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13/12/2012 | CJUE | N°C-593/11

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, Alliance One International, Inc. contre Commission européenne., 13/12/2012, C-593/11


ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

13 décembre 2012 (*)

«Pourvoi – Concurrence – Entente – Marché italien de l’achat et de la première transformation de tabac brut – Fixation des prix et répartition du marché – Imputabilité du comportement infractionnel de filiales à leurs sociétés mères – Présomption d’innocence – Droits de la défense – Obligation de motivation»

Dans l’affaire C‑593/11 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit

le 23 novembre 2011,

Alliance One International Inc., établie à Danville, Virginie (États‑Unis), représentée pa...

ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

13 décembre 2012 (*)

«Pourvoi – Concurrence – Entente – Marché italien de l’achat et de la première transformation de tabac brut – Fixation des prix et répartition du marché – Imputabilité du comportement infractionnel de filiales à leurs sociétés mères – Présomption d’innocence – Droits de la défense – Obligation de motivation»

Dans l’affaire C‑593/11 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 23 novembre 2011,

Alliance One International Inc., établie à Danville, Virginie (États‑Unis), représentée par M^e G. Mastrantonio, avvocato,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par M. E. Gippini Fournier, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Rosas, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. U. Lõhmus et A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

avocat général: M^me V. Trstenjak,

greffier: M. A. Calot Escobar,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1 Par son pourvoi, Alliance One International Inc. (ci-après «AOI») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 septembre 2011, Alliance One International/Commission (T‑25/06, non encore publié au Recueil, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant, à titre principal, à l’annulation partielle de la décision 2006/901/CE de la Commission, du 20 octobre 2005, relative à une procédure d’application de l’article 81, paragraphe 1, [CE]
(affaire COMP/C.38.281/B.2 – Tabac brut – Italie) (JO L 353, p. 45, ci-après la «décision litigieuse»), et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant des amendes infligées.

Les antécédents du litige

2 AOI est une société américaine qui est à la tête d’un groupe issu de la fusion de Standard Commercial Corp. (ci-après «SCC») et de Dimon Inc. (ci-après «Dimon»), réalisée le 13 mai 2005, après l’infraction en cause.

3 Pendant la durée de cette infraction, Transcatab SpA (ci-après «Transcatab») et Dimon Italia Srl (ci-après «Dimon Italia») étaient des filiales contrôlées à 100 %, respectivement, par SCC et par Dimon, dont AOI est le successeur juridique. Au mois de septembre 2004, les parts sociales de Dimon Italia ont été vendues à quatre particuliers n’ayant aucun lien avec le groupe Dimon, et cette société a pris comme nouvelle dénomination Mindo Srl.

4 Le 20 octobre 2005, la Commission européenne a adopté la décision litigieuse, à l’article 1^er, paragraphe 1, de laquelle elle a constaté que Transcatab, Deltafina SpA, Dimon Italia (mentionnée dans la décision litigieuse sous la dénomination de Mindo Srl) et Romana Tabacchi SpA (ci-après, ensemble, les «transformateurs») ainsi que les sociétés mères de certaines d’entre elles, notamment SCC, Dimon et Universal Corp., société mère de Deltafina SpA, s’étaient livrées au cours de la période
allant de l’année 1995 au début de l’année 2002 (à l’exception de Romana Tabacchi SpA dont la durée de la participation à l’entente a été plus brève) à plusieurs pratiques constituant une infraction unique et continue à l’article 81, paragraphe 1, CE.

5 En particulier, s’agissant de la responsabilité de SCC et de Dimon, la Commission s’est appuyée sur la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante sur leurs filiales découlant de la détention par les sociétés mères de l’ensemble du capital de leurs filiales et a rejeté les arguments et éléments de preuve produits par les entreprises aux fins de renverser cette présomption.

6 La Commission a précisé, en outre, que, étant donné que les sociétés mères qui détenaient le contrôle de Transcatab et de Dimon Italia au cours de la période concernée par l’infraction avaient cessé d’exister à la suite de leur fusion dans la nouvelle entité AOI, celle-ci, en tant que successeur juridique de ces deux groupes, était destinataire de la décision litigieuse.

