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04/07/2013 | CJUE | N°C‑520/12 P

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, Diadikasia Symvouloi Epicheiriseon AE contre Commission européenne e.a., 04/07/2013, C‑520/12 P


ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

4 juillet 2013 (*)

«Pourvoi – Instrument d’aide à la préadhésion – Marché public – Projet concernant le développement du réseau européen de centres d’affaires en Turquie – Décision de ne pas attribuer le projet – Demande de réparation des dommages prétendument subis – Décision nationale – Absence d’implication des organes de l’Union»

Dans l’affaire C‑520/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, int

roduit le 16 novembre 2012,

Diadikasia Symvouloi Epicheiriseon AE, établie à Chalandri (Grèce), représentée par ...

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

4 juillet 2013 (*)

«Pourvoi – Instrument d’aide à la préadhésion – Marché public – Projet concernant le développement du réseau européen de centres d’affaires en Turquie – Décision de ne pas attribuer le projet – Demande de réparation des dommages prétendument subis – Décision nationale – Absence d’implication des organes de l’Union»

Dans l’affaire C‑520/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 16 novembre 2012,

Diadikasia Symvouloi Epicheiriseon AE, établie à Chalandri (Grèce), représentée par M^e A. Krystallidis, avocat,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. A. Aresu et F. Erlbacher, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

Délégation de l’Union européenne en Turquie,

Central Finance & Contracts Unit (CFCU), établie à Ankara (Turquie),

parties défenderesses en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. G. Arestis, président de chambre, MM. J.‑C. Bonichot (rapporteur) et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1 Par son pourvoi, Diadikasia Symvouloi Epicheiriseon AE demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 13 septembre 2012, Diadikasia Symvouloi Epicheiriseon/Commission e.a. (T-369/11, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui‑ci a rejeté son recours tendant à la réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi à la suite d’une décision l’écartant de l’appel d’offres lancé pour l’attribution d’un marché pour la mise en œuvre d’un programme de
développement régional en Turquie, mis en place sur la base du règlement (CE) n° 1085/2006 du Conseil, du 17 juillet 2006, établissant un instrument d’aide de préadhésion (IAP) (JO L 210, p. 82).

Les antécédents du litige

2 Les antécédents du litige sont exposés aux points 14 à 26 de l’ordonnance attaquée et peuvent être résumés comme suit.

3 En vertu de l’article 1^er du règlement n° 1085/2006, l’Union européenne aide les pays mentionnés aux annexes I et II de ce règlement, parmi lesquels figure la République de Turquie, à s’aligner progressivement sur les normes et les politiques de l’Union, y compris, le cas échéant, l’acquis communautaire, en vue de leur adhésion.

4 L’article 10 du règlement (CE) n° 718/2007 de la Commission, du 12 juin 2007, portant application du règlement n° 1085/2006 (JO L 170, p. 1), prévoit, au titre des principes généraux de mise en œuvre de l’aide, que la Commission européenne confie la gestion décentralisée de certaines actions au pays bénéficiaire, tout en conservant la responsabilité finale de l’exécution du budget général. La gestion décentralisée couvre, au moins, la gestion des appels d’offres, l’adjudication et les
paiements.

5 L’article 21, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 718/2007 prévoit que le pays bénéficiaire nomme une structure d’exécution par volet ou programme IAP, chargée de gérer et de mettre en œuvre l’aide au titre du règlement n° 1085/2006. La structure d’exécution est une instance ou un ensemble d’instances relevant de l’administration du pays bénéficiaire. Elle prend en charge, notamment, les procédures d’appel d’offres, les procédures d’octroi de subventions et les marchés en découlant.

6 Le 29 novembre 2007, la Commission a adopté la décision C (2007) 5729, relative au programme opérationnel pluriannuel «Compétitivité régionale» pour l’aide à apporter par l’Union dans le cadre du volet «développement régional» de l’IAP en Turquie (ci‑après le «programme pluriannuel»).

7 Le 11 juillet 2008, la Commission a conclu avec la République de Turquie un accord-cadre qui définit de manière générale les règles de coopération relatives à l’aide au titre de l’IAP (ci‑après l’«accord‑cadre»). En vertu de l’article 6 de celui‑ci, il incombait à la République de Turquie, dans le cas d’une gestion décentralisée du programme, de désigner les structures d’exécution.

