela résulte notamment de la déclaration ad articles 48 et 79 du traité FUE [déclaration no 22 annexée à l’acte final de la Conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007 (JO 2008, C 115, p. 346, et JO 2012, C 326, p. 348)].

( 28 ) Il s’agit, d’une part, des six décisions du Conseil 2010/697/UE (JO L 306, p. 1), 2010/698/UE (JO L 306, p. 8), 2010/699/UE (JO L 306, p. 14), 2010/700/UE (JO L 306, p. 21), 2010/701/UE (JO L 306, p. 28) et 2010/702/UE (JO L 306, p. 35), du 21 octobre 2010, relatives à la position à adopter par l’Union européenne au sein des conseils d’association avec le Royaume du Maroc, la République tunisienne, la République algérienne démocratique et populaire et l’État d’Israël, ainsi qu’au sein des
conseils de stabilisation et d’association avec l’ancienne République yougoslave de Macédoine et la République de Croatie et, d’autre part, des trois décisions du Conseil 2012/773/UE (JO L 340, p. 1), 2012/774/UE (JO L 340, p. 7) et 2012/775/UE (JO L 340, p. 13), du 6 décembre 2012, relatives à la position à adopter, au nom de l’Union européenne, au sein des conseils de stabilisation et d’association avec la République d’Albanie et la République du Monténégro ainsi qu’au sein du comité de
coopération avec la République de Saint‑Marin. À l’intérieur de l’Union, l’article 79, paragraphe 2, sous b), TFUE (ex‑article 63, point 4, CE) a également servi de base juridique à l’adoption du règlement (CE) no 859/2003 du Conseil, du 14 mai 2003, visant à étendre les dispositions du règlement no 1408/71 et du règlement no 574/72 aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par ces dispositions uniquement en raison de leur nationalité (JO L 124, p. 1), et à l’adoption du
règlement (UE) no 1231/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, visant à étendre le règlement no 883/2004 et le règlement no 987/2009 aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par ces règlements uniquement en raison de leur nationalité (JO L 344, p. 1).

( 29 ) Avis 1/94 (EU:C:1994:384, point 52) et 1/08 (EU:C:2009:739, point 172), ainsi qu’arrêts Parlement/Conseil (C‑155/07, EU:C:2008:605, point 34) et Royaume-Uni/Conseil (EU:C:2014:97, point 48).

( 30 ) Si l’examen d’une mesure démontre qu’elle poursuit deux fins ou qu’elle a deux composantes et si l’une de ces fins ou de ces composantes est identifiable comme principale, tandis que l’autre n’est qu’accessoire, l’acte doit être fondé sur une seule base juridique, à savoir celle exigée par la fin ou la composante principale ou prépondérante (arrêts Parlement/Conseil, EU:C:2008:605, point 35; Parlement/Conseil, EU:C:2012:472, point 43, et Commission/Parlement et Conseil, EU:C:2014:298,
point 30; voir, dans le même sens déjà, arrêt Commission/Conseil, C‑155/91, EU:C:1993:98, points 19 et 21).

( 31 ) Voir, à ce sujet, article 2, sous c) et d), du projet de décision du Conseil d’association.

( 32 ) La décision no 3/80 prévoit seulement des règles de coordination des systèmes de sécurité sociale qui bénéficient aux travailleurs turcs ayant une activité salariée dans l’Union et à certains des membres de leur famille (voir point 22 des présentes conclusions).

( 33 ) Considérant 6 de la décision attaquée, ainsi que considérants 7 et 8 du projet de décision du Conseil d’association.

( 34 ) Le Royaume-Uni l’admet également dans sa requête, lorsqu’il écrit qu’il s’agit «d’une mesure modeste qui actualise les droits limités dont jouissent actuellement les travailleurs migrants turcs en vertu de la décision no 3/80».

( 35 ) Le Royaume-Uni cite pour exemple, dans ce contexte, l’obligation des autorités nationales d’effectuer certains contrôles administratifs et médicaux en application de l’article 6 du projet de décision du Conseil d’association.

( 36 ) Voir, à ce sujet déjà, nos conclusions Commission/Conseil (EU:C:2013:441, point 42).

( 37 ) Arrêt Meade (238/83, EU:C:1984:250, point 7).

( 38 ) Conclusions de l’avocat général Mancini dans l’affaire Meade (EU:C:1984:209) et de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Khalil e.a. (C‑95/99 à C‑98/99 et C‑180/99, EU:C:2000:657, point 19).

