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25/10/2012 | CJUE | N°C-168/12

CJUE | CJUE, Ordonnance du président de la Cour du 25 octobre 2012., Samir Hassan contre Conseil de l'Union européenne., 25/10/2012, C-168/12


ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

25 octobre 2012 (*)

«Pourvoi – Référé – Mesures restrictives à l’encontre de la Syrie – Gel de fonds et de ressources économiques – Demande de sursis à exécution et de mesures provisoires – Défaut d’urgence»

Dans l’affaire C‑168/12 P(R),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 3 avril 2012,

Samir Hassan, demeurant à Damas (Syrie), représenté par M^es E. Morgan de Rivery et E

. Lagathu, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Conseil de l’Union européenn...

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

25 octobre 2012 (*)

«Pourvoi – Référé – Mesures restrictives à l’encontre de la Syrie – Gel de fonds et de ressources économiques – Demande de sursis à exécution et de mesures provisoires – Défaut d’urgence»

Dans l’affaire C‑168/12 P(R),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 3 avril 2012,

Samir Hassan, demeurant à Damas (Syrie), représenté par M^es E. Morgan de Rivery et E. Lagathu, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Conseil de l’Union européenne, représenté par M^me S. Kyriakopoulou et M. M. Vitsentzatos, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR,

le premier avocat général, M. Ν. Jääskinen, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1 Par son pourvoi, M. Hassan demande l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 17 février 2012, Hassan/Conseil (T‑572/11 R, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a rejeté sa demande de mesures provisoires, en particulier une demande de sursis à l’exécution de la décision d’exécution 2011/515/PESC du Conseil, du 23 août 2011, mettant en œuvre la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 218,
p. 20), et du règlement d’exécution (UE) n° 843/2011 du Conseil, du 23 août 2011, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 442/2011 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO L 218, p. 1), en tant que ces actes le concernent.

Le cadre juridique, les faits à l’origine du litige et la procédure devant le juge des référés

2 Le cadre juridique et les faits à l’origine du litige ont été résumés aux points 1 à 11 de l’ordonnance attaquée dans les termes suivants:

«1 Le requérant, M. Samir Hassan, est un homme d’affaires de nationalité syrienne, dont la résidence se trouve à Damas (Syrie). Il contrôle quatorze sociétés commerciales et détient des participations minoritaires dans deux banques (la Byblos Bank Syria et la Bank of Syria and Overseas) et dans une société (la Cham Holding). En outre, il réalise des investissements immobiliers.

2 Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en divers endroit dans toute la Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la force, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 9 mai 2011, la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 121, p. 11). Compte tenu de la gravité de la situation, il a institué un embargo sur les armes, une interdiction des exportations de
matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne, des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi qu’un gel des fonds de certaines personnes et entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

3 Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes (physiques ou morales) et des entités qui leur sont liées, sont mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 5 de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier ladite annexe.

4 Parmi les treize noms mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273 ne figure pas celui du requérant.

5 Étant donné que certaines des mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne entrent dans le champ d’application du traité FUE, le Conseil a adopté le règlement (UE) nº 442/2011, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO L 121, p. 1). Ce règlement est, pour l’essentiel, identique à la décision 2011/273, mais il prévoit des possibilités de déblocage des fonds gelés. L’annexe II dudit règlement – qui comprend une liste de
noms de personnes, d’entités et d’organismes reconnus comme étant soit responsables de la répression en cause, soit associés auxdits responsables – est identique à celle figurant dans l’annexe de la décision 2011/273. Parmi les treize noms mentionnés dans l’annexe II de ce règlement, ne figure pas celui du requérant. En vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 4, du règlement nº 442/2011, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne, à une entité ou à un organisme les mesures restrictives
visées, il modifie l’annexe II en conséquence et examine, par ailleurs, la liste y figurant à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

6 Par [la] décision d’exécution 2011/515 […], le Conseil a modifié la décision 2011/273 en vue, notamment, d’appliquer les mesures restrictives en cause à d’autres personnes et entités. En vertu de l’article 1^er de la décision 2011/515, les noms de quinze personnes physiques et de cinq entités, ‘énumérées à l’annexe de [cette] décision’, ont été ajoutés à la liste figurant dans l’annexe de la décision 2011/273. Parmi ces noms, se trouve celui du requérant, avec la mention ‘date d’inscription:
23.8.2011’ et les motifs suivants:

‘Proche associé d’affaires de Maher Al Assad. Connu pour le soutien économique qu’il apporte au régime syrien.’

7 Par [le règlement d’exécution n° 843/2011], le Conseil a modifié le règlement nº 442/2011 en étendant l’annexe II de ce dernier règlement aux mêmes personnes et entités que celles reprises dans la décision d’exécution 2011/515, en ce compris le requérant (même date d’inscription et mêmes motifs).

8 Par décision 2011/522/PESC, du 2 septembre 2011 (JO L 228, p. 16), le Conseil a de nouveau modifié la décision 2011/273, en prévoyant que son champ d’application, y compris son annexe, englobe également ‘des personnes bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci et [des] personnes qui leur sont liées, dont la liste figure à l’annexe’. Dans le même temps, par règlement (UE) nº 878/2011, du 2 septembre 2011 (JO L 228, p. 1), le Conseil a modifié le règlement nº 442/2011
en ce sens que son annexe II s’applique à ‘des personnes et entités bénéficiant de l’appui du régime ou le soutenant, ou des personnes et entités qui leur sont associées’.

