ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)
2 juillet 2014 (*)
« Fonction publique – Incidents de procédure – Exception d’irrecevabilité – Délégation des pouvoirs dévolus à l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement – Recours dirigé contre l’autorité délégante – Absence d’imputabilité de l’acte attaqué à la partie défenderesse – Irrecevabilité manifeste »
Dans l’affaire F‑62/12,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE,
Gian Andrea Bandieri, agent temporaire de l’Agence européenne de la sécurité aérienne, demeurant à Cologne (Allemagne), représenté initialement par M^es S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis, É. Marchal et D. de Abreu Caldas, puis par M^es S. Orlandi, J.-N. Louis et D. de Abreu Caldas, avocats,
partie requérante,
contre
Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), représentée par M. F. Manuhutu, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),
composé de MM. S. Van Raepenbusch, président, E. Perillo (rapporteur) et J. Svenningsen, juges,
greffier : M^me W. Hakenberg,
rend la présente
Ordonnance
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 15 juin 2012, M. Bandieri demande, pour l’essentiel, l’annulation de la proposition du 14 novembre 2011 par laquelle la Commission européenne a fixé, à sa demande, le nombre d’annuités de bonification dans le régime de pension de l’Union résultant du transfert des droits à pension qu’il avait acquis auprès du régime italien de pension.
Faits à l’origine du litige
2 Le 24 mars 2009, le requérant a introduit une demande de transfert des droits à pension qu’il avait acquis auprès du régime italien de pension avant d’entrer en fonction à l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA).
3 Par courriel du 12 octobre 2009, l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » de la Commission (PMO) a communiqué au requérant une « notification de recevabilité » de sa demande de transfert de ses droits à pension.
4 Par note du 14 novembre 2011, le PMO a adressé au requérant une proposition de bonification d’annuités qui fixait à douze ans, huit mois et douze jours le nombre d’annuités de pension statutaire résultant du transfert de ses droits à pension acquis en Italie (ci-après la « décision litigieuse »).
5 Le 12 décembre 2011, le requérant a saisi l’« [a]utorité [i]nvestie du [p]ouvoir de [n]omination de la Commission » d’une réclamation à l’encontre de la décision litigieuse.
6 Le 7 mars 2012, la réclamation a été rejetée par le directeur de la direction « Affaires juridiques, communication et relations avec les parties prenantes » de la direction générale « Ressources humaines et sécurité » de la Commission, en sa qualité d’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »).
7 Le 15 juin 2012, le requérant a introduit le présent recours.
8 Le 3 septembre 2012, le requérant a introduit un second recours, dirigé cette fois contre la Commission, demandant également l’annulation de la décision litigieuse. Ce recours a été enregistré sous la référence F‑91/12.
Procédure et conclusions des parties
9 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 15 août 2012, l’AESA a demandé qu’il soit statué sur le présent recours sans engager le débat au fond, estimant ce recours manifestement irrecevable.
10 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 septembre 2012, le requérant a fait part de ses observations quant à l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’AESA.
11 Par l’ordonnance Bandieri/AESA (F‑62/12, EU:F:2012:122), la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire Verile et Gjergji/Commission, enregistrée sous la référence F‑130/11.
12 L’arrêt Verile et Gjergji/Commission (F‑130/11, EU:F:2013:195) ayant été prononcé le 11 décembre 2013, la procédure dans la présente affaire a repris.
13 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer l’exception d’irrecevabilité non fondée ;
– à titre subsidiaire, joindre l’exception d’irrecevabilité au fond ;
– déclarer illégal l’article 9 des dispositions générales d’exécution des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), relatifs au transfert de droits à pension, adoptées par décision C(2011) 1278, du 3 mars 2011, publiée aux Informations administratives n^o 17 du 28 mars 2011 ;
– annuler la décision litigieuse ;
– condamner l’AESA aux dépens.
14 L’AESA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable ;
– condamner le requérant aux dépens.
En droit
15 Le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces produites par les parties, considère, en application de l’article 76 du règlement de procédure, qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale et qu’il y a lieu de statuer par voie d’ordonnance motivée.
16 L’AESA soutient que le présent recours aurait dû être introduit contre la Commission, la décision litigieuse ayant été adoptée par le PMO à qui l’AESA aurait délégué ses pouvoirs en matière de transfert des droits à pension.
