ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
24Â octobre 2013Â ( *1 )
«Manquement d’État — Environnement — Directive 2000/60/CE — Cadre communautaire pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau — Transposition des articles 4, paragraphe 8, 7, paragraphe 2, 10, paragraphes 1 et 2, ainsi que, de l’annexe V, sections 1.3 et 1.4, de la directive 2000/60 — Bassins hydrographiques intracommunautaires et intercommunautaires — Article 149, paragraphe 3, in fine, de la Constitution espagnole — Clause supplétive»
Dans l’affaire C‑151/12,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 26 mars 2012,
Commission européenne, représentée par MM. G. Valero Jordana, E. Manhaeve et B. Simon, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
Royaume d’Espagne, représenté par M. A. Rubio González, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. E. Juhász, A. Rosas, D. Šváby et C. Vajda (rapporteur), juges,
avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 avril 2013,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 mai 2013,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en ayant omis de prendre toutes les mesures nécessaires pour transposer les articles 4, paragraphe 8, 7, paragraphe 2, 10, paragraphes 1 et 2, ainsi que les sections 1.3 et 1.4 de l’annexe V de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO L 327, p. 1), s’agissant des bassins hydrographiques
intracommunautaires, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
2 Selon son article 1er, la directive 2000/60 vise à établir un cadre pour la protection des eaux intérieures de surface, des eaux de transition, des eaux côtières et des eaux souterraines.
3 Aux termes de l’article 2, point 13, de cette directive, un «bassin hydrographique» est une «zone dans laquelle toutes les eaux de ruissellement convergent à travers un réseau de rivières, [de] fleuves et éventuellement de lacs vers la mer, dans laquelle elles se déversent par une seule embouchure [ou un seul] estuaire ou delta».
4 L’article 4 de ladite directive, intitulé «Objectifs environnementaux», dispose, à son paragraphe 8:
«Pour l’application des paragraphes 3, 4, 5, 6 et 7, les États membres veillent à ce que l’application n’empêche pas ou ne compromette pas la réalisation des objectifs de la présente directive dans d’autres masses d’eau du même district hydrographique et qu’elle soit cohérente avec la mise en œuvre des autres dispositions législatives communautaires en matière d’environnement.»
5 L’article 7 de la même directive, intitulé «Eaux utilisées pour le captage d’eau potable», prévoit, à son paragraphe 2:
«Pour chaque masse d’eau recensée en application du paragraphe 1, les États membres veillent, non seulement à ce qu’elle réponde aux objectifs de l’article 4 conformément aux exigences de la présente directive pour les masses d’eau de surface, y compris les normes de qualité établies au niveau communautaire au titre de l’article 16, mais aussi à ce que, dans le régime prévu pour le traitement des eaux, et conformément à la législation communautaire, l’eau obtenue satisfasse aux exigences de la
directive 80/778/CEE telle que modifiée par la directive 98/83/CE.»
6 L’article 8 de la directive 2000/60, intitulé «Surveillance de l’état des eaux de surface, des eaux souterraines et des zones protégées», énonce, à son paragraphe 2:
«[Les programmes de surveillance de l’état des eaux] sont opérationnels au plus tard six ans après la date d’entrée en vigueur de la présente directive, sauf disposition contraire dans la législation concernée. La surveillance doit être conforme aux exigences de l’annexe V.»
7 Intitulé «L’approche combinée pour les sources ponctuelles et diffuses», l’article 10 de cette directive dispose, à ses paragraphes 1 et 2:
«1.   Les États membres veillent à ce que tous les rejets dans les eaux de surface visés au paragraphe 2 soient contrôlés conformément à l’approche combinée exposée dans le présent article.