8 Le 24 juillet 2009, la Commission a conclu une convention de financement avec la République de Turquie relative au programme pluriannuel (ci‑après la «convention de financement»).

9 En vertu de l’article 26, paragraphe 1, de la convention de financement, les entités constituant la structure d’exécution du programme pluriannuel sont, d’une part, le «ministre de l’Industrie et du Commerce, centre de coordination et de mise en œuvre du programme de compétitivité régionale» et, d’autre part, la Central Finance & Contracts Unit (CFCU).

10 Le 21 janvier 2010, sur le fondement du règlement n° 1085/2006, un avis de marché de services en Turquie portant sur l’extension du réseau de centres d’affaires turco‑européen à Sivas, à Antakya, à Batman et à Van a été publié dans le Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO S 14). Le marché concerné avait pour objet de renforcer la compétitivité des petites et des moyennes entreprises en Turquie. Le pouvoir adjudicateur désigné dans cet avis était la CFCU.

11 Plusieurs offres ont été déposées, parmi lesquelles celle d’un consortium dont la requérante était membre chef de file (ci‑après le «consortium»).

12 Après que la requérante eut répondu à une demande d’éclaircissements présentée par la CFCU, celle-ci l’a informée, par lettre du 11 janvier 2011, que le marché serait attribué au consortium, sous réserve de la présentation, dans un délai de quinze jours, de certains documents.

13 Toutefois, par lettre du 5 avril 2011, la CFCU a informé la requérante que, à la suite des lettres de cette dernière des 11 janvier, 10 mars et 11 mars 2011 et au regard d’informations communiquées par la délégation de l’Union européenne en Turquie, il apparaissait que l’évaluation de son offre avait été affectée par une fausse déclaration. Partant, la CFCU a, en sa qualité de pouvoir adjudicateur, indiqué que le marché ne serait pas attribué au consortium.

La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

14 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 juillet 2011, la requérante a introduit un recours en indemnité visant à obtenir réparation du préjudice qu’elle prétendait avoir subi à la suite de l’adoption de la décision de la CFCU du 5 avril 2011.

15 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 21 novembre 2011, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité sur le fondement de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

16 Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté le recours.

17 Au point 38 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a estimé que le recours en indemnité était dirigé à la fois contre la CFCU, la Commission et la délégation de l’Union en Turquie.

18 Appréciant d’office la recevabilité du recours en ce qu’il était dirigé contre la délégation de l’Union en Turquie, le Tribunal, au point 45 de l’ordonnance attaquée, a rejeté cette partie du recours comme manifestement irrecevable. Il a jugé que les délégations de l’Union ne disposent pas de la personnalité juridique et que, dès lors, la Commission était seule responsable des actions et des omissions susceptibles d’être imputées à cet égard à cette délégation.

19 Le Tribunal a ensuite relevé qu’il ressortait des pièces du dossier que la CFCU était une autorité régie par le seul droit turc et dépendait du gouvernement de la République de Turquie. Or, en vertu tant de l’article 21, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 718/2007 que du paragraphe 6, sous a), de l’annexe A de l’accord‑cadre, il appartient au pays bénéficiaire, à savoir en l’espèce la République de Turquie, de nommer une structure d’exécution par volet ou programme IAP. Dès lors, la CFCU
ne saurait être considérée ni comme une institution ni comme un organisme de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE. Le Tribunal en a conclu, au point 49 de l’ordonnance attaquée, qu’il n’avait pas compétence pour statuer sur le recours en indemnité en ce qu’il était dirigé contre la CFCU.

20 Ayant analysé la demande en réparation présentée par la requérante comme se rapportant au préjudice qui résulterait pour elle tant de la lettre de la CFCU du 5 avril 2011 que «de toute décision subséquente», le Tribunal a d’abord considéré, au point 51 de l’ordonnance attaquée, que, en l’absence d’une précision suffisante, le recours était manifestement irrecevable en ce qu’il tendait à la réparation du préjudice qui résulterait «de toute décision subséquente».

