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20/06/2013 | CJUE | N°C-309/12

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Maria Albertina Gomes Viana Novo et autres contre Fundo de Garantia Salarial IP., 20/06/2013, C-309/12


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 20 juin 2013 ( 1 )

Affaire C‑309/12

Maria Albertina Gomes Viana Novo,

Ezequiel Martins Dias,

Gabriel Inácio da Silva Fontes,

Marcelino Jorge dos Santos Simões,

Manuel Dourado Eusébio,

Alberto Martins Mineiro,

Armindo Gomes de Faria,

José Fontes Cambas,

Alberto Martins do Alto,

José Manuel Silva Correia,

Marilde Marisa Moreira Marques Moita,

José Rodrigues Salgado Almeida,



Carlos Manuel Sousa Oliveira,

Manuel da Costa Moreira,

Paulo da Costa Moreira,

José Manuel Serra da Fonseca,

Ademar Daniel Lourenço Di...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 20 juin 2013 ( 1 )

Affaire C‑309/12

Maria Albertina Gomes Viana Novo,

Ezequiel Martins Dias,

Gabriel Inácio da Silva Fontes,

Marcelino Jorge dos Santos Simões,

Manuel Dourado Eusébio,

Alberto Martins Mineiro,

Armindo Gomes de Faria,

José Fontes Cambas,

Alberto Martins do Alto,

José Manuel Silva Correia,

Marilde Marisa Moreira Marques Moita,

José Rodrigues Salgado Almeida,

Carlos Manuel Sousa Oliveira,

Manuel da Costa Moreira,

Paulo da Costa Moreira,

José Manuel Serra da Fonseca,

Ademar Daniel Lourenço Dias,

Ana Mafalda Azevedo Martins Ferreira

contre

Fundo de Garantia Salarial IP

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Central Administrativo Norte (Portugal)]

«Protection des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur — Directive 80/987/CEE — Directive 2002/74/CE — Articles 3 et 4 — Garantie des créances salariales — Limitation de la garantie dans le temps — Limitation aux créances devenues exigibles dans les six mois précédant l’introduction de la demande visant à faire constater l’insolvabilité de l’employeur — Introduction préalable, par les travailleurs salariés, d’une action en paiement et en recouvrement forcé de leurs créances impayées —
Effet»

1.  La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 4 et 10 de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur ( 2 ), telle que modifiée par la directive 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002 ( 3 ).

2.  Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Gomes Viana Novo et 17 autres travailleurs salariés d’un employeur en situation d’insolvabilité au Fundo de Garantia Salarial IP (Fonds de garantie salariale) ( 4 ), au sujet de créances salariales dont le paiement a été demandé au FGS sur le fondement des dispositions du droit portugais qui transposent la directive 80/987.

3.  Cette directive, qui oblige les États membres à instaurer une institution de garantie du paiement des créances impayées des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de leur employeur ( 5 ), autorise toutefois les États membres à limiter l’obligation de garantie dans le temps ou dans l’espace, de façon alternative ou cumulative.

4.  L’affaire au principal porte sur la faculté de limiter la garantie dans le temps. Le législateur portugais a fait usage de cette faculté en déterminant une période de référence correspondant aux six mois qui précèdent la demande tendant à ce que l’employeur soit judiciairement déclaré insolvable ( 6 ) ou le dépôt d’une demande de procédure de conciliation.

5.  Le Tribunal Central Administrativo Norte (Portugal), saisi par des travailleurs détenant des créances devenues exigibles antérieurement à la période de référence, demande si, lorsque ces travailleurs ont agi en justice pour faire fixer le montant de leurs créances salariales et en obtenir le recouvrement forcé, cette période doit être déterminée en tenant compte de la date de cette action.

6.  Dans les présentes conclusions, nous proposerons à la Cour de dire pour droit que les articles 3 et 4 de la directive 80/987, lus en combinaison avec le principe d’égalité de traitement, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que le droit national limite la garantie des créances salariales en cas d’insolvabilité de l’employeur aux créances devenues exigibles au cours de la période de six mois précédant la date d’introduction de la demande d’ouverture de la procédure
d’insolvabilité, pourvu que, à l’égard des travailleurs salariés qui ont préalablement agi en justice pour faire constater leurs créances salariales et en ont poursuivi vainement le recouvrement forcé en raison de l’insolvabilité de l’employeur, cette période de référence ait pour point de départ la demande tendant à la constatation judiciaire de la créance.

7.  Nous rappellerons, en outre, qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si elle peut interpréter en ce sens son droit national et, à défaut, d’en écarter l’application dans le litige au principal.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

8. L’article 3, paragraphe 1, de la directive 80/987, dans sa version initiale, prévoyait que la période de garantie devait se situer avant une date butoir que les États membres pouvaient choisir parmi trois dates énumérées au paragraphe 2 dudit article.

9. Plus précisément, cet article 3 disposait:

«1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires afin que des institutions de garantie assurent, sous réserve de l’article 4, le paiement des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et portant sur la rémunération afférente à la période qui se situe avant une date déterminée.

2.   La date visée au paragraphe 1 est, au choix des États membres:

— soit celle de la survenance de l’insolvabilité de l’employeur,

— soit celle du préavis de licenciement du travailleur salarié concerné, donné en raison de l’insolvabilité de l’employeur,

— soit celle de la survenance de l’insolvabilité de l’employeur ou celle de la cessation du contrat de travail ou de la relation de travail du travailleur salarié concerné, intervenue en raison de l’insolvabilité de l’employeur.»

10. En tenant compte du choix entre ces trois possibilités réalisé par les États membres, l’article 4, paragraphe 2, de la directive 80/987, dans sa version initiale, déterminait les créances impayées qui devaient, en tout état de cause, être couvertes par l’obligation de garantie dans l’hypothèse où un État membre décidait, en application de cet article 4, paragraphe 1, de limiter celle-ci dans le temps.

