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26/11/2013 | CJUE | N°C-40/12

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Gascogne Sack Deutschland GmbH contre Commission européenne., 26/11/2013, C-40/12


ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

26 novembre 2013 ( *1 )

«Pourvoi — Concurrence — Ententes — Marché des sacs industriels en plastique — Imputabilité à la société mère de l’infraction commise par la filiale — Durée excessive de la procédure devant le Tribunal — Principe de protection juridictionnelle effective»

Dans l’affaire C‑40/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 27 janvier 2012,

Gascogne Sack Deutschland GmbH, an

ciennement Sachsa Verpackung GmbH, établie à Wieda (Allemagne), représentée par Mes F. Puel et L. François-Martin, a...

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

26 novembre 2013 ( *1 )

«Pourvoi — Concurrence — Ententes — Marché des sacs industriels en plastique — Imputabilité à la société mère de l’infraction commise par la filiale — Durée excessive de la procédure devant le Tribunal — Principe de protection juridictionnelle effective»

Dans l’affaire C‑40/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 27 janvier 2012,

Gascogne Sack Deutschland GmbH, anciennement Sachsa Verpackung GmbH, établie à Wieda (Allemagne), représentée par Mes F. Puel et L. François-Martin, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre et N. von Lingen, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. M. Ilešič, L. Bay Larsen, M. Safjan, présidents de chambre, MM. J. Malenovský, E. Levits, A. Ó Caoimh, J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, D. Šváby et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 février 2013,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 mai 2013,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, Gascogne Sack Deutschland GmbH, anciennement Sachsa Verpackung GmbH (ci-après, dans les deux cas, la «requérante»), demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 novembre 2011, Sachsa Verpackung/Commission (T‑79/06, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation partielle et à la réformation de la décision C(2005) 4634 final de la Commission, du 30 novembre 2005, relative à une procédure d’application de
l’article [81 CE] (Affaire COMP/F/38.354 – Sacs industriels) (ci-après la «décision litigieuse»), ou, à titre subsidiaire, la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée par cette décision.

Le cadre juridique

2 Le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 CE] et [82 CE] (JO 2003, L 1, p. 1), qui a remplacé le règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), prévoit à son article 23, paragraphes 2 et 3, qui s’est substitué à l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17:

«2.   La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a) elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [81 CE] ou [82 CE] […]

[…]

Pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

[…]

3.   Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.»

3 Les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15 paragraphe 2 du règlement no 17 et de l’article [65, paragraphe 5, CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les «lignes directrices de 1998»), applicables à la date de l’adoption de la décision litigieuse, indiquent à leur point 1 que «[l]e montant de base [de l’amende] est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction, seuls critères retenus à l’article 15 paragraphe 2 du règlement no 17».

4 En ce qui concerne la gravité de l’infraction, le point 1, A, premier alinéa, desdites lignes directrices prévoit que l’évaluation du critère de gravité doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné.

5 Selon le second alinéa du même point des lignes directrices de 1998, les infractions sont classées en trois catégories, à savoir les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves. Ces dernières sont notamment des restrictions horizontales de type «cartels de prix» et de quotas de répartition des marchés.

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

6 La requérante est une société de droit allemand. En 1994, 90 % de ses parts sociales ont été acquises par Gascogne Deutschland GmbH, une filiale à 100 % du Groupe Gascogne SA (ci-après le «Groupe Gascogne»), une société de droit français. Les 10 % restants de ses parts sociales ont été acquis directement par le Groupe Gascogne. En 2008, elle a changé de nom et est devenue Gascogne Sack Deutschland GmbH.

7 En 2001, British Polythene Industries plc a informé la Commission de l’existence d’une entente dans le secteur des sacs industriels.

8 La Commission a procédé à des vérifications au cours du mois de juin 2002 et, en juillet 2002, la requérante lui a fait savoir qu’elle souhaitait coopérer. La Commission a engagé la procédure administrative le 29 avril 2004 et a adopté une communication des griefs à l’encontre de plusieurs sociétés, au nombre desquelles figurait, notamment, la requérante.

9 Le 30 novembre 2005, la Commission a adopté la décision litigieuse, dont l’article 1er, paragraphe 1, sous k), dispose que la requérante et le Groupe Gascogne ont enfreint l’article 81 CE en participant, du 9 février 1988 au 26 juin 2002 pour la première et du 1er janvier 1994 au 26 juin 2002 pour le second, à un ensemble d’accords et de pratiques concertées dans le secteur des sacs industriels en matière plastique en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en France, au Luxembourg et aux Pays-Bas,
ayant porté sur la fixation des prix et la mise en place de modèles communs de calcul de prix, le partage des marchés et l’attribution de quotas de vente, la répartition des clients, des affaires et des commandes, la soumission concertée à certains appels d’offres et l’échange d’informations individualisées.

10 Pour ce motif, la Commission a infligé à la requérante, à l’article 2, premier alinéa, sous i), de la décision litigieuse, une amende de 13,20 millions d’euros, en précisant que, sur ce montant, le Groupe Gascogne était tenu pour responsable conjointement et solidairement à hauteur de 9,90 millions d’euros.

L’arrêt attaqué

11 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 février 2006, la requérante a introduit un recours contre la décision litigieuse. Elle concluait, en substance, à ce que le Tribunal annule cette décision en ce qu’elle la concernait ou, à titre subsidiaire, réduise le montant de l’amende qui lui avait été infligée.

12 À l’appui de son recours, la requérante invoquait huit moyens. Les trois premiers moyens, soulevés à titre principal, visaient à l’annulation de la décision litigieuse et étaient tirés, premièrement, d’une erreur manifeste d’appréciation quant au degré d’implication de la requérante dans l’entente, deuxièmement, d’un défaut de motivation de la décision litigieuse quant à la participation de la requérante au sous‑groupe «Allemagne» et, troisièmement, d’une violation, d’une part, de
l’article 81 CE, en ce que la Commission avait de manière erronée imputé des pratiques de la requérante à la société mère de cette dernière, à savoir le Groupe Gascogne, et, d’autre part, de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.

