ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
12 décembre 2013 ( *1 )
«Articles 101 TFUE, 102 TFUE et 106 TFUE — Entreprises publiques et entreprises auxquelles les États membres accordent des droits spéciaux ou exclusifs — Entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général — Notions — Organismes chargés de vérifier et de certifier le respect des conditions requises par la loi par les entreprises réalisant des travaux publics — Article 49 TFUE — Liberté d’établissement — Restriction — Justification — Protection des destinataires des services —
Qualité des services de certification»
Dans l’affaire C‑327/12,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiglio di Stato (Italie), par décision du 6 mars 2012, parvenue à la Cour le 10 juillet 2012, dans la procédure
Ministero dello Sviluppo economico,
Autorità per la vigilanza sui contratti pubblici di lavori, servizi e forniture
contre
SOA Nazionale Costruttori – Organismo di Attestazione SpA,
en présence de:
Associazione nazionale Società Organismi di Attestazione (Unionsoa),
SOA CQOP SpA,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. M. Safjan (rapporteur), C. G. Fernlund, J. Malenovský et Mme A. Prechal, juges,
avocat général: M. P. Cruz Villalón,
greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 mai 2013,
considérant les observations présentées:
— pour SOA Nazionale Costruttori – Organismo di Attestazione SpA, par Mes S. Cammareri et M. Condinanzi, avvocati,
— pour l’Associazione nazionale Società Organismi di Attestazione (Unionsoa), par Mes A. Cancrini, G. M. Di Paolo et A. Clarizia, avvocati,
— pour SOA CQOP SpA, par Me C. De Portu, avvocato,
— pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. L. D’Ascia, avvocato dello Stato,
— pour la Commission européenne, par MM. L. Malferrari et I. Rogalski ainsi que par Mme R. Striani, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 septembre 2013,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 101 TFUE, 102 TFUE et 106 TFUE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Ministero dello Sviluppo economico (ministère du Développement économique, ci-après le «Ministero») ainsi que l’Autorità per la vigilanza sui contratti pubblici di lavori, servizi e forniture (Autorité de surveillance des marchés publics de travaux, de services et de fournitures, ci-après l’«Autorità») à SOA Nazionale Costruttori – Organismo di Attestazione SpA (ci-après la «SOA Nazionale Costruttori») au sujet de la déclaration,
par le Ministero et l’Autorità, de l’inapplicabilité, à l’égard des services offerts par les sociétés ayant la qualité d’organismes d’attestation (Società Organismi di Attestazione, ci-après les «SOA»), de l’abrogation législative des tarifs minimaux obligatoires dans l’exercice d’activités professionnelles.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 52, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114), prévoit:
«Les États membres peuvent instaurer soit des listes officielles d’entrepreneurs, de fournisseurs ou de prestataires de services agréés soit une certification par des organismes de certification publics ou privés.»
Le droit italien
4 Le décret législatif no 163, du 12 avril 2006, portant code des marchés publics de travaux, services et fournitures en application des directives 2004/17/CE et 2004/18/CE (supplément ordinaire à la GURI no 100, du 2 mai 2006, ci-après le «code»), dispose à son article 40:
«1. Les personnes effectuant des travaux publics à quelque titre que ce soit doivent être agréées et veiller à ce que leur activité soit empreinte des principes de qualité, de professionnalisme et de loyauté. Dans le même but, les produits, les processus, les services et les systèmes de qualité dans l’entreprise qui sont utilisés par ces personnes sont soumis à certification conformément à la législation en vigueur.
2. Le règlement [...] régit le système d’agrément unique pour toutes les personnes effectuant, à quelque titre que ce soit, des travaux publics d’un montant supérieur à 150 000 euros, en fonction du type et du montant des travaux. Le règlement [...] permet aussi de réviser périodiquement les catégories d’agrément et de prévoir d’éventuelles nouvelles catégories.
3. Le système d’agrément est mis en œuvre par des organismes d’attestation de droit privé, autorisés à cette fin par l’Autorità. L’activité d’attestation est exercée dans le respect du principe de l’indépendance de jugement, en garantissant l’absence de tout intérêt commercial ou financier de nature à entraîner des comportements non impartiaux ou discriminatoires. Dans l’exercice de l’activité d’attestation à l’égard des personnes effectuant des travaux publics, les SOA exercent une mission
relevant du droit public [...] Si elles délivrent de fausses attestations, les articles 476 et 479 du code pénal s’appliquent. Avant de délivrer les attestations, les SOA vérifient que toutes les conditions requises de l’entreprise demanderesse sont remplies. Les organismes d’attestation sont chargés d’attester que les personnes agréées:
a) disposent d’un certificat attestant que leur système de qualité est conforme aux normes européennes [...] et à la réglementation nationale en vigueur, délivré par des organismes accrédités conformément aux normes européennes [...] Les organismes accrédités sont tenus d’inscrire la certification visée au présent point pour les entreprises effectuant des travaux publics sur la liste officielle instituée auprès de l’organisme italien d’accréditation [...]
b) respectent les conditions générales, technico-organisationnelles et économico-financières prévues par les dispositions [de l’Union] applicables en matière d’agrément. Font partie des conditions technico-organisationnelles les certificats délivrés par les maîtres d’ouvrage aux entreprises effectuant des travaux publics. [...]
