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12/02/2014 | CJUE | N°C-408/12

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, YKK Corporation e.a. contre Commission européenne., 12/02/2014, C-408/12


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 12 février 2014 ( 1 )

Affaire C‑408/12 P

YKK Corporation,

YKK Holding Europe BV,

YKK Stocko Fasteners GmbH

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Ententes — Marchés des fermetures à glissière et des autres types de fermeture ainsi que des machines de pose — Responsabilités successives — Plafond légal de l’amende — Règlement (CE) no 1/2003 — Article 23, paragraphe 2 — Notion d’‘entreprise’ —

Responsabilité personnelle — Principe de proportionnalité — Multiplicateur de dissuasion»

1.  Dans le présent pourvoi, YKK Corp., YKK Holding Eur...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 12 février 2014 ( 1 )

Affaire C‑408/12 P

YKK Corporation,

YKK Holding Europe BV,

YKK Stocko Fasteners GmbH

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Ententes — Marchés des fermetures à glissière et des autres types de fermeture ainsi que des machines de pose — Responsabilités successives — Plafond légal de l’amende — Règlement (CE) no 1/2003 — Article 23, paragraphe 2 — Notion d’‘entreprise’ — Responsabilité personnelle — Principe de proportionnalité — Multiplicateur de dissuasion»

1.  Dans le présent pourvoi, YKK Corp., YKK Holding Europe BV (ci‑après «YKK Holding») et YKK Stocko Fasteners GmbH (ci‑après «YKK Stocko») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 27 juin 2012 ( 2 ). Ce dernier a rejeté leur recours tendant à obtenir, à titre principal, l’annulation de la décision C(2007) 4257 final de la Commission ( 3 ), dans la mesure où elle les concernait, ainsi que, à titre subsidiaire, l’annulation ou la réduction du montant de l’amende qui leur
a été infligée par cette décision.

2.  Le pourvoi soulève d’importantes questions de droit de la concurrence de l’Union européenne qui n’ont pas encore été tranchées par la Cour, à savoir, d’une part, la détermination du plafond légal de l’amende, au sens de l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 ( 4 ), dans le cas de responsabilités successives dans le cadre de la même entente, et plus précisément lorsqu’une entité participant à l’infraction passe sous le contrôle d’une autre entreprise pendant la durée de l’entente
et, d’autre part, l’application d’un multiplicateur de dissuasion dans le calcul de l’amende dans un tel contexte.

I – Les antécédents du litige

3. Les antécédents du litige et la décision litigieuse sont exposés dans les termes suivants aux points 1 à 20 de l’arrêt attaqué:

«1 La première requérante, YKK Corp., est une entreprise japonaise. Elle est l’un des leaders mondiaux du marché des fermetures à glissière, mais opère également dans le secteur des ‘autres types de fermetures’.

2 La deuxième requérante, [YKK Holding], est une entreprise établie aux Pays-Bas. Elle a 24 filiales [y compris] [YKK Stocko]. Elle est une filiale à 100 % d’YKK Corp. Ses filiales fabriquent des boutons et des fermetures. Elle ne produit, ne vend et ne distribue aucun de ces produits. Elle est un holding à caractère purement financier.

3 La troisième requérante, [YKK Stocko], anciennement Stocko Fasteners GmbH et Stocko Verschlußtechnik GmbH & Co. KG, est une société allemande installée à Wuppertal. Elle a été constituée en 1901 et enregistrée sous le nom d’YKK Stocko Fasteners en septembre 1995, lorsque YKK Holding a racheté 76 % de ses parts avant d’en acquérir la totalité en mars 1997.

[…]

10 Le 16 septembre 2004, la Commission a adressé une communication des griefs (ci‑après la ‘communication des griefs’) concernant les ‘autres types de fermetures’, les machines de pose et les fermetures à glissière aux sociétés Prym Fashion, William Prym, Éclair Prym, Fiocchi Prym, Fiocchi Snaps France, [YKK Stocko], YKK Holding, YKK Corp., Coats, A. Raymond, Berning & Söhne, Berning France, Scovill Fasteners Europe (anciennement Unifast), Scovill Fasteners ainsi qu’au [Fachverband
Verbindungs-und Befestigungstechnik (ci-après le ‘VBT’)].

[…]

12 Le 12 novembre 2004, le groupe Prym, invoquant la communication [de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes ( 5 )], a présenté, au nom de l’ensemble de ses filiales, une demande d’immunité ou, à titre subsidiaire, de réduction du montant des amendes concernant les ‘autres types de fermetures’.

[…]

14 Le 18 février 2005, le groupe YKK, invoquant la communication sur la coopération de 2002, a présenté une demande de réduction du montant des amendes concernant les ‘autres types de fermetures’.

[…]

16 Les éléments de preuve fournis à l’appui des demandes tendant au bénéfice de la communication sur la coopération de 2002 des groupes Prym et YKK ont permis à la Commission d’adresser aux sociétés concernées, le 7 mars 2006, une communication des griefs complémentaire (ci‑après la ‘communication des griefs complémentaire’).

17 Ladite communication des griefs complémentaire, concernant les ‘autres types de fermetures’, les machines de pose et les fermetures à glissière a été adressée aux sociétés A. Raymond, Berning & Söhne et Berning France, Coats et Coats Deutschland et Éclair Prym, Prym Fashion, Fiocchi Prym, Scovill Fasteners Europe, Scovill Fasteners, William Prym, YKK Corp., YKK Holding et YKK Stocko […], ainsi qu’au VBT. […]

18 La communication des griefs complémentaire portait sur les mêmes produits que ceux de la communication des griefs et, au besoin, corrigeait, précisait, synthétisait et étendait les griefs qui y étaient formulés. […]

19 Une audition s’est déroulée le 11 juillet 2006.

20 Après avoir consulté le comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes, et au vu du rapport final du conseiller-auditeur, la Commission a adopté, le 19 septembre 2007, la décision [litigieuse] […]»

4. Par la décision litigieuse, la Commission a constaté que les requérantes avaient participé à trois infractions aux règles de concurrence, à savoir:

— une coopération entre le mois de mai 1991 et le mois de mars 2001, sur le marché des fermetures métalliques et plastiques («autres types de fermetures») et des machines de pose au sein des cercles dits «de Bâle-Wuppertal et d’Amsterdam» (ci‑après la «coopération BWA»). Dans le cadre de cette coopération, les participants se sont mis d’accord, lors de réunions, sur des augmentations coordonnées des prix et ont échangé des informations confidentielles sur les prix et la mise en œuvre des
augmentations de prix, à l’échelon allemand et européen;

— une coopération entre l’année 1999 et l’année 2003 sur le marché des «autres types de fermetures», à laquelle ont participé les groupes Prym et YKK (ci‑après la «coopération bilatérale entre Prym et YKK»). Cette infraction a consisté en des accords et des pratiques concertées portant à l’échelon européen et mondial sur la répartition de la clientèle et la fixation de prix, notamment de prix minimums, moyens et indicatifs et le contrôle des augmentations des prix au moyen d’échanges réguliers de
barèmes et de contacts bilatéraux fréquents, et, enfin,

— une coopération entre le mois d’avril 1998 et le mois de novembre 1999 sur le marché des fermetures à glissière, à laquelle ont participé les groupes YKK, Coats et Prym (ci‑après la «coopération tripartite»). Dans ce cadre, ces trois groupes ont échangé des informations sur les prix et convenu d’une méthode de fixation de prix minimums pour certains produits sur le marché européen.

5. En conséquence, la Commission a imposé aux entreprises concernées des amendes pour infraction à l’article 81 CE (désormais article 101 TFUE ( 6 )) dont le montant a été calculé sur la base de la méthodologie exposée dans les lignes directrices ( 7 ), ainsi que dans la communication de la Commission concernant la non‑imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes ( 8 ) et la communication sur la coopération de 2002.

6. En ce qui concerne la coopération BWA, la décision litigieuse a infligé les amendes suivantes:

— A. Raymond Sarl: 8325000 euros;

— Berning & Söhne GmbH & Co. KG: 1123000 euros;

— Scovill Fasteners Europe SA et Scovill Fasteners Inc., conjointement et solidairement responsables: 6002000 euros;

— William Prym GmbH & Co. KG et Prym Inovan GmbH & Co. KG, conjointement et solidairement responsables: 24913000 euros;

— YKK Stocko: 68250000 d’euros (dont YKK Corp. et YKK Holding sont tenues pour conjointement et solidairement responsables pour la somme de 49000000 euros), et

— VBT: 1000 euros.

7. À cet égard, il convient de noter que, selon la décision litigieuse, la troisième partie requérante au pourvoi, YKK Stocko, a participé à l’infraction pendant toute sa durée de neuf ans et neuf mois, tandis que YKK Corp. et YKK Holding, les première et deuxième requérantes, n’ont commencé à y prendre part (directement ou indirectement) qu’après l’acquisition par YKK Holding de YKK Stocko en 1997 et y ont donc participé pendant quatre ans (considérants 466 à 468 de la décision litigieuse). C’est
la raison pour laquelle, d’une part, YKK Corp. et YKK Holding n’ont pas été tenues pour responsables du paiement de l’ensemble de l’amende imposée à YKK Stocko et, d’autre part, cette dernière a été tenue pour seule responsable du paiement des 19250000 euros restants de l’amende qui lui a été imposée.

8. S’agissant de la coopération bilatérale entre Prym et YKK, YKK Corp., YKK Holding et YKK Stocko ont été condamnées conjointement et solidairement à une amende de 19500000 euros. En revanche, la Commission a considéré dans la décision litigieuse que le groupe Prym remplissait les conditions pour bénéficier d’une immunité totale de l’amende.

9. Enfin, concernant les infractions commises dans le cadre de la coopération tripartite, les amendes suivantes ont été imposées:

— YKK Corp. et YKK Holding, conjointement et solidairement responsables: 62500000 euros;

— Coats Holdings Ltd. et Coats Deutschland GmbH, conjointement et solidairement responsables: 12155000 euros, et

— William Prym GmbH & Co. KG et Prym Inovan GmbH & Co. KG, conjointement et solidairement responsables: 6727500 euros (dont Éclair Prym Group SA est tenue pour conjointement et solidairement responsable à concurrence de 5850000 euros).

II – Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

10. Au soutien de leur recours devant le Tribunal aux fins de l’annulation de la décision litigieuse, les requérantes ont soulevé huit moyens, dont l’ordre d’examen a été modifié par le Tribunal et qu’il a répartis en trois catégories:

— la première catégorie comprenait cinq moyens relatifs à la coopération tripartite, tirés en substance de, premièrement, l’absence de preuve de l’existence de l’infraction (premier moyen), deuxièmement, l’appréciation erronée de la nature et de la mise en œuvre de l’infraction, d’une part, et de l’impact concret de cette infraction, d’autre part (deuxième, troisième et quatrième moyens), et, troisièmement, l’application erronée des communications sur la coopération de 1996 et de 2002 (cinquième
moyen);

— la deuxième catégorie était composée de deux moyens relatifs à la coopération BWA où, sans contester l’existence de l’infraction, les requérantes invoquaient, d’une part, l’application erronée de la limitation de l’amende en ce que la Commission n’aurait pas appliqué le plafond de 10 % à la filiale YKK Stocko, pour la période antérieure à l’année 1997, date de l’acquisition de YKK Stocko par YKK Holding (sixième moyen), et, d’autre part, l’application erronée du multiplicateur dans le calcul
de l’amende infligée à YKK Stocko pour la même période antérieure à son acquisition (septième moyen), et, enfin,

— les requérantes ont soulevé un huitième moyen commun aux infractions liées à la coopération tripartite et à la coopération BWA et tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité concernant l’application du multiplicateur de dissuasion de 1,25 lors du calcul de l’amende.

11. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté l’ensemble des moyens soulevés par les requérantes, rejeté leur recours et condamné les requérantes aux dépens.

III – Sur le pourvoi

12. Les requérantes et la Commission ont participé à la procédure écrite devant la Cour ainsi qu’à l’audience qui s’est tenue le 16 octobre 2013.

13. À l’appui de leur pourvoi, les requérantes invoquent quatre moyens, qui ne concernent que le calcul des amendes qui leur ont été infligées à la suite des coopérations tripartite et BWA.

