ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
17 octobre 2013 ( *1 )
«Directive 2002/92/CE — Intermédiation en assurance — Exclusion des activités exercées par une entreprise d’assurance ou un salarié agissant sous la responsabilité de celle-ci — Possibilité pour ledit salarié d’exercer à titre occasionnel des activités d’intermédiation en assurance — Exigences professionnelles»
Dans l’affaire C‑555/11,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Symvoulio tis Epikrateias (Grèce), par décision du 29 août 2011, parvenue à la Cour le 3 novembre 2011, dans la procédure
Enosi Epangelmation Asfaliston Ellados (EEAE),
Syllogos Asfalistikon Praktoron N. Attikis (SPATE),
Panellinios Syllogos Asfalistikon Symvoulon (PSAS),
Syndesmos Ellinon Mesiton Asfaliseon (SEMA),
Panellinios Syndesmos Syntoniston Asfalistikon Symvoulon (PSSAS)
contre
Ypourgos Anaptyxis,
Omospondia Asfalistikon Syllogon Ellados,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. M. Ilešič (rapporteur), président de chambre, MM. C. G. Fernlund, A. Ó Caoimh, Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas, juges,
avocat général: M. N. Jääskinen,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 juin 2013,
considérant les observations présentées:
— pour l’Enosi Epangelmation Asfaliston Ellados (EEAE), le Syllogos Asfalistikon Praktoron N. Attikis (SPATE), le Panellinios Syllogos Asfalistikon Symvoulon (PSAS), le Syndesmos Ellinon Mesiton Asfaliseon (SEMA) et le Panellinios Syndesmos Syntoniston Asfalistikon Symvoulon (PSSAS), par Me A. K. Sinis, dikigoros,
— pour l’Ypourgos Anaptyxis, par M. N. Amiralis, en qualité d’agent,
— pour l’Omospondia Asfalistikon Syllogon Ellados, par Mes C. Theodorou et C. Synodinos, dikigoroi,
— pour le gouvernement grec, par Mmes M. Germani et F. Dedousi ainsi que par MM. G. Karipsiades et N. Amiralis, en qualité d’agents,
— pour le gouvernement belge, par Mmes M. Jacobs et L. Van den Broeck, en qualité d’agents,
— pour le gouvernement chypriote, par M. N. Kyriakou, en qualité d’agent,
— pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,
— pour la Commission européenne, par MM. I. Zervas et K.-Ph. Wojcik ainsi que par Mme N. Yerrell, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 septembre 2013,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, point 3, deuxième alinéa, de la directive 2002/92/CE du Parlement européen et du Conseil, du 9 décembre 2002, sur l’intermédiation en assurance (JO 2003, L 9, p. 3).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant plusieurs associations professionnelles dans le domaine de l’intermédiation d’assurance, à savoir l’Enosi Epangelmation Asfaliston Ellados (EEAE) (Union des professionnels des assurances de Grèce), le Syllogos Asfalistikon Praktoron N. Attikis (SPATE) (Association des agents d’assurance du département d’Attique), le Panellinios Syllogos Asfalistikon Symvoulon (PSAS) (Association panhellénique des assureurs-conseil), le Syndesmos
Ellinon Mesiton Asfaliseon (SEMA) (Union hellénique des courtiers d’assurance) et le Panellinios Syndesmos Syntoniston Asfalistikon Symvoulon (PSSAS) (Union panhellénique des coordinateurs des assureurs-conseil, ci-après, ensemble, «EEAE e.a.») à l’Ypourgos Anaptyxis (ministre du Développement) et à l’Omospondia Asfalistikon Syllogon Ellados (Fédération des associations des assureurs de Grèce), au sujet d’un recours tendant à l’annulation partielle de l’arrêté du secrétaire d’État au Développement
K3-8010 du 8 août 2007, qui détermine les conditions pour attester de l’expérience, des aptitudes et des connaissances générales, commerciales et professionnelles des intermédiaires d’assurance.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les considérants 6 à 9 de la directive 2002/92 sont ainsi libellés:
«(6) Les intermédiaires d’assurance et de réassurance devraient pouvoir se prévaloir de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services, qui sont consacrées par le traité.
(7) L’incapacité des intermédiaires d’assurance d’opérer librement partout dans la Communauté entrave le bon fonctionnement du marché unique de l’assurance.
