ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)
23 janvier 2014 ( *1 )
«Manquement d’État — Libre prestation des services — Libre circulation des capitaux — Impôt sur les revenus — Cotisations versées dans le cadre de l’épargne-pension — Réduction d’impôt applicable aux seuls versements à des institutions ou à des fonds établis dans le même État membre — Cohérence du système fiscal — Efficacité des contrôles fiscaux»
Dans l’affaire C‑296/12,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 14 juin 2012,
Commission européenne, représentée par MM. R. Lyal et W. Roels, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
Royaume de Belgique, représenté par M. J.‑C. Halleux et Mme M. Jacobs, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. E. Juhász, président de chambre, MM. D. Šváby et C. Vajda (rapporteur), juges,
avocat général: M. N. Wahl,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en adoptant et en maintenant la réduction d’impôt pour les cotisations versées dans le cadre de l’épargne-pension dans la mesure où elle ne s’applique qu’aux versements à des institutions ou à des fonds établis en Belgique, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 56 TFUE et 63 TFUE.
Le droit belge
2 Aux termes de l’article 34, paragraphes 1 à 3, du code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après le «CIR 1992»):
«1. Les pensions, rentes et allocations en tenant lieu comprennent, quels qu’en soient le débiteur, le bénéficiaire, la qualification et les modalités de détermination et d’octroi:
[...]
3o les revenus de l’épargne-pension constituée conformément à l’article 145/8.
2. Les revenus de l’épargne-pension comprennent:
1o l’épargne placée sur un compte-épargne collectif ou individuel;
2o les pensions, rentes, capitaux et valeurs de rachat d’une assurance-épargne;
[...]
3. Le montant imposable de l’épargne visée au paragraphe 2, 1°, est égal au montant correspondant à la capitalisation, au taux de 4,75 % l’an, du montant total des sommes nettes portées au compte-épargne qui sont prises en considération pour la réduction d’impôt.
[...]»
3 L’article 39, paragraphe 2, 3°, du CIR 1992 énonce que les pensions, les pensions complémentaires, les rentes, les capitaux, les épargnes et les valeurs de rachat sont exonérés s’ils résultent d’un compte épargne ou d’un contrat d’assurance-épargne pour lesquels la réduction d’impôt prévue à l’article 145/1, 5°, de ce code n’a pas été accordée.
4 L’article 145/1 du CIR 1992 prévoit:
«Dans les limites et aux conditions prévues aux articles 145/2 à 145/16, il est accordé une réduction d’impôt calculée sur les dépenses suivantes [...]:
[...]
5o à titre de paiements pour l’épargne-pension;
[...]»
5 L’article 145/8, premier alinéa, du CIR 1992 se lit comme suit:
«Les montants pris en considération pour la réduction dans le cadre de l’épargne-pension conformément à l’article 145/1, 5°, sont ceux qui sont payés à titre définitif en Belgique:
1o soit pour la constitution d’un compte-épargne collectif;
2o soit pour la constitution d’un compte-épargne individuel;
3o soit à titre de primes d’une assurance-épargne.»
6 L’article 145/11 du CIR 1992 prévoit que la société de gestion d’un fonds d’épargne-pension agréé conformément à l’article 145/16 de ce code est tenue d’affecter les actifs de ce fonds et les revenus de ces actifs, sous déduction des charges, exclusivement en investissements visés et dans les limites fixées audit article 145/11.
7 En vertu des articles 145/12 et 145/13 dudit code, les dispositions de l’article 145/11 sont également applicables à des comptes épargne individuels ainsi qu’à des assurances-épargne.
8 L’article 145/15 du CIR 1992 dispose:
«Seul[s] sont autorisé[s] à ouvrir des comptes-épargne collectifs ou individuels les établissements visés à l’article 56, paragraphe 1. Le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, accorder, aux conditions qu’Il détermine, la même autorisation aux sociétés de bourse de droit belge.
