ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)
7 novembre 2013 (*)
«Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Marchés publics de fourniture – Appel d’offres concernant la fourniture en Serbie d’un vaccin antirabique – Rejet de l’offre – Pourvoi manifestement irrecevable ou non fondé»
Dans l’affaire C‑6/13 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 21 décembre 2012,
IDT Biologika GmbH, établie à Dessau-Roßlau (Allemagne), représentée par M^es R. Gross et T. Kroupa, Rechtsanwälte,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant:
Commission européenne, représentée par MM. F. Erlbacher et T. Scharf, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. E. Juhász, président de chambre, MM. D. Šváby et C. Vajda (rapporteur), juges,
avocat général: M. Y. Bot,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, IDT Biologika GmbH (ci-après «IDT Biologika») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 25 octobre 2012, IDT Biologika/Commission (T‑503/10, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la délégation de l’Union européenne en République de Serbie du 10 août 2010 (JO 2010/S 192-292332) attribuant le marché portant la référence EuropeAid/129809/C/SUP/RS, concernant la fourniture d’un
vaccin antirabique pour des campagnes de vaccination en Serbie, au consortium placé sous la direction de Bioveta a.s. (ci-après «Bioveta»), et rejetant l’offre d’IDT Biologika (ci-après la «décision litigieuse»).
Le cadre juridique
2 La passation des marchés publics de fourniture en cause, qui a pour base légale le règlement (CE) n° 1085/2006 du Conseil, du 17 juillet 2006, établissant un instrument d’aide de préadhésion (IAP) (JO L 210, p. 82), relève des actions extérieures financées par le budget de l’Union européenne, énoncées au titre IV, chapitre 3, de la deuxième partie du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés
européennes (JO L 248, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) n° 1995/2006 du Conseil, du 13 décembre 2006 (JO L 390, p. 1, ci-après le «règlement financier»), ainsi que des règles de la passation des marchés dans le domaine des actions extérieures visées au titre III, chapitre 3, de la deuxième partie du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement n° 1605/2002 (JO L 357, p. 1), tel que modifié par le
règlement (CE, Euratom) n° 478/2007 de la Commission, du 23 avril 2007 (JO L 111, p. 13, ci-après le «règlement relatif aux modalités d’exécution»).
3 L’article 252, paragraphe 3, du règlement relatif aux modalités d’exécution, intitulé «Comité d’évaluation», dispose:
«Les offres qui ne contiennent pas tous les éléments essentiels exigés dans les documents d’appels d’offres ou qui ne correspondent pas aux exigences spécifiques qui y sont fixées sont éliminées.
Toutefois, le comité d’évaluation ou le pouvoir adjudicateur peut inviter les candidats ou les soumissionnaires à compléter ou à expliciter les pièces justificatives présentées relatives aux critères d’exclusion et de sélection, dans le délai qu’il fixe et dans le respect du principe d’égalité de traitement.»
Les faits à l’origine du litige
4 Les faits à l’origine du litige sont exposés aux points 1 à 4 de l’arrêt attaqué comme suit:
«1 Par un avis de marché du 28 mai 2010 publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2010/S 102-154044), l’Union européenne, représentée par sa délégation en République de Serbie (ci-après la ‘délégation’), a lancé un appel d’offres ouvert pour la passation d’un marché contenant trois lots. Le premier lot, en cause en l’espèce, avait pour objet la fourniture, la livraison, le stockage, le transport et la distribution aérienne d’appâts-vaccins antirabiques destinés à une
zone désignée de Serbie. Cette opération s’intégrait dans le cadre des campagnes de vaccination des renards organisées en automne 2010 et au printemps 2011.
2 Il ressort du dossier d’appel d’offres que les critères de sélection étaient relatifs à la capacité économique et financière des soumissionnaires ainsi qu’à leur capacité professionnelle et technique, appréciée sur la base des ressources en personnel, des champs de spécialisation et de l’expérience. Le critère d’attribution était le prix le plus bas. En outre, les offres devaient être conformes aux exigences techniques résultant de l’appel d’offres et, en particulier pour le premier lot,
contenir une description détaillée des vaccins en conformité avec les spécifications techniques ainsi que tout document pertinent. Aux termes des dispositions figurant aux annexes II et III du dossier d’appel d’offres relatives aux spécifications techniques, l’usage du vaccin devait notamment ‘avoir été autorisé par l’Agence européenne des médicaments ou par une autorité comparable de l’Union européenne dans un État membre de l’[Union], ou avoir fait l’objet d’une autorisation en République de
Serbie’, et ‘le vaccin ne [devait] pas être virulent pour l’homme et les animaux’.
3 Par courrier du 2 août 2010, la délégation a demandé au soumissionnaire Bioveta [...] de démontrer l’absence de virulence pour l’homme de son vaccin, le Lysvulpen. Par courrier du même jour, la délégation a demandé à la requérante, IDT Biologika [...], de démontrer que son vaccin, le Fuchsoral, disposait d’une autorisation de l’Agence européenne des médicaments ou d’une autorité comparable de l’un des États membres et de confirmer que le vaccin proposé remplissait les exigences de
non-virulence pour l’homme. Par lettre du 3 août 2010 et courriel du 5 août 2010, Bioveta a répondu à la demande de la délégation. Par lettre du 4 août 2010, la requérante a adressé à la délégation les informations demandées.