14. Tout d’abord, elles font valoir que l’arrêt attaqué n’expose pas de manière appropriée les motifs pour lesquels le Tribunal a rejeté le moyen tiré du caractère disproportionné du montant de départ de l’amende, dans la mesure où la coopération tripartite n’aurait eu aucun impact sur le marché. À cet égard, le Tribunal aurait violé l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1/2003 ainsi que le principe de proportionnalité (premier moyen). Les requérantes soutiennent, ensuite, que le
Tribunal a méconnu son obligation de motivation et le principe de la lex mitior à propos de l’applicabilité des communications sur la coopération de 1996 et de 2002 (deuxième moyen). Par ailleurs, elles maintiennent que, en se fondant sur une interprétation erronée de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, le Tribunal n’a pas respecté les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement ainsi que celui de la responsabilité personnelle, lorsqu’il a refusé d’appliquer le
plafond de 10 % au seul chiffre d’affaires de YKK Stocko pour la période préalable à son acquisition par YKK Holding (troisième moyen). Enfin, les requérantes font grief au Tribunal d’avoir également violé l’obligation de motivation, l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 ainsi que les principes de proportionnalité et de la responsabilité personnelle, en ce qui concerne l’application d’un multiplicateur de dissuasion pour la période infractionnelle antérieure à l’acquisition de YKK
Stocko (quatrième moyen).

A – Sur le premier moyen, concernant la coopération tripartite, tiré du défaut de motivation de l’arrêt attaqué dans la fixation du montant de départ de l’amende par rapport à l’impact de l’infraction sur le marché et du non-respect du principe de proportionnalité

1. La première branche du premier moyen

15. Par cette branche, les requérantes reprochent au Tribunal de ne pas avoir dûment exposé les motifs pour lesquels il a rejeté le moyen tiré du caractère disproportionné du montant de départ de l’amende de 50 millions d’euros eu égard à la supposée absence d’impact sur le marché de l’infraction en cause. Ce défaut de motivation empêcherait les requérantes de savoir si le Tribunal a rejeté ce moyen parce que la Commission, d’une part, aurait suffisamment pris en compte l’impact de l’infraction sur
le marché ou, d’autre part, ne l’aurait pas pris en compte parce qu’elle n’avait pas l’obligation de le faire.

16. Les requérantes ajoutent que le raisonnement du Tribunal serait confus en mélangeant la qualification de l’infraction de «très grave» et le calcul du montant de départ de l’amende.

17. Je ne partage pas leur thèse.

18. Au préalable, il convient de souligner que les requérantes ont expressément abandonné l’argument «selon lequel la coopération tripartite ne pouvait pas être qualifiée, par sa nature même, de ‘très grave’ étant donné l’absence de prise en compte de l’impact par la Commission» (point 13 du pourvoi). Comme la qualification de l’infraction n’est plus en cause, le présent recours ne porte donc que sur la fixation du montant de départ de l’amende à 50 millions d’euros, que le Tribunal aurait entériné
sans s’expliquer à suffisance sur une adéquate prise en compte par la Commission de l’impact de l’infraction en cause sur le marché ou sur l’obligation qu’elle aurait ou non de prendre cet impact en considération.

19. À cet égard, je considère que le Tribunal a parfaitement expliqué pourquoi, à son estime, la Commission avait pu qualifier l’infraction en cause de «très grave» et fixer le montant de départ de l’amende à 50 millions d’euros, sans prendre en compte l’impact de cette infraction sur le marché parce qu’elle n’avait pas l’obligation de le faire.

20. Le Tribunal rappelle tout d’abord que «conformément au point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices, l’évaluation de la gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné» (point 125 de l’arrêt attaqué), mais que les trois aspects de cette évaluation «n’ont pas le même poids dans le cadre de l’examen global» (point 126 de l’arrêt attaqué). En effet, les
infractions les plus graves, comme «des accords ou des pratiques concertées visant notamment comme en l’espèce à la fixation des prix, peuvent emporter sur le seul fondement de leur nature propre, la qualification de ‘très graves’, sans qu’il soit nécessaire de caractériser de tels comportements par un impact ou une étude géographique particulière» (même point 126 de l’arrêt attaqué).

21. À propos de la prise en considération de l’impact concret sur le marché, le Tribunal poursuit son raisonnement en indiquant, au point 140 de l’arrêt attaqué, que cet impact ne doit être pris en considération que «lorsqu’il est mesurable», relevant au point 141 dudit arrêt, que la Commission n’avait pas «cherché à démontrer les effets précis de l’infraction». En effet, la Commission a clairement indiqué que, eu égard aux preuves figurant dans son dossier à propos de la coopération tripartite sur
le marché des fermetures à glissière, elle ne possédait pas suffisamment d’éléments de preuves quant à la mise en œuvre finale de l’accord d’harmonisation des prix ( 9 ) (qui était l’un des volets de l’accord et qui comprenait également des échanges d’informations sensibles et des discussions sur les augmentations de prix ( 10 )). Cela n’a cependant pas empêché la Commission, comme l’indique le Tribunal au point 142 de l’arrêt attaqué, de conclure que l’accord dans son ensemble avait
vraisemblablement eu une incidence sur le marché, même si celle‑ci avait été plus limitée ou de plus courte durée que ce qu’avaient prévu les participants ( 11 ).

22. Je considère que, sans contradiction aucune, la Commission a pu constater à la fois que l’accord dans son ensemble avait été mis en œuvre et était susceptible d’avoir eu une incidence sur le marché et ajouter que cet impact n’était toutefois pas mesurable, parce qu’il était impossible de déterminer avec une certitude suffisante les paramètres concurrentiels applicables sans les infractions, ce que le Tribunal explique clairement aux points 141 et 142 de l’arrêt attaqué.

23. Je rappelle en outre que cette motivation du Tribunal est parfaitement en accord avec la jurisprudence de la Cour. Il n’a fait en effet que rappeler «le principe selon lequel l’impact concret de l’infraction sur le marché n’est pas un critère décisif pour la détermination du montant des amendes» ( 12 ).

24. La Cour a aussi jugé dans son arrêt Carbone‑Lorraine/Commission ( 13 ) que «l’effet d’une pratique anticoncurrentielle n’est pas, en soi, un critère déterminant dans l’appréciation du montant adéquat de l’amende. En particulier, des éléments relevant de l’aspect intentionnel peuvent avoir plus d’importance que ceux relatifs auxdits effets, surtout lorsqu’il s’agit d’infractions intrinsèquement graves, telles qu’une répartition des marchés».

25. Le Tribunal a d’ailleurs jugé dans son arrêt Sachsa Verpackung/Commission ( 14 ) que «[l]’argument de la requérante selon lequel, en substance, le Tribunal devrait réduire le montant de l’amende infligée par la Commission lorsque l’impact de l’infraction sur le marché n’est pas mesurable ne saurait […] prospérer».

26. Les requérantes relèvent encore que le Tribunal n’aurait pas pris en considération en tant que grief distinct leur argumentation relative à la proportionnalité du montant de départ.

27. Il suffit d’indiquer à cet égard que cet argument sur la proportionnalité n’existe, en tout cas dans la première branche, qu’en liaison avec l’absence d’impact sur le marché ou l’obligation de tenir compte de cette éventuelle absence.

28. Je conclus donc que la première branche du premier moyen tiré de l’insuffisance de la motivation de l’arrêt attaqué devrait être rejetée.

2. La deuxième branche du premier moyen

29. Par cette branche, les requérantes soutiennent que, s’il devait ressortir de l’arrêt attaqué que la Commission a suffisamment pris en compte l’impact de l’infraction sur le marché, en statuant ainsi, le Tribunal a mal interprété la décision litigieuse et enfreint le droit de l’Union, en particulier l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1/2003, ainsi que la jurisprudence de la Cour, qui impose à la Commission, lorsqu’elle juge approprié de tenir compte de l’impact de l’infraction sur
le marché pour majorer le montant de départ de l’amende au‑delà du montant minimal envisageable de 20 millions d’euros prévu par les lignes directrices, de fournir des indices concrets, crédibles et suffisants permettant d’apprécier l’influence effective que l’infraction a pu avoir au regard de la concurrence sur ledit marché.

30. Cet argument repose clairement sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué et de la décision litigieuse.

31. En effet, comme je l’ai déjà relevé, l’évaluation du critère de gravité de l’infraction ne doit prendre en considération l’impact concret de celle‑ci sur le marché que lorsqu’il est mesurable.

32. En l’espèce, la Commission a expliqué – de la même façon que dans sa décision C(2004) 2826 ( 15 ) (qui a donné lieu à trois arrêts, à savoir les arrêts KME Germany e.a./Commission (C‑272/09 P), Chalkor/Commission, et KME Germany e.a./Commission (C‑389/10 P) ( 16 )) – qu’elle ne pouvait pas mesurer avec précision l’impact concret de la coopération tripartite (voir considérants 507 et 509 de la décision litigieuse).

33. Dès lors, de la même façon que ce fut le cas des requérantes dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt KME Germany e.a./Commission, précité, les requérantes ont mal interprété l’arrêt attaqué en déduisant «que l’impact concret de l’infraction sur le marché devait être pris en compte aux fins du calcul du montant de départ de l’amende qui leur a été infligée» ( 17 ).

34. Je suis donc d’avis que, toujours de la même façon que dans cette affaire, la Commission était en droit de conclure dans la décision litigieuse que l’infraction avait vraisemblablement eu un certain impact (non mesurable) sur le marché ( 18 ), ce qu’il ne faut évidemment pas confondre avec le constat d’un impact mesurable concret, qui n’est pas requis ( 19 ). Comme expliqué ci-dessus dans le cadre de la première branche et ainsi que la Cour l’a déjà affirmé dans ladite affaire ( 20 ), il n’est
pas contradictoire d’affirmer, d’une part, que l’impact concret n’est pas un critère décisif dans l’appréciation de la gravité et de considérer, d’autre part, que l’infraction a vraisemblablement eu un certain impact.

35. Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas fait une lecture erronée de la décision litigieuse et que cette partie de la seconde branche du premier moyen (à savoir points 17 à 22 du pourvoi) repose sur une prémisse erronée.

36. Je suis par ailleurs d’accord avec la Commission que ce raisonnement n’est pas invalidé par l’arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, précité (notamment à ses points 81 et 82), invoqué par les requérantes (voir points 23 à 30 du pourvoi).

37. La raison en est simple. Dans son arrêt Prym et Prym Consumer/Commission ( 21 ), le Tribunal a constaté que la Commission n’avait pas soutenu que l’impact concret n’était pas mesurable ( 22 ) et c’est donc à la lumière du fait que la Commission avait cherché à prendre en compte et à mesurer un impact concret que le Tribunal a jugé qu’elle n’avait pas satisfait à son obligation de motivation ( 23 ) (même si, en définitive, le Tribunal n’a pas réduit le montant de l’amende) ( 24 ).

38. Il est dès lors clair que l’arrêt de la Cour Prym et Prym Consumer/Commission, précité, n’est pas transposable à la présente affaire.

39. En tout état de cause, l’arrêt de la Cour Prym et Prym Consumer/Commission, précité (et plus particulièrement ses points 81 et 82 cités par les requérantes), ne saurait être interprété en ce sens que la constatation et la démonstration (par des moyens autres que des présomptions) d’un impact mesurable concret constituent les seules raisons légitimes d’augmenter le montant de départ au-delà du montant minimal de 20 millions d’euros.

40. Selon le point 1, A, quatrième et sixième alinéas, des lignes directrices, «[i]l sera en outre nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs d’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif» et «[d]ans le cas d’infractions impliquant plusieurs entreprises (type ‘cartel’), il pourra convenir de pondérer, dans
certains cas, les montants déterminés à l’intérieur de chacune des trois catégories retenues ci‑dessus afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature».

41. De plus, il convient de relever que dans les arrêts concernant la décision «Tubes sanitaires en cuivre», précités, le Tribunal et la Cour ont accepté un montant de départ supérieur au montant «minimal» de 20 millions d’euros (35 millions d’euros en l’occurrence) alors qu’un impact concret (mesurable) n’avait pas été pris en compte.

42. En tout état de cause, il peut être rappelé qu’«il n’appartient pas à la Cour, lorsqu’elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d’un pourvoi, de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles‑ci, du droit [de l’Union]» ( 25 ).

43. Il s’ensuit de tout ce qui précède que le Tribunal n’a pas commis d’erreur en considérant, sans avoir tenu compte d’un impact concret de l’infraction en cause sur le marché, qu’une somme de 50 millions d’euros constituait, en l’espèce, un montant de départ approprié pour l’amende. Dès lors, la seconde branche du premier moyen doit être rejetée.