13 Les cinq autres moyens, invoqués à titre subsidiaire, tendaient à la réduction du montant de l’amende. Le quatrième moyen était tiré d’une erreur d’appréciation quant à la gravité de l’infraction; le cinquième moyen d’une erreur d’appréciation quant à la durée de l’infraction; le sixième moyen, présenté à titre encore plus subsidiaire, d’une erreur d’appréciation consistant en l’absence de prise en compte de circonstances atténuantes; le septième moyen d’une erreur d’appréciation concernant la
coopération de la requérante à la procédure administrative et, le huitième moyen, avancé à titre infiniment subsidiaire, d’une violation du principe de proportionnalité.

14 Par lettre du 20 octobre 2010, la requérante a demandé la réouverture de la procédure écrite en raison de l’intervention d’un nouvel élément de droit en cours d’instance, à savoir l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et, plus particulièrement, de l’article 6 TUE, qui a élevé la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») au rang de droit primaire.

15 Lors de l’audience, qui s’est tenue le 2 février 2011, la requérante a fait valoir, outre les moyens invoqués dans sa requête, une violation de la présomption d’innocence consacrée par les articles 48 de la Charte et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci‑après la «CEDH»). À cet égard, le Tribunal a jugé aux points 92 et 93 de l’arrêt attaqué:

«92 […] le grief de la requérante tiré d’une violation du principe de présomption d’innocence, garanti par l’article 48 de la [C]harte, s’ajoute aux arguments développés dans le cadre des moyens invoqués au stade de la requête et ne présente pas avec les arguments initialement développés un lien suffisamment étroit pour qu’il puisse être considéré comme résultant de l’évolution normale du débat au sein d’une procédure contentieuse. Ce grief doit donc être considéré comme étant nouveau.

93 Il convient dès lors de déterminer si l’entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, du traité sur l’Union européenne, et notamment de son article 6, qui confère à la [C]harte la même valeur juridique que les traités, constitue un fait nouveau justifiant l’introduction de nouveaux griefs. À cet égard, il convient d’observer que, à la date de l’adoption de la décision [litigieuse], le principe de présomption d’innocence relevait de l’ordre juridique de l’Union et était garanti par celui-ci, en sa
qualité de principe général du droit de l’Union, dans les procédures relatives aux violations des règles de concurrence […]»

16 Le Tribunal en a déduit que la requérante ne saurait invoquer les modifications apportées dans l’ordre juridique de l’Union par l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne pour soutenir, au stade de l’audience, que le principe de la présomption d’innocence a été violé.

17 S’agissant des trois moyens d’annulation invoqués dans la requête, le Tribunal les a écartés comme non fondés. En ce qui concerne en particulier la première branche du troisième moyen, tirée d’une violation de l’article 81 CE, en ce que la Commission aurait de manière erronée imputé des pratiques de la requérante à sa société mère, à savoir le Groupe Gascogne, le Tribunal a tout d’abord rappelé, au point 87 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence de la Cour dont il ressort que, lorsqu’une société
mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence, il existe une présomption simple selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Le Tribunal a ensuite constaté, au point 88 dudit arrêt, qu’il était constant que «le Groupe Gascogne [détenait] la totalité du capital de la requérante, de sorte que la Commission pouvait présumer que la société mère exerçait une influence
déterminante sur sa filiale». Le Tribunal a ajouté que la Commission avait en outre précisé que «le Groupe Gascogne recevait mensuellement des informations de la part de la requérante, que cette dernière était fonctionnellement intégrée dans la branche ‘Emballages souples’ du groupe et que des dirigeants du groupe siégeaient dans le ‘Beirat’, l’organe de surveillance et de gérance de la requérante». Après avoir reproduit, au point 89 du même arrêt, les arguments invoqués par cette dernière pour
réfuter ces éléments, le Tribunal a conclu, au point 90 de l’arrêt attaqué, que «[f]orce est toutefois de constater que ces éléments ne sont pas de nature à renverser la présomption selon laquelle le Groupe Gascogne exerçait une influence déterminante sur la requérante».

18 En ce qui concerne la seconde branche du troisième moyen, tirée d’une violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, en ce que la Commission n’aurait pas respecté le plafond de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée dans le calcul de la partie de l’amende infligée pour l’infraction commise entre le 9 février 1988 et le 31 décembre 1993, le Tribunal a jugé aux points 108 et 109 de l’arrêt attaqué:

«108 […] lorsqu’une distinction est opérée entre une première période, pour laquelle la filiale est tenue pour seule responsable de l’infraction, et une seconde période, pour laquelle la société mère est tenue pour solidairement responsable de l’infraction avec sa filiale, l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 n’impose pas à la Commission de vérifier si la partie de l’amende dont la société mère n’est pas tenue pour solidairement responsable du paiement reste en deçà du plafond de
10 % du chiffre d’affaires de la seule filiale. Le plafond visé par cette disposition a uniquement pour objet d’empêcher l’imposition d’une amende excessive au regard de la taille globale de l’entité économique au jour de l’adoption de la décision, le chiffre d’affaires de la seule société responsable de l’infraction, tel qu’il se présente lorsque cette infraction est commise ou lorsque l’amende est infligée, étant d’une pertinence limitée à cet égard.