( 39 ) Voir, en ce sens, arrêt Khalil e.a. (EU:C:2001:532, point 56) et avis 1/94 (EU:C:1994:384, en particulier points 81, 86 et 90); voir, en outre, nos conclusions Commission/Conseil (C‑13/07, EU:C:2009:190, point 149).

( 40 ) Voir, en ce qui concerne l’EEE, arrêt Royaume-Uni/Conseil (EU:C:2013:589, point 68) et, en ce qui concerne la Confédération suisse, arrêt Royaume-Uni/Conseil (EU:C:2014:97, point 64).

( 41 ) Arrêt Royaume Uni/Conseil (EU:C:2013:589, points 49 et 50).

( 42 ) Ibidem, points 58 et 59.

( 43 ) Arrêt Royaume Uni/Conseil (EU:C:2014:97, point 53).

( 44 ) Ibidem, point 58.

( 45 ) Premier considérant de l’accord d’association.

( 46 ) Quatrième considérant de l’accord d’association.

( 47 ) Voir, en ce sens, arrêt Demirkan (C‑221/11, EU:C:2013:583, en particulier points 49 et 56), concernant la libre prestation de services; de manière analogue, conclusions de l’avocat général Darmon dans l’affaire Demirel (12/86, EU:C:1987:232, point 21). Il est également écrit, à la page 6 de l’exposé des motifs de la proposition de la Commission relative à la décision attaquée (précitée note 18), qu’«il n’est pas possible d’assimiler la situation juridique actuelle à une extension du marché
intérieur en ce qui concerne la libre circulation des personnes».

( 48 ) Article 12 de l’accord d’association et article 36 du protocole additionnel.

( 49 ) Les ressortissants turcs ne bénéficient toujours pas de la libre circulation à l’intérieur de l’Union (arrêt Derin, C‑325/05, EU:C:2007:442, point 66 et jurisprudence citée; voir aussi conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Eddline El‑Yassini, C‑416/96, EU:C:1998:243, point 40); en particulier, ils n’ont pas de droit individuel à entrer pour la première fois sur le territoire de l’Union pour y exercer une activité économique, mais c’est à chaque État membre de décider d’octroyer
ou non à la personne concernée l’accès à son marché.

( 50 ) Voir, par exemple, arrêts Bozkurt (C‑434/93, EU:C:1995:168, point 20); Birden (C‑1/97, EU:C:1998:568, point 24); Ayaz (C‑275/02, EU:C:2004:570, point 44); Genc (C‑14/09, EU:C:2010:57, point 17), et Dülger (C‑451/11, EU:C:2012:504, point 48).

( 51 ) Article 12 de l’accord d’association.

( 52 ) Article 9 de l’accord d’association.

( 53 ) Article 39, paragraphe 2, seconde phrase, du protocole additionnel.

( 54 ) C’était donc à juste titre que la Commission, en 1983, avait utilisé l’article 238 du traité CEE (devenu l’article 217 TFUE) comme base juridique de sa proposition de règlement visant à appliquer, dans la Communauté économique européenne, la décision no 3/80 (voir point 23 et note 13 des présentes conclusions). Il n’en est que plus étonnant que la Commission, dans la présente procédure, nie désormais que cette même compétence d’association soit une base juridique matérielle appropriée pour la
décision attaquée.

( 55 ) Article 12 de l’accord d’association et article 36 du protocole additionnel.

( 56 ) Lors de la procédure devant la Cour, le Conseil a cité comme exemple la modification des droits de douane perçus par l’Union à l’égard d’un pays tiers associé; en dehors de l’activité d’un comité d’association, il se peut en effet que l’article 207 TFUE serve de base d’habilitation à cet effet.

( 57 ) Voir point 45 des présentes conclusions.

( 58 ) En ce sens, voir également arrêt Parlement/Conseil (EU:C:2008:605, point 34 in fine), selon lequel un acte juridique doit toujours être fondé sur la plus spécifique de deux bases juridiques possibles.

( 59 ) Arrêt Demirel (EU:C:1987:400, point 9); on signalera au passage que cet arrêt concerne justement l’accord d’association avec la République de Turquie qui nous intéresse ici.

( 60 ) EU:C:2009:590.

( 61 ) Ibidem, en particulier point 55.

( 62 ) Arrêt Parlement/Conseil (EU:C:2012:472, point 80).

( 63 ) La place de l’article 218, paragraphe 9, TFUE, derrière l’article 218, paragraphes 6 et 8, TFUE, montre qu’il s’agit d’une procédure spéciale, simplifiée, qui déroge, en ce qui concerne la suspension d’accords internationaux et la définition des positions de l’Union aux fins de l’adoption de décisions au sein d’instances internationales, à la procédure classique de conclusion d’accords internationaux. C’est ainsi seulement que s’explique le fait que l’article 218, paragraphe 9, TFUE contienne
des dispositions expresses concernant les droits de proposition de la Commission ou du haut représentant pour les décisions mentionnées à cet endroit.