11. Aux termes dudit article 4:

«1.   Les États membres ont la faculté de limiter l’obligation de paiement des institutions de garantie, visée à l’article 3.

2.   Lorsque les États membres font usage de la faculté visée au paragraphe 1, ils doivent:

— dans le cas visé à l’article 3 paragraphe 2 premier tiret, assurer le paiement des créances impayées concernant la rémunération afférente aux trois derniers mois du contrat de travail ou de la relation de travail qui se situent à l’intérieur d’une période de six mois précédant la date de la survenance de l’insolvabilité de l’employeur,

— dans le cas visé à l’article 3 paragraphe 2 deuxième tiret, assurer le paiement des créances impayées concernant la rémunération afférente aux trois derniers mois du contrat de travail ou de la relation de travail qui précèdent la date du préavis de licenciement du travailleur salarié, donné en raison de l’insolvabilité de l’employeur,

— dans le cas visé à l’article 3 paragraphe 2 troisième tiret, assurer le paiement des créances impayées concernant la rémunération afférente aux dix-huit derniers mois du contrat de travail ou de la relation de travail qui précèdent la date de la survenance de l’insolvabilité de l’employeur ou la date de la cessation du contrat de travail ou de la relation de travail du travailleur salarié, intervenue en raison de l’insolvabilité de l’employeur. Dans ces cas, les États membres peuvent limiter
l’obligation de paiement à la rémunération afférente à une période de huit semaines ou à plusieurs périodes partielles, ayant au total la même durée.

[…]»

12. Désormais, l’article 3 de la directive 80/987 dispose:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires afin que les institutions de garantie assurent, sous réserve de l’article 4, le paiement des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail y compris, lorsque le droit national le prévoit, des dédommagements pour cessation de la relation de travail.

Les créances prises en charge par l’institution de garantie sont les rémunérations impayées correspondant à une période se situant avant et/ou, le cas échéant, après une date déterminée par les États membres.»

13. L’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 80/987 énonce:

«1.   Les États membres ont la faculté de limiter l’obligation de paiement des institutions de garantie visée à l’article 3.

2.   Lorsque les États membres font usage de la faculté visée au paragraphe 1, ils fixent la durée de la période donnant lieu au paiement des créances impayées par l’institution de garantie. Cette durée ne peut toutefois être inférieure à une période portant sur la rémunération des trois derniers mois de la relation de travail se situant avant et/ou après la date visée à l’article 3. Les États membres peuvent inscrire cette période minimale de trois mois dans une période de référence dont la
durée ne peut être inférieure à six mois.

Les États membres qui prévoient une période de référence d’au moins dix-huit mois peuvent limiter la période donnant lieu au paiement des créances impayées par l’institution de garantie à huit semaines. Dans ce cas, les périodes les plus favorables au travailleur sont retenues pour le calcul de la période minimale.»

14. L’article 10 de la directive 80/987 dispose:

«La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres:

a) de prendre les mesures nécessaires en vue d’éviter des abus;

[…]»

B – Le droit portugais

15. L’article 380 de la loi no 99/2003, du 27 août 2003, portant adoption du code du travail, prévoit que la garantie du paiement des créances résultant d’un contrat de travail et de sa violation ou de sa cessation, appartenant au travailleur, qui ne peuvent être payées par l’employeur en raison d’une insolvabilité ou d’une situation économique difficile est assurée et assumée par le FGS, conformément aux termes prévus dans une législation spéciale.

16. L’article 317 de la loi no 35/2004, du 29 juillet 2004, dispose que le FGS garantit au travailleur, en cas de défaut de l’employeur, le paiement des créances résultant du contrat de travail et de sa violation ou de sa cessation conformément aux articles qui suivent.

17. L’article 318 de cette loi, qui précise les situations couvertes par la garantie, prévoit:

«1.   Le [FGS] garantit le paiement des créances visées à l’article précédent lorsque l’employeur est judiciairement déclaré insolvable.

2.   Le [FGS] garantit également le paiement des créances visées au paragraphe précédent si la procédure de conciliation visée au décret-loi no 316/98, du 20 octobre 1998, a été mise en œuvre.

3.   Sans préjudice du paragraphe précédent, si la procédure de conciliation n’a pas eu de suite, par refus ou extinction, conformément aux articles 4 et 9, respectivement, du décret-loi no 316/98, du 20 octobre 1998, et que les travailleurs de l’entreprise ont demandé le paiement de créances garanties par le [FGS], ce dernier doit demander judiciairement que l’entreprise soit déclarée insolvable.

4.   Aux fins de l’application des dispositions des paragraphes précédents, le [FGS] doit recevoir signification, lorsque les entreprises en cause ont des travailleurs à leur service:

a) de la part des tribunaux judiciaires, en ce qui concerne la demande de procédure spéciale d’insolvabilité et de déclaration de celle-ci;

b) de la part de l’Institut d’aide aux petites et moyennes entreprises et aux investissements [Instituto de Apoio às Pequenas e Médias Empresas e ao Investimento (IAPMEI)], en ce qui concerne la procédure de conciliation et son refus ou l’extinction de la procédure.»

18. L’article 319 de cette même loi identifie les créances couvertes comme suit:

«1.   Le [FGS] assure le paiement des créances prévues à l’article 317 devenues exigibles dans les six mois qui ont précédé l’introduction du recours ou le dépôt de la demande visée à l’article précédent.

2.   S’il n’y a pas de créance devenue exigible pendant la période de référence mentionnée au paragraphe précédent, ou si son montant est inférieur à la limite maximale visée au […] paragraphe [1] de l’article suivant, le [FGS] assure jusqu’à cette limite le paiement des créances échues après ladite période de référence.

3.   Le [FGS] n’assure que le paiement des créances qui lui sont réclamées au plus tard trois mois avant leur prescription.»