9 Estimant que le Conseil l’avait soumis à tort aux mesures restrictives instaurées par la décision d’exécution 2011/515 et par le règlement d’exécution n° 843/2011 […] et lui avait fait le reproche erroné d’apporter un soutien économique au régime syrien, le requérant s’est adressé, d’abord par téléphone et ensuite par plusieurs lettres, au Conseil en demandant la levée immédiate des sanctions prises à son égard et, au moins, la communication rapide d’une motivation circonstanciée desdites
sanctions. Ces démarches n’ont cependant pas engendré le résultat escompté par le requérant.

10 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 novembre 2011, le requérant a introduit un recours visant à l’annulation [de la décision d’exécution 2011/515 et du règlement d’exécution n° 843/2011] dans la mesure où ils font mention de son nom et à la condamnation du Conseil à réparer le préjudice résultant de l’action de l’Union à son égard. À l’appui de ses conclusions en annulation, il dénonce, notamment, l’illégalité des mesures restrictives prises à son égard, en ce qu’il n’avait jamais
apporté un soutien économique ou politique au régime syrien, et une violation de ses droits de la défense, le Conseil ayant omis de lui indiquer en temps utile les motifs appropriés justifiant ces mesures de sorte qu’il ne pouvait se défendre utilement. Ses conclusions en indemnité visent, en substance, à la constatation de la responsabilité non contractuelle de l’Union au titre du préjudice matériel et moral subi, à la condamnation du Conseil à lui allouer la somme de 250 000 euros par mois, au
titre du préjudice matériel subi, et un euro symbolique au titre du préjudice moral subi, ainsi qu’à sa condamnation à réparer le préjudice matériel futur.

11 Le 1^er décembre 2011, le Conseil a adopté la décision 2011/782/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 319, p. 56), qui abroge et remplace la décision 2011/273, mais maintient le gel des fonds et des ressources économiques du requérant, dont le nom figure dans l’annexe I de la décision 2011/782. Ensuite, le 18 janvier 2012, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO L 16, p. 1),
qui abroge et remplace le règlement n° 442/2011, tout en consolidant l’ensemble des diverses mesures déjà prises à l’égard de la Syrie. Le règlement n° 36/2012 maintient le gel des fonds et des ressources économiques appartenant au requérant, dont le nom figure dans l’annexe II dudit règlement comprenant la liste des personnes reconnues comme étant responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne, comme bénéficiant des politiques menées par le régime syrien ou
comme soutenant ce régime.»

3 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 3 février 2012, le requérant a introduit une demande en référé, en concluant à ce qu’il plaise au président du Tribunal:

– surseoir, en application de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, à l’exécution de la décision d’exécution 2011/515 et du règlement d’exécution n° 843/2011 en ce qui le concerne jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur la présente demande en référé ou, en tout état de cause, jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur le recours principal;

– ordonner en urgence la publication de ce sursis à exécution au Journal officiel de l’Union européenne;

– ordonner toute autre mesure qu’il jugerait utile.

4 Dans ses observations écrites, le Conseil a demandé au juge des référés de rejeter ladite demande en référé.

L’ordonnance attaquée

5 Par l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal, après avoir précisé que la demande en référé serait interprétée comme visant non seulement la décision d’exécution 2011/515 et le règlement d’exécution n° 843/2011, mais également le règlement n° 36/2012 et la décision 2011/782 (ci-après, ensemble, les «actes contestés»), a d’abord examiné si la condition relative à l’urgence était remplie, d’une part, par rapport au risque pour l’intégrité physique du requérant et des membres de sa
famille et, d’autre part, par rapport au risque économique et financier pour le requérant.

6 En effet, selon les affirmations du requérant, l’inscription, au cours du mois d’août 2011, de son nom sur la liste des personnes soumises aux mesures restrictives en cause, l’expose, ainsi que sa famille, à un risque de préjudice grave et irréparable en ce qui concerne leur intégrité physique.

7 En ce qui concerne ce risque, le président du Tribunal a rappelé que le requérant fondait ses affirmations sur la survenance de menaces de mort qui auraient été dirigées contre lui et sa famille en Syrie, à la suite de la publication, le 24 août 2011, de la décision d’exécution 2011/515 et du règlement d’exécution n° 843/2011. Le requérant en concluait que les victimes de telles agressions verbales courent un danger grave qui, s’il venait à se réaliser, serait irréversible et que ce danger
ne pouvait être écarté que par l’octroi des mesures provisoires sollicitées.

8 À cet égard, le président du Tribunal a, au point 24 de l’ordonnance attaquée, constaté que les éléments de preuve présentés par le requérant n’étaient pas de nature à étayer son affirmation selon laquelle les menaces de mort dirigées contre lui et les membres de sa famille ont été provoquées par la publication de son nom dans les actes contestés. Le président du Tribunal a relevé, en particulier, que plus de la moitié des 63 messages téléphoniques produits par le requérant à titre de
preuves lui étaient déjà parvenus avant la date de la première publication de son nom le 24 août 2011. Dans ces conditions, le président du Tribunal a conclu, au point 27 de cette ordonnance, que le requérant n’a notamment pas établi que lesdits actes constituaient la cause déterminante desdites menaces et, partant, constituaient la cause déterminante du risque que ces menaces puissent se transformer en actes de violence.