3. La troisième branche du premier moyen

44. Par cette branche, les requérantes soutiennent tout d’abord que, dans l’hypothèse (à mon avis correcte par rapport à celle en cause dans la deuxième branche ci‑dessus) où il devrait ressortir de l’arrêt attaqué que la Commission n’a pas pris en compte l’impact de l’infraction sur le marché parce qu’elle n’était pas tenue de le faire, le Tribunal a appliqué de manière incorrecte le droit de l’Union en vertu duquel les sanctions prévues par le droit national et le droit de l’Union doivent non
seulement être effectives et avoir un effet dissuasif, mais également être proportionnées à l’infraction. À ce propos, les requérantes soutiennent, tout comme dans leur requête devant le Tribunal, qu’il est disproportionné de faire passer le montant minimal envisageable de 20 millions (tel que fixé pour les infractions «très graves» dans les lignes directrices) à 50 millions d’euros (soit une augmentation de 250 %) sans tenir compte de l’absence d’impact sur le marché de l’accord sur la
coopération tripartite. S’il devait en aller autrement, l’arrêt attaqué accorderait trop d’importance à la taille de l’entreprise en tant qu’élément de détermination de l’amende et contredirait ainsi les lignes directrices et la jurisprudence de la Cour.

45. Selon la Commission, les requérantes tentent de donner l’impression que le montant de 20 millions d’euros est le montant de base du calcul et que la Commission devrait expressément justifier toute «augmentation» au‑delà de ce montant, en l’espèce, de 250 % ou de 312,5 % en fonction de la seule taille de l’entreprise ( 26 ).

46. Ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, cet argument repose sur une confusion entre le «montant de départ» – fixé en fonction d’un certain nombre d’éléments spécifiques à l’affaire et liés à l’infraction, parmi lesquels la taille du marché concerné – et le classement d’un participant à l’entente dans un groupe déterminé (le «groupement») ou l’application d’un «multiplicateur de dissuasion» lors du calcul de l’amende à infliger à une entreprise particulière, stade du calcul où
intervient la prise en compte de la taille de l’entreprise.

47. En l’espèce, la valeur du marché des fermetures à glissière dépassait 400 millions d’euros (considérant 12 de la décision litigieuse) et l’infraction a été qualifiée de «très grave» compte tenu de l’ensemble des faits spécifiques et des circonstances propres au cas d’espèce. Eu égard à l’ensemble de ces éléments, le montant de départ de l’amende infligée au premier groupe d’entreprises a été fixé à 50 millions d’euros ( 27 ).

48. Étant donné que les requérantes constituaient le participant à l’entente le plus important en termes de parts du marché des fermetures à glissière, elles ont été placées dans ce premier groupe (considérant 530 de la décision litigieuse). Jusqu’à ce stade du calcul, la taille globale de l’entreprise n’entre pas en ligne de compte. Un multiplicateur de dissuasion de 1,25 a ensuite été appliqué à ce montant en raison de la taille globale considérable du groupe YKK (considérants 537 à 539 de la
décision litigieuse).

49. En tout état de cause, il convient de rappeler que c’est au Tribunal qu’il incombe d’examiner l’appréciation du caractère approprié de ces montants et que, en principe, «[i]l n’appartient pas à la Cour, lorsqu’elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d’un pourvoi, de substituer pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant dans l’exercice de sa pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par
celles-ci, du droit [de l’Union]» ( 28 ).

50. Les requérantes reprochent ensuite au Tribunal de ne pas avoir envisagé la possibilité de considérer la non‑application de leur accord comme une circonstance atténuante.

51. Il suffit de relever à cet égard, ainsi que le Tribunal l’a à juste titre déjà fait dans sa jurisprudence, que «aux fins de l’évaluation des circonstances atténuantes, dont celle relative à la non‑application des accords, il y a lieu de prendre en considération non pas les effets résultant de l’ensemble de l’infraction, qui doivent être pris en compte dans l’appréciation de l’impact concret d’une infraction sur le marché aux fins de l’évaluation de sa gravité (point 1, A, premier alinéa, des
lignes directrices), mais le comportement individuel de chaque entreprise, aux fins d’examiner la gravité relative de la participation de chaque entreprise à l’infraction» (c’est moi qui souligne) ( 29 ).

52. Dans son arrêt KME Germany e.a./Commission, précité, la Cour a confirmé l’approche du Tribunal dans la mesure où elle a jugé que «[s]’agissant du premier argument, il vise le point 127 de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal s’est référé à sa jurisprudence selon laquelle, pour bénéficier de la circonstance atténuante visée au point 3, deuxième tiret, des lignes directrices, les contrevenants doivent démontrer qu’ils ont adopté un comportement concurrentiel ou, à tout le moins, qu’ils ont
clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre l’entente, au point d’en avoir perturbé le fonctionnement, et qu’ils n’ont pas adhéré à l’accord en apparence et, de ce fait, incité d’autres entreprises à mettre en œuvre l’entente en cause» ( 30 ). Dès lors, au point 96 de cet arrêt, la Cour juge que «[l]e Tribunal n’a […] pas commis d’erreur de droit en interprétant de manière stricte les conditions requises pour bénéficier de la circonstance atténuante
visée au point 3, deuxième tiret, des lignes directrices. Or, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 128 de l’arrêt attaqué, les requérantes n’ont pas soutenu qu’elles remplissaient ces conditions. Le premier argument n’est dès lors pas fondé».

53. Comme les requérantes n’ont démontré – ni même invoqué – aucune des exigences ci-dessus afin d’établir l’existence de circonstances atténuantes, leur argument doit être rejeté.

54. Quant à la comparaison avec les affaires ayant donné lieu aux arrêts Degussa/Commission (entente dite «de Méthionine») ainsi que Prym et Prym Consumer/Commission (entente dite «des Aiguilles») ( 31 ), je considère (comme la Commission) que la présente affaire s’en distingue par le fait qu’il n’est pas question ici d’une non-application intégrale de la coopération tripartite sur le marché des fermetures à glissière pendant une période déterminée (et, d’ailleurs, relativement longue), mais
simplement de l’absence de preuves de la mise en œuvre finale d’un seul de ses éléments (l’accord d’harmonisation des prix). En outre, cette circonstance spécifique a bel et bien été prise en compte dans l’appréciation globale de la gravité.

55. En ce qui concerne les décisions C(2006) 1766 et C(2006) 5700 final ( 32 ), les requérantes ne sauraient contester que la taille des marchés en cause était globalement comparable [340 millions d’euros pour le marché du peroxyde d’hydrogène et 550 millions d’euros pour le marché combiné de caoutchouc butadiène et de caoutchouc styrène-butadiène fabriqué par polymérisation en émulsion (BR/ESBR)] à celle du marché des fermetures à glissière. En outre, le degré de mise en œuvre par les participants
et l’appréciation d’un impact probable mais non mesurable dans ces décisions en matière d’entente n’étaient pas fondamentalement différents de ceux qui caractérisent la présente affaire ( 33 ).

56. Il s’ensuit que la troisième branche du premier moyen et, partant, le premier moyen dans son ensemble doivent être rejetés.

B – Sur le deuxième moyen, relatif à la coopération tripartite, dirigé contre la motivation de l’arrêt attaqué en ce qu’il aurait refusé d’appliquer la communication sur la coopération de 2002 (première branche) et erronément interprété le principe de la lex mitior (deuxième branche)

57. Comme la Commission, je pense – en supposant même, ce que conteste la Commission, que la communication sur la coopération de 2002 puisse être considérée dans ce contexte comme une «lex mitior» par rapport à celle de 1996 – que le Tribunal a rejeté sans aucune ambiguïté – même s’il l’a fait de façon implicite (aux points 184 et suivants de l’arrêt attaqué) l’argument fondé sur le principe de la lex mitior au motif que ce grief était dénué d’objet, puisque la Commission avait accordé aux
requérantes une immunité partielle de fait en considérant comme circonstance atténuante la coopération qui avait été la leur et ne pouvait être prise en considération sur le fondement de la communication sur la coopération de 1996. Le Tribunal note que cette circonstance a donné lieu à une réduction de l’amende de 9375000 euros (point 187 de l’arrêt attaqué).

58. En outre, le Tribunal a bien expliqué en quoi les requérantes n’avaient pas respecté les exigences de la communication sur la coopération de 1996 (points 170 à 180 de l’arrêt attaqué).

59. La Commission a raison quand elle soutient que la seule question qui est pertinente ici (à la lecture de la seconde branche du deuxième moyen) est celle de savoir si le Tribunal aurait expressément dû expliquer pourquoi les requérantes n’étaient pas en droit d’obtenir, outre l’immunité partielle (de fait), un avantage supplémentaire fondé sur la communication sur la coopération de 2002, à savoir une réduction supplémentaire du montant de l’amende pour avoir fourni au sujet de la période allant
du 28 avril 1998 au 2 juin 1999 des informations ou des preuves apportant une valeur ajoutée significative (paragraphe 21 de la communication sur la coopération de 2002).

60. Sur ce point, les requérantes estiment que, en s’abstenant d’appliquer la communication sur la coopération de 2002, au lieu de la communication sur la coopération de 1996, le Tribunal a mal interprété le droit de l’Union, en particulier le principe de la lex mitior, tel que consacré par l’article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ainsi que par l’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne, en vertu duquel la loi la plus favorable doit s’appliquer rétroactivement. Puisque la communication sur la coopération de 1996, contrairement à la communication sur la coopération de 2002, faisait dépendre le bénéfice d’une réduction de l’amende de la non-contestation des faits, ce serait donc en violation du principe de la lex mitior (points 62 à 65 du pourvoi) que le bénéfice leur en a été refusé sur le fondement d’un élément qui n’était plus applicable. Les
requérantes concluent que les éléments de preuve soumis par leurs soins ont apporté une plus‑value significative à l’enquête dans la mesure où ils ont permis à la Commission de prouver que l’infraction présumée avait duré plus longtemps. En conséquence, elles auraient dû bénéficier à ce titre d’une réduction supplémentaire du montant de l’amende (outre l’immunité partielle qui leur avait été accordée pour avoir prouvé la durée prolongée de l’entente), c’est‑à‑dire un «double avantage» pour les
mêmes informations et preuves, consistant, premièrement, en une réduction et, deuxièmement, en une immunité partielle.

61. Il faut tout d’abord relever que ce n’est pas la communication sur la coopération (qu’il s’agisse de celle de 1996 ou de celle de 2002) qui constitue la base juridique des amendes infligées au titre des règles de concurrence de l’Union, mais bien l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1/2003. Ainsi que la Commission l’a, à juste titre, relevé, ce dernier n’a subi aucune modification au fil du temps et est d’ailleurs en substance identique à l’article 15 du règlement no 17 ( 34 ). Le
cadre juridique des amendes n’a donc pas été modifié sur le fond.

62. Cela étant dit, je relève, en premier lieu, que Prym et Coats avaient introduit leur première demande de clémence avant le 14 février 2002 et que, en vertu du paragraphe 28 de la communication sur la coopération de 2002 ( 35 ), c’est la communication sur la coopération de 1996 qui était et qui restait applicable ratione temporis à l’ensemble de l’entente sur le marché des fermetures à glissière.

63. En deuxième lieu, je rappelle que la Cour ( 36 ) a jugé que, «[e]n ce qui concerne la coopération d’une entreprise avec la Commission [que ce soit en vertu de la communication sur la coopération de 1996 ou de 2002 ou en tant que circonstance atténuante], […] une telle contribution peut justifier une réduction de l’amende au titre de la communication sur la coopération uniquement si elle permet effectivement à la Commission d’accomplir sa mission consistant à constater l’existence d’une
infraction et à y mettre fin».

64. Dans ce contexte, il convient de rappeler que «la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes et elle peut, à cet égard, tenir compte de multiples éléments, au nombre desquels figure la coopération des entreprises concernées lors de l’enquête conduite par les services de cette institution. Dans ce cadre, la Commission est appelée à effectuer des appréciations factuelles complexes, telles que celles qui portent sur la coopération
respective desdites entreprises» ( 37 ).

65. En troisième lieu, il ressort du dossier que les requérantes ne prétendent plus, en ne contestant pas les points 170 à 181 de l’arrêt attaqué, qu’il y aurait eu de la part de la Commission une application erronée de la communication sur la coopération de 1996.

