ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)
28 mars 2012 ( *1 )
«Fonction publique — Agents contractuels — Non-renouvellement d’un contrat — Article 11 bis du statut — Conflit d’intérêts — Lien de confiance — Article 12 ter du statut — Activité extérieure — Présomption d’innocence»
Dans l’affaire F-36/11,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,
BD, ancien agent contractuel de la Commission européenne, demeurant à Etterbeek (Belgique), représenté par Mes T. Bontinck et S. Woog, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. G. Berscheid et J. Baquero Cruz, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (troisième chambre),
composé de MM. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, R. Barents et K. Bradley, juges,
greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 décembre 2011,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 avril 2011, BD demande, notamment, l’annulation de la décision contenue dans une note du 30 août 2010 par laquelle l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’«AHCC») de la Commission européenne l’a informé que son contrat ne serait pas prolongé. Dans la même requête, BD demande également la condamnation de la Commission à lui verser une indemnité à titre de réparation du préjudice moral subi.
Cadre juridique
2 L’article 11 bis du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le «statut») prévoit :
«1. Dans l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire ne traite aucune affaire dans laquelle il a, directement ou indirectement, un intérêt personnel, notamment familial ou financier, de nature à compromettre son indépendance, sous réserve du paragraphe 2.
2. Le fonctionnaire auquel échoit, dans l’exercice de ses fonctions, le traitement d’une affaire telle que visée au paragraphe 1 en avise immédiatement l’autorité investie du pouvoir de nomination. Celle-ci prend les mesures qui s’imposent et peut notamment décharger le fonctionnaire de ses responsabilités dans cette affaire.
[...]»
3 L’article 12 du statut est rédigé comme suit :
«Le fonctionnaire s’abstient de tout acte et de tout comportement qui puissent porter atteinte à la dignité de sa fonction.»
4 L’article 12 ter, paragraphe 1, du statut énonce :
«Sous réserve de l’article 15, le fonctionnaire qui se propose d’exercer une activité extérieure, rémunérée ou non, ou de remplir un mandat en dehors de l’Union en demande préalablement l’autorisation à l’autorité investie du pouvoir de nomination. Cette autorisation ne lui est refusée que si l’activité ou le mandat est de nature à entraver l’exercice de ses fonctions ou est incompatible avec les intérêts de son institution.»
5 Aux termes des articles 11 et 81 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le «RAA») les dispositions des articles 11 à 26 du statut concernant les droits et obligations des fonctionnaires sont applicables par analogie aux agents contractuels.
6 L’article 47 du RAA prévoit :
«Indépendamment du cas de décès de l’agent temporaire, l’engagement de ce dernier prend fin :
[...]
b) pour les contrats à durée déterminée :
i) à la date fixée dans le contrat ;
ii) à l’issue du préavis fixé dans le contrat et donnant à l’agent ou à l’institution la faculté de résilier celui-ci avant son échéance. [...]»
7 Aux termes de l’article 49, paragraphe 1, premier alinéa, du RAA,
«Après accomplissement de la procédure disciplinaire prévue à l’annexe IX du statut, applicable par analogie, l’engagement peut être résilié sans préavis pour motif disciplinaire en cas de manquement grave aux obligations auxquelles l’agent temporaire est tenu, commis volontairement ou par négligence. La décision motivée est prise par l’[AHCC], l’intéressé ayant été mis préalablement en mesure de présenter sa défense.»
8 L’article 119, premier alinéa, du RAA dispose :
«Les articles 47 à 50 bis s’appliquent par analogie aux agents contractuels.»
9 L’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut dispose :
«Dès qu’une enquête de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) révèle la possibilité qu’un fonctionnaire ou un ancien fonctionnaire d’une institution est personnellement impliqué dans une affaire, ce dernier en est tenu informé pour autant que cette information ne nuise pas au déroulement de l’enquête. En toute circonstance, des conclusions se rapportant nommément à un fonctionnaire ne peuvent être tirées à l’issue de l’enquête sans que ce dernier ait été en mesure de présenter ses
observations sur les faits le concernant. Les conclusions font état de ces observations.»