9 Pour ce qui est du risque économique et financier pour le requérant, consistant notamment, selon ce dernier, à la mise en péril de la viabilité financière d’au moins quatre sociétés qu’il contrôle, le président du Tribunal a, au point 34 de ladite ordonnance, rappelé la jurisprudence selon laquelle, pour apprécier la situation matérielle d’une société, notamment sa viabilité financière, il convient de tenir compte des caractéristiques du groupe de sociétés auquel elle se rattache par son
actionnariat et, en particulier, des ressources dont dispose globalement ce groupe. Le président du Tribunal a également rappelé, au point 38 de l’ordonnance attaquée, que, dans ce contexte, il incombe au requérant de produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation économique et financière.

10 À cet égard, le président du Tribunal a, au point 42 de cette ordonnance, constaté que le texte de la demande en référé ne contenait aucune donnée chiffrée relative à la situation financière du requérant et des quatorze sociétés qu’il contrôle, de sorte que ce dernier avait manifestement omis de fournir l’image fidèle et globale requise pour pouvoir invoquer utilement la gravité du préjudice financier et économique allégué.

11 Le président du Tribunal a ajouté, au point 46 de ladite ordonnance, que les autorités nationales peuvent, en vertu de l’article 20 du règlement n° 36/2012, autoriser le déblocage exceptionnel de certains fonds ou de certaines ressources économiques gelés, notamment pour permettre au requérant le paiement de dettes qu’il a contractées avant sa désignation comme personne soumise aux mesures restrictives litigieuses. Or, le requérant serait resté silencieux quant à cette possibilité de
déblocage, alors que cette exception applicable aux contrats antérieurs est susceptible de couvrir des frais de fonctionnement, ce qui pourrait également réduire l’importance du préjudice allégué.

12 Quant au caractère irréparable de ce préjudice, le président du Tribunal a, au point 47 de l’ordonnance attaquée, indiqué qu’un préjudice d’ordre financier, tel que celui invoqué en l’espèce, peut normalement faire l’objet d’une compensation financière ultérieure. Or, en l’espèce, le président du Tribunal a, aux points 48 et 49 de cette ordonnance, considéré que le requérant a précisément introduit un recours en indemnité visant, notamment, à reconnaître la responsabilité non contractuelle
de l’Union au titre du préjudice matériel et moral tant subi que futur, de sorte que ledit caractère irréparable du préjudice allégué ne saurait être considéré comme établi.

13 S’agissant des dommages prétendument causés à d’autres membres de la famille du requérant et à plusieurs de ses employés qu’il serait obligé de licencier, le président du Tribunal a, au point 50 de ladite ordonnance, relevé que, «afin d’établir que la condition relative à l’urgence est remplie, le requérant doit démontrer que le sursis à exécution demandé est nécessaire à la protection de ses intérêts propres, alors qu’il ne saurait invoquer une atteinte portée à un intérêt qui ne lui est
pas personnel, telle, par exemple, une atteinte aux droits de tiers. Dès lors, le préjudice subi par d’autres membres de sa famille et par ses employés ne saurait utilement être invoqué pour étayer l’urgence du sursis à exécution demandé, un tel préjudice ne pouvant être pris en considération, le cas échéant, que dans le cadre de la mise en balance des intérêts en présence».

14 Le président du Tribunal a, aux points 52 à 55 de l’ordonnance attaquée, constaté que cette solution était cohérente avec la mise en balance des différents intérêts en présence. En l’espèce, il a estimé qu’un sursis à l’exécution des actes contestés pourrait être de nature à faire obstacle à leur plein effet en cas de rejet du recours principal et, partant, à rendre impossible le renversement de la situation. En effet, un tel sursis permettrait au requérant et aux sociétés membres de son
groupe de procéder immédiatement au retrait de tous les fonds détenus auprès des banques obligées d’en assurer le gel et de vider leurs comptes bancaires avant le prononcé de la décision au fond. En revanche, à défaut pour le requérant d’avoir établi la survenance d’un préjudice grave et irréparable en cas de rejet de la demande en référé, le président du Tribunal a considéré qu’une annulation par le juge du fond des actes contestés, en tant que ces actes concernent le requérant, permettrait le
renversement de la situation provoquée par leur exécution immédiate.

Les conclusions des parties

15 Le requérant conclut à ce que la Cour:

– à titre principal, annule l’ordonnance attaquée, lui accorde les mesures provisoires sollicitées dans la demande en référé et ordonne la publication de ce sursis en urgence au Journal officiel de l’Union européenne;

– à titre subsidiaire, ordonne le renvoi de l’affaire devant le juge des référés du Tribunal, et

– condamne le Conseil aux dépens.

16 Le Conseil conclut à ce que la Cour rejette le pourvoi et condamne le requérant aux dépens.

Sur le pourvoi

17 À l’appui de son pourvoi, le requérant invoque cinq moyens tirés respectivement:

– de la violation par le juge des référés des principes de bonne administration et de proportionnalité;

– de la violation du principe de présomption d’innocence dans le cadre de l’appréciation faite par le juge des référés de la condition d’urgence;

– des erreurs de droit dans l’interprétation de la condition relative à l’urgence;

– d’une contradiction de motifs dans l’analyse du juge des référés, et

– d’un erreur de droit dans l’analyse du caractère irréparable du préjudice.

