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17/01/2013 | CJUE | N°C‑360/11

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre Royaume d’Espagne., 17/01/2013, C‑360/11


ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

17 janvier 2013 ( *1 )

«Manquement d’État — Taxe sur la valeur ajoutée — Directive 2006/112/CE — Application d’un taux réduit — Articles 96 et 98, paragraphe 2 — Annexe III, points 3 et 4 — ‘Produits pharmaceutiques normalement utilisés pour les soins de santé, la prévention de maladies et le traitement à des fins médicales et vétérinaires’ — ‘Équipements médicaux, matériel auxiliaire et autres appareils normalement destinés à soulager ou [à] traiter des handicaps, à l’usage personnel

et exclusif des handicapés’»

Dans l’affaire C‑360/11,

ayant pour objet un recours en manquement au titre...

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

17 janvier 2013 ( *1 )

«Manquement d’État — Taxe sur la valeur ajoutée — Directive 2006/112/CE — Application d’un taux réduit — Articles 96 et 98, paragraphe 2 — Annexe III, points 3 et 4 — ‘Produits pharmaceutiques normalement utilisés pour les soins de santé, la prévention de maladies et le traitement à des fins médicales et vétérinaires’ — ‘Équipements médicaux, matériel auxiliaire et autres appareils normalement destinés à soulager ou [à] traiter des handicaps, à l’usage personnel et exclusif des handicapés’»

Dans l’affaire C‑360/11,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 8 juillet 2011,

Commission européenne, représentée par Mme L. Lozano Palacios, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume d’Espagne, représenté par Mme S. Centeno Huerta, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič (rapporteur), président de chambre, MM. E. Jarašiūnas et A. Ó Caoimh, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. A. Calot Escobar,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 octobre 2012,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en appliquant un taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»)

— aux substances médicamenteuses susceptibles d’être utilisées de façon habituelle et appropriée dans la fabrication de médicaments;

— aux dispositifs médicaux, au matériel, aux équipements et aux appareils qui ne peuvent objectivement être utilisés que pour prévenir, diagnostiquer, traiter, soulager ou soigner des maladies ou des affections chez l’homme ou l’animal, mais qui ne sont pas normalement destinés à soulager ou à traiter des handicaps et réservés à l’usage personnel et exclusif des personnes handicapées;

— aux appareils et aux accessoires susceptibles d’être utilisés essentiellement ou principalement pour soulager des handicaps physiques chez l’animal;

— et, enfin, aux appareils et aux accessoires essentiellement ou principalement utilisés pour soulager des handicaps chez l’homme, mais qui ne sont pas réservés à l’usage personnel et exclusif des personnes handicapées,

le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 98 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1), lu en combinaison avec l’annexe III de cette directive.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

2 L’article 96 de la directive 2006/112 prévoit:

«Les États membres appliquent un taux normal de TVA fixé par chaque État membre à un pourcentage de la base d’imposition qui est le même pour les livraisons de biens et pour les prestations de services.»

3 L’article 97, paragraphe 1, de la directive 2006/112 dispose que, «[à] partir du 1er janvier 2006 et jusqu’au 31 décembre 2010, le taux normal ne peut être inférieur à 15 %».

4 L’article 98 de cette directive est libellé comme suit:

«1.   Les États membres peuvent appliquer soit un, soit deux taux réduits.

2.   Les taux réduits s’appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories figurant à l’annexe III.

[...]

3.   En appliquant les taux réduits prévus au paragraphe 1 aux catégories qui se réfèrent à des biens, les États membres peuvent recourir à la nomenclature combinée pour délimiter avec précision la catégorie concernée.»

5 L’article 99, paragraphe 1, de ladite directive dispose:

«Les taux réduits sont fixés à un pourcentage de la base d’imposition qui ne peut être inférieur à 5 %.»

6 Aux termes de l’article 114, paragraphe 1, premier alinéa, de la même directive:

«Les États membres qui, au 1er janvier 1993, ont été obligés d’augmenter de plus de 2 % leur taux normal en vigueur au 1er janvier 1991, peuvent appliquer un taux réduit inférieur au minimum fixé à l’article 99 aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories figurant à l’annexe III.»

7 L’annexe III de la directive 2006/112, intitulée «Liste des livraisons de biens et des prestations de services pouvant faire l’objet des taux réduits visés à l’article 98», mentionne, à ses points 3 et 4, ce qui suit:

«3) les produits pharmaceutiques normalement utilisés pour les soins de santé, la prévention de maladies et le traitement à des fins médicales et vétérinaires, y compris les produits utilisés à des fins de contraception et de protection hygiénique féminine;

4) les équipements médicaux, le matériel auxiliaire et les autres appareils normalement destinés à soulager ou [à] traiter des handicaps, à l’usage personnel et exclusif des handicapés, y compris la réparation de ces biens, ainsi que la livraison de sièges d’enfant pour voitures automobiles».