19. Il ressort de la décision de renvoi que, selon la jurisprudence nationale, lorsque l’employeur est judiciairement déclaré insolvable, le FGS garantit les créances salariales devenues exigibles au cours de la période de six mois qui a précédé l’introduction de la procédure en insolvabilité ou le dépôt de la demande de procédure de conciliation.

II – Le litige au principal et la question préjudicielle

20. L’employeur des requérants au principal ayant cessé de leur verser leurs salaires, ceux-ci ont, le 15 septembre 2003, résilié leur contrat de travail ( 7 ), puis, le 10 février 2004, saisi le tribunal de trabalho de Barcelos (tribunal du travail de Barcelos, Portugal) afin d’obtenir la fixation du montant de leurs créances salariales ainsi que leur recouvrement forcé. Leur demande a été accueillie.

21. Les biens composant le patrimoine de l’employeur étant insuffisants pour couvrir ces créances, les requérants au principal ont, le 28 novembre 2005, introduit devant le tribunal de comércio de Vila Nova de Gaia (tribunal de commerce de Vila Nova de Gaia, Portugal) une procédure visant à faire constater l’insolvabilité dudit employeur. Après que l’insolvabilité eut été constatée, les créances salariales ont été enregistrées.

22. Le 26 juillet 2006, les requérants au principal ont demandé au FGS le paiement de leurs créances. Par ordonnances des 21 et 26 décembre 2006, le président du FGS a rejeté ces demandes au motif que les créances en cause étaient échues plus de six mois avant l’introduction de la procédure visant à faire constater l’insolvabilité de l’employeur, soit à une date antérieure à la période de référence prévue à l’article 319, paragraphe 1, de la loi no 35/2004.

23. Les requérants au principal ayant demandé l’annulation de ces ordonnances, le tribunal administrativo e fiscal do Porto (tribunal administratif et fiscal de Porto, Portugal) a rejeté ce recours par décision du 18 mars 2010.

24. Les requérants au principal ont alors formé un recours devant le Tribunal Central Administrativo Norte qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Le droit de l’Union, dans le cadre concret de la garantie des créances salariales en cas d’insolvabilité de l’employeur, en particulier les articles 4 et 10 de la directive [80/987], doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition du droit national qui garantit uniquement les créances échues [au cours de la période de] six mois qui précèd[e] la formation du recours en insolvabilité de l’employeur même lorsque les travailleurs ont agi devant le tribunal du travail contre leur
employeur en vue d’obtenir la fixation judiciaire du montant impayé et le recouvrement forcé de ce montant?»

III – Notre analyse

25. Le fil conducteur de notre raisonnement sera constitué par quatre principes qui se dégagent de la jurisprudence de la Cour relative à l’interprétation de la directive 80/987.

26. Premièrement, conformément à une règle d’interprétation classique, la Cour a affirmé, eu égard au caractère dérogatoire des cas dans lesquels les États membres ont la faculté de limiter l’obligation de paiement des institutions de garantie à une période déterminée, que les dispositions concernées devaient faire l’objet d’une interprétation stricte ( 8 ).

27. Il importe, en effet, d’avoir présent à l’esprit que la directive 80/987, qui a pour objet la protection des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur, pose en principe que les travailleurs salariés ont droit à la garantie du paiement de leurs créances impayées portant sur la rémunération afférente à une période se situant avant ou, le cas échéant, après une date déterminée par les États membres ( 9 ).

28. Ce n’est qu’à titre d’exception que l’article 4 de cette directive permet aux États membres de restreindre la période de garantie et, partant, l’obligation de paiement des institutions de garantie y afférente, à condition que soit assurée une garantie minimale dont les modalités dépendent de la date de référence qu’ils ont choisie en application de l’article 3 de ladite directive.

29. Deuxièmement, la Cour a limité la marge de manœuvre des États membres pour tenir compte de la finalité sociale de la directive 80/987, qui est d’assurer aux travailleurs salariés un minimum de protection au niveau de l’Union européenne en cas d’insolvabilité de l’employeur, sans préjudice des dispositions plus favorables existant dans les législations des États membres, par l’instauration de garanties minimales pour le paiement des créances impayées résultant de contrats ou de relations de
travail et portant sur la rémunération afférente à une période déterminée ( 10 ).

30. Deux conséquences essentielles découlent de l’application combinée de ces deux premiers principes.

31. D’une part, les seules limitations possibles au droit pour le travailleur salarié à une garantie minimale sont celles qui sont expressément prévues à l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 80/987. Ces limitations portant exclusivement soit sur la durée de la période donnant lieu au paiement, soit sur le montant d’un tel paiement, il en résulte que la directive 80/987 s’oppose à une réglementation nationale subordonnant la possibilité pour les travailleurs dont l’employeur se trouve en
situation d’insolvabilité de faire valoir intégralement leur droit au paiement des créances salariales impayées à l’obligation de se faire enregistrer en tant que demandeur d’emploi ( 11 ).

32. D’autre part, même lorsque les limitations prévues par le droit national relèvent de l’une ou de l’autre des deux catégories admises à titre dérogatoire par l’article 4 de la directive 80/987, elles ne doivent pas avoir pour effet de limiter ou d’exclure le minimum de protection assuré par cette directive.

33. Cette exigence se répercute, notamment, sur les modalités de prise en compte des paiements effectués par l’employeur au cours de la période couverte par la garantie. Ainsi a-t-il été jugé que les rémunérations versées aux travailleurs au cours de cette période ne sauraient être déduites du plafond fixé par l’État membre pour la garantie des créances impayées ( 12 ) et que, lorsqu’un travailleur détient à l’égard de son employeur à la fois des créances afférentes à des périodes d’emploi
antérieures à la période de référence et des créances qui se rapportent à la période de référence elle-même, ces rémunérations doivent être imputées, par priorité, sur les créances antérieures ( 13 ).