7 Afin de déterminer, tout d’abord, le montant de départ des amendes à infliger à Transcatab et à Dimon Italia, la Commission, en premier lieu, a qualifié l’infraction commise par les transformateurs de très grave en ce qu’elle se rapportait à la fixation des prix d’achat de variétés de tabac brut en Italie ainsi qu’à la répartition des quantités achetées. En vue de conférer un caractère dissuasif à l’amende, elle a, en second lieu, appliqué un coefficient multiplicateur de 1,25 au titre de
l’appartenance de ces sociétés à des groupes multinationaux dotés d’une force économique et financière considérable. Ainsi, le montant de départ des amendes de ces sociétés a été fixé à 12,5 millions d’euros.

8 La Commission a, ensuite, majoré ledit montant de 60 % au titre de la durée de six ans et quatre mois de l’infraction, de sorte que le montant de base des amendes infligées auxdites sociétés a été fixé à 20 millions d’euros.

9 La Commission a décidé de ne pas faire bénéficier Transcatab et Dimon Italia de circonstances atténuantes.

10 Enfin, la Commission, d’une part, a limité la responsabilité de Dimon Italia à 10 % de son chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice le plus récent et, d’autre part, a réduit les amendes infligées à Dimon Italia et à Transcatab, respectivement de 50 % et de 30 % en application de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3), ces sociétés, d’une part, ayant été respectivement
la première et la seconde à avoir fourni des éléments de preuve apportant une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments déjà en sa possession et, d’autre part, ayant mis fin à leur participation à l’infraction à la date de la présentation de ces éléments de preuve.

11 Ainsi, la Commission a fixé, à l’article 2, sous b), de la décision litigieuse, le montant final de l’amende à infliger à Dimon Italia et à AOI à 10 millions d’euros, AOI étant responsable pour la totalité, Dimon Italia n’étant solidairement responsable que pour 3,99 millions d’euros. Elle a fixé, à l’article 2, sous c), de cette décision, le montant final de l’amende à infliger à Transcatab et à AOI, solidairement, à 14 millions d’euros.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

12 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 janvier 2006, AOI a introduit un recours tendant, à titre principal, à l’annulation partielle et, à titre subsidiaire, à la réformation de la décision litigieuse.

13 À l’appui de son recours, AOI a soulevé trois moyens dont le premier, invoqué à titre principal, était tiré d’une violation des règles gouvernant l’imputabilité à une société mère des infractions commises par sa filiale ainsi que d’une violation des droits de la défense. Les appréciations du Tribunal concernant les deuxième et troisième moyens ne font pas l’objet du présent pourvoi.

14 Le Tribunal a rejeté ce recours dans son ensemble et a condamné la requérante aux dépens.

La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

15 Par son pourvoi, AOI demande à la Cour:

– d’annuler l’arrêt attaqué;

– d’annuler l’article 1^er, paragraphe 1, de la décision litigieuse, en ce qu’il concerne SCC, Dimon et AOI;

– de réduire le montant des amendes infligées à Transcatab et à Dimon Italia, de sorte qu’elles n’excèdent pas 10 % de leurs chiffres d’affaires respectifs réalisés au cours du dernier exercice et qu’elles tiennent compte de la non-application du coefficient multiplicateur fondé sur la taille du groupe, et

– de condamner la Commission aux dépens.

16 La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner AOI aux dépens.

17 Par ordonnance du président de la Cour du 6 août 2012, la présente affaire a été jointe à l’affaire C‑654/11 P aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

18 Toutefois, aux termes de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsqu’un pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, le rejeter par voie d’ordonnance motivée, et ce sans ouvrir la procédure orale. Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

Sur le pourvoi

19 À l’appui de son pourvoi, AOI soulève deux moyens. Par le premier de ceux-ci, elle invoque une violation de l’article 296 TFUE ainsi que des articles 48 et 49 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et, plus généralement, des droits fondamentaux. Le second moyen est tiré d’une violation des droits de la défense, des principes généraux relatifs à la charge de la preuve et des règles procédurales en matière de preuve.

