ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
26 septembre 2013 ( *1 )
«Pourvoi — Agence européenne des produits chimiques (ECHA) — Enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques — Règlement (CE) no 1907/2006 (règlement REACH) — Articles 57 et 59 — Substances soumises à autorisation — Identification de l’acrylamide comme substance extrêmement préoccupante — Inscription sur la liste des substances candidates — Publication de la liste sur le site Internet de l’ECHA — Recours en annulation introduit avant cette publication — Recevabilité»
Dans l’affaire C‑626/11 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 30 novembre 2011,
Polyelectrolyte Producers Group GEIE (PPG), établi à Bruxelles (Belgique),
SNF SAS, établie à Andrézieux-Bouthéon (France),
représentés par Mes R. Cana et K. Van Maldegem, avocats,
parties requérantes,
les autres parties à la procédure étant:
Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mme M. Heikkilä et M. W. Broere, en qualité d’agents, assistés de Me J. Stuyck, advocaat,
partie défenderesse en première instance,
Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes C. Wissels et B. Koopman, en qualité d’agents,
Commission européenne, représentée par MM. P. Oliver et E. Manhaeve, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
parties intervenantes en première instance,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. J. Malenovský, U. Lõhmus (rapporteur), M. Safjan et Mme A. Prechal, juges,
avocat général: M. P. Cruz Villalón,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 novembre 2012,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 mars 2013,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur pourvoi, Polyelectrolyte Producers Group GEIE (PPG) (ci-après «PPG») et SNF SAS (ci-après «SNF») demandent l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 21 septembre 2011, PPG et SNF/ECHA (T-1/10, Rec. p. II-6573, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a rejeté comme irrecevable leur recours tendant à l’annulation de la décision de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) identifiant l’acrylamide (CE no 201-173-7) comme substance remplissant
les critères visés à l’article 57 du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE
du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO L 396, p. 1, et rectificatif JO 2007, L 136, p. 3, ci-après le «règlement REACH»), conformément à l’article 59 de ce dernier (ci-après la «décision litigieuse»).
Le cadre juridique
Le règlement REACH
2 L’article 57 du règlement REACH énumère les substances qui peuvent être incluses dans l’annexe XIV de ce dernier, intitulée «Liste des substances soumises à autorisation». L’article 57, sous a) et b), de ce règlement mentionne les substances qui répondent aux critères de classification comme substances cancérogènes et mutagènes, relevant de certaines catégories.
3 Aux termes de l’article 59 de ce règlement, intitulé «Identification des substances visées à l’article 57»:
«1. La procédure prévue aux paragraphes 2 à 10 du présent article est applicable aux fins de l’identification des substances remplissant les critères visés à l’article 57 et de l’établissement d’une liste de substances identifiées en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV [(ci-après la ‘liste des substances candidates’)]. [...]
[...]
3. Tout État membre peut élaborer un dossier conformément à l’annexe XV pour les substances dont il estime qu’elles répondent aux critères énoncés à l’article 57 et le transmettre à l’[ECHA]. [...] L’[ECHA] met ce dossier à la disposition des autres États membres dans un délai de trente jours à compter de sa réception.
4. L’[ECHA] publie sur son site Internet un avis indiquant qu’un dossier conforme aux prescriptions de l’annexe XV a été élaboré pour la substance. L’[ECHA] invite toutes les parties intéressées à soumettre leurs informations à l’[ECHA] dans un délai fixé.
5. Dans les soixante jours suivant la diffusion, les autres États membres ou l’[ECHA] peuvent présenter des observations relatives à l’identification de la substance en ce qui concerne les critères visés à l’article 57 dans le dossier transmis à l’[ECHA].
6. Si l’[ECHA] ne reçoit ou n’émet aucune observation, elle inclut cette substance sur la liste visée au paragraphe 1. [...]
7. Après avoir reçu ou émis des observations, l’[ECHA] renvoie le dossier au comité des États membres dans les quinze jours suivant la fin de la période de soixante jours visée au paragraphe 5.
8. Si, dans les trente jours qui suivent le renvoi du dossier, le comité des États membres parvient à un accord unanime sur l’identification, l’[ECHA] inclut cette substance sur la liste visée au paragraphe 1. [...]
[...]
10. L’[ECHA] publie et met à jour sur son site Internet la liste visée au paragraphe 1 dès qu’une décision a été prise concernant l’inclusion d’une substance.»
Les antécédents du litige et la décision litigieuse
4 PPG est un groupement européen d’intérêt économique qui représente les intérêts des sociétés productrices et/ou importatrices de polyélectrolytes, de polyacrylamide et/ou d’autres polymères contenant de l’acrylamide. Il compte SNF parmi ses membres.
5 Le 25 août 2009, le Royaume des Pays-Bas a transmis à l’ECHA un dossier qu’il avait élaboré, concernant l’identification de l’acrylamide en tant que substance remplissant les critères visés à l’article 57, sous a) et b), du règlement REACH.