34. Poursuivant la même logique, la Cour a également jugé que doivent être exclues de la notion de «relation de travail», au sens des articles 3 et 4 de la directive 80/987, des périodes qui, par leur nature même, ne peuvent pas donner lieu à des créances de salaire impayées, telle une période pendant laquelle la relation de travail est suspendue pour cause de congé parental ( 14 ).

35. Troisièmement, la Cour a retenu que les conditions de déclenchement de la garantie prévue par la directive 80/987 sont distinctes de la détermination des créances impayées couvertes par la garantie ( 15 ). Il en résulte que si la garantie ne peut pas être octroyée avant la décision d’ouverture d’une procédure collective fondée sur l’insolvabilité de l’employeur ou, en cas d’insuffisance d’actif, la constatation de la fermeture définitive de l’entreprise, la période pendant laquelle les créances
salariales impayées sont garanties n’est pas forcément déterminée à partir de la date de cette décision.

36. Sur la base de ce principe, la Cour a jugé que, par date de la survenance de l’insolvabilité de l’employeur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 80/987, dans sa version initiale, il fallait entendre non pas la date de la décision qui se prononce sur la demande d’ouverture de la procédure d’insolvabilité, mais la date de la demande tendant à l’ouverture de cette procédure ( 16 ). Elle a justifié cette solution en relevant que la décision d’ouverture de la procédure pouvait
intervenir longtemps après la cessation des périodes d’emploi auxquelles se rapportaient les rémunérations impayées, de sorte que le paiement de ces rémunérations pouvait ne jamais être garanti par la directive 80/987, pour des raisons qui peuvent être étrangères au comportement des travailleurs.

37. Quatrièmement, la Cour a posé en règle que la faculté reconnue au droit national de préciser les prestations à la charge de l’institution de garantie est soumise au respect des droits fondamentaux, au nombre desquels figure notamment le principe général d’égalité ( 17 ), qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée ( 18 ).

38. Il s’en déduit, notamment, que, lorsque, selon une réglementation nationale, des indemnités légales dues pour cessation du contrat de travail, reconnues par un jugement, sont à la charge de l’institution de garantie en cas d’insolvabilité de l’employeur, des indemnités de la même nature, reconnues dans un accord entre travailleur et employeur conçu en présence du juge et entériné par l’organe juridictionnel, doivent être traitées de la même façon ( 19 ).

39. C’est à partir de ces principes qui gouvernent l’interprétation de la directive 80/987 que nous allons rechercher la réponse à la question posée par la juridiction de renvoi.

40. En ce qui concerne le litige au principal, il ressort du dossier que les requérants au principal se sont vu refuser l’intégralité du paiement des salaires afférents aux trois derniers mois de leurs relations de travail en raison du fait que leurs créances salariales étaient devenues exigibles plus de six mois avant la date de l’introduction de la demande tendant à la déclaration de l’insolvabilité de l’employeur, que le législateur portugais a retenue comme terme de la période de référence.

41. Alors que la directive 80/987, dans sa version initiale, ne prévoyait le choix pour les États membres que parmi trois dates, limitativement énumérées à l’article 3, paragraphe 2, de cette directive, liées à la survenance de l’insolvabilité de l’employeur ou à la cessation de la relation de travail, la directive 2002/74 a supprimé la mention de ces trois dates et a laissé aux États membres une liberté totale pour déterminer la date de référence, tout en faisant varier la période de garantie
minimale selon la durée choisie.

42. Ainsi, lorsqu’ils entendent faire usage de leur faculté de limiter la garantie dans le temps, les États membres peuvent situer la garantie minimale de trois mois à l’intérieur d’une période de six mois qui précède ou suit la date de référence. Ils ont également la faculté de prévoir une garantie minimale limitée à huit semaines, mais à condition que cette garantie se situe à l’intérieur d’une période plus longue, d’au moins dix-huit mois.

43. Il ne fait pas de doute que la directive 80/987 ne s’oppose pas à ce qu’un État membre fixe comme point de départ ou terme ( 20 ) de la période de référence la date d’introduction de la demande tendant à la constatation de l’insolvabilité de l’employeur ( 21 ). Si l’État membre concerné choisit de faire usage de la faculté de limiter la garantie dans le temps, rien ne s’oppose, par ailleurs, à ce qu’il limite la période de référence à six mois, dès lors qu’il garantit la rémunération des trois
derniers mois de la relation de travail, ainsi que le prévoit le droit portugais.

44. À ce sujet, il convient de rappeler que l’article 3, paragraphe 2, de la directive 80/987, dans sa version initiale, autorisait expressément les États membres à retenir comme terme de la période de référence la date de la «survenance de l’insolvabilité de l’employeur» et que, selon l’interprétation qu’en a donnée la Cour, cette date doit être comprise comme étant celle du dépôt de la demande tendant à l’ouverture de la procédure d’insolvabilité ( 22 ).

45. Le législateur de l’Union a donc largement préservé la liberté des États membres, en leur permettant de situer, à n’importe quelle date, la période de garantie minimale portant sur les trois derniers mois de la relation de travail ainsi que, le cas échéant, la période de référence dans laquelle ils inscrivent cette période minimale. En pratique, les États qui déterminent une période de référence la situent très majoritairement en fonction de la date de la survenance de l’insolvabilité de
l’employeur ( 23 ).

46. Ce dernier choix n’est pas sans poser une difficulté de principe au regard du nécessaire respect de l’objectif de la directive 80/987. En effet, si le dépôt de la demande tendant à l’ouverture de la procédure d’insolvabilité survient longtemps après la cessation de la relation de travail, les salariés peuvent être privés de garantie, quand bien même il serait établi que le défaut de paiement des rémunérations est en lien avec l’état d’insolvabilité de l’employeur. À l’opposé, si l’exploitation
de l’entreprise se poursuit pendant un certain temps après la présentation de la demande d’ouverture de la procédure d’insolvabilité, les créances salariales impayées peuvent se rapporter à des périodes nettement postérieures à la date de dépôt de ladite demande ( 24 ).