Sur le premier moyen

18 Par le premier moyen, qui est divisé en deux branches, le requérant soutient que, en choisissant de ne pas examiner le fumus boni juris, le juge des référés a, en l’espèce, porté atteinte aux principes de bonne administration et de proportionnalité.

19 Par la première branche de ce moyen, le requérant fait valoir que, s’il est vrai que le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont les différentes conditions pour l’octroi de mesures provisoires doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, il n’en demeure pas moins que l’exercice de cette marge d’appréciation est guidé par les principes généraux du droit communautaire, en
particulier le principe de bonne administration. Selon le requérant, ce principe implique que le juge procède à un «examen de plausibilité» des thèses qui lui sont soumises. L’«examen de plausibilité» aurait été d’autant plus crucial en l’espèce que, d’une part, le juge des référés est le juge de l’évidence autant que de l’urgence et que, d’autre part, en l’occurrence, l’intégrité physique du requérant est en jeu.

20 Le requérant soutient que l’insuffisance manifeste de motivation des actes contestés aurait dû être relevée par le juge des référés dans l’examen du fumus boni juris, auquel il n’a pas procédé en l’espèce, sous peine d’inverser la charge de la preuve de la motivation de la décision d’imposer des sanctions qui incombe au Conseil et de rendre irréfragable, dans le cadre de la procédure de référé, la présomption de légalité dont bénéficient les actes des institutions de l’Union.

21 Par la seconde branche dudit moyen, le requérant fait valoir que, sauf à priver la procédure en référé de son applicabilité dans ce type de situation, pour lequel cette procédure est précisément instaurée, le principe de proportionnalité appellerait à ce que l’évaluation de la condition d’urgence prenne en compte l’ensemble des circonstances de l’espèce. Le requérant conclut que la prise en compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce, et en particulier du fumus boni juris, aurait
également dû conduire le juge à considérer que le requérant, en produisant des messages de menaces à son encontre faisant expressément référence au positionnement de l’Union au regard des personnes concernées par les événements en Syrie et notamment à la liste d’individus et d’entités visés par les mesures restrictives, avait établi l’urgence avec un degré de probabilité suffisant.

22 D’emblée, il convient de rappeler que, ainsi que le président du Tribunal l’a relevé à bon droit au point 15 de l’ordonnance attaquée, «l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires
peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors
que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30]». Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C-445/00 R, Rec. p. I-1461, point 73).

23 Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit de l’Union ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic
Container Line e.a., C-149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, ainsi que du 17 décembre 1998, Emesa Sugar/Commission, C-364/98 P(R), Rec. p. I-8815, point 44].

24 Ainsi, il n’est pas exclu que le juge des référés puisse, lorsqu’il l’estime opportun, prendre en considération le caractère plus au moins sérieux des moyens invoqués pour établir un fumus boni juris lors de son évaluation de l’urgence et, le cas échéant, de la mise en balance des intérêts en présence (voir, en ce sens, ordonnance Autriche/Conseil, précitée, point 110).

25 Cependant, si le caractère plus ou moins sérieux du fumus boni juris n’est pas sans influence sur l’appréciation de l’urgence, il n’en reste pas moins qu’il s’agit, conformément aux dispositions de l’article 83, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour de justice de l’Union européenne, de deux conditions distinctes qui président à l’obtention d’un sursis à exécution, de sorte que le requérant demeure tenu de démontrer également l’imminence d’un préjudice grave et irréparable
[ordonnances du président de la Cour du 31 janvier 2011, Commission/Éditions Odile Jacob, C-404/10 P-R, point 27, et du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C-110/12 P(R), point 26].

26 Dans ces conditions, il convient de relever que, quand bien même le président du Tribunal aurait examiné, voire accepté l’existence d’un fumus boni juris, cette circonstance ne l’aurait pas dispensé de l’examen de la condition de l’urgence et n’aurait pas pu, à elle seule, conduire à l’octroi des mesures provisoires sollicitées.

27 En effet, quelle que soit la pertinence des arguments du requérant, l’éventuelle illégalité des actes contestés en raison d’une insuffisance de motivation ne saurait suffire à établir, par elle-même, la gravité et le caractère irréparable d’un éventuel préjudice causé par cette illégalité et donc justifier le bien-fondé d’une demande de mesures provisoires. Par conséquent, il ne suffit pas pour le requérant d’alléguer une telle illégalité pour établir la réunion des conditions de l’urgence,
à savoir le caractère grave et irréparable du préjudice qui pourrait en découler. Le requérant est également tenu de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel préjudice.

28 Cela est d’autant plus vrai que, en cas de demande de sursis à l’exécution d’un acte de l’Union, l’octroi de la mesure provisoire sollicitée n’est justifié que si l’acte en question constitue la cause déterminante du préjudice grave et irréparable allégué (ordonnance Akhras/Conseil, précitée, point 44).

29 En appliquant ce critère, le président du Tribunal a examiné en l’espèce, à juste titre, si les actes contestés étaient la cause du préjudice lié au risque pour la sécurité personnelle du requérant et celle de sa famille, avant de parvenir à la conclusion que tel n’était pas le cas.

