ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)
24 avril 2013 ( *1 )
«Fonction publique — Concours général — Non-inscription sur la liste de réserve — Condition relative à l’expérience professionnelle — Étendue du pouvoir d’appréciation»
Dans l’affaire F-96/12,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,
Laurent Demeneix, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes L. Levi et A. Blot, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par Mme B. Eggers et M. G. Gattinara, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (troisième chambre),
composé de MM. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, R. Barents et K. Bradley, juges,
greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 mars 2013,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 11 septembre 2012, M. Demeneix a introduit le présent recours tendant à l’annulation de la décision du jury des concours généraux EPSO/AD/206/11 (AD 5) et EPSO/AD/207/11 (AD 7) de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve pour le recrutement d’administrateurs de grade AD 7, dans le domaine de l’audit, et à l’indemnisation du préjudice moral subi en raison de l’illégalité ainsi commise.
Cadre juridique
2 En ce qui concerne le droit fondamental à une bonne administration, l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne prévoit :
«1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union.
2. Ce droit comporte notamment :
a) le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ;
b) le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires ;
c) l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions.
3. Toute personne a droit à la réparation par l’Union des dommages causés par les institutions, ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres.
4. […]»
3 L’article 4 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le «statut») dispose :
«Toute nomination ou promotion ne peut avoir pour objet que de pourvoir à la vacance d’un emploi dans les conditions prévues au présent statut.
Toute vacance d’emploi dans une institution est portée à la connaissance du personnel de cette institution dès que l’autorité investie du pouvoir de nomination a décidé qu’il y a lieu de pourvoir à cet emploi.
S’il n’est pas possible de pourvoir à cette vacance d’emploi par voie de mutation, de nomination en application de l’article 45 bis ou de promotion, celle-ci est portée à la connaissance du personnel des autres institutions et/ou un concours interne est organisé.»
4 L’article 27 du statut énonce :
«Le recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique aussi large que possible parmi les ressortissants des États membres de l’Union.
Aucun emploi ne doit être réservé aux ressortissants d’un [É]tat membre déterminé.»
5 L’article 29, paragraphe 1, du statut prévoit :
«En vue de pourvoir aux vacances d’emploi dans une institution, l’autorité investie du pouvoir de nomination, après avoir examiné :
a) les possibilités de pourvoir l’emploi par voie de :
i) mutation ou
ii) nomination conformément à l’article 45 bis ou
iii) promotion
au sein de l’institution ;
b) les demandes de transfert de fonctionnaires du même grade d’autres institutions et/ou les possibilités d’organiser un concours interne à l’institution ouvert uniquement aux fonctionnaires et aux agents temporaires visés à l’article 2 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne ;
ouvre la procédure de concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves. La procédure de concours est déterminée à l’annexe III.
Cette procédure peut être ouverte également en vue de constituer une réserve de recrutement.»
6 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe III du statut :
«L’avis de concours est arrêté par l’autorité investie du pouvoir de nomination, après consultation de la commission paritaire.
Il doit spécifier :
a) [l]a nature du concours (concours interne à l’institution, concours interne aux institutions, concours général, le cas échéant, commun à deux ou plusieurs institutions) ;
b) [l]es modalités (concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves) ;
c) [l]a nature des fonctions et attributions afférentes aux emplois à pourvoir ainsi que le groupe de fonctions et le grade proposés ;
d) [c]ompte tenu de l’article 5, paragraphe 3, du statut, les diplômes et autres titres ou le niveau d’expérience requis pour les emplois à pourvoir ;
e) [d]ans le cas de concours sur épreuves, la nature des examens et leur cotation respective ;
f) [é]ventuellement, les connaissances linguistiques requises par la nature particulière des postes à pourvoir ;
g) [é]ventuellement, la limite d’âge ainsi que le report de la limite d’âge applicable aux agents en fonctions depuis au minimum un an ;
h) [l]a date limite de réception des candidatures ;
i) [l]e cas échéant, les dérogations accordées en vertu de l’article 28, [sous a)], du statut.
[…]»
7 L’avis de concours, publié au Journal officiel de l’Union européenne du 16 mars 2011 (JO C 82 A, p. 1), prévoit l’organisation, par l’Office européen de sélection du personnel (EPSO), des concours généraux EPSO/AD/206/11 pour le recrutement d’administrateurs du grade AD 5 et EPSO/AD/207/11 pour le recrutement d’administrateurs du grade AD 7 (ci-après l’«avis de concours»), les deux concours étant ouverts dans six domaines, dont celui de l’audit.
8 Le point 2, intitulé «R[emarques», du titre I, intitulé «C[adre général]», de l’avis de concours est rédigé comme suit :
«Cet avis comporte deux concours et plusieurs domaines par concours. Vous ne pouvez vous inscrire qu’à un seul concours et à un seul domaine.
Ce choix doit être fait au moment de l’inscription électronique et ne pourra pas être modifié après que vous aurez confirmé et validé votre acte de candidature par voie électronique.
Toutefois, si vous avez obtenu l’une des meilleures notes pour l’ensemble des tests d’accès pour le concours de grade AD 7, mais que vous ne remplissez pas les conditions d’éligibilité de ce concours, le jury peut, avec votre accord, réaffecter votre candidature au concours de grade AD 5 dans le même domaine, à condition que vous remplissiez les conditions d’éligibilité pour ce dernier concours.
Cette réaffectation aura lieu uniquement avant l’invitation au centre d’évaluation sur la base de vos déclarations dans l’acte de candidature électronique.
[…]»
9 Le premier alinéa du titre III, relatif aux conditions d’admission, de l’avis de concours, dispose :
«À la date de clôture fixée pour l’inscription électronique […], vous devez remplir toutes les conditions générales et spécifiques […]»
10 En vertu du point 2.2 du titre III de l’avis de concours, l’expérience professionnelle est une des conditions spécifiques d’admission aux concours. Les exigences attendues en la matière sont définies au point 3 de l’annexe à l’avis de concours.
11 Au point 1 du titre V, intitulé «C[oncours général]», il est prévu :
«Vous serez admis [*] au centre d’évaluation [si vous] avez obtenu l’une des meilleurs notes […] pour l’ensemble des tests d’accès [;] vous avez obtenu le minimum requis aux tests [;] au vu de vos déclarations lors de l’inscription électronique, vous remplissez les conditions générales et spécifiques du titre III.