4. Le règlement définit en particulier:
[…]
b) les modalités et critères d’autorisation et de déchéance éventuelle des organismes d’attestation ainsi que les conditions subjectives, organisationnelles, financières et techniques à remplir par lesdits organismes;
c) les modalités selon lesquelles il est attesté que les personnes agréées disposent d’un système de qualité certifié conformément au paragraphe 3, sous a), et qu’elles respectent les conditions visées au paragraphe 3, sous b), ainsi que les modalités de vérification annuelle éventuelle desdites conditions au regard des données du bilan;
d) les conditions générales […] et les conditions technico-organisationnelles et économico-financières visées au paragraphe 3, sous b), y compris les mesures concernant l’ampleur et le type de travaux […]
e) les critères de fixation des tarifs applicables à l’activité d’agrément, sous réserve de l’impossibilité de déroger aux minima tarifaires;
f) les modalités de vérification de l’agrément; la durée de l’agrément est de cinq ans, une vérification de la persistance des conditions générales ainsi que des conditions relatives à la capacité structurelle, à mentionner dans le règlement, ayant lieu avant la fin de la troisième année; la durée de validité des catégories générales et spéciales faisant l’objet de la révision visée au paragraphe 2; le tarif de la vérification de la persistance des conditions est proportionnel au tarif de
l’attestation, sans pouvoir dépasser les trois cinquièmes de ce dernier;
f bis) les modalités permettant d’assurer, dans le cadre des compétences respectives, l’action coordonnée de surveillance de l’activité des organismes d’attestation, en recourant aux structures et ressources déjà disponibles à cette fin, sans que des dépenses nouvelles ou accrues soient mises à la charge des finances publiques;
g) des sanctions pécuniaires et d’interdiction, allant jusqu’à la déchéance de l’autorisation, pour les irrégularités et illégalités commises par les SOA lors de la délivrance des attestations ainsi qu’en cas d’inertie des SOA faisant suite à une demande d’informations et de documents de l’Autorità dans le cadre de sa mission de surveillance, selon un critère de proportionnalité et dans le respect du principe du contradictoire;
g bis) les sanctions pécuniaires visées à l’article 6, paragraphe 11, et des sanctions d’interdiction, allant jusqu’à la déchéance de l’attestation d’agrément, pour les opérateurs économiques qui ne répondent pas aux demandes d’informations et de documents formulées par l’Autorità dans le cadre de son pouvoir de surveillance du système d’agrément, ou qui fournissent des informations ou actes mensongers;
h) l’établissement, sur une base régionale, de listes des personnes ayant obtenu l’agrément visé au paragraphe 3; ces listes sont dressées et conservées par l’Autorità, qui en assure la publicité par l’intermédiaire de l’Observatoire.
[…]
6. Le règlement définit les conditions économico-financières et technico-organisationnelles spécifiques que doivent remplir les candidats à une concession de travaux publics qui n’auraient pas l’intention d’exécuter les travaux avec leur propre organisation d’entreprise.
[...]
9 bis. Les SOA sont responsables de la conservation des documents et des actes utilisés pour la délivrance des attestations, y compris après la cessation de l’activité d’attestation. Les SOA sont également tenues de donner accès auxdits documents et actes aux personnes indiquées dans le règlement, y compris en cas de suspension ou de déchéance de l’autorisation d’exercice de l’activité d’attestation; en cas de manquement, les sanctions administratives pécuniaires prévues à l’article 6,
paragraphe 11, s’appliquent. En tout état de cause, les SOA restent tenues à la conservation des documents et actes mentionnés dans la première phrase pendant dix ans ou pendant la période indiquée par le règlement […]
9 ter. Les SOA ont l’obligation d’informer l’Autorità du lancement de la procédure de vérification des conditions requises à l’égard d’une entreprise et de son résultat. Les SOA ont l’obligation de déclarer la déchéance de l’attestation d’agrément si elles constatent que celle-ci a été délivrée sans que les conditions prescrites par le règlement soient remplies ou si lesdites conditions ne sont plus réunies; en cas de manquement, l’Autorità déclare la déchéance de l’autorisation d’exercice de
l’activité d’attestation de la SOA.