Sur le premier moyen

20 Le premier moyen du pourvoi se divise en deux branches. Par la première de celles-ci, AOI reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 296 TFUE. Par la seconde branche, elle fait grief au Tribunal d’avoir méconnu les articles 48 et 49 de ladite charte ainsi que le principe de responsabilité personnelle.

Sur la première branche

– Argumentation des parties

21 Dans le cadre de la première branche du premier moyen, AOI invoque un défaut de motivation, se traduisant par une motivation «inexistante, insuffisante et contradictoire» ainsi que par une dénaturation des faits.

22 Cette branche vise, premièrement, la manière dont le Tribunal a examiné et rejeté les preuves présentées pour renverser la présomption d’influence déterminante des sociétés mères sur les agissements de leurs filiales. Ces preuves auraient eu pour objectif de démontrer, tout d’abord, que les filiales disposaient de ressources propres et d’une direction locale propre, ensuite, que Transcatab disposait d’un conseil d’administration indépendant ainsi que d’un directeur général indépendant et
détenant des pouvoirs très étendus et, enfin, que Dimon Italia disposait également d’un tel conseil d’administration.

23 Deuxièmement, AOI fait valoir, d’une part, que le Tribunal n’a pas motivé le rejet de ses arguments relatifs à l’absence de pertinence de certains documents utilisés par la Commission afin de prouver l’existence de «voies de communication» entre Transcatab et SCC, et, d’autre part, qu’il a commis une erreur dans l’appréciation des éléments de preuve relatifs à l’existence de «voies de communication» entre Dimon Italia et Dimon.

24 Ces critiques visent les points 130 à 132, 137 à 139, 142 à 144, 152 et 154 de l’arrêt attaqué.

25 La Commission conteste la recevabilité et le bien-fondé de cette branche du premier moyen.

– Appréciation de la Cour

26 Il y a lieu de relever que la première branche du premier moyen du pourvoi est exprimée de manière confuse. En outre, même si une violation de l’obligation de motivation est invoquée, les arguments d’AOI semblent plutôt s’apparenter à une contestation des appréciations de fait effectuées par le Tribunal.

27 Pour autant qu’AOI conteste la motivation de l’arrêt attaqué, il y a lieu de rappeler, d’une part, que, dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, notamment, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par le requérant et, d’autre part, que le moyen tiré d’un défaut de réponse du Tribunal à des arguments invoqués en première instance revient, en substance, à invoquer une violation de l’obligation de motivation qui découle
de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu des articles 53, premier alinéa, du même statut, et 81 du règlement de procédure du Tribunal (voir ordonnance du 31 mars 2011, EMC Development/Commission, C‑367/10 P, point 46 et jurisprudence citée).

28 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que la Cour n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige, et que la motivation du Tribunal peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir
ordonnance du 15 juin 2012, United Technologies/Commission, C‑493/11 P, point 48).

29 Aux points 129 à 170 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a répondu à chacun des arguments invoqués par AOI en première instance. Les réponses fournies par le Tribunal sont claires et non équivoques et permettent de comprendre les éléments qui ont fondé la conviction de celui-ci. Le fait que le Tribunal est, sur le fond, parvenu à une conclusion autre que celle de cette société ne saurait en soi entacher l’arrêt attaqué d’un défaut de motivation (voir, par analogie, arrêt du 7 juin 2007,
Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec. p. I-4333, point 80).

30 S’agissant de l’argument d’AOI selon lequel le Tribunal se serait contredit aux points 138 et 139 de l’arrêt attaqué en affirmant simultanément que la délégation de pouvoirs accordée au directeur général de Transcatab n’était «aucunement inhabituelle» et n’était «pas plausible», il convient de constater que cette allégation procède d’une lecture manifestement erronée de l’arrêt attaqué. En effet, d’une part, le Tribunal a estimé qu’il n’est aucunement inhabituel qu’une société mère délègue
les pouvoirs de gestion de sa filiale au directeur général de cette dernière et que la circonstance que ce directeur général disposait, à lui seul, de pouvoirs importants pouvait témoigner de la volonté de la société mère de simplifier l’exercice de son contrôle sur sa filiale en concentrant tous les pouvoirs dans les mains d’un «homme de confiance». D’autre part, il a considéré qu’il n’était pas plausible que la société mère permette que tous les pouvoirs soient concentrés entre les mains du seul
directeur général qui, dans les faits, ne lui rendrait pas compte de ses actes. Par conséquent, il n’existe aucune contradiction entre ces deux affirmations.