30 En outre, il importe de relever que, en l’occurrence, le président du Tribunal a constaté non seulement que la condition relative à l’urgence n’était pas satisfaite, mais également que le défaut d’urgence était corroboré par la mise en balance des intérêts en présence [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, C‑446/10 P(R), point 67].

31 Il s’ensuit que le fait de ne pas avoir examiné le caractère plus ou moins sérieux des moyens invoqués par le requérant pour établir un fumus boni juris dans le cadre de l’appréciation de l’urgence ne constitue une violation ni du principe de bonne administration ni du principe de proportionnalité et, par conséquent, il n’entache pas l’ordonnance attaquée d’erreur de droit justifiant son annulation.

32 Au soutien de sa thèse relative à la violation du principe de proportionnalité, le requérant critique également le fait que le juge des référés a exigé, notamment, des données chiffrées relatives à la situation financière du requérant et des sociétés qu’il contrôle, données qui devraient découler de documents détaillés, certifiés par un expert indépendant et extérieur au requérant et à son groupe. Selon le requérant, le juge des référés ne pouvait ignorer qu’une telle quantité
d’informations, difficile à rassembler en temps normal, était impossible à réunir en période de quasi-guerre civile.

33 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, il appartient à la partie qui sollicite les mesures provisoires de fournir les éléments de preuve essentiels permettant au juge des référés d’établir une image fidèle et globale de sa situation financière. Ces indications doivent être, d’une part, concrètes et précises et, d’autre part, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées [ordonnance du président de la Cour du 20 avril 2012, Fapricela/Commission,
C‑507/11 P(R), point 54].

34 Il convient également de relever que, au point 42 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a constaté que le texte de la demande en référé ne contenait aucune donnée chiffrée relative à la situation financière du requérant et des quatorze sociétés qu’il contrôle.

35 Le président du Tribunal a poursuivi, au même point de l’ordonnance attaquée, en indiquant que le texte de la demande en référé «ne fait notamment pas état des différentes catégories de ressources dont le requérant et les sociétés membres de son groupe peuvent disposer, ni de la nature et de la valeur de tous les biens mobiliers et immobiliers qui leur appartiennent. Il n’indique pas non plus la somme des fonds détenus par le requérant et son groupe faisant l’objet des mesures de gel
litigieuses, ni le pourcentage que cette somme représente par rapport à la puissance financière totale du requérant, ni le volume des activités qu’il exerce sur le marché de l’Union».

36 Il s’ensuit que c’est à titre indicatif que le président du Tribunal a énuméré une série d’éléments qui auraient pu remédier à l’absence quasi totale de données chiffrées relatives à la situation financière du requérant et de ses sociétés.

37 En outre, eu égard à l’importance que revêt la valeur probante des éléments documentaires produits pour l’appréciation du bien-fondé d’une demande en référé, l’exigence que ces éléments présentent des garanties d’authenticité ne saurait non plus être considérée comme disproportionnée.

38 En tout état de cause, il convient de souligner que la situation financière du groupe auquel appartient une entreprise ou celle des actionnaires de cette dernière n’est pas, en principe, pertinente afin d’apprécier la gravité du préjudice subi par les personnes, les entités ou les organismes visés par des mesures restrictives visant le gel de fonds ou de ressources économiques [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 14 juin 2012, Qualitest FZE/Conseil, C‑644/11 P(R), points
38 à 46].

39 En effet, en vertu des dispositions pertinentes des actes de l’Union visant le gel de fonds ou de ressources économiques, les autorités nationales compétentes peuvent autoriser, de manière dérogatoire, conformément à des listes détaillées de cas, le déblocage de certains fonds gelés, lesquels devraient, en principe, permettre de couvrir des dépenses et des besoins essentiels ou de remplir des obligations contractuelles souscrites avant l’inscription, par le Conseil, d’une personne, d’une
entité ou d’un organisme sur les listes figurant dans les annexes de tels actes (voir, en ce sens, ordonnance Qualitest FZE/Conseil, précitée, point 44).

40 Les actes contestés comportant des dispositions qui permettent, en principe, d’assurer que l’ampleur du préjudice financier qu’ils causent à une personne, à une entité ou à un organisme en raison des mesures restrictives qu’ils comportent n’est pas telle qu’elle menace leur existence même, il convient donc d’apprécier une demande de sursis à l’exécution de tels actes par rapport à l’application, dans un cas concret, desdites procédures dérogatoires d’autorisation en vue du déblocage de
certains fonds gelés (voir, en ce sens, ordonnance Qualitest FZE/Conseil, précitée, point 66).

41 L’argumentation du requérant visant à établir que, compte tenu des circonstances de l’espèce, le président du Tribunal aurait exigé une quantité disproportionnée d’informations sur la situation financière du requérant et des sociétés qu’il contrôle ne saurait donc être accueillie.

42 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen

43 Par son deuxième moyen, le requérant soutient que, en exigeant, pour que la condition de l’urgence soit remplie, qu’il démontre que les actes contestés sont de facto la cause unique de son préjudice, le juge des référés a violé le principe de la présomption d’innocence, tel que garanti par l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et par l’article 6, paragraphe 2, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, signée à Rome le 9 novembre 1950.