109 La circonstance que la Commission a, dans sa pratique décisionnelle antérieure, fait une application différente de cette disposition, qui s’est révélée être à l’avantage de la société en cause, n’influe pas sur cette considération. Ainsi que la Commission le fait observer, il suffit de relever, à cet égard, qu’elle n’est pas liée par sa pratique décisionnelle antérieure, cette dernière ne constituant pas, en tout état de cause, un cadre juridique pour le calcul du montant des amendes […]»

19 Le Tribunal a également écarté les cinq autres moyens, invoqués à titre subsidiaire, tendant à la réduction du montant de l’amende. En ce qui concerne en particulier la première branche du quatrième moyen, tirée de ce que la Commission aurait pris en considération, pour le calcul de l’amende, l’incidence concrète de l’infraction sur le marché, alors que celle-ci n’était pas mesurable, le Tribunal a jugé, au point 117 de l’arrêt attaqué que, «ainsi que cela ressort du libellé des lignes
directrices [de 1998], l’impact concret de l’infraction sur le marché n’est pris en considération aux fins de l’évaluation de la gravité de l’infraction que lorsqu’il est mesurable». Au point 118 dudit arrêt, le Tribunal a, pour ce motif, rejeté l’argument de la requérante selon lequel il devrait réduire le montant de l’amende infligée par la Commission lorsque l’impact de l’infraction sur le marché n’est pas mesurable. Dans ce contexte, il s’est attaché à distinguer la présente affaire de celle
ayant donné lieu à son arrêt du 5 avril 2006, Degussa/Commission (T-279/02, Rec. p. II-897), invoqué par la requérante. À cette fin, il a constaté, au point 119 du même arrêt, que, «en l’espèce, d’une part, la Commission ne prétend pas pouvoir mesurer l’impact de l’infraction sur le marché et, d’autre part, la requérante n’a présenté aucun argument et n’a produit aucun élément tendant à indiquer que l’entente n’avait, en réalité, produit aucun effet et qu’elle n’avait eu, en conséquence, aucun
impact sur le marché».

20 Au terme de son examen de l’ensemble des moyens invoqués par la requérante au soutien de son recours, le Tribunal a rejeté celui-ci dans son intégralité.

Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

21 La requérante demande à la Cour:

— à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur les conséquences financières ayant résulté pour elle du dépassement, par le Tribunal, d’un délai de jugement raisonnable;

— à titre subsidiaire, de réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée par la Commission pour tenir compte desdites conséquences financières;

— de condamner la Commission aux dépens.

22 La Commission demande à la Cour:

— de rejeter le pourvoi et

— de condamner la requérante aux dépens.

23 Par lettre du 11 septembre 2012, la requérante, se fondant sur l’article 42, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour, dans sa version applicable à cette date, a demandé la réouverture de la procédure écrite en raison de l’intervention d’un nouvel élément, à savoir la situation financière gravement déficitaire dans laquelle elle se trouve.

24 En application des articles 24 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et 61 de son règlement de procédure, la Cour a invité les parties, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ainsi que les États membres à répondre à des questions portant sur les critères permettant d’évaluer le caractère raisonnable de la durée d’une procédure suivie devant le Tribunal ainsi que sur les mesures de nature à remédier aux conséquences d’une durée excessive de celle-ci.

Sur le pourvoi

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

25 Par son premier moyen, la requérante fait valoir que, en ne tirant pas les conséquences de l’entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, du traité de Lisbonne et, notamment, de l’article 6 TUE, qui confère à la Charte la même valeur juridique que les traités, le Tribunal a commis une erreur de droit. Ce dernier aurait méconnu qu’il s’agissait là d’un élément nouveau au sens de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, de son règlement de procédure et que cette circonstance autorisait la requérante
à se prévaloir en cours d’instance d’un moyen nouveau, tiré de la présomption d’innocence garantie par l’article 48 de la Charte. Selon la requérante, en effet, la présomption permettant d’imputer à la société mère qui détient 100 % du capital d’une filiale le comportement anticoncurrentiel de cette dernière constitue une présomption de culpabilité incompatible avec la Charte.

26 La Commission rétorque que ce moyen est trop général, en ce qu’il n’explique pas la raison pour laquelle l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne constituerait un élément de droit nouveau et que ce moyen est donc non fondé.

Appréciation de la Cour

27 À titre liminaire, il y a lieu de constater que, dans son pourvoi, la requérante ne fait pas valoir qu’elle avait fait une référence quelconque à la Charte dans sa requête introductive d’instance.

28 Quant à la question de savoir si l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne aurait dû être considérée, ainsi que le soutient la requérante, comme un élément qui se serait révélé pendant la procédure devant le Tribunal et qui, à ce titre, aurait justifié, conformément à l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, la production de nouveaux moyens, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que cette entrée en vigueur, comportant l’inclusion de la Charte
dans le droit primaire de l’Union, ne saurait être considérée comme un élément de droit nouveau au sens de l’article 42, paragraphe 2, premier alinéa, de son règlement de procédure. Dans ce contexte, la Cour a souligné que, même avant l’entrée en vigueur de ce traité, elle avait déjà constaté à plusieurs reprises que le droit à un procès équitable tel qu’il découle, notamment, de l’article 6 de la CEDH constitue un droit fondamental que l’Union européenne respecte en tant que principe général en
vertu de la l’article 6, paragraphe 2, UE (voir, notamment, arrêt du 3 mai 2012, Legris Industries/Commission, C‑289/11 P, point 36).

29 Cette interprétation donnée par la Cour aux fins de l’application de son règlement de procédure vaut mutatis mutandis pour l’application des dispositions correspondantes du règlement de procédure du Tribunal.

30 En tout état de cause, la jurisprudence postérieure à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne a confirmé que la présomption selon laquelle une société mère qui détient la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale exerce effectivement une influence déterminante sur cette dernière n’est pas incompatible avec le principe de la présomption d’innocence (voir, en ce sens, arrêts du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et
Commission/Alliance One International e.a., C‑628/10 P et C‑14/11 P, points 46, 47, 108 et 113, ainsi que du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission, C‑501/11 P, points 108 à 111 et la jurisprudence citée).

31 Dans ces conditions, le premier moyen invoqué par la requérante à l’appui de son pourvoi doit être rejeté comme non fondé.

Sur le deuxième moyen

32 Le deuxième moyen du pourvoi est articulé en deux branches. La première est tirée d’une violation par le Tribunal de son obligation de motiver son arrêt en ce qui concerne le rejet des arguments invoqués par la requérante pour établir son autonomie commerciale. La seconde branche est prise d’une erreur de droit du Tribunal en ce qu’il aurait omis de sanctionner un défaut de motivation de la décision litigieuse quant au calcul du plafond de l’amende infligée.