21 Le Tribunal, après avoir rappelé, au point 52 de l’ordonnance attaquée, que les marchés publics passés par les pays tiers et susceptibles de bénéficier d’une aide au titre de l’IAP, soumis au principe de la gestion décentralisée, demeuraient des marchés nationaux, a ensuite analysé la décision de la CFCU du 5 avril 2011 comme émanant de la structure nationale d’exécution du programme pluriannuel, désignée comme étant le pouvoir adjudicateur, la Commission étant uniquement compétente pour
vérifier si les conditions de financement du projet par l’Union étaient remplies.

22 Le Tribunal a conclu, enfin, au point 62 de l’ordonnance attaquée, d’une part, que le recours, en ce qu’il était dirigé contre la Commission, était irrecevable, dans la mesure où elle n’était pas l’auteur de la lettre du 5 avril 2011, et, d’autre part, que la lettre de la CFCU du 5 avril 2011 ayant été adoptée par une autorité turque, il n’était pas compétent pour statuer sur la réparation des dommages que cet acte aurait éventuellement pu causer à la requérante.

Les conclusions des parties

23 Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour:

– d’annuler l’ordonnance attaquée;

– de déclarer son recours devant le Tribunal recevable;

– de juger l’affaire au fond et de faire droit à sa demande de réparation du préjudice subi du fait de la décision du 5 avril 2011, et

– de condamner la Commission aux dépens.

24 La Commission demande à la Cour:

– de rejeter le pourvoi, et

– de condamner la requérante aux dépens.

Sur le pourvoi

25 À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque trois moyens. Le premier est tiré d’une double erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal en déniant à la CFCU la qualité d’organe de l’Union au sens de l’article 263 TFUE et à la délégation de l’Union en Turquie toute personnalité juridique. Le deuxième moyen est tiré de la violation du droit de la requérante à un recours effectif et à un procès équitable en ce que le Tribunal n’aurait pas répondu à son argumentation en réponse à
l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, dès lors qu’il n’aurait pas tenu compte de ses observations concernant la jurisprudence de la Cour relative aux dommages causés par les agents de l’Union. Le troisième moyen est tiré de ce que le Tribunal aurait dénaturé les éléments de preuve présentés pour établir que la CFCU sert les intérêts de la Commission et que cette dernière est, dès lors, responsable de la mise en œuvre des projets financés par l’Union.

26 En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi, principal ou incident, est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée. Il y a lieu de faire usage de cette faculté dans la présente affaire.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

27 À l’appui de son premier moyen, la requérante fait essentiellement grief au Tribunal d’avoir adopté une interprétation trop restrictive de la notion d’institution de l’Union et de celle d’acte d’organes de l’Union au sens de l’article 263 TFUE en refusant de voir dans la décision de la CFCU du 5 avril 2011 et dans celle qui la confirme, prise le 3 juin 2011 par la délégation de l’Union en Turquie, des actes d’entités qui doivent être considérées comme des agents de la Commission répondant
aux besoins de l’Union et permettant à celle-ci de remplir sa mission.

28 La Commission fait valoir que c’est à bon droit que le Tribunal a considéré que la CFCU était non pas un organisme ou un service de l’Union, mais une autorité de la République de Turquie et que les délégations de l’Union sont dépourvues de toute personnalité juridique.

Appréciation de la Cour

29 À titre liminaire, il doit être relevé que le Tribunal, au point 51 de l’ordonnance attaquée, a analysé l’objet de la demande dont il était saisi comme visant à la réparation du préjudice qui résulterait pour la requérante non seulement de la lettre de la CFCU du 5 avril 2011, mais aussi de «toute décision subséquente». Toutefois, le Tribunal n’a pu que constater que, faute d’identification précise de telles décisions subséquentes, les conclusions de la demande de réparation s’y rapportant
étaient manifestement irrecevables.

30 La requérante ne conteste pas ce motif d’irrecevabilité. Il en résulte que son argumentation selon laquelle le Tribunal se serait abstenu à tort de considérer la correspondance de la délégation de l’Union en Turquie du 3 juin 2011 comme un acte juridique produisant des effets juridiques résulte d’une lecture manifestement erronée de l’ordonnance attaquée.