31 En outre, nonobstant ce que soutient AOI, aucune contradiction ne ressort du point 131 de l’arrêt attaqué. En effet, par ce point, le Tribunal a considéré que les filiales se concentraient sur l’achat de tabac brut et que les sociétés mères acquéraient et commercialisaient souvent le tabac transformé, et il en a tiré la conclusion que les groupes concernés étaient intégrés verticalement.

32 Il s’ensuit que, pour autant qu’AOI fait valoir une violation par le Tribunal de l’obligation de motivation qui lui incombe, les arguments de cette société sont manifestement non fondés.

33 Pour autant qu’AOI cherche à remettre en cause le bien-fondé de la motivation de l’arrêt attaqué, il y a lieu de constater que les points contestés de cet arrêt comprennent des appréciations de fait qui ne peuvent faire l’objet d’un contrôle par la Cour dans le cadre d’un pourvoi. Partant, un tel argument est manifestement irrecevable.

34 En effet, il convient de rappeler que, aux termes d’une jurisprudence constante de la Cour, il résulte des articles 256 TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour
exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (voir arrêt du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission, C‑628/10 P et C‑14/11 P, non encore publié au Recueil, point 84 et jurisprudence citée).

35 Dès lors, dans la mesure où, d’une part, par les arguments ainsi invoqués, AOI tend, en réalité, à obtenir une nouvelle appréciation des faits et, d’autre part, n’a nullement expliqué en quoi le Tribunal aurait procédé à une dénaturation des éléments de preuve, il convient d’écarter ces arguments comme irrecevables.

36 Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter la première branche du premier moyen du pourvoi comme manifestement non fondée et, dans la mesure où, par celle-ci, AOI cherche à contester l’appréciation des faits opérée par le Tribunal, comme manifestement irrecevable.

Sur la seconde branche

– Argumentation des parties

37 Par la seconde branche du premier moyen, AOI conteste l’application qui a été faite par le Tribunal de la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante qui, selon cette société, viole le principe de la présomption d’innocence ainsi que les principes de légalité et de responsabilité personnelle.

38 La Commission conteste la recevabilité et le bien-fondé de cette branche du premier moyen.

– Appréciation de la Cour

39 Il convient de relever, ainsi que le fait valoir à bon droit la Commission, que l’argument tiré d’une violation des droits fondamentaux, invoqué par AOI dans le cadre de ladite branche, n’a pas été soulevé devant le Tribunal.

40 Or, il ressort d’une jurisprudence constante que permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est, en principe, limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui (voir arrêt Alliance One International et
Standard Commercial Tobacco/Commission, précité, point 111 et jurisprudence citée).

41 En tout état de cause, il y a lieu de relever qu’AOI a fait valoir devant le Tribunal que, pour imputer à une société mère les agissements de sa filiale, il appartenait à la Commission de prouver l’implication de cette société mère dans les agissements de la filiale.

42 Or, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a rappelé, aux points 84 et 85 de l’arrêt attaqué, qu’il résulte d’une jurisprudence constante que le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux
liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale faisant partie d’une même unité économique et formant ainsi une seule entreprise au sens de l’article 81 CE, la Commission peut adresser une décision imposant des amendes à la société mère sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (voir arrêt Alliance One International et Standard Commercial
Tobacco/Commission, précité, points 43 et 44 ainsi que jurisprudence citée).

43 La Cour a précisé que, dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence (voir arrêt Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission,
précité, point 46 et jurisprudence citée).