9 quater. Si une fausse déclaration ou de faux documents sont présentés aux fins de l’agrément, les SOA le signalent à l’Autorità qui, si elle estime qu’il y a dol ou faute grave, en considération de l’importance et de la gravité des faits faisant l’objet de la fausse déclaration ou de la présentation des faux documents, procède à un enregistrement informatique [...] aux fins de l’exclusion des procédures d’appels d’offres et de la sous-traitance, […] pour une période d’un an, à l’expiration de
laquelle l’enregistrement est effacé et perd en tout cas son efficacité.»
5 Le décret-loi no 223, du 4 juillet 2006, portant dispositions urgentes pour la relance économique et sociale, pour la limitation et la rationalisation des dépenses publiques et les interventions en matière de recettes et de lutte contre l’évasion fiscale (GURI no 153, du 4 juillet 2006, p. 4), converti en loi, après modifications, par la loi no 248, du 4 août 2006 (supplément ordinaire à la GURI no 186, du 11 août 2006, ci-après le «décret-loi no 223/2006»), a abrogé, à son article 2,
paragraphe 1, sous a), les dispositions qui prévoyaient l’obligation d’appliquer les tarifs fixes ou minimaux «en ce qui concerne les professions libérales ou activités intellectuelles».
6 Le décret no 207 du président de la République, du 5 octobre 2010, relatif à l’exécution et à l’application du décret législatif no 163 (supplément ordinaire à la GURI no 288, du 10 décembre 2010, ci-après le «décret présidentiel no 207/2010»), abrogeant le décret du président de la République no 34, du 25 janvier 2000, prévoit à son article 60, paragraphes 2 à 4:
«2. L’agrément est obligatoire pour quiconque effectue des travaux publics confiés par un maître d’ouvrage d’un montant supérieur à 150 000 euros.
3. […] l’attestation d’agrément délivrée conformément au présent titre constitue une condition nécessaire et suffisante pour démontrer que sont réunies les exigences requises en matière de capacité technique et financière aux fins de se voir confier des travaux publics.
4. Les maîtres d’ouvrage ne peuvent demander aux soumissionnaires de démontrer qu’ils sont qualifiés selon des modalités, procédures et conditions différentes de celles prévues au présent chapitre […]»
7 L’article 68 du décret no 207/2010 prévoit:
«1. L’exercice par les SOA de l’activité de certification de la qualification [...] est subordonné à l’autorisation de l’Autorità.
2. La SOA présente une demande d’autorisation accompagnée des documents suivants:
a) l’acte de constitution et les statuts de la société;
b) la liste des actionnaires et la déclaration relative aux éventuelles situations de contrôle ou de liens entre entreprises;
c) l’organigramme de la SOA, incluant le curriculum vitæ des personnes qui en font partie;
d) la déclaration du représentant légal, selon les modalités et les formes prévues par les lois en vigueur, portant sur l’absence des situations prévues à l’article 64, paragraphe 6, en ce qui concerne la SOA, ses administrateurs, représentants légaux ou directeurs techniques et le personnel [...]
e) extrait du casier judiciaire des administrateurs, des représentants légaux, des directeurs techniques et du personnel [...]
f) un document contenant la description des procédures qui, conformément aux dispositions arrêtées par l’Autorità, seront utilisées pour l’exercice de l’activité de certification;
g) une police d’assurance conclue avec l’entreprise d’assurances autorisée à couvrir le risque lié auquel l’obligation se réfère, pour la couverture des responsabilités consécutives à l’activité exercée, dont le montant maximal s’élève au minimum à six fois le volume d’affaires prévu.
[...]»
8 L’article 70 du décret no 207/2010 dispose:
«1. Dans l’exercice de leur activité, les SOA doivent:
a) agir avec diligence, loyauté et transparence, dans le respect des principes visés à l’article 2 du code;
b) obtenir les informations nécessaires auprès des personnes à agréer et agir de manière à s’assurer d’une information adéquate;
c) agir de manière à garantir l’impartialité et l’égalité de traitement;
d) assurer et maintenir l’indépendance requise par les dispositions du code et par le présent titre;
e) disposer de ressources et de procédures, y compris en matière de contrôle interne, propres à assurer l’efficacité et la loyauté;
f) vérifier la véracité et le contenu des déclarations, certificats et documents […] présentés par les personnes auxquelles l’attestation doit être délivrée, ainsi que la persistance des conditions visées à l’article 78;
g) délivrer l’attestation d’agrément conformément aux documents produits par l’entreprise et vérifiés conformément au point f).
2. Dans le cadre de leur activité d’évaluation et de vérification de l’agrément, les SOA se procurent les données à caractère économico-financier, telles que les bilans, ainsi que les informations sur les modifications organisationnelles et sur les transformations de la nature juridique des entreprises, y compris auprès de la banque de données de la chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat.
3. Aux fins de l’exécution de leurs tâches institutionnelles, les SOA ne peuvent recourir aux prestations de tiers à leur propre organisation. En tout état de cause, les SOA sont responsables de toute activité exercée, directement ou indirectement, en leur nom et pour leur compte.