44 En soutenant que les sanctions qui résultent de son inscription sur la liste relèvent de la matière pénale au sens de l’article 6, paragraphe 2, de cette convention, le requérant fait valoir que le juge des référés devait conclure que les menaces contre sa vie établissent la gravité d’un préjudice qui, s’il se concrétise, ne pourra être réparé par un jugement au fond.

45 Selon le requérant, si le juge des référés avait un doute sur le rôle déterminant des actes contestés dans la réalisation du risque de préjudice grave et irréparable pour le requérant, ce doute devait, en tout état de cause, profiter à ce dernier selon l’adage in dubio pro reo. Le requérant fait valoir que, eu égard à l’insuffisance manifeste de motivation des actes contestés, ces derniers ne peuvent en rien témoigner, même prima facie, d’un soutien quelconque de sa part au régime politique
en place ou de quelque implication directe ou indirecte dans la répression en Syrie. Dès lors, en demandant au requérant de prouver que les actes contestés constituent de facto la cause unique du préjudice encouru, malgré l’absence de tout élément probant apporté par le Conseil à son encontre, le juge des référés aurait renversé la charge de la preuve et porté atteinte à la présomption d’innocence du requérant.

46 À cet égard, il convient de relever que, lorsque le président du Tribunal a constaté, au point 25 de l’ordonnance attaquée, qu’il «ne ressort pas des documents présentés par le requérant que les menaces alléguées ont été formulées en raison de la seule mention de son nom dans les actes contestés», il cherchait à établir le lien de causalité nécessaire entre les actes contestés et le préjudice allégué, et donc à appliquer le critère évoqué au point 28 de la présente ordonnance.

47 L’utilisation de ce critère et la motivation y afférente n’étant pas, ainsi qu’il ressort de l’examen du premier moyen du pourvoi, entachées d’erreur de droit, il ne saurait être admis que l’évocation de la présomption d’innocence ou du principe in dubio pro reo est susceptible d’infirmer ce constat.

48 Dans ces conditions, le deuxième moyen est non fondé et doit donc être rejeté.

Sur le troisième moyen

49 Par le troisième moyen, le requérant soutient que l’ordonnance attaquée est entachée d’erreurs de droit dans l’interprétation de la condition de l’urgence. Ce moyen est divisé en deux branches.

50 Il fait valoir, par la première branche dudit moyen, que le président du Tribunal a commis une erreur de droit dans l’appréciation du risque qu’il encourt pour son intégrité physique du fait des actes contestés.

51 Selon le requérant, la confusion effectuée par le juge des référés entre les menaces proférées contre lui et le préjudice encouru, à savoir le risque d’atteinte à son intégrité physique, vicie le raisonnement tenu et conduit, à tort, à rejeter l’argumentation du requérant au motif que les actes contestés ne seraient pas la cause desdites menaces. Or, l’argumentation du requérant viserait à démontrer que les actes contestés seraient la cause, non des menaces, mais du préjudice encouru, à
savoir l’atteinte à son intégrité physique. Les messages de menaces établiraient quant à eux la gravité et l’imminence du préjudice.

52 À cet égard, il convient de rappeler que, au point 23 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a indiqué que «le requérant fonde ses affirmations, selon lesquelles il est exposé à un préjudice grave et irréparable, sur la survenance de menaces de mort qui auraient été dirigées contre lui et sa famille en Syrie à la suite de la publication, en août 2011, des actes contestés, pour en conclure que les victimes de ces agressions verbales courent un danger grave qui, s’il venait à se
réaliser, serait irréversible et que ce danger ne peut être écarté que par l’octroi des mesures provisoires sollicitées».

53 Au point 27 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a conclu que «le requérant n’a pas suffisamment étayé, par des éléments de preuve, ses affirmations relatives aux menaces dirigées contre lui et sa famille en Syrie à la suite de la publication, en août 2011, des actes contestés. Il n’a notamment pas établi que ces actes constituaient la cause déterminante desdites menaces et, partant, constituaient la cause déterminante du risque que ces menaces puissent se transformer en actes
de violence».

54 Dès lors, il y a lieu de constater que la confusion alléguée par le requérant ne résulte pas de l’ordonnance attaquée.

55 Dans ces conditions, la première branche du troisième moyen doit être rejetée.

56 Par la seconde branche de ce moyen, le requérant reproche au juge des référés d’avoir commis des erreurs de droit quant à la nature du préjudice financier invoqué.

57 En premier lieu, le requérant soulève deux objections faisant obstacle, selon lui, à l’utilisation de l’article 20 du règlement n^o 36/2012 concernant le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés afin de lui permettre de s’acquitter d’obligations souscrites avant son inscription sur la liste.

58 D’une part, il paraîtrait excessivement théorique, voire irréaliste, dans le climat de désorganisation totale et de panique propre à l’état de guerre civile dans lequel se trouve plongée la Syrie, de tenir rigueur au requérant de ne pas avoir entrepris des démarches auprès de chacune des autorités compétentes des différents États membres dans lesquels sont établis ses partenaires bancaires et commerciaux, afin de solliciter l’application de la procédure dérogatoire prévue par la disposition
susvisée.

