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05/12/2012 | CJUE | N°F-109/12

CJUE | CJUE, Ordonnance du Tribunal de la fonction publique, Sabine Scheidemann contre Parlement européen., 05/12/2012, F-109/12


ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

5 décembre 2012 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Transfert interinstitutionnel au cours de l’exercice de promotion pendant lequel le fonctionnaire était promouvable dans son institution d’origine – Demande de bénéficier d’une promotion rétroactive – Décision explicite de rejet intervenue après la décision implicite – Délai de réclamation – Tardivité – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire F‑109/12,

ayant po

ur objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 ...

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

5 décembre 2012 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Transfert interinstitutionnel au cours de l’exercice de promotion pendant lequel le fonctionnaire était promouvable dans son institution d’origine – Demande de bénéficier d’une promotion rétroactive – Décision explicite de rejet intervenue après la décision implicite – Délai de réclamation – Tardivité – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire F‑109/12,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Sabine Scheidemann, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Berlin (Allemagne), représentée par M^es S. Rodrigues et A. Blot, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

composé de M^me M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), président, M^me I. Boruta et M. E. Perillo, juges,

greffier : M^me W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1 Par requête introduite le 28 septembre 2012, M^me Scheidemann, fonctionnaire de la Commission européenne, demande, en substance, l’annulation de la décision du Parlement européen, du 20 décembre 2011, portant sur le rejet de sa demande de bénéficier d’une promotion rétroactive avec effet au 1^er janvier 2010.

Cadre juridique

2 L’article 90 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») dispose :

« 1. Toute personne visée au présent statut peut saisir l’autorité investie du pouvoir de nomination d’une demande l’invitant à prendre à son égard une décision. L’autorité notifie sa décision motivée à l’intéressé dans un délai de quatre mois à partir du jour de l’introduction de la demande. À l’expiration de ce délai, le défaut de réponse à la demande vaut décision implicite de rejet susceptible de faire l’objet d’une réclamation au sens du paragraphe 2.

2. Toute personne visée au présent statut peut saisir l’autorité investie du pouvoir de nomination d’une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, soit que ladite autorité ait pris une décision, soit qu’elle se soit abstenue de prendre une mesure imposée par le statut. La réclamation doit être introduite dans un délai de trois mois. Ce délai court :

– du jour de la publication de l’acte s’il s’agit d’une mesure de caractère général,

– du jour de la notification de la décision au destinataire et en tout cas au plus tard du jour où l’intéressé en a connaissance s’il s’agit d’une mesure de caractère individuel; toutefois, si un acte de caractère individuel est de nature à faire grief à une personne autre que le destinataire, ce délai court à l’égard de ladite personne du jour où elle en a connaissance et en tout cas au plus tard du jour de la publication,

– à compter de la date d’expiration du délai de réponse lorsque la réclamation porte sur une décision implicite de rejet au sens du paragraphe 1.

L’autorité notifie sa décision motivée à l’intéressé dans un délai de quatre mois à partir du jour de l’introduction de la réclamation. À l’expiration de ce délai, le défaut de réponse à la réclamation vaut décision implicite de rejet susceptible de faire l’objet d’un recours au sens de l’article 91. »

3 L’article 91 du statut est rédigé ainsi :

« […]

2. Un recours à la Cour de justice de l’Union européenne n’est recevable que :

– si l’autorité investie du pouvoir de nomination a été préalablement saisie d’une réclamation au sens de l’article 90 paragraphe 2 et dans le délai y prévu

et

– si cette réclamation a fait l’objet d’une décision explicite ou implicite de rejet.

3. Le recours visé au paragraphe 2 doit être formé dans un délai de trois mois. Ce délai court :

– du jour de la notification de la décision prise en réponse à la réclamation,

– à compter de la date d’expiration du délai de réponse, lorsque le recours porte sur une décision implicite de rejet d’une réclamation présentée en application de l’article 90 paragraphe 2; néanmoins, lorsqu’une décision explicite de rejet d’une réclamation intervient après la décision implicite de rejet mais dans le délai de recours, elle fait à nouveau courir le délai de recours.

[…] »

Faits à l’origine du litige

4 La requérante a été engagée par le Parlement le 17 mai 1982 en tant qu’agent temporaire et a été nommée fonctionnaire stagiaire au 1^er juillet 1982. À sa demande, elle a été placée en position de congé de convenance personnelle pour la période allant du mois de novembre 1988 au mois de septembre 2007.