Le droit national

8 L’article 91, première section, paragraphe 1, points 5 et 6, de la loi 37/1992 du 28 décembre 1992 (BOE no 312, du 29 décembre 1992, p. 44247), dans sa version applicable à l’espèce (ci-après «la loi sur la TVA»), prévoit l’application d’un taux réduit de TVA de 8 % aux livraisons, aux acquisitions intracommunautaires et aux importations des biens suivants:

«5.   Les médicaments à usage vétérinaire, ainsi que les substances médicamenteuses susceptibles d’être utilisées de façon habituelle et appropriée dans leur fabrication.

6.   Les appareils et accessoires, y compris les lunettes avec verres correcteurs et les lentilles qui, du fait de leurs caractéristiques objectives, sont susceptibles d’être utilisées essentiellement ou principalement pour soulager des handicaps physiques chez l’homme ou l’animal, y compris les entraves à leur mobilité et à la communication.

Les dispositifs médicaux, le matériel, les équipements ou les appareils qui ne peuvent objectivement être utilisés que pour prévenir, diagnostiquer, traiter, soulager ou guérir des maladies ou des affections chez l’homme ou l’animal.

Ne sont pas inclus dans cette catégorie les produits cosmétiques et les produits d’hygiène personnelle, à l’exclusion des serviettes, tampons et protège-slips.»

9 Conformément à l’article 91, deuxième section, paragraphe 1, point 3, de la loi sur la TVA, un taux «super réduit» de TVA, prévu à l’article 114, paragraphe 1, de la directive 2006/112, qui est de 4 % dans le cas du Royaume d’Espagne, est applicable aux livraisons, aux acquisitions intracommunautaires et aux importations des biens suivants:

«Les médicaments à usage humain, ainsi que les substances médicamenteuses, les formes galéniques et les produits intermédiaires susceptibles d’être utilisés de façon habituelle et appropriée dans leur fabrication.»

La procédure précontentieuse

10 Par lettre de mise en demeure du 22 mars 2010, la Commission a informé le Royaume d’Espagne qu’elle considérait que l’application du système des taux de TVA réduits, visé à l’article 91, première section, paragraphe 1, points 5 et 6, et à l’article 91, deuxième section, paragraphe 1, point 3, de la loi sur la TVA, constituait un manquement aux obligations qui découlent de la directive 2006/112.

11 Dans sa réponse du 28 mai 2010, le Royaume d’Espagne a fait valoir que l’application d’un taux de TVA réduit aux biens visés par lesdites dispositions de la loi sur la TVA était permise par les points 3 et 4 de l’annexe III de la directive 2006/112 et était, dès lors, conforme à cette dernière.

12 À l’appui de cette conclusion, le Royaume d’Espagne a tout d’abord invoqué la nécessité d’interpréter la notion de «produits pharmaceutiques» au sens du point 3 de cette annexe III, en conformité avec la définition de produit pharmaceutique applicable dans l’ordre juridique national, qui engloberait non seulement les médicaments, mais aussi les appareils et les dispositifs médicaux. Ensuite, il a soutenu que les médicaments finis, les formules magistrales, les formules officinales, les substances
actives et les formes pharmaceutiques, tels que définis par la législation nationale, devaient être regardés comme des «produits pharmaceutiques» au sens du point 3 de ladite annexe. Enfin, le Royaume d’Espagne a fait valoir que la notion de personne «handicapé[e]» au sens du point 4 de cette même annexe devait être comprise, selon les orientations de l’Organisation mondiale de la santé en la matière, comme se référant à toute personne atteinte d’une maladie invalidante.

13 N’étant pas convaincue par cette réponse, la Commission a émis, le 25 novembre 2010, un avis motivé invitant le Royaume d’Espagne à prendre les mesures appropriées pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

14 Par lettre du 31 janvier 2011, les autorités espagnoles ont réitéré leur position selon laquelle les dispositions nationales litigieuses sont conformes aux dispositions de la directive 2006/112.

15 N’étant pas satisfaite de cette réponse, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

Sur le recours

Considérations liminaires

16 Il convient d’analyser, à titre liminaire, l’argumentation du Royaume d’Espagne selon laquelle les catégories de biens et de services visées à l’annexe III de la directive 2006/112 ne sont pas définies de façon suffisamment claire pour justifier l’introduction d’un recours en manquement et que, partant, l’interprétation restrictive des points 3 et 4 de cette annexe, effectuée par la Commission, ne doit pas être privilégiée par rapport à d’autres interprétations possibles fondées, notamment, sur
le droit national.

17 Selon la Commission, en revanche, les dispositions de ladite annexe sont suffisamment précises et, en application des principes d’uniformité et d’égalité, elles doivent faire l’objet d’une interprétation autonome et uniforme au niveau de l’Union. Elle indique, de surcroît, que le Royaume d’Espagne a été suffisamment informé de l’étendue de ses obligations par l’avis motivé de la Commission.