59 D’autre part, s’agissant du préjudice financier pour le requérant résultant du fait qu’il n’est plus en mesure de livrer ses clients en raison de la suspension ou de la résiliation de ses relations avec ses fournisseurs, l’atténuation dudit préjudice, par l’application de l’article 20 du règlement n^o 36/2012 qui permet d’autoriser le déblocage exceptionnel de certains fonds ou ressources gelés, aurait, en tout état de cause, été minime. Selon le requérant, ses relations avec ses clients
prennent la forme d’une suite de commandes ponctuelles, dont seules quelques-unes auraient été concernées par la mise en œuvre d’une procédure dérogatoire d’autorisation en vue du déblocage de certains fonds gelés.

60 À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 40 de la présente ordonnance, les actes contestés comportent des dispositions qui permettent, en principe, d’assurer que l’ampleur du préjudice financier qu’ils causent à une personne, à une entité ou à un organisme en raison des mesures restrictives qu’ils comportent n’est pas telle qu’elle menace leur existence même, de sorte qu’il convient d’apprécier une demande de sursis à l’exécution de tels actes par rapport à
l’application, dans un cas concret, desdites procédures dérogatoires d’autorisation en vue du déblocage de certains fonds gelés.

61 Par conséquent, eu égard au caractère fondamental que revêtent ces procédures en vue de couvrir des dépenses et des besoins essentiels des personnes ou d’assurer la survie économique des entités ou des organismes visés par des mesures restrictives visant le gel de fonds ou de ressources économiques, des arguments tels que ceux avancés par le requérant, à savoir le prétendu impact minime de l’éventuel octroi d’une autorisation de déblocage de fonds ou encore les prétendues difficultés
d’entreprendre les démarches nécessaires auprès de chacune des autorités compétentes des différents États membres afin de solliciter l’application d’une procédure dérogatoire d’autorisation, ne sauraient toutefois exonérer ces personnes, ces entités ou ces organismes de recourir à ces procédures.

62 En second lieu, le requérant reproche au juge des référés de ne pas avoir apprécié correctement le préjudice qu’il estime avoir subi et qui serait lié à la diminution de ses effectifs salariés ainsi qu’au risque imminent pour l’intégrité physique des autres membres de sa famille.

63 En ce qui concerne la diminution de ses effectifs salariés, qu’il y aurait lieu en l’espèce de qualifier de préjudice personnel du requérant, ce dernier estime que l’effectif salarial d’une entreprise fait partie des actifs de cette dernière et fait l’objet d’une valorisation en cas de cession. Dès lors, il en irait de même dans le cadre de l’analyse du préjudice financier subi par le requérant.

64 À cet égard, il y a lieu de relever que, dans sa demande de mesures provisoires, le requérant faisait valoir que, parmi les conséquences découlant de l’adoption des mesures restrictives à son encontre, figurait «la perte d’une fraction des effectifs employés par ses sociétés».

65 Ainsi, le président du Tribunal n’a-t-il pas commis d’erreur de droit en considérant que, par cette affirmation, le requérant visait les dommages prétendument causés à plusieurs de ses employés.

66 S’agissant du risque imminent pour l’intégrité physique de ses proches, le requérant fait valoir que le juge des référés a commis une erreur de droit en analysant cet argument dans le cadre de l’examen de l’urgence, alors que le requérant l’avait présenté, conformément, selon lui, à la jurisprudence, dans le cadre de la condition relative à la mise en balance des intérêts.

67 À cet égard, il convient de constater que, au point 50 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a relevé que, si le préjudice subi par d’autres membres de la famille du requérant et par les employés de ce dernier ne peut utilement être invoqué pour étayer l’urgence du sursis à exécution demandé, un tel préjudice peut néanmoins être pris en considération, le cas échéant, dans le cadre de la mise en balance des intérêts. Par conséquent, dans la mesure où le président du Tribunal n’a
pas exclu la prise en considération du préjudice subi par les employés du requérant dans le cadre de la mise en balance des intérêts, l’argument du requérant tiré du fait que le président du Tribunal a analysé ce préjudice également dans le cadre de l’examen de l’urgence ne saurait suffire pour considérer que l’ordonnance attaquée est entachée d’erreur de droit.

68 La seconde branche du troisième moyen devant donc également être rejetée, ce moyen doit être rejeté dans son ensemble.

Sur le quatrième moyen

69 Par le quatrième moyen, le requérant prétend que l’analyse des conditions de l’urgence et de la mise en balance des intérêts révèle une contradiction de motifs. Selon le requérant, le juge des référés s’est fondé sur le contexte de quasi-guerre civile pour conclure qu’une telle situation pourrait contribuer au préjudice relatif à l’atteinte à l’intégrité physique du requérant et que les actes contestés n’étaient donc pas la cause déterminante d’un tel préjudice. Toutefois, le juge des
référés aurait omis de prendre en considération ce même contexte pour évaluer le préjudice financier du requérant. En particulier, il ne saurait être exigé du requérant, dans un tel climat de quasi-guerre civile, de présenter des preuves documentaires suffisamment détaillées et certifiées par un expert indépendant ou encore de déplacer ses activités vers d’autres marchés géographiques pour limiter ses pertes.