Seules sont autorisées à conclure des contrats d’assurance-épargne les entreprises d’assurances qui exercent l’activité ‘vie’ conformément à la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d’assurances.»
9 À l’article 145/16, 1°, du CIR 1992, le compte épargne collectif est défini comme étant les parts des fonds d’épargne-pension agréés par le ministre des Finances aux conditions fixées par le Roi, pour se constituer une épargne disponible en cas de vie ou de décès.
10 L’article 63/5, paragraphe 1, de l’arrêté royal d’exécution du code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après l’«AR/CIR 1992») prévoit que, dans les deux mois qui suivent chaque année civile pendant laquelle des cotisations ont été versées dans le cadre de l’épargne-pension, les institutions et les entreprises visées à l’article 145/15 du CIR 1992 fournissent à l’administration des contributions directes une copie de l’attestation qu’ils ont remise à chaque titulaire de compte épargne ou
souscripteur de contrat d’assurance-épargne.
11 L’article 63/6, paragraphe 1, de l’AR/CIR 1992 énonce quels documents doivent être produits par une société de gestion à l’appui d’une demande en vue de l’agrément d’un fonds de placement belge en qualité de fonds d’épargne-pension. Le paragraphe 2 du même article oblige une telle société de gestion à informer le ministre des Finances des modifications qui doivent être apportées à ces documents ainsi qu’à lui communiquer les comptes annuels.
12 Conformément à l’article 63/7 de l’AR/CIR 1992, le respect des conditions visées à l’article 145/11 du CIR 1992 se constate sur la base de la production au ministre des Finances par la société de gestion, au plus tard un mois après la fin de chaque trimestre calendaire complet depuis l’agrément du fonds, de documents exposant la situation détaillée du fonds établie à la fin du dernier jour bancaire ouvrable de chaque mois faisant partie de chaque trimestre calendaire.
13 L’article 63/8 de l’AR/CIR 1992 précise dans quelles circonstances l’agrément d’un fonds d’épargne-pension peut être retiré.
La procédure précontentieuse
14 Par lettre du 18 octobre 2006, la Commission a mis le Royaume de Belgique en demeure de présenter ses observations sur la compatibilité avec le traité CE et l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3), de certaines dispositions de la législation belge en matière de réduction d’impôt pour les versements effectués dans le cadre de l’épargne-pension. Le 8 février 2007, cet État membre a répondu à cette lettre.
15 Le 22 mars 2010, la Commission a adressé un avis motivé au Royaume de Belgique dans lequel elle considérait que cet État membre manquait aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 56 TFUE et 63 TFUE ainsi que des articles 31 et 40 de l’accord sur l’Espace économique européen et l’invitait à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de sa réception.
16 N’étant pas satisfaite de la réponse du Royaume de Belgique du 13 juillet 2010 audit avis, la Commission a introduit le présent recours.
Sur le recours
Argumentation des parties
17 La Commission relève, d’une part, que la gestion des fonds d’épargne-pension constitue un service au sens de l’article 56 TFUE. Elle considère que le fait que les cotisations à de tels fonds donnent droit à une réduction d’impôt uniquement si elles sont versées à des institutions financières établies en Belgique entrave la libre prestation des services tant pour les destinataires dudit service que pour les fournisseurs qui ne sont pas établis sur le territoire belge.
18 D’autre part, tant les dépôts effectués sur un compte individuel ou collectif que le paiement de primes d’assurance sur la vie relèveraient des mouvements de capitaux au sens de l’article 63 TFUE. L’octroi d’une réduction d’impôt pour ces dépôts et ces paiements effectués auprès des seules institutions établies en Belgique constituerait une entrave à la libre circulation des capitaux dans la mesure où les déposants et les preneurs d’assurance belges seraient dissuadés de verser des sommes dans le
cadre d’une épargne-pension à des institutions qui ne sont pas établies sur le territoire belge.