66. En quatrième lieu, il importe de souligner que les exigences qualitatives des communications sur la coopération de 1996 et de 2002 sont globalement comparables (cette communication de 2002 n’est en tout cas pas moins rigoureuse que celle de 1996 ( 38 )), de sorte que le non-respect des conditions imposées par la communication sur la coopération de 1996 – particulièrement la circonstance que les requérantes aient contesté les faits – entraîne ipso facto le non‑respect des exigences similaires
contenues dans ladite communication de 2002.

67. Comme l’écrit la Commission, indépendamment de l’immunité partielle qui n’est plus contestée, il n’est nullement établi que, comme les requérantes le prétendent (voir point 56 du pourvoi), la communication sur la coopération de 2002 leur serait plus favorable que celle de 1996.

68. Les requérantes tentent d’argumenter en substance que lorsqu’une entreprise fournit des éléments de preuve sur une période infractionnelle déterminée et permet ainsi à la Commission de prolonger la durée de l’entente, elle doit bénéficier non seulement de l’immunité partielle pour cette période, mais également d’un avantage supplémentaire, à savoir un pourcentage de réduction pour l’infraction qu’elle a commise.

69. Outre que toute double récompense me paraît exclue, je ne pense pas tout d’abord qu’une telle thèse soit compatible avec la finalité générale des réductions accordées au titre de la coopération. En effet, une entreprise ne devrait pas être récompensée pour avoir aidé la Commission à établir l’existence de l’infraction si elle n’a pas apporté la moindre valeur ajoutée à l’enquête de la Commission relative à la période pour laquelle sa responsabilité est engagée (à savoir la période postérieure à
celle pour laquelle elle a obtenu l’immunité partielle).

70. En réalité, les requérantes demandent l’application d’un principe ne bis in idem inversé, à savoir une réduction de l’amende pour avoir apporté une valeur ajoutée à l’enquête de la Commission et une immunité pour les faits qu’elles auraient révélés!

71. Il me semble que les mêmes informations ne peuvent être récompensées à la fois au titre de la communication sur la coopération (pour obtenir un pourcentage de réduction) et en dehors du cadre de celle‑ci (pour obtenir l’immunité partielle en tant que circonstance atténuante au titre de la coopération hors clémence) ( 39 ).

72. Par ailleurs, je ne pense pas que les requérantes puissent à ce sujet invoquer utilement les précédents.

73. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt FRA.BO/Commission ( 40 ) (entente dite «des Raccords»), l’immunité partielle n’a pas été combinée à une réduction au titre de la clémence pour la même coopération, car c’est pour une coopération relative à deux périodes différentes que FRA.BO SpA a obtenu une réduction au titre de la clémence (pour la période antérieure à l’année 2001) et une immunité partielle au titre de la coopération hors clémence (pour une autre période, comprise entre l’année 2001
et l’année 2004).

74. Contrairement à ce que prétendent les requérantes, le Tribunal a clairement affirmé qu’il ne pouvait y avoir de récompense cumulative ( 41 ). En tout état de cause, il peut être ajouté que, contrairement à FRA.BO SpA, les requérantes ont ici contesté les faits relatifs à la coopération tripartite sur le marché des fermetures à glissière postérieure au 2 juin 1999 ainsi que leur qualification juridique d’infraction.

75. Enfin, je ne pense pas que les informations fournies à la Commission par les requérantes aient apporté à son enquête une valeur ajoutée significative au sens du paragraphe 21 de la communication sur la coopération de 2002.

76. En ce qui concerne la période antérieure au 2 juin 1999, force est de constater que cette coopération a été récompensée par l’immunité partielle (de fait) et que rien ne justifie l’octroi d’une double récompense. Quant aux faits postérieurs à cette date, les requérantes les ont contestés.

77. Dès lors, je pense que c’est à juste titre que le Tribunal a estimé que la coopération des requérantes, pour la période antérieure au 2 juin 1999, n’avait pas aidé la Commission à établir les faits et l’infraction pour la période postérieure à cette date. Cette appréciation est valable, que ce soit au regard de la communication sur la coopération de 1996 ou sur le fondement des critères énoncés dans la communication sur la coopération de 2002.

78. Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

C – Sur le troisième moyen, concernant la coopération BWA et relatif à l’application incorrecte du plafond de 10 % du chiffre d’affaires pour la période précédant l’acquisition de YKK Stocko par YKK Holding

79. Au titre de leur troisième moyen, les requérantes font valoir que, en rejetant leur moyen tiré de l’application incorrecte du plafond de 10 % pour la période précédant l’acquisition de YKK Stocko par YKK Holding – période au cours de laquelle YKK Stocko est considérée comme exclusivement responsable –, le Tribunal a enfreint l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, ainsi que les principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et d’individualité des peines.

80. En fait, la partie de l’amende relative à la période initiale de l’infraction s’élève à 19,25 millions d’euros, ce qui représente 55 % du chiffre d’affaires total de YKK Stocko en 2006 (qui était de 34,91 millions d’euros), soit considérablement plus que le plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003.

81. La Commission rétorque que cet argument repose sur une compréhension juridiquement erronée de la finalité du plafond de 10 % visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 qui impliquerait que lorsque la structure d’une entreprise évolue (à la suite de l’acquisition d’une filiale par une société mère, par exemple), une amende distincte devrait être calculée pour chacune des périodes successives de cette évolution (avant et après l’acquisition, par exemple).

82. La Commission prétend que, au contraire, une amende unique doit être imposée, car la limite prévue à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 serait non pas un élément de l’amende lié au comportement collusoire au cours de la période infractionnelle, mais un maximum légal lié à la capacité financière de payer l’amende et visant principalement à protéger l’entreprise contre l’imposition d’une amende excessive, compte tenu de sa taille. Ce qui importerait, c’est donc la puissance
économique de l’entreprise (dont le chiffre d’affaires global donne une indication) telle qu’elle existe lors de l’adoption de la décision infligeant l’amende. Ces considérations seraient les seules susceptibles d’expliquer pourquoi la disposition en cause fait expressément référence à ce moment pour le calcul du plafond de 10 %. Par conséquent, le fait que l’entreprise ait eu une moindre capacité financière à un moment du passé, par exemple avant son acquisition par une autre société, comme
dans le cas d’espèce, serait dénué de pertinence.

83. La Commission ajoute que, même si la société mère décide de n’apporter aucun soutien financier à la filiale en ce qui concerne la partie de l’amende pour laquelle cette dernière est tenue pour seule responsable, ce qui pourrait menacer la viabilité de la filiale, il ne s’agirait là que de la réalisation d’un risque d’investissement de la société mère, lié à une personne morale (la filiale) qui, avant (mais également après) l’acquisition, a adopté un comportement anticoncurrentiel passible
d’amendes. En acquérant le contrôle sur la filiale, la société mère assume ce risque, qu’elle peut néanmoins limiter en prévoyant un dédommagement dans le contrat de vente conclu avec le titulaire initial.

84. En résumé, pour la Commission, seule l’entreprise responsable au cours des dernières phases de l’infraction et lors de l’adoption de la décision finale est l’entité de référence adéquate pour l’appréciation des questions de responsabilité et d’effet dissuasif, pour autant que la Commission établisse que cette entreprise (c’est‑à‑dire l’entité qui comprend les nouvelles sociétés mères) ait elle‑même participé à l’infraction. Pour ces mêmes raisons, la Commission soutient que les requérantes ne
sauraient utilement faire valoir que l’amende a été infligée en violation du principe de proportionnalité ou d’égalité de traitement.

85. Ainsi que je l’ai indiqué dans l’introduction des présentes conclusions, ce moyen soulève une importante question de droit de la concurrence qui n’a pas encore été tranchée par la Cour, à savoir la détermination du plafond légal de l’amende, au sens de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, dans le cas de responsabilités successives dans le cadre de la même entente, et plus précisément lorsqu’une entité participant à l’infraction passe sous le contrôle d’une autre entreprise pendant
la durée de l’entente.

86. Ladite disposition du règlement no 1/2003 prévoit que «[p]our chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent» (c’est moi qui souligne).

87. La Cour est dès lors appelée à interpréter pour la première fois la notion d’«entreprise participant à l’infraction», au titre de l’article 23, paragraphe 2, de ce règlement – et cela notamment à la lumière du principe de la responsabilité personnelle (à savoir que les sanctions doivent être spécifiques au délinquant ainsi qu’au délit) – dans une situation où l’entreprise en cause a été tenue pour une période déterminée seule responsable du paiement d’une partie de l’amende et a été par la suite
acquise par une autre entreprise.

88. Il faut noter ici que cette question s’était également posée récemment devant la Cour dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Gascogne Sack Deutschland/Commission, précité. Cette question a d’ailleurs été traitée de façon approfondie par l’avocat général Sharpston dans ses conclusions qu’elle a présentées dans ladite affaire. Dans l’attente de l’arrêt de la grande chambre à venir (qui a été prononcé le 26 novembre 2013), les conclusions de Mme l’avocat général ont été très naturellement au
cœur du débat lors de l’audience dans la présente affaire le 16 octobre 2013 ( 42 ).

89. Malheureusement, la grande chambre n’a pas tranché la question en rejetant les arguments s’y rapportant comme irrecevables. C’est d’autant plus dommage que la Cour n’avait jamais eu à interpréter l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 dans des circonstances telles que celles de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Gascogne Sack Deutschland/Commission, précité, (ou celles de la présente affaire) et que la pratique de la Commission ainsi que la jurisprudence du Tribunal y afférente ne
sont pas uniformes, avec les conséquences que l’on devine sur la sécurité juridique.

90. Je vais repartir du raisonnement de Mme l’avocat général dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Gascogne Sack Deutschland/Commission, précité.

91. Premièrement, ainsi qu’elle indique au point 83 de ses conclusions, «l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003 dispose que, ‘[p]our chaque entreprise […] participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent’. Le Tribunal n’a rien constaté expressément lui‑même, mais s’est implicitement rangé à l’avis de la Commission, qui, dans la décision a considéré que [Gascogne Sack Deutschland (GSD)]
était entièrement responsable de l’infraction pour la période antérieure à son acquisition par le Groupe Gascogne […]. GSD est l’entreprise qui a participé à l’infraction pour la période comprise entre le 9 février 1988 et le 1er janvier 1994. Par conséquent, c’est elle et elle seule qui est l’‘entreprise’ relevant du champ de l’application de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 pour l’infraction commise durant cette période». De plus, au point 84 de ses conclusions, elle
mentionne que, «[p]our la période suivante, comprise entre le 1er janvier 1994 et le 26 juin 2002, l’‘entreprise’ participant à l’infraction était à la fois le Groupe Gascogne (en raison de la présomption d’influence décisive) et GSD (qui agissait sur le terrain). Par conséquent, les deux sociétés sont conjointement et solidairement responsables pour cette période».

92. Deuxièmement, au point 85 desdites conclusions, elle note que «lorsque l’identité du coupable change au cours de la période d’infraction parce qu’il est entièrement racheté par une société qui devient sa société mère, le terme ‘entreprise’ qui figure à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003 a un spectre suffisamment large pour couvrir pareille ‘géométrie variable’».

93. Troisièmement, selon le point 86 de ces conclusions, «bien que l’amende sanctionne des actions que la filiale a commises dans le passé, l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 exige, pour le calcul du plafond de 10 %, que le point de référence retenu soit la date de la décision de la Commission. À cet égard, la position d’une filiale ne diffère pas de celle de n’importe quelle autre entreprise dans la mesure où le plafond de 10 % est calculé sur la base du chiffre d’affaires réalisé
au cours de l’exercice social précédent la décision de la Commission sanctionnant une infraction. Par conséquent, il est important que le chiffre d’affaires de la filiale soit considéré séparément de celui de sa société mère et que le plafond de 10 % appliqué à cette filiale pour le calcul d’une amende infligée pour une période antérieure à son acquisition par la société mère soit déterminé sur la base de son seul chiffre d’affaires».

94. Quatrièmement, ainsi que l’avocat général Sharpston le précise au point 87 de ses conclusions, «une telle interprétation […] paraît plus conforme aux objectifs de l’article 23, paragraphe 2, que l’approche retenue par la Commission [dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Gascogne Sack Deutschland/Commission, précité, tout comme celle en cause ici]. Le plafond de 10 % a pour objet de protéger une entreprise contre toute amende excessive qui la ruinerait ( 43 ). Calculer le montant de l’amende
infligée à une filiale coupable d’une infraction dont elle est entièrement responsable dans les limites d’un plafond calculé sur la base du chiffre d’affaires mondial du groupe dont elle fait partie entraînera plus que probablement un montant plus élevé (dès lors qu’un montant égal à 10 % du chiffre d’affaires mondial d’un groupe de sociétés sera normalement supérieur à un montant égal à 10 % du chiffre d’affaires d’une seule filiale). Cette méthode de calcul entraînera donc une amende plus
élevée que si le plafond de 10 % était calculé sur la base du seul chiffre d’affaires de la filiale».