2.   Les États membres veillent à la mise en place et/ou mise en œuvre:
a) des contrôles d’émission fondés sur les meilleures techniques disponibles, ou
b) des valeurs limites d’émission pertinentes, ou
c) en cas d’incidences diffuses, des contrôles, y compris, le cas échéant, de meilleures pratiques environnementales
indiqués dans:
— la directive 96/61/[CE] du Conseil du 24 septembre 1996 relative à la prévention et à la réduction intégrée de la pollution [(JO L 257, p. 26)],
— la directive 91/271/CEE du Conseil du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires [(JO L 135, p. 40)],
— la directive 91/676/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles [(JO L 375, p. 1)],
— les directives arrêtées en vertu de l’article 16 de la présente directive,
— les directives énumérées à l’annexe IX,
— toute autre législation communautaire pertinente,
au plus tard douze ans après la date d’entrée en vigueur de la présente directive, sauf disposition contraire dans la législation concernée.»
8 L’annexe V de la directive 2000/60 comprend une section 1.3, intitulée «Surveillance de l’état écologique et chimique des eaux de surface». Cette section dispose:
«Le réseau de surveillance des eaux de surface est établi conformément aux exigences de l’article 8. Il est conçu de manière à fournir une image d’ensemble cohérente de l’état écologique et chimique dans chaque district hydrographique et à permettre la classification des masses d’eau en cinq classes selon les définitions normatives données au point 1.2. Les États membres fournissent, dans le plan de gestion de district hydrographique, une ou plusieurs cartes montrant le réseau de surveillance des
eaux de surface.
Sur la base de l’analyse des caractéristiques et de l’étude des incidences effectuées conformément à l’article 5 et à l’annexe II, les États membres établissent, pour chaque période couverte par un plan de gestion de district hydrographique, un programme de contrôle de surveillance et un programme de contrôles opérationnels. Les États membres peuvent aussi, dans certains cas, être amenés à établir des programmes de contrôles d’enquête.
Les États membres surveillent les paramètres qui sont indicatifs de l’état de chaque élément de qualité pertinent. En sélectionnant les paramètres pour les éléments de qualité biologique, les États membres identifient le niveau taxinomique approprié pour arriver à une confiance et une précision suffisantes dans la classification des éléments de qualité. Les estimations du niveau de confiance et de précision des résultats fournis par les programmes de surveillance sont indiquées dans le plan.»
9 Les sous-sections 1.3.1 à  1.3.6 de l’annexe V de cette directive prévoient des règles en matière de conception du contrôle de surveillance, de conception des contrôles opérationnels, de conception des contrôles d’enquête, de fréquence des contrôles, de contrôles additionnels requis pour les zones protégées et de normes pour le contrôle des éléments de qualité.
10 La section 1.4 de l’annexe V de la directive 2000/60, intitulée «Classification et présentation des états écologiques», contient une sous-section 1.4.1, intitulée «Comparabilité des résultats des contrôles biologiques», qui prévoit ce qui suit:
«i) Les États membres établissent des systèmes de contrôle aux fins d’estimer les valeurs des éléments de qualité biologique spécifiés pour chaque catégorie d’eau de surface ou pour des masses d’eau de surface fortement modifiées et artificielles. Lorsque la procédure exposée ci-dessous est appliquée aux masses d’eau de surface fortement modifiées ou artificielles, les références à l’état écologique doivent être considérées comme des références au potentiel écologique. Ces systèmes peuvent se
servir d’espèces ou de groupes d’espèces particuliers, qui sont représentatifs de l’élément de qualité dans son ensemble.
ii) Afin d’assurer la comparabilité des systèmes de contrôle, les résultats des systèmes utilisés par chaque État membre sont exprimés comme des ratios de qualité écologique aux fins de la classification de l’état écologique. Ces ratios représentent la relation entre les valeurs des paramètres biologiques observées pour une masse d’eau de surface donnée et les valeurs de ces paramètres dans les conditions de référence applicables à cette masse. Le ratio est exprimé comme une valeur numérique
entre zéro et un, le très bon état écologique étant représenté par des valeurs proches de un et le mauvais état écologique, par des valeurs proches de zéro.
iii) Chaque État membre répartit les ratios de qualité écologique de son système de contrôle pour chaque catégorie d’eau de surface en cinq classes d’état écologique allant de ‘très bon’ à ‘mauvais’, comme indiqué au point 1.2, en attribuant une valeur numérique à chacune des limites entre les classes. La valeur de la limite entre les classes ‘très bon’ et ‘bon’ état écologique et la valeur de la limite entre ‘bon’ état et état ‘moyen’ sont établies à l’aide de l’exercice d’interétalonnage décrit
ci-dessous.