19 Selon la Commission, lesdites entraves ne peuvent être justifiées par la nécessité de garantir la cohérence du système fiscal belge. À cet égard, l’argument selon lequel les règles nationales sont symétriques en ce qu’elles excluent l’imposition des prestations versées si les dépôts et les paiements de primes y afférents n’ont pas donné lieu à une réduction d’impôt aurait déjà été rejeté par la Cour dans son arrêt du 30 janvier 2007, Commission/Danemark (C-150/04, Rec. p. I-1163).
20 En outre, la Commission estime que le Royaume de Belgique n’est pas parvenu à satisfaire à l’exigence de la cohérence fiscale dans le cadre des conventions préventives de la double imposition conclues avec d’autres États membres, dès lors que bon nombre de celles-ci attribueraient le pouvoir d’imposition des pensions et d’autres revenus similaires à l’État de résidence du bénéficiaire. Dans le cas des conventions attribuant ce pouvoir à l’État d’origine desdits revenus, l’exigence d’une cohérence
fiscale ne saurait justifier les entraves en question puisque cet État pourrait imposer les prestations dont bénéficie le contribuable même si ce dernier s’installe dans l’autre État contractant.
21 Quant à une justification fondée sur la protection des citoyens investissant dans l’épargne-pension, la Commission estime que la sécurité des fonds investis peut être garantie sans qu’il soit nécessaire d’exiger que les cotisations et les primes soient payées uniquement à des institutions ou à des fonds établis en Belgique, les obligations imposées par la réglementation belge en matière d’investissement, d’agrément et d’élaboration de rapports pouvant être également respectées par des
institutions financières établies dans d’autres États membres. Le contrôle du respect de l’obligation en matière d’élaboration de rapports serait également possible dès lors que la présentation de ces derniers constituerait une condition d’obtention et de maintien de l’agrément octroyé à l’institution ou au fonds. Par ailleurs, le Royaume de Belgique pourrait se prévaloir de la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des
États membres dans le domaine des impôts directs et indirects (JO L 336, p. 15), telle que modifiée par la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992 (JO L 76, p. 1, ci-après la «directive 77/799»), afin d’obtenir des informations du contribuable et de contrôler l’institution financière étrangère.
22 Le Royaume de Belgique reconnaît que le régime d’épargne-pension belge en cause constitue une restriction à la libre prestation des services ainsi qu’à la libre circulation des capitaux. Il relève, toutefois, qu’une telle restriction peut être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général.
23 À cet égard, il invoque, en premier lieu, la cohérence interne du système fiscal et fait valoir que le régime belge d’épargne-pension se conforme aux arrêts du 28 janvier 1992, Bachmann (C-204/90, Rec. p. I-249), et Commission/Belgique (C-300/90, Rec. p. I-305), dans lesquels la Cour a notamment exigé l’existence d’un lien direct entre un avantage fiscal et un désavantage effectif. En effet, alors que les prestations de pension seraient, en principe, imposables en vertu de l’article 34,
paragraphe 1, 3°, du CIR 1992, elles seraient, en revanche, exonérées en vertu de l’article 39, paragraphe 2, 3°, dudit code si la réduction d’impôt prévue à l’article 145/1, 5°, de ce code n’a pas été accordée pour les versements sur les comptes d’épargne-pension ou pour les primes d’assurance-épargne, comme ce serait le cas lorsque lesdits comptes et l’assurance-épargne sont gérés par des institutions non établies en Belgique.
24 Le Royaume de Belgique relève, en outre, qu’il s’est efforcé d’assurer la cohérence fiscale au niveau des conventions préventives de la double imposition en accordant à l’État d’origine la compétence d’imposition de pensions et d’autres rémunérations similaires, mais admet qu’il n’est pas parvenu à le faire dans les conventions conclues avec certains États membres.
25 En second lieu, le Royaume de Belgique fait valoir la nécessité d’un contrôle fiscal efficace. D’une part, il souligne que l’administration fiscale belge peut exercer un contrôle sur l’octroi de la réduction d’impôt pour les versements effectués dans le cadre de l’épargne-pension et assurer la perception de l’impôt dû sur le montant alloué, en vertu, notamment, de l’article 63/5 de l’AR/CIR 1992, qui prévoit des obligations pesant sur les institutions financières et les fonds d’épargne-pension en
ce qui concerne l’information de l’administration fiscale relativement aux attestations délivrées à des contribuables.
