ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)
27 juin 2013 (*)
«Pourvoi – Défaut d’engagement par la Commission d’une procédure en manquement à l’encontre de la Roumanie – Violations alléguées du droit de propriété par les autorités roumaines – Recours en carence et en indemnité – Irrecevabilité manifeste»
Dans l’affaire C‑569/12 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 29 novembre 2012,
Emil Micsunescu, demeurant à Bucarest (Roumanie), représenté par M^e R. Neagu, avocat,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant:
Commission européenne,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (septième chambre),
composée de M. G. Arestis, président de chambre, MM. J.-C. Bonichot et J. L. da Cruz Vilaça (rapporteur), juges,
avocat général: M. M. Wathelet,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, M. Micsunescu demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 25 septembre 2012, Micsunescu/Commission (T-314/12, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a rejeté, comme manifestement irrecevable, son recours tendant, d’une part, à faire constater, en substance, la carence de la Commission européenne résultant de ce que cette dernière s’est abstenue d’engager une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE à l’encontre
de la Roumanie et, d’autre part, à obtenir l’indemnisation du préjudice prétendument subi du fait de cette carence.
La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée
2 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 juillet 2012, M. Micsunescu a introduit un recours tendant, d’une part, à faire constater, en substance, la carence de la Commission résultant de ce que cette dernière s’est abstenue d’engager une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE à l’encontre de la Roumanie et, d’autre part, à obtenir une indemnisation du préjudice prétendument subi du fait de cette carence.
3 Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a, au titre de l’article 111 de son règlement de procédure, rejeté le recours comme manifestement irrecevable.
4 S’agissant, en premier lieu, du recours en carence, le Tribunal, en se référant à l’arrêt de la Cour du 14 février 1989, Star Fruit/Commission (247/87, Rec. p. 291), a rappelé, au point 6 de l’ordonnance attaquée, la jurisprudence constante selon laquelle est irrecevable un recours en carence introduit par une personne physique ou par une personne morale et visant à faire constater que, en n’engageant pas contre un État membre une procédure en constatation de manquement, la Commission s’est
abstenue de statuer, en violation du traité FUE.
5 Le Tribunal a précisé, au point 7 de ladite ordonnance, que, dans le cadre d’un recours en manquement, les seuls actes que la Commission peut être amenée à prendre sont adressés aux États membres et que ni l’avis motivé ni la saisine de la Cour aux fins de faire constater un manquement ne constituent des actes susceptibles d’affecter directement et individuellement des personnes physiques ou des personnes morales.
6 S’agissant, en second lieu, du recours en indemnité, le Tribunal a souligné, au point 10 de l’ordonnance attaquée, que, la Commission n’étant pas tenue d’engager une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE, sa décision de ne pas engager une telle procédure n’est, en tout état de cause, pas constitutive d’une illégalité, de sorte qu’elle n’est pas de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne. Il s’est, notamment, référé à l’ordonnance du 23 mai
1990, Asia Motor France/Commission (C-72/90, Rec. p. I-2181, point 13).
7 Partant, le Tribunal a considéré, au point 11 de l’ordonnance attaquée, que, sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité du recours en indemnité, ce dernier devait être rejeté comme manifestement non fondé.
Les conclusions du requérant devant la Cour
8 Par son pourvoi, M. Micsunescu demande «le contrôle de la recevabilité pour les motifs suivants:
– Le Tribunal [...] a totalement méconnu et évité de juger les moyens invoqués à l’appui de [son] recours. Il s’agit d’un cas de déni de justice.
– Le Tribunal [...] n’a pas tenu compte du contenu réel de [son] recours sous prétexte d’une interprétation supérieure.
– Il est évident que le Tribunal [...] couvre une violation des traités par l’Union [...], violation qui consiste en un acte constitutif de crimes contre l’humanité en continu, commis contre des millions de personnes.
– Il ne s’agit pas d’une carence à agir ni d’un manquement à des obligations.
– Il est gênant que le Tribunal [...] refuse de statuer sur le quatrième moyen, tiré d’un vol de biens à grande échelle (au moins 4 000 milliards d’euros, y compris les fruits résultant de l’usage de la propriété) commis par l’action conjuguée de fonctionnaires de l’Union et de fonctionnaires roumains».
Sur le pourvoi
9 En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, le rejeter par voie d’ordonnance motivée, et ce sans ouvrir la procédure orale, ni, le cas échéant, signifier le recours à la partie défenderesse.
Argumentation du requérant
10 En substance, le requérant soutient que l’ordonnance attaquée n’est pas fondée et qu’elle est erronée dans la mesure où les juges n’ont pas acquis une connaissance approfondie de l’affaire.
11 Il semble également contester la qualification de recours en carence retenue par le Tribunal dans la mesure où, selon lui, sont reprochés des actes constitutifs de crimes contre l’humanité, en violation des articles 2 TUE et 49 TUE, et non une carence à agir.
Appréciation de la Cour
12 Force est de constater que le requérant ne se réfère à aucun élément spécifique de l’ordonnance attaquée et n’invoque aucun moyen ou argument de droit à l’appui de son pourvoi.
13 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il résulte de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169 du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière
spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi (voir, notamment, arrêts du 8 janvier 2002, France/Monsanto et Commission, C‑248/99 P, Rec. p. I-1, point 68, ainsi que du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C-67/09 P, Rec. p. I-9811, point 48). Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui ne contient aucune argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt ou l’ordonnance en question (voir, notamment, ordonnance du 21
mars 2013, Simov/Commission et Bulgarie, C-465/12 P, point 12 ainsi que jurisprudence citée).
14 En outre, l’argumentation présentée à l’appui du présent pourvoi est difficilement compréhensible et confuse, si bien que la Cour n’est pas en mesure d’exercer la mission qui lui incombe et d’effectuer son contrôle de la légalité (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission, C-51/92 P, Rec. p. I-4235, point 113, ainsi que Nuova Agricast et Cofra/Commission, précité, point 49).
15 Dans ces conditions, en application de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi doit être rejeté comme manifestement irrecevable, sans qu’il soit nécessaire de le signifier à la partie défenderesse.
Sur les dépens
16 Conformément à l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.
17 La présente ordonnance étant adoptée avant la notification de la requête à la partie défenderesse et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que le requérant supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) M. Emil Micsunescu supporte ses propres dépens.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
* Langue de procédure: l’anglais.