5 Le 1^er octobre 2007, la requérante a repris ses fonctions au Parlement. Il ressort du dossier qu’elle est classée au grade AD 12 depuis le 1^er juin 2007 et que, le 1^er décembre 2010, elle a été transférée à la Commission européenne.

6 Au cours de ses années de service au sein du Parlement, la requérante a acquis des points de mérite, convertis en points de promotion au sein de la Commission après son transfert.

7 Ainsi, pour la période allant du 1^er octobre 2007 au 31 décembre 2007, la requérante a acquis 2 points de mérite, convertis en 6 points de promotion, qui ont ensuite été réduits à 1,512 point de promotion, au prorata des jours travaillés au Parlement, à savoir 92/365, puis arrondis à 2 points de promotion. Pour l’année 2008, la requérante s’est également vu attribuer 2 points de mérite, convertis en 6 points de promotion dans le système de la Commission. Pour l’année 2009, la requérante a
obtenu 3 points de mérite, convertis en 9 points de promotion et, pour la période allant du 1^er janvier 2010 au 30 novembre 2010, le Parlement ne lui a pas attribué de points de mérite, alors que la Commission lui a attribué 6 points de promotion. Au moment de son transfert, la requérante figurait sur la liste des fonctionnaires promouvables.

8 Le 19 juillet 2011, alors qu’elle avait déjà été transférée à la Commission, la requérante a demandé au Parlement d’examiner la possibilité de la promouvoir rétroactivement au 1^er janvier 2010, au grade AD 13. Cette demande a été enregistrée au courrier officiel du Parlement le 27 juillet 2011. La requérante faisait valoir notamment qu’elle avait accumulé plus de points que nécessaire pour une promotion et soulignait le fait que le niveau de ses responsabilités dépassait de loin la
description de son poste. Elle précisait également qu’elle se trouvait sur la liste des fonctionnaires promouvables avant son transfert vers la Commission et que son changement d’institution ne devait pas avoir pour effet de porter préjudice au déroulement de sa carrière.

9 Le 20 décembre 2011, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté cette demande. Le 14 mars 2012, la requérante a introduit une réclamation contre cette décision, réclamation qui a été rejetée par l’institution par décision du 18 juin 2012.

Conclusions de la requérante

10 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision du Parlement, du 20 décembre 2011, rejetant sa demande de bénéficier d’une promotion rétroactive au 1^er janvier 2010 ;

– en tant que de besoin, annuler la décision du Parlement du 18 juin 2012 rejetant sa réclamation ;

– condamner la partie défenderesse à l’allocation de dommages et intérêts évaluée provisoirement et ex æquo et bono à 20 000 euros en réparation du préjudice matériel subi ;

– condamner la partie défenderesse aux dépens.

Sur la décision du Tribunal de statuer par voie d’ordonnance motivée

11 En vertu de l’article 76 du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

12 Il est de jurisprudence constante que, lorsqu’à la lecture du dossier d’une affaire, la formation de jugement, s’estimant suffisamment éclairée par les pièces dudit dossier, est entièrement convaincue de l’irrecevabilité manifeste de la requête et considère de surcroît que la tenue d’une audience ne serait pas de nature à offrir le moindre élément nouveau à cet égard, le rejet de la requête par voie d’ordonnance motivée, sur le fondement de l’article 76 du règlement de procédure, non
seulement contribue à l’économie du procès, mais épargne également aux parties les frais que la tenue d’une audience comporterait (voir ordonnance du Tribunal du 25 avril 2012, Oprea/Commission, F‑108/11, point 12, et la jurisprudence citée).

13 En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces produites par le requérant et décide, en application de la disposition susmentionnée et avant même que le recours ne soit signifié à la partie défenderesse, de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure (ordonnance du Tribunal du 29 juin 2010, Palou Martínez/Commission, F‑11/10, points 26 et 27).

Sur la recevabilité

14 Selon l’article 90, paragraphe 1, du statut, tout fonctionnaire peut saisir l’AIPN d’une demande l’invitant à prendre à son égard une décision. L’AIPN notifie sa décision motivée à l’intéressé dans un délai de quatre mois à partir du jour de l’introduction de la demande. À l’expiration de ce délai, le défaut de réponse à la demande vaut décision implicite de rejet susceptible de faire l’objet d’une réclamation au sens du paragraphe 2 de l’article 90 du statut. Selon cette dernière
disposition, la réclamation doit être introduite dans un délai de trois mois à compter de la date d’expiration du délai de réponse lorsqu’elle porte sur une décision implicite de rejet au sens du paragraphe 1.