[...]»
Le droit espagnol
11 Aux fins de la gestion des eaux, la législation espagnole distingue entre deux catégories de bassins hydrographiques, à savoir les bassins hydrographiques «intercommunautaires» qui recouvrent des eaux circulant sur le territoire de plusieurs communautés autonomes et sur lesquels seul l’État peut légiférer et les bassins «intracommunautaires» qui s’étendent sur le territoire d’une seule communauté autonome et sur lesquels les communautés autonomes peuvent assumer des compétences normatives.
12 Aux termes de l’article 149, paragraphe 3, de la Constitution:
«Les matières qui ne sont pas attribuées expressément à l’État par la Constitution peuvent relever des communautés autonomes en vertu de leurs statuts respectifs. La compétence sur les matières qui ne sont pas assumées par les communautés autonomes appartient à l’État, dont les normes prévaudront en cas de conflit sur celles des communautés autonomes pour tout ce qui ne relève pas de la compétence exclusive de celles-ci. Le droit étatique sera, en tout cas, supplétif au droit des communautés
autonomes.»
13 S’agissant des bassins hydrographiques intercommunautaires, la mise en œuvre des dispositions concernées de la directive 2000/60 a été réalisée par l’arrêté ARM/2656/2008, du 10 septembre 2008, portant approbation des instructions relatives à la planification hydrologique (BOE no 229, du 22 septembre 2008, p. 38472, ci-après l’«arrêté de 2008»).
14 L’article unique, paragraphe 2, de l’arrêté de 2008 dispose que «les instructions qui sont approuvées s’appliquent aux bassins hydrographiques intercommunautaires».
15 L’arrêté de 2008 a été modifié à certains égards par l’arrêté ARM/1195/2011, du 11 mai 2011 (BOE no 114, du 13 mai 2011, p. 48584, ci-après l’«arrêté de 2011»).
16 S’agissant des bassins hydrographiques intracommunautaires, seule la Communauté autonome de Catalogne a exercé son pouvoir normatif en vue de la mise en œuvre des dispositions en cause de la directive 2000/60. Elle a, à cette fin, arrêté deux mesures, à savoir, respectivement, le décret 380/2006, du 10 octobre 2006, portant approbation du règlement de planification hydrologique en Catalogne (Diario Oficial de la Generalidad de Cataluña no 4740, du 16 octobre 2006, p. 42776, ci-après le «décret
380/2006»), et l’accord gouvernemental GOV/128/2008, du 3 juin 2008, sur le programme de surveillance et de contrôle du bassin fluvial de Catalogne (ci-après l’«accord gouvernemental de 2008»).
La procédure précontentieuse
17 Par une lettre de mise en demeure du 24 février 2009, la Commission a informé le Royaume d’Espagne qu’elle considérait qu’il n’avait pas satisfait aux obligations lui incombant en vertu de certaines dispositions de la directive 2000/60, notamment les articles 4, paragraphe 8, 7, paragraphe 2, 10, paragraphes 1 et 2, ainsi que des sections 1.3 et 1.4 de l’annexe V de celle-ci, en ayant fait une transposition incorrecte et une mauvaise application desdites dispositions dans l’ordre juridique
espagnol.
18 Le Royaume d’Espagne a répondu par lettre du 23 juin 2009.
19 Considérant que cette réponse ne permettait pas de conclure que la directive 2000/60 avait été pleinement transposée, la Commission a, le 22 mars 2010, adressé un avis motivé au Royaume d’Espagne, en invitant ce dernier à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci. Ce délai a expiré le 22 mai 2010.
