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21/03/2013 | CJUE | N°C‑486/11

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, Jonathan Rodrigues Esteves contre Companhia de Seguros Allianz Portugal SA., 21/03/2013, C‑486/11


ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

21 mars 2013 (*)

«Article 99 du règlement de procédure – Assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs – Directives 72/166/CEE, 84/5/CEE, 90/232/CEE et 2005/14/CE – Droit à indemnisation par l’assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs – Responsabilité civile de l’assuré – Contribution de la victime au dommage – Exclusion ou limitation du droit à indemnisation»

Dans l’affaire C‑486/11,



ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introdui...

ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

21 mars 2013 (*)

«Article 99 du règlement de procédure – Assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs – Directives 72/166/CEE, 84/5/CEE, 90/232/CEE et 2005/14/CE – Droit à indemnisation par l’assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs – Responsabilité civile de l’assuré – Contribution de la victime au dommage – Exclusion ou limitation du droit à indemnisation»

Dans l’affaire C‑486/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal da Relação de Guimarães (Portugal), par décision du 15 septembre 2011, parvenue à la Cour le 22 septembre 2011, dans la procédure

Jonathan Rodrigues Esteves

contre

Companhia de Seguros Allianz Portugal SA,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. D. Šváby (rapporteur) et C. Vajda, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, et au contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité (JO L 103, p. 1, ci-après la «première directive»), de la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le
rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (JO 1984, L 8, p. 17, ci-après la «deuxième directive»), de la troisième directive 90/232/CEE du Conseil, du 14 mai 1990, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (JO L 129, p. 33, ci-après la «troisième directive»),
ainsi que de la directive 2005/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, modifiant les directives 72/166/CEE, 84/5/CEE, 88/357/CEE et 90/232/CEE du Conseil et la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil sur l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (JO L 149, p. 14).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Rodrigues Esteves à Companhia de Seguros Allianz Portugal SA (ci‑après «Allianz Portugal»), au sujet de l’indemnisation par cette dernière, au titre de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, des dommages subis par M. Rodrigues Esteves lors d’un accident de la circulation.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la première directive:

«Chaque État membre prend toutes les mesures utiles [...] pour que la responsabilité civile relative à la circulation des véhicules ayant leur stationnement habituel sur son territoire soit couverte par une assurance. Les dommages couverts ainsi que les modalités de cette assurance sont déterminés dans le cadre de ces mesures.»

4 L’article 2, paragraphe 1, de la deuxième directive dispose:

«Chaque État membre prend les mesures utiles pour que toute disposition légale ou clause contractuelle qui est contenue dans une police d’assurance délivrée conformément à l’article 3 paragraphe 1 de la [première directive], qui exclut de l’assurance l’utilisation ou la conduite de véhicules par:

– des personnes n’y étant ni expressément ni implicitement autorisées,

ou

– des personnes non titulaires d’un permis leur permettant de conduire le véhicule concerné,

ou

– des personnes qui ne se sont pas conformées aux obligations légales d’ordre technique concernant l’état et la sécurité du véhicule concerné,

soit, pour l’application de l’article 3 paragraphe 1 de la [première directive], réputée sans effet en ce qui concerne le recours des tiers victimes d’un sinistre.

Toutefois, la disposition ou la clause visée au premier tiret peut être opposée aux personnes ayant de leur plein gré pris place dans le véhicule qui a causé le dommage, lorsque l’assureur peut prouver qu’elles savaient que le véhicule était volé.

Les États membres ont la faculté – pour les sinistres survenus sur leur territoire – de ne pas appliquer la disposition du premier alinéa si et dans la mesure où la victime peut obtenir l’indemnisation de son préjudice d’un organisme de sécurité sociale.»

5 L’article 1^er de la troisième directive prévoit:

«Sans préjudice du deuxième alinéa de l’article 2 paragraphe 1 de la [deuxième directive], l’assurance visée à l’article 3 paragraphe 1 de la [première directive] couvre la responsabilité des dommages corporels de tous les passagers autres que le conducteur résultant de la circulation d’un véhicule.

[...]»