31 La requérante doit également être regardée comme soutenant que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne considérant pas la décision du 5 avril 2011 comme un acte de la Commission ou, à tout le moins, comme un acte d’un organe de l’Union au sens de l’article 263 TFUE.

32 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, d’une part, l’article 10 du règlement n° 718/2007 prévoit, au titre des principes généraux de mise en œuvre de l’aide à la préadhésion, que la Commission confie la gestion décentralisée de certaines actions au pays bénéficiaire, tout en conservant la responsabilité finale de l’exécution du budget général. La gestion décentralisée couvre, au moins, la gestion des appels d’offres, l’adjudication et les paiements. D’autre part, selon l’article 21,
paragraphe 1, sous f), de ce règlement, le pays bénéficiaire nomme une structure d’exécution par volet ou programme IAP chargée de gérer et de mettre en œuvre cette aide. La structure d’exécution est une instance ou un ensemble d’instances relevant de l’administration du pays bénéficiaire. Elle prend en charge, notamment, les procédures d’appel d’offres, les procédures d’octroi de subventions et les marchés en découlant.

33 Il résulte donc tant de ces dispositions que de l’accord‑cadre et de la convention de financement visés aux points 7 à 9 de la présente ordonnance que l’Union et la République de Turquie ont entendu confier la gestion décentralisée de l’IAP concernant ce pays aux instances relevant de l’administration de ce dernier et que, dans ce cadre, la CFCU a été désignée comme la structure d’exécution chargée de la gestion des appels d’offres nécessaires à la réalisation des actions du programme de
l’IAP.

34 Par ailleurs, comme l’a rappelé à bon droit le Tribunal au point 52 de l’ordonnance attaquée, les marchés publics passés par des pays tiers et susceptibles de bénéficier d’une aide au titre de l’IAP, soumis au principe de gestion décentralisée, demeurent des marchés nationaux que seul le pouvoir adjudicateur national chargé de leur suivi a la responsabilité de préparer, de négocier et de conclure, les interventions des représentants de la Commission dans la procédure de passation des marchés
tendant uniquement à constater que les conditions de financement par l’Union sont ou non réunies. En outre, les entreprises soumissionnaires ou attributaires des marchés en cause n’entretiennent de relations juridiques qu’avec l’État tiers responsable du marché et les actes des représentants de la Commission ne peuvent avoir pour effet de substituer à leur égard une décision de l’Union à celle de cet État tiers (voir, par analogie, arrêt du 14 janvier 1993, Italsolar/Commission, C‑257/90, Rec.
p. I‑9, point 22).

35 Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 62 de l’ordonnance attaquée, que la décision du 5 avril 2011 par laquelle la CFCU a indiqué à la requérante que le marché en cause ne serait pas attribué au consortium a été adoptée par une autorité nationale et chargée, en tant que pouvoir adjudicateur, d’exécuter dans son ensemble la procédure de passation de ce marché.

36 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance que la Commission veille à ce que, dans la procédure de passation des marchés de la nature de celui qui est en cause en l’espèce, les conditions de financement par l’Union soient respectées. Sa compétence à cet égard, qui découle de ce qu’elle conserve la responsabilité finale de l’exécution du budget général, ne peut en aucun cas se confondre avec celle de la structure d’exécution à qui il incombe de décider de
l’attribution du marché concerné.

37 En conséquence, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la CFCU aurait, en prenant la décision du 5 avril 2011, agi comme un agent de la Commission ou comme un organe de l’Union, ni, par suite, à rechercher la responsabilité de cette institution à raison des préjudices prétendument causés par cette décision.

38 C’est donc également sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a conclu que le recours, en ce qu’il était dirigé contre la Commission, était irrecevable dans la mesure où celle-ci n’était pas l’auteur de la décision du 5 avril 2011.

39 Il résulte de ce qui précède que le premier moyen de la requérante est manifestement non fondé.

Sur le deuxième moyen

Argumentation des parties

40 À l’appui de son deuxième moyen, la requérante soutient que, en s’abstenant de tenir compte de ses observations qui visaient à contester, sur le fondement de la jurisprudence de la Cour relative aux dommages causés par les agents de l’Union, l’exception d’irrecevabilité qui avait été soulevée par la Commission devant le Tribunal, celui‑ci a manqué à son obligation de motiver son ordonnance et a privé la requérante de son droit à un recours effectif.