4. Toute attestation d’agrément et tout renouvellement d’attestation ainsi que toutes les activités complémentaires de révision ou de modification sont soumis au paiement d’une contrepartie déterminée en fonction du montant global et du nombre de catégories générales ou spécialisées pour lesquelles l’agrément est demandé, conformément aux formules figurant à l’annexe C, partie I. Pour les groupements stables, la contrepartie due aux SOA pour chaque activité est réduite de 50 %; pour les
entreprises agréées jusqu’à la classe de montant II, la contrepartie due aux SOA pour chaque activité est réduite de 20 %.
5. Les montants déterminés conformément au paragraphe 4 sont considérés comme la contrepartie minimale de la prestation. Le paiement d’une contrepartie supérieure au double du montant déterminé selon les critères visés au paragraphe 4 ne peut être prévu. Toute clause contraire est nulle. La contrepartie doit être intégralement payée avant la délivrance de l’attestation, la révision ou la modification [de celle-ci]; un retard inférieur à six mois est admis si, au moment de la délivrance de
l’attestation, une autorisation de prélèvement direct sur un compte bancaire courant a été établie et transmise à la SOA pour la totalité du montant.
6. Les SOA transmettent les attestations à l’Autorità dans les quinze jours suivant leur délivrance, selon les modalités prévues à l’article 8, paragraphe 7.
7. Les SOA informent l’Autorità, dans un délai de dix jours, du lancement de la procédure de vérification des conditions requises à l’égard d’une entreprise et de son résultat, conformément à l’article 40, paragraphe 9 ter, du code.»
Le litige au principal et la question préjudicielle
9 Par des notes du 20 septembre 2010, le Ministero ainsi que l’Autorità ont déclaré inapplicable aux services offerts par les SOA l’article 2 du décret-loi no 223/2006 prévoyant l’abrogation des tarifs minimaux obligatoires dans l’exercice d’activités professionnelles et ont décidé de ne pas donner suite à l’intention de la SOA Nazionale Costruttori de proposer aux entreprises des rabais sur les montants perçus aux fins de la délivrance d’attestations d’agrément.
10 La SOA Nazionale Costruttori a formé un recours en annulation desdites notes devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio.
11 Par jugement du 1er juin 2011, ladite juridiction a accueilli le recours de la SOA Nazionale Costruttori.
12 Le Ministero et l’Autorità ont interjeté appel dudit jugement devant le Consiglio di Stato.
13 Selon la juridiction de renvoi, la référence, à l’article 2, paragraphe 1, sous a), du décret-loi no 223/2006, aux activités «intellectuelles» ne saurait couvrir les activités des SOA qui exercent une mission publique de certification. En effet, cette mission consisterait en l’émission d’attestations d’agrément constituant la condition nécessaire et suffisante pour démontrer qu’une entreprise répond aux exigences requises en matière de capacité technique et financière aux fins de se voir confier
la réalisation de travaux publics.
14 En outre, les activités des SOA seraient de nature exclusive, celles-ci ne pouvant exercer d’autres activités, et ne présenteraient pas un caractère autonome dès lors qu’elles sont soumises aux règles de droit ainsi qu’à la surveillance de l’Autorità.
15 Partant, la juridiction de renvoi estime que l’abrogation des tarifs minimaux prévue par le décret-loi no 223/2006 ne peut s’appliquer aux tarifs fixés pour l’activité d’attestation des SOA.
16 Cependant, ladite juridiction émet des doutes quant à la compatibilité des dispositions nationales pertinentes en ce qui concerne l’activité d’attestation des SOA avec la réglementation de l’Union.
17 En particulier, elle s’interroge sur la question de savoir si, au regard des dispositions du traité FUE en matière de concurrence et de liberté d’établissement, les SOA participent à l’exercice de la puissance publique et si la réglementation nationale relative aux tarifs minimaux en cause est conforme auxdites dispositions.
18 Dans ces conditions, le Consiglio di Stato a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Les principes [de l’Union] en matière de concurrence et les articles 101 [TFUE], 102 [TFUE] et 106 [TFUE] font-ils obstacle à l’application des tarifs prévus par les décrets [présidentiels no 34, du 25 janvier 2000, et no 207/2010] pour l’activité d’attestation des [SOA]?»
Sur la question préjudicielle
Sur la recevabilité
19 L’Associazione nazionale Società Organismi di Attestazione (ci-après l’«Unionsoa») soutient que la demande de décision préjudicielle est irrecevable au motif qu’elle est dénuée de pertinence pour l’issue du litige au principal, dès lors que la juridiction de renvoi aurait déjà procédé à la constatation selon laquelle la réglementation nationale en matière de tarifs des SOA est justifiée.
20 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union, posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, bénéficient d’une présomption de pertinence (voir arrêt du 30 mai 2013, X, C‑651/11, point 20 et jurisprudence citée).
