ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)
5 décembre 2013 ( *1 )
«Espace de liberté, de sécurité et de justice — Règlement (CE) no 805/2004 — Titre exécutoire européen pour les créances incontestées — Conditions de la certification en tant que titre exécutoire d’une décision — Situation dans laquelle la décision a été rendue dans l’État membre du créancier dans un litige opposant deux personnes non engagées dans des activités commerciales ou professionnelles»
Dans l’affaire C‑508/12,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landesgericht Salzburg (Autriche), par décision du 31 octobre 2012, parvenue à la Cour le 9 novembre 2012, dans la procédure
Walter Vapenik
contre
Josef Thurner,
LA COUR (neuvième chambre),
composée de M. M. Safjan (rapporteur), président de chambre, M. J. Malenovský et Mme A. Prechal, juges,
avocat général: M. P. Cruz Villalón,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
— pour le gouvernement autrichien, par M. A. Posch, en qualité d’agent,
— pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,
— pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze en qualité d’agent,
— pour la Commission européenne, par M. W. Bogensberger et Mme A.‑M. Rouchaud-Joët, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, sous d), du règlement (CE) no 805/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (JO L 143, p. 15).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours formé par M. Vapenik, domicilié à Salzburg (Autriche), contre le rejet de sa demande tendant à la délivrance d’un titre exécutoire européen pour une décision rendue par défaut contre M. Thurner, domicilié à Ostende (Belgique), au motif que l’action intentée contre ce dernier, un consommateur, n’avait pas été introduite dans l’État membre dans lequel celui-ci avait son domicile.
Le cadre juridique
Le règlement no 805/2004
3 Aux termes des considérants 8, 9 et 20 du règlement no 805/2004:
«(8) Dans les conclusions de sa réunion de Tampere, le Conseil européen a estimé qu’il convenait d’accélérer et de simplifier l’exécution dans un État membre autre que celui dans lequel la décision a été rendue en supprimant toutes les mesures intermédiaires à prendre avant l’exécution dans l’État membre où elle est demandée. Une décision qui a été certifiée en tant que titre exécutoire européen par la juridiction d’origine devrait être traitée, aux fins de l’exécution, comme si elle avait été
rendue dans l’État membre dans lequel l’exécution est demandée. [...] Les modalités relatives à l’exécution de ces décisions devraient rester régies par le droit national.
(9) Une telle procédure devrait présenter des avantages importants par rapport à la procédure d’exequatur prévue par le règlement (CE) no 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale [JO 2001, L 12, p. 1, tel que modifié par le règlement (CE) no 1496/2002 de la Commission, du 21 août 2002 (JO L 225, p. 13, ci-après le «règlement no 44/2001»)], car elle permettra de se dispenser de
l’assentiment des autorités judiciaires d’un deuxième État membre avec les retards et les frais qui en résultent.
[...]
(20) La demande de certification en tant que titre exécutoire européen pour les créances incontestées devrait être facultative pour le créancier, qui peut également opter pour le système de reconnaissance et d’exécution prévu par le règlement (CE) no 44/2001 ou par d’autres instruments communautaires.»
4 L’article 1er de ce règlement est libellé comme suit:
«Le présent règlement a pour objet de créer un titre exécutoire européen pour les créances incontestées en vue, grâce à l’établissement de normes minimales, d’assurer la libre circulation des décisions, des transactions judiciaires et des actes authentiques dans tous les États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une procédure intermédiaire dans l’État membre d’exécution préalablement à la reconnaissance et à l’exécution.»
5 L’article 3, paragraphe 1, dudit règlement dispose:
«Le présent règlement s’applique aux décisions, transactions judiciaires et actes authentiques portant sur des créances incontestées.
Une créance est réputée incontestée:
a) si le débiteur l’a expressément reconnue en l’acceptant ou en recourant à une transaction qui a été approuvée par une juridiction ou conclue devant une juridiction au cours d’une procédure judiciaire; ou
b) si le débiteur ne s’y est jamais opposé, conformément aux règles de procédure de l’État membre d’origine, au cours de la procédure judiciaire; ou
c) si le débiteur n’a pas comparu ou ne s’est pas fait représenter lors d’une audience relative à cette créance après l’avoir initialement contestée au cours de la procédure judiciaire, pour autant que sa conduite soit assimilable à une reconnaissance tacite de la créance ou des faits invoqués par le créancier en vertu du droit de l’État membre d’origine; ou
d) si le débiteur l’a expressément reconnue dans un acte authentique.»