[*] L’admission sera confirmée sous réserve de vérification ultérieure des pièces justificatives jointes à votre dossier. Les pièces justificatives des candidats remplissant les conditions d’admission et ayant obtenu les meilleures notes au centre d’évaluation seront examinées, par ordre décroissant de points, jusqu’à ce que le nombre de lauréats indiqué dans le présent avis de concours soit atteint.
Les pièces justificatives des candidats figurant en dessous de ce seuil ne seront pas examinées.»
12 Le point 1 du titre VI, relatif à l’inscription sur les listes de réserve, indique :
«Si vous faites partie des candidats […] ayant obtenu les minim[ums] requis et l’une des meilleures notes pour l’ensemble des éléments du centre d’évaluation […] et si, au vu des pièces justificatives, vous remplissez toutes les conditions d’admission, le jury inscrit votre nom sur la liste de réserve.»
13 Le point 1, relatif à la nature des fonctions, du titre 4, intitulé «A[udit]», de l’annexe à l’avis de concours est rédigé comme suit :
«De manière générale, les administrateurs dans le domaine de l’audit ont pour fonction d’appuyer les décideurs dans l’exécution de la mission de leur institution ou organe.
Ils sont aussi appelés à travailler dans des domaines tels que l’audit financier, l’audit de performance et l’audit interne. Ces auditeurs fournissent des services d’assurance et de conseil dans tous les domaines opérationnels de l’Union européenne, en vue d’améliorer la gouvernance et la gestion. Ils peuvent être amenés à intervenir dans les vingt-sept États membres mais aussi dans des pays tiers.
Leurs tâches principales, qui peuvent varier d’une institution à l’autre, sont notamment :
— l’audit externe, les audits financiers et l’examen de la bonne gestion financière, y compris la mise en œuvre et le reporting,
— le contrôle et les inspections externes, l’amélioration des systèmes de contrôle,
— l’audit interne, l’appui méthodologique, le conseil et la formation,
— la coordination et la consultation interservices sur les questions d’audit,
— l’information et le conseil sur les questions d’audit.»
14 Le point 3, intitulé «E[xpérience professionnelle]» du titre 4, intitulé «A[udit]» de l’annexe à l’avis de concours est rédigé comme suit :
«Grade AD 5 [:]
[a]ucune expérience professionnelle n’est requise.
Grade AD 7 [:]
[u]ne expérience professionnelle de niveau universitaire d’une durée minimale de six ans, en rapport avec la nature des fonctions.
Cette expérience professionnelle n’est pertinente que si elle a été acquise après l’obtention du diplôme donnant accès au concours.»
15 Le point 6.2, intitulé «D[emandes de réexamen]», du guide applicable aux concours généraux, publié au Journal officiel de l’Union européenne du 8 juillet 2010 (JO C 184 A, p. 1, ci-après le «guide applicable aux concours généraux»), et qui fait partie intégrante de l’avis de concours, auquel celui-ci fait explicitement référence, prévoit ce qui suit :
«Il […] est possible [aux candidats] d’introduire une demande de réexamen dans les cas suivants :
— au cas où [l’]EPSO n’aurait pas respecté les dispositions régissant la procédure de concours,
— au cas où le jury n’aurait pas respecté les dispositions régissant ses travaux.
Votre attention est attirée sur le fait que le jury jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer le caractère correct ou incorrect de vos réponses. En l’absence d’une erreur manifeste de droit ou de fait, il est donc inutile de contester vos points.
Si votre demande relève de la compétence du jury, [l’]EPSO transmettra votre lettre au président du jury et une réponse vous sera envoyée dans les meilleurs délais.»
Faits à l’origine du litige
16 Le requérant s’est présenté au concours général EPSO/AD/177/10, organisé en 2010, pour le recrutement d’administrateurs de grade AD 5, dans le domaine de l’audit. Après avoir réussi les tests d’accès, il a été admis à se présenter aux épreuves organisées au centre d’évaluation.
17 L’année suivante, le requérant s’est porté candidat au concours général EPSO/AD/207/11 pour le recrutement d’administrateurs de grade AD 7 dans le domaine de l’audit (ci-après le «concours AD 7» ou le «concours litigieux»), tout en précisant, dans son dossier de candidature, qu’il acceptait que sa candidature, le cas échéant, fût réaffectée au concours général EPSO/AD/206/11 pour le recrutement d’administrateurs de grade AD 5 dans le même domaine (ci-après le «concours AD 5»).
18 Par un courrier daté du 26 juillet 2011, le président du jury des concours AD 5 et AD 7 (ci-après le «président du jury») a informé le requérant qu’il était invité à participer aux épreuves d’évaluation compte tenu de ses résultats aux tests d’admission et au vu de ses déclarations lors de son inscription, lesquelles faisaient apparaître qu’il remplissait les conditions générales et spécifiques, prévues au titre III, de l’avis de concours.
19 Le requérant a passé les épreuves d’évaluation pour le concours AD 7 le 28 septembre 2011.
20 Afin que le jury des concours AD 5 et AD 7 (ci-après le «jury») pût vérifier qu’il remplissait effectivement la condition relative à l’expérience professionnelle, spécifique au concours AD 7, l’EPSO lui a demandé, courant janvier 2012, de lui transmettre des compléments d’information quant à la nature des fonctions qu’il avait exercées pour le ministère de la défense du Royaume-Uni, notamment entre avril 2003 et août 2008.
21 Au vu des documents transmis par le requérant, le jury, constatant que les documents transmis au titre de la période allant d’avril 2003 à août 2008 n’avaient pas été validés par son employeur au cours de cette période, a estimé que le requérant n’avait pas été en mesure de démontrer qu’il remplissait les conditions relatives à l’expérience professionnelle exigées par l’avis de concours pour se présenter au concours AD 7 dans le domaine de l’audit et a décidé, en conséquence, de ne pas l’inscrire
sur la liste de réserve.
22 Le requérant a pris connaissance de ladite décision par une lettre du président du jury en date du 9 février 2012.
23 Par un courriel du 16 février 2012, le requérant a adressé à l’EPSO, sur le fondement de l’article 6.2 du guide applicable aux concours généraux, une «demande de réexamen» de la décision de rejet de sa candidature, à l’appui de laquelle il a joint les précédents documents signés et attestés cette fois-ci par son ancien employeur.