21 Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir arrêt X, précité, point 21 et jurisprudence
citée).
22 Or, force est de constater que, en l’occurrence, il ne ressort pas de manière manifeste du dossier soumis à la Cour que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée par la juridiction de renvoi n’ait aucun rapport avec l’objet du litige, ou encore que le problème soulevé par cette dernière soit de nature hypothétique.
23 En effet, la juridiction de renvoi, qui est saisie d’une demande de réformation du jugement du Tribunale amministrativo regionale per il Lazio ayant conclu à la possibilité de déroger aux tarifs minimaux relatifs à l’activité d’attestation des SOA, considère que la solution du litige au principal dépend de la question de savoir si le droit de l’Union en matière de concurrence s’oppose à une réglementation nationale qui impose aux SOA un régime de tarifs minimaux pour les services qu’elles
fournissent. Partant, l’appréciation de la réglementation nationale relative auxdits tarifs n’a pas encore été définitivement effectuée par la juridiction de renvoi.
24 Dans ces conditions, il convient de répondre à la question posée par le Consiglio di Stato.
Sur le fond
25 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions du traité en matière de concurrence et de liberté d’établissement doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose aux SOA un régime de tarifs minimaux pour les services de certification fournis aux entreprises souhaitant participer à des procédures de passation de marchés de travaux publics.
Sur le droit de l’Union en matière de concurrence
26 Afin de répondre à cette question, il convient, en premier lieu, d’examiner si les SOA constituent, dans le cadre de leur activité de certification, des «entreprises» au sens des articles 101 TFUE, 102 TFUE et 106 TFUE.
27 À cet égard, il découle de la jurisprudence constante de la Cour que, aux fins de l’application des dispositions du droit de l’Union en matière de concurrence, est une entreprise toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir arrêt du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C-41/90, Rec. p. I-1979, point 21). Constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché
donné (voir arrêt du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, C-475/99, Rec. p. I-8089, point 19). En revanche, ne présentent pas de caractère économique, justifiant l’application des règles de concurrence prévues par le traité, les activités qui se rattachent à l’exercice de prérogatives de puissance publique (voir arrêt du 12 juillet 2012, Compass-Datenbank, C‑138/11, point 36).
28 En l’occurrence, le législateur italien a instauré, en application de l’article 52, paragraphe 1, de la directive 2004/18, un régime de certification effectué par des organismes privés, à savoir les SOA. Ces dernières sont des entreprises à but lucratif chargées de fournir des services de certification, l’obtention d’un certificat approprié étant une condition nécessaire de la participation, par les personnes intéressées, aux marchés de travaux publics dans des conditions régies par la
réglementation nationale.
29 Or, l’activité des SOA présente un caractère économique. En effet, celles-ci délivrent des certificats en contrepartie d’une rémunération et exclusivement sur la base de la demande réelle du marché. En outre, elles assument les risques financiers afférents à l’exercice de cette activité (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 1998, Commission/Italie, C-35/96, Rec. p. I-3851, point 37).
30 La réglementation nationale prévoit, notamment, que les SOA vérifient la capacité technique et financière des entreprises soumises à la certification, la véracité et le contenu des déclarations, certificats et documents présentés par les personnes auxquelles l’attestation est délivrée ainsi que le maintien des conditions relatives à la situation personnelle du candidat ou du soumissionnaire.
31 Dans le cadre de cette vérification, les SOA sont tenues de transmettre les informations appropriées à l’Autorità, qui exerce le contrôle de la régularité des activités de certification, des sanctions pouvant être appliquées à l’égard de ces sociétés dans les cas de violation de leurs obligations prévues par la réglementation nationale en vigueur.
32 Contrairement à la situation qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 mars 2009, SELEX Sistemi Integrati/Commission (C-113/07 P, Rec. p. I-2207, point 76), les SOA n’exercent pas une mission de normalisation. Ces entreprises ne disposent d’aucun pouvoir décisionnel se rattachant à l’exercice de prérogatives de puissance publique.
33 Ainsi qu’il ressort du dossier de la présente affaire, les entreprises exerçant les activités de certification, à savoir les SOA, opèrent, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 57 de ses conclusions, dans les conditions de la concurrence.
34 Les entreprises souhaitant participer à des procédures de passation de marchés de travaux publics ne sont pas légalement obligées de recourir aux services de certification d’une SOA déterminée.
35 Dans ces conditions, il convient de constater que, de même que la Cour a reconnu la qualité d’entreprise à un constructeur d’automobiles en tant qu’il opérait sur le marché de la certification des automobiles en délivrant des certificats de conformité nécessaires à leur immatriculation (arrêt du11 novembre 1986, British Leyland/Commission, 226/84, Rec. p. 3263), les SOA doivent être considérées, dans le cadre de leur activité de certification, comme des «entreprises» au sens des
articles 101 TFUE, 102 TFUE et 106 TFUE.