6 L’article 6 du même règlement, intitulé «Conditions de la certification en tant que titre exécutoire européen», énonce, à son paragraphe 1:
«Une décision relative à une créance incontestée rendue dans un État membre est, sur demande adressée à tout moment à la juridiction d’origine, certifiée en tant que titre exécutoire européen si les conditions suivantes sont remplies:
a) la décision est exécutoire dans l’État membre d’origine;
b) la décision n’est pas incompatible avec les dispositions en matière de compétence figurant dans les sections 3 et 6 du chapitre II du règlement (CE) no 44/2001;
c) la procédure judiciaire dans l’État membre d’origine a satisfait aux exigences énoncées au chapitre III dans le cas d’une créance incontestée au sens de l’article 3, paragraphe 1, point b) ou c); et
d) la décision a été rendue dans l’État membre où le débiteur a son domicile au sens de l’article 59 du règlement (CE) no 44/2001, dans le cas:
— où il s’agit d’une créance incontestée au sens de l’article 3, paragraphe 1, point b) ou c), du présent règlement; et
— où elle se rapporte à un contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle; et
— où le débiteur est le consommateur.»
7 Le chapitre III du règlement no 805/2004 instaure des normes minimales applicables aux procédures relatives aux créances incontestées.
Le règlement no 44/2001
8 Aux termes du considérant 13 du règlement no 44/2001:
«S’agissant des contrats d’assurance, de consommation et de travail, il est opportun de protéger la partie la plus faible au moyen de règles de compétence plus favorables à ses intérêts que ne le sont les règles générales.»
9 Contenu dans la section 4 du chapitre II du règlement no 44/2001, l’article 15, paragraphe 1, de celui-ci est libellé comme suit:
«En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section [...]:
a) lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels;
b) lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liés au financement d’une vente de tels objets;
c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités.»
10 L’article 16, paragraphes 1 et 2, dudit règlement dispose:
«1. L’action intentée par un consommateur contre l’autre partie au contrat peut être portée soit devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit devant le tribunal du lieu où le consommateur est domicilié.
2. L’action intentée contre le consommateur par l’autre partie au contrat ne peut être portée que devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel est domicilié le consommateur.»
11 Conformément à l’article 35, paragraphe 1, du même règlement, les «décisions ne sont pas reconnues si les dispositions des sections 3, 4 et 6 du chapitre II ont été méconnues».
12 Les sections 3, 4 et 6 du chapitre II du règlement no 44/2001 prévoient des règles de compétence respectivement en matière d’assurance, des contrats conclus par les consommateurs et des compétences exclusives.
13 L’article 43, paragraphe 1, de ce règlement énonce:
«L’une ou l’autre partie peut former un recours contre la décision relative à la demande de déclaration constatant la force exécutoire.»
14 L’article 45, paragraphe 1, dudit règlement dispose:
«La juridiction saisie d’un recours prévu à l’article 43 ou 44 ne peut refuser ou révoquer une déclaration constatant la force exécutoire que pour l’un des motifs prévus aux articles 34 et 35. Elle statue à bref délai.»
Le règlement (CE) no 593/2008
15 Les considérants 23 et 24 du règlement no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO L 177, p. 6), énoncent:
«(23) S’agissant des contrats conclus avec des parties considérées comme plus faibles, celles-ci devraient être protégées par des règles de conflit de lois plus favorables à leurs intérêts que ne le sont les règles générales.
(24) S’agissant plus particulièrement des contrats de consommation, la règle de conflit de lois devrait permettre de réduire les coûts engendrés par la résolution de ces litiges, qui sont souvent de faible valeur, et prendre en compte l’évolution des techniques de commercialisation à distance. La cohérence avec le règlement (CE) no 44/2001 exige, d’une part, qu’il soit fait référence à la notion d’‘activité dirigée’ comme condition d’application de la règle de protection du consommateur et,
d’autre part, que cette notion fasse l’objet d’une interprétation harmonieuse dans le règlement (CE) no 44/2001 et le présent règlement [...]»
16 L’article 6, paragraphe 1, de ce règlement est libellé comme suit:
«[...] [U]n contrat conclu par une personne physique (ci-après ‘le consommateur’), pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, avec une autre personne (ci-après ‘le professionnel’), agissant dans l’exercice de son activité professionnelle, est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, à condition que le professionnel:
a) exerce son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, ou
b) par tout moyen, dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui-ci,
et que le contrat rentre dans le cadre de cette activité.»
Le litige au principal et la question préjudicielle
17 Il ressort de la décision de renvoi que, par un recours formé devant le Bezirksgericht Salzburg (Autriche), M. Vapenik a demandé à ce que M. Thurner soit condamné au paiement de la somme de 3158 euros, augmentée des intérêts et des frais, au titre d’un contrat de prêt d’argent conclu entre eux. M. Vapenik a porté son recours devant cette juridiction autrichienne en tant que tribunal du lieu d’exécution du contrat choisi par les parties. Aucune des parties n’était engagée dans des activités
commerciales ou professionnelles au moment de la conclusion du contrat et de l’introduction du recours.