6 Le 31 août 2009, l’ECHA a publié sur son site Internet un avis invitant les parties intéressées à soumettre leurs observations sur le dossier établi en ce qui concerne l’acrylamide. Elle a également invité les autorités compétentes des autres États membres à présenter des observations à ce sujet.
7 Après avoir reçu des observations sur ce dossier, notamment de PPG, et les réponses du Royaume des Pays-Bas à ces observations, l’ECHA a renvoyé ledit dossier au comité des États membres, qui est parvenu, le 27 novembre 2009, à un accord unanime sur l’identification de l’acrylamide comme substance extrêmement préoccupante, au motif que cette substance remplissait les critères visés à l’article 57, sous a) et b), du règlement REACH.
8 Le 7 décembre 2009, l’ECHA a publié un communiqué de presse annonçant, d’une part, que le comité des États membres était parvenu à un accord unanime sur l’identification de l’acrylamide et de quatorze autres substances comme substances extrêmement préoccupantes, dans la mesure où celles-ci remplissaient les critères visés à l’article 57 du règlement REACH et, d’autre part, que la liste de substances candidates serait formellement mise à jour dans le courant du mois de janvier 2010.
9 Le 22 décembre 2009, le directeur exécutif de l’ECHA a pris la décision ED/68/2009, dont l’entrée en vigueur était prévue pour le 13 janvier 2010, d’inclure lesdites quinze substances, à cette date, dans la liste des substances candidates.
10 Le 30 mars 2010, cette liste, incluant l’acrylamide, a été publiée sur le site Internet de l’ECHA.
La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée
11 Il ressort de l’ordonnance attaquée que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 janvier 2010, PPG et SNF ont introduit un recours visant à l’annulation de la décision litigieuse.
12 Le 17 mars 2010, l’ECHA a soulevé, par acte déposé au greffe du Tribunal, une exception d’irrecevabilité à l’encontre de ce recours. Elle a invoqué trois fins de non-recevoir, tirées de la nature de la décision litigieuse, de ce que cette dernière n’affectait pas directement les parties requérantes ainsi que du fait que cette décision, qui n’était pas un acte réglementaire, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ne concernait pas individuellement ces parties.
13 S’agissant de la fin de non-recevoir tirée de la nature de la décision litigieuse, l’ECHA a fait valoir, en substance, que les requérants, en se référant à l’accord unanime du comité des États membres de l’ECHA intervenu le 27 novembre 2009, ont attaqué un acte préparatoire qui n’était pas destiné à produire des effets juridiques à l’égard des tiers, au sens de l’article 263, premier alinéa, deuxième phrase, TFUE.
14 Le Royaume des Pays-Bas, admis à intervenir au soutien des conclusions de l’ECHA, a soutenu les fins de non-recevoir soulevées par cette dernière.
15 La Commission européenne, également admise à intervenir, a soutenu l’argumentation de l’ECHA tirée de la nature de la décision litigieuse et de ce que les parties requérantes n’étaient pas directement affectées. En outre, elle a fait valoir que la requête ne respectait pas les exigences énoncées à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal en ce qu’elle manquait de clarté.
16 En premier lieu, le Tribunal a examiné cette dernière fin de non-recevoir. Tout en rappelant qu’une partie intervenante n’a pas qualité pour soulever une fin de non-recevoir non invoquée par la partie qu’elle soutient, il a relevé que les conditions de recevabilité d’un recours et des griefs qui y sont énoncés sont d’ordre public, de sorte qu’il pouvait les examiner d’office.
17 Le Tribunal a rejeté ladite fin de non-recevoir en considérant, au point 34 de l’ordonnance attaquée, qu’il ressortait à suffisance de droit de la requête que l’objet du litige était l’acte de l’ECHA, résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement REACH, identifiant l’acrylamide comme substance répondant aux critères énoncés à l’article 57 dudit règlement, dont le contenu avait été déterminé par l’accord unanime du comité des États membres le 27 novembre 2009 et qui devait être
exécuté par l’inclusion de l’acrylamide dans la liste des substances candidates publiée sur le site Internet de l’ECHA, laquelle était prévue pour le 13 janvier 2010 et a finalement eu lieu le 30 mars 2010.
18 En second lieu, s’agissant de la fin de non-recevoir tirée de la nature de la décision litigieuse, soulevée par l’ECHA, le Tribunal a estimé, au point 41 de l’ordonnance attaquée, qu’il n’était pas nécessaire de se prononcer sur l’argumentation relative au prétendu caractère préparatoire dudit accord unanime, dès lors que la décision litigieuse ne visait pas à produire des effets juridiques à l’égard des tiers au moment où la recevabilité du recours devait être appréciée, à savoir au moment du
dépôt de la requête.