47. Toutefois, la latitude dont disposent les États membres n’est pas illimitée. Elle est, au contraire, nécessairement encadrée par l’exigence fondamentale que constitue l’application uniforme du droit de l’Union, par la nécessité de préserver l’effet utile de la directive et par les exigences découlant de la protection des droits fondamentaux, lesquelles lient les États membres dans tous les cas où ils sont appelés à appliquer le droit de l’Union.

48. Or, nous estimons qu’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, qui exclut de la garantie les créances salariales impayées échues plus de six mois avant l’introduction de la procédure d’insolvabilité, même lorsque les travailleurs ont fait diligence pour en obtenir le paiement, compromet l’effet utile de la directive 80/987 et n’est pas conforme aux droits fondamentaux.

49. Tout d’abord, une telle réglementation n’est pas conforme à la finalité sociale de la directive 80/987 puisque, ainsi que le souligne la Commission, la limitation de la période de référence aux six mois qui précèdent l’introduction de la procédure d’insolvabilité peut avoir pour effet d’exclure de la garantie la totalité des créances salariales impayées, malgré la diligence des travailleurs concernés.

50. À cet égard, il est important de rappeler que la protection conférée aux créances salariales s’explique par le caractère alimentaire de ces créances qui, le plus souvent, permettent au salarié d’assurer sa subsistance et celle de sa famille. Dans le contexte de crise économique et financière affectant l’Union en général et certains États membres en particulier, il nous semble tout particulièrement nécessaire de ne pas perdre de vue cette caractéristique propre des créances salariales et d’avoir
à l’esprit les situations humainement difficiles qui résultent de l’impossibilité pour les travailleurs d’obtenir le paiement de leur dû.

51. Une autre considération, tout aussi fondamentale, nous détermine: elle a trait au respect du principe de l’égalité de traitement.

52. Selon les informations communiquées par le gouvernement portugais, parmi les 31 travailleurs salariés qui étaient employés par la société, 18 ont cessé de percevoir leur salaire à partir du mois de mars 2003, 1 travailleur a cessé d’être payé le 1er avril 2004 et les 12 autres ont cessé de percevoir leur salaire à des dates différentes s’échelonnant sur les années 2005 et 2006.

53. Ce gouvernement a indiqué, en outre, que 17 des 18 salariés ayant cessé de percevoir leur rémunération au mois de mars 2003 avaient résilié leur contrat le 15 septembre 2003, tandis que le contrat du dix-huitième salarié était arrivé à son terme le 14 avril 2004. Le travailleur qui a cessé d’être payé le 1er avril 2004 a résilié son contrat le 30 septembre 2004 et le contrat de travail des autres travailleurs a cessé le 5 mai 2006, postérieurement au dépôt de la demande d’ouverture de la
procédure d’insolvabilité, sur décision de l’administrateur en raison de la fermeture définitive de l’entreprise.

54. La période de référence ayant commencé à courir le 28 mai 2005, soit six mois avant la date d’introduction de la demande tendant à la déclaration de l’insolvabilité de l’employeur, seuls les travailleurs salariés dont le contrat de travail n’avait pas encore été résilié à cette date ont pu prétendre à la garantie des rémunérations impayées. Ceux, au contraire, telle Mme Gomes Viana Novo, dont le contrat a été résilié plus de trois mois avant ne pourraient, au contraire, prétendre à aucune
indemnité.

55. La différence de traitement qui en résulte ne nous semble pas justifiée par une différence objective de situation. Bien entendu, la faculté conférée aux États membres par l’article 4 de la directive 80/987 d’inscrire la période de garantie minimale dans une période de référence a nécessairement pour effet de créer une différence de traitement entre les salariés en fonction de la date à laquelle se situent les trois derniers mois de leur relation de travail. Toutefois, nous ne voyons pas pourquoi
le critère temporel devrait prévaloir au point de justifier une différence de traitement selon que les travailleurs salariés ont directement exercé une action en déclaration d’insolvabilité ou ont, préalablement, agi en justice pour faire constater judiciairement leurs créances et en obtenir le recouvrement forcé.

56. Pour démontrer l’existence de situations parfaitement comparables, il est nécessaire de revenir sur la question, qui a été discutée lors de l’audience, de la situation particulière des salariés concernés et de celle de leur employeur à la fin de l’année 2003, au moment où ces salariés ont décidé de résilier leur contrat de travail.

57. De prime abord, ces travailleurs étaient placés devant un choix simple consistant soit à demander le paiement de leurs créances devant le tribunal du travail si leur employeur était solvable soit, dans le cas contraire, à demander l’ouverture de la procédure d’insolvabilité devant le tribunal de commerce afin d’obtenir la garantie du FGS.

58. Pour simple qu’elle soit, cette présentation est totalement trompeuse. En réalité, la question de savoir si l’employeur se trouve en situation d’insolvabilité au sens de la législation nationale applicable suppose une appréciation juridique délicate effectuée à partir de données complexes.

59. La plupart du temps, les salariés n’ont pas connaissance de ces données et ignorent la situation financière réelle de leur employeur, de sorte qu’ils ne sont pas en mesure de déterminer si le défaut de paiement des salaires est dû à une difficulté de trésorerie passagère ou à une situation financière gravement et durablement obérée.

60. Ce n’est, d’ailleurs, qu’après coup, notamment lorsque des actions en paiement et en recouvrement forcé révèlent que l’entreprise n’est pas en mesure de faire face à ses dettes exigibles, que l’insolvabilité est constatée, souvent de façon rétroactive.

61. Même si le droit portugais ne fait pas de l’exercice d’une procédure en recouvrement des créances impayées un préalable et une condition de l’action tendant à la déclaration d’insolvabilité, nous ne voyons pas, dans de telles circonstances, comment il pourrait être reproché aux requérants au principal d’avoir préalablement formé une action en paiement et en recouvrement forcé, qui a sûrement contribué à révéler la situation d’insolvabilité de leur employeur, plutôt que d’avoir directement agi en
déclaration d’insolvabilité, sur la base d’une analyse nécessairement divinatoire.