24 Par un courrier en date du 1er juin 2012, le président du jury a informé le requérant que le jury, après avoir estimé au regard des exigences de l’avis de concours que le contenu des documents transmis était insuffisamment précis pour attester clairement d’une expérience professionnelle effective dans le domaine de l’audit, avait décidé de maintenir sa décision de ne pas inscrire son nom sur la liste de réserve.
Conclusions des parties
25 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— annuler la décision du jury, du 1er juin 2012, confirmant la décision du 9 février 2012 de ne pas placer le requérant sur la liste de réserve ;
— en tant que de besoin, annuler la décision du jury du 9 février 2012 ;
— octroyer au requérant la somme fixée ex æquo et bono et à titre provisoire à 3 000 euros, au titre du préjudice moral subi ;
— condamner la défenderesse à l’ensemble des dépens.
26 La Commission européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— rejeter le recours en annulation comme en partie irrecevable et en partie non fondé et les conclusions indemnitaires comme irrecevables ou, à titre subsidiaire, comme non fondées ;
— condamner le requérant aux dépens.
En droit
Sur l’objet des conclusions en annulation
27 Il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’un candidat à un concours sollicite, conformément à une règle posée par l’avis de concours, le réexamen d’une décision prise par un jury, la décision prise par ce dernier, après réexamen de la situation du candidat, se substitue à la décision initiale du jury et constitue donc l’acte faisant grief (arrêts du Tribunal de première instance du 31 janvier 2006, Giulietti/Commission, T‑293/03, point 27, et du 13 décembre 2006, Heus/Commission,
T‑173/05, point 19 ; arrêt du Tribunal du 23 novembre 2010, Bartha/Commission, F-50/08, point 22).
28 En l’espèce, la décision du 1er juin 2012, prise à la suite de la demande de réexamen introduite par le requérant le 16 février 2012, sur le fondement du point 6.2 du guide applicable aux concours généraux, s’est substituée à la décision initiale du jury du 9 février 2012 et constitue l’acte faisant grief (ci-après la «décision attaquée»).
Sur les conclusions en annulation
29 À l’appui de son recours, le requérant soulève quatre moyens tirés respectivement de l’insuffisance de motivation, de l’erreur manifeste d’appréciation, de l’illégalité de l’avis de concours et de la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude.
Sur le premier moyen, tiré de l’insuffisance de motivation
– Arguments des parties
30 Le requérant se prévaut de l’article 25, deuxième alinéa, du statut, aux termes duquel «[t]oute décision faisant grief doit être motivée». En l’espèce, la décision attaquée serait insuffisamment motivée, car elle se bornerait à indiquer qu’il ne remplit pas la condition d’admission relative à l’expérience professionnelle sans préciser de façon détaillée les motifs retenus par le jury pour écarter sa candidature.
31 La Commission conclut au rejet du moyen.
– Appréciation du Tribunal
32 Il est de jurisprudence constante que l’obligation de motivation, édictée à l’article 25, deuxième alinéa, du statut, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est ou non fondée et, d’autre part, de rendre possible le contrôle juridictionnel (arrêt du Tribunal de première instance du 20 septembre 1990, Hanning/Parlement, T‑37/89, point 39).
33 Pour ce qui est plus particulièrement des décisions de refus d’admission à concourir, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé qu’il est nécessaire, à cet effet, que le jury indique précisément quelles sont les conditions arrêtées dans l’avis de concours qui ont été jugées non satisfaites par le candidat (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 30 novembre 1978, Salerno e.a./Commission, 4/78, 19/78 et 28/78, points 25 à 30, et du 21 mars 1985, De Santis/Cour des comptes, 108/84,
points 15 à 17).
34 En l’espèce, la décision attaquée précise que le réexamen des pièces justificatives fournies par le requérant relatives à son expérience professionnelle n’avait pas permis au jury de vérifier que l’intéressé avait effectivement exercé des fonctions dans le domaine de l’audit avant août 2007. Le jury a complété sa motivation en estimant que les pièces justificatives ne consistaient qu’en des descriptions d’ordre général de fonctions dont rien au dossier ne permettait d’attester que le requérant
les avaient effectivement exercées au cours de la période litigieuse, nonobstant la présence de la signature de sa hiérarchie sur le document transmis. La motivation de la décision attaquée indique ainsi, de façon suffisamment précise, les conditions arrêtées par l’avis de concours qui n’ont pas été satisfaites par le requérant, à savoir la condition relative à l’expérience professionnelle (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 13 décembre 1990, González Holguera/Commission,
T‑115/89, points 42 à 44).
35 Pour ces motifs, le premier moyen doit être écarté.
Sur le deuxième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation
– Arguments des parties
36 Le requérant soutient, tout d’abord, que le jury a entaché son appréciation des pièces justificatives, jointes à sa demande de réexamen, d’une erreur manifeste pour avoir estimé à tort qu’il n’avait pu démontrer avoir une expérience professionnelle de niveau universitaire d’au moins six ans en rapport avec la nature des fonctions exercées par un administrateur de grade AD 7 dans le domaine de l’audit. Il fait valoir à l’appui de son argumentation que le descriptif des postes qu’il a occupés au
sein du ministère de la défense du Royaume-Uni, d’abord en qualité de «SPS detachment commander» puis en celle de «regimental administrative officer», attestent qu’il a effectivement exercé des fonctions dans le domaine de l’audit depuis au moins six ans.
37 Le requérant soutient, ensuite, que le jury du concours général EPSO/AD/177/10 organisé en 2010 pour le recrutement d’administrateurs de grade AD 5, l’avait admis à participer aux épreuves organisées au centre d’évaluation en se fondant sur les mêmes documents que ceux transmis dans le cadre du concours litigieux. Une telle circonstance attesterait donc de l’erreur manifeste que le jury aurait commise cette fois-ci dans l’examen de son dossier pour ne pas avoir réaffecté sa candidature au titre
du concours AD 5.