Sur la première branche du deuxième moyen

– Argumentation des parties

33 La requérante relève que, au point 89 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se réfère à différents éléments qu’elle avait invoqués pour établir que le Groupe Gascogne n’exerçait pas de contrôle effectif sur sa politique commerciale. Or, au point 90 dudit arrêt, le Tribunal se serait borné à rejeter ces éléments de manière lapidaire, en utilisant la formule stéréotypée «Force est toutefois de constater [...]», sans vérifier chacun de ceux-ci ni indiquer les raisons pour lesquelles ils n’étaient pas
suffisamment probants. Ce faisant le Tribunal aurait violé l’obligation de motivation qui lui incombe en vertu d’une jurisprudence bien établie.

34 La Commission répond que l’obligation pour le Tribunal de motiver ses décisions ne saurait être interprétée comme impliquant que celui-ci soit tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par une partie, en particulier lorsque cet argument ne revêt pas un caractère suffisamment clair et précis, ce qui aurait été le cas des considérations avancées par la requérante devant le Tribunal.

– Appréciation de la Cour

35 Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’obligation de motiver les arrêts, qui incombe au Tribunal en vertu des articles 36 et 53, premier alinéa, du statut de la Cour, n’impose pas à celui-ci de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons sur lesquelles se fonde l’arrêt attaqué et à la Cour de disposer des
éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêt Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a., précité, point 64).

36 En l’espèce, le Tribunal a reproduit, aux points 78 à 82 de l’arrêt attaqué, l’argumentation développée par la requérante, selon laquelle il incomberait à la Commission, pour pouvoir imputer les pratiques d’une filiale à sa société mère, d’établir l’existence d’une détermination effective par cette dernière du comportement de la filiale sur le marché, ce que cette institution n’aurait pas fait en l’occurrence.

37 En réponse à ladite argumentation, le Tribunal a tout d’abord rappelé, au point 87 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence constante de la Cour dont il ressort que, lorsqu’une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence, il existe une présomption réfragable selon laquelle cette société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale.

38 Le Tribunal a ensuite constaté que la requérante était une filiale à 100 % du Groupe Gascogne, ce qui suffisait à justifier l’application de la présomption susmentionnée. Il a également indiqué certains indices supplémentaires dont la Commission avait fait état dans ce contexte.

39 Après avoir énuméré, au point 89 de l’arrêt attaqué, les éléments concrets que la requérante avait invoqués pour établir son autonomie, le Tribunal a expressément constaté, au point 90 du même arrêt, qu’ils n’étaient pas de nature à renverser la présomption selon laquelle le Groupe Gascogne exerçait une influence déterminante sur la requérante. Le Tribunal a relevé à cet égard que cette dernière se contentait de simples affirmations et ne produisait aucun élément de preuve à l’appui de celles-ci.

40 Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 63 de ses conclusions, si le Tribunal n’a pas fait expressément référence à l’obligation qui incombait à la requérante de renverser la présomption rappelée au point 87 de l’arrêt attaqué, l’enchaînement des points 88 à 90 de celui-ci reproduit de façon claire et non équivoque les étapes du raisonnement suivi par le Tribunal pour écarter les éléments produits par la requérante.

41 Dans ces conditions, la motivation retenue par le Tribunal, aux points 87 à 90 de l’arrêt attaqué, est suffisante pour permettre à la requérante de connaître les raisons sur lesquelles se fonde cet arrêt et à la Cour de disposer d’éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre d’un pourvoi.

42 La première branche du deuxième moyen doit donc être rejetée comme infondée.

Sur la seconde branche du deuxième moyen

– Argumentation des parties

43 La requérante rappelle que, devant le Tribunal, elle avait contesté le montant de 3,3 millions d’euros qu’elle doit acquitter seule à titre d’amende et qui correspond à la période comprise entre le 9 février 1988 et le 31 décembre 1993, pendant laquelle elle n’était pas détenue par le Groupe Gascogne, en faisant valoir que ce montant excède le plafond de 10 % du chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise concernée au cours de l’exercice social précédent, tel que prévu à l’article 23,
paragraphe 2, du règlement no 1/2003. La requérante se fondait à cet égard sur la décision C(2003) 4570 final de la Commission, du 10 décembre 2003, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-2/37.857 – Peroxydes organiques), dont un résumé a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 30 avril 2005 (JO L 110, p. 44, ci‑après la «décision ‘peroxydes organiques’»), dont il ressortirait que, lorsque la Commission opère
une distinction entre la période pour laquelle une société est seule responsable de ses pratiques et celle pour laquelle la société mère qui en a acquis le contrôle devient responsable des pratiques de sa filiale, le plafond de 10 % du chiffre d’affaires réalisé au cours du dernier exercice social doit être apprécié séparément pour les deux sociétés.

44 Dans son pourvoi, la requérante soutient que, en s’étant limité à juger, au point 109 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’est pas liée par sa pratique décisionnelle antérieure, le Tribunal a commis une erreur de droit. En effet, ce dernier aurait dû sanctionner la Commission pour avoir modifié sa pratique sans avoir motivé de manière circonstanciée et non équivoque un tel changement d’approche. La requérante se fonde à cet égard sur l’arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission
(C-521/09 P, Rec. p. I-8947, point 167).

45 Selon la Commission, le simple fait que, dans une décision antérieure, elle a pu suivre une autre approche ne revient pas à «instaurer une pratique habituelle». La situation dont est issu le présent litige n’aurait rien à voir avec celle ayant donné lieu à l’arrêt invoqué par la requérante, dans lequel la Cour se serait fondée sur des circonstances exceptionnelles (arrêt ELF Aquitaine/Commission, précité, points 165 et 167).

– Appréciation de la Cour

46 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir, notamment, arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, point 146 et la jurisprudence citée).