26 D’autre part, le Royaume de Belgique invoque la protection des intérêts des épargnants afin de leur assurer le versement de la pension qui leur sera due. Ladite protection serait assurée par les articles 145/11 dudit code et 63/6 à 63/8 de l’AR/CIR 1992, prévoyant, notamment, la procédure d’agrément des fonds d’épargne-pension, la possibilité de retirer un tel agrément ainsi que des obligations en matière d’investissement et d’élaboration de rapports. Ledit État membre considère que les
dispositions du droit de l’Union en matière d’échange d’informations entre États membres prévoient des procédures lourdes et lentes qui ne garantissent donc pas que les institutions et les fonds établis dans d’autres États membres respectent ces obligations.
Appréciation de la Cour
27 En vertu d’une jurisprudence constante, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit de l’Union (voir arrêt du 25 octobre 2012, Commission/Belgique, C‑387/11, point 36 et jurisprudence citée).
Sur le manquement aux obligations résultant de l’article 56 TFUE
28 À titre liminaire, il convient de relever que les prestations fournies par des institutions financières et des entreprises d’assurances en matière d’épargne-pension, y compris des sociétés de gestion d’un fonds d’épargne-pension agréé, sont des services au sens de l’article 57 TFUE. En effet, de tels services recouvrent des prestations fournies normalement contre rémunération dont la caractéristique essentielle réside dans le fait qu’elle constitue la contrepartie économique des prestations en
cause (voir arrêt du 3 octobre 2002, Danner, C-136/00, Rec. p. I-8147, point 26).
29 Il y a lieu, également, de souligner que, dans l’optique d’un marché unique et pour permettre de réaliser les objectifs de celui-ci, l’article 56 TFUE s’oppose à l’application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services, au sens de l’article 57 TFUE, entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre (voir arrêts Commission/Danemark, précité, point 38, ainsi que du 6 juin 2013, Commission/Belgique,
C‑383/10, point 42).
30 En l’espèce, le Royaume de Belgique ne conteste pas que les dispositions litigieuses du CIR 1992 constituent une entrave à la libre prestation de services.
31 En effet, le fait que les cotisations versées dans le cadre de l’épargne-pension donnent droit à la réduction d’impôt visée à l’article 145/1, 5°, du CIR 1992 uniquement si elles sont payées à des institutions financières établies en Belgique a pour effet de rendre la libre prestation de services en matière d’épargne-pension à partir d’autres États membres plus difficile que celle purement interne au Royaume de Belgique. Ce régime d’épargne-pension est susceptible de dissuader tant les
contribuables belges de contracter un compte épargne individuel ou collectif ou une assurance-épargne avec des institutions financières établies dans un État membre autre que le Royaume de Belgique que ces dernières d’offrir leurs services sur le marché belge (voir, en ce sens, arrêts Danner, précité, point 31, et du 5 juillet 2007, Commission/Belgique, C-522/04, Rec. p. I-5701, point 39).
32 Il résulte, toutefois, d’une jurisprudence bien établie que les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité FUE peuvent néanmoins être admises à condition qu’elles poursuivent un objectif d’intérêt général, qu’elles soient propres à garantir la réalisation de celui-ci et qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi (voir, notamment, arrêt du 6 juin 2013,
Commission/Belgique, précité, point 49 et jurisprudence citée).
33 Selon une jurisprudence également constante, il appartient aux autorités nationales, lorsqu’elles adoptent une mesure dérogatoire à un principe consacré par le droit de l’Union, de prouver, dans chaque cas d’espèce, que ladite condition est remplie. Les raisons justificatives susceptibles d’être invoquées par un État membre doivent être accompagnées d’une analyse de l’aptitude et de la proportionnalité de la mesure adoptée par cet État ainsi que des éléments précis permettant d’étayer son
argumentation (voir arrêt du 14 juin 2012, Commission/Pays-Bas, C‑542/09, point 81 et jurisprudence citée).
