La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/02/2013 | CJUE | N°C-266/12

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, Jarosław Majtczak contre Feng Shen Technology Co. Ltd et Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI)., 07/02/2013, C-266/12


ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

7 février 2013 (*)

«Pourvoi – Marque communautaire – Règlement (CE) n° 40/94 – Article 51, paragraphe 1, sous b) – Mauvaise foi du demandeur lors du dépôt de la marque communautaire – Marque figurative FS – Demande en nullité»

Dans l’affaire C‑266/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 28 mai 2012,

Jarosław Majtczak, demeurant à Łódź (Pologne), représenté par M^e J. Radłowski, radc

a prawny,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Feng Shen Technology Co. Ltd, éta...

ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

7 février 2013 (*)

«Pourvoi – Marque communautaire – Règlement (CE) n° 40/94 – Article 51, paragraphe 1, sous b) – Mauvaise foi du demandeur lors du dépôt de la marque communautaire – Marque figurative FS – Demande en nullité»

Dans l’affaire C‑266/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 28 mai 2012,

Jarosław Majtczak, demeurant à Łódź (Pologne), représenté par M^e J. Radłowski, radca prawny,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Feng Shen Technology Co. Ltd, établie à Gueishan Township (Taïwan), représentée par M^e P. Rath, Rechtsanwalt,

partie demanderesse en première instance,

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. D. Šváby et C. Vajda (rapporteur), juges,

avocat général: M^me J. Kokott,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée,

rend la présente

Ordonnance

1 Par son pourvoi, M. Majtczak demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 21 mars 2012, Feng Shen Technology/OHMI – Majtczak (FS) (T-227/09, non encore publié au Recueil, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a annulé la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 1^er avril 2009 (affaire R 529/2008-4) (ci-après la «décision litigieuse») relative à une procédure
de nullité introduite par Feng Shen Technology Co. Ltd (ci-après «Feng Shen») concernant la marque communautaire obtenue par M. Majtczak.

Le cadre juridique

2 Le règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), qui est entré en vigueur le 13 avril 2009. Néanmoins, compte tenu de la date des faits, le présent litige demeure régi par le règlement n° 40/94, tel que modifié par le règlement (CE) n° 422/2004 du Conseil, du 19 février 2004 (JO L 70, p. 1,
ci-après le «règlement n° 40/94»).

3 Sous le titre «Causes de nullité absolue», l’article 51, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 disposait:

«La nullité de la marque communautaire est déclarée, sur demande présentée auprès de l’[OHMI] ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon:

[...]

b) lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.»

Les antécédents du litige

4 Feng Shen est une société taïwanaise qui produit et distribue divers articles dont des fermetures à glissière. Elle est titulaire de plusieurs marques taïwanaises, enregistrées pour désigner, notamment, des produits relevant de la classe 26 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, notamment, à la description suivante, à
savoir «Fermetures à glissière» (ci-après les «marques taïwanaises»). Ces dernières sont représentées par le signe figuratif suivant:

Image not found

5 Feng Shen a noué des relations commerciales avec M. Majtczak qui exerçait des activités commerciales en Pologne sous le nom commercial «PHU Berotex». Les relations commerciales entre Feng Shen et M. Majtczak ayant pris fin au mois de janvier 2005, Feng Shen a fait appel à un autre distributeur pour la Pologne, à savoir Pik Foison sp. z o.o., société créée en 2004.

6 Le 7 juin 2005, M. Majtczak a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’OHMI, en vertu de l’article 25 du règlement n° 40/94, pour les produits relevant de la classe 26 au sens dudit arrangement de Nice et correspondant à la description suivante, à savoir «Fermetures à glissière». La marque communautaire, enregistrée le 15 mai 2006 sous le numéro 4431391, est représentée par le signe figuratif suivant:

Image not found

7 Les 29 septembre et 2 octobre 2006, les douanes polonaises ont saisi, à la demande de M. Majtczak, des lots de fermetures à glissière revêtues des marques taïwanaises auprès de Pik Foison sp. z o.o..

8 Le 17 octobre 2006, Feng Shen a déposé, au titre de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, une demande en nullité de la marque enregistrée par M. Majtczak au motif que ce dernier était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque. À l’appui de sa demande, Feng Shen a fait valoir que M. Majtczak savait qu’elle utilisait un signe composé des lettres majuscules «F» et «S» dans l’Union européenne en tant que marque pour des fermetures à glissière et que la demande
d’enregistrement de la marque contestée avait été déposée dans le but d’empêcher cette utilisation.