47 En l’espèce, la requérante a contesté devant le Tribunal le bien-fondé de la méthode utilisée par la Commission dans la décision litigieuse pour calculer le montant de l’amende dont elle doit assurer seule le paiement. Afin d’étayer son argumentation, elle s’est référée à la décision «peroxydes organiques», sans mettre en cause le caractère adéquat de la motivation de la décision litigieuse sur ce point.

48 Aux points 107 et 108 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné, au regard de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, le bien‑fondé de la méthode utilisée par la Commission et a rejeté l’argumentation de la requérante sur le fond.

49 Ce n’est qu’à titre complémentaire que le Tribunal a indiqué, au point 109 de l’arrêt attaqué, que la circonstance que la Commission, dans sa pratique décisionnelle antérieure, a fait une application différente dudit article 23, paragraphe 2, qui s’est révélée être à l’avantage de la société en cause, n’influait pas sur l’interprétation à donner, selon lui, à cette disposition.

50 Or, la seconde branche du deuxième moyen ne contient aucune critique de l’analyse juridique effectuée par le Tribunal aux points 107 et 108 de l’arrêt attaqué, mais vise l’erreur de droit que celui-ci aurait commise au point 109 dudit arrêt en n’ayant pas sanctionné l’insuffisance de la motivation de la décision litigieuse au regard de la divergence qu’elle présente avec la décision «peroxydes organiques».

51 Ladite branche introduit ainsi un argument nouveau, consistant à contester le caractère adéquat de la motivation de la décision litigieuse quant à la méthode de calcul utilisée par la Commission pour déterminer le plafond légal de 10 %.

52 Il s’ensuit que ledit argument doit être déclaré irrecevable, dès lors que, dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est, en principe, limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les juges du fond.

53 La requérante ne saurait par ailleurs prétendre, comme elle l’a fait lors de l’audience, que la seconde branche du deuxième moyen se rapporte à une erreur de droit que le Tribunal aurait commise dans l’interprétation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.

54 En effet, dans le pourvoi, ladite branche est explicitement tirée d’un «défaut de motivation». Par ailleurs, dans son argumentation, la requérante ne se réfère qu’au point 109 de l’arrêt attaqué, qui se limite à rappeler que la Commission n’est pas liée par sa pratique décisionnelle antérieure et qui ne contient aucune interprétation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.

55 Il découle de ce qui précède que la seconde branche du deuxième moyen ne saurait être accueillie. Partant, celui-ci doit être rejeté dans son intégralité.

Sur le troisième moyen

Argumentation des parties

56 Par la première branche de son troisième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a omis de constater la violation commise, selon elle, par la Commission au regard de son obligation de motiver la décision litigieuse en ce qui concerne l’impact concret de l’infraction sur le marché.

57 La requérante reconnaît que, selon les lignes directrices de 1998, telles qu’interprétées par la Cour, la Commission n’est pas tenue de démontrer un impact concret sur le marché dès lors que l’infraction est qualifiée, comme en l’espèce, de très grave. Elle rappelle que la prise en considération d’un tel élément supplémentaire permet toutefois à la Commission d’augmenter le montant de base de l’amende.

58 Or, la motivation de la décision litigieuse serait équivoque à cet égard. En consacrant tout un développement à l’impact de l’infraction, alors qu’elle n’en avait pas l’obligation, la Commission aurait créé un doute sur le point de savoir si ce critère avait été pris en compte ou non pour majorer le montant de base de l’amende. En outre, la confusion aurait été aggravée par le fait que la Commission a considéré, d’une part, que l’impact sur le marché n’était pas mesurable et, d’autre part, que
cet impact pouvait nécessairement être déduit de la mise en œuvre des accords collusoires. La requérante aurait ainsi été empêchée de préparer utilement sa défense. Le Tribunal, sans avoir contrôlé la motivation de la décision litigieuse, aurait pour sa part fourni une motivation illogique et inadéquate.

59 Par la seconde branche de son troisième moyen, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir sanctionné l’erreur de droit commise par la Commission en ce qu’elle aurait déduit l’existence d’un impact concret sur le marché de la seule mise en œuvre des arrangements collusoires, sans fournir, comme l’exige la jurisprudence, d’indices concrets, crédibles et suffisants.

60 La Commission considère que ce moyen est irrecevable dans ses deux branches, en tant qu’il n’a pas été soulevé en première instance. Devant le Tribunal, la requérante se serait en effet bornée à faire valoir que, comme sa participation à l’infraction avait été limitée, l’impact de celle‑ci aurait été également réduit.

Appréciation de la Cour

61 Afin d’apprécier la recevabilité du troisième moyen du pourvoi, il y a lieu de rappeler l’argumentation avancée par la requérante en première instance sur la question de l’impact concret de l’infraction sur le marché.

62 Cette question a été abordée devant le Tribunal dans le cadre du quatrième moyen, lequel était invoqué aux fins de la réduction de l’amende et tiré d’une prétendue erreur d’appréciation de la Commission quant à la gravité de l’infraction. Ainsi qu’il ressort des points 113 à 115 de l’arrêt attaqué, la requérante a, en premier lieu, reproché à la Commission d’avoir considéré, en violation des lignes directrices de 1998, qu’il n’était pas nécessaire pour établir la gravité de l’infraction que
l’impact de celle-ci puisse être mesuré. En deuxième lieu, elle a relevé que la Commission avait néanmoins tenté de démontrer les effets concrets de l’entente en relevant un certain nombre de pratiques dans lesquelles elle prétendait ne pas avoir été impliquée, ce qui, selon elle, devait être pris en compte dans l’appréciation de la gravité de l’infraction qui lui était imputée. En troisième lieu, la requérante a fait valoir que la Commission avait elle-même reconnu qu’il n’était pas possible de
mesurer précisément l’impact concret de l’infraction, ce qui, selon elle, justifiait une réduction de l’amende.

63 Il apparaît ainsi que l’argumentation tirée par la requérante, dans la première branche du troisième moyen de son pourvoi, d’un prétendu défaut de motivation de la décision litigieuse est nouvelle, la requérante n’ayant pas fait état, en première instance, de difficultés relatives à la compréhension de ladite décision ni à la présentation de sa défense.