4 Par décision du 10 août 2010 transmise à la requérante par courriel du 22 septembre 2010 et publiée au Supplément au Journal officiel le 2 octobre 2010 (JO 2010/S 192-292332), la délégation a rejeté l’offre de la requérante et a attribué le premier lot au consortium placé sous la direction de Bioveta, qui proposait le prix le plus bas [...]»
Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
5 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 octobre 2010, IDT Biologika a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.
6 À l’appui de son recours, IDT Biologika a soulevé trois moyens, tirés du non-respect par Bioveta des spécifications techniques de l’appel d’offres tant en ce qui concerne l’absence de virulence du vaccin pour l’homme (premier moyen), qu’en ce qui concerne les autorisations exigées, et ce en violation de l’article 252, paragraphe 3, du règlement relatif aux modalités d’exécution (deuxième moyen), ainsi que d’une violation des principes d’égalité de traitement et de transparence (troisième
moyen).
7 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours introduit par IDT Biologika.
8 Tout d’abord, le Tribunal a rappelé que le pouvoir adjudicateur disposait d’un large pouvoir d’appréciation et que le Tribunal exerçait un contrôle juridictionnel limité à l’égard de la décision du pouvoir adjudicateur prise en vue de la passation des marchés. Le Tribunal a jugé qu’IDT Biologika n’a pas rapporté la preuve que la décision litigieuse était entachée d’une inexactitude matérielle des faits ou d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle a conclu, sur la base de la
documentation produite par Bioveta en vue de démontrer l’absence de virulence du vaccin en cause pour l’homme, à la conformité de l’offre de Bioveta avec les spécifications techniques concernées de l’appel d’offres.
9 Ensuite, le Tribunal a constaté que le vaccin de Bioveta, qui disposait d’autorisations nationales de mise sur le marché dans neuf États membres, remplissait la spécification technique de l’appel d’offres relative à l’existence d’une autorisation exigée et a ajouté qu’il n’était pas nécessaire de démontrer, en sus de la présentation de telles autorisations, une autorisation de mise sur le marché émanant de la République de Serbie.
10 Enfin, le Tribunal a rejeté comme étant non fondée l’allégation d’IDT Biologika selon laquelle la Commission avait invité IDT Biologika à produire des documents attestant que le vaccin n’était pas virulent pour l’homme, alors que tel n’aurait pas été le cas pour Bioveta.
Les conclusions des parties devant la Cour
11 IDT Biologika conclut à l’annulation tant de l’arrêt attaqué que de la décision litigieuse ainsi qu’à la condamnation de la Commission aux dépens.
12 La Commission conclut au rejet du pourvoi comme étant irrecevable et, à titre subsidiaire, au rejet de celui-ci comme étant non fondé ainsi qu’à la condamnation d’IDT Biologika aux dépens.
Sur le pourvoi
13 En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, le rejeter totalement ou partiellement par voie d’ordonnance motivée. Il y a lieu de faire usage de cette faculté dans la présente affaire.
14 À l’appui de son pourvoi, IDT Biologika soulève trois moyens.
15 Premièrement, IDT Biologika reproche, en substance, au Tribunal d’avoir erronément conclu que la décision litigieuse n’était entachée d’aucune inexactitude matérielle des faits et d’aucune erreur manifeste d’appréciation. Elle soutient que la Commission a commis de telles erreurs en ce qu’elle a conclu à la conformité de l’offre de Bioveta avec la spécification technique relative à la non-virulence du vaccin pour l’homme sur la base de l’existence des différentes autorisations nationales,
sans toutefois exiger une preuve supplémentaire de l’absence de virulence du vaccin pour l’homme.
16 Deuxièmement, IDT Biologika fait essentiellement grief au Tribunal d’avoir validé les conclusions de la Commission s’agissant du respect par l’offre de Bioveta de la spécification technique relative à l’absence de virulence du vaccin pour l’homme, sans exiger, à cet égard, une preuve scientifiquement fondée et conforme aux normes élaborées par le comité scientifique de la santé et du bien-être des animaux de la Commission. IDT Biologika invoque une erreur de droit commise par le Tribunal en
ce qu’il aurait méconnu cet aspect.
17 Troisièmement, IDT Biologika reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur en ce qu’il a constaté que le vaccin de Bioveta était établi non pas à partir de la souche SAD-Bern initiale, mais à partir d’une souche vaccinale SAD-Bern modifiée. Quoi qu’il en soit, il ne s’agirait pas, selon la requérante, d’une souche virale qui serait, selon l’avis du comité scientifique de la santé et du bien-être des animaux, non virulente pour l’homme et donc considérée comme propre à l’immunisation des
renards. Elle reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en ce que celui-ci n’a pas tenu compte de l’erreur d’appréciation de la Commission.
18 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément aux articles 256, paragraphe 1, TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise,
comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêts du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, Rec. p. I‑7561, point 22, et du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, Rec. p. I‑10053, point 68).
19 Ainsi, étant donné qu’IDT Biologika critique, dans le cadre de ses premier à troisième moyens, les appréciations factuelles auxquelles le Tribunal s’est livré dans l’arrêt attaqué, sans toutefois se prévaloir d’une quelconque dénaturation des éléments soumis à ce dernier, ces moyens doivent être rejetés comme étant manifestement irrecevables.
20 Par conséquent, le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité comme étant manifestement irrecevable.
Sur les dépens
21 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe, 1, dudit règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la
condamner aux dépens afférents au pourvoi.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) ordonne:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) IDT Biologika GmbH est condamnée aux dépens.
Signatures
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* Langue de procédure: l’allemand.