6 Aux termes de l’article 1^er bis de la troisième directive, introduit dans celle-ci par la directive 2005/14:

«L’assurance visée à l’article 3, paragraphe 1, de la [première directive] couvre les dommages corporels et matériels subis par les piétons, les cyclistes et les autres usagers de la route non motorisés qui, à la suite d’un accident impliquant un véhicule automoteur, ont droit à une indemnisation conformément au droit civil national. Le présent article ne préjuge ni la responsabilité civile ni le montant de l’indemnisation.»

7 Le considérant 16 de la directive 2005/14 dispose:

«Les dommages corporels et matériels subis par des piétons, des cyclistes et d’autres usagers de la route non motorisés, qui constituent généralement la ‘partie faible’ dans un accident, devraient être couverts par l’assurance obligatoire du véhicule impliqué dans un accident, lorsqu’ils ont droit à une indemnisation conformément au droit civil national. Cette disposition ne préjuge pas la responsabilité civile ni le niveau d’indemnisation des dommages subis lors d’un accident déterminé conformément
à la législation nationale.»

Le droit portugais

8 Aux termes de l’article 503, paragraphe 1, du code civil:

«Toute personne ayant la direction et l’usage d’un véhicule terrestre à moteur pour ses propres besoins, même si elle a transféré la garde à un préposé, est responsable des dommages découlant des risques propres au véhicule, que celui-ci soit en circulation ou non.»

9 L’article 504, paragraphe 1, de ce code dispose:

«La responsabilité pour les dommages causés par des véhicules joue au profit des tiers et des personnes transportées.»

10 Aux termes de l’article 505 dudit code:

«Sans préjudice des dispositions de l’article 570, la responsabilité prévue à l’article 503, paragraphe 1, est exclue uniquement lorsque l’accident est imputable à la victime ou à un tiers, ou lorsqu’il résulte d’un cas de force majeure étranger au fonctionnement du véhicule.»

11 L’article 570 du même code prévoit:

«1. Lorsque la faute de la victime a concouru à la genèse ou à l’aggravation des dommages, il appartient à la juridiction compétente de déterminer, eu égard à la gravité des fautes commises par l’une et l’autre partie, et aux conséquences qui en résultent, si l’indemnisation doit être octroyée en totalité, réduite ou même exclue.

2. Si la responsabilité se fonde sur une simple présomption de faute, la faute de la victime, sauf dispositions contraires, exclut l’obligation d’indemniser.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12 Le 11 août 2005, le requérant au principal, alors âgé de 16 ans, circulant à bicyclette, est entré en collision avec un véhicule assuré par Allianz Portugal.

13 Le Tribunal da Relação de Guimarães expose, à cet égard, que le requérant ne s’est pas arrêté avant de s’engager sur la chaussée, s’est avancé précipitamment sur la chaussée en continuant droit devant lui et a heurté l’avant gauche du véhicule.

14 À la suite de cet accident, le requérant au principal a introduit un recours devant la juridiction portugaise compétente en vue de faire condamner Allianz Portugal au paiement de 95 250 euros à titre d’indemnisation des préjudices matériel et moral subis dans le cadre dudit accident.

15 La juridiction de renvoi relève que, eu égard aux faits établis, et dans la mesure où la survenance de l’accident est due au comportement de la victime (le cycliste), il découle des dispositions des articles 505 et 570 du code civil que les dommages subis par la victime du fait de l’accident ne peuvent être réparés sur la base de la responsabilité objective ou pour risque prévue à l’article 503, paragraphe 1, dudit code et que toute indemnisation est exclue au regard de la législation
nationale portugaise susmentionnée.

16 La juridiction de renvoi relève que, tout en reconnaissant que la responsabilité civile est un domaine qui reste de la compétence des États membres, la Cour a précisé, dans ses arrêts du 30 juin 2005, Candolin e.a. (C‑537/03, Rec. p. I‑5745), ainsi que du 19 avril 2007, Farrell (C‑356/05, Rec. p. I‑3067), que ces derniers devaient exercer cette compétence dans le respect du droit de l’Union et ne pouvaient donc pas priver les dispositions des première, deuxième et troisième directives de
leur effet utile. Lesdites dispositions seraient privées d’un tel effet notamment si, au seul motif que les dommages seraient imputables à la victime elle‑même, une réglementation nationale écartait ou limitait de manière disproportionnée le droit d’être indemnisé.