38 La Commission reconnaît, certes, que l’examen des pièces justificatives a permis au jury de considérer que le requérant attestait d’une expérience dans le domaine de l’audit à compter de 2007, en rapport avec la nature des fonctions généralement confiées à un administrateur dans ce domaine, telle que décrite au point 1 du titre 4 de l’annexe à l’avis de concours. En revanche, la Commission considère que les documents fournis au titre de la période antérieure témoignent de ce que le requérant
exerçait alors essentiellement des fonctions administratives de gestion de personnel. Dans ces conditions, dès lors que le requérant ne peut se prévaloir d’une expérience d’au moins six ans dans le domaine de l’audit conforme aux exigences attendues par l’avis de concours pour le concours AD 7, le jury n’aurait commis aucune erreur manifeste d’appréciation.
39 La Commission souligne, en outre, que la circonstance que le requérant a été admis aux épreuves du centre d’évaluation dans le cadre du concours général EPSO/AD/177/10, organisé en 2010 pour le recrutement d’administrateurs de grade AD 5, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. D’une part, aucune condition relative à l’expérience professionnelle n’aurait été exigée pour se présenter à ce concours. D’autre part, l’appréciation portée par le jury dans le cadre dudit concours
serait sans pertinence pour contrôler la légalité de l’appréciation portée par le jury dans le cadre du concours litigieux organisé en 2011, les deux appréciations étant indépendantes l’une de l’autre et se rapportant à l’avis de chaque concours.
– Appréciation du Tribunal
40 Il y a lieu, tout d’abord, de relever que l’admission du requérant aux épreuves organisées au centre d’évaluation dans le cadre d’un concours organisé en 2010 est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée qui concerne en tout état de cause un concours distinct, organisé en 2011.
41 Il convient, ensuite, de rappeler que, nonobstant son pouvoir d’appréciation en ce qui concerne les modalités et le contenu des épreuves d’un concours, le jury est lié par le texte de l’avis de concours tel qu’il a été publié. En effet, le rôle essentiel de l’avis de concours consiste à informer les intéressés, d’une façon aussi exacte que possible, de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s’agit, afin de les mettre en mesure d’apprécier, d’une part, s’il y a lieu pour
eux de faire acte de candidature et, d’autre part, quelles pièces justificatives sont d’importance pour les travaux du jury et doivent, par conséquent, être jointes aux actes de candidature (voir, notamment, ordonnance du Tribunal de première instance du 3 avril 2001, Zaur-Gora et Dubigh/Commission, T‑95/00 et T‑96/00, point 47, et la jurisprudence citée).
42 S’agissant plus particulièrement d’une condition d’admission à concourir relative à l’expérience professionnelle, il a été jugé que la fonction de l’avis de concours, visant à «informer les intéressés d’une façon aussi exacte que possible», ne s’oppose cependant pas à ce que soit laissée au jury la responsabilité d’apprécier, au cas par cas, si l’expérience professionnelle déclarée par chaque candidat correspond au niveau requis par l’avis de concours (arrêt de la Cour du 12 juillet 1989,
Belardinelli e.a./Cour de justice, 225/87, point 13 ; arrêt du Tribunal de première instance du 25 mars 2004, Petrich/Commission, T‑145/02, point 37).
43 Le jury dispose à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation, dans le cadre des dispositions du statut relatives aux procédures de concours, en ce qui concerne tant la nature et la durée des expériences professionnelles antérieures des candidats que le rapport plus ou moins étroit que celles-ci peuvent présenter avec les exigences du poste à pourvoir. Ainsi, dans le cadre de son contrôle de légalité, le Tribunal doit se limiter à vérifier si l’exercice de ce pouvoir n’a pas été entaché d’une
erreur manifeste (arrêt du Tribunal du 25 novembre 2008, Iordanova/Commission, F-53/07, point 34, et la jurisprudence citée).
44 Dans le cadre de ce contrôle, le juge de l’Union doit tenir compte de ce qu’il appartient, en principe et selon une jurisprudence constante, au candidat à un concours de fournir au jury tous les renseignements et documents qu’il estime utiles en vue de l’examen de sa candidature afin de permettre au jury de vérifier s’il remplit les conditions posées par l’avis de concours, et cela a fortiori s’il y a été expressément et formellement invité (voir, en ce sens, arrêt Belardinelli e.a./Cour de
justice, précité, point 24 ; arrêt du Tribunal de première instance du 20 juin 1990, Burban/Parlement, T‑133/89, points 31 et 34). Le jury, lorsqu’il se prononce sur l’admission ou l’éviction des candidats à concourir, est donc autorisé à limiter son examen aux seuls actes de candidature et aux pièces qui y sont annexées (arrêt du Tribunal de première instance du 13 mars 2002, Martínez Alarcón/Commission, T‑357/00, T‑361/00, T‑363/00 et T‑364/00).
45 Dans le contexte du présent litige, il convient en outre de préciser que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation reconnu au jury, établir que celui-ci a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision prise suppose que les éléments de preuve, qu’il incombe au requérant d’apporter, soient ainsi suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première
instance du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T‑380/94, point 59, et du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, point 221 ; arrêt du Tribunal du 13 juin 2012, Macchia/Commission, F-63/11, point 49, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑368/12 P).
46 En l’espèce, le jury a estimé que le requérant n’avait pas été en mesure d’attester de son expérience dans le domaine de l’audit antérieurement à août 2007. Au titre de cette période, le requérant fournit un document, sous la forme d’un tableau, dont l’authenticité est attestée par son ancien employeur. Ce tableau, de deux pages, décrit pour l’essentiel des tâches administratives et de gestion du personnel. S’il fait également état de taches d’assistance dans le domaine de l’audit, aucun élément
au dossier ne permet d’apprécier de façon circonstanciée leur importance relativement aux autres fonctions exercées sur la même période, ni même leur nature. Les lettres de ses anciens supérieurs hiérarchiques datées du 16 décembre 2010 et du 21 janvier 2012 se rapportent à la période postérieure à 2007 et celle datée du 14 février 2012 se borne à présenter, de façon synthétique, la carrière du requérant sans aborder la nature des fonctions exercées. Enfin, l’état de service joint au dossier de
candidature, qui se rapporte seulement aux affectations successives du requérant, ne précise pas davantage les fonctions effectivement exercées au cours de la période en cause. Dans ces conditions, il ne ressort pas du dossier que le requérant aurait exercé sur cette période des fonctions d’audit correspondant aux fonctions assumées par un administrateur de ce domaine, telles que décrites dans l’annexe à l’avis de concours, ni dès lors qu’il aurait exercé de telles fonctions depuis au moins six
ans à la date de son inscription au concours.