34 Le Royaume de Belgique invoque, en premier lieu, la nécessité de préserver la cohérence du système fiscal belge, en se référant à la symétrie du régime litigieux, qui prévoit que les revenus de l’épargne-pension sont imposés lorsque les paiements effectués dans le cadre de celle-ci ont donné lieu à une réduction d’impôt, mais sont exonérés en l’absence d’une telle réduction.
35 À cet égard, la Cour a déjà admis que la nécessité de préserver la cohérence d’un régime fiscal peut justifier une restriction à l’exercice des libertés de circulation garanties par le traité FUE, mais que cette nécessité exige l’existence d’un lien direct entre un avantage fiscal et un désavantage corrélatif (voir, en ce sens, arrêts Commission/Danemark, précité, point 70, ainsi que du 4 juillet 2013, Argenta Spaarbank, C‑350/11, points 41 et 42).
36 En l’occurrence, il est vrai qu’il existe un lien entre la réduction d’impôt à laquelle peuvent donner droit les cotisations versées dans le cadre de l’épargne-pension et l’imposition des revenus de cette dernière. En effet, en vertu de l’article 39, paragraphe 2, 3°, du CIR 1992, les pensions, les pensions complémentaires, les rentes, les capitaux, les épargnes et les valeurs de rachat sont exonérés s’ils résultent d’un compte épargne ou d’un contrat d’assurance-épargne pour lesquels la
réduction d’impôt prévue à l’article 145/1, 5°, de ce code n’a pas été accordée (voir, en ce sens, arrêts précités Bachmann, point 21, et du 28 janvier 1992, Commission/Belgique, point 14).
37 Toutefois, ainsi que la Cour l’a constaté au point 71 de l’arrêt Commission/Danemark, précité, à l’égard d’un régime prévoyant un lien similaire entre la déductibilité de cotisations à un plan de retraite et l’imposition des versements correspondants, le facteur susceptible de porter atteinte à la cohérence du régime belge en cause réside dans la survenance d’un transfert de résidence du contribuable entre la date du versement de cotisations dans le cadre de l’épargne-pension et la perception de
revenus de celle-ci, et non pas tant dans le fait que l’institution financière gérant l’épargne-pension soit située dans un autre État membre.
38 En effet, lorsqu’un contribuable, ayant souscrit une épargne-pension auprès d’une institution financière établie en Belgique, bénéficie d’une réduction d’impôt sur les cotisations payées dans le cadre de cette épargne-pension, puis transfère, avant l’échéance du versement des revenus de cette dernière, sa résidence dans un autre État membre, le Royaume de Belgique se voit privé du pouvoir de taxer ces revenus, du moins lorsqu’il a conclu avec l’État membre dans lequel est transférée la résidence
du contribuable une convention contre la double imposition prévoyant que les pensions et les autres rémunérations similaires ne sont imposables que dans l’État de résidence du bénéficiaire de celles-ci (voir, en ce sens, arrêt Commission/Danemark, précité, point 72).
39 En revanche, le fait d’ouvrir une épargne-pension auprès d’une institution financière établie dans un État membre autre que le Royaume de Belgique n’est pas susceptible, en tant que tel, de porter atteinte à la cohérence du régime litigieux. En effet, rien n’empêche ce dernier État membre d’exercer son pouvoir de taxation sur des revenus issus de l’épargne-pension versés par une institution financière établie dans un autre État membre à un contribuable résidant toujours en Belgique au moment du
versement de ces revenus, en contrepartie de paiements de cotisations pour lesquels une réduction d’impôt aurait été accordée (voir, en ce sens, arrêt Commission/Danemark, point 73).
