ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)
25 septembre 2013 ( *1 )
«Fonction publique — Agent contractuel — Recrutement — Appel à manifestation d’intérêt EPSO/CAST/02/2010 — Conditions d’engagement — Expérience professionnelle appropriée — Rejet de la demande d’engagement»
Dans l’affaire F‑158/12,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,
Éric Marques, agent contractuel de la Commission européenne, demeurant à Ennery (France), représenté par Mes A. Salerno, et B. Cortese, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par Mme C. Berardis-Kayser et M. G. Berscheid, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (troisième chambre),
composé de MM. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, R. Barents et K. Bradley, juges,
greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 juin 2013,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 24 décembre 2012, M. Marques demande, d’une part, l’annulation de la décision de la Commission européenne, du 6 mars 2012, refusant de l’engager comme agent contractuel du groupe de fonctions III et, d’autre part, la réparation de son préjudice.
Faits à l’origine du litige
2 Le requérant est titulaire d’un diplôme de l’enseignement secondaire lui donnant accès à l’enseignement supérieur. Le 1er novembre 2006, il a été recruté par la Commission en tant qu’agent contractuel au titre de l’article 3 bis du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le «RAA»). Il a été classé dans le groupe de fonctions I visé à l’article 80 du RAA et a été affecté à Luxembourg (Luxembourg) auprès de l’Office «Infrastructures et logistique – Luxembourg» (OIL) où il
a exercé des fonctions budgétaires et financières.
3 Le 17 mai 2010, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a lancé l’appel à manifestation d’intérêt EPSO/CAST/02/10 (ci-après l’«AMI») en vue de constituer une base de données de candidats à recruter en tant qu’agents contractuels pour effectuer notamment des tâches d’assistant financier au sein de la Commission européenne.
4 Selon l’AMI, les assistants financiers à recruter étaient appelés à assumer des «tâches d’exécution, de rédaction, de comptabilité et [d’]autres tâches techniques» et devaient être classés dans le groupe de fonctions III mentionné à l’article 80 du RAA. S’agissant de la formation requise, l’AMI indiquait que, à la date limite d’inscription, soit le 14 juin 2010, les candidats devaient, au minimum, avoir «un niveau d’enseignement secondaire sanctionné par un diplôme donnant accès à l’enseignement
supérieur et une expérience professionnelle appropriée de trois années au moins». L’AMI décrivait, en outre, les fonctions de l’assistant financier et les aptitudes requises pour les exercer.
5 Le requérant a réussi en 2010 les épreuves de sélection prévues par l’AMI pour le profil d’assistant financier.
6 Le 30 mai 2011, l’EPSO a procédé au lancement d’une phase supplémentaire de sélection afin de permettre aux lauréats de l’AMI d’entrer en ligne de compte pour l’obtention d’un contrat à durée indéterminée.
7 Le requérant a réussi les tests de sélection supplémentaires en 2011.
8 Le 24 octobre 2011, un comité de sélection institué au sein de l’OIL a estimé que le profil et les aptitudes du requérant correspondaient «au niveau de compétence attendu de la part d’un agent contractuel d[u] groupe de fonction[s] III». En conséquence, l’OIL a demandé son engagement en tant qu’assistant financier du groupe de fonctions III.
9 Le 1er décembre 2011, le chef de l’unité «Services de restauration – Foyer – Centre de santé» de l’OIL, sous la direction duquel le requérant avait travaillé, a rédigé une note dans laquelle il estimait que les tâches réellement effectuées par le requérant «à l’évidence constitu[ai]ent une expérience professionnelle pertinente pour accéder au groupe de fonction[s] III». Dans la même note, le chef d’unité susmentionné décrivait les fonctions réellement assumées par le requérant.
10 Le 1er février 2012, le chef d’unité de l’unité «Personnel – Communication – Conférences – Santé et Sécurité» de l’OIL a indiqué à la direction générale (DG) «Ressources humaines et sécurité» de la Commission que, «[s]i certaines tâches attribuées [au requérant] pourraient être interprétées comme étant d[u] niveau [des tâches relevant du groupe de fonctions] III, il convient de prendre en considération que [celui-ci] effectue principalement des tâches administratives [relevant du groupe de]
fonctions […] I».