47 Le requérant a toutefois précisé au cours de l’audience que les activités qu’il a exercées dans le domaine de l’audit en qualité de «SPS detachment commander» représentaient 25 % de l’ensemble de ses activités. Il n’a cependant fourni aucun élément précis pour justifier de cette allégation. En tout état de cause, à supposer même un tel pourcentage établi, il ne permettrait au requérant de valider qu’une année supplémentaire au titre de l’expérience professionnelle exigée pour se présenter au
concours AD 7. Il serait donc insuffisant pour lui permettre de comptabiliser, à la date de clôture des inscriptions, les six années d’expérience exigées dans le domaine de l’audit, nonobstant les années validées par le jury pour la période postérieure à août 2007. En conséquence, une telle affirmation n’est pas de nature à remettre en cause la conclusion précédente.
48 Il résulte de tout ce qui précède que le jury, en confirmant sa décision de ne pas inscrire le requérant sur la liste de réserve pour le recrutement d’administrateurs de grade AD 7, n’a pas commis d’ erreur manifeste dans l’appréciation qu’il a faite des justificatifs apportés par le requérant pour attester de son expérience professionnelle dans le domaine de l’audit, telle qu’exigée par les dispositions de l’annexe à l’avis de concours.
49 Pour ces motifs, le deuxième moyen doit être écarté.
Sur le troisième moyen, tiré de l’illégalité de l’avis de concours
– Arguments des parties
50 Le requérant entend contester, par voie d’exception, la légalité de l’avis de concours en excipant de l’illégalité de certaines dispositions contenues au point 2 du titre I de l’avis de concours.
51 Tout d’abord, le requérant soutient qu’il est recevable à invoquer un tel moyen dès lors que, en substance, la décision attaquée, qui individualise sa situation juridique et lui permet de savoir avec certitude comment et dans quelle mesure ses intérêts sont affectés, a été prise en exécution des conditions définies dans l’avis de concours.
52 Le requérant affirme, ensuite, que la disposition prévue au point 2 du titre I de l’avis de concours, en vertu de laquelle le jury peut, sous certaines conditions, réaffecter au concours AD 5 un candidat inscrit au concours AD 7, mais qui ne remplit pas les conditions d’éligibilité propres à ce dernier concours, et donc notamment celle tenant à l’expérience professionnelle, est privée d’effet utile. En effet, selon le requérant, la réaffectation, qui doit intervenir avant l’invitation au centre
d’évaluation, a lieu, non pas après vérification effective par le jury des informations contenus dans le dossier d’inscription, laquelle n’intervient qu’en fin de procédure, soit après le déroulement des épreuves au centre d’évaluation, mais au vu des seules déclarations du candidat lors de son inscription. Or, celles-ci peuvent finalement, comme en l’espèce, ne pas être validées par le jury, sans que le candidat ait pu bénéficier d’une réaffecter vers l’autre concours en temps utile, soit avant
la tenue des épreuves au centre d’évaluation. La disposition contenue dans ce même point 2 du titre I de l’avis de concours, qui prévoit que «[la] réaffectation [a] lieu uniquement avant l’invitation au centre d’évaluation et sur la base de[s] déclarations [du candidat] dans l’acte de candidature électronique», méconnaîtrait ainsi l’objectif de la réaffectation qui serait d’éviter que de bons candidats puissent être écartés en fonction du seul critère de l’expérience professionnelle.
53 Le requérant fait, en outre, valoir que la disposition contenue également dans ce même point 2, aux termes de laquelle «[un candidat] ne [peut s’]inscrire qu’à un seul [des deux] concours et à un seul domaine», n’est pas conforme à l’intérêt du service et méconnaît les dispositions des articles 27 et 29 du statut, au motif, pour l’essentiel, qu’une telle disposition a pour effet de restreindre les possibilités offertes à l’institution de recruter les meilleurs candidats et ne permet pas un
recrutement «sur une base géographique aussi large que possible».
54 Le requérant soutient, enfin, que cette dernière disposition est également entachée d’une erreur de droit, car elle a pour effet d’ajouter une condition d’admission, à savoir celle d’avoir été candidat à un seul concours, non prévue par les textes réglementaires, notamment l’article 4 du statut et l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, de son annexe III, relative à la procédure de concours.
55 La Commission estime que l’exception d’illégalité n’est pas recevable au motif, en premier lieu, que l’avis de concours n’a été attaqué ni en temps utile, ni de façon opérante.
56 L’avis de concours n’aurait, en effet, pas été attaqué dans les délais prescrits à l’article 90 du statut, le requérant n’ayant pas été dans l’obligation d’attendre l’adoption de la décision attaquée pour être recevable à en contester la légalité.
57 La Commission ajoute que l’exception d’illégalité invoquée, dès lors qu’elle porte sur l’organisation de la procédure du concours, aurait dû être préalablement soulevée devant l’EPSO, dans le cadre d’une réclamation préalable au sens de l’article 90 du statut dirigée contre l’avis de concours. Faute d’une telle réclamation, l’exception d’illégalité ne saurait être recevable.
58 La Commission soutient en tout état de cause que l’exception d’illégalité n’est pas recevable, au motif qu’il n’y a pas de lien étroit entre ladite exception et la motivation de la décision attaquée. Elle explique notamment que l’impossibilité pour le requérant d’avoir pu être réaffecté sur le concours AD 5 procède exclusivement du fait qu’il n’a pas été en mesure de fournir suffisamment d’éléments sur la nature de son expérience professionnelle avant le déroulement des épreuves, et non d’une
quelconque décision du jury.