20 Le Royaume d’Espagne a répondu, après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, par quatre lettres dans lesquelles il annonçait les mesures qu’il allait prochainement adopter pour se conformer à cet avis. De même, cet État membre a communiqué à la Commission des rapports d’avancement sur l’élaboration desdites mesures ainsi qu’un certain nombre d’actes adoptés à cette fin. Parmi les actes communiqués à la Commission figure, notamment, l’arrêté de 2011.
21 Au vu des réponses, la Commission a considéré que la situation demeurait insatisfaisante en ce qui concerne la transposition des articles 4, paragraphe 8, 7, paragraphe 2, 10, paragraphes 1 et 2, ainsi que les sections 1.3 et 1.4 de l’annexe V de la directive 2000/60 s’agissant des bassins hydrographiques intracommunautaires. Elle a dès lors décidé d’introduire le présent recours.
Sur le recours
Sur les griefs tirés du défaut de transposition des dispositions de la directive 2000/60 en ce qui concerne les bassins hydrographiques intracommunautaires situés hors de Catalogne
Argumentation des parties
22 La Commission admet que l’annexe V, section 1.4, de la directive 2000/60, d’une part, et les articles 4, paragraphe 8, 7, paragraphe 2, 10, paragraphes 1 et 2, ainsi que l’annexe V, section 1.3, de cette directive, d’autre part, ont été transposés dans l’ordre juridique espagnol respectivement par la section 5.1 de l’arrêté de 2008 et par l’article unique, paragraphes 2 à  6, de l’arrêté de 2011. Toutefois, étant donné que ces arrêtés ne s’appliquent qu’aux bassins hydrographiques
intercommunautaires, la Commission en déduit que les dispositions susmentionnées de la directive 2000/60 n’ont pas été transposées en ce qui concerne les bassins hydrographiques intracommunautaires.
23 Le Royaume d’Espagne fait valoir que la transposition en droit interne des obligations découlant des dispositions en cause de la directive 2000/60 pour les bassins hydrographiques intracommunautaires situés hors de Catalogne est garantie par la clause supplétive figurant à l’article 149, paragraphe 3, in fine, de la Constitution. Il découlerait de ladite clause supplétive notamment que, lorsque la communauté autonome, dotée du pouvoir normatif dans un domaine déterminé, ne fait pas usage de ce
pouvoir ou ne l’exerce que partiellement, les normes étatiques restent en vigueur, soit entièrement, soit partiellement, sur les points non réglementés par la communauté autonome. Le Royaume d’Espagne soutient également, invoquant l’arrêté de 2008, que la pleine application des normes étatiques est garantie en l’espèce s’agissant des bassins hydrographiques intracommunautaires. Par ailleurs, le Royaume d’Espagne reproche à la Commission d’avoir voulu imposer, en méconnaissance des articles 4,
paragraphe 2, TUE et 288, alinéa 3, TFUE, la manière dont la transposition devait avoir lieu dans cet État membre.
24 La Commission réfute, quant à elle, cette dernière allégation. S’agissant de l’application à titre supplétif des normes étatiques dans les bassins hydrographiques intracommunautaires, elle fait valoir que l’interprétation de la clause supplétive proposée par le Royaume d’Espagne ne constitue pas une interprétation admise par la jurisprudence constitutionnelle espagnole. En tout état de cause, selon la Commission, l’application effective des arrêtés susmentionnés en ce qui concerne les bassins
hydrographiques intracommunautaires ferait défaut dans la présente affaire.
Appréciation de la Cour
– Sur le grief tiré de la non-transposition de l’annexe V, section 1.4, de la directive 2000/60, à laquelle renvoie l’article 8, paragraphe 2, de cette directive
25 Il convient de relever d’emblée, s’agissant du grief de la Commission tiré d’une non-transposition de l’annexe V, section 1.4, de la directive 2000/60, que, au cours de l’audience, la Commission a restreint celui-ci à la non-transposition des points i) à  iii) de la sous-section 1.4.1 de l’annexe V de cette directive.