10 Le 26 février 2010, le directeur de la direction «Service extérieur» de la direction générale (DG) «Relations extérieures» a adressé aux chefs de délégation, chargés d’affaires et chefs d’administration une note sur le recrutement et la carrière des agents contractuels en délégation (ci-après la «note du 26 février 2010»). Cette note précise ce qui suit :
«La première prolongation du contrat d’un [agent contractuel] en [d]élégation implique la réussite d’un test CAST organisé par [l’Office européen de sélection du personnel (EPSO)], dans le groupe de fonctions correspondant au poste occupé.
[...]
La durée de la première prolongation du contrat [...] tient compte, pour les [agents contractuels] du [groupe de fonctions] IV, du temps estimé nécessaire afin de démontrer la capacité à travailler dans une troisième langue communautaire (condition requise pour une éventuelle seconde prolongation du contrat à durée indéterminée). Une prolongation de moins d’un an (pour les [agents contractuels] – [groupe de fonctions] IV) n’est accordée par [l’unité ‘Carrières des fonctionnaires et agents
contractuels’ de la direction ‘Service extérieur’ de la DG ‘Relations extérieures’] que si la maîtrise d’une troisième langue communautaire [...] a déjà été prouvée [...]
Le [c]hef de [d]élégation doit transmettre une demande de prolongation à [l’unité ‘Carrières des fonctionnaires et agents contractuels’ de la direction ‘Service extérieur’ de la DG ‘Relations extérieures’], en mentionnant la durée souhaitée, après en avoir discuté avec l’[agent contractuel] concerné.
Après l’accord de [l’unité ‘Carrières des fonctionnaires et agents contractuels’ de la direction ‘Service extérieur’ de la DG ‘Relations extérieures’], le dossier sera transmis à la DG [‘Ressources humaines et sécurité’] qui enverra une éventuelle offre de prolongation du contrat à l’[agent contractuel] concerné [...]
L’avenant signé par l’[agent contractuel] devra être transmis à la DG [‘Ressources humaines et sécurité’] endéans les [quinze] jours suivant la réception de l’offre.»
Faits à l’origine du litige
11 Le 19 octobre 2007, la partie requérante a signé un contrat d’engagement avec la Commission en qualité d’agent contractuel au titre de l’article 3 bis du RAA. Classée dans le groupe de fonctions IV, grade 14, échelon 1, elle a été affectée à la DG «Relations extérieures» et plus précisément à la délégation de la Commission à Tirana (Albanie) en tant que responsable des projets européens dans le domaine de la coopération transfrontalière. Le contrat susmentionné, conclu pour une durée déterminée,
venait à expiration le 31 octobre 2010. En vertu de son article 4, deuxième alinéa, «[i]l p[ouvai]t être renouvelé seulement sous condition que l’agent ait passé la procédure de sélection prévue à l’article 5 des dispositions générales d’exécution du 7 avril 2004 relatives aux procédures régissant l’engagement et l’emploi des agents contractuels à la Commission».
12 Le 2 octobre 2008, la partie requérante a été informée par l’EPSO qu’elle avait réussi le test EPSO/CAST/RELEX/4/08 auquel elle s’était portée candidate.
13 Le 9 mars 2009, l’OLAF a ouvert une enquête interne mettant en cause la partie requérante pour conflit d’intérêts et favoritisme potentiels, ainsi que pour corruption passive. Cette enquête a été ouverte sur la base d’informations obtenues par les autorités judiciaires françaises au sujet d’une société de conseil, la société K. Les dirigeants de cette société étaient soupçonnés de participer à une fraude aux fonds européens, ainsi qu’à une corruption active, et d’intervenir comme intermédiaires
dans le cadre de projets européens afin de permettre à des entreprises liées à elle d’obtenir des contrats contre le versement de montants importants.
14 Le 23 novembre 2009, la partie requérante a obtenu un certificat de connaissance de langue italienne.
15 Dans le cadre de l’enquête susmentionnée, l’OLAF a procédé à l’audition de la partie requérante le 26 janvier 2010.
16 Le rapport final de l’enquête (ci-après le «rapport de l’OLAF»), transmis par l’OLAF à la DG «Relations extérieures» le 30 mars 2010, comporte les conclusions suivantes :
«1. [La partie requérante] s’est trouvé[e] dans une situation de conflit d’intérêt[s] sur un dossier [IPA/2008/165691] dont [elle] était le [responsable de projet] à la [d]élégation en Albanie et un des évaluateurs. [Elle] n’a pas signalé ce conflit d’intérêt[s] alors que la société qui a gagné ce projet [était] la société [G] que [la partie requérante] avait aidé à obtenir le projet EuropeAid/122839/D/SER/KOS/Investment Promotion contre paiement d’un ‘success fee’ de 27000 euros (article 11 bis
du statut […]).