– Appréciation du Tribunal
59 Il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que, si un requérant est en droit de former dans les délais prescrits un recours direct contre un avis de concours lorsque celui-ci constitue une décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’«AIPN») lui faisant grief au sens des articles 90 et 91 du statut, il n’est pas forclos dans le cadre d’un recours dirigé contre la décision de ne pas l’admettre au concours au seul motif qu’il n’a pas attaqué l’avis de concours en temps utile
(arrêt du Tribunal de première instance du 16 septembre 1993, Noonan/Commission, T‑60/92, point 21, et la jurisprudence citée). Un candidat à un concours ne saurait, en effet, être privé du droit de contester en tous ses éléments, y compris ceux qui ont été définis dans l’avis de concours, le bien-fondé de la décision individuelle adoptée à son égard en exécution des conditions définies dans cet avis, dans la mesure où seule cette décision d’application individualise sa situation juridique et lui
permet de savoir avec certitude comment et dans quelle mesure ses intérêts particuliers sont affectés (arrêt Noonan/Commission, précité, point 23). Un requérant peut donc, à l’occasion d’un recours dirigé contre des actes ultérieurs, faire valoir l’irrégularité des actes antérieurs qui leur sont étroitement liés (arrêt de la Cour du 11 août 1995, Commission/Noonan, C‑448/93 P, point 17, et la jurisprudence citée).
60 En revanche, à défaut de lien étroit entre la motivation même de la décision attaquée et le moyen tiré de l’irrégularité alléguée de l’avis de concours non attaqué en temps utile, ce dernier doit être déclaré irrecevable, en application des règles d’ordre public relatives aux délais de recours, auxquelles il ne saurait être dérogé, dans une hypothèse de ce type, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique (arrêt de la Cour du 11 mars 1986, Adams e.a./Commission, 294/84, point 17 ;
arrêts du Tribunal de première instance Noonan/Commission, précité, point 27 ; du 15 février 2005, Pyres/Commission, T‑256/01, point 19, et Giulietti/Commission, précité, point 42).
61 En l’espèce, ainsi qu’il a été constaté au point 34 du présent arrêt, il résulte de la motivation de la décision attaquée que cette décision a été prise au motif que le réexamen des justificatifs fournis par le requérant relatifs à son expérience professionnelle n’avait pas permis au jury de vérifier que l’intéressé avait exercé effectivement des fonctions dans le domaine de l’audit avant août 2007. Après avoir rappelé que le réexamen n’avait pas permis de dégager d’éléments nouveaux par rapport
à ceux qui lui avait été précédemment soumis, le jury a précisé sa motivation en estimant que les justificatifs ne consistaient qu’en des descriptions d’ordre général de fonctions dont rien au dossier ne permettait d’attester que le requérant les avaient effectivement exercées au cours de la période litigieuse, nonobstant la présence de la signature de sa hiérarchie sur le document transmis.
62 Une telle motivation, qui ressortit exclusivement à l’appréciation par le jury des conditions d’éligibilité propres au concours AD 7 relatives à l’expérience professionnelle du requérant, a été ainsi adoptée en exécution de la seule condition relative à l’expérience professionnelle définie au point 3, du titre 4, intitulé «A[udit]», de l’annexe à l’avis de concours, au regard de la nature des fonctions définies au point 1 de ce même titre 4, et non en exécution des dispositions du point 2 du
titre I de l’avis de concours, dont le requérant a contesté la légalité par voie d’exception, lesquelles ne renvoient pas, au demeurant, audit titre et dont l’application ne saurait davantage être regardée comme étroitement liée à celle de ce même titre 4. Il appartenait au requérant, s’il s’en était cru recevable et fondé, soit de former un recours dans les délais prescrits contre l’avis de concours, et de se prévaloir alors de l’illégalité des dispositions du point 2 du titre I de cet avis,
soit de solliciter en même temps que son inscription au concours AD 7, son inscription au concours AD 5, et d’attaquer le refus qui lui aurait été opposé le cas échéant par l’AIPN de faire droit à sa demande de pouvoir se présenter simultanément à ces deux concours, en excipant alors de l’illégalité des dispositions de l’avis en cause.
63 Toutefois, la décision attaquée fait également état de ce que l’examen des déclarations du candidat, avant l’invitation au centre d’évaluation, ne laissait pas présumer de façon évidente que le requérant ne remplissait pas les conditions relatives à l’expérience professionnelle attendues pour se présenter au concours AD 7, ce qui aurait pu, à ce stade, justifier une réaffectation sur le concours AD 5. La motivation de la décision attaquée précise également que l’avis de concours ne prévoit pas de
possibilité de réaffectation après l’invitation au centre d’évaluation. Une telle motivation révèle les motifs qui ont conduit le jury à ne pas réaffecter le requérant sur le concours AD 5 avant comme après le déroulement des épreuves au centre d’évaluation. Elle présente ainsi un lien étroit avec les dispositions du point 2 du titre I dans la mesure où elles prévoient que la réaffectation entre les deux concours a lieu uniquement avant l’invitation au centre d’évaluation. Le moyen tiré de
l’exception d’illégalité est donc, dans cette mesure, recevable.
64 À cet égard, il y a lieu d’observer, sur le fond, comme l’a soutenu à bon droit la Commission lors de l’audience, que la teneur des épreuves au centre d’évaluation est nécessairement fonction du grade auquel le candidat se présente, de telle sorte qu’il ne saurait être postulé, sans méconnaître le principe d’égalité de traitement, qu’un candidat ayant réussi les épreuves d’un concours tendant au recrutement de fonctionnaires d’un grade supérieur aurait nécessairement réussi les épreuves d’un
autre concours tendant au recrutement de fonctionnaires d’un grade inférieur. Dans ces conditions, la réaffectation d’un concours sur un autre ne peut régulièrement avoir lieu qu’avant le déroulement des épreuves qui correspondent au concours sur lequel le candidat est réaffecté. L’administration n’a donc pas commis d’erreur de droit en considérant qu’un candidat qui a réussi les épreuves du concours AD 7 ne peut pas automatiquement être réaffecté sur le concours AD 5, alors même que ce concours
correspondait à un grade inférieur, dans la mesure où un tel candidat n’a pas effectivement passé les épreuves propres au concours AD 5.
65 Dans ces conditions, compte tenu de tout ce qui précède, le moyen tiré de l’exception d’illégalité est, en partie, irrecevable et, en partie non fondé.
66 Pour ces motifs, le troisième moyen doit être écarté.
Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude
– Arguments des parties
67 Le requérant, en se prévalant de l’article 41 de la Charte, reproche au jury, alors qu’il lui avait apporté toutes les précisions utiles, de n’avoir répondu que de manière lapidaire à sa demande de réexamen, d’avoir commis une série d’erreurs manifestes dans l’appréciation de son expérience professionnelle et d’avoir invoqué des raisons différentes de celles qu’il avait initialement opposées au rejet de son dossier de candidature, le privant ainsi d’une voie de recours précontentieuse, à savoir
une nouvelle demande de réexamen, contre la nouvelle décision.