95. L’avocat général Sharpston ajoute au point 89 de ses conclusions que «dans des circonstances telles que celles de l’espèce, le principe de la responsabilité personnelle corrobore la décision qu’a prise la Commission de répartir la responsabilité différemment pour la période antérieure et pour la période postérieure à l’acquisition de la filiale par sa société mère ( 44 ). C’est parce que le comportement anticoncurrentiel dont la filiale s’est rendue coupable durant la première période se situe
avant qu’elle et sa société mère constituent la même entreprise que cette dernière n’est pas tenue pour conjointement et solidairement responsable de l’infraction pour cette première période. Toutefois, si l’on raisonne par analogie, il me paraît difficilement justifiable de tenir compte du chiffre d’affaires mondial du groupe pour calculer le plafond de 10 % applicable à une amende que seule la filiale doit payer, amende qui lui a été infligée pour une infraction que la société mère n’a pas
commise et qui ne lui a pas été imputée pour la période en question».

96. Je partage les conclusions de l’avocat général Sharpston sur ce point pour les raisons suivantes.

1. La notion d’«entreprise», au sens de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003

97. Tout d’abord, la notion d’«entreprise», au sens de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, doit coïncider avec celle de l’entreprise responsable au titre de l’article 81 CE.

98. Je relève que la Commission a considéré que YKK Stocko était seule responsable pour le paiement d’une partie de l’amende, à savoir 19250000 euros. En effet, par les articles 1er, paragraphe 1, et 2, paragraphe 1, de la décision litigieuse, une amende de 68250000 euros a été imposée à YKK Stocko, dont YKK Corp. et YKK Holding sont tenues pour conjointement et solidairement responsables du paiement à concurrence de 49000000 euros. Les 19250000 euros correspondent donc à environ 55 % du chiffre
d’affaires de YKK Stocko en 2006 ( 45 ).

99. La décision litigieuse révèle clairement que la Commission a tenu YKK Stocko exclusivement responsable du paiement de cette partie de l’amende, c’était parce que YKK Stocko était également considérée comme seule responsable pour une partie de la période pendant laquelle ont été constatées les infractions commises dans le cadre de la coopération BWA.

100. Le considérant 429 de la décision litigieuse indique que YKK Corp., YKK Holding et YKK Stocko «doivent être tenues pour solidairement responsables des infractions commises dans le cadre de la coopération [BWA] décrite au point 4.2 de la présente décision, et ce, dès le moment où [YKK Stocko] est devenue une filiale intégralement détenue par [YKK Holding] et, partant, par [YKK Corp.], c’est‑à‑dire entre le mois de mars 1997 et le 15 mars 2001. [YKK Stocko] doit être tenue pour responsable
pendant toute la période de sa participation à la coopération [BWA], c’est-à-dire du 24 mai 1991 au 15 mars 2001» (c’est moi qui souligne).

101. Ensuite, à la note 586 de la décision litigieuse, concernant la détermination de l’amende, sous le titre «majoration des amendes en fonction de la durée», la Commission constate que «le montant de départ majoré de 40 % concerne la période pour laquelle [YKK Stocko], [YKK Holding] et [YKK Corp.] sont tenues conjointement et solidairement responsables [à savoir quatre ans]. Le reste de la majoration en pourcentage concerne la période pour laquelle [YKK Stocko] est tenue exclusivement
responsable» ( 46 ) (à savoir les 55 % restants, soit cinq ans et neuf mois).

102. La Commission a donc correctement réparti les responsabilités de chaque entreprise, étant donné que, avant le mois de mars 1997 (date d’acquisition de YKK Stocko par YKK Holding), YKK Stocko et le groupe YKK étaient deux sociétés distinctes, constituant ainsi deux «entités économiques» ou entreprises au sens de l’article 81 CE et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 ( 47 ).

103. Comme pour les premiers cinq ans et demi de la coopération BWA (et pour le paiement d’une partie de l’amende), la Commission a tenu YKK Stocko pour seule responsable, cela implique nécessairement qu’elle était «une même unité économique» (une entité économique autonome) pendant cette période-là.

104. Sur cette base, au lieu de calculer le plafond de 10 % sur la base du chiffre d’affaires de la plus grosse des deux entreprises (celle née en 1997 du rachat de YKK Stocko par le groupe YKK), la Commission aurait dû logiquement appliquer deux plafonds de 10 % distincts.

105. En effet, l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 exige que «[p]our chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent» (c’est moi qui souligne).

106. La Cour a précisé ( 48 ) que «[la] limite [de 10 % relative au chiffre d’affaires prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003] vise [justement] à éviter que les amendes [infligées par la Commission] soient disproportionnées par rapport à l’importance de l’entreprise» et que «[le] montant [de l’amende peut] être porté à 10 % du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l’infraction» (c’est moi qui souligne).

107. En effet, en interprétant ledit article, il faut garder à l’esprit le lien fondamental entre la responsabilité et l’amende. Je suis d’avis que cette disposition impose, d’une part, que seul le chiffre d’affaires de l’entreprise tenue responsable puisse être pris en considération aux fins du calcul du plafond de 10 % et, d’autre part, que dans une affaire où différentes entreprises ont successivement participé à une entente, le plafond de 10 % soit calculé sur leurs chiffres d’affaires
respectifs.

108. Je relève par ailleurs que la pratique décisionnelle de la Commission à cet égard n’est pas constante.

109. En effet, dans d’autres décisions, la Commission a déjà appliqué des plafonds de 10 % différents selon la période infractionnelle en cause.

110. Ainsi, dans sa décision 2005/349/CE ( 49 ) (ci-après la «décision ‘peroxydes organiques’», la Commission a calculé les 10 % sur le chiffre d’affaires des filiales pour la période pendant laquelle elles furent considérées exclusivement responsables, alors que pour la période de la responsabilité conjointe de la société mère et des filiales, elle s’est fondée sur le chiffre d’affaires du groupe.

111. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Gascogne Sack Deutschland/Commission, précité, l’avocat général Sharpston a d’ailleurs considéré que «pour [sa] part, […] l’approche que la Commission avait adoptée dans la décision peroxydes organiques est plus conforme au libellé et aux objectifs de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 que celle qu’elle a utilisée dans la présente affaire».

112. En 2011, la Commission a suivi la même approche dans une décision ( 50 ) (ci-après la «décision ‘acier de précontrainte’».

113. Dans cette décision, la Commission a implicitement reconnu le bien-fondé du moyen invoqué par les requérantes en l’espèce (à savoir le moyen tiré de l’application incorrecte du plafond de 10 %) et a modifié sa décision initiale en réduisant les amendes infligées à plusieurs entités dont la responsabilité exclusive avait été constatée pendant la période antérieure à leur acquisition par le groupe. La Commission a procédé à cette réduction «afin de garantir que le niveau des amendes fixées
n’était pas disproportionné par rapport à la taille et au chiffre d’affaires des entreprises en cause. [...] La Commission a réduit les amendes infligées à un montant équivalant à 10 % du chiffre d’affaires des personnes morales en cause» (c’est moi qui souligne) ( 51 ).

114. La pratique variable de la Commission démontre au moins qu’elle n’a aucune raison de principe de décider comme elle l’a fait dans le présent dossier. De plus, les arguments qu’elle avance pour appliquer plutôt un seul que deux plafonds distincts de 10 % ne sont guère convaincants.

115. Lors de l’audience, la Commission a fait état de ce que dans les affaires concernant les décisions «peroxydes organiques» et «acier de précontrainte», la société mère n’était conjointement et solidairement responsable que respectivement pour sept des vingt‑sept et trois des dix‑sept ans qu’avait durés l’infraction, suggérant que les chiffres correspondants dans la présente affaire, à savoir quatre années sur neuf ans et neuf mois d’infraction commandaient une autre approche.

116. Outre la difficulté de déterminer où tracer pareille frontière chiffrée, je ne vois aucune raison de principe (ni aucune motivation dans le présent dossier) de s’écarter de l’application de deux plafonds de 10 % distincts, qu’impose à mon avis une interprétation correcte de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.

117. Les autres arguments invoqués par la Commission (à savoir la complexité des calculs ou les risques d’abus) ne me paraissent pas non plus pouvoir résister à l’analyse qui précède. Pourquoi les calculs seraient-ils plus complexes dans ce dossier que dans les décisions «peroxydes organiques» et «acier de précontrainte»? ( 52 ) Quant au risque que la société mère ou acquéreuse diminue artificiellement le chiffre d’affaires de la filiale responsable, la Commission n’en a pas fait mention dans la
décision litigieuse ni apporté dans le dossier en cause le moindre début de commencement de preuve.

118. Il ressort de ce qui précède que le Tribunal a méconnu l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 parce que seule la filiale (YKK Stocko) aurait dû être considérée comme l’«entreprise participant à l’infraction» pour la première période et que dès lors son chiffre d’affaires et non celui du groupe devait être pris en compte pour le calcul du plafond de 10 %.

2. Le principe de responsabilité personnelle et d’individualisation des sanctions

119. Je pense ensuite que l’approche adoptée par la Commission et le Tribunal dans la présente affaire va à l’encontre du principe de responsabilité personnelle et d’individualisation des sanctions.

120. Il est clair que la Commission ne peut condamner une entreprise à payer une amende que si elle est en mesure d’établir que cette entreprise a commis une infraction au sens de l’article 81 CE ou y a participé. Le lien logique et juridique entre la faute et la responsabilité, d’une part, et la pénalité, d’autre part, implique nécessairement qu’une amende doit être déterminée par rapport à l’entreprise responsable (c’est-à-dire l’entreprise ayant participé à l’infraction).

121. Selon ce principe de base qui fait l’objet d’une jurisprudence constante et qui, en tout état de cause, s’applique à toute procédure administrative susceptible de donner lieu à des sanctions au titre des règles de concurrence de l’Union, une entreprise ne peut être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés ( 53 ).

122. Les sanctions doivent être individualisées en ce sens qu’elles doivent se rapporter aux comportements et aux caractéristiques propres aux entreprises concernées ( 54 ).

123. En outre, il incombe, en principe, à la personne physique ou morale qui dirigeait l’entreprise en cause au moment où l’infraction a été commise de répondre de celle-ci, même si, au jour de l’adoption de la décision constatant l’infraction, l’exploitation de l’entreprise n’est plus placée sous sa responsabilité ( 55 ).

124. Plus particulièrement, la Cour a déjà eu l’occasion de juger qu’une société acquéreuse ne peut pas être tenue pour responsable des infractions commises à titre indépendant par deux de ses filiales avant leur acquisition, ces filiales devant répondre elles-mêmes de leur comportement infractionnel antérieur à leur acquisition par la société acquéreuse, sans que celle-ci puisse en être tenue pour responsable ( 56 ).

125. La Cour a confirmé à plusieurs reprises que «[l]orsqu’une […] entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction» ( 57 ).

126. Dès lors, il résulte de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 (en vertu duquel la Commission peut uniquement infliger une amende aux entreprises qu’elle tient pour responsables) et du principe fondamental d’individualité des peines et des sanctions que l’imposition d’une amende est subordonnée à la reconnaissance de la responsabilité de l’entreprise (que cette responsabilité soit directe ou imputée) et que le niveau de l’amende visant à sanctionner la participation de l’entreprise
à l’infraction doit être déterminé en fonction de cette responsabilité. À mon avis, ce principe s’applique au calcul du plafond de 10 % du chiffre d’affaires que ne peut dépasser l’amende.

127. Autrement dit, lorsque, comme cela est le cas en l’espèce, l’infraction est, pour une certaine période, attribuée à une filiale et non à la société mère, seul le chiffre d’affaires de la filiale responsable est pertinent aux fins du calcul du plafond de 10 %.

128. Dans son arrêt Hoek Loos/Commission ( 58 ), le Tribunal a jugé que «la Commission doit, aux fins de l’application du plafond de 10 %, tenir compte du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée, à savoir l’entreprise qui s’est vu imputer l’infraction et qui, de ce fait, a été déclarée responsable et s’est vu notifier la décision infligeant l’amende» (c’est moi qui souligne).