(8) La coordination des dispositions nationales relatives aux exigences professionnelles et à l’immatriculation des personnes qui accèdent à l’activité d’intermédiation en assurance et qui exercent cette activité peut donc contribuer tant à l’achèvement du marché unique des services financiers qu’à l’amélioration de la protection des consommateurs dans ce domaine.
(9) Différents types de personnes ou d’institutions, telles que les agents, les courtiers et les opérateurs de ‘bancassurance’, peuvent distribuer les produits d’assurance. L’égalité de traitement entre les opérateurs et la protection des consommateurs exige que toutes ces personnes ou institutions soient couvertes par la présente directive.»
4 L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2002/92 prévoit:
«La présente directive établit des règles concernant l’accès aux activités d’intermédiation en assurance et en réassurance et leur exercice par des personnes physiques et morales qui sont établies ou qui souhaitent s’établir dans un État membre.»
5 Aux termes de l’article 2, points 3 et 5, de la directive 2002/92:
«Aux fins de la présente directive, on entend par:
[…]
3) ‘intermédiation en assurance’, toute activité consistant à présenter ou à proposer des contrats d’assurance ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion ou à les conclure, ou à contribuer à leur gestion et à leur exécution, notamment en cas de sinistre.
Ces activités ne sont pas considérées comme une intermédiation en assurance lorsqu’elles sont exercées par une entreprise d’assurance ou un salarié d’une entreprise d’assurance qui agit sous la responsabilité de celle-ci.
[…]
5) ‘intermédiaire d’assurance’, toute personne physique ou morale qui, contre rémunération, accède à l’activité d’intermédiation en assurance ou l’exerce».
6 L’article 4, paragraphe 1, de cette directive dispose:
«Tout intermédiaire d’assurance ou de réassurance possède les connaissances et aptitudes appropriées, telles qu’elles sont déterminées par l’État membre d’origine de l’intermédiaire.
Les États membres d’origine peuvent moduler les conditions exigées en matière de connaissances et d’aptitude en fonction de l’activité de l’intermédiaire d’assurance et de réassurance et des produits distribués, plus particulièrement si l’intermédiaire exerce une activité professionnelle principale autre que l’intermédiation en assurance. Dans ce dernier cas, l’intéressé ne peut exercer une activité d’intermédiation en assurance que si un intermédiaire d’assurance répondant aux conditions du
présent article ou une entreprise d’assurance assume l’entière responsabilité de ses actes.
[…]
Les États membres ne sont pas tenus d’appliquer l’exigence visée au premier alinéa du présent paragraphe à toutes les personnes physiques qui travaillent pour une entreprise et qui exercent une activité d’intermédiation en assurance ou en réassurance. Les États membres veillent à ce qu’une proportion raisonnable de personnes, au sein de la structure de direction de ces entreprises, responsables pour l’intermédiation en matière de produits d’assurance ainsi que toutes autres personnes prenant
directement part à l’intermédiation en assurance ou en réassurance fassent la preuve des connaissances et aptitudes nécessaires pour l’exercice de leurs tâches.»
7 L’article 12 de ladite directive énumère des informations qu’un intermédiaire d’assurance fournit au client avant la conclusion d’un premier contrat d’assurance et, si nécessaire, à l’occasion de la modification ou du renouvellement de ce contrat, telles que son identité et son adresse, le registre dans lequel il a été inscrit et les moyens de vérifier qu’il a été immatriculé, ainsi que toute participation, directe ou indirecte, supérieure à 10 % des droits de vote ou du capital d’une entreprise
d’assurance déterminée qu’il détient.
Le droit grec
Le décret présidentiel 190/2006
8 Les dispositions de la directive 2002/92 ont été transposées en droit grec par le décret présidentiel 190/2006 qui prévoit, à son article 2, paragraphe 3, premier et deuxième alinéas:
«On entend par ‘intermédiation en assurance’ toute activité consistant à présenter, à proposer ou à fournir des travaux préparatoires en vue de la conclusion de contrats d’assurance, ou à conclure de tels contrats, ou à fournir une assistance pour la gestion et l’exécution desdits contrats, notamment en cas de sinistre.
Ces activités ne sont pas considérées comme une intermédiation en assurance lorsqu’elles sont exercées par une entreprise d’assurance ou un salarié d’une entreprise d’assurance qui est lié à celle-ci par un contrat de travail et qui agit sous la responsabilité de celle-ci […]»
9 L’article 4 du décret présidentiel 190/2006 énumère les documents devant être présentés par toute personne souhaitant s’immatriculer au registre spécial en tant qu’intermédiaire d’assurance ou de réassurance. En vertu du paragraphe 1 A, sous e), dudit article, il y a lieu, aux fins d’une telle immatriculation, entre autres, de présenter, des «documents attestant que [l’intéressé] dispose de connaissances générales, commerciales ou professionnelles».