64 Pour les motifs rappelés au point 52 du présent arrêt, ladite branche doit donc être rejetée comme irrecevable.

65 S’agissant de la seconde branche du troisième moyen, tirée de l’absence de constatation par le Tribunal d’une prétendue erreur de droit commise par la Commission dans l’appréciation de l’existence d’un impact sur le marché, il suffit de relever que, au regard de l’argumentation développée par la requérante en première instance, telle que rappelée au point 62 du présent arrêt, elle doit être également considérée comme étant nouvelle. À ce titre, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 52
du présent arrêt, elle est irrecevable.

66 Aucune des deux branches du troisième moyen invoqué au soutien du pourvoi n’étant susceptible de prospérer, ce moyen doit être rejeté.

Sur le quatrième moyen

Argumentation des parties

67 Par ce moyen, la requérante fait valoir que son droit fondamental à ce que sa cause soit jugée dans un délai raisonnable, comme le garantit l’article 6 de la CEDH, a été méconnu en l’espèce.

68 La requérante rappelle que la procédure suivie devant le Tribunal a commencé le 23 février 2006 et a pris fin le 16 novembre 2011. Elle souligne que, entre la fin de la procédure écrite et la première information qu’elle a reçue quant à l’état de l’affaire, il s’est écoulé une longue période d’inertie du Tribunal.

69 Selon elle, ni la complexité ou l’ampleur du dossier ni le nombre d’entreprises ou le nombre de langues de procédure en cause ne peuvent justifier l’absence totale de traitement de l’affaire par le Tribunal durant ladite période.

70 La requérante fait valoir que, lorsqu’elle a introduit son recours devant le Tribunal à l’encontre de la décision litigieuse, elle a choisi de ne pas acquitter immédiatement l’amende infligée et a dû, en contrepartie, accepter de payer des intérêts sur le montant de l’amende ainsi que constituer une caution bancaire. La durée excessive de la procédure aurait eu pour effet une augmentation des frais afférents à de telles démarches.

71 Dès lors, la requérante demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué ou, à titre subsidiaire, de réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée pour tenir compte desdites conséquences financières, en prenant en considération la charge financière qu’elle a dû supporter en raison de la violation de son droit au respect d’un délai de jugement raisonnable.

72 À titre liminaire, la Commission fait valoir que ce moyen est irrecevable parce qu’il n’a pas été soulevé lors de l’audience devant le Tribunal.

73 Sur le fond, la Commission estime que, dans l’hypothèse d’un dépassement du délai raisonnable dans le cadre d’un recours juridictionnel dirigé contre une décision infligeant une amende à une entreprise pour violation des règles de concurrence, le remède adéquat devrait prendre la forme non pas d’une réduction de l’amende infligée, mais celle d’un recours en indemnité. À titre subsidiaire, la Commission considère que, si la Cour devait juger qu’il y a eu une violation du principe du délai
raisonnable et que celle-ci appelle un remède consistant en une réduction de l’amende, cette réduction devrait être symbolique.

Appréciation de la Cour

– Sur la recevabilité

74 Ainsi qu’il ressort de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour et de la jurisprudence de cette dernière, la Cour est compétente, dans le cadre d’un pourvoi, pour contrôler si des irrégularités de procédure portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ont été commises par le Tribunal (voir, notamment, arrêt du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, C-385/07 P, Rec. p. I-6155, point 176).

75 S’agissant de l’irrégularité invoquée dans le cadre du présent moyen, il convient de rappeler que, indépendamment du fait que la requérante se réfère à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, qui correspond à ladite disposition de la CEDH, prévoit que «[toute] personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi». Ainsi que la Cour l’a jugé à
maintes reprises, cet article est afférent au principe de protection juridictionnelle effective (voir, notamment, arrêt Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, précité, point 179 et la jurisprudence citée).

76 À ce titre, un tel droit est applicable dans le cadre d’un recours juridictionnel contre une décision de la Commission (voir, notamment, arrêt Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, précité, point 178 et la jurisprudence citée).

77 Bien qu’elle focalise ses critiques principalement sur la période d’inactivité procédurale du Tribunal, qui s’est étendue entre la fin de la procédure écrite et le début de la procédure orale, la requérante n’a pas invoqué la violation de ce droit lors de l’audience devant ce dernier.

78 Contrairement à ce que soutient la Commission, une telle omission ne saurait entraîner l’irrecevabilité du quatrième moyen comme ayant été soulevé pour la première fois dans le cadre du pourvoi. En effet, si une partie doit pouvoir soulever une irrégularité de procédure dès lors qu’elle considère qu’une violation des règles applicables est établie, elle ne saurait être tenue de le faire à un stade où les pleins effets de cette violation ne sont pas encore connus. S’agissant en particulier d’un
dépassement, par le Tribunal, du délai raisonnable de jugement, la partie requérante qui considère que ce dépassement devant le Tribunal porte atteinte à ses intérêts n’est pas tenue de faire valoir immédiatement cette atteinte. Le cas échéant, elle peut attendre la fin de la procédure afin de connaître la durée totale de celle-ci et de disposer ainsi de tous les éléments nécessaires pour identifier l’atteinte qu’elle estime avoir subie.

79 Le quatrième moyen invoqué par la requérante au soutien du pourvoi est donc recevable.

– Sur le fond

80 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la Cour européenne des droits de l’homme, le dépassement d’un délai de jugement raisonnable, en tant qu’irrégularité de procédure constitutive de la violation d’un droit fondamental, doit ouvrir à la partie concernée un recours effectif lui offrant un redressement approprié (voir, Cour eur. D. H., arrêt Kudla/Pologne du 26 octobre 2000, Recueil des arrêts et décisions 2000 XI, § 156 et 157).