18 Malgré la signification de l’assignation et l’invitation à comparaître par huissier faite à M. Thurner en Belgique, ce dernier n’a pas comparu. Le Bezirksgericht Salzburg a donc rendu un jugement par défaut. Ce jugement a été signifié par voie postale à M. Thurner, qui n’a pas formé appel contre ledit jugement, lequel est, par conséquent, devenu définitif et exécutoire.
19 M. Vapenik a, ensuite, introduit devant le Bezirksgericht Salzburg une demande tendant à la délivrance d’un titre exécutoire européen de ce jugement, conformément au règlement no 805/2004. Ladite juridiction a rejeté cette demande en se référant à l’article 6, paragraphe 1, sous d), de ce règlement, estimant que le recours contre M. Thurner, le consommateur, n’avait pas été formé dans l’État membre dans lequel celui-ci avait son domicile.
20 M. Vapenik a interjeté appel de cette décision devant la juridiction de renvoi, en faisant valoir que les conditions de délivrance d’un titre exécutoire européen au titre de l’article 6, paragraphe 1, sous a) à c), du règlement no 805/2004 étaient réunies, car le contrat de prêt avait été conclu entre deux particuliers. L’article 6, paragraphe 1, sous d), de ce règlement, prévoyant que ce titre est délivré, notamment, lorsque le cocontractant du consommateur agit dans le cadre de son activité
commerciale ou professionnelle, ne serait donc pas applicable à l’affaire au principal.
21 Dans ces conditions, le Landesgericht Salzburg a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«L’article 6, paragraphe 1, sous d), du règlement [...] no 805/2004 doit-il être interprété en ce sens que cette disposition ne s’applique qu’aux contrats conclus entre des entreprises, en qualité de créanciers, et des consommateurs, en qualité de débiteurs, ou suffit-il que, à tout le moins, le débiteur soit un consommateur, avec pour conséquence que cette disposition s’applique aussi en cas de créances détenues par un consommateur à l’encontre d’un autre consommateur?»
Sur la question préjudicielle
22 Par sa question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, sous d), du règlement no 805/2004 doit être interprété en ce sens qu’il s’applique également aux contrats conclus entre deux personnes non engagées dans des activités commerciales ou professionnelles.
23 Selon une jurisprudence constante, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation
en cause (voir, notamment, arrêt du 27 juin 2013, Malaysia Dairy Industries, C‑320/12, point 25 et jurisprudence citée).
24 Il ressort du libellé de l’article 6, paragraphe 1, sous d), du règlement no 805/2004 que le consommateur est une personne qui conclut un contrat pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle. Cette disposition ne précise pas si la qualité de professionnel ou non du cocontractant de ce consommateur joue un rôle aux fins de la qualification de l’autre partie en tant que «consommateur». La qualité de cocontractant d’un consommateur ne résulte pas non plus
d’autres dispositions de ce règlement et, en l’absence, dans ladite disposition, d’un renvoi au droit des États membres, il y a donc lieu de déterminer le sens et la portée de la notion de «consommateur» posée à cette même disposition au regard du contexte dans lequel celle-ci s’inscrit et de l’objectif poursuivi par le règlement no 805/2004.
25 À cet égard, et pour assurer le respect des objectifs poursuivis par le législateur européen dans le domaine des contrats conclus par les consommateurs ainsi que la cohérence du droit de l’Union, il y a lieu, en particulier, de tenir compte de la notion de «consommateur» contenue dans d’autres réglementations du droit de l’Union. Eu égard au caractère complémentaire des règles instaurées par le règlement no 805/2004 par rapport à celles que comporte le règlement no 44/2001, les dispositions de ce
dernier s’avèrent particulièrement pertinentes.
26 Ainsi, il y a lieu de rappeler d’emblée que le système de protection des consommateurs mis en œuvre, notamment, par la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29), repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information (voir, notamment, arrêts du 14 juin 2012, Banco
Español de Crédito, C‑618/10, point 39; du 21 mars 2013, RWE Vertrieb, C‑92/11, point 41, ainsi que du 30 mai 2013, Asbeek Brusse et de Man Garabito, C‑488/11, point 31).
27 En outre, le régime particulier institué, notamment, par les dispositions du règlement no 44/2001 relatives à la compétence juridictionnelle en matière de contrats conclus par les consommateurs a pour fonction, comme il ressort du considérant 13 de ce règlement, d’assurer une protection adéquate du consommateur, en tant que partie au contrat réputée économiquement plus faible et juridiquement moins expérimentée que son cocontractant professionnel.