18 Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que les dispositions qui ont le caractère de dérogation à un principe doivent être interprétées de manière stricte (voir, notamment, arrêts du 12 décembre 1995, Oude Luttikhuis e.a., C-399/93, Rec. p. I-4515, point 23; du 18 janvier 2001, Commission/Espagne, C-83/99, Rec. p. I-445, point 19, ainsi que du 3 mars 2011, Commission/Pays-Bas, C-41/09, Rec. p. I-831, point 58).

19 La Cour a également jugé à plusieurs reprises qu’il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union européenne, une interprétation autonome et uniforme (voir arrêt du 21 décembre 2011, Ziolkowski et Szeja, C-424/10 et C-425/10, Rec. p. I-14035,
point 32 ainsi que jurisprudence citée).

20 Il découle des considérations qui précèdent que, ainsi que la Commission l’a fait valoir, les dispositions du droit de l’Union qui permettent l’application d’un taux réduit de TVA doivent, en tant que possibilité reconnue aux États membres par dérogation au principe selon lequel le taux normal est applicable, faire l’objet d’une interprétation stricte. En outre, les points 3 et 4 de l’annexe III de la directive 2006/112 ne comportant aucun renvoi exprès au droit des États membres, ils doivent
trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme.

21 Contrairement à ce que soutient le Royaume d’Espagne, ces constatations ne sont pas infirmées par la circonstance que ces points énumèrent des catégories générales de biens qu’il appartient ensuite aux États membres de préciser dans le cadre de leurs législations nationales.

22 À cet égard, il suffit de signaler, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 25 de ses conclusions, que les États membres sont tenus de respecter, lorsqu’ils précisent les catégories particulières des biens auxquelles ils appliquent un taux réduit de TVA, les contours des catégories définies auxdits points, tels qu’interprétés par la Cour.

Sur le premier grief, tiré de l’application d’un taux réduit de TVA aux substances médicamenteuses susceptibles d’être utilisées de façon habituelle et appropriée dans la fabrication de médicaments

Sur la portée du premier grief

– Argumentation des parties

23 Tant dans son mémoire en défense que dans sa duplique, le Royaume d’Espagne conteste l’argumentation de la Commission concernant les «produits intermédiaires» mentionnés à l’article 91, deuxième section, paragraphe 1, point 3, de la loi sur la TVA.

24 Selon lui, le premier grief de la Commission, tel que défini dans la procédure précontentieuse et dans l’énoncé des griefs de la requête, ne porterait que sur les substances médicamenteuses, à l’exclusion desdits «produits intermédiaires».

25 La Commission réfute les affirmations avancées par le Royaume d’Espagne dans son mémoire en défense et dans sa duplique en ce qui concerne les «produits intermédiaires», et confirme qu’elle conteste l’application d’un taux réduit de TVA auxdits produits.

– Appréciation de la Cour

26 Il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 120, sous c), du règlement de procédure de la Cour et de la jurisprudence y relative que toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens, et que cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et à la Cour d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est
fondé doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même et que les conclusions de cette dernière doivent être formulées de manière non équivoque afin d’éviter que la Cour ne statue ultra petita ou bien n’omette de statuer sur un grief (voir arrêt du 14 janvier 2010, Commission/République tchèque, C-343/08, Rec. I-275, point 26 et jurisprudence citée).

27 En l’occurrence, force est de constater que, si la Commission mentionne à plusieurs reprises les «produits intermédiaires» dans sa lettre de mise en demeure, dans son avis motivé et dans sa requête, elle ne mentionne lesdits produits ni dans les énoncés des griefs ni dans ses conclusions.

28 Il s’ensuit que le premier grief du présent recours doit être compris en ce sens que la Commission fait grief au Royaume d’Espagne d’appliquer un taux réduit de TVA uniquement aux substances médicamenteuses susceptibles d’être utilisées de façon habituelle et appropriée dans la fabrication de médicaments.

Sur le fond

– Argumentation des parties

29 Par son premier grief, la Commission estime que l’application de taux réduits de TVA aux substances médicamenteuses susceptibles d’être utilisées de façon habituelle et appropriée dans la fabrication de médicaments, prévue à l’article 91, première section, paragraphe 1, point 5, et à l’article 91, deuxième section, paragraphe 1, point 3, de la loi sur la TVA, est contraire à la directive 2006/112.

30 À cet égard, elle fait valoir que le point 3 de l’annexe III de cette directive permet aux États membres d’appliquer un taux réduit de TVA aux biens remplissant certaines conditions, à savoir, d’une part, qu’il doit s’agir de «produits pharmaceutiques» et, d’autre part, que ces produits doivent être «normalement utilisés pour les soins de santé, la prévention de maladies et le traitement à des fins médicales et vétérinaires».

31 Selon la Commission, les substances médicamenteuses ne sont pas des produits finis et, dès lors, elles ne peuvent pas être considérées comme des produits «normalement utilisés pour les soins de santé, la prévention de maladies et le traitement à des fins médicales et vétérinaires».