17 Dans ces conditions, le Tribunal da Relação de Guimarães a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) L’article 1^er bis de la troisième directive 90/232/CEE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, introduit par l’article 4 de la [directive 2005/14/CE], doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale (telle que celle qui résulte des articles 505 et 570 du code civil portugais), en vertu de laquelle l’assurance obligatoire de la
responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs ne couvre pas la responsabilité des dommages corporels et matériels causés à un cycliste dans le cadre d’un accident de la circulation impliquant un véhicule automobile et une bicyclette, bien que l’accident soit dû au seul comportement du cycliste?

2) Dans l’affirmative, c’est-à-dire si cette exclusion de l’indemnisation est contraire au droit communautaire, l’interprétation des directives précitées s’oppose-t-elle à une législation nationale qui limite ou réduit cette indemnisation en tenant compte de la faute du cycliste, d’une part, et du risque inhérent au véhicule automobile, d’autre part, dans la survenance du sinistre?»

18 Par ordonnance du président de la Cour du 18 novembre 2011, la présente procédure a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt dans l’affaire C‑300/10 (arrêt du 23 octobre 2012, Marques Almeida, non encore publié au Recueil).

Sur les questions préjudicielles

19 En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut à tout moment, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

20 Par ses deux questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les première, deuxième et troisième directives doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale qui limite ou exclut le droit à indemnisation de la victime d’un accident impliquant un véhicule automoteur en raison de la contribution, partielle ou exclusive, de celle‑ci à la réalisation du dommage.

21 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le préambule des première et deuxième directives fait ressortir que celles-ci tendent, d’une part, à assurer la libre circulation tant des véhicules stationnant habituellement sur le territoire de l’Union européenne que des personnes qui sont à leur bord et, d’autre part, à garantir que les victimes des accidents causés par ces véhicules bénéficieront d’un traitement comparable, quel que soit le point du territoire de l’Union où l’accident s’est
produit (arrêts du 28 mars 1996, Ruiz Bernáldez, C‑129/94, Rec. p. I‑1829, point 13; du 14 septembre 2000, Mendes Ferreira et Delgado Correia Ferreira, C‑348/98, Rec. p. I‑6711, point 24; du 17 mars 2011, Carvalho Ferreira Santos, C‑484/09, Rec. p. I‑1821, point 24; du 9 juin 2011, Ambrósio Lavrador et Olival Ferreira Bonifácio, C‑409/09, non encore publié au Recueil, point 23, ainsi que Marques Almeida, précité, point 26).

22 La première directive, telle que précisée et complétée par les deuxième et troisième directives, impose donc aux États membres de garantir que la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs ayant leur stationnement habituel sur leur territoire soit couverte par une assurance et précise, notamment, les types de dommages et les tiers victimes que cette assurance doit couvrir (voir arrêts précités Mendes Ferreira et Delgado Correia Ferreira, point 27; Carvalho
Ferreira Santos, point 27; Ambrósio Lavrador et Olival Ferreira Bonifácio, point 24, ainsi que Marques Almeida, point 27).

23 Il convient, cependant, de rappeler que l’obligation de couverture par l’assurance de la responsabilité civile des dommages causés aux tiers du fait des véhicules automoteurs est distincte de l’étendue de l’indemnisation de ces dommages au titre de la responsabilité civile de l’assuré. En effet, alors que la première est définie et garantie par la réglementation de l’Union, la seconde est régie, essentiellement, par le droit national (arrêts précités Ambrósio Lavrador et Olival Ferreira
Bonifácio, point 25, ainsi que Marques Almeida, point 28).

24 À cet égard, la Cour a déjà jugé qu’il ressort de l’objet des première, deuxième et troisième directives, ainsi que de leur libellé, qu’elles ne visent pas à harmoniser les régimes de responsabilité civile des États membres et que, en l’état actuel du droit de l’Union, ces derniers restent libres de déterminer le régime de responsabilité civile applicable aux sinistres résultant de la circulation des véhicules (arrêts précités Ambrósio Lavrador et Olival Ferreira Bonifácio, point 26, ainsi
que Marques Almeida, point 29).