28 Dans ce contexte, la Cour a itérativement jugé que l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 44/2001, qui fait référence à la notion de «consommateur», ne vise que le consommateur final privé, non engagé dans des activités commerciales ou professionnelles (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2013, Česká spořitelna, C‑419/11, point 32).
29 Enfin, ainsi que cela ressort des considérants 23 et 24 du règlement no 593/2008, l’exigence de protection, dans le cadre contractuel, des parties plus faibles, dont les consommateurs, est également reconnue lorsqu’il s’agit de déterminer le droit applicable aux contrats de consommation. L’article 6, paragraphe 1, de ce règlement prévoit à cet effet que les contrats conclus entre un consommateur et un professionnel sont, sous certaines conditions, régis par la loi du pays où le consommateur a sa
résidence habituelle.
30 Ces instruments juridiques reconnaissent ainsi la nécessité de protéger la partie la plus faible au contrat lorsque ce dernier a été conclu entre une personne non engagée dans des activités commerciales ou professionnelles et une personne engagée dans de telles activités.
31 Compte tenu de l’objectif de protection des consommateurs prévu par les dispositions de droit de l’Union susmentionnées, qui vise à rétablir l’égalité entre les parties dans les contrats conclus entre un consommateur et un professionnel, l’application de celles-ci ne peut pas être étendue à des personnes à l’égard desquelles cette protection ne se justifie pas.
32 Ainsi, la Cour a déjà jugé que les règles de compétence spéciales en matière de contrats conclus par les consommateurs ne peuvent pas être appliquées aux contrats conclus entre deux personnes engagées dans des activités commerciales ou professionnelles (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 1993, Shearson Lehman Hutton, C-89/91, Rec. p. I-139, points 11 et 24).
33 Or, force est de constater qu’un déséquilibre entre les parties fait également défaut dans une relation contractuelle telle que celle en cause au principal, à savoir celle entre deux personnes non engagées dans des activités commerciales ou professionnelles. Partant, cette relation ne saurait être soumise au régime de protection applicable à l’égard des consommateurs contractant avec des personnes engagées dans des activités commerciales ou professionnelles.
34 Cette interprétation est corroborée par la structure et l’économie des règles de compétence spéciales en matière de contrats conclus par les consommateurs prévues à l’article 16, paragraphes 1 et 2, du règlement no 44/2001, lequel prévoit la compétence de la juridiction du domicile du consommateur pour les actions intentées par ce dernier et contre celui-ci. Il en découle que cette disposition trouve à s’appliquer uniquement aux contrats dans lesquels un déséquilibre existe entre les parties
contractantes.
35 Par ailleurs, il y a lieu de tenir compte du caractère complémentaire des règles instaurées par le règlement no 805/2004 par rapport à celles relatives à la reconnaissance et à l’exécution des décisions prévues par le règlement no 44/2001.
36 À cet égard, il convient de préciser que, si la certification en tant que titre exécutoire européen en vertu du règlement no 805/2004 d’un jugement relatif à une créance incontestée permet de passer outre la procédure d’exequatur prévue par le règlement no 44/2001, l’absence d’une telle certification n’exclut pas la possibilité de l’exécution dudit jugement en application de la procédure d’exequatur, prévue par ce dernier règlement.
37 Or, si l’on retenait, dans le cadre du règlement no 805/2004, une définition de la notion de «consommateur» plus large que dans celui du règlement no 44/2001 cela pourrait conduire à des incohérences dans l’application de ces deux règlements. En effet, le régime dérogatoire établi par le premier règlement pourrait aboutir à la non-certification en tant que titre exécutoire d’un jugement, alors que l’exécution de celui-ci serait pourtant possible dans le cadre du régime général prévu par le
règlement no 44/2001, puisque les conditions dans lesquelles ce régime permet au défendeur de contester la délivrance d’un titre exécutoire, au motif d’une violation de la compétence des juridictions de l’État du domicile du consommateur, ne seraient pas réunies.
38 Il découle de tout ce qui précède que la notion de «consommateur», au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous d), du règlement no 805/2004, vise une personne qui conclut un contrat pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle avec une personne agissant dans l’exercice de ses activités commerciales ou professionnelles.
39 Par conséquent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 6, paragraphe 1, sous d), du règlement no 805/2004 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas aux contrats conclus entre deux personnes non engagées dans des activités commerciales ou professionnelles.
Sur les dépens
40 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit:
L’article 6, paragraphe 1, sous d), du règlement (CE) no 805/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas aux contrats conclus entre deux personnes non engagées dans des activités commerciales ou professionnelles.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.