32 Cette conclusion serait corroborée par la considération selon laquelle, si le législateur de l’Union avait voulu inclure, dans un point de l’annexe III de la directive 2006/112, non seulement les produits finis, mais également ceux utilisés pour la fabrication de ces produits, il l’aurait indiqué expressément.

33 La Commission fait référence, en outre, aux définitions contenues dans la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO L 311, p. 67). Il ressortirait de ladite directive que les formules magistrales et les formules officinales sont des produits pharmaceutiques finis, alors que les substances actives, définies comme toute substance entrant dans la composition d’un médicament, ne sont pas
des produits finis destinés à la consommation humaine ou animale.

34 En revanche, le Royaume d’Espagne soutient que les substances médicamenteuses sont des «produits pharmaceutiques» au sens du point 3 de l’annexe III de la directive 2006/112.

35 Il considère que, en l’absence de définition de la notion de «produits pharmaceutiques» au niveau de l’Union, les États membres peuvent appliquer les définitions existantes dans leurs ordres juridiques nationaux. Or, dans de nombreuses lois nationales, cette notion serait définie largement comme comprenant également les substances médicamenteuses.

36 Le Royaume d’Espagne fait valoir, en outre, que certaines substances médicamenteuses peuvent être commercialisées comme des produits finis, sans qu’il soit nécessaire de les mélanger à d’autres substances.

37 Dans sa réplique, la Commission admet que, lorsqu’elles sont commercialisées comme des produits pharmaceutiques finis, en vue de leur utilisation directe par le consommateur, il n’y a pas d’inconvénient à ce qu’un taux de TVA réduit soit appliqué aux substances médicamenteuses. Elle rappelle à cet égard la jurisprudence de la Cour selon laquelle l’application d’un taux réduit de TVA, dans le cas d’un bien susceptible de faire l’objet d’utilisations différentes, est subordonnée, pour chaque
opération de livraison, à l’usage concret auquel ce bien est destiné par son acheteur (arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 65).

– Appréciation de la Cour

38 Les parties s’opposent quant à l’interprétation à donner de la notion de «produits pharmaceutiques normalement utilisés pour les soins de santé, la prévention de maladies et le traitement à des fins médicales et vétérinaires» au sens du point 3 de l’annexe III de la directive 2006/112. Il s’agit notamment de savoir si ladite notion peut englober des substances médicamenteuses susceptibles d’être utilisées de façon habituelle et appropriée dans la fabrication de médicaments.

39 À cet égard, il convient de relever, ainsi que la Commission l’a fait valoir dans sa requête, que ledit point 3 permet d’appliquer un taux réduit de TVA aux biens remplissant deux conditions. Il doit s’agir, d’une part, de «produits pharmaceutiques» et, d’autre part, lesdits produits doivent être «normalement utilisés pour les soins de santé, la prévention de maladies et le traitement à des fins médicales et vétérinaires».

40 La Commission propose de considérer que la notion de «produits pharmaceutiques» au sens de cette annexe III est comparable à celle de «médicament» contenue à l’article 1er de la directive 2001/83.

41 Il importe de signaler, toutefois, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 33 à 35 de ses conclusions, qu’il existe d’importantes différences entre ces deux notions.

42 Tout d’abord, il y a lieu de constater que la plupart des versions linguistiques de la directive 2001/83 et de l’annexe III de la directive 2006/112 recourent à des termes différents s’agissant desdites notions. Ainsi, dans la version en langue anglaise de ces deux actes, les notions de «médicament» et de «produit pharmaceutique» sont respectivement désignées par les expressions «medicinal product» et «pharmaceutical product». Il en va de même, notamment, dans les versions en langues espagnole
(«medicamento» et «producto farmacéutico»), lituanienne («vaistai» et «farmacijos gaminiai»), polonaise («produkt leczniczy» et «produkty farmaceutyczne»), roumaine («medicament» et «produsele farmaceutice»), slovène («zdravilo» et «farmacevtski izdelki») ainsi que suédoise («läkemedel» et «farmaceutiska produkter»). Ensuite, il apparaît avec évidence que les objectifs poursuivis par l’annexe III de la directive 2006/112 diffèrent de ceux de la directive 2001/83, dans la mesure où cette dernière
a vocation à harmoniser les conditions de mise sur le marché des médicaments à usage humain. Enfin, il est important de rappeler que, alors que la directive 2001/83 s’applique exclusivement aux médicaments à usage humain, le point 3 de l’annexe III couvre également les usages vétérinaires.

43 Dans ces conditions, contrairement à ce qu’a fait valoir la Commission, il convient de constater que la notion de «produit pharmaceutique» au sens dudit point 3, tout en englobant la notion de «médicament» au sens de la directive 2001/83, doit être interprétée comme ayant une signification plus large que cette dernière.

44 Cette interprétation est d’ailleurs conforme à la notion de «produit pharmaceutique», employée au chapitre 30 de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 1238/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 2000 (JO L 348, p. 36), qui mentionne en tant que produits pharmaceutiques non
seulement les médicaments, mais également d’autres préparations et articles pharmaceutiques, comme les ouates, les gazes, les bandes et les articles similaires.