La loi 3557/2007
10 Le décret présidentiel 190/2006 a été modifié par la loi 3557/2007.
11 L’article 15, paragraphe 2, de la loi 3557/2007 a ajouté, après le deuxième alinéa de l’article 2, paragraphe 3, du décret présidentiel 190/2006, un nouvel alinéa, libellé comme suit:
«À titre dérogatoire, tout [salarié] d’une entreprise d’assurance, visé à l’alinéa qui précède, peut effectuer des actes d’intermédiation en assurance sans être soumis aux dispositions du présent décret, dès lors que ses revenus bruts annuels provenant de tels actes n’excèdent pas au total la somme de cinq mille (5000) euros».
12 L’article 11, paragraphe 3, sous b), de la loi 3557/2007 prévoit, s’agissant des documents mentionnés à l’article 4 du décret présidentiel 190/2006:
«Un arrêté du ministre du Développement, adopté dans les 30 jours à compter de la publication de la présente loi, détermine les documents attestant des connaissances générales, commerciales ou professionnelles des personnes qui postulent pour être intermédiaires en assurance ou en réassurance, intermédiaires d’assurance ou de réassurance lié, [salariés] d’une entreprise d’assurance, d’une entreprise d’intermédiation en assurance ou en réassurance, ainsi que les cas dans lesquels ces personnes
sont tenues de posséder une formation supplémentaire.»
L’arrêté K3-8010 du 8 août 2007
13 L’arrêté K3-8010 du 8 août 2007 a été adopté sur la base de l’article 11, paragraphe 3, sous b), de la loi 3557/2007.
14 Le paragraphe XI dudit arrêté prévoit:
«Tout [salarié] d’une entreprise d’assurance peut effectuer des actes d’intermédiation en assurance sans être tenu d’être inscrit auprès de la Chambre professionnelle compétente, dès lors que ses revenus bruts annuels, provenant de tels actes, à titre de commissions, n’excèdent pas au total la somme de cinq mille euros (5000 euros).
Si ses revenus bruts annuels provenant de ces actes excèdent le montant précité, il est tenu de s’inscrire auprès de la Chambre professionnelle compétente, selon les conditions applicables à la catégorie d’intermédiaire en assurance dans laquelle il choisit de s’inscrire.
La qualité [de salarié] dans le domaine de l’assurance est incompatible avec celle d’assureur-conseil.»
Le litige au principal et la question préjudicielle
15 EEAE e.a. sont des associations professionnelles ayant pour but la défense des intérêts professionnels et financiers de leurs membres, qui sont actifs dans l’intermédiation en assurance en tant que professionnels libéraux et non en tant que salariés d’entreprises. Le 29 octobre 2007, EEAE e.a. ont introduit, devant la juridiction de renvoi, un recours tendant à annulation partielle de l’arrêté K3-8010 du 8 août 2007. Par leur recours, ils font notamment valoir que le paragraphe XI de cet arrêté
n’est pas conforme aux dispositions de la directive 2002/92, dans la mesure où il permet, sous certaines conditions, aux salariés d’entreprises d’assurance d’effectuer des actes d’intermédiation en assurance sans disposer des qualifications prévues à l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive.
16 La juridiction de renvoi émet des réserves quant au bien-fondé du recours visant à l’annulation du paragraphe XI de l’arrêté K3-8010 du 8 août 2007. En effet, selon ladite juridiction, dès lors que le cadre législatif grec, interprété conformément à la directive 2002/92, permet de s’assurer que le salarié d’une entreprise d’assurance, qui exerce occasionnellement des activités d’intermédiation, agit toujours, aux fins de ces activités, sous la responsabilité et la surveillance de l’entreprise qui
lui procure également la formation nécessaire, les exigences figurant dans les dispositions de cette directive devraient être considérées comme satisfaites, peu importe le lien qui existe entre le salarié en question et son entreprise lorsqu’il exerce cette activité.