26 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les dispositions d’une directive doivent être mises en œuvre avec une force contraignante incontestable, avec la spécificité, la précision et la clarté requises, afin que soit satisfaite l’exigence de la sécurité juridique (voir, notamment, arrêts du 20 novembre 2003, Commission/France, C-296/01, Rec. p. I-13909, point 54, et du 16 juillet 2009, Commission/Irlande, C-427/07, Rec. p. I-6277, point 55).
27 Il n’en demeure pas moins que, selon les termes mêmes de l’article 288, troisième alinéa, TFUE, les États membres bénéficient du choix de la forme et des moyens de mise en œuvre des directives permettant de garantir au mieux le résultat auquel ces dernières tendent. Il ressort de cette disposition que la transposition d’une directive n’exige pas nécessairement une action législative dans chaque État membre.
28 Aussi la Cour a-t-elle itérativement jugé qu’une reprise formelle des prescriptions d’une directive dans une disposition légale expresse et spécifique n’est pas toujours requise, la mise en Å“uvre d’une directive pouvant, en fonction du contenu de celle-ci, se satisfaire d’un contexte juridique général. En particulier, l’existence de principes généraux de droit constitutionnel ou administratif peut rendre superflue la transposition par des mesures législatives ou réglementaires spécifiques Ã
condition, toutefois, que ces principes garantissent effectivement la pleine application de la directive par l’administration nationale et que, au cas où la disposition en cause de la directive vise à créer des droits pour les particuliers, la situation juridique découlant de ces principes soit suffisamment précise et claire et que les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et, le cas échéant, de s’en prévaloir devant les juridictions nationales (voir arrêt
du 30 novembre 2006, Commission/Luxembourg, C-32/05, Rec. p. I-11323, point 34 et jurisprudence citée).
29 C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner le grief de la Commission.
30 Il est constant que le Royaume d’Espagne n’a pas pris des mesures législatives pour transposer l’annexe V, section 1.4, de la directive 2000/60 en ce qui concerne les bassins intracommunautaires situés hors de Catalogne, l’arrêté de 2008 ne s’appliquant qu’aux bassins hydrographiques intercommunautaires.
31 Selon le Royaume d’Espagne, cette transposition est garantie par la clause supplétive figurant à l’article 149, paragraphe 3, in fine, de la Constitution, selon laquelle, dès lors que les communautés autonomes n’auraient pas exercé leur pouvoir normatif pour transposer la directive 2000/60, l’arrêté de 2008 trouverait également à s’appliquer en ce qui concerne lesdits bassins intracommunautaires.
32 Tout d’abord, à supposer que la clause supplétive soit susceptible de s’appliquer en l’espèce, le Royaume d’Espagne n’a toutefois pas expliqué de quelle manière ce principe permettrait de remédier à l’absence de réglementation en ce qui concerne les bassins hydrographiques intracommunautaires, compte tenu de la limitation expresse du champ d’application de l’arrêté de 2008 aux bassins hydrographiques intercommunautaires.
33 Ensuite, il convient de relever que, si l’application à titre supplétif de l’arrêté de 2008 devait être comprise en ce sens que les dispositions de mise en œuvre qu’il prévoit dans sa section 5.1 s’appliquent, comme l’a relevé Mme l’avocat général aux points 23 à  25 de ses conclusions, au-delà du libellé de l’article unique, paragraphe 2, de cet arrêté, aux bassins hydrographiques intracommunautaires, la situation juridique qui en découlerait ne satisferait pas aux exigences de clarté et de
précision qui doivent caractériser des mesures nationales de transposition (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2002, Commission/Italie, C-372/99, Rec. p. I-819, point 18).
34 Il convient également d’ajouter que la Commission, sans être contredite sur ce point par le Royaume d’Espagne, fait état, en s’appuyant sur un rapport du Consejo de Estado du 15 décembre 2010, d’une incertitude, en l’état actuel du droit constitutionnel espagnol, quant à la portée de la clause supplétive en tant qu’instrument de garantie de la mise en œuvre du droit de l’Union.