45 De plus, le point 3, dernière phrase, de l’annexe III de la directive 2006/112 fait référence à des biens qui ne peuvent pas être compris dans la notion de «médicament» au sens de la directive 2001/83, tels que les «produits utilisés à des fins de contraception et de protection hygiénique féminine».

46 Il n’en demeure pas moins que, pour entrer dans la catégorie visée à ce point 3, encore faut-il que les biens soient «normalement utilisés pour les soins de santé, la prévention de maladies et le traitement à des fins médicales et vétérinaires».

47 Il résulte de ces considérations que ledit point 3 ne vise que les produits finis, susceptibles d’être utilisés directement par le consommateur final, à l’exclusion des produits pouvant être utilisés dans la fabrication des médicaments, qui doivent normalement faire l’objet d’une transformation ultérieure.

48 Cette interprétation est corroborée par la finalité de l’annexe III de la directive 2006/112, qui est de rendre moins onéreux, et donc plus accessibles pour le consommateur final, qui supporte en définitive la TVA, certains biens considérés comme étant particulièrement nécessaires.

49 Enfin, ainsi que M. l’avocat général l’a fait valoir au point 39 de ses conclusions, dans les cas où une substance médicamenteuse peut être commercialisée comme un produit fini, sans devoir la mélanger à d’autres substances, et qu’elle est, par conséquent, susceptible d’une utilisation directe par le consommateur final «pour les soins de santé, la prévention de maladies ou le traitement à des fins médicales et vétérinaires», il n’y a pas de raison qu’un taux réduit de TVA ne puisse pas lui être
appliqué.

50 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que le point 3 de l’annexe III de la directive 2006/112 permet l’application d’un taux réduit de TVA aux substances médicamenteuses dans la seule mesure où elles sont susceptibles d’une utilisation directe par le consommateur final pour les soins de santé, la prévention de maladies ou le traitement à des fins médicales et vétérinaires.

51 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer le premier grief de la Commission comme étant fondé.

Sur le deuxième grief, tiré de l’application d’un taux réduit de TVA aux dispositifs médicaux, au matériel, aux équipements et aux appareils qui ne peuvent objectivement être utilisés que pour prévenir, diagnostiquer, traiter, soulager ou soigner des maladies ou des affections chez l’homme ou l’animal

Argumentation des parties

52 La Commission considère que l’application d’un taux réduit de TVA aux dispositifs médicaux, au matériel, aux équipements et aux appareils qui ne peuvent objectivement être utilisés que pour prévenir, diagnostiquer, traiter, soulager ou soigner des maladies ou des affections chez l’homme ou l’animal, prévue à l’article 91, première section, paragraphe 1, point 6, deuxième alinéa, de la loi sur la TVA, est contraire à la directive 2006/112.

53 D’une part, l’application, en vertu de ladite disposition nationale, d’un taux réduit de TVA aux équipements médicaux utilisés pour le diagnostic et le traitement vétérinaire, ne serait pas conforme au point 4 de l’annexe III de la directive 2006/112, qui ne vise que les équipements, le matériel auxiliaire et les appareils à usage exclusivement humain.

54 D’autre part, le point 3 de cette annexe ne serait pas applicable. En effet, la notion de «produits pharmaceutiques» au sens de cette disposition devrait être comprise comme synonyme de celle de «médicament» au sens de la directive 2001/83. Dès lors, ces dispositifs, ces appareils, ce matériel et ces équipements médicaux à usage général ne pourraient relever de cette notion de «produits pharmaceutiques».

55 En revanche, le Royaume d’Espagne estime que les biens visés à l’article 91, première section, paragraphe 1, point 6, deuxième alinéa, de la loi sur la TVA entrent dans le champ d’application du point 3 de ladite annexe.

56 Il soutient que la catégorie visée audit point 3 comprendrait non seulement les médicaments, mais également les dispositifs médicaux. Il fait valoir, à l’appui de cette interprétation, que l’article 168 TFUE se réfère tant aux médicaments qu’aux dispositifs à usage médical et que, partant, la même protection devrait être accordée à ces deux catégories de biens, regroupées sous les termes de «produits pharmaceutiques».

57 En outre, une telle interprétation ne viderait pas de son sens le point 4 de l’annexe III de la directive 2006/112. Les dispositifs médicaux visés à ce point, «destinés à soulager ou [à] traiter des handicaps, à l’usage personnel et exclusif des handicapés», seraient conçus pour une utilisation spécifique. Il ne serait donc pas contradictoire de considérer que la notion de «produit pharmaceutique» au sens du point 3 de cette annexe englobe non seulement les médicaments, mais aussi les dispositifs
médicaux qui ne sont pas conçus pour une utilisation spécifique mais qui sont «normalement utilisés pour les soins de santé, la prévention des maladies et le traitement à des fins médicales et vétérinaires».