17 Toutefois, étant donné qu’une autre chambre de ladite juridiction ne semble pas partager cette position, le Symvoulio tis Epikrateias a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Les dispositions de l’article [2], [point] 3, deuxième alinéa, de la directive 2002/92 […] doivent-elles être interprétées en ce sens qu’un salarié d’une entreprise d’assurance qui ne dispose pas des qualifications prévues à l’article 4, paragraphe 1, de la[dite] directive peut exercer des activités d’intermédiation en assurance, à titre occasionnel et non dans le cadre de son activité professionnelle principale, même s’il n’agit pas dans le cadre du lien de subordination qui le lie à cette
entreprise, étant précisé que, en toute hypothèse, cette dernière exerce une surveillance sur ses activités, ou bien faut-il considérer que [cette] directive n’autorise une telle activité que lorsqu’elle est effectuée dans le cadre du lien de subordination?»
Sur la question préjudicielle
18 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions combinées des articles 2, point 3, deuxième alinéa, et 4, paragraphe 1, de la directive 2002/92 doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’un salarié d’une entreprise d’assurance qui ne dispose pas des qualifications prévues à cette dernière disposition exerce, à titre occasionnel et non dans le cadre de son activité professionnelle principale, des activités d’intermédiation en assurance,
lorsque ce salarié n’agit pas dans le cadre du rapport de subordination qui le lie à cette entreprise, mais que cette dernière exerce néanmoins une surveillance sur ses activités.
19 EEAE e.a. ainsi que les gouvernements belge et autrichien considèrent que l’article 2, point 3, deuxième alinéa, de la directive 2002/92 doit être interprété en ce sens qu’un salarié d’une entreprise d’assurance qui ne dispose pas des qualifications prévues à l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive ne peut pas exercer des activités d’intermédiation en assurance à titre occasionnel. L’Omospondia Asfalistikon Syllogon Ellados ainsi que les gouvernements grec et chypriote soutiennent, en
revanche, qu’un tel salarié peut exercer de telles activités. La Commission européenne, pour sa part, fait valoir que ledit article 2, point 3, deuxième alinéa, couvre des activités exercées par un salarié d’une entreprise d’assurance qui agit sous la responsabilité de celle-ci, indépendamment du type de contrat qui le lie à cette entreprise.
20 À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 2, point 3, deuxième alinéa, de la directive 2002/92 que des activités qui seraient, en vertu du premier alinéa de cette disposition, qualifiées d’intermédiation en assurance ne sont pas considérées comme telles lorsqu’elles sont exercées par une entreprise d’assurance ou un salarié d’une entreprise d’assurance qui agit sous la responsabilité de celle-ci.
21 Afin d’apprécier la portée de l’exclusion prévue à cette disposition, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour l’interprétation d’une disposition de droit de l’Union, il convient de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt du 19 juillet 2012, A, C‑33/11, point 27 et jurisprudence citée).
22 S’agissant des termes employés audit article 2, point 3, deuxième alinéa, il convient de constater que les activités d’un salarié d’une entreprise d’assurance ne sont exclues du champ d’application de la directive 2002/92 que lorsque celui-ci «agit sous la responsabilité» de cette entreprise.
23 Les termes «agit sous la responsabilité» d’une entreprise d’assurance, employés à cette disposition, supposent non seulement que cette entreprise peut être liée par des actes de ses salariés, qui agissent, ainsi que le précise M. l’avocat général au point 45 de ses conclusions, au nom et pour le compte de celle-ci, mais signifient également que cette dernière peut être tenue pour responsable de leurs activités.
24 Or, lorsque le salarié d’une entreprise d’assurance effectue des activités d’intermédiation d’assurance en dehors du rapport de subordination qui le lie avec cette entreprise, il doit, en principe, être considéré comme n’agissant pas sous la responsabilité de cette entreprise et, partant, comme agissant lui-même en tant qu’intermédiaire d’assurance au sens de l’article 2, point 5, de la directive 2002/92, avec pour conséquence qu’il doit remplir les exigences mentionnées à l’article 4 de cette
directive. La circonstance que l’entreprise d’assurance exerce une certaine surveillance sur ses activités n’est pas suffisante pour dispenser ledit intermédiaire de l’obligation de remplir lesdites exigences professionnelles prévues par ladite directive.
25 Cette interprétation ressort non seulement des termes de la directive 2002/92, mais est également conforme tant à l’objectif de l’article 2, point 3, deuxième alinéa, de celle-ci qu’aux objectifs de ladite directive prise dans son ensemble.