62. Nous noterons, de surcroît, que le déclenchement d’une procédure d’insolvabilité est un acte grave qui aboutit au dessaisissement partiel ou total de l’employeur et que, partant, le travailleur salarié ne peut demander à la légère, sans disposer d’éléments lui laissant supposer que son ancien employeur ne dispose pas d’un actif suffisant pour le désintéresser. À supposer même qu’ils aient eu connaissance de la situation de leur employeur, il ne peut être fait grief aux travailleurs salariés
d’avoir préféré, au moins dans un premier temps, le recours aux voies de droit commun pour recouvrer leurs créances en raison, peut-être, d’une prise en considération légitime de la situation des autres travailleurs dont les salaires ont continué à être versés ou des possibilités de relance de l’activité de l’entreprise.

63. Il n’est pas facile de justifier le fait que les travailleurs salariés qui ont cessé d’être payés les premiers et ont intenté l’action en déclaration d’insolvabilité seraient privés du droit à la garantie minimale, tandis que ceux qui ont continué à être payés plus longtemps et n’ont pas intenté d’action pourraient en bénéficier.

64. Dans ces conditions, nous pensons que l’exclusion résultant de l’article 319 de la loi no 35/2004, tel qu’interprété par le juge national, n’est pas conforme à la directive 80/987, lue en combinaison avec le principe d’égalité de traitement.

65. À notre sens, la garantie aurait dû jouer dès lors qu’il était établi que les créances salariales dont les travailleurs avaient demandé le paiement n’avaient pu être recouvrées en raison de l’état d’insolvabilité de leur employeur. Nous croyons utile de préciser, à cet égard, qu’il ressort clairement de la décision de renvoi que le refus de prise en charge des créances a été justifié par le seul fait que ces créances n’entraient pas dans la période de référence, et non pas par l’absence de lien
entre lesdites créances et la situation d’insolvabilité de l’employeur ( 25 ).

66. Le développement d’une nouvelle méthode de protection des créances salariales, consistant à faire garantir ces créances par une tierce institution en cas d’insolvabilité de l’employeur, avait pour objectif de pallier les insuffisances des mécanismes de protection traditionnels, tels que les privilèges légaux, qui ne permettaient pas aux travailleurs d’obtenir le paiement de leurs salaires impayés dans des situations de faillite, caractérisées par un maigre actif réalisable, voire l’absence de
tout actif ( 26 ). Refuser la garantie pour une créance qui, pourtant, n’a pu être recouvrée en raison de l’insolvabilité de l’employeur revient à introduire une brèche importante dans cette protection minimale des salariés, voulue par le législateur de l’Union.

67. Avant d’exposer plus précisément la réponse que nous proposons d’apporter à la juridiction de renvoi, nous voudrions évoquer, pour les écarter, deux objections opposées respectivement par les gouvernements allemand et portugais.

68. Le gouvernement allemand présente comme un argument décisif le fait que la directive 80/987, par rapport à sa version initiale, laisse encore plus de latitude aux États membres dans le choix des moyens de protéger les travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, puisque, aux termes de l’article 3, second alinéa, de cette directive, la détermination de la date établissant la période de référence est, à présent, laissée à l’entière appréciation des États membres. Nous noterons,
cependant, que la Commission a exclusivement justifié cette modification par un souci de simplification d’une méthode considérée comme «inutilement compliquée» ( 27 ), en précisant qu’une rédaction plus simple pouvait «atteindre le même [ ( 28 )] résultat de protection des travailleurs» ( 29 ). Cette modification ne peut donc en aucun cas justifier un abaissement du niveau de la protection offerte aux travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de leur employeur. Nous noterons, d’ailleurs, que
la directive 2002/74 a, parallèlement, consacré la possibilité d’étendre la garantie aux créances postérieures à la date de référence afin, le cas échéant, de couvrir les salaires restant dus lorsque l’exploitation de l’entreprise se poursuit pendant la procédure d’insolvabilité ( 30 ).

69. De son côté, le gouvernement portugais fait observer que l’intervention du FGS ne peut pas être déclenchée par un recours en paiement formé devant le tribunal du travail, puisqu’un tel recours, peut, ou non, reposer sur une situation économique difficile ou une insolvabilité de l’employeur. Toutefois, ainsi que nous l’avons rappelé antérieurement ( 31 ), la Cour a pris soin de distinguer les conditions de déclenchement de la garantie prévue par la directive 80/987 de la détermination des
créances impayées couvertes par la garantie. Si, effectivement, l’institution de garantie ne peut intervenir qu’après la décision d’ouverture de la procédure d’insolvabilité, cela n’exclut pas qu’elle garantisse, une fois cet événement survenu, le paiement des créances salariales dont les travailleurs ont poursuivi le recouvrement devant une juridiction de droit commun, dès lors, du moins, que l’impossibilité d’obtenir le recouvrement des créances est liée à l’état d’insolvabilité de
l’employeur.

70. Ces deux objections étant réfutées, venons-en maintenant à l’examen de notre proposition de réponse à la question posée.

71. Dès lors que nous considérons qu’un État membre qui retient comme terme de la période de référence la date de dépôt de la demande tendant à la déclaration d’insolvabilité de l’employeur ne peut pas exclure systématiquement de la garantie les créances dont les travailleurs salariés ont pris soin, avant d’agir en insolvabilité, de demander le paiement et le recouvrement forcé, la réponse, qui doit concilier la limitation temporelle avec la nécessité de ne pas réduire à néant la protection minimale
voulue par la directive 80/987 et l’exigence d’égalité de traitement, peut, en théorie, emprunter deux chemins différents.

72. Il peut être envisagé de reporter dans le temps la date d’exigibilité des créances, en assimilant aux créances salariales devenues exigibles pendant la période de référence celles qui ont fait l’objet, pendant la même période, d’une demande en paiement suivie d’une tentative infructueuse de recouvrement forcé.