35 Enfin, il convient de relever que, selon la jurisprudence du Tribunal Constitucional, que le Royaume d’Espagne cite dans ses observations, l’article 149, paragraphe 3, in fine, de la Constitution paraît ne pas permettre l’application de normes étatiques à titre supplétif en l’absence de réglementation des communautés autonomes, mais seulement de combler des lacunes identifiées. Il convient d’ajouter que, lors de l’audience, le Royaume d’Espagne a confirmé que, en l’espèce, les communautés
autonomes, à l’exception de la Communauté autonome de Catalogne, n’ont pas exercé leur pouvoir normatif. Dans ces conditions, l’application de la clause supplétive en l’espèce ne serait pas pertinente en ce qui concerne les bassins hydrographiques intracommunautaires hors de Catalogne.
36 Quant au renvoi dans les plans de gestion des bassins hydrographiques intracommunautaires à l’arrêté de 2008, invoqué pour démontrer la pleine application dudit arrêté à ces bassins, eu égard à ce qui précède, le Royaume d’Espagne n’a pas démontré que les communautés autonomes ont agi en vertu d’une obligation juridique lorsqu’elles ont visé l’arrêté de 2008 dans les plans de gestion desdits bassins. Or, si le renvoi reflète uniquement une pratique administrative qui est, par nature, susceptible
d’être modifiée à tout moment et dépourvue d’une publicité adéquate, il ne saurait être considéré comme constituant une exécution valable des obligations découlant du traité (voir, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2011, Commission/Luxembourg, C-490/09, Rec. p. I-247, point 47 et jurisprudence citée).
37 S’agissant de l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la Commission aurait tenté d’imposer, en violation des articles 4, paragraphe 2, TUE et 288, alinéa 3, TFUE, la manière dont la transposition des dispositions en cause devait avoir lieu, il convient de constater que cet argument repose sur une lecture erronée de la requête de la Commission. En effet, la Commission n’a pas, dans sa requête, indiqué ou proposé à la Cour la manière dont la transposition des dispositions en cause de la
directive 2000/60 dans l’ordre juridique espagnol devait avoir lieu.
38 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer fondé le grief tiré de la non-transposition de l’annexe V, sous-section 1.4.1, points i) à  iii), de la directive 2000/60, à laquelle renvoie l’article 8, paragraphe 2, de cette directive.
– Sur le grief tiré de la non-transposition des articles 4, paragraphe 8, 7, paragraphe 2, et 10, paragraphes 1 et 2, de la directive 2000/60 ainsi que de l’annexe V, section 1.3, de celle-ci, à laquelle renvoie l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive
39 Il est constant que, dans sa version en vigueur à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, l’arrêté de 2008 ne prévoyait aucune disposition de mise en œuvre des articles 4, paragraphe 8, 7, paragraphe 2, et 10, paragraphes 1 et 2, de la directive 2000/60 ainsi que de l’annexe V, section 1.3, de celle-ci, à laquelle renvoie l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive.
40 Le Royaume d’Espagne, dans ses écritures, invoque une transposition de ces dispositions par l’arrêté de 2011, en liaison avec la clause supplétive. Il convient de relever, à cet égard, que l’arrêté de 2011 n’est entré en vigueur, en tout état de cause, qu’après l’échéance du délai fixé dans l’avis motivé. Or, il est de jurisprudence constante que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre en cause telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé
dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (arrêt du 6 novembre 2012, Commission/Hongrie, C‑286/12, point 41 et jurisprudence citée).
41 S’agissant, par ailleurs, du délai de douze ans prévu à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2000/60 pour la mise en place et/ou la mise en œuvre de certains contrôles d’émission énoncés dans cette disposition, il convient de relever que l’article 24, paragraphe 1, de ladite directive détermine le délai de transposition de celle-ci, y compris son article 10. Force est donc de constater, à l’instar de Mme l’avocat général au point 7 de ses conclusions, que l’article 10, paragraphe 2, de la
directive 2000/60 énonce non pas un délai de transposition de cette disposition, mais un délai dans le cadre duquel les contrôles doivent avoir été effectués.