81 Si la requérante demande l’annulation de l’arrêt attaqué et, subsidiairement, une réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée, il y a lieu de relever que la Cour a déjà jugé que, en l’absence de tout indice selon lequel la durée excessive de la procédure devant le Tribunal aurait eu une incidence sur la solution du litige, le non-respect d’un délai de jugement raisonnable ne saurait conduire à l’annulation de l’arrêt attaqué (voir, en ce sens, arrêt Der Grüne Punkt – Duales System
Deutschland/Commission, précité, points 190 et 196 ainsi que la jurisprudence citée).

82 Cette jurisprudence est fondée notamment sur la considération selon laquelle, en l’absence d’incidence sur la solution du litige du non-respect d’un délai de jugement raisonnable, l’annulation de l’arrêt attaqué ne remédierait pas à la violation, par le Tribunal, du principe de protection juridictionnelle effective (arrêt Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, précité, point 193).

83 En l’espèce, la requérante n’a fourni à la Cour aucun indice de nature à laisser apparaître que le non-respect, par le Tribunal, d’un délai de jugement raisonnable a pu avoir une incidence sur la solution du litige dont ce dernier était saisi.

84 En outre, compte tenu de la nécessité de faire respecter les règles de concurrence du droit de l’Union, la Cour ne saurait permettre, au seul motif de la méconnaissance d’un délai de jugement raisonnable, à la partie requérante de remettre en question le bien-fondé ou le montant d’une amende alors que l’ensemble des moyens dirigés contre les constatations opérées par le Tribunal au sujet du montant de cette amende et des comportements qu’elle sanctionne ont été rejetés (voir, en ce sens, arrêt
Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, précité, point 194).

85 Il s’ensuit que, contrairement à ce que demande la requérante, le quatrième moyen ne saurait aboutir, en tant que tel, à l’annulation de l’arrêt attaqué.

86 Pour autant que la requérante demande une réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée de façon à tenir compte des conséquences financières ayant résulté pour elle de la durée excessive de la procédure devant le Tribunal, il convient de rappeler que, dans un premier temps, la Cour, confrontée à une situation similaire, a fait droit à une telle demande pour des raisons d’économie de procédure et afin de garantir un remède immédiat et effectif contre une telle irrégularité de procédure
et a, ainsi, procédé à la réduction du montant de l’amende (arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185/95 P, Rec. p. I-8417, point 48).

87 Par la suite, la Cour, dans le cadre d’une affaire concernant une décision de la Commission constatant l’existence d’un abus de position dominante, mais n’infligeant pas d’amende, a jugé que le non-respect, par le Tribunal, d’un délai de jugement raisonnable peut donner lieu à une demande en indemnité (arrêt Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, précité, point 195).

88 Certes, la présente affaire concerne une situation analogue à celle ayant donné lieu à l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité. Toutefois, une demande en indemnité introduite contre l’Union sur le fondement des articles 268 TFUE et 340, deuxième alinéa, TFUE constitue, en ce qu’elle peut couvrir toutes les situations de dépassement du délai raisonnable d’une procédure, un remède effectif et d’application générale pour faire valoir et sanctionner une telle violation.

89 Il y a donc lieu, pour la Cour, de décider qu’une violation, par une juridiction de l’Union, de son obligation résultant de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte de juger les affaires qui lui sont soumises dans un délai raisonnable doit trouver sa sanction dans un recours en indemnité porté devant le Tribunal, un tel recours constituant un remède effectif.

90 Il s’ensuit qu’une demande visant à obtenir réparation du préjudice causé par le non-respect, par le Tribunal, d’un délai de jugement raisonnable ne peut être soumise directement à la Cour dans le cadre d’un pourvoi, mais doit être introduite devant le Tribunal lui-même.

91 En ce qui concerne les critères permettant d’apprécier si le Tribunal a respecté le principe du délai raisonnable, il convient de rappeler que le caractère raisonnable du délai de jugement doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire, telles que la complexité du litige et le comportement des parties (voir, notamment, arrêt Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, précité, point 181 et la jurisprudence citée).

92 À cet égard, la Cour a précisé que la liste des critères pertinents n’est pas exhaustive et que l’appréciation du caractère raisonnable dudit délai n’exige pas un examen systématique des circonstances de la cause au regard de chacun de ces critères lorsque la durée de la procédure apparaît justifiée au regard d’un seul de ceux-ci. Ainsi, la complexité de l’affaire ou un comportement dilatoire du requérant peut être retenu pour justifier un délai de prime abord trop long (voir, notamment, arrêt
Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, précité, point 182 et la jurisprudence citée).

93 Lors de l’examen de ces critères, il convient de tenir compte du fait que, en cas de litige sur l’existence d’une infraction aux règles de concurrence, l’exigence fondamentale de sécurité juridique dont doivent bénéficier les opérateurs économiques ainsi que l’objectif d’assurer que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur présentent un intérêt considérable non seulement pour le requérant lui-même et pour ses concurrents, mais également pour les tiers, en raison du grand nombre
de personnes concernées et des intérêts financiers en jeu (voir, notamment, arrêt Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, précité, point 186 et la jurisprudence citée).

94 Il appartiendra également au Tribunal d’ apprécier tant la matérialité du dommage invoqué que le lien de causalité de celui-ci avec la durée excessive de la procédure juridictionnelle litigieuse en procédant à un examen des éléments de preuve fournis à cet effet.

95 À cet égard, il convient de souligner que, dans le cas d’un recours en indemnité fondé sur une violation, par le Tribunal, de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, en ce qu’il aurait méconnu les exigences liées au respect du délai de jugement raisonnable, il incombe à celui-ci, conformément à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, de prendre en considération les principes généraux applicables dans les ordres juridiques des États membres pour traiter les recours fondés sur des violations
similaires. Dans ce contexte, le Tribunal doit notamment rechercher s’il est possible d’identifier, outre l’existence d’un préjudice matériel, celle d’un préjudice immatériel qui aurait été subi par la partie affectée par le dépassement de délai et qui devrait, le cas échéant, faire l’objet d’une réparation adéquate.