73. À l’appui de cette solution, nous pouvons relever que la proposition de directive du Conseil concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur, présentée par la Commission le 13 avril 1978 ( 32 ), obligeait les États membres à garantir les créances impayées nées pendant les douze mois précédant la survenance de la cessation des paiements ou celles qui «ont fait l’objet, pendant ce délai, d’une tentative
infructueuse d’exécution forcée» ( 33 ).

74. Toutefois, cette solution nous paraît trop éloignée du texte finalement adopté, qui ne fait pas mention des créances ayant fait l’objet d’une tentative infructueuse de recouvrement mais exige qu’une période de travail se situe pendant la période de référence ( 34 ).

75. Plus féconde nous paraît être une seconde solution consistant à décaler le terme de la période de référence à l’égard des travailleurs salariés qui ont préalablement agi en justice pour faire constater leurs créances salariales et en ont poursuivi vainement le recouvrement forcé en raison de l’insolvabilité de l’employeur, en considérant que, dans cette hypothèse, ladite période a pour point de départ la demande tendant à la constatation judiciaire de la créance.

76. Il y a lieu de rappeler que, dans toute la mesure possible, il appartient à la juridiction nationale de donner à la loi interne une interprétation conforme aux exigences du droit de l’Union. Selon nous, une telle interprétation ne nous paraît pas inenvisageable puisque, sans modifier la règle suivant laquelle le FGS garantit les créances salariales devenues exigibles au cours de la période de six mois qui a précédé l’introduction de la procédure en insolvabilité devant le tribunal de commerce,
il suffirait de considérer que cette procédure est, à l’égard des travailleurs salariés qui ont agi en justice devant le tribunal du travail pour obtenir le paiement de leurs créances salariales, réputée introduite à la date de la demande en paiement.

77. C’est à la juridiction de renvoi qu’il appartiendra de déterminer si cette interprétation est possible et, si tel n’est pas le cas, d’écarter l’application de sa loi nationale.

IV – Conclusion

78. Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre à la question posée par le Tribunal Central Administrativo Norte de la manière suivante:

Les articles 3 et 4 de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, telle que modifiée par la directive 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002, lus en combinaison avec le principe d’égalité de traitement, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que le droit national limite la garantie des créances salariales aux créances devenues exigibles
au cours de la période de six mois précédant la date d’introduction de la demande d’ouverture de la procédure d’insolvabilité, pourvu que, à l’égard des travailleurs salariés qui ont préalablement agi en justice pour faire constater leurs créances salariales et en ont poursuivi vainement le recouvrement forcé en raison de l’insolvabilité de l’employeur, cette période de référence ait pour point de départ la demande tendant à la constatation judiciaire de la créance.

Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, en prenant en considération l’ensemble du droit interne, tant matériel que procédural, si elle peut parvenir à une interprétation de son droit national afin de résoudre le litige au principal d’une manière conforme au texte et à la finalité de la directive 80/987, telle que modifiée par la directive 2002/74, lue en combinaison avec le principe d’égalité de traitement, et, si une telle interprétation n’est pas possible, de laisser inappliquée,
dans le litige au principal, toute disposition nationale contraire.

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( 1 ) Langue originale: le français.

( 2 ) JO L 283, p. 23.

( 3 ) JO L 270, p. 10, ci-après la «directive 80/987». La directive 80/987 a été codifiée par la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (JO L 283, p. 36). Toutefois, cette dernière directive n’est pas applicable ratione temporis dans l’affaire au principal.

( 4 ) Ci-après le «FGS».

( 5 ) Le rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 28 février 2011 sur la mise en œuvre et l’application de certaines dispositions de la directive 2008/94 [COM(2011) 84 final] donne une idée du montant des sommes que les institutions de garantie ont versées entre l’année 2006 et l’année 2009 (voir annexe technique).

( 6 ) Selon le point 3 du rapport susmentionné, six États membres (République de Bulgarie, République tchèque, Royaume de Danemark, République hellénique, République de Malte et République d’Autriche) ont adopté une solution identique, tandis que sept autres États (Irlande, République italienne, République de Chypre, République de Lettonie, République de Lituanie, République de Pologne et République slovaque) ont déterminé une période de référence ayant le même terme mais d’une durée supérieure et
que le Royaume de Belgique a opté pour une date de référence différente, celle de la fermeture de l’entreprise. Douze autres États (République fédérale d’Allemagne, République d’Estonie, Royaume d’Espagne, République française, Grand-Duché de Luxembourg, République de Hongrie, Royaume des Pays-Bas, Roumanie, République de Slovénie, République de Finlande, Royaume de Suède ainsi que Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord) n’ont pas fixé de période de référence. Voir, également, tableau
comparatif intitulé «Limitations to the liability of the guarantee institutions (Implementation of Article 4 of Directive 2008/94/EC)» élaboré au mois de septembre 2011 par la Commission sur la base d’une étude du mois de janvier 2007 sur la transposition de la directive 80/987 ainsi que d’informations fournies postérieurement par les États membres.

( 7 ) À l’exception, selon le gouvernement portugais, de Mme Azevedo Martins Ferreira, dont le contrat est arrivé à terme le 14 avril 2004.

( 8 ) Voir arrêts du 14 juillet 1998, Regeling (C-125/97, Rec. p. I-4493, point 20); du 11 septembre 2003, Walcher (C-201/01, Rec. p. I-8827, point 38), et du 17 novembre 2011, van Ardennen (C-435/10, Rec. p. I-11705, points 31 et 34).

( 9 ) Voir article 3, paragraphe 2, de la directive 80/987.