2. L’enquête révèle par ailleurs que [la partie requérante] n’a pas respecté l’article 12 ter du statut et n’a pas déclar[é] ses activités extérieures en ce qui concerne l’[organisation non gouvernementale E] et la société [K].
3. L’enquête a également révélé que [la partie requérante] ait pu enfreindre ses obligations prévues à l’article 12 du statut […] en exerçant des activités déloyales en la faveur de la société [K] et ses clients, alors qu’[elle] était en fonction[s] à la [d]élégation de la Commission à Tirana».
17 Dans le même rapport, l’OLAF recommandait «un suivi disciplinaire tendant à mettre fin dans les meilleurs délais aux relations contractuelles avec [la partie requérante]».
18 Au vu du rapport de l’OLAF, le directeur de la direction «Service extérieur» de la DG «Relations extérieures» a invité la partie requérante, par courriel du 9 avril 2010, à prendre immédiatement tous les jours de congé lui restant et à suivre les instructions de son chef de délégation concernant la réorganisation de ses fonctions destinée à l’écarter de toute tâche ayant des implications financières.
19 Par courriel du 29 avril 2010, l’AHCC a adressé à la partie requérante une convocation à une audition qui mentionnait qu’elle «[avait] été saisie par la DG [«Relations extérieures»] de la demande de résiliation [de son] contrat d’agent contractuel [...] suite au rapport de l’OLAF» et qu’elle souhaitait l’entendre avant toute prise de décision le concernant.
20 Dans la perspective de son audition par l’AHCC, la partie requérante a adressé à cette dernière, le 17 mai 2010, une note faisant part de ses observations sur le rapport de l’OLAF ainsi que sur la résiliation anticipée de son contrat d’agent contractuel.
21 Le 18 mai 2010, la partie requérante a été entendue par l’AHCC ; elle était accompagnée de ses conseils.
22 Le 14 juin 2010, la partie requérante a informé sa hiérarchie qu’elle avait obtenu un certificat de connaissance de la langue italienne et que, dès lors, elle remplissait les conditions pour pouvoir prétendre à la prolongation de son contrat, prolongation qu’elle sollicitait.
23 Par note du 30 août 2010 (ci-après la «décision attaquée»), l’AHCC a répondu à la partie requérante qu’elle avait décidé de ne pas prolonger son contrat au-delà de son échéance, cela après avoir pris «en compte, d’une part, le rapport de l’OLAF et plus particulièrement les faits qui [lui étaient] reprochés, notamment la violation des articles 11 bis et 12 ter du [s]tatut et, d’autre part, [son] audition ainsi que les observations écrites transmises par [son] conseil».
24 Le 7 octobre 2010, la partie requérante a introduit une réclamation contre la décision attaquée. Cette réclamation a été rejetée par une décision de l’AHCC du 14 janvier 2011 en faisant état de ce que «la non-prolongation du contrat [en cause] a été motivée essentiellement par la rupture du lien de confiance à son égard en raison de [s]a conduite».
Conclusions des parties et procédure
25 La partie requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— annuler la décision attaquée ;
— en conséquence :
— la «réintégrer [...] dans ses fonctions [...] à compter du 1er novembre 2010 et condamner la [Commission] au paiement de sa rémunération avec effet rétroactif. À défaut d’une telle réintégration, condamner la [Commission] au paiement des indemnités de chômage jusqu’[à son] nouveau recrutement» ;
— «retirer la décision attaquée du dossier personnel [de la partie requérante] ainsi que tout document lié à la présente procédure» ;
— condamner la Commission à lui verser la somme de 10000 euros à titre de réparation du préjudice moral subi, sous réserve d’augmentation en cours de procédure, ainsi qu’à supporter la charge financière encourue dans le cadre de la procédure précontentieuse ;
— condamner la Commission aux dépens.
26 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— rejeter le recours ;
— condamner la partie requérante aux dépens.
En droit
Sur le premier chef de conclusions, tendant à l’annulation de la décision attaquée
27 La partie requérante soulève quatre moyens tirés, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation du principe d’égalité, le deuxième, d’un détournement de pouvoir et de procédure, le troisième, de la violation de la présomption d’innocence et, le quatrième