40 Par conséquent, le régime litigieux, qui refuse, de manière générale, d’accorder une réduction d’impôt pour les cotisations versées dans le cadre d’une épargne-pension gérée par une institution financière établie dans un État membre autre que le Royaume de Belgique ne saurait être justifié par la nécessité de préserver la cohérence du système fiscal.
41 En second lieu, le Royaume de Belgique cherche à justifier le régime en cause en se référant à la nécessité d’un contrôle fiscal efficace.
42 À cet égard, il est de jurisprudence constante que la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux peut justifier une restriction aux libertés fondamentales (arrêt du 6 juin 2013, Commission/Belgique, précité, point 51).
43 Il convient de rappeler que la directive 77/799 peut être invoquée par un État membre afin d’obtenir des autorités compétentes d’un autre État membre toutes les informations nécessaires pour lui permettre d’établir correctement le montant des taxes couvertes par ladite directive (voir arrêt du 19 novembre 2009, Commission/Italie, C-540/07, Rec. p. I-10983, point 60).
44 En outre, rien n’empêcherait les autorités fiscales belges d’exiger du contribuable les preuves qu’elles jugent nécessaires pour l’établissement correct des impôts concernés et, le cas échéant, de refuser la réduction d’impôt demandée si ces preuves ne sont pas fournies (voir, en ce sens, arrêts du 11 octobre 2007, ELISA, C-451/05, Rec. p. I-8251, point 95, et du 6 juin 2013, Commission/Belgique, précité, point 54).
45 Dans ces conditions, la justification du régime en cause par la nécessité d’un contrôle fiscal efficace ne saurait être retenue.
46 Par ailleurs, le Royaume de Belgique ne saurait valablement invoquer la protection des intérêts des épargnants à ce que leur soit assuré le versement de la pension qui leur sera due dans le cadre de l’objectif de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux, lesquels visent à lutter contre la fraude fiscale (voir, par analogie, arrêts du 13 mars 2008, Commission/Espagne, C‑248/06, point 34, et du 5 juillet 2012, SIAT, C‑318/10, point 44), et non pas à protéger le contribuable.
47 Dans la mesure où il peut être considéré qu’une telle protection relève de la raison impérieuse d’intérêt général consistant dans la protection des consommateurs, force est de constater que le Royaume de Belgique n’a pas prouvé que les dispositions en cause ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir la réalisation de l’objectif invoqué.
48 À cet égard, dans son mémoire en défense, le Royaume de Belgique ne démontre pas qu’il n’existe pas d’autres moyens de protéger les consommateurs que l’exclusion générale de tout paiement à des institutions établies ou à des fonds gérés dans d’autres États membres du bénéfice de la réduction d’impôts pour l’épargne-pension.
49 Dans ces conditions, une justification tirée de la protection des contribuables ne saurait être accueillie.
50 Il résulte des considérations qui précèdent que l’entrave à la liberté de prestation de services qu’entraîne le régime en cause ne peut être justifiée par les objectifs invoqués par le Royaume de Belgique.
Sur le manquement aux obligations résultant de l’article 63 TFUE
51 Les dispositions du traité FUE relatives à la libre prestation de services s’opposant au régime litigieux, il n’est pas nécessaire d’examiner séparément celui-ci à la lumière de l’article 63 TFUE concernant la libre circulation des capitaux (voir, en ce sens, arrêts précités Commission/Danemark, point 76, et du 6 juin 2013, Commission/Belgique, point 74).
52 Par conséquent, il y a lieu de constater que, en adoptant et en maintenant la réduction d’impôt pour les cotisations versées dans le cadre de l’épargne-pension dans la mesure où elle ne s’applique que pour des versements à des institutions et à des fonds établis en Belgique, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56 TFUE.
Sur les dépens
53 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume de Belgique et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête:
1) En adoptant et en maintenant la réduction d’impôt pour les cotisations versées dans le cadre de l’épargne-pension dans la mesure où elle ne s’applique que pour des versements à des institutions et à des fonds établis en Belgique, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56 TFUE.
2) Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: le néerlandais.