36 Il importe, en deuxième lieu, de vérifier si les articles 101 TFUE et 102 TFUE trouvent à s’appliquer dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal, dans laquelle les règles relatives aux tarifs minimaux pour les services de certification sont établies par l’État.
37 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour, s’il est vrai que les articles 101 TFUE et 102 TFUE concernent uniquement le comportement des entreprises et ne visent pas des mesures législatives ou réglementaires émanant des États membres, il n’en demeure pas moins que ces articles, lus en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, TUE, qui instaure un devoir de coopération entre l’Union européenne et les États membres, imposent à ces
derniers de ne pas prendre ou de ne pas maintenir en vigueur des mesures, même de nature législative ou réglementaire, susceptibles d’éliminer l’effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises (voir arrêts du 5 décembre 2006, Cipolla e.a., C-94/04 et C-202/04, Rec. p. I-11421, point 46, ainsi que du 1er juillet 2010, Sbarigia, C-393/08, Rec. p. I-6337, point 31).
38 Il y a violation des articles 101 TFUE ou 102 TFUE, lus en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, TUE, lorsqu’un État membre soit impose ou favorise la conclusion d’ententes contraires à l’article 101 TFUE ou renforce les effets de telles ententes, soit retire à sa propre réglementation son caractère étatique en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d’intervention d’intérêt économique, soit encore impose ou favorise des abus de position dominante (voir,
en ce sens, arrêt Cipolla e.a., précité, point 47).
39 Aucun élément du dossier dont dispose la Cour ne permet de constater que la réglementation nationale en cause au principal aurait de tels effets. En outre, il est manifeste que l’État membre en question n’a pas délégué à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d’intervention ayant un intérêt économique.
40 Dans ces conditions, il convient d’examiner, en troisième lieu, si l’article 106 TFUE trouve à s’appliquer en l’occurrence, le paragraphe 1 de cet article interdisant aux États membres, en ce qui concerne les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, d’édicter ou de maintenir des mesures contraires aux règles des traités, notamment à celles prévues aux articles 101 TFUE et 102 TFUE.
41 Une mesure étatique peut être considérée comme attribuant un droit exclusif ou spécial au sens de l’article 106, paragraphe 1, TFUE lorsqu’elle confère une protection à un nombre limité d’entreprises et qu’elle est de nature à affecter substantiellement la capacité des autres entreprises à exercer l’activité économique en cause sur le même territoire, dans des conditions substantiellement équivalentes (voir arrêt Ambulanz Glöckner, précité, point 24).
42 En l’occurrence, le fait que les tâches liées à la certification aient été confiées à toutes les SOA et seulement à celles-ci ne saurait être considéré comme conférant des droits spéciaux ou exclusifs à ces dernières. En effet, toutes les SOA sont dotées des mêmes droits et des mêmes compétences dans le cadre du marché pertinent des services de certification, aucun avantage concurrentiel n’étant créé au bénéfice de certaines entreprises actives sur ce marché au détriment d’autres entreprises
fournissant les mêmes services. En outre, il apparaît que l’autorisation de créer de nouvelles SOA n’est pas réservée à un nombre limité d’organismes, mais qu’elle est délivrée à tout organisme satisfaisant aux conditions rappelées au point 7 du présent arrêt.
43 Partant, les SOA ne peuvent pas être considérées comme des entreprises investies par l’État membre concerné de droits spéciaux ou exclusifs au sens de l’article 106, paragraphe 1, TFUE.
44 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que les articles 101 TFUE, 102 TFUE et 106 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui impose aux SOA un régime de tarifs minimaux pour les services de certification fournis aux entreprises souhaitant participer à des procédures de passation de marchés de travaux publics.
Sur la liberté d’établissement
45 Il convient de rappeler que l’article 49 TFUE s’oppose aux restrictions à la liberté d’établissement. Cette disposition prohibe toute mesure nationale qui est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice, par les ressortissants de l’Union, de la liberté d’établissement garantie par le traité. La notion de restriction couvre les mesures prises par un État membre qui, quoique indistinctement applicables, affectent l’accès au marché pour les entreprises d’autres États membres et
entravent ainsi le commerce intracommunautaire (voir arrêts du 28 avril 2009, Commission/Italie, C-518/06, Rec. p. I-3491, points 63 et 64, ainsi que du 7 mars 2013, DKV Belgium, C‑577/11, points 31 à 33).
46 En l’occurrence, il ressort du dossier soumis à la Cour que tous les éléments du litige au principal sont cantonnés à l’intérieur d’un seul État membre, à savoir la République italienne. Dès lors, il y a lieu de vérifier à titre liminaire si la Cour est compétente dans la présente affaire pour se prononcer sur la disposition du traité relative à la liberté d’établissement, à savoir l’article 49 TFUE (arrêt du 11 mars 2010, Attanasio Group, C-384/08, Rec. p. I-2055, point 22).