129. En gardant à l’esprit que l’objectif du plafond de 10 % est de veiller à ce que l’amende ne dépasse pas la capacité de paiement de l’entreprise coupable d’une infraction au droit de la concurrence, prendre le chiffre d’affaires total du groupe pour calculer ce plafond dans le cas et pour la période où l’infraction a uniquement été commise par une filiale avant son intégration dans le groupe a pour conséquence soit de la priver de la protection voulue par l’instauration de ce plafond, soit
d’infliger une sanction à la nouvelle société mère (pourtant non responsable de l’infraction), si la filiale n’est pas en mesure de payer l’amende, exactement comme si le groupe avait été considéré solidairement responsable de la totalité de l’infraction ( 59 ).

130. Lors de l’audience, la Commission a indiqué qu’elle aurait calculé le plafond de 10 % sur le chiffre d’affaires de la seule entreprise YKK Stocko si les autres entreprises du groupe n’avaient nullement participé à l’infraction après l’intégration de YKK Stocko dans le groupe. Je ne vois pas en quoi le fait que les autres entreprises du groupe soient ou non coauteurs de l’infraction après l’intégration de YKK Stocko peut modifier le calcul de l’amende pour la période où YKK Stocko était
indépendante et, de ce fait, exclusivement responsable de l’infraction commise à cette époque.

131. Lors de l’audience encore, la Commission a invoqué l’arrêt du Tribunal Tokai Carbon e.a./Commission ( 60 ) pour désavouer l’approche qu’elle avait adoptée dans les décisions «peroxydes organiques» ou «acier de précontrainte» et lui préférer celle qu’elle a utilisée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Gascogne Sack Deutschland/Commission, précité, ou la présente affaire.

132. Or, ainsi que l’avocat général Sharpston l’a expliqué dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Gascogne Sack Deutschland/Commission, précité (au point 77 de ses conclusions), l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, précité, concernait une situation nettement différente, voire inverse. Si, au moment de l’infraction en cause dans cette affaire, la société mère et la filiale faisaient partie de la même entreprise, leur relation avait changé dans l’année à prendre en
considération pour le calcul du plafond de 10 %. À ce moment-là, la société mère n’était plus responsable de son ancienne filiale, puisqu’elles étaient devenues des sociétés sœurs. Les deux sociétés ont été déclarées conjointement et solidairement responsables pour la période de l’infraction, mais la décision a été adressée séparément à l’ancienne filiale et à l’ancienne société mère, le plafond de 10 % s’appliquant à chacune des destinataires ( 61 ).

133. Ledit arrêt du Tribunal n’a donc pas respecté le principe de responsabilité personnelle et d’individualité des sanctions dans l’application du plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.

3. Les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité

134. Je pense enfin que les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité ne sont pas respectés par l’approche de la Commission confirmée par le Tribunal.

135. Selon la jurisprudence de la Cour, le principe d’égalité de traitement requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié ( 62 ).

136. Or, l’arrêt attaqué traite différemment des situations égales, puisque deux entreprises qui seraient reconnues chacune comme exclusivement responsable de la même infraction seraient traitées de manière différente au seul motif que l’une d’entre elles aurait été ultérieurement acquise par un groupe d’entreprises.

137. En outre, la ratio legis de la disposition en cause (à savoir l’interdiction d’amendes excessives par rapport à la taille et au chiffre d’affaires de l’entreprise en cause) ainsi que le principe fondamental de proportionnalité qui la sous-tend ne permettent pas de justifier objectivement la différence de traitement de situations égales.

138. Dans l’arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, la Cour a jugé que le plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 est «une limite, uniformément applicable à toutes les entreprises et articulée en fonction de la taille de chacune d’elles, visant à éviter des amendes d’un niveau excessif et disproportionné. Cette limite supérieure a ainsi un objectif distinct et autonome par rapport à celui des critères de gravité et de durée de l’infraction» ( 63 ).

139. De même, dans l’arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, précité, le Tribunal a jugé au point 389 que «le plafond tend, notamment, à protéger les entreprises contre un niveau excessif d’amende qui pourrait détruire leur substance économique». En d’autres termes, le plafond de 10 % vise à assurer que le niveau de la pénalité ne compromette pas la viabilité de l’entreprise responsable.

140. Enfin, j’estime, comme les requérantes, que les arrêts invoqués par le Tribunal pour rejeter leur moyen (à savoir ses arrêts HFB e.a./Commission ( 64 ) ainsi que Tokai Carbon e.a./Commission, précité) ne sont pas pertinents et que le Tribunal a mal apprécié la pertinence de l’arrêt de la Cour Cascades/Commission, précité.

141. En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt HFB e.a./Commission, précité, la Commission avait tenu pour solidairement responsables plusieurs personnes morales appartenant à une entité économique qualifiée d’entreprise. Ainsi, n’étant pas saisi d’une affaire dans laquelle une de ces entreprises était tenue pour seule responsable d’une infraction pour la période antérieure à son intégration dans un groupe, le Tribunal n’a par conséquent pas examiné dans l’arrêt HFB e.a./Commission,
précité, si deux plafonds de 10 % devaient être pris en compte.

142. De plus, bien loin de venir à l’appui du raisonnement de la Commission, la référence au point 390 de l’arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, précité (voir point 193 de l’arrêt attaqué), confirme au contraire l’argument des requérantes. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêtTokai Carbon e.a./Commission, précité, tous les destinataires de la décision de la Commission avaient été considérés comme solidairement responsables pendant toute la durée de l’infraction. Dans ce contexte, le Tribunal a
déclaré que «l’objectif poursuivi par l’introduction du plafond de 10 % ne peut être réalisé que si ce plafond est appliqué, dans un premier temps, à chaque destinataire séparé de la décision infligeant l’amende» et que «[c]e n’est que s’il s’avère, dans un second temps, que plusieurs destinataires constituent l’‘entreprise’ au sens de l’entité économique responsable de l’infraction sanctionnée [...] que le plafond peut être calculé sur la base du chiffre d’affaires global de cette entreprise»
(c’est moi qui souligne). Ainsi, l’arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, précité, confirme que, dans le cas où une entreprise est seule responsable d’une infraction pour la période antérieure à son acquisition par un groupe plus large, le plafond de 10 % doit être calculé sur la base du chiffre d’affaires de l’entreprise en cause, et non du groupe auquel elle appartient à la date de l’adoption de la décision (les autres personnes morales appartenant à ce groupe n’étant nullement responsables de
l’infraction).

143. En outre, je suis d’avis, comme les requérantes, que le Tribunal a commis une erreur de droit en affirmant sans plus d’explications au point 194 de l’arrêt attaqué qu’elles ne pouvaient invoquer l’arrêt Cascades/Commission, précité ( 65 ), «dans la mesure où YKK Holding et YKK Corp. ne sont pas tenues pour responsables du paiement de la totalité de l’amende d’YKK Stocko». Au contraire, comme je l’ai déjà relevé au point 124 des présentes conclusions, l’arrêt Cascades/Commission, précité, est
pertinent étant donné qu’il précise qu’une filiale doit répondre des infractions commises avant son acquisition, la nouvelle société mère ne pouvant pas être tenue pour responsable. La filiale est donc tenue, seule, de payer l’amende qui lui a été infligée en tant qu’entité économique distincte.

144. Il s’ensuit de tout ce qui précède que le troisième moyen est fondé en tant que le Tribunal a mal interprété l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 et violé les principes généraux de responsabilité personnelle et d’individualité des sanctions, de proportionnalité et d’égalité de traitement. Partant, l’amende infligée à YKK Stocko pour la coopération BWA doit être plafonnée à 3,491 millions d’euros, qui représentent 10 % du chiffre d’affaires qu’elle a réalisé au cours de l’exercice
social de l’année précédant l’adoption de la décision litigieuse.

145. Par ailleurs, les requérantes ont demandé à pouvoir bénéficier – sur le montant révisé de 10 % de leur chiffre d’affaires – de la réduction de 20 % au titre de la clémence qui avait été accordée par la Commission au groupe YKK, qui l’avait demandée au nom de toutes les requérantes (voir considérants 657 à 664 de la décision litigieuse). Je considère que le fait que le plafond de 10 % ait dû être autrement calculé ne change rien à l’application d’une réduction au titre de la clémence et qu’il
s’impose dès lors de faire droit à la demande des requérantes, que la Commission n’a d’ailleurs pas contestée – même pas à titre subsidiaire – dans ses écritures ou lors de l’audience, et ce ni devant le Tribunal ni devant la Cour. C’est d’autant plus logique que, sous l’empire des lignes directrices de 1998, la pratique de la Commission ( 66 ) était d’appliquer la réduction au titre de la clémence (sixième étape) après vérification du non-dépassement du plafond de 10 % (ce qui correspond à la
cinquième étape du processus). Il convient donc d’appliquer ladite réduction de 20 % au titre de la clémence au montant révisé. Dès lors, le montant de l’amende infligée à YKK Stocko est de 2792800 euros.

D – Sur le quatrième moyen, concernant la coopération BWA et relatif à l’application d’un multiplicateur de dissuasion pour la période antérieure à l’acquisition de YKK Stocko

146. Dans le cadre de leur quatrième moyen, les requérantes observent, d’une part, que le Tribunal n’a pas dûment exposé les motifs pour lesquels il a rejeté leur moyen tiré de l’application incorrecte du coefficient multiplicateur pour la période précédant l’acquisition de YKK Stocko. Elles estiment, d’autre part, que le Tribunal a, en tout état de cause, enfreint l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, le principe de proportionnalité, le principe d’individualité des peines et des
sanctions ainsi que le principe d’égalité de traitement, en considérant qu’une augmentation de l’effet dissuasif était justifiée pour la période antérieure à l’acquisition de YKK Stocko par YKK Holding (période au cours de laquelle YKK Stocko est considérée comme exclusivement responsable).

147. La Commission conteste cette argumentation. S’agissant du prétendu défaut de motivation, elle souligne, en particulier, que le point 114 du pourvoi fait apparaître que les requérantes ont parfaitement compris le raisonnement du Tribunal, figurant, notamment, au point 204 de l’arrêt attaqué, suivant lequel l’élément qui entre en ligne de compte aux fins de l’effet de dissuasion est la capacité économique de l’entreprise concernée, telle qu’elle existe lors de l’adoption d’une décision infligeant
une amende. S’agissant des arguments sur le fond, la Commission explique que le multiplicateur de dissuasion n’avait pas été imposé pour une durée particulière, par exemple, pour la période pour laquelle YKK Stocko a été tenue pour seule responsable, mais s’est appliqué au montant de départ commun à l’ensemble du groupe YKK (y compris YKK Stocko) qui avait été fixé pour l’infraction dans son ensemble. Elle ajoute que l’effet dissuasif qu’il importe d’assurer concerne l’impact sur l’entité
économique unique (entreprise) telle qu’elle existe lors de l’adoption de la décision infligeant les amendes. Or, à la date de l’adoption de la décision (et, en fait, quatre années avant la fin de l’infraction déjà), l’entreprise responsable s’était agrandie, puisqu’elle avait intégré non seulement YKK Stocko, mais également ses deux sociétés mères. Après son acquisition par YKK Holding et YKK Corp., YKK Stocko ne pouvait plus être considérée isolément aux fins d’apprécier l’impact de l’amende,
même pas pour les parties de l’amende dont elle seule était tenue au paiement.

148. Je suis d’avis que les mêmes considérations que celles avancées dans mes conclusions à propos du troisième moyen devraient, mutatis mutandis, s’appliquer ici.

149. Comme les requérantes l’indiquent à juste titre, la jurisprudence de l’Union a dégagé deux raisons pour lesquelles un coefficient multiplicateur dissuasif peut être appliqué, à savoir, premièrement, la nécessité d’assurer un effet significatif à l’amende, y compris pour les entreprises disposant de larges ressources financières à la date de l’adoption de la décision, et, deuxièmement, le fait que les grandes entreprises ont pu disposer, au cours de la période infractionnelle ( 67 ), de
ressources supérieures à celles de leurs concurrents et ont donc pu se trouver en meilleure place qu’eux pour connaître le droit et agir dans les limites qu’il impose.

150. Cela implique que la Commission ne peut prendre en compte que les ressources et les moyens financiers de l’entreprise qu’elle juge responsable d’une infraction ( 68 ).

151. Dans la décision litigieuse, la Commission a appliqué un multiplicateur de 1,25 sur la base, d’une part, des connaissances et des infrastructures juridico-économiques supérieures que les entreprises visées auraient possédées par rapport à leurs concurrents et, d’autre part, des «larges ressources financières» dont elles auraient disposé.