42 Par conséquent, le grief tiré de la non-transposition des articles 4, paragraphe 8, 7, paragraphe 2, et 10, paragraphes 1 et 2, de la directive 2000/60 ainsi que de l’annexe V, section 1.3, de celle-ci, à laquelle renvoie l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive, est fondé.
Sur les griefs tirés de la non-transposition des dispositions de la directive 2000/60 en ce qui concerne les bassins hydrographiques intracommunautaires situés en Catalogne
Argumentation des parties
43 Le Royaume d’Espagne s’appuie sur deux mesures arrêtées par cette communauté autonome dans le délai fixé dans l’avis motivé, à savoir le décret 380/2006 et l’accord gouvernemental de 2008 pour démontrer la mise en œuvre des obligations découlant de la directive 2000/60 en ce qui concerne les bassins hydrographiques intracommunautaires situés en Catalogne. En outre, il invoque trois autres mesures arrêtées par cette communauté autonome après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, à savoir
le plan de gestion du district hydrographique en Catalogne du 23 novembre 2010, le programme de mesures approuvé par l’accord gouvernemental de la Generalidad de Cataluña du 23 novembre 2010 (ci-après le «programme de mesures du 23 novembre 2010») et le décret royal 1219/2011 portant approbation du plan de gestion du district du bassin fluvial de Catalogne (BOE du 22 septembre 2011, ci-après le «décret royal 1219/2011»), sans toutefois indiquer, s’agissant de cette dernière mesure, les
dispositions de la directive 2000/60 que celle-ci vise à mettre en œuvre.
44 La Commission relève que, au mépris de son obligation de coopération loyale, le Royaume d’Espagne n’a pas communiqué à la Commission, en ce qui concerne les bassins hydrographiques intracommunautaires situés en Catalogne, les mesures de transposition de la directive 2000/60 et ne les a pas davantage jointes à son mémoire en défense. À titre subsidiaire, elle relève notamment que le décret royal 1219/2011 ne saurait être pris en considération dès lors qu’il a été adopté après l’échéance du délai
fixé dans l’avis motivé.
Appréciation de la Cour
45 À titre liminaire, il convient de relever qu’il ne saurait être tenu compte du programme de mesures du 23 novembre 2010 ainsi que du décret royal 1219/2011 que le Royaume d’Espagne invoque en tant que mesures de transposition des dispositions de la directive 2000/60, dès lors que ces mesures ont été arrêtées après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé.
46 S’agissant de la transposition des articles 7, paragraphe 2, ainsi que 10, paragraphes 1 et 2, de la directive 2000/60, le Royaume d’Espagne s’appuie, à ce titre, en sus du décret 380/2006 et de l’accord gouvernemental de 2008, sur le programme de mesures du 23 novembre 2010. Il s’ensuit que ces dispositions de la directive 2000/60 n’ont été transposées que partiellement dans le cadre du délai fixé dans l’avis motivé.
47 Dès lors, force est de constater que les griefs de la Commission tirés du défaut de transposition par le Royaume d’Espagne de ces dispositions de la directive 2000/60 sont fondés.
48 S’agissant de la transposition de l’article 4, paragraphe 8, de cette directive, le Royaume d’Espagne fait valoir que ces dispositions ont été transposées par le décret 380/2006. S’agissant de la transposition de l’annexe V, section 1.3 et sous-section 1.4.1, points i) à  iii), de ladite directive, à laquelle renvoie l’article 8, paragraphe 2, de celle-ci, cet État membre s’appuie, à ce titre, sur l’accord gouvernemental de 2008.