( 64 ) Conclusions Royaume-Uni/Conseil (EU:C:2013:187, points 52 à 63).

( 65 ) Arrêts Commission/Irlande e.a. (C‑89/08 P, EU:C:2009:742, en particulier points 50 et 51) et Réexamen M/EMEA (C‑197/09 RX‑II, EU:C:2009:804, points 39 à 42).

( 66 ) Ainsi, déjà, l’avocat général Léger dans ses conclusions Parlement/Gutiérrez de Quijano y Lloréns (C‑252/96 P, EU:C:1998:157, point 36).

( 67 ) En ce sens, ordonnance UER/M6 e.a. (C‑470/02 P, EU:C:2004:565, point 69) et arrêt Suède e.a./API et Commission (C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 65).

( 68 ) La jurisprudence AETR remonte à l’arrêt Commission/Conseil (22/70, EU:C:1971:32, points 15 à 19); on peut trouver une synthèse plus récente par exemple dans l’avis 1/03 (EU:C:2006:81, points 114 à 133).

( 69 ) Dans le même sens, déjà, nos conclusions Commission/Conseil (EU:C:2013:441) et conclusions de l’avocat général Sharpston, Commission/Conseil (C‑114/12, EU:C:2014:224), se rapportant à la disposition de l’article 3, paragraphe 2, TFUE, voisine de celle de l’article 216, paragraphe 1, TFUE.

( 70 ) Dans les traités, l’Union s’est fixé pour objectif d’établir un marché intérieur et d’en assurer le fonctionnement (article 3, paragraphe 3, premier alinéa, première phrase, TUE et article 26, paragraphe 1, TFUE). C’est uniquement dans ce but que le législateur de l’Union dispose, en vertu des traités, d’une compétence aux fins de la coordination des systèmes de sécurité sociale au niveau interne de l’Union (article 48, premier alinéa, TFUE); voir également points 67 à 86 des présentes
conclusions.

( 71 ) Arrêts Haegeman (181/73, EU:C:1974:41, point 5), IATA et ELFAA (C‑344/04, EU:C:2006:10, point 36) et Air Transport Association of America e.a. (C‑366/10, EU:C:2011:864, point 73).

( 72 ) Voir points 87 à 99 des présentes conclusions.

( 73 ) Voir à ce sujet, de nouveau, arrêt Parlement/Conseil (EU:C:2008:605, point 34), selon lequel un acte juridique doit toujours être fondé sur la plus spécifique de deux bases juridiques possibles.

( 74 ) Certes, le Royaume-Uni et l’Irlande ont expressément protesté, dans le cadre de la présente procédure, contre une interprétation aussi étroite du protocole no 21, mais sans avancer aucun argument concret à l’appui de leur point de vue.

( 75 ) Dans le cas de l’association entre l’Union et la République de Turquie, le programme d’association prévoit expressément la réalisation graduelle de la libre circulation des travailleurs par l’adoption de dispositions dans le domaine de la sécurité sociale des travailleurs migrants (voir, à ce sujet, article 12 de l’accord d’association ainsi qu’articles 36 et 39 du protocole additionnel).

( 76 ) Voir de nouveau, à ce sujet, le principe de non-discrimination en raison de la nationalité, consacré à l’article 9 de l’accord d’association.

( 77 ) Voir, sur la notion de vice purement formel, arrêts Commission/Conseil (165/87, EU:C:1988:458, points 18 à 21); Espagne et Finlande/Parlement et Conseil (C‑184/02 et C‑223/02, EU:C:2004:497, points 42 à 44); Swedish Match (C‑210/03, EU:C:2004:802, point 44) et Commission/Conseil (EU:C:2009:590, points 61 et 62); voir, en outre, nos conclusions Commission/Conseil (C‑94/03, EU:C:2005:308, point 53).

( 78 ) Voir point 97 des présentes conclusions.


Synthèse
Formation : Grande chambre
Numéro d'arrêt : C-81/13
Date de la décision : 17/07/2014
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

Recours en annulation – Coordination des systèmes de sécurité sociale – Accord d’association CEE-Turquie – Décision du Conseil relative à la position à adopter, au nom de l’Union européenne, au sein du conseil d’association – Choix de la base juridique – Article 48 TFUE – Article 79, paragraphe 2, sous b), TFUE – Article 217 TFUE.

Dispositions institutionnelles


Parties
Demandeurs : Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2014:2114

Source

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