152. À cet égard, le considérant 538 de la décision litigieuse se réfère, premièrement, à la «taille» du groupe YKK et, deuxièmement, à ses «ressources globales», une expression que le Tribunal a lui-même utilisée dans son arrêt Groupe Danone/Commission, précité ( 69 ) – arrêt d’ailleurs cité par la Commission au considérant 537 de la décision litigieuse pour justifier l’application du multiplicateur non seulement à la partie de l’amende infligée à titre solidaire aux requérantes, mais également à
l’amende infligée à YKK Stocko pour la période infractionnelle où elle a été jugée seule responsable, soit avant le mois de mars 1997.

153. Je suis d’avis que si, pour ces raisons, l’application du multiplicateur de 1,25 pouvait se défendre pour la période postérieure au mois de mars 1997 (YKK Stocko faisant en effet partie du groupe YKK), un tel multiplicateur n’est pas justifié pour la période précédant l’acquisition de YKK Stocko.

154. Il ressort en effet du dossier que jusqu’à son acquisition, YKK Stocko était une petite entreprise disposant de ressources limitées et dénuée de service juridique. Il est clair que, avant le mois de mars 1997, YKK Stocko ne disposait pas de larges ressources financières.

155. Tant au regard du principe d’égalité de traitement [vu la différence considérable de ressources dont disposaient, d’une part, YKK Stocko lors de la période infractionnelle dont elle a été déclarée exclusivement responsable et, d’autre part, l’ensemble du groupe YKK (comprenant YKK Stocko) lors de la période infractionnelle dont elles ont été déclarées solidairement responsables, soit après l’acquisition de YKK Stocko] qu’au regard du principe d’individualisation des peines imposant que ces
dernières soient adaptées aux comportements et aux caractéristiques des entreprises concernées ( 70 ), le Tribunal aurait dû sanctionner l’application par la Commission du même multiplicateur aux deux périodes infractionnelles en cause.

156. Il est intéressant de dresser un parallèle entre la présente affaire et la décision prise par la Commission à l’égard de l’entente dite «de l’acide monochloroacétique» ( 71 ). Dans cette décision, la Commission a infligé une amende à la seule Arkema SA (ci-après «Arkema» (anciennement Atofina SA, ci-après «Atofina»), une filiale du groupe ELF/Total, pour récidive.

157. Dans le calcul de cette amende, la Commission a veillé à prendre en compte – aux fins d’ajuster le montant de départ de l’amende pour dissuasion – un multiplicateur qui ne reflétait que la capacité économique d’Arkema [évaluée indépendamment de sa société mère, à savoir Elf Aquitaine SA (ci-après «Elf»)], et cela en dépit du fait qu’Arkema et Elf formaient une même unité économique au moment de l’adoption de la décision en cause.

158. La Commission indique à la note 222 de cette décision que «[l]e facteur multiplicateur appliqué à Elf, 2,5, n’est pas inclus dans le calcul. Au lieu de cela, un facteur multiplicateur [de]1,5, qui aurait été appliqué si Atofina avait été le seul destinataire de la décision (étant donné son chiffre d’affaires mondial de 17,8 milliards d’euros), sera utilisé aux fins de calcul de la récidive. Une amende séparée sera en conséquence adressée à Atofina seule pour ce montant».

159. Autrement dit, dans le calcul de l’amende infligée à la seule filiale, la Commission a appliqué un multiplicateur de 1,5 – différent de celui de 2,5 appliqué dans le calcul de l’amende infligée conjointement et solidairement à la société mère (Elf) et à la filiale (Arkema) – et ce afin de tenir compte de la capacité économique moindre de la filiale considérée indépendamment de sa société mère.

160. La Commission n’a invoqué ici aucune raison qui expliquerait pourquoi ladite approche n’a pas été retenue dans le calcul de l’amende pour laquelle YKK Stocko était seule responsable.

161. En répartissant la responsabilité des requérantes dans le cadre de la coopération BWA, la décision litigieuse a explicitement reconnu que, avant le mois de mars 1997, YKK Stocko constituait une entreprise distincte du groupe YKK. En plus, la décision litigieuse constate l’existence d’infractions d’une durée différente, commises, respectivement, par YKK Stocko, d’une part, et YKK Stocko conjointement avec le groupe YKK, d’autre part ( 72 ). Cependant, aux fins du calcul de l’amende, et plus
particulièrement de la détermination d’un multiplicateur de dissuasion, la Commission n’a tenu compte que des ressources globales du groupe YKK, y compris pour la période infractionnelle où l’entreprise déclarée responsable ne disposait pas de ces ressources.

162. Or, l’entreprise dont la taille et les ressources globales doivent être prises en compte aux fins de la fixation d’un éventuel multiplicateur de dissuasion est l’entreprise responsable au sens de l’article 81 CE.

163. Le Tribunal a donc commis une erreur de droit en considérant que la Commission pouvait appliquer un multiplicateur de 1,25 dans le calcul de l’amende imposée exclusivement à YKK Stocko.

164. Ainsi qu’il ressort des considérations qui précèdent, je suis d’avis que, dans la présente affaire, aucun multiplicateur ne se justifie dans le chef de YKK Stocko. Partant, le montant de l’amende pour la période précédant l’acquisition de YKK Stocko par le groupe YKK doit être fixé à 2 792 800 euros.

IV – Sur les dépens

165. Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. L’article 138, paragraphe 3, du même règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, prévoit que si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

166. En l’occurrence, il y a lieu de relever, tout d’abord, que si, selon moi, deux des quatre moyens du pourvoi invoqués par les requérantes doivent être accueillis et, de ce chef, que l’arrêt attaqué doit être annulé, en revanche, tel n’est pas le cas des deux autres moyens, dont je propose le rejet.

167. Ensuite, s’agissant du recours en première instance, il convient de relever que, en réduisant l’amende, la Cour va également faire droit à deux des huit moyens invoqués par les requérantes ( 73 ). En revanche, il ressort de l’arrêt attaqué, qui ne devrait pas être infirmé par la Cour sur ces points, que les requérantes ont succombé sur les autres moyens qu’elles ont invoqués en première instance.

168. Dans ces conditions, et dès lors que les parties ont chacune partiellement succombé en leurs moyens, tant en première instance que dans le cadre du présent pourvoi, il y a lieu de décider que chacune d’entre elles supportera ses propres dépens.

V – Conclusion

169. Je propose dès lors à la Cour de:

— rejeter les premier et deuxième moyens comme étant non-fondés;

— annuler l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 27 juin 2012, YKK e.a./Commission (T‑448/07), dans la mesure où, dans le calcul de l’amende infligée à YKK Stocko Fasteners GmbH, il a commis des erreurs de droit dans l’application du plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 CE] et [82 CE], ainsi que du multiplicateur de dissuasion;

— fixer à 2 792 800 euros au lieu de 19250000 euros l’amende infligée à YKK Stocko Fasteners GmbH pour la période infractionnelle dont elle est exclusivement responsable;

— condamner la Commission européenne à supporter ses propres dépens afférents tant à la procédure de première instance qu’à la procédure de pourvoi, et, enfin,

— condamner YKK Corp., YKK Holding Europe BV et YKK Stocko Fasteners GmbH à supporter leurs propres dépens afférents tant à la procédure de première instance qu’à la procédure de pourvoi.

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( 1 ) Langue originale: le français.

( 2 ) Arrêt YKK e.a./Commission (T‑448/07, ci‑après l’«arrêt attaqué»).

( 3 ) Décision du 19 septembre 2007 relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (Affaire COMP/39.168 – PO/Articles de mercerie métalliques et plastiques: Fermetures) (ci‑après la «décision litigieuse»). Son résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2009, C 47, p. 8). La décision litigieuse s’inscrit dans le cadre d’une série de trois décisions de la Commission concernant le secteur de la mercerie – à savoir la décision C(2005) 3765 final, du 14 septembre
2005 (affaire 38.337 – PO/Fil), la décision C(2004) 4221 final, du 26 octobre 2004 (affaire 38.338 – PO/Aiguilles), et la décision litigieuse –, qui ont toutes été prises à la suite des inspections effectuées, au mois de novembre 2001, dans les locaux de plusieurs producteurs d’articles de mercerie plastiques et métalliques.

( 4 ) Règlement du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 CE] et [82 CE] (JO 2003, L 1, p. 1).

( 5 ) JO 2002, C 45, p. 3, ci‑après la «communication sur la coopération de 2002».

( 6 ) J’utiliserai l’ancienne numérotation dans les présentes conclusions dans la mesure où la décision litigieuse a été prise sous l’empire du traité CE.

( 7 ) Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci‑après les «lignes directrices»).

( 8 ) JO 1996, C 207, p. 4, ci‑après la «communication sur la coopération de 1996».

( 9 ) Voir point 1, A, premier alinéa, des lignes directrices, qui a été rappelé par la Cour au point 38 de l’arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission (C-389/10 P, Rec. p. I-13125), ainsi qu’au point 140 et jurisprudence citée de l’arrêt attaqué.

( 10 ) Voir considérant 508 de la décision litigieuse.

( 11 ) Voir considérant 509 de la décision litigieuse.

( 12 ) Voir arrêt KME Germany e.a./Commission, précité (point 44) (entente dite «du marché des tubes industriels/sanitaires en cuivre»). Voir, également, points 97 et suivants des conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 novembre 2013, Gascogne Sack Deutschland/Commission (C‑40/12 P).

( 13 ) Arrêt du 12 novembre 2009 (C‑554/08 P, point 44). Voir, également, arrêts du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission (C-194/99 P, Rec. p. I-10821, point 118), ainsi que du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission (C-534/07 P, Rec. p. I-7415, point 96).

( 14 ) Arrêt du 16 novembre 2011 (T‑79/06, point 118). Voir, également, arrêt Gascogne Sack Deutschland/Commission, précité.

( 15 ) Décision du 3 septembre 2004 relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E‑1/38.069 – Tubes sanitaires en cuivre) (ci-après la «décision ‘Tubes sanitaires en cuivre’»). Voir considérant 629 de la décision «Tubes sanitaires en cuivre», lequel précise que, «[m]ême si certains éléments du dossier rendent possible une estimation minutieuse, sur une période limitée, des effets de l’entente sur les prix, la Commission est dans
l’impossibilité de déterminer précisément la manière dont les prix auraient évolué en l’absence d’entente pendant toute la durée de l’infraction».

( 16 ) Respectivement, arrêts du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission (C-272/09 P, Rec. p. I-12789), Chalkor/Commission (C-386/10 P, Rec. p. I-13085), et KME Germany e.a./Commission, précité.

( 17 ) Arrêt KME Germany e.a./Commission, précité (point 45).

( 18 ) Voir considérants 629 et 673 de la décision «Tubes sanitaires en cuivre» et considérant 507 de la décision litigieuse.

( 19 ) Arrêt KME Germany e.a./Commission, précité (point 41).

( 20 ) Ibidem (point 44).

( 21 ) Arrêt du 12 septembre 2007 (T‑30/05).

( 22 ) Voir point 109 de cet arrêt, renvoyant aux considérants 318 à 320 de la décision entreprise dans cette affaire. Voir, également, arrêt de la Cour Prym et Prym Consumer/Commission, précité (point 78).

( 23 ) Arrêt du Tribunal Prym et Prym Consumer/Commission, précité (points 111 et 112).

( 24 ) Ibidem (point 190).

( 25 ) Arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425, point 245).

( 26 ) Selon les requérantes, un montant de départ de l’amende de 50 millions d’euros correspond à 250 % du montant de départ minimal pour les infractions qualifiées de ‘très graves’, voire à 312,5 % avec le multiplicateur de 1,25.

( 27 ) Considérants 496, 497, 507 à 509, 514 à 516, 529 et 530 de la décision litigieuse.

( 28 ) Arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité (point 245).

( 29 ) Arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission (T-38/02, Rec. p. II-4407, point 384). Voir, également, arrêt de la Cour KME Germany e.a./Commission, précité (points 93 et 96), ainsi que arrêt du Tribunal du 30 novembre 2011, Quinn Barlo e.a./Commission (T-208/06, Rec. p. II-7953, point 244).

( 30 ) Voir point 93 de cet arrêt. Voir, dans ce contexte, arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission (T-50/00, Rec. p. II-2395, point 292), et du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission (T-26/02, Rec. p. II-713, point 113).