( 10 ) Voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 1997, Maso e.a. (C-373/95, Rec. p. I-4051, point 56); Regeling, précité (points 3, 20 et 21); du 16 décembre 1999, Everson et Barrass (C-198/98, Rec. p. I-8903, points 3 et 20); du 15 mai 2003, Mau (C-160/01, Rec. p. I-4791, points 3 et 42); Walcher, précité (point 38); du 4 mars 2004, Barsotti e.a. (C-19/01, C-50/01 et C-84/01, Rec. p. I-2005, point 35); du 16 juillet 2009, Visciano (C-69/08, Rec. p. I-6741, point 27); du 10 février 2011, Andersson
(C-30/10, Rec. p. I-513, point 25), ainsi que van Ardennen, précité (points 27 et 34).

( 11 ) Voir arrêt van Ardennen, précité (point 35).

( 12 ) Voir arrêt Barsotti e.a., précité (point 38).

( 13 ) Voir arrêt Regeling, précité (points 21 et 22).

( 14 ) Voir arrêt Mau, précité (points 39 à 44 ainsi que 52 et 53).

( 15 ) Voir arrêts du 10 juillet 1997, Bonifaci e.a. et Berto e.a. (C-94/95 et C-95/95, Rec. p. I-3969, point 39), ainsi que Maso e.a., précité (point 49).

( 16 ) Voir arrêts précités Bonifaci e.a. et Berto e.a. (points 42 et 44); Maso e.a. (points 52 et 54), ainsi que Mau (points 22, 47 et 48).

( 17 ) Voir arrêts du 12 décembre 2002, Rodríguez Caballero (C-442/00, Rec. p. I-11915, points 29 à 32), et du 16 décembre 2004, Olaso Valero (C-520/03, Rec. p. I-12065, point 34); ordonnance du 13 décembre 2005, Guerrero Pecino (C-177/05, Rec. p. I-10887, point 26); arrêts du 7 septembre 2006, Cordero Alonso (C-81/05, Rec. p. I-7569, point 37); du 17 janvier 2008, Velasco Navarro (C-246/06, Rec. p. I-105, point 35), et du 21 février 2008, Robledillo Núñez (C-498/06, Rec. p. I-921, point 30).

( 18 ) Voir arrêts précités Rodríguez Caballero (point 32) et Olaso Valero (point 34); ordonnance Guerrero Pecino, précitée (point 26), ainsi que arrêts précités Cordero Alonso (point 37) et Velasco Navarro (point 36).

( 19 ) Voir arrêt Cordero Alonso, précité (point 42).

( 20 ) L’article 3, paragraphe 2, de cette directive autorise les États membres à fixer la période de garantie «avant et/ou, le cas échéant, après» la date qu’ils auront déterminée.

( 21 ) Voir, en ce sens, arrêt du 18 avril 2013, Mustafa (C‑247/12), rendu au sujet d’une réglementation nationale réservant la garantie aux créances nées avant la transcription au registre du commerce du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

( 22 ) Voir jurisprudence citée à la note en bas de page 16.

( 23 ) Voir note en bas de page 5.

( 24 ) Voir, en ce sens, Estelmann, M., «Europarechtliche Probleme des Drei-Monatszeitraums nach § 183 SGB III», Zeitschrift für europäisches Sozial- und Arbeitsrecht, 2003, no 11-12, p. 460, qui qualifie cette absence de précision de «zentraler Schwachpunkt der Regelung». Voir, également, le commentaire des arrêts Bonifaci e.a. et Berto e.a., précité; Maso e.a., précité, ainsi que du 10 juillet 1997, Palmisani (C-261/95, Rec. p. I-4025), par Ayșe Odman, N., Common Market Law Review, 1998, p. 1395,
qui considère que «the achievement or the purpose of the Directive [80/987] to secure a minimum amount of guarantee to the employees who are in this situation will be seriously endangered with the placement of temporal limits starting from the date of the onset of insolvency, especially if the Member State chooses to apply the minimum period which is six months prior to the date of the onset of insolvency» (p. 1409). Pour cet auteur, «[a]s long as the causal link exists between the notice of
dismissal or the discontinuation of the contract of employment or the employment relationship and the state of insolvency as described in Article 2(2) [of the Directive 80/987], the guarantee envisaged by [this] Directive should be granted to the employee» (p. 1410).

( 25 ) Au point 3.1, VIII, paragraphe 2, de la décision de renvoi, il est précisé que «[l]’employeur a été déclaré insolvable, la condition prévue à l’article 318, paragraphe 1, de la loi no 35/2004 […] étant remplie» (p. 6 de la version en langue française).

( 26 ) Voir, en ce sens, Bronstein, A. S., «La protection des créances salariales en cas d’insolvabilité de l’employeur: du droit civil à la sécurité sociale», Revue internationale du travail, 1987, vol. 126, no 6, p. 795.

( 27 ) Voir point 4.2, premier alinéa, de l’exposé des motifs de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 80/987 [dans sa version initiale] [COM(2000) 832 final, p. 7].

( 28 ) Souligné par nous.

( 29 ) Voir point 4.2, premier alinéa, de l’exposé des motifs de cette proposition de directive.

( 30 ) Voir point 4.2, deuxième alinéa, de l’exposé des motifs de ladite proposition de directive.

( 31 ) Voir point 35 des présentes conclusions.

( 32 ) JO C 135, p. 2.

( 33 ) Article 4, sous b), de cette proposition de directive.

( 34 ) Voir article 4, paragraphe 2, de la directive 80/987.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-309/12
Date de la décision : 20/06/2013
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal Central Administrativo Norte - Portugal.

Renvoi préjudiciel - Directive 80/987/CEE - Directive 2002/74/CE - Protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur - Institutions de garantie - Limitation de l’obligation de paiement des institutions de garantie - Créances salariales devenues exigibles plus de six mois avant l’introduction d’une action en justice visant à faire constater l’insolvabilité de l’employeur.

Politique sociale


Parties
Demandeurs : Maria Albertina Gomes Viana Novo et autres
Défendeurs : Fundo de Garantia Salarial IP.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bot

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2013:419

Source

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