47 En effet, une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui est indistinctement applicable aux ressortissants italiens et aux ressortissants des autres États membres, n’est, en règle générale, susceptible de relever des dispositions relatives aux libertés fondamentales garanties par le traité que dans la mesure où elle s’applique à des situations ayant un lien avec les échanges entre les États membres (voir arrêt Attanasio Group, précité, point 23 et jurisprudence citée).
48 Cependant, il ne saurait nullement être exclu en l’occurrence que des entreprises établies dans des États membres autres que la République italienne aient été ou soient intéressées à exercer une activité de certification dans ce dernier État membre (voir, en ce sens, arrêt Attanasio Group, précité, point 24).
49 Par ailleurs, même dans une situation dans laquelle tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre, une réponse peut néanmoins être utile à la juridiction de renvoi, notamment dans l’hypothèse où le droit national lui imposerait de faire bénéficier un ressortissant national des mêmes droits que ceux qu’un ressortissant d’un autre État membre tirerait du droit de l’Union dans la même situation (voir arrêt du 1er juin 2010, Blanco Pérez et Chao Gómez, C-570/07 et C-571/07, Rec.
p. I-4629, point 39).
50 S’agissant de l’article 51 TFUE, en vertu duquel sont exceptées de l’application des dispositions du traité en matière de liberté d’établissement les activités participant à l’exercice de l’autorité publique, il importe de relever que cette dérogation n’est pas applicable dans l’affaire au principal.
51 En effet, ladite dérogation est restreinte aux seules activités qui, prises en elles-mêmes, constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique (arrêt du 24 mai 2011, Commission/Belgique, C-47/08, Rec. p. I-4105, point 85 et jurisprudence citée).
52 Au regard des considérations visées aux points 28 à 35 du présent arrêt, il ne saurait être soutenu que les activités d’attestation des SOA constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique.
53 En effet, comme l’a relevé M. l’avocat général aux points 47 et 48 de ses conclusions, n’entrent pas dans le champ d’application de la dérogation prévue à l’article 51 TFUE les décisions de certifier ou non un contrôle technique, lesquelles, en substance, prennent uniquement acte des résultats de la visite technique, dans la mesure où, d’une part, elles sont dépourvues de l’autonomie décisionnelle propre à l’exercice de prérogatives de puissance publique et, d’autre part, sont prises dans le
cadre d’une surveillance étatique directe (voir, par analogie, arrêt du 22 octobre 2009, Commission/Portugal, C-438/08, Rec. p. I-10219, points 41 et 45). De même, le rôle auxiliaire et préparatoire dévolu à des organismes privés vis-à-vis de l’autorité de supervision ne saurait être considéré comme une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 51 TFUE (voir arrêt du 29 novembre 2007, Commission/Allemagne, C-404/05, Rec. p. I-10239, point 44).
54 En l’occurrence, la vérification, par les SOA, de la capacité technique et financière des entreprises soumises à la certification, de la véracité et du contenu des déclarations, certificats et documents présentés par les personnes auxquelles l’attestation est délivrée ainsi que du maintien des conditions relatives à la situation personnelle du candidat ou du soumissionnaire ne saurait être considérée comme une activité relevant de l’autonomie décisionnelle propre à l’exercice de prérogatives de
puissance publique. Cette vérification est entièrement déterminée par le cadre réglementaire national. En outre, elle est accomplie sous une surveillance étatique directe et elle a pour fonction de faciliter la tâche des pouvoirs adjudicateurs dans le domaine des marchés publics de travaux, sa finalité étant de permettre à ces derniers d’accomplir leur mission en ayant une connaissance précise et circonstanciée de la capacité tant technique que financière des soumissionnaires.
55 Partant, il y a lieu d’apprécier la réglementation nationale en cause dans l’affaire au principal au regard de l’article 49 TFUE.
– Sur l’existence d’une restriction à la liberté d’établissement
56 Les règles nationales contestées dans le cadre du litige au principal interdisent aux entreprises fournissant des services de certification de déroger aux tarifs minimaux prévus par le droit italien. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 51 de ses conclusions, lesdites règles sont susceptibles de rendre moins attrayant l’exercice, par les entreprises établies dans des États membres autres que la République italienne, de la liberté d’établissement sur le marché desdits services.
57 En effet, ladite interdiction prive les entreprises établies dans un État membre autre que la République italienne et répondant aux conditions prévues par la réglementation italienne de la possibilité de livrer, par la demande d’honoraires inférieurs à ceux fixés par le législateur italien, une concurrence plus efficace aux entreprises établies de manière stable dans l’État membre concerné et disposant, de ce fait, de plus grandes facilités que les entreprises ayant leur siège dans un autre État
membre pour s’attacher une clientèle (voir, par analogie, arrêts du 5 octobre 2004, CaixaBank France, C-442/02, Rec. p. I-8961, point 13, ainsi que Cipolla e.a., précité, point 59).