17 À cet égard, il convient, tout d’abord, de préciser que, conformément à la décision de la Commission du 6 novembre 2002 portant création du PMO (JO 2003 L 183, p. 30), celui-ci assure la détermination, la liquidation et le paiement des droits pécuniaires du personnel employé par les institutions de l’Union et qu’il peut exercer sa mission à la demande et pour le compte d’un autre organisme, organe ou agence institués par les traités ou sur la base de ceux-ci. Il convient de rappeler qu’aux
termes de l’article 2, paragraphe 2, du statut une ou plusieurs institutions peuvent confier à l’une d’entre elles ou à un organisme interinstitutionnel l’exercice de tout ou partie des pouvoirs dévolus à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») à l’exception des décisions relatives aux nominations, aux promotions ou aux mutations de fonctionnaires. Par effet des articles 6 et 117 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), l’article
2, paragraphe 2, du statut est applicable par analogie aux AHCC.
18 Aux termes de l’article 90 quater du statut, « [l]es demandes et réclamations relatives aux domaines pour lesquels il a été fait application de l’article 2, paragraphe 2, [du statut] sont introduites auprès de l’[AIPN] délégataire. »
19 En l’espèce, conformément à l’article 2, paragraphe 2, du statut, le directeur de l’AESA a délégué au PMO les pouvoirs d’AIPN ou d’AHCC en matière, notamment, de transfert de droits à pension du personnel de l’agence, par une délégation de pouvoirs annexée à un accord de service conclu entre l’AESA et le PMO le 7 septembre 2006, puis par une délégation de pouvoirs annexée à un nouvel accord de service du 15 septembre 2010.
20 En outre, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 91 bis du statut et en vertu du renvoi opéré par l’article 46 du RAA aux dispositions du titre VII du statut relatives aux voies de recours, les recours dans les domaines pour lesquels il a été fait application de l’article 2, paragraphe 2, du statut sont dirigés contre l’institution dont l’AIPN délégataire dépend.
21 En l’espèce, la décision litigieuse ayant été adoptée par le PMO, le recours aurait dû être dirigé contre la Commission et non pas contre l’AESA (voir, en ce sens, arrêt Hall/Commission et CEPOL, F‑22/12, EU:F:2013:202, point 25).
22 L’argument du requérant selon lequel, faute de publication, l’accord de service ne lui serait pas opposable ne saurait infirmer cette conclusion. À cet égard, il importe de rappeler que le requérant ne remet pas en cause la compétence du PMO pour adopter la décision litigieuse et ne conteste pas non plus qu’elle a effectivement été adoptée par le PMO. Cela ressort d’ailleurs de manière évidente de la décision litigieuse, établie à l’en-tête de la « Commission européenne – Office gestion et
liquidation des droits individuels – PMO.4 – Pensions » et signée par le chef du secteur « Transferts ». Ensuite, il est constant que le requérant a introduit une réclamation devant l’AIPN de la Commission, laquelle est précisément en l’espèce l’AIPN délégataire au sens de l’article 90 quater du statut. Dans de telles circonstances, il y a donc lieu de considérer que le requérant ne pouvait manifestement pas ignorer que, sur la base de l’article 91 bis du statut et de l’article 46 du RAA, il lui
appartenait de diriger son recours contre la Commission, à savoir l’institution dont dépendait le PMO, autorité délégataire, en application de l’article 2, paragraphe 2, du statut, des pouvoirs en matière de transfert de droits à pension dévolus à l’AIPN et à l’AHCC de l’AESA et dont il n’a pas contesté la compétence pour adopter la décision litigieuse.
23 Le requérant soutient encore qu’il aurait été induit en erreur par un membre du personnel de la Commission. Or, outre le fait que le requérant n’apporte aucun élément de preuve au soutien de cette allégation, un tel argument doit, en toute hypothèse, être rejeté comme inopérant en ce qu’il vise à invoquer l’existence d’une erreur excusable dans le chef du requérant. En effet, à supposer même un tel argument fondé, le présent recours n’en serait pas moins irrecevable, seule l’AESA y étant
mise en cause. Au demeurant, dans le recours qu’il a introduit par la suite contre la Commission et enregistré sous la référence F‑91/12, le requérant invoque l’existence d’une erreur excusable pour justifier le retard dans l’introduction dudit recours.
24 Enfin, le recours ayant été mal dirigé, il y a lieu de constater que les conclusions dans leur ensemble sont manifestement irrecevables.
25 Il découle de l’ensemble de ce qui précède que le présent recours est manifestement irrecevable.
Sur les dépens
26 Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
27 Il résulte des motifs énoncés dans la présente ordonnance que le requérant a succombé en son recours. En outre, l’AESA a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par l’AESA.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.
2) M. Bandieri supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par l’Agence européenne de la sécurité aérienne.
Fait à Luxembourg, le 2 juillet 2014.
Le greffier Le président
W. Hakenberg S. Van Raepenbusch
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
* Langue de procédure : le français.