68 Le requérant soutient également qu’en ne le réaffectant pas dans le cadre du concours AD 5, au motif que l’avis de concours ne prévoit pas la possibilité de réaffecter un candidat après la convocation au centre d’évaluation, la Commission persiste dans une pratique contraire à la jurisprudence du Tribunal telle qu’elle ressort de son arrêt du 17 novembre 2009, Di Prospero/Commission (F-99/08), en vertu de laquelle l’impossibilité pour un candidat de s’inscrire à deux concours, comme le prévoit
l’avis de concours en cause, n’est pas conforme à l’intérêt du service.
69 La Commission rétorque, pour l’essentiel, que la réaffectation, avant l’invitation au centre d’évaluation, se fait exclusivement au vu des seules déclarations du candidat, lequel est informé, dès le dépôt du dossier de candidature, que l’admission définitive n’intervient qu’après examen des pièces justificatives qu’il appartient à lui seul de produire. Elle ajoute que le jury, alors que les premiers documents transmis ne lui permettait pas de valider l’expérience professionnelle du requérant, est
revenu vers ce dernier par trois fois, afin de lui permettre de compléter utilement son dossier, avant de prendre sa décision. Le requérant n’a toutefois pas mis le jury en mesure de valider son expérience. La Commission en conclut que le requérant a manqué à son devoir de diligence dans la gestion de son dossier et qu’il ne saurait lui être reproché, dans ces conditions, d’avoir méconnu à l’égard du requérant le principe de bonne administration et le devoir de sollicitude.
70 Enfin, le requérant ne saurait utilement soutenir avoir été privé de la possibilité de solliciter un réexamen de la décision attaquée, dans la mesure où elle a été prise pour des motifs différents de ceux initialement opposés, car, d’une part, il a lui-même, après avoir présenté une demande de réexamen le 16 février 2012, entendu solliciter directement le juge de l’Union par la voie contentieuse, et, d’autre part, un nouvel examen, en l’absence d’éléments nouveaux, conduirait à remettre en cause
le principe de sécurité juridique. Contrairement aux allégations du requérant, la Commission estime que le jury n’a nullement procédé à une substitution de motifs entre la décision initiale et la décision attaquée mais seulement adopté une motivation différente au regard des documents, eux-mêmes différents, fournis par le requérant.
– Appréciation du Tribunal
71 Il convient, liminairement, de rappeler que, tout en n’étant pas mentionné dans le statut, le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses agents, qui s’impose également à un jury de concours, reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Ce devoir, ainsi que le principe de bonne administration, impliquent notamment que, lorsqu’elle statue, à propos de la situation
d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (arrêt Burban/Commission, précité, point 27).
72 Il importe donc d’examiner si, comme le soutient le requérant, le jury de concours a manqué, en l’espèce, au devoir de sollicitude ou au principe de bonne administration ainsi définis.
73 Il ressort, tout d’abord, de l’avis de concours, sans aucune équivoque, que l’admission aux épreuves qui se déroulent au centre d’évaluation pour chacun des concours intervient au vu des seules déclarations du candidat lors de son inscription électronique. Ce même avis de concours précise également que l’inscription sur la liste de réserve du concours n’intervient qu’après la vérification sur pièces des conditions d’admission à concourir. Une telle vérification n’intervient donc qu’en fin de
procédure, après le déroulement des épreuves au centre d’évaluation.
74 Le guide applicable aux concours généraux précise, ensuite, que le candidat doit soigneusement vérifier qu’il remplit toutes les conditions d’admission, tant générales que spécifiques. Cela implique qu’il doit prendre connaissance tant de l’avis de concours que du guide et en accepter les termes. Le guide met également nettement en garde le candidat sur le fait qu’il est important de remplir l’acte de candidature électronique avec minutie et de s’assurer de l’exactitude des informations fournies.
S’agissant des pièces justifiant de l’expérience professionnelle, le candidat est informé que toutes les périodes d’activité professionnelle doivent être couvertes, pour les activités professionnelles salariées, par des attestations des anciens employeurs et de l’employeur actuel, précisant la nature, la date de début et de fin et le niveau des tâches exercées, ou à défaut d’attestations de travail, par des photocopies des contrats de travail, accompagnées de celles de la première et dernière
feuilles de paie, et d’un descriptif détaillée des tâches.
75 Le requérant, à qui il incombait de prendre utilement connaissance des textes régissant le concours auquel il se destinait, était donc pleinement informé de l’obligation, d’une part, de fournir de façon la plus détaillée et circonstanciée possible les éléments nécessaires à la validation de son expérience professionnelle et, d’autre part, de faire attester ces éléments par son ancien employeur.
76 Il ressort toutefois du dossier que le requérant, loin de se conformer à ces exigences, s’est borné, s’agissant de la période d’avril 2003 à mai 2007, à fournir d’abord au jury un état des services, certes attesté par son ancien employeur, mais sans la moindre précision utile permettant d’apprécier la nature exacte des fonctions exercées, puis, après que le jury l’a de nouveau sollicité, un tableau qui demeurait fort peu circonstancié, se limitant à présenter de façon synthétique les tâches
successivement exercées au ministère de la défense du Royaume-Uni, sans être attesté par ce dernier, contrairement à ce qu’exigeait la réglementation. Enfin, dans le cadre de sa demande de réexamen, le requérant a produit le même document cette fois revêtu du cachet de son ancien employeur.
77 Dans ces conditions, le jury, qui, avant de prendre la décision attaquée, a invité par deux fois le requérant à produire des documents précis a tenu pleinement compte de l’intérêt de celui-ci dans l’instruction de son dossier, respectant ainsi le devoir de sollicitude qui lui incombait.
78 Certes, la motivation contenue dans la première décision, appréciée dans son ensemble, a pu toutefois légitimement laisser accroire que le jury estimait que le contenu du tableau produit par le requérant répondait, sur le fond, aux exigences attendues en matière d’expérience professionnelle dans le domaine de l’audit et que le jury attendait du requérant l’attestation de son ancien employeur confirmant le document pour qu’il soit effectivement pris en compte.