26 Pour ce qui est de l’objectif dudit article 2, point 3, deuxième alinéa, il convient de constater que celui-ci ne vise à exclure du champ d’application de cette directive que les activités d’assurance dans lesquelles les services sont offerts et vendus aux clients directement par l’entreprise d’assurance ou ses salariés et non pas celles dans lesquelles lesdits services sont offerts à travers une intermédiation.
27 S’agissant de la finalité de la directive 2002/92 prise dans son ensemble, il y a lieu de souligner que cette dernière poursuit, ainsi qu’il est énoncé aux considérants 6 à 8 de celle-ci, un double objectif, à savoir, d’une part, l’achèvement et le bon fonctionnement du marché unique de l’assurance, par l’élimination des entraves à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services et, d’autre part, l’amélioration de la protection des consommateurs dans ce domaine.
28 Or, une interprétation permettant à une certaine catégorie de personnes d’offrir des services d’intermédiation, alors qu’elles ne remplissent pas les conditions prévues à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2002/92 pour ce faire, porterait atteinte à cette double finalité.
29 D’une part, recourir à une telle interprétation de la directive 2002/92 créerait des différences notables entre les intermédiaires agissant sur le marché unique de l’assurance, dans la mesure où les intermédiaires, qu’ils remplissent ou non ces conditions, pourraient effectuer des activités d’intermédiation pour les mêmes types de contrats d’assurance. Cette interprétation se heurterait, de surcroît, à l’objectif d’assurer, ainsi qu’il ressort du considérant 9 de la directive 2002/92, l’égalité
de traitement entre toutes les catégories d’intermédiaires d’assurance.
30 D’autre part, une telle interprétation ne permettrait pas d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs sur le marché de l’assurance, à savoir des preneurs d’assurance. En effet, il n’est pas possible de considérer que les salariés d’une entreprise d’assurance qui s’occupent de la vente directe des services d’assurance au sein de cette entreprise possèdent, en tout état de cause, les connaissances et les aptitudes appropriées qui sont nécessaires pour effectuer, à titre individuel,
l’intermédiation d’assurance et qu’ils puissent ainsi garantir la qualité d’une telle intermédiation. Il ne peut non plus être supposé que de tels salariés soient en mesure, sans disposer de ces connaissances et de ces aptitudes, de fournir à leurs clients, lors de la conclusion, de la modification ou du renouvellement du contrat d’assurance de ces derniers, les informations, prévues à l’article 12 de la directive 2002/92.
31 Enfin, contrairement à ce qu’a fait valoir le gouvernement grec lors de l’audience, une telle interprétation n’est pas remise en cause par le contenu de l’article 4, paragraphe 1, quatrième alinéa, de cette directive. Même si cette disposition prévoit, certes, que les États membres ne sont pas tenus d’appliquer les exigences professionnelles à toutes les personnes physiques qui travaillent pour une entreprise et qui exercent une activité d’intermédiation en assurance, il n’en demeure pas moins
que ladite disposition régit la situation des entreprises qui effectuent elles-mêmes l’intermédiation d’assurance et non pas des entreprises d’assurance qui effectuent la vente directe des services d’assurance.
32 Il résulte de l’ensemble de ces considérations qu’il y a lieu de répondre à la question posée que les dispositions combinées des articles 2, point 3, deuxième alinéa, et 4, paragraphe 1, de la directive 2002/92 doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’un salarié d’une entreprise d’assurance qui ne dispose pas des qualifications prévues à cette dernière disposition exerce, à titre occasionnel et non dans le cadre de son activité professionnelle principale, des activités
d’intermédiation en assurance, lorsque ce salarié n’agit pas dans le cadre du rapport de subordination qui le lie à cette entreprise, mais que cette dernière exerce néanmoins une surveillance sur ses activités.
Sur les dépens
33 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:
Les dispositions combinées des articles 2, point 3, deuxième alinéa, et 4, paragraphe 1, de la directive 2002/92/CE du Parlement européen et du Conseil, du 9 décembre 2002, sur l’intermédiation en assurance, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’un salarié d’une entreprise d’assurance qui ne dispose pas des qualifications prévues à cette dernière disposition exerce, à titre occasionnel et non dans le cadre de son activité professionnelle principale, des activités
d’intermédiation en assurance, lorsque ce salarié n’agit pas dans le cadre du rapport de subordination qui le lie à cette entreprise, mais que cette dernière exerce néanmoins une surveillance sur ses activités.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure: le grec.