25 Cela étant, les États membres sont obligés de garantir que la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs applicable selon leur droit national est couverte par une assurance conforme aux dispositions des trois directives susmentionnées (arrêts précités Mendes Ferreira et Delgado Correia Ferreira, point 29; Farrell, point 33; Carvalho Ferreira Santos, point 34; Ambrósio Lavrador et Olival Ferreira Bonifácio, point 27, ainsi que Marques Almeida, point 30).

26 Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que les États membres doivent exercer leurs compétences en ce domaine dans le respect du droit de l’Union et que les dispositions nationales qui régissent l’indemnisation des sinistres résultant de la circulation des véhicules ne peuvent priver les première, deuxième et troisième directives de leur effet utile (arrêts précités Ambrósio Lavrador et Olival Ferreira Bonifácio, point 28, ainsi que Marques Almeida, point 31).

27 Ainsi que la Cour l’a précisé, ces directives seraient privées d’un tel effet si, sur le fondement de la contribution de la victime à la réalisation du dommage, une réglementation nationale, définie sur la base de critères généraux et abstraits, soit refusait à la victime le droit d’être indemnisée par l’assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, soit limitait un tel droit de façon disproportionnée. Ce n’est dès lors que dans des
circonstances exceptionnelles que, sur la base d’une appréciation individuelle, ce droit peut être limité (arrêts précités Ambrósio Lavrador et Olival Ferreira Bonifácio, point 29, ainsi que Marques Almeida, point 32).

28 La Cour a ainsi conclu que les articles 2, paragraphe 1, de la deuxième directive et 1^er de la troisième directive s’opposent à une réglementation nationale qui permet de refuser ou de limiter de façon disproportionnée, sur le seul fondement de la contribution d’un passager à la réalisation du dommage qu’il a subi, le droit dudit passager d’être indemnisé par l’assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (arrêt Marques Almeida,
précité, point 33).

29 Toutefois, dans l’affaire au principal, il convient de relever, d’une part, que, à la différence des circonstances ayant donné lieu aux arrêts précités Candolin e.a. ainsi que Farrell, le droit à indemnisation des victimes d’un accident de la circulation est affecté en raison non pas d’une limitation de la couverture de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs par des dispositions en matière d’assurance, mais, à l’instar des litiges à l’origine des
arrêts précités Carvalho Ferreira Santos; Ambrósio Lavrador et Olival Ferreira Bonifácio, ainsi que Marques Almeida, du régime national de responsabilité civile en matière d’accidents de la circulation automobile.

30 En effet, la réglementation nationale en cause au principal ne vise qu’à déterminer le droit de la victime, ainsi que l’étendue éventuelle de ce droit, à une indemnisation au titre de la responsabilité civile de l’assuré. En revanche, elle n’est pas de nature à limiter la couverture d’assurance de la responsabilité civile qui serait établie dans le chef d’un assuré.

31 D’autre part, les articles 503 et 504 du code civil établissent une responsabilité objective en cas d’accident de la circulation, mais, sans préjudice de l’article 570 de ce code, la responsabilité pour risque, prévue à l’article 503, paragraphe 1, dudit code, est, conformément à l’article 505 de celui-ci, exclue uniquement lorsque l’accident est imputable à la victime ou à un tiers, ou qu’il résulte d’un cas de force majeure. L’article 570, paragraphe 1, du code civil précise que, lorsque
la faute de la victime a concouru à la genèse ou à l’aggravation des dommages, celle‑ci peut être privée, en fonction de l’appréciation faite par la juridiction compétente de la gravité des fautes respectives et des conséquences qui en résultent, de tout ou partie de l’indemnisation (voir, en ce sens, arrêts précités Ambrósio Lavrador et Olival Ferreira Bonifácio, point 32, ainsi que Marques Almeida, point 36).

32 En d’autres termes, la législation nationale applicable, dans le cadre d’une affaire telle que celle en cause au principal, n’entend écarter la responsabilité pour risque du conducteur du véhicule impliqué dans l’accident que lorsque l’accident est exclusivement imputable à la victime. En outre, en cas de faute de la victime ayant contribué à la naissance ou à l’aggravation de son dommage, l’indemnisation de celle-ci est, en vertu de cette législation, affectée dans une mesure
proportionnelle au degré de gravité de cette faute (arrêt Ambrósio Lavrador et Olival Ferreira Bonifácio, précité, point 33).