19 À cet égard, le Tribunal a constaté, au point 45 de l’ordonnance attaquée, que la requête avait été déposée après l’accord unanime du comité des États membres sur l’identification de l’acrylamide comme substance extrêmement préoccupante et après l’intervention de la décision du directeur exécutif de l’ECHA d’inclure cette substance dans la liste des substances candidates, mais avant le 13 janvier 2010, date prévue pour l’entrée en vigueur de cette décision ainsi que pour l’inclusion de
l’acrylamide dans ladite liste.
20 Au point 49 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a considéré que, d’une part, l’acte d’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante ne vise pas à produire des effets de droit à l’égard des tiers avant l’inclusion de celle-ci dans la liste des substances candidates et que les obligations juridiques découlant de cet acte ne peuvent incomber aux personnes concernées qu’à partir de la publication et de la mise à jour de cette liste contenant ladite substance sur le site Internet de
l’ECHA, conformément à l’article 59, paragraphe 10, du règlement REACH. D’autre part, le Tribunal a jugé que le délai pour l’introduction d’un recours contre ledit acte, en vertu de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, ne peut courir qu’à partir de cette publication.
21 Par conséquent, le Tribunal a rejeté le recours dont il était saisi comme irrecevable, sans examiner les autres fins de non-recevoir soulevées par l’ECHA.
Les conclusions des parties
22 Les requérants demandent à la Cour d’annuler l’ordonnance attaquée ainsi que la décision litigieuse ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur leur recours, et de condamner l’ECHA aux dépens des deux instances.
23 L’ECHA ainsi que le Royaume des Pays-Bas et la Commission, lesquelles ont soutenu l’ECHA en première instance, demandent à la Cour de déclarer le pourvoi non fondé et de condamner les requérants aux dépens.
Sur le pourvoi
Argumentation des parties
24 Les requérants soulèvent un moyen unique, tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal dans l’interprétation et l’application du règlement REACH, en ce qu’il a jugé que l’identification, conformément à l’article 59, paragraphe 8, de ce règlement, d’une substance comme extrêmement préoccupante par le comité des États membres de l’ECHA ne constitue pas une décision destinée à produire des effets juridiques à l’égard des tiers avant la publication de la liste des substances candidates incluant
cette substance.
25 Les requérants font valoir que, contrairement à ce que le Tribunal a constaté au point 47 de l’ordonnance attaquée, il ressort des diverses références à l’«identification» et à l’«inclusion», dans les dispositions du règlement REACH précisant les obligations d’information, que le législateur de l’Union a entendu créer de telles obligations résultant de l’identification d’une substance à un stade antérieur à l’inclusion de cette dernière dans la liste des substances candidates.
26 L’ECHA, soutenue par le Royaume des Pays-Bas, rappelle que, dans le cas des actes adoptés au cours d’une procédure impliquant plusieurs étapes, seules les mesures arrêtant définitivement la position de l’institution ou de l’organe concerné au terme de cette procédure constituent des actes susceptibles d’être contestés. Elle fait valoir que, en l’espèce, l’inclusion de l’acrylamide dans la liste des substances candidates, telle qu’elle a été publiée le 30 mars 2010, constitue l’acte pouvant
produire des effets juridiques, alors que l’accord du comité des États membres est un acte préparatoire qui ne crée, par lui-même, aucune obligation juridique.
27 Selon la Commission, le fait que l’accord unanime du comité des États membres ne laisse aucune marge d’appréciation quant à l’inclusion d’une substance dans la liste des substances candidates ne signifie pas que cet accord constitue l’acte définitif susceptible de recours ou qu’il puisse se substituer à la décision de l’ECHA adoptée en vertu de l’article 59, paragraphe 8, du règlement REACH.
28 La Commission soutient qu’aucune disposition de ce règlement n’indique qu’il existe une distinction entre l’identification d’une substance et son inclusion dans la liste des substances candidates. Au contraire, il ressortirait de l’article 59 dudit règlement que les substances sont identifiées comme substances extrêmement préoccupantes aux seules fins de leur inclusion dans cette liste.
Appréciation de la Cour
29 À titre liminaire, il convient de relever qu’il n’est pas contesté que l’objet du recours présenté par PPG et SNF était l’acte de l’ECHA décrit par le Tribunal au point 34 de l’ordonnance attaquée, à savoir celui résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement REACH, identifiant l’acrylamide comme substance répondant aux critères énoncés à l’article 57 de ce règlement.
30 Ainsi que le Tribunal l’a indiqué dans cette ordonnance, un tel acte est susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation en vertu de l’article 263, premier alinéa, seconde phrase, TFUE dans la mesure où il est adopté par un organisme de l’Union européenne, en l’occurrence l’ECHA, et qu’il est destiné à produire des effets juridiques à l’égard des tiers. En effet, plusieurs dispositions du règlement REACH, telles que celles citées, notamment, au point 42 de ladite ordonnance, prévoient des
obligations d’information découlant de l’acte d’identification d’une substance, résultant de la procédure visée à l’article 59 de ce règlement.