70 Selon le requérant, c’est précisément ce climat exceptionnel qui explique son choix d’entamer une procédure centralisée, dans une seule langue, devant les juridictions de l’Union, contre l’institution qui lui a fait grief. Le juge des référés aurait dû tenir compte du fait que le requérant vit dans un État en guerre, éloigné de l’Union et dont la langue officielle est différente des multiples langues officielles de cette dernière, avant de considérer qu’il lui appartenait d’entreprendre des
démarches auprès de chaque État membre où sont établis ses différents fournisseurs, afin de solliciter des autorités compétentes de ces États le bénéfice d’une procédure dérogatoire au règlement n° 36/2012.

71 À cet égard, il suffit de relever que, ainsi qu’il a été constaté lors de l’examen du premier moyen du pourvoi, ni la motivation de l’ordonnance attaquée quant au risque pour l’intégrité physique du requérant ni la motivation relative au préjudice financier allégué par celui-ci ne sont entachées d’une erreur de droit.

72 Dans ces conditions, une contradiction de motifs ne saurait non plus être constatée.

73 Il convient d’ajouter que, eu égard à la place qu’occupent les procédures dérogatoires d’autorisation en vue du déblocage de certains fonds gelés dans l’économie des actes de l’Union visant le gel de fonds ou de ressources économiques, une demande de sursis à exécution et de mesures provisoires devant le juge de l’Union ne saurait être assimilée à une telle procédure dérogatoire d’autorisation.

74 Par conséquent, s’il ne saurait être reproché au requérant d’avoir engagé une procédure centralisée devant les juridictions de l’Union, cette démarche ne saurait toutefois le dispenser d’entreprendre les démarches nécessaires auprès des autorités nationales compétentes afin d’obtenir ledit déblocage.

75 Le quatrième moyen doit donc être rejeté comme non fondé.

Sur le cinquième moyen

76 Par son cinquième moyen, le requérant soutient que, en prétendant se fonder sur une jurisprudence bien établie pour infirmer le caractère réparable du préjudice financier invoqué en l’espèce, le juge des référés a effectué, en réalité, une interprétation extensive et erronée de l’ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 2011, Commission/Euroalliages e.a. [C‑404/01 P(R), Rec. p. I‑10367]. Selon le requérant, il ne saurait aucunement être déduit de cette ordonnance un principe général
selon lequel la seule possibilité de former un recours en indemnité suffit à attester du caractère, en principe, réparable d’un préjudice financier.

77 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, un préjudice d’ordre pécuniaire ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable, une compensation pécuniaire, obtenue, le cas échéant, dans le cadre d’un recours en indemnité ultérieur, étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice (voir ordonnance Commission/Euroalliages e.a., précitée, point 69).

78 L’incertitude liée à la réparation d’un préjudice pécuniaire dans le cadre d’un éventuel recours en dommages et intérêts ne saurait être considérée, en elle-même, comme une circonstance de nature à établir le caractère irréparable d’un tel préjudice, au sens de la jurisprudence de la Cour (ordonnance Commission/Euroalliages e.a., précitée, point 71).

79 En effet, au stade du référé, la possibilité d’obtenir ultérieurement réparation d’un préjudice pécuniaire dans le cadre d’un recours en dommages et intérêts qui pourrait être intenté à la suite d’une éventuelle annulation de l’acte attaqué est nécessairement incertaine (ordonnance Commission/Euroalliages e.a., précitée, point 72).

80 Or, la procédure en référé n’a pas pour objet de se substituer à un tel recours en dommages et intérêts pour éliminer cette incertitude. Sa finalité est seulement de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive à intervenir dans la procédure principale sur laquelle le référé se greffe, en l’espèce un recours en annulation (voir, en ce sens, ordonnance Commission/Euroalliages e.a., précitée, point 73).

81 Sur le fondement de cette jurisprudence, il a été jugé que le président du Tribunal n’avait pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a constaté qu’une partie sollicitant des mesures provisoires n’avait pas démontré qu’elle serait dans l’impossibilité d’obtenir une compensation financière ultérieure par la voie d’un recours en indemnité (voir ordonnance Alcoa Trasformazioni/Commission, précitée, point 58).

82 Il convient de rappeler que, en l’espèce, le requérant a introduit un recours en indemnité visant, notamment, à reconnaître la responsabilité non contractuelle de l’Union au titre du préjudice matériel et moral tant subi que futur et à condamner le Conseil à lui allouer une somme de 250 000 euros par mois, afin de réparer le préjudice matériel subi.

83 Dans ces conditions, en constatant que le requérant n’a pas établi le caractère irréparable du préjudice allégué, le président du Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.

84 Le cinquième moyen doit donc être rejeté comme non fondé.

85 Aucun des cinq moyens invoqués par le requérant au soutient de son pourvoi n’étant susceptible de prospérer, il en résulte que celui-ci doit être rejeté.

Sur les dépens

86 En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant conclu à la condamnation du requérant et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, le président de la Cour ordonne:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) M. Hassan est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 25 octobre 2012.

A. Calot Escobar V. Skouris

Greffier Président

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* Langue de procédure: le français.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-168/12
Date de la décision : 25/10/2012
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé, Demande en référé - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi - Référé - Mesures restrictives à l’encontre de la Syrie - Gel de fonds et de ressources économiques - Demande de sursis à exécution et de mesures provisoires - Défaut d’urgence.

Relations extérieures

Politique étrangère et de sécurité commune


Parties
Demandeurs : Samir Hassan
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jääskinen
Rapporteur ?: Skouris

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2012:674

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