Appréciation de la Cour

58 La Commission reproche au Royaume d’Espagne d’avoir appliqué un taux réduit de TVA à la catégorie des biens consistant en des dispositifs médicaux, du matériel, des équipements et des appareils «qui ne peuvent objectivement être utilisés que pour prévenir, diagnostiquer, traiter, soulager ou soigner des maladies ou des affections chez l’homme ou l’animal».

59 Ainsi que la Commission l’a fait valoir, le point 4 de l’annexe III de la directive 2006/112 ne permet pas d’appliquer un taux réduit de TVA à cette catégorie de biens dans la mesure où, d’une part, il ne couvre pas les dispositifs médicaux, le matériel, les équipements et les appareils à usage général et, d’autre part, il ne vise que l’usage humain, à l’exclusion de l’usage vétérinaire.

60 Aussi, afin d’apprécier le bien-fondé du deuxième grief de la Commission, convient-il d’analyser si les biens visés à l’article 91, première section, paragraphe 1, point 6, deuxième alinéa, de la loi sur la TVA peuvent être considérés comme des «produits pharmaceutiques» au sens du point 3 de ladite annexe III.

61 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 43 du présent arrêt, la notion de «produit pharmaceutique» au sens de cette disposition, tout en englobant la notion de «médicament» au sens de la directive 2001/83, doit être interprétée comme ayant un sens plus large que cette dernière.

62 Cela étant, l’argumentation du Royaume d’Espagne, selon laquelle la notion de «produit pharmaceutique» peut englober tout dispositif, appareil, matériel ou équipement médical à usage général, ne saurait être retenue.

63 En effet, non seulement les catégories visées à l’annexe III de la directive 2006/112 doivent faire l’objet d’une interprétation stricte dans la mesure où la disposition de droit de l’Union en cause a le caractère de mesure dérogatoire, conformément à la jurisprudence rappelée au point 18 du présent arrêt, mais les notions employées à cette annexe doivent être interprétées conformément au sens habituel des termes en cause. Or, il convient de constater que, au regard du sens habituel, dans le
langage courant, de la notion de «produit pharmaceutique», tout dispositif, équipement, appareil ou matériel à usage médical ou vétérinaire ne peut être regardé comme relevant de cette notion.

64 Cette interprétation est corroborée par l’économie générale de l’annexe III de la directive 2006/112, et notamment par la circonstance que, au point 4 de cette annexe, des dispositifs médicaux avec un usage spécifique sont spécifiquement visés. En effet, ainsi que la Commission l’a fait observer, cette disposition serait vidée de son sens si le point 3 de ladite annexe devait être interprété comme permettant l’application d’un taux réduit de TVA à tout dispositif ou appareil médical,
indépendamment de l’usage auquel il est destiné.

65 Au demeurant, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 48 du présent arrêt, le but de l’application des taux réduits de TVA est notamment d’alléger le coût pour le consommateur final de certains biens essentiels. Or, le coût des dispositifs, des appareils, du matériel ainsi que des équipements médicaux et vétérinaires serait rarement supporté directement par le consommateur final, ces produits étant principalement utilisés par des professionnels du secteur de la santé pour
la fourniture de services, qui peuvent, eux-mêmes, être exonérés de la TVA en vertu de l’article 132 de la directive 2006/112.

66 Une telle interprétation n’est, en outre, pas incompatible avec l’article 168 TFUE. À cet égard, il suffit de constater que, s’il est vrai que cet article vise, à son paragraphe 4, sous c), les médicaments et les dispositifs à usage médical, l’objectif poursuivi par cette disposition, à savoir l’établissement de normes élevées de qualité et de sécurité, diffère substantiellement de celui visé par l’annexe III de la directive 2006/112, tel qu’exposé ci-dessus.

67 Il découle des considérations qui précèdent que ni le point 4 ni le point 3 de cette annexe ne permettent d’appliquer un taux réduit de TVA aux «dispositifs médicaux, au matériel, aux équipements et aux appareils qui ne peuvent objectivement être utilisés que pour prévenir, diagnostiquer, traiter, soulager ou soigner des maladies ou des affections chez l’homme ou l’animal».

68 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer le deuxième grief de la Commission comme étant fondé.

Sur le troisième grief, tiré de l’application d’un taux réduit de TVA aux biens utilisés pour soulager des handicaps physiques chez l’animal

Argumentation des parties

69 La Commission fait valoir que l’application d’un taux réduit de TVA aux biens utilisés pour soulager des handicaps physiques chez l’animal, prévue à l’article 91, première section, paragraphe 1, point 6, premier alinéa, de la loi sur la TVA, est contraire à la directive 2006/112. Ainsi que les arguments avancés par la Commission dans le cadre des deux premiers griefs le mettraient en évidence, ni le point 3 de l’annexe III de la directive 2006/112 – limité aux produits pharmaceutiques stricto
sensu –, ni le point 4 de celle-ci – limité à l’usage humain des biens visés – n’autoriseraient l’application à ces biens d’un tel taux.