49 À cet égard, il convient, certes, de relever que le Royaume d’Espagne a invoqué ces mesures de transposition pour la première fois au stade du mémoire en défense, ce qui ne saurait se concilier avec l’obligation de coopération loyale qui incombe aux États membres au titre de l’article 4, paragraphe 3, TUE. Le présent recours a toutefois pour objet non pas un manquement à l’obligation d’information, mais un manquement à l’obligation de transposer certaines dispositions de la directive 2000/60. Le
seul fait, pour le Royaume d’Espagne, de ne pas avoir informé la Commission dans la procédure précontentieuse que la transposition avait déjà eu lieu ne saurait suffire à établir le manquement allégué (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2005, Commission/Italie, C-456/03, Rec. p. I-5335, points 46 et 47).
50 En effet, pour autant que les dispositions de droit interne invoquées par le Royaume d’Espagne étaient en vigueur à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, elles doivent être prises en compte par la Cour pour apprécier la réalité de ce manquement (voir arrêt du 16 juin 2005, Commission/Italie, précité, point 48).
51 S’agissant de l’article 4, paragraphe 8, de la directive 2000/60 et de l’annexe V, section 1.3 et sous-section 1.4.1, points i) à  iii), de cette directive, force est de constater que la Commission ne soulève aucune objection matérielle à l’encontre du décret 380/2006 et de l’accord gouvernemental de 2008 dont le Royaume d’Espagne allègue qu’ils ont transposé les dispositions susvisées de la directive 2000/60.
52 Partant, le grief tiré de l’absence de transposition de l’article 4, paragraphe 8, et de l’annexe V, section 1.3 et sous-section 1.4.1, points i) à  iii), de la directive 2000/60, à laquelle renvoie l’article 8, paragraphe 2, de celle-ci, doit être écarté.
53 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le recours dans la mesure où il vise à faire constater le défaut de transposition par le Royaume d’Espagne de l’article 4, paragraphe 8, et de l’annexe V, section 1.3 et sous-section 1.4.1, points i) à  iii), de la directive 2000/60, à laquelle renvoie l’article 8, paragraphe 2, de cette directive, s’agissant des bassins hydrographiques intracommunautaires situés en Catalogne.
54 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en ayant omis de prendre toutes les mesures nécessaires pour transposer les articles 4, paragraphe 8, 7, paragraphe 2, 10, paragraphes 1 et 2, ainsi que l’annexe V, section 1.3 et sous-section 1.4.1, points i) à  iii), de de la directive 2000/60, à laquelle renvoie l’article 8, paragraphe 2, de celle-ci, s’agissant des bassins hydrographiques intracommunautaires situés hors de Catalogne, ainsi que les articles 7,
paragraphe 2, 10, paragraphes 1 et 2, de la directive 2000/60, s’agissant des bassins hydrographiques intracommunautaires situés en Catalogne, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.
55 Il y a lieu de rejeter le recours pour le surplus.
Sur les dépens
56 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 3 de cet article, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.
57 En l’espèce, la Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume d’Espagne, qui a succombé pour l’essentiel, et dans la mesure où cet État s’est abstenu de fournir, au cours de la procédure précontentieuse, toutes les informations utiles concernant les dispositions de droit interne par lesquelles il considérait avoir rempli les différentes obligations que lui impose la directive 2000/60, il y a lieu de le condamner à l’ensemble des dépens.
 Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:
 1) En ayant omis de prendre toutes les mesures nécessaires pour transposer les articles 4, paragraphe 8, 7, paragraphe 2, 10, paragraphes 1 et 2, ainsi que l’annexe V, section 1.3 et sous-section 1.4.1, points i) à  iii), de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, à laquelle renvoie l’article 8, paragraphe 2, de celle-ci, s’agissant des bassins hydrographiques intracommunautaires
situés hors de Catalogne, ainsi que les articles 7, paragraphe 2, et 10, paragraphes 1 et 2, de la directive 2000/60, s’agissant des bassins hydrographiques intracommunautaires situés en Catalogne, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.
 2) Le recours est rejeté pour le surplus.
 3) Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.
 Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: l’espagnol.