31 C’est également à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 49 de l’ordonnance attaquée, que les obligations juridiques découlant de l’acte d’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante, résultant de la procédure visée à l’article 59 dudit règlement, ne peuvent incomber aux personnes concernées qu’à partir de la publication de la liste des substances candidates contenant cette substance, une telle publication étant prévue au paragraphe 10 de cet article.
32 En effet, lorsque la publication d’un acte est prévue par la réglementation de l’Union, ce n’est qu’à partir du moment de cette publication que lesdites personnes peuvent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre les mesures nécessaires en conséquence (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2009, Heinrich, C-345/06, Rec. p. I-1659, point 44).
33 Par conséquent, aux fins d’accorder aux personnes concernées un laps de temps suffisant pour contester un acte publié de l’Union en pleine connaissance de cause, le délai pour former un recours contre un tel acte ne commence à courir, conformément à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, qu’à partir de sa publication.
34 Toutefois, contrairement à ce que le Tribunal a considéré dans l’ordonnance attaquée, il ne s’ensuit pas qu’un requérant ne puisse contester un acte adopté par l’Union avant que celui-ci ne soit publié.
35 À cet égard, la Cour a déjà jugé, au point 8 de l’arrêt du 19 septembre 1985, Hoogovens Groep/Commission (172/83 et 226/83, Rec. p. 2831), que les dispositions de l’article 33, troisième alinéa, du traité CECA, qui précisaient les formalités – notification ou publication – à partir desquelles courait le délai du recours en annulation, ne faisaient pas obstacle à ce qu’un requérant introduisît sa requête devant la Cour dès que la décision litigieuse était intervenue, sans attendre sa notification
ou sa publication, de sorte que l’un des recours à l’origine dudit arrêt ne pouvait se voir opposer aucune irrecevabilité du fait de son dépôt, au greffe de la Cour, antérieurement à la publication de cette décision.
36 Or, rien dans les dispositions de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, qui correspond à l’article 33, troisième alinéa, du traité CECA, ne s’oppose à ce que cette jurisprudence soit transposable au présent cas d’espèce.
37 Au contraire, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 55 de ses conclusions, s’il ressort d’une jurisprudence constante que constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir arrêt du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission,
C-131/03 P, Rec. p. I-7795, point 54 et jurisprudence citée), il n’est pas précisé à cet article que l’introduction d’un tel recours est subordonnée à la publication ou à la notification de ces dernières.
38 Par ailleurs, l’introduction d’un recours contre un acte de l’Union avant sa publication et dès lors que cet acte a été adopté ne porte nullement atteinte à la finalité d’un délai de recours, laquelle, selon une jurisprudence constante, consiste à sauvegarder la sécurité juridique en évitant la remise en cause indéfinie des actes de l’Union entraînant des effets de droit (voir arrêts du 22 octobre 2002, National Farmers’ Union, C-241/01, Rec. p. I-9079, point 34, ainsi que du 23 avril 2013,
Gbagbo e.a./Conseil, C‑478/11 P à C‑482/11 P, point 62).
39 Par conséquent, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 56 de ses conclusions, si la publication d’un acte déclenche les délais de recours à l’expiration desquels cet acte devient définitif, elle ne constitue pas une condition d’ouverture du droit d’exercer un recours contre l’acte en question.
40 En l’espèce, le Tribunal a constaté, au point 45 de l’ordonnance attaquée, que la requête introductive d’instance a été déposée tant après l’accord unanime du comité des États membres sur cette identification qu’après l’intervention de la décision du directeur exécutif de l’ECHA du 22 décembre 2009, laquelle constitue une décision. Il s’ensuit que, à la date du dépôt de cette requête, à savoir le 4 janvier 2010, la décision litigieuse avait été définitivement adoptée.
41 C’est donc à tort que le Tribunal a conclu à l’irrecevabilité de ladite requête, au motif qu’elle avait été introduite avant la date de publication de la décision litigieuse au moyen de l’inclusion de l’acrylamide dans la liste des substances candidates sur le site Internet de l’ECHA, initialement prévue pour le 13 janvier 2010, mais finalement intervenue le 30 mars 2010.
42 Dès lors, il y a lieu d’accueillir le moyen unique invoqué par les requérants et, partant, leur pourvoi, et d’annuler l’ordonnance attaquée.
43 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.
44 En l’espèce, le litige n’étant pas en état d’être jugé, il y a lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:
1) L’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 21 septembre 2011, PPG et SNF/ECHA (T‑1/10), est annulée.
2) La présente affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne.
3) Les dépens sont réservés.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.