15 En l’espèce, la demande de la requérante, datée du 19 juillet 2011, a été enregistrée au courrier officiel du Parlement le 27 juillet 2011. À la suite du silence observé par l’administration, il doit être relevé que, conformément à l’article 90, paragraphe 1, du statut, une décision implicite de rejet est intervenue le 27 novembre 2011.

16 La requérante disposait alors, selon les termes de l’article 90, paragraphe 2, du statut, d’un délai de trois mois pour présenter une réclamation contre cette décision implicite de rejet, délai qui a expiré le 27 février 2012. Or, la requérante a attendu jusqu’au 14 mars 2012 pour introduire sa réclamation, soit plus de trois mois après l’intervention de la décision implicite de rejet.

17 Selon une jurisprudence constante, le délai de trois mois pour introduire une réclamation contre un acte faisant grief, prévu par l’article 90, paragraphe 2, du statut, est d’ordre public et n’est pas à la disposition des parties et du juge, dans la mesure où il a été institué en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques, ainsi que la certitude du droit. Il appartient donc au juge de l’Union de vérifier, d’office, s’il a été respecté (ordonnance du Tribunal de première
instance du 7 septembre 2005, Krahl/Commission, T‑358/03, point 35, et la jurisprudence citée).

18 Certes, par un courrier du 20 décembre 2011, le secrétaire général du Parlement, en sa qualité d’AIPN, a informé la requérante de sa décision de rejeter sa demande. Cependant, il doit être rappelé qu’il est de jurisprudence constante qu’une décision portant rejet explicite d’une demande a le caractère d’un acte purement confirmatif qui n’est pas susceptible de permettre au fonctionnaire intéressé de poursuivre la procédure précontentieuse en lui ouvrant un nouveau délai pour l’introduction
d’une réclamation (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 5 juillet 2011, Coedo Suárez/Conseil, F–73/10, point 37, et jurisprudence citée).

19 En outre, il convient de souligner que, si l’article 91, paragraphe 3, deuxième tiret, du statut prévoit que la décision explicite de rejet, intervenue après la décision implicite mais dans le délai du recours, fait de nouveau courir le délai, cette règle ne concerne que le délai de recours ouvert à l’encontre d’une décision de rejet d’une réclamation et ne s’applique pas au délai de réclamation ouvert à l’encontre d’une décision de rejet d’une demande. Le Tribunal a déjà jugé que
l’article 91, paragraphe 3, deuxième tiret, du statut est une disposition spécifique, concernant les modalités de computation des délais de recours, qui doit être interprétée littéralement et strictement. Le Tribunal ne peut donc, sur une base purement prétorienne, étendre la portée de cette disposition aux modalités de computation du délai de réclamation (ordonnance Coedo Suárez/Conseil, précitée, point 38, et la jurisprudence citée).

20 Dans ces conditions, le fait que le Parlement n’a pas relevé au stade de la réponse à la réclamation administrative que celle-ci était tardive et, partant, irrecevable, ou qu’il a même expressément indiqué que la requérante pouvait encore introduire un recours juridictionnel, n’a pas d’incidence sur la recevabilité du recours au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut. En effet, de telles circonstances ne peuvent avoir pour effet de déroger au système des délais impératifs institué par
les articles 90 et 91 du statut et encore moins de dispenser le Tribunal de l’obligation qui lui incombe de vérifier le respect des délais statutaires (ordonnance du Tribunal de première instance du 15 janvier 2009, Braun-Neumann/Parlement, T‑306/08 P, point 37, et la jurisprudence citée).

21 Il résulte de l’ensemble de ces considérations que le recours n’a pas été précédé d’une procédure de réclamation régulière et doit, dès lors, être rejeté comme irrecevable.

Sur les dépens

22 Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

23 La présente ordonnance étant adoptée avant la signification de la requête à la partie défenderesse et avant que celle-ci ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens, conformément à l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

ordonne :

1) Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2) M^me Scheidemann supporte ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 5 décembre 2012.

Le greffier Le président

W. Hakenberg M. I. Rofes i Pujol

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* Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : F-109/12
Date de la décision : 05/12/2012
Type de recours : Recours de fonctionnaires - irrecevable

Analyses

Fonction publique - Fonctionnaires - Transfert interinstitutionnel au cours de l’exercice de promotion pendant lequel le fonctionnaire était promouvable dans son institution d’origine - Demande de bénéficier d’une promotion rétroactive - Décision explicite de rejet intervenue après la décision implicite - Délai de réclamation - Tardivité - Irrecevabilité manifeste.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Sabine Scheidemann
Défendeurs : Parlement européen.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Rofes i Pujol

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:F:2012:176

Source

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