11 Le 6 mars 2012, la DG «Ressources humaines et sécurité» de la Commission a informé l’OIL que «[l]’analyse [des] expériences professionnelles [du requérant] n’a[vait] pas permis de démontrer qu’il a[vait] acquis, en date du 14 juin 2010, trois années d’expérience professionnelle équivalente à [des tâches relevant du groupe de fonctions] III». En conséquence, la Commission a refusé de donner suite à la demande de l’OIL d’engager le requérant en qualité d’assistant financier du groupe de
fonctions III (ci-après la «décision attaquée»).
12 Le 5 juin 2012, le requérant a introduit une réclamation contre la décision attaquée au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, applicable aux agents contractuels en vertu de l’article 117 du RAA.
13 L’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’«AHCC») a rejeté la réclamation le 11 septembre 2012. Elle a, en effet, considéré que tant les notes des deux chefs d’unité de l’OIL, respectivement du 1er décembre 2011 et du 1er février 2012, que l’ensemble des éléments du dossier individuel du requérant, en ce compris la description des postes qu’il avait occupés, ne permettait pas de considérer que les tâches qu’il avait exercées avant le 14 juin 2010 étaient «‘de niveau
équivalent’ à [des tâches relevant du groupe de fonctions] III». Selon l’AHCC, ces tâches relevaient pour la plupart du groupe de fonctions I, voire du groupe de fonctions II, mais non du groupe de fonctions III.
Conclusions des parties
14 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— annuler la décision attaquée ;
— condamner la Commission à réparer le préjudice matériel que ladite décision lui a causé ;
— condamner la Commission aux dépens.
15 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— rejeter le recours ;
— condamner le requérant aux dépens.
En droit
Sur les conclusions en annulation
16 À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant soulève deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 82, paragraphe 2, sous b), du RAA, de l’article 2, point 1, sous c), des dispositions générales d’exécution, du 7 avril 2004, relatives aux procédures régissant l’engagement et l’emploi des agents contractuels à la Commission, publiées aux Informations administratives no 49‑2004 (ci-après les «DGE 2004»), de l’article 1er, point 3, sous c), de l’annexe I des
dispositions générales d’exécution, du 2 mars 2011, de l’article 79, paragraphe 2, du RAA régissant les conditions d’emploi des agents contractuels engagés par la Commission en vertu des articles 3 bis et 3 ter dudit régime, publiées aux Informations administratives no 33‑2011 (ci-après les «DGE 2011»), ainsi que des dispositions de l’AMI. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation.
17 Dans son premier moyen , le requérant fait valoir que, outre un diplôme de l’enseignement secondaire, l’article 82, paragraphe 2, sous b), du RAA, l’article 2, point 1, sous b), des DGE 2004 et l’article 1er, point 3, sous c), de l’annexe I des DGE 2011 n’exigent, pour pouvoir accéder au groupe de fonctions III, qu’une «expérience professionnelle appropriée» de trois années. L’exigence de la Commission, selon laquelle l’expérience requise devrait être d’un «niveau équivalent» aux tâches exercées
dans ledit groupe de fonctions ne reposerait sur aucune base légale. Selon le requérant, les DGE 2004 et 2011 ne formuleraient des exigences plus sévères que celle d’une «expérience appropriée de trois années» qu’aux fins du classement en grade des agents contractuels. Il s’agirait cependant de conditions additionnelles par rapport à l’expérience professionnelle imposée comme condition minimale d’engagement.
18 La Commission répond que l’article 82, paragraphe 2, du RAA ne prescrit que des conditions minimales et qu’elle peut donc requérir un niveau de qualification plus élevé. Au demeurant, l’exigence d’une «expérience professionnelle appropriée» figurant dans les DGE 2004 et dans les DGE 2011 ainsi que dans l’AMI pourrait s’interpréter comme imposant une expérience d’un niveau équivalent au niveau que le candidat désire atteindre, soit, en l’espèce, une expérience du niveau du groupe de fonctions III.