44 À cet égard, il appartient à des entités souhaitant renverser la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante d’apporter tout élément relatif aux liens économiques, organisationnels et juridiques unissant la filiale en question à la société mère et qu’elles considèrent comme étant de nature à démontrer qu’elles ne constituent pas une entité économique unique (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, non encore publié au Recueil, point 65).

45 La simple circonstance qu’une entité ne produise pas, dans un cas donné, d’éléments de preuve de nature à renverser la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante ne signifie pas que ladite présomption ne peut, en aucun cas, être renversée (voir arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, point 66).

46 En conséquence, il convient d’écarter la seconde branche du premier moyen comme irrecevable et, en tout état de cause, non fondée.

47 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le premier moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

Sur le second moyen

Argumentation des parties

48 AOI fait valoir, premièrement, que le Tribunal n’a pas procédé à une analyse satisfaisante de ses moyens relatifs à l’irrecevabilité des documents non mentionnés dans la communication des griefs, que la Commission a utilisés dans la décision litigieuse à titre de preuve de l’existence de «voies de communication». Deuxièmement, elle estime que ces documents nouveaux ont été acceptés en violation, en ce qui concerne les sociétés mères, des droits de la défense et, en tout état de cause, sur le
fondement d’une application erronée des principes régissant la charge de la preuve.

49 La Commission conteste la recevabilité et le bien-fondé de ce moyen.

Appréciation de la Cour

50 Premièrement, il convient de relever que le Tribunal a motivé à suffisance de droit son arrêt en considérant, d’une part, au point 185 de celui-ci, que, pour justifier l’imputation aux sociétés mères de la responsabilité du comportement de leurs filiales, la Commission pouvait se limiter, en principe, à établir la détention de la totalité du capital des filiales par leurs sociétés mères, mais qu’elle était tenue de prendre position sur les arguments invoqués par les parties, en réponse à la
communication des griefs, et, d’autre part, au point 186 dudit arrêt, que, dès lors qu’il ne s’agissait pas d’éléments visant à établir la responsabilité des sociétés mères, l’appréciation de ces documents n’était pas susceptible d’affecter l’efficacité de l’exercice, par celles-ci, des droits de la défense.

51 Deuxièmement, c’est à juste titre que le Tribunal a rappelé, au point 185 de l’arrêt attaqué, que, pour justifier l’imputation aux sociétés mères de la responsabilité du comportement de leurs filiales, la Commission pouvait se limiter, en principe, à établir la détention de la totalité du capital des filiales par leurs sociétés mères. Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence mentionnée au point 44 de la présente ordonnance, il appartenait à AOI d’apporter les éléments de preuve qu’elle
considérait comme étant de nature à renverser la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante. Dès lors, les documents visés par cette société ne constituant pas des éléments ayant pour objectif d’établir la responsabilité des sociétés mères, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant, au point 186 de l’arrêt attaqué, que l’appréciation de ces documents, figurant dans le dossier administratif, n’était pas susceptible d’affecter l’efficacité de l’exercice, par SCC et
Dimon, des droits de la défense, d’autant plus que ces dernières avaient eu accès auxdits documents, dont elles disposaient, en tout état de cause, lors de la procédure administrative.

52 Il résulte de ces éléments que le second moyen du pourvoi, qui est manifestement non fondé, doit être écarté.

53 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

Sur les dépens

54 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

55 La Commission ayant conclu à la condamnation d’AOI et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Alliance One International Inc. est condamnée aux dépens.

Signatures

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* Langue de procédure: l’anglais.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-593/11
Date de la décision : 13/12/2012
Type d'affaire : Pourvoi - irrecevable, Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation, Recours contre une sanction

Analyses

Pourvoi – Concurrence – Entente – Marché italien de l’achat et de la première transformation de tabac brut – Fixation des prix et répartition du marché – Imputabilité du comportement infractionnel de filiales à leurs sociétés mères – Présomption d’innocence – Droits de la défense – Obligation de motivation.

Ententes

Agriculture et Pêche

Tabac

Concurrence


Parties
Demandeurs : Alliance One International, Inc.
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Trstenjak
Rapporteur ?: Arabadjiev

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2012:804

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