9 Le 24 janvier 2008, la division d’annulation de l’OHMI a rejeté la demande en nullité.

10 Le 25 mars 2008, Feng Shen a formé un recours auprès de l’OHMI contre cette décision. Par la décision litigieuse, la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours au motif que Feng Shen n’avait pas rapporté, en l’espèce, la preuve de la mauvaise foi de M. Majtczak lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque communautaire.

Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

11 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 juin 2009, Feng Shen a saisi le Tribunal d’un recours visant à l’annulation de la décision litigieuse et à la déclaration de nullité de la marque contestée. M. Majtczak est intervenu dans cette procédure au soutien de l’OHMI.

12 À l’appui de son recours, Feng Shen a invoqué une violation de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Elle a fait valoir que la mauvaise foi, au sens de cette disposition, peut être démontrée lorsque le demandeur de la marque cherche, par le biais de l’enregistrement de la marque, à déposséder de sa marque le tiers avec lequel il a entretenu des relations commerciales. Pour démontrer la mauvaise foi de M. Majtczak, Feng Shen a souligné qu’elle utilisait les marques
taïwanaises dans l’Union depuis l’année 2000 et que M. Majtczak était informé de cette utilisation.

13 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli le recours formé par Feng Shen et a annulé la décision litigieuse.

14 Le Tribunal a, tout d’abord, relevé, au point 50 de l’arrêt attaqué, que quatre des six considérations retenues par l’OHMI ne reposaient pas sur une analyse de l’ensemble des éléments pertinents et n’étaient pas étayées par les éléments du dossier ou étaient fondées sur des constats factuels inexacts. À cet égard, le Tribunal a jugé que la décision de l’OHMI est entachée de quatre erreurs distinctes. La première erreur serait d’avoir conclu à l’absence d’identité ou de similitude entre la
marque contestée et les marques taïwanaises sans avoir effectué une analyse globale de tous les éléments pertinents, et notamment sans avoir examiné les similitudes phonétique et conceptuelle entre celles-ci. Une deuxième erreur commise par l’OHMI est, selon le Tribunal, d’avoir considéré que Feng Shen a fabriqué des fermetures à glissière conformément aux instructions de M. Majtczak. La troisième erreur résiderait dans le fait d’avoir décidé que M. Majtczak a effectivement utilisé la marque
contestée. Enfin, la quatrième erreur qui serait imputable à l’OHMI serait d’avoir considéré que Feng Shen n’a pas vendu de fermetures à glissière dans l’Union entre l’année 2000 et l’année 2005.

15 Ensuite, le Tribunal a jugé, aux points 51 et 52 de l’arrêt attaqué, que les deux considérations restantes sur lesquelles reposait la conclusion de l’OHMI relative à l’absence de mauvaise foi de M. Majtczak lors du dépôt de la demande d’enregistrement n’étaient pas suffisantes, à elles seules, pour déterminer l’existence ou non de la mauvaise foi de celui-ci et pour rejeter la demande en nullité.

16 Considérant, enfin, aux points 54 à 57 de l’arrêt attaqué, que les éléments établis dans la décision litigieuse étaient insuffisants pour établir la mauvaise foi de M. Majtczak, le Tribunal a débouté Feng Shen de sa demande de réformation tendant à ce que le Tribunal déclare nulle la marque contestée.

17 Il convient de préciser que le Tribunal a, au titre de l’article 63 du règlement n° 40/94 et de l’article 135, paragraphe 4, de son règlement de procédure, écarté, aux points 24 à 26 de l’arrêt attaqué, les documents que Feng Shen et M. Majtczak ont annexés au mémoire en réplique et au mémoire en duplique, ces derniers ayant été déposés pour la première fois devant lui.

Les conclusions des parties devant la Cour

18 Par son pourvoi, le requérant demande à la Cour:

– à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué et de rejeter le recours de Feng Shen devant le Tribunal contre la décision litigieuse;

– à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

– de statuer sur les dépens en sa faveur.

19 L’OHMI demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner le requérant aux dépens.

20 Feng Shen demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner le requérant aux dépens.

Sur le pourvoi

21 En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter totalement ou partiellement ce pourvoi par voie d’ordonnance motivée, et ce sans ouvrir la procédure orale.

22 Il y a lieu de faire usage de cette faculté dans la présente affaire.

Sur la recevabilité du pourvoi

23 Tout en répondant aux arguments du requérant au soutien de sa demande d’annulation de l’arrêt attaqué, l’OHMI exprime, à titre liminaire, des doutes quant à la recevabilité du pourvoi dans son ensemble. Selon l’OHMI, la présentation générale du pourvoi et l’exposé des arguments manquent de clarté et de précision, ce qui pourrait empêcher la pleine compréhension de l’argumentation du requérant et les éléments invoqués au soutien de celle-ci.

24 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il résulte de la lecture combinée de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de cette dernière, dans sa version applicable à la date d’introduction du présent pourvoi, qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée
ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir en ce sens, notamment, arrêt du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C-234/06 P, Rec. p. I-7333, point 44). Ne répond pas à ces exigences et doit être déclaré irrecevable un pourvoi ou un moyen dont le libellé est trop obscur pour recevoir une réponse (voir, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, Rec. p. I‑10821, point 106).

25 En l’espèce, il y a lieu de constater que, comme le soutient l’OHMI à juste titre, la présentation générale du pourvoi manque de clarté et est dépourvue d’une structure cohérente. En effet, sous un seul titre, intitulé «Moyens», figurent des développements divers au soutien de la demande d’annulation de l’arrêt attaqué, lesquels n’ont pas été rédigés avec toute la clarté suffisante pour faire ressortir de manière précise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué et les arguments juridiques
qui soutiennent de manière spécifique sa demande.

26 À cet égard, il convient de relever, premièrement, que ne répondent pas aux exigences rappelées au point 24 de la présente ordonnance les arguments du requérant reprochant au Tribunal d’avoir rendu, en se fondant sur des conclusions factuelles erronées et sur une appréciation sélective des éléments de preuve, son arrêt en violation des règles de procédure. En effet, lesdits arguments soit sont formulés dans des termes vagues et non étayés, soit n’indiquent pas de manière précise les éléments
critiqués dudit arrêt.

27 Deuxièmement, l’argument du requérant faisant grief au Tribunal d’avoir utilisé, dans l’arrêt attaqué, les termes «marques taïwanaises enregistrées» et qui invoque, à son appui, l’arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, Rec. p. I‑4893), d’une part, n’indique pas quelle erreur de droit le Tribunal aurait commise de ce fait et, d’autre part, n’expose pas, d’une manière claire et précise, les arguments juridiques à l’appui de sa critique, contrairement aux exigences
rappelées au point 24 de la présente ordonnance.

28 Troisièmement, l’argument du requérant se bornant à critiquer la conclusion du Tribunal au point 40 de l’arrêt attaqué selon laquelle c’est à tort que l’OHMI a conclu à l’absence de similitude entre les deux marques n’identifie ni l’erreur de droit commise par le Tribunal ni le raisonnement juridique soutenant cet argument, contrairement aux exigences rappelées au point 24 de la présente ordonnance.

29 Quatrièmement, s’agissant de l’argument du requérant visant à contester le point 34 de l’arrêt attaqué qui renvoie aux considérations pertinentes de l’arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, précité, force est de constater que le requérant ne précise pas les raisons pour lesquelles il conteste la position du Tribunal ni l’erreur de droit dont il se prévaut. Il s’ensuit que l’argumentation du requérant ne répond pas aux exigences rappelées au point 24 de la présente ordonnance.

30 Il en résulte que ces arguments doivent être rejetés comme manifestement irrecevables.

31 De surcroît, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 256 TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits (voir arrêt du 10 mai 2012, Helena Rubinstein et L’Oréal/OHMI, C‑100/11 P, non encore
publié au Recueil, point 84). Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (voir arrêt du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C‑167/04 P, Rec. p. I-8935, point 106).

32 En outre, il résulte de la jurisprudence de la Cour que cette dernière n’est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit ainsi que les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il
convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir arrêt du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, non encore publié au Recueil, point 52).

33 Or, le pourvoi du requérant critique essentiellement les constatations factuelles et l’appréciation des éléments de preuve opérées par le Tribunal aux points 47 et 48 de l’arrêt attaqué, sans apporter d’éléments permettant de considérer que le Tribunal aurait dénaturé des éléments de preuve qui lui étaient soumis.

34 Il s’ensuit que lesdits arguments doivent être rejetés comme manifestement irrecevables.

35 Dans la mesure où les arguments soulevés par le requérant répondent aux conditions de recevabilité, il est possible d’identifier un moyen tiré d’une violation de la notion de la mauvaise foi et deux moyens de nature procédurale concernant, d’une part, le refus du Tribunal de prendre en compte certains éléments de preuve présentés pour la première fois devant le Tribunal et, d’autre part, un prétendu renversement de la charge de la preuve.

Sur le moyen faisant grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé la notion de mauvaise foi

Argumentation du requérant

36 Le requérant fait grief au Tribunal de ne pas avoir pris en considération tous les critères pertinents, tels qu’établis dans l’arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, précité, aux fins de l’appréciation de la notion de mauvaise foi. Or, selon lui, une prise en compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce ne permet pas de conclure à sa mauvaise foi.

Appréciation de la Cour

37 S’agissant de l’erreur que le Tribunal aurait prétendument commise en ayant omis d’indiquer quelle incidence la similitude des deux marques ainsi que les autres facteurs identifiés dans l’arrêt attaqué ont sur la notion de mauvaise foi, force est de constater que ce grief est manifestement non fondé.

38 En effet, le Tribunal a, aux points 33 à 36 de l’arrêt attaqué, rappelé qu’il ressort de l’arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, précité, que la mauvaise foi d’un demandeur d’enregistrement d’une marque communautaire, au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs du cas d’espèce. Parmi les facteurs qui sont susceptibles d’être pris en compte figure le fait que le demandeur sait ou doit savoir
qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire. Il s’ensuit qu’il ressort de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que le fait de constater la similitude entre les deux marques était pertinent pour déterminer la mauvaise foi. S’agissant des autres facteurs identifiés dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu, au point 50 de l’arrêt attaqué, que quatre des six constatations de l’OHMI concernant la mauvaise foi du
demandeur ne reposaient pas sur une analyse de l’ensemble des éléments pertinents et n’étaient pas étayées par les éléments du dossier ou étaient fondées sur des constats factuels inexacts. De même, au point 52 de cet arrêt, le Tribunal a indiqué clairement que les éléments de fait et de droit, tels qu’établis dans la décision litigieuse, ne permettaient pas de conclure à l’absence de mauvaise foi du demandeur.

39 Si le grief du requérant devait être interprété comme reprochant à l’arrêt attaqué d’avoir conclu à la mauvaise foi du demandeur, force est de constater que ce grief manque en fait. Il ressort en effet de l’arrêt attaqué que le Tribunal n’a pas tiré pareille conclusion. En effet, pour rejeter, au point 57 de cet arrêt, la demande en réformation de Feng Shen visant à ce que le Tribunal déclare nulle la marque contestée, le Tribunal a, au point 56 dudit arrêt, estimé que les éléments établis
dans la décision litigieuse ne justifiaient pas le constat selon lequel le demandeur n’était pas de mauvaise foi ni, à eux seuls, le constat contraire.

40 En conséquence, il convient de rejeter ce moyen comme manifestement non fondé.

Sur le moyen faisant grief à l’arrêt attaqué d’avoir refusé de prendre en compte certains éléments de preuve présentés pour la première fois devant le Tribunal

Argumentation des parties

41 Le requérant fait valoir que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 25 de l’arrêt attaqué, le requérant n’a pas modifié l’objet du litige au sens de l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, en ayant présenté pour la première fois des éléments de preuve dans son mémoire en duplique devant le Tribunal. Il soutient, à cet égard, qu’il s’est limité à développer et à préciser des arguments présentés précédemment.

42 L’OHMI conteste l’argument du requérant en se référant à la jurisprudence de la Cour selon laquelle le Tribunal n’est pas compétent pour annuler ou réformer la décision de la chambre de recours pour des motifs présentés postérieurement au prononcé de ladite décision.

43 Feng Shen estime que c’est à bon droit que le Tribunal a écarté les pièces versées par le requérant au dossier, celles-ci étant dépourvues de valeur probante.

Appréciation de la Cour

44 Il convient de relever d’emblée que c’est sur la seule prétendue violation de l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal que le requérant critique la conclusion à laquelle cette juridiction est parvenue au point 25 de l’arrêt attaqué quant à l’irrecevabilité des éléments de preuve présentés pour la première fois devant elle, sans contester toutefois ni le fait même qu’il s’agissait bien d’éléments que le requérant lui avait soumis pour la première fois ni le fondement
juridique de cette déclaration d’irrecevabilité par le Tribunal, à savoir l’article 63 du règlement n° 40/94, en vertu duquel celui-ci ne saurait réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui.

45 C’est à bon droit que le Tribunal a rappelé, au point 25 de l’arrêt attaqué, que c’est en raison du fait que le recours porté devant lui tend au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours, au sens de l’article 63 du règlement n° 40/94, que la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été pris, la fonction du Tribunal n’étant pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des
preuves présentées pour la première fois devant lui. C’est, dès lors, également à bon droit qu’il a précisé que l’admission de telles preuves serait contraire à l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours.

46 Dans ces conditions, il convient de rejeter ce moyen comme manifestement non fondé.

Sur le moyen reprochant à l’arrêt attaqué d’avoir opéré un renversement de la charge de la preuve

Argumentation des parties

47 Le requérant fait valoir qu’il serait contraire au principe de la présomption d’innocence de faire peser sur le demandeur d’enregistrement d’une marque la charge de la preuve de sa bonne foi. Selon le requérant, le Tribunal a renversé en l’espèce la charge de la preuve.

48 L’OHMI est d’avis que le requérant a fait une lecture incorrecte de l’arrêt attaqué car le Tribunal s’est limité à annuler la décision de la chambre de recours sans pour autant établir la mauvaise foi du requérant en l’espèce.

Appréciation de la Cour

49 Au point 13 de l’arrêt attaqué, le Tribunal relève, tout d’abord, que la décision litigieuse précise que la charge de prouver que le demandeur d’une marque est de mauvaise foi appartient à celui qui en demande l’annulation, à savoir, en l’espèce, Feng Shen. Le Tribunal note, ensuite, au point 14 de l’arrêt attaqué, que la décision litigieuse décide, sur la base de six considérations distinctes, que Feng Shen n’a pas rapporté cette preuve. Enfin, au terme de l’examen de ces considérations,
effectué aux points 38 à 49 de l’arrêt attaqué, le Tribunal conclut, d’une part, au point 50 de l’arrêt attaqué, que quatre de ces considérations ne reposent pas sur une analyse de l’ensemble des éléments pertinents, telle que requise par l’arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, précité, et ne sont pas étayées par les éléments du dossier ou sont fondées sur des constats factuels inexacts. D’autre part, au point 51 de l’arrêt attaqué, le Tribunal décide que les deux considérations restantes ne
sont pas suffisantes, à elles seules, pour déterminer si le demandeur d’enregistrement était de mauvaise foi, dès lors qu’il s’agit d’éléments qui ne permettent pas d’identifier l’intention qui animait celui-ci lors du dépôt de la demande de marque communautaire. Le Tribunal en conclut, aux points 52 et 56 de l’arrêt attaqué, que l’OHMI n’a pas pu, de ce fait, constater, dans la décision litigieuse, que le demandeur d’enregistrement n’était pas de mauvaise foi ou qu’il l’était. Il découle de ce qui
précède que le Tribunal n’a pas renversé la charge de la preuve pesant sur Feng Shen.

50 Dans ces conditions, il convient de rejeter ce moyen comme manifestement non fondé.

51 Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le présent pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

Sur les dépens

52 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant conclu à la condamnation du requérant et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens afférents au pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) ordonne:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) M. Jarosław Majtczak est condamné aux dépens.

Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

* Langue de procédure: l’anglais.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-266/12
Date de la décision : 07/02/2013
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé, Pourvoi - irrecevable
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi - Marque communautaire - Règlement (CE) nº 40/94 - Article 51, paragraphe 1, sous b) - Mauvaise foi du demandeur lors du dépôt de la marque communautaire - Marque figurative FS - Demande en nullité.

Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale

Marques


Parties
Demandeurs : Jarosław Majtczak
Défendeurs : Feng Shen Technology Co. Ltd et Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott
Rapporteur ?: Vajda

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2013:73

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award