Cette interprétation trouverait une confirmation dans l’article 7, paragraphe 3, des DGE 2004. Enfin, l’exigence d’une «expérience professionnelle appropriée» mentionnée dans l’AMI ne serait pas sans lien avec le profil d’assistant financier du groupe de fonctions III y figurant.
19 À cet égard, le Tribunal rappelle que si l’administration bénéficie d’une large marge d’appréciation pour déterminer si l’expérience professionnelle antérieure d’un candidat peut être prise en compte en vue de son recrutement en tant qu’agent contractuel du groupe de fonctions III, l’exercice de ce large pouvoir d’appréciation doit notamment se faire dans le respect de l’ensemble des dispositions applicables (arrêt du Tribunal du 28 octobre 2010, Fares/Commission, F‑6/09, points 38 et 39).
20 Il y a lieu de relever que l’article 82, paragraphe 2, du RAA dispose comme suit :
«Le recrutement en tant qu’agent contractuel requiert au minimum :
[...]
b) dans les groupes de fonctions II et III :
i) un niveau d’enseignement supérieur sanctionné par un diplôme, ou
ii) un niveau d’enseignement secondaire sanctionné par un diplôme donnant accès à l’enseignement supérieur et une expérience professionnelle appropriée de trois années au moins, ou
iii) lorsque l’intérêt du service le justifie, une formation professionnelle ou une expérience professionnelle de niveau équivalent.
[...]»
21 S’agissant des DGE, il importe de déterminer lesquelles, de 2004 ou de 2011, sont applicables au cas d’espèce, car, si elles ont le même objet, des nuances existent entre elles, notamment en ce qui concerne la notion d’«expérience professionnelle appropriée» que précisent les DGE 2011.
22 Il convient de rappeler, à cet égard, que la légalité d’un acte s’apprécie en fonction des éléments de fait et de droit existant au moment de son adoption (arrêt du Tribunal de première instance du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission, T‑58/05, point 151 ; arrêt du Tribunal du 29 septembre 2011, Mische/Commission, F‑70/05, point 70). Or, les DGE 2011 ont été adoptées et sont entrées en vigueur le 2 mars 2011 et étaient ainsi applicables lorsque la décision attaquée a été prise, à
savoir le 6 mars 2012. À cette date, les DGE 2011 avaient abrogé les DGE 2004. Certes, les DGE 2004 étaient applicables lors de la publication de l’AMI et à la date du 14 juin 2010, à laquelle les conditions d’admission devaient être réunies. Toutefois, l’AHCC n’a pris, à ce moment, aucune décision définitive concernant le point de savoir si le requérant pouvait se prévaloir de l’expérience appropriée requise pour être recruté dans le groupe de fonctions III. De plus, les dispositions
transitoires, figurant à l’article 14 des DGE 2011, règlent le problème de la réussite des épreuves de sélection avant l’entrée en vigueur desdites DGE, la question des contrats en cours, la difficulté résultant des engagements sur la base d’une disposition dérogatoire figurant dans les DGE 2004, la situation des jeunes experts en délégation et le recours à des boursiers.
23 Les dispositions transitoires prévues à l’article 14 des DGE 2011 ne concernent pas, en revanche, la question de l’appréciation des qualifications minimales d’engagement requises pour postuler à un emploi d’agent contractuel dans les divers groupes de fonctions et spécialement dans le groupe de fonctions III. Or, une disposition transitoire fait, en principe, l’objet d’une interprétation stricte, dès lors qu’elle déroge aux règles et principes de valeur permanente qui s’appliqueraient
immédiatement aux situations en cause en l’absence dudit régime (ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 13 décembre 2012, Mische/Commission, T‑641/11 P, point 45 ; arrêts du Tribunal du 30 septembre 2010, Vivier/Commission, F‑29/05, points 67 et 68, et la jurisprudence citée, et Toth/Commission, F‑107/05, points 71 et 72, et la jurisprudence citée). À défaut de circonstances particulières justifiant une interprétation extensive de l’article 14 des DGE 2011, il découle de ce qui précède
que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, l’AHCC devait apprécier l’expérience que le requérant avait acquise à la date du 14 juin 2010 au regard des DGE 2011.