79 Toutefois, il ne convient pas pour autant de parler de substitution de motifs, car la motivation de la décision attaquée se rattache, comme la précédente, à la méconnaissance des conditions définies au point 3 du titre 4 de l’annexe à l’avis de concours, relatives à l’expérience professionnelle.
80 Le requérant, contrairement à ce qu’il prétend, n’a pas davantage été privé de son droit à saisir le jury d’une nouvelle demande de réexamen. Et cela pour trois raisons. Premièrement, il ressort du dossier que le requérant n’a précisément pas déposé une telle demande, dont il n’a pu en conséquence être privé, préférant la voie contentieuse. Deuxièmement, il ne ressort pas davantage du dossier que le requérant n’était pas en mesure, ainsi qu’il le prétend, de recourir une nouvelle fois et
utilement à la procédure précontentieuse. Troisièmement, et en tout état de cause, celui-ci n’établit ni même n’allègue qu’il aurait été en mesure, par d’autres documents que ceux transmis, d’attester devant le jury de son expérience professionnelle.
81 Enfin, l’argument selon lequel la décision attaquée méconnaîtrait l’autorité de chose jugée revêtue par l’arrêt d’annulation Di Prospero/Commission, précité, au motif que l’avis de concours ne prévoit pas la possibilité de réaffecter un candidat après la convocation au centre d’évaluation, est non fondé dans la mesure où l’autorité absolue de chose jugée, que revêt l’arrêt Di Prospero/Commission, précité, s’attache au dispositif dudit arrêt, annulant telle décision individuelle, et à son motif
nécessaire, à savoir l’illégalité soulevée, par voie d’exception, de l’avis de concours en cause.
82 Pour ces motifs, il y a lieu de constater que le jury n’a en rien manqué au devoir de sollicitude auquel il était tenu à l’égard du requérant, non plus qu’au respect du principe de bonne administration.
83 Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions en annulation doivent être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires en réparation du préjudice moral
Arguments des parties
84 Le requérant soutient que la façon peu diligente dont sa candidature a été traitée, qui témoigne d’un manquement de la part de la Commission au principe de bonne administration et au devoir de sollicitude, lui a causé un préjudice moral dont il entend obtenir réparation par le versement d’une somme fixée ex æquo et bono et à titre provisoire à hauteur de 3000 euros.
85 La Commission conclut au rejet des conclusions indemnitaires en tant qu’irrecevables et non fondées, compte tenu du lien étroit qu’elles présentent avec les conclusions en annulation. Elle ajoute que le dommage que le requérant prétend avoir subi en raison de sa non-réaffectation sur le concours AD 5 trouve exclusivement son origine dans le fait qu’il n’a pas fourni suffisamment de preuves au jury pour justifier de son expérience professionnelle. Le préjudice allégué trouve ainsi sa cause
adéquate non dans une prétendue faute de la Commission mais dans son comportement.
Appréciation du Tribunal
86 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsque le préjudice dont un requérant se prévaut trouve son origine dans l’adoption d’une décision faisant l’objet de conclusions en annulation, le rejet de ces conclusions en annulation entraîne, par principe, le rejet des conclusions indemnitaires, ces dernières leur étant étroitement liées (arrêt du Tribunal du 29 septembre 2011, Heath/BCE, F-121/10, point 129)
87 Par ailleurs, si un recours indemnitaire est recevable en l’absence même de demande préalablement adressée en ce sens à l’AIPN, lorsqu’il existe un lien direct entre ledit recours et le recours en annulation, il en va autrement lorsque le préjudice allégué résulte de fautes ou omissions commises par l’administration (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 27 juin 1989, Giordani/Commission, 200/87). Dans ce dernier cas, lorsque le préjudice allégué ne résulte pas de l’acte dont l’annulation est
demandée, mais de fautes et omissions prétendument commises, la procédure précontentieuse doit impérativement débuter par une demande invitant l’AIPN à réparer ce préjudice (arrêt du Tribunal de première instance du 11 mai 2005, de Stefano/Commission, T‑25/03, point 78).
88 En outre, l’engagement de la responsabilité de l’administration suppose que le requérant démontre l’existence d’une illégalité ou d’une faute, d’un préjudice certain et évaluable, et d’un lien de causalité entre l’illégalité ou la faute et le préjudice allégué (arrêts de la Cour du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, point 42, et du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, point 52). Ces conditions devant être cumulativement remplies, le fait que l’une d’entre
elles fait défaut suffit pour rejeter un recours en indemnité (arrêt de la Cour du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, point 14).
89 En l’espèce, il y a lieu de constater que le préjudice moral dont le requérant se prévaut trouve son origine dans l’adoption de la décision attaquée. Or, dès lors que les conclusions en annulation ont été rejetées, sans qu’aucune illégalité ne soit constatée, il convient, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions indemnitaires du requérant.
90 À supposer même ensuite que, par ses écritures, le requérant puisse être regardé comme sollicitant la réparation du préjudice qu’il aurait subi pour ne pas avoir été réaffecté sur le concours AD 5, lequel ne trouve pas son origine directe dans la décision attaquée de non-admission au concours AD 7, de telles conclusions indemnitaires seraient irrecevables dès lors qu’aucune demande n’a été adressée, en vertu de l’article 90, paragraphe 1, du statut, préalablement au recours contentieux en
réparation d’un tel préjudice, la lettre du 16 février 2012, laquelle d’ailleurs n’était pas adressée à l’AIPN, se bornant à solliciter l’admission du requérant sur la liste de réserve du concours AD 7.
91 Enfin, et en tout état de cause, le requérant, qui ne précise pas en quoi le préjudice moral allégué aurait consisté, n’établit pas la réalité de son préjudice.
92 Compte tenu de ce qui précède, les conclusions indemnitaires en réparation du préjudice moral qu’aurait subi le requérant ne peuvent qu’être rejetées.
Sur les dépens
93 Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
94 Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que le requérant a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) M. Demeneix supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission européenne.
Van Raepenbusch
Barents
Bradley
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 avril 2013.
Le greffier
W. Hakenberg
Le président
S. Van Raepenbusch
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( *1 ) Langue de procédure : le français.