58 Dans ces conditions, une réglementation nationale telle que celle en cause dans l’affaire au principal doit être considérée comme constituant une restriction à la liberté d’établissement.
– Sur la justification de la restriction à la liberté d’établissement
59 Une restriction à la liberté d’établissement peut être admise s’il s’avère qu’elle répond à des raisons impérieuses d’intérêt général, qu’elle est propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir arrêt DKV Belgium, précité, point 38).
60 L’Unionsoa et le gouvernement italien estiment que la réglementation nationale en cause au principal vise à garantir l’indépendance des SOA ainsi que la qualité des services de certification fournis par ces dernières. En effet, une concurrence entre les SOA au niveau des tarifs négociés avec leurs clients et la possibilité de fixer ces tarifs à un niveau très bas risqueraient de porter atteinte à leur indépendance à l’égard desdits clients et d’affecter d’une façon négative la qualité des
services de certification.
61 À cet égard, il convient de rappeler que l’intérêt général lié à la protection des destinataires des services est susceptible de justifier une restriction à la liberté d’établissement (voir arrêt du 30 mars 2006, Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti, C-451/03, Rec. p. I-2941, point 38).
62 En l’occurrence, d’une part, les SOA sont chargées de la certification d’entreprises, l’obtention d’un certificat approprié étant une condition nécessaire de la participation des entreprises intéressées aux marchés de travaux publics. Dans ce contexte, la législation italienne vise à garantir l’absence de tout intérêt commercial ou financier de nature à entraîner des comportements non impartiaux ou discriminatoires de la part des SOA à l’égard desdites entreprises.
63 D’autre part, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, les SOA ne peuvent exercer d’autres activités que celle consistant en la certification. En outre, elles sont tenues, conformément à la réglementation nationale, de disposer de ressources et de procédures propres à assurer l’efficacité et la loyauté de la prestation de leurs services.
64 C’est dans la perspective de la protection des destinataires des services que revêt une importance particulière l’indépendance des SOA à l’égard des intérêts particuliers de leurs clients. Une certaine limitation de la possibilité de négocier les prix de services avec ces clients est susceptible de renforcer leur indépendance.
65 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, ainsi que l’a relevé en substance M. l’avocat général au point 58 de ses conclusions, la fixation de tarifs minimaux pour la prestation de tels services est destinée, en principe, à assurer la bonne qualité de ces derniers et elle est propre à garantir la réalisation de l’objectif de la protection des destinataires desdits services.
66 À cet égard, il importe, toutefois, de souligner que le régime national en cause au principal relatif aux tarifs, et, en particulier, le mode de calcul des tarifs minimaux, doit être proportionné au regard de la réalisation de l’objectif visé au point précédent.
67 En l’espèce, la réglementation italienne prévoit que toute attestation d’agrément et tout renouvellement d’attestation ainsi que toutes les activités complémentaires de révision ou de modification sont soumis au paiement d’un tarif minimal déterminé en fonction du montant global et du nombre de catégories générales ou spécialisées pour lesquelles l’agrément est demandé.
68 C’est à la juridiction de renvoi qu’il incombe d’apprécier si ladite réglementation ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif mentionné au point 65 du présent arrêt. À cette fin, il lui appartiendra de tenir compte, en particulier, du mode de calcul des tarifs minimaux, notamment en fonction du nombre de catégories de travaux pour lesquelles le certificat est établi.
69 Compte tenu de ce qui précède, il convient de constater qu’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, qui impose aux SOA des tarifs minimaux pour les services de certification fournis aux entreprises souhaitant participer à des procédures de passation de marchés de travaux publics, constitue une restriction à la liberté d’établissement au sens de l’article 49 TFUE, mais une telle réglementation est propre à garantir la réalisation de l’objectif de la protection des
destinataires desdits services. Il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier si, compte tenu, en particulier, du mode de calcul des tarifs minimaux, notamment en fonction du nombre de catégories de travaux pour lesquelles le certificat est établi, ladite réglementation nationale ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.
Sur les dépens
70 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:
Les articles 101 TFUE, 102 TFUE et 106 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui impose aux sociétés ayant la qualité d’organismes d’attestation (Società Organismi di Attestazione) un régime de tarifs minimaux pour les services de certification fournis aux entreprises souhaitant participer à des procédures de passation de marchés de travaux publics.
Une telle réglementation nationale constitue une restriction à la liberté d’établissement au sens de l’article 49 TFUE, mais elle est propre à garantir la réalisation de l’objectif de la protection des destinataires desdits services. Il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier si, compte tenu, en particulier, du mode de calcul des tarifs minimaux, notamment en fonction du nombre de catégories de travaux pour lesquelles le certificat est établi, ladite réglementation nationale ne va pas
au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: l’italien.