24 Cela étant précisé, l’article 1er, paragraphe 3, sous c), de l’annexe I des DGE 2011 dispose que les «qualifications minimales pour l’engagement d’un agent contractuel» sont :
«[D]ans le groupe de fonctions III :
i. un niveau d’enseignement supérieur sanctionné par un diplôme,
ou
ii. un niveau d’enseignement secondaire sanctionné par un diplôme donnant accès à l’enseignement supérieur et une expérience professionnelle appropriée de trois ans. Dans ce contexte, une expérience professionnelle est considérée comme appropriée si elle est obtenue dans un des domaines d’activité de la Commission […] après le diplôme donnant accès à ce groupe de fonctions,
ou
iii. à titre exceptionnel et lorsque l’intérêt du service le justifie, une formation professionnelle ou une expérience professionnelle équivalente ; la [c]ommission [p]aritaire est informée annuellement de l’usage fait de cette disposition.»
25 Selon une jurisprudence constante, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci et de son contexte, mais aussi des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt de la Cour du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, point 12 ; arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 8 juillet 2010, Commission/Putterie-De-Beukelaer, T‑160/08 P, point 70 ; arrêt du Tribunal du 10 mars 2011, Begue e.a./Commission,
F‑27/10, point 40).
26 En l’espèce, il importe de relever d’emblée qu’en précisant que les candidats devaient avoir «une expérience professionnelle appropriée de trois années au moins», l’AMI reproduit la terminologie figurant tant à l’article 82, paragraphe 2, sous b), du RAA qu’à l’article 1er, paragraphe 3, sous c), de l’annexe I des DGE 2011.
27 À défaut de diplôme sanctionnant un niveau d’enseignement supérieur, l’article 82, paragraphe 2, sous b), du RAA exige soit «une expérience professionnelle appropriée», quand l’intéressé a suivi «un niveau d’enseignement secondaire sanctionné par un diplôme donnant accès à l’enseignement supérieur», soit, si tel n’est pas le cas, «une formation professionnelle ou une expérience professionnelle de niveau équivalent». L’article 1er, paragraphe 3, sous c), de l’annexe I des DGE 2011 reprend la même
distinction et celle-ci se retrouve dans les différentes versions linguistiques du RAA et des DGE 2011 (notamment, en allemand «einschlägige Berufserfahrung» et «gleichwertige [...] Berufserfahrung», en anglais «appropriate professional experience» et «equivalent level», en italien «esperienza professionale adeguata» et «esperienza professionale di livello equivalente», ainsi qu’en néerlandais «relevante beroepservaring» et «gelijkwaardige beroepservaring»).
28 Or, il y a lieu de considérer que, lorsque le législateur et l’autorité administrative emploient, dans un même texte de portée générale, deux termes distincts, des raisons de cohérence et de sécurité juridique s’opposent à ce que ceux-ci se voient attribuer la même portée. Il en va a fortiori ainsi lorsque ces termes recouvrent des sens différents dans le langage courant. Tel est précisément le cas des adjectifs «approprié» et «équivalent». Dans son sens usuel, l’adjectif «approprié» signifie
«adapté à un usage déterminé», ce que corrobore la deuxième phrase de l’article 1er, paragraphe 3, sous c), ii), de l’annexe I des DGE 2011. Par contre, l’adjectif «équivalent» signifie «de même valeur» et a donc un sens plus restreint.