33 Contrairement aux contextes juridiques respectifs dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts précités Candolin e.a. ainsi que Farrell, ladite réglementation nationale n’a donc pas pour effet, en cas de contribution de la victime d’un accident de la circulation, en l’occurrence un cycliste mineur impliqué dans un tel accident, à son propre dommage, d’exclure d’office ou de limiter de manière disproportionnée le droit de cette victime à une indemnisation par l’assurance obligatoire de la
responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs couvrant le conducteur du véhicule impliqué dans l’accident (voir, en ce sens, arrêts précités Carvalho Ferreira Santos, point 43; Ambrósio Lavrador et Olival Ferreira Bonifácio, point 34, ainsi que Marques Almeida, point 37).

34 Par ailleurs, il convient de relever que la directive 2005/14 n’est pas applicable aux faits au principal ratione temporis. En effet, si l’article 7 de ladite directive dispose qu’elle entrait en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, à savoir le 11 juin 2005, son article 6, paragraphe 1, prévoit qu’elle devait être transposée au plus tard le 11 juin 2007. Or, l’accident de la circulation ayant donné naissance au litige au principal s’est produit le 11
août 2005.

35 En tout état de cause, l’ajout, par la directive 2005/14, de l’article 1^er bis à la troisième directive n’est pas de nature à modifier la réponse à la question posée.

36 En effet, si ladite disposition prévoit, certes, que l’assurance visée à l’article 3, paragraphe 1, de la première directive couvre les dommages corporels et matériels subis par les piétons, les cyclistes et les autres usagers de la route non motorisés, elle ne vise, toutefois, que les piétons, les cyclistes et les autres usagers de la route non motorisés qui, à la suite d’un accident impliquant un véhicule automoteur, «ont droit à une indemnisation conformément au droit civil national».

37 Dans le même sens, le considérant 16 de la directive 2005/14 précise expressément que le nouvel article 1^er bis de la troisième directive ne préjuge pas la responsabilité civile ni le niveau d’indemnisation des dommages subis lors d’un accident déterminé conformément à la législation nationale.

38 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de constater qu’une législation nationale telle que celle en cause dans l’affaire au principal n’affecte pas la garantie, prévue par le droit de l’Union, que la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, déterminée selon le droit national applicable, soit couverte par une assurance conforme aux première, deuxième et troisième directives (voir arrêts précités Carvalho Ferreira Santos, point 44; Ambrósio
Lavrador et Olival Ferreira Bonifácio, point 34, ainsi que Marques Almeida, point 38).

39 Il s’ensuit qu’il y a lieu de répondre aux questions posées que les première, deuxième et troisième directives doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à des dispositions nationales relevant du droit de la responsabilité civile qui permettent d’exclure ou de limiter le droit de la victime d’un accident de réclamer une indemnisation au titre de l’assurance de la responsabilité civile du véhicule automoteur impliqué dans l’accident, sur la base d’une appréciation
individuelle de la contribution exclusive ou partielle de cette victime à son propre dommage.

Sur les dépens

40 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit:

La directive 72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, et au contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité, la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des
véhicules automoteurs, et la troisième directive 90/232/CEE du Conseil, du 14 mai 1990, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à des dispositions nationales relevant du droit de la responsabilité civile qui permettent d’exclure ou de limiter le droit de la victime d’un accident de réclamer une indemnisation
au titre de l’assurance de la responsabilité civile du véhicule automoteur impliqué dans l’accident, sur la base d’une appréciation individuelle de la contribution exclusive ou partielle de cette victime à son propre dommage.

Signatures

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* Langue de procédure: le portugais.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C‑486/11
Date de la décision : 21/03/2013
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Article 99 du règlement de procédure – Assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs – Directives 72/166/CEE, 84/5/CEE, 90/232/CEE et 2005/14/CE – Droit à indemnisation par l’assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs – Responsabilité civile de l’assuré – Contribution de la victime au dommage – Exclusion ou limitation du droit à indemnisation.

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Jonathan Rodrigues Esteves
Défendeurs : Companhia de Seguros Allianz Portugal SA.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jääskinen
Rapporteur ?: Šváby

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2013:188

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