( 31 ) Respectivement, arrêts du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission (T-279/02, Rec. p. II-897), ainsi que Prym et Prym Consumer/Commission, précité.

( 32 ) Respectivement, décision de la Commission du 3 mai 2006 relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre d’Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Chemicals Holding AB, EKA Chemicals AB, Degussa AG, Edison SpA, FMC Corporation, FMC Foret SA, Kemira OYJ, L’Air Liquide SA, Chemoxal SA, Snia SpA, Caffaro Srl, Solvay SA/NV, Solvay Solexis SpA, Total SA, Elf Aquitaine SA et Arkema SA (Affaire COMP/F/C.38.620 – Peroxyde d’hydrogène et perborate), résumé
de ladite décision publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2006, L 353, p. 54), disponible sur le site Internet de la direction générale «Concurrence» de la Commission, et décision de la Commission du 29 novembre 2006 relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/F/38.638 –BR/ESBR), résumé de ladite décision publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2008, C 7, p. 11), disponible sur le site Internet de la
direction générale «Concurrence» de la Commission.

( 33 ) Voir, en ce qui concerne la décision C(2006) 1766, son considérant 455, et, en ce qui concerne la décision C(2006) 5700 final, son considérant 462.

( 34 ) Règlement du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204).

( 35 ) À savoir, «[à] compter du 14 février 2002, la présente communication remplace la communication de 1996 pour toutes les affaires dans lesquelles aucune entreprise ne s’est prévalue de cette dernière».

( 36 ) Voir arrêt du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission (C-328/05 P, Rec. p. I-3921, point 83). Voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission (C-297/98 P, Rec. p. I-10101, point 36), ainsi que Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité (point 399).

( 37 ) Voir arrêt SGL Carbon/Commission, précité (point 81).

( 38 ) Voir points 21 et 22 de la communication sur la coopération de 2002 par rapport au point 1, D, de la communication sur la coopération de 1996. Comment, par exemple, pourrait-il être raisonnablement affirmé que des informations qui ne remplissent pas la condition selon laquelle elles doivent «contribuer à confirmer l’existence de l’infraction commise» (point D de la communication sur la coopération de 1996) pourraient constituer des preuves apportant «une valeur ajoutée significative par
rapport aux éléments de preuve déjà en la possession de la Commission» (point 21 de la communication sur la coopération de 2002).

( 39 ) Voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission (T-15/02, Rec. p. II-497, point 588), lequel mentionne qu’«une réduction au titre de cette disposition [à savoir le point 3, sixième tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes, qui traite de la coopération en dehors du cadre de la communication sur la coopération de 1996] supposerait nécessairement que la coopération en cause ne soit pas susceptible d’être récompensée dans le cadre de la communication sur la coopération».

( 40 ) Arrêt du Tribunal du 24 mars 2011 (T‑381/06).

( 41 ) Arrêt FRA.BO/Commission, précité (points 93, 105 et 106).

( 42 ) Pour cette raison, comme la date de cet arrêt n’était pas connue, je n’ai pu communiquer lors de l’audience la date de mes conclusions.

( 43 ) Les conclusions y citent l’arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité (points 280 et 281).

( 44 ) L’avocat général Sharpston ajoute à la note 39 des mêmes conclusions que l’«on trouvera une explication concernant la responsabilité personnelle lorsque la responsabilité d’une infraction commise par une filiale est imputée à la société mère au point 42 de l’arrêt du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a. (C‑628/10 P et C‑14/11 P)». Elle renvoie également aux points 36 à 40 de ses conclusions dans
l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 novembre 2013, Kendrion/Commission (C‑50/12 P).

( 45 ) Selon la décision litigieuse, la troisième partie requérante au pourvoi, YKK Stocko, a participé à l’infraction pendant l’ensemble de sa durée, soit neuf ans et neuf mois, tandis que YKK Corp. et YKK Holding, les première et deuxième requérantes, n’ont commencé à y prendre part (directement ou indirectement) qu’après l’acquisition de YKK Stocko Fasteners GmbH en 1997 (devenue YKK Stocko) et y ont participé pendant quatre ans (considérants 466 à 468 de la décision litigieuse). C’est la raison
pour laquelle, d’une part, YKK Corp. et YKK Holding ne sont pas tenues pour responsables du paiement de l’ensemble de l’amende imposée à YKK Stocko et, d’autre part, cette dernière a été tenue pour seule responsable du paiement de l’amende à concurrence de 19250000 euros.

( 46 ) Traduction libre et c’est moi qui souligne.

( 47 ) Voir, notamment, arrêts du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission (C-196/99 P, Rec. p. I-11005, points 95 à 99), ainsi que Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité (point 118).

( 48 ) Arrêt du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission (100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, points 119 et 118 respectivement).

( 49 ) Décision du 10 décembre 2003 relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E‑2/37.857 – Peroxydes organiques) [C(2003) 4570 final et corrigendum C(2004) 4]. Un résumé a été publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2005, L 110, p. 44).

( 50 ) Décision de la Commission du 30 juin 2010 relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE aux entreprises ArcelorMittal, Emesa/Galycas/ArcelorMittal (Espagne), GlobalSteelWire/Tycsa, Proderac, Companhia Previdente/Socitrel, Fapricela, Nedri/HIT Groep, WDI/Pampus, DWK/Saarstahl, voestalpine Austria Draht, Rautaruukki/Ovako, Italcables/Antonini, Redaelli, CB Trafilati Acciai, I.T.A.S., Ori Martin/Siderurgica Latina Martin, Emme Holding (Affaire
COMP/38.344 – Acier de précontrainte), telle que modifiée par la décision de la Commission du 30 septembre 2010 et par la décision de la Commission du 4 avril 2011. Un résumé a été publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2011, C 339, p. 7) (considérant 8).

( 51 ) Voir décision «acier de précontrainte» (considérant 8). Voir considérant 1072a de la version originale de la décision du 30 juin 2010 notifiée sous le numéro C(2010) 4387 final.

( 52 ) Même si l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 exige, pour le calcul du plafond de 10 %, que le point de référence retenu soit l’exercice social de l’année précédant la décision de la Commission sanctionnant une infraction, cela n’empêche pas que ce plafond soit déterminé sur la base du seul chiffre d’affaires de la filiale, en ce qui concerne l’amende qui lui est infligée à titre exclusif pour une période antérieure à son acquisition par la société mère. Il convient d’ajouter
dans ce contexte que, dans le cadre du présent pourvoi, les requérantes n’ont, d’ailleurs, pas mis en cause que l’année pertinente à prendre en compte pour l’appréciation en question soit l’année précédant la décision litigieuse.

( 53 ) Arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission (T-45/98 et T-47/98, Rec. p. II-3757, point 63).

( 54 ) Voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission (C-76/06 P, Rec. p. I-4405, point 44).

( 55 ) Arrêts du 16 novembre 2000, KNP BT/Commission (C-248/98 P, Rec. p. I-9641, point 71); Cascades/Commission (C-279/98 P, Rec. p. I-9693, points 78 et 79); Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (C-286/98 P, Rec. p. I-9925, point 37); SCA Holding/Commission, précité (point 27), ainsi que du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission (C-352/09 P, Rec. p. I-2359, point 143).

( 56 ) Voir arrêt Cascades/Commission, précité (points 78 à 80).

( 57 ) Voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni (C-49/92 P, Rec. p. I-4125, point 145); Cascades/Commission, précité (point 78); du 11 décembre 2007, ETI e.a. (C-280/06, Rec. p. I-10893, point 39), ainsi que du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C-97/08 P, Rec. p. I-8237, point 56).

( 58 ) Arrêt du 4 juillet 2006 (T-304/02, Rec. p. II-1887, points 116 et 120).

( 59 ) De plus, je voudrais noter que – contrairement aux arguments de la Commission – l’application à une filiale, pour une infraction qu’elle a commise de façon autonome, d’un plafond légal calculé sur son seul chiffre d’affaires ne me semble pas porter atteinte à l’objectif de dissuasion des infractions. En effet, cela n’empêche pas que le chiffre d’affaires du groupe soit aussi pris en compte dans le calcul de l’amende, en ce qui concerne l’amende à infliger à ce dernier pour la partie de
l’infraction qu’il a commise.

( 60 ) Arrêt du 15 juin 2005 (T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03). Ledit arrêt a été publié sous la forme d’un sommaire. Des versions intégrales sont disponibles en langues allemande, anglaise et française sur le site Internet du Tribunal.

( 61 ) Arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, précité (points 389 à 391).

( 62 ) Arrêts du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA (C-344/04, Rec. p. I-403, point 95), ainsi que du 3 mai 2007, Advocaten voor de Wereld (C-303/05, Rec. p. I-3633, point 56).

( 63 ) Points 281 et 282 (c’est moi qui souligne). Voir, également, arrêts de la Cour Musique Diffusion française e.a./Commission, précité (point 121), ainsi que du Tribunal du 29 novembre 2005, Britannia Alloys & Chemicals/Commission (T-33/02, Rec. p. II-4973, point 35).

( 64 ) Arrêt du 20 mars 2002 (T-9/99, Rec. p. II-1487).

( 65 ) Plus précisément points 77 à 80 de cet arrêt.

( 66 ) «In setting fines under the 1998 Guidelines the Commission took a seven-stage approach. First, it evaluated the ‘objective’ gravity of the infringement taken as a whole […] Second, it determined an ‘individual starting amount’ for each member of the cartel […] Third, the Commission applied, when appropriate, an increase percentage to those individual starting amounts, which reflected the additional impact caused by the duration of the infringement committed by each cartel participant […]
Fourth, the Commission considered the ‘subjective’ responsibility of each cartel participant […] Fifth, it considered whether the upper limit of 10 per cent of the annual turnover applicable to the fine had been exceeded. Sixth, where relevant and as appropriate, it reduced the fine, in application of the Leniency Notice. Finally, the Commission took account of any exceptional circumstances justifying an adjustment to the final amount of the fine» (c’est moi qui souligne) (Faull, J., et Nikpay, A.
(éditeurs), The EC law of competition, Oxford University Press, 2007, p. 1025-1026, ce commentaire étant rédigé par les fonctionnaires de la direction générale «Concurrence»). Voir, également, un autre commentaire qui fait autorité: Bellamy, C., et Child, G. (éditeurs), European Union Law of Competition, Oxford University Press, 2013, p. 1095-1097.

( 67 ) Les points 379 et 382 de l’arrêt du Tribunal du 18 juin 2008, Hoechst/Commission (T-410/03, Rec. p. II-881), confirment que, s’agissant du deuxième motif de majoration, la taille des entreprises concernées doit se rapporter à leur situation au moment de l’infraction.

( 68 ) Voir arrêt du Tribunal du 12 octobre 2011, Agroexpansión/Commission (T-38/05, Rec. p. II-7005, point 215).

( 69 ) Point 175, dans lequel il indique que «la requérante disposait de connaissances et [d’]infrastructures juridico-économiques [leur] permettant de mieux apprécier le caractère infractionnel de [leur] comportement et les conséquences qui en découlaient du point de vue du droit de la concurrence».

( 70 ) Voir, en ce sens, arrêt de la Cour Britannia Alloys & Chemicals/Commission, précité (point 44).

( 71 ) Décision 2006/897/CE de la Commission, du 19 janvier 2005, relative à une procédure de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre de Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Nederland BV, Akzo Nobel Chemicals BV, Akzo Nobel Functional Chemicals BV, Akzo Nobel Base Chemicals AB, Eka Chemicals AB, Akzo Nobel AB, Atofina SA, Elf Aquitaine SA, Hoechst AG, Clariant GmbH, Clariant AG (Affaire C.37.773 – AMCA) (JO 2006, L 353, p. 12).

( 72 ) Considérant 541 de la décision litigieuse.

( 73 ) Voir point 10, deuxième tiret, des présentes conclusions.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-408/12
Date de la décision : 12/02/2014
Type d'affaire : Pourvoi - fondé, Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours contre une sanction, Recours en annulation - fondé, Recours en annulation - non fondé

Analyses

Pourvoi – Ententes – Marchés des fermetures à glissière et des autres types de fermetures ainsi que des machines de pose – Responsabilités successives – Plafond légal de l’amende – Article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 – Notion d’‘entreprise’ – Responsabilité personnelle – Principe de proportionnalité – Multiplicateur de dissuasion.

Concurrence

Pratiques concertées

Ententes


Parties
Demandeurs : YKK Corporation e.a.
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Wathelet

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2014:66

Source

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