29 De plus, il ressort de l’arrêt Fares/Commission, précité, que l’article 82, paragraphe 2, sous b), iii), du RAA doit se comprendre en ce sens que, lorsque l’intérêt du service le justifie, l’institution peut permettre l’accès à un emploi du groupe de fonctions III à un candidat qui n’est titulaire ni d’un diplôme d’enseignement supérieur ni d’un diplôme d’enseignement secondaire donnant accès à l’enseignement supérieur, mais qui peut se prévaloir d’une formation professionnelle ou d’une
expérience professionnelle, qui ne répondrait pas aux critères énoncés à l’article 82, paragraphe 2, sous b), i) et ii), mais dont le niveau serait équivalent à ceux-ci (arrêt Fares/Commission, point 19 supra, point 50).
30 En d’autres termes, dans l’article 82, paragraphe 2, sous b), iii), du RAA, ainsi que dans l’article 1er, paragraphe 3, sous c), de l’annexe I des DGE 2011 et dans l’AMI qui en reprennent les dispositions, l’exigence d’une équivalence renvoie aux critères relatifs au niveau d’enseignement et le cas échéant à l’expérience professionnelle mentionnés à l’article 82, paragraphe 2, sous b), i) et ii), et non directement aux tâches relevant du groupe de fonctions III, comme l’a soutenu la Commission
dans la décision attaquée et dans le rejet de la réclamation.
31 Enfin, l’article 82, paragraphe 2, sous b), du RAA est issu du règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO L 124, p. 1). Or, si ce règlement met l’accent, en son deuxième considérant, sur la nécessité pour «les Communautés [de] disposer d’une administration publique européenne d’un niveau de qualité élevé», il n’est pas possible d’inférer
de cet objectif général que l’exigence d’une expérience professionnelle appropriée pour accéder aux postes du groupe de fonctions III devrait se comprendre comme imposant plus strictement une expérience de niveau équivalent à celle susceptible d’être acquise dans ce seul groupe de fonctions.
32 Il découle de ce qui précède que l’article 82, paragraphe 2, sous b), du RAA, l’article 1er, paragraphe 3, sous c), de l’annexe I des DGE 2011, ainsi que l’AMI doivent être interprétés en ce sens que le candidat à un recrutement en qualité d’agent contractuel dans le groupe de fonctions III doit pouvoir se prévaloir d’une expérience de trois années qui soit adaptée aux fonctions à pourvoir sans pour autant être équivalente à celles-ci.
33 Cette interprétation n’est pas remise en cause par l’article 7, paragraphe 3, des DGE 2004, lequel précisait :«Pour être prise en compte [aux fins du classement en grade], l’expérience professionnelle doit avoir été acquise dans une activité correspondant au minimum au niveau de qualifications requis pour accéder au groupe de fonctions concerné et en rapport avec l’un des secteurs d’activité de l’institution. Elle est prise en compte à partir de la date à laquelle l’intéressé remplit les
qualifications minimales requises pour être engagé, telles qu’elles sont définies à l’article 2 (y compris, le cas échéant, toute exigence imposée par cet article en matière d’expérience professionnelle)».
34 Non seulement, l’article 7, paragraphe 3, des DGE 2004 n’était plus en vigueur lors de l’adoption de la décision attaquée, mais, de plus, il se limitait à préciser que, pour être prise en considération en vue du classement en grade des agents contractuels, l’expérience professionnelle devait avoir été acquise dans une activité correspondant au minimum au niveau de qualifications requis pour accéder au groupe de fonctions concerné, c’est-à-dire dans une activité correspondant à l’«expérience
professionnelle appropriée» visée à l’article 2, paragraphe 1, point b), des DGE 2004.
35 En l’espèce, la question qui se posait à l’AHCC était donc de savoir si, au vu d’un examen in concreto des tâches effectuées dans son activité antérieure (arrêt Fares/Commission, point 19 supra, points 63 et 64), le requérant avait acquis, au 14 juin 2010, une expérience de trois ans adaptée à l’exercice de fonctions d’assistant financier du groupe de fonctions III, telles qu’elles étaient dépeintes dans l’AMI, mais non de rechercher s’il pouvait déjà se prévaloir d’une expérience de même valeur
que les fonctions ainsi décrites.
36 Il s’ensuit qu’en refusant de recruter le requérant en qualité d’assistant financier du groupe de fonctions III au motif qu’il n’avait pas «acquis, en date du 14 juin 2010, trois années d’expérience professionnelle équivalente à [des tâches relevant du groupe de fonctions] III», l’AHCC a méconnu l’article 82, paragraphe 2, sous b), du RAA, l’article 1er, point 3, sous c), de l’annexe I des DGE 2011 et l’AMI.
37 Le premier moyen est donc fondé.
38 Le requérant soutient, dans son second moyen, que la décision attaquée serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Il prétend que son expérience professionnelle était effectivement «équivalente» à celle résultant de l’accomplissement de tâches relevant du groupe de fonctions III et qu’elle dépassait largement les trois ans requis. Il s’appuie à cet égard sur la description des postes qu’il avait occupés et sur les appréciations de ses supérieurs figurant dans ses rapports d’évaluation
2007, 2009 et 2010, ainsi que sur la note du 1er décembre 2011 du chef d’unité sous la direction duquel il avait travaillé.
39 Dès lors que le premier moyen est fondé et qu’il en résulte que l’AHCC devait se limiter à examiner si l’expérience professionnelle du requérant pouvait être qualifiée d’«appropriée» pour exercer les fonctions d’assistant financier du groupe de fonctions III telles qu’elles étaient décrites dans l’AMI, le Tribunal ne saurait vérifier si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que celui-ci ne pouvait se prévaloir d’une expérience professionnelle «équivalente à
[des tâches relevant du groupe de fonctions] III», sous peine de fonder lui-même son raisonnement sur une prémisse inexacte en droit.
Sur les conclusions en indemnité
40 Le requérant soutient que la décision attaquée lui a causé un préjudice matériel, car, en l’absence de ladite décision, il aurait été engagé en tant qu’agent contractuel du groupe de fonctions III en octobre 2011, avec une rémunération plus élevée que celle qu’il a continué à percevoir dans son emploi dans le groupe de fonctions I.
41 Il importe cependant de relever que la décision attaquée doit être annulée parce que l’AHCC a refusé d’engager le requérant en qualité d’assistant financier du groupe de fonctions III sur la base d’une interprétation erronée de l’article 82, paragraphe 2, sous b), du RAA, de l’article 1er, point 3, sous c), de l’annexe I des DGE 2011 et de l’AMI. De plus, conformément à l’article 266 TFUE, il incombe à l’institution dont émane l’acte annulé «de prendre les mesures que comporte l’exécution de
l’arrêt» dont elle est destinataire. Enfin, l’AHCC dispose d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle est appelée à vérifier si les activités effectivement accomplies par le candidat à un recrutement comme agent contractuel dans un emploi du groupe de fonctions III peuvent constituer une expérience professionnelle appropriée de trois années au moins.
42 Dans ces conditions, dès lors que la Commission est appelée à exercer à nouveau, à la lumière des motifs du présent arrêt, son pouvoir d’appréciation concernant l’expérience professionnelle dont se prévaut le requérant, le Tribunal ne saurait, sans substituer son appréciation à celle de la Commission, la condamner à payer à ce dernier un montant équivalent à la différence entre ce qu’il a continué à percevoir dans son emploi dans le groupe de fonctions I et le traitement qui lui aurait été alloué
dans le groupe de fonctions III.
Sur les dépens
43 Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
44 Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que la Commission a succombé dans l’essentiel de sa défense. En outre, le requérant a, dans ses conclusions, expressément demandé que la Commission soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la Commission doit supporter ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par le requérant.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la Commission européenne, du 6 mars 2012, refusant d’engager M. Marques en tant qu’agent contractuel du groupe de fonctions III est annulée.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La Commission européenne supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par M. Marques.
Van Raepenbusch
Barents
Bradley
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 septembre 2013.
Le greffier
W. Hakenberg
Le président
S. Van Raepenbusch
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( *1 ) Langue de procédure : le français.