96 Il appartient dès lors au Tribunal, compétent en vertu de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, de se prononcer sur de telles demandes d’indemnité, en statuant dans une formation différente de celle qui a eu à connaître du litige ayant donné lieu à la procédure dont la durée est critiquée et en appliquant les critères définis aux points 91 à 95 du présent arrêt.

97 Cela étant, force est de constater que la durée de la procédure devant le Tribunal, qui s’est élevée à près de 5 ans et 9 mois, ne peut être justifiée par aucune des circonstances propres à l’affaire ayant donné lieu au présent litige.

98 Il s’avère, notamment, que la période comprise entre la fin de la procédure écrite, avec le dépôt, en février 2007, du mémoire en duplique de la Commission, et l’ouverture, au cours du mois de décembre 2010, de la procédure orale a duré environ 3 ans et 10 mois. La longueur de cette période ne saurait s’expliquer par les circonstances de l’affaire, qu’il s’agisse de la complexité du litige, du comportement des parties ou encore de la survenance d’incidents procéduraux.

99 S’agissant de la complexité du litige, il ressort de l’examen du recours introduit par la requérante, tel qu’il est résumé aux points 12 et 13 du présent arrêt, que, tout en exigeant un examen approfondi, les moyens invoqués ne présentaient pas un degré de difficulté particulièrement élevé. Même s’il est vrai qu’une quinzaine de destinataires de la décision litigieuse ont introduit des recours en annulation à l’encontre de celle-ci devant le Tribunal, cette circonstance n’a pas pu empêcher cette
juridiction de faire la synthèse du dossier et de préparer la procédure orale dans un laps de temps inférieur à 3 ans et 10 mois.

100 Il convient de souligner que, au cours dudit laps de temps, la procédure n’a pas été interrompue ni retardée par l’adoption, par le Tribunal, d’une quelconque mesure d’organisation de celle-ci.

101 Pour ce qui est du comportement des parties et de la survenance d’incidents procéduraux, le fait que la requérante a demandé, au cours du mois d’octobre 2010, la réouverture de la procédure écrite ne saurait justifier le délai de 3 ans et 8 mois qui s’était déjà écoulé depuis la clôture de celle-ci. Par ailleurs, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 134 de ses conclusions, la circonstance que la requérante a été avisée au cours du mois de décembre 2010 qu’une audience serait
organisée durant le mois de février 2011 indique que cet incident n’a pu avoir qu’un effet minime sur la durée globale de la procédure, voire même est demeuré sans incidence sur celle-ci.

102 Compte tenu des éléments qui précèdent, il convient de constater que la procédure suivie devant le Tribunal a violé l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte en ce qu’elle a méconnu les exigences liées au respect du délai de jugement raisonnable, ce qui constitue une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C-352/98 P, Rec. p. I-5291, point 42).

103 Il résulte toutefois des considérations exposées aux points 81 à 90 du présent arrêt que le quatrième moyen doit être rejeté.

Sur la situation financière de la requérante

104 Lors de l’audience, la requérante a présenté à la Cour des informations sur sa situation financière actuelle, dont il ressortirait qu’elle n’est pas en mesure de payer l’amende infligée dans la décision litigieuse. Selon elle, ces développements sont recevables dans la mesure où ils sont liés à la survenance d’un fait nouveau au sens de l’article 127 du règlement de procédure, d’une part, et où ils constituent une ampliation du quatrième moyen relatif à la violation du principe du délai
raisonnable, d’autre part.

105 La Commission fait valoir que ces arguments sont irrecevables comme étant nouveaux et, en tout état de cause, non fondés, car non étayés par des éléments de preuve.

106 À cet égard, il convient de rappeler que les pourvois formés devant la Cour ne peuvent porter que sur des questions de droit. Or, afin d’apprécier la capacité de la requérante à s’acquitter de l’amende qui lui a été infligée par la Commission, la Cour devrait examiner des questions de fait qui ne relèvent pas de sa compétence dans le cadre d’un pourvoi.

107 En outre, il n’appartient pas non plus à la Cour, lorsqu’elle statue sur un pourvoi, de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, sur le montant de l’amende infligée à une entreprise en raison de la violation par celle-ci des règles du droit de l’Union (voir, notamment, arrêt du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C-328/05 P, Rec. p. I-3921, point 98 et la jurisprudence citée). Au surplus, il est
de jurisprudence constante que, lorsqu’elle procède à la détermination du montant d’une telle amende, la Commission n’est pas obligée de tenir compte de la situation économique de l’entreprise concernée, puisque la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer des avantages concurrentiels injustifiés aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (voir, notamment, arrêt SGL Carbon/Commission, précité, point 100 et la jurisprudence citée).

108 Les arguments tirés par la requérante de sa situation financière doivent donc être rejetés comme irrecevables et, en tout état de cause, comme non fondés.

109 Il convient toutefois d’ajouter que, pour autant qu’elle considère que ses difficultés financières présentent un lien de causalité avec le non‑respect par le Tribunal du principe du délai de jugement raisonnable, il lui est loisible de le faire valoir dans le cadre d’un recours introduit devant le Tribunal au titre des articles 268 TFUE et 340, deuxième alinéa, TFUE (voir points 94 à 96 du présent arrêt).

110 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’aucun des moyens invoqués par la requérante au soutien de son pourvoi ne saurait être accueilli et, partant, celui-ci doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

111 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

112 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamné aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.

  Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) Gascogne Sack Deutschland GmbH est condamnée aux dépens du présent pourvoi.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: le français.


Synthèse
Formation : Grande chambre
Numéro d'arrêt : C-40/12
Date de la décision : 26/11/2013
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation, Recours contre une sanction

Analyses

Pourvoi - Concurrence - Ententes - Marché des sacs industriels en plastique - Imputabilité à la société mère de l’infraction commise par la filiale - Durée excessive de la procédure devant le Tribunal - Principe de protection juridictionnelle effective.

Ententes

Concurrence

Pratiques concertées


Parties
Demandeurs : Gascogne Sack Deutschland GmbH
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Sharpston
Rapporteur ?: Berger

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2013:768

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