41 La Commission fait valoir que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en ne tenant pas compte de la référence à de tels dommages dès lors que tous les arguments présentés à l’appui de la demande étaient en substance dirigés contre la décision de la CFCU et que la requérante n’avait pas précisé quel serait le lien de causalité entre les dommages qu’elle aurait subis et une action supposée illégale de la délégation de l’Union en Turquie.

Appréciation de la Cour

42 Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal n’impose pas à ce dernier de suivre les requérants dans le détail de leur argumentation.

43 Ainsi qu’il a été dit au point 35 de la présente ordonnance, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré que la décision du 5 avril 2011 avait été adoptée par une autorité nationale chargée, en tant que pouvoir adjudicateur, d’exécuter dans son ensemble la procédure de passation du marché en cause. Le Tribunal en a conclu, à bon droit, au point 62 de l’ordonnance attaquée, qu’il n’était pas compétent pour statuer sur les dommages que cette décision aurait pu causer à
la requérante et que de tels dommages éventuellement causés par des institutions nationales ne sont susceptibles de mettre en jeu que la responsabilité de ces institutions, les juridictions nationales, à savoir en l’espèce, les juridictions turques, demeurant seules compétentes pour en assurer la réparation.

44 En exposant ainsi de manière claire et exhaustive les raisons pour lesquelles, selon lui, les conclusions de la requérante tendaient à la réparation de dommages causés par des institutions nationales, le Tribunal a implicitement mais nécessairement rejeté l’argumentation de la requérante tenant à la réparation des dommages causés par les agents de l’Union, qui était ainsi inopérante, sans manquer à l’obligation de motivation de son ordonnance et sans priver la requérante de son droit à un
recours effectif.

45 Le deuxième moyen de la requérante est, dès lors, manifestement non fondé.

Sur le troisième moyen

Argumentation des parties

46 À l’appui de son troisième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve qui lui étaient soumis en omettant de tenir compte des faits qui ont été présentés par elle et établissaient clairement que la CFCU était un agent de l’Union, tenue «de la même manière» à la réparation des dommages causés à des personnes qui ont subi un préjudice résultant de son action.

47 La Commission rappelle que l’acte qui a prétendument causé des dommages à la requérante était non pas un acte de la Commission, ni même un acte de la délégation de l’Union en Turquie, mais un acte de l’autorité turque compétente, ce qui justifiait que le Tribunal se déclare incompétent pour statuer sur la réparation de tels dommages.

Appréciation de la Cour

48 Il y a lieu de relever que c’est sur le seul fondement de motifs de droit que le Tribunal, au regard notamment des dispositions du règlement n° 718/2007, a conclu, à bon droit et au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, ainsi qu’il a été dit aux points 32 à 35 de la présente ordonnance, que la décision du 5 avril 2011 a été adoptée par une autorité régie par le droit turc.

49 Ces seules considérations suffisent à justifier l’ordonnance attaquée. Il en résulte que la requérante ne saurait utilement alléguer une dénaturation des éléments de preuve soumis au Tribunal. Dès lors, le troisième moyen doit également être rejeté comme étant manifestement non fondé.

50 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé.

Sur les dépens

51 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens afférents au pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Diadikasia Symvouloi Epicheiriseon AE est condamnée aux dépens.

Signatures

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* Langue de procédure: l’anglais.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : C‑520/12 P
Date de la décision : 04/07/2013
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en responsabilité

Analyses

Pourvoi – Instrument d’aide à la préadhésion – Marché public – Projet concernant le développement du réseau européen de centres d’affaires en Turquie – Décision de ne pas attribuer le projet – Demande de réparation des dommages prétendument subis – Décision nationale – Absence d’implication des organes de l’Union.

Dispositions institutionnelles


Parties
Demandeurs : Diadikasia Symvouloi Epicheiriseon AE
Défendeurs : Commission européenne e.a.

Composition du Tribunal
Avocat général : Wathelet
Rapporteur ?: Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2013:457

Source

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