70 Dans son mémoire en défense, le Royaume d’Espagne renvoie aux réponses avancées durant les différentes phases de la procédure précontentieuse, dans lesquelles il a fait valoir, en substance, que le point 3 de ladite annexe inclut les dispositifs et les appareils médicaux et vétérinaires.

Appréciation de la Cour

71 Pour apprécier le bien-fondé du troisième grief de la Commission, il convient de relever, d’une part, ainsi qu’il a été exposé aux points 61 à 67 du présent arrêt, que la notion de «produit pharmaceutique» au sens du point 3 de l’annexe III de la directive 2006/112 ne peut pas être interprétée en ce sens qu’elle inclut les appareils ainsi que les dispositifs médicaux et vétérinaires.

72 Il s’ensuit que cette disposition ne permet pas d’appliquer un taux réduit de TVA aux appareils et aux accessoires susceptibles d’être utilisés pour soulager des handicaps physiques chez l’animal.

73 D’autre part, il ressort clairement des termes du point 4 de cette annexe que cette disposition ne vise que les équipements médicaux, le matériel auxiliaire et les autres appareils normalement destinés à soulager ou à traiter des handicaps chez les humains. En effet, il est notoire que le terme «handicapés», utilisé dans la deuxième phrase de cette disposition, se réfère non pas aux animaux affectés par un handicap physique, mais uniquement aux personnes.

74 De surcroît, ainsi que la Commission l’a soutenu à juste titre, il y a lieu de considérer que, si le législateur de l’Union avait voulu inclure le volet vétérinaire dans la catégorie de biens visée au point 4 de ladite annexe, il l’aurait mentionné expressément, comme c’est notamment le cas du point 3 de celle-ci.

75 Il s’ensuit que ni le point 4 de l’annexe III de la directive 2006/112 ni son point 3 ne permettent d’appliquer un taux réduit de TVA aux appareils et aux accessoires susceptibles d’être utilisés pour soulager des handicaps physiques chez l’animal.

76 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer le troisième grief de la Commission comme étant fondé.

Sur le quatrième grief, tiré de l’application d’un taux réduit de TVA aux appareils et aux accessoires essentiellement ou principalement utilisés pour soulager des handicaps chez l’homme, mais qui ne sont pas réservés à l’usage personnel et exclusif des personnes handicapées

Argumentation des parties

77 La Commission soutient que l’application d’un taux réduit de TVA aux appareils et aux accessoires essentiellement ou principalement utilisés pour soulager des handicaps chez l’homme, mais qui ne sont pas réservés à l’usage personnel et exclusif des personnes handicapées, prévue à l’article 91, première section, paragraphe 1, point 6, premier alinéa, de la loi sur la TVA, est contraire à la directive 2006/112.

78 Elle fait observer, à cet égard, que le point 4 de l’annexe III de la directive 2006/112 permet aux États membres d’appliquer un taux réduit de TVA aux biens remplissant certaines conditions. D’une part, ces biens doivent pouvoir être regardés comme «[des] équipements médicaux, [du] matériel auxiliaire et [des] autres appareils» et, d’autre part, ils doivent être «normalement destinés à soulager ou [à] traiter des handicaps, à l’usage personnel et exclusif des handicapés».

79 Partant, ce point 4 inclurait non pas les équipements médicaux d’usage général, mais uniquement ceux destinés à l’usage «personnel et exclusif des handicapés». Cette interprétation serait d’ailleurs corroborée par les orientations adoptées au sein du comité de la TVA.

80 Eu égard à ces considérations, la Commission estime que, dans la mesure où la loi sur la TVA applique un taux de TVA réduit aux appareils et aux accessoires «essentiellement ou principalement utilisés pour soulager des handicaps», son champ d’application dépasse celui autorisé par la directive 2006/112.

81 La Commission considère, en outre, que le Royaume d’Espagne a donné, dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, un sens excessivement large à la notion de «handicap», considérant ladite notion comme synonyme de «maladie».

82 Le Royaume d’Espagne conteste l’interprétation de la notion de «handicap» proposée par la Commission. Il soutient que, en l’absence d’une définition uniforme de cette notion au niveau de l’Union, il est nécessaire d’appliquer les concepts plus récents établis par l’Organisation mondiale de la santé. Or, en appliquant ces concepts, il faudrait considérer comme une personne handicapée, toute personne atteinte d’une maladie invalidante. Une telle définition permettrait ainsi de considérer les
personnes affectées par des maladies comme le sida, le cancer ou l’insuffisance rénale comme des personnes handicapées, ce qui préviendrait ainsi les discriminations dont les personnes atteintes de ces maladies peuvent souffrir. Cette interprétation ne saurait être différente du seul fait qu’il s’agit en l’espèce du domaine fiscal.

83 Le Royaume d’Espagne soutient, par ailleurs, qu’il est difficile de différencier les dispositifs médicaux afin de déterminer ceux servant ou ceux ne servant pas dans des situations de handicap, invoquant de nouveau les difficultés de fonder un manquement sur les dispositions de l’annexe III de la directive 2006/112 en raison de leur manque de précision. Il rappelle, enfin, que les orientations du comité de la TVA, auxquelles la Commission fait référence dans sa requête, n’ont pas de valeur
interprétative contraignante.

Appréciation de la Cour

84 Il convient, afin de traiter le quatrième grief de la Commission, de déterminer si le point 4 de l’annexe III de la directive 2006/112 peut s’appliquer à des appareils et à des accessoires qui ne sont pas réservés à l’usage personnel et exclusif des personnes handicapées, mais qui sont essentiellement ou principalement utilisés pour soulager les handicaps de ces dernières.

85 À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort du sens même des termes «personnel» et «exclusif» figurant audit point 4 que celui-ci ne vise pas les dispositifs à usage général.

86 Ainsi, l’objectif consistant à alléger le coût pour le consommateur final de certains biens essentiels, exposé au point 48 du présent arrêt, ne permet pas de justifier l’application d’un taux réduit de TVA aux dispositifs médicaux à usage général utilisés par des hôpitaux et des professionnels des services sanitaires.

87 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation du Royaume d’Espagne, selon laquelle certains dispositifs et appareils peuvent faire l’objet tant d’un usage général que d’un usage personnel et exclusif par les personnes handicapées. À cet égard, il suffit de rappeler que la Cour a déjà jugé que l’application d’un taux réduit de TVA, dans le cas d’un bien susceptible de faire l’objet d’utilisations différentes, serait subordonnée, pour chaque opération de livraison, à l’usage
concret auquel ce bien est destiné par son acheteur (voir, par analogie, arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 65).

88 Il s’ensuit que les appareils et les accessoires essentiellement ou principalement utilisés pour soulager des handicaps chez l’homme, mais qui ne sont pas réservés à l’usage personnel et exclusif des personnes handicapées ne peuvent se voir appliquer, en vertu du point 4 de l’annexe III de la directive 2006/112, un taux réduit de TVA.

89 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer le quatrième grief comme fondé et, partant, d’accueillir le recours de la Commission.

90 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en appliquant un taux réduit de TVA

— aux substances médicamenteuses susceptibles d’être utilisées de façon habituelle et appropriée dans la fabrication de médicaments;

— aux dispositifs médicaux, au matériel, aux équipements et aux appareils qui ne peuvent objectivement être utilisés que pour prévenir, diagnostiquer, traiter, soulager ou soigner des maladies ou des affections chez l’homme ou l’animal, mais qui ne sont pas normalement destinés à soulager ou à traiter des handicaps et réservés à l’usage personnel et exclusif des personnes handicapées;

— aux appareils et aux accessoires susceptibles d’être utilisés essentiellement ou principalement pour soulager des handicaps physiques chez l’animal;

— et, enfin, aux appareils et aux accessoires essentiellement ou principalement utilisés pour soulager des handicaps chez l’homme, mais qui ne sont pas réservés à l’usage personnel et exclusif des personnes handicapées,

le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 98 de la directive 2006/112, lu en combinaison avec l’annexe III de celle-ci.

Sur les dépens

91 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume d’Espagne et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

  Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

  1) En appliquant un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée

— aux substances médicamenteuses susceptibles d’être utilisées de façon habituelle et appropriée dans la fabrication de médicaments;

— aux dispositifs médicaux, au matériel, aux équipements et aux appareils qui ne peuvent objectivement être utilisés que pour prévenir, diagnostiquer, traiter, soulager ou soigner des maladies ou des affections chez l’homme ou l’animal, mais qui ne sont pas normalement destinés à soulager ou à traiter des handicaps et réservés à l’usage personnel et exclusif des personnes handicapées;

— aux appareils et aux accessoires susceptibles d’être utilisés essentiellement ou principalement pour soulager des handicaps physiques chez l’animal;

— et, enfin, aux appareils et aux accessoires essentiellement ou principalement utilisés pour soulager des handicaps chez l’homme, mais qui ne sont pas réservés à l’usage personnel et exclusif des personnes handicapées,

le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 98 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, lu en combinaison avec l’annexe III de celle-ci.

  2) Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: l’espagnol.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C‑360/11
Date de la décision : 17/01/2013
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d’État – Taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Application d’un taux réduit – Articles 96 et 98, paragraphe 2 – Annexe III, points 3 et 4 – ‘Produits pharmaceutiques normalement utilisés pour les soins de santé, la prévention de maladies et le traitement à des fins médicales et vétérinaires’ – ‘Équipements médicaux, matériel auxiliaire et autres appareils normalement destinés à soulager ou [à] traiter des handicaps, à l’usage personnel et exclusif des handicapés’.

Taxe sur la valeur ajoutée

Fiscalité


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : Royaume d’Espagne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jääskinen
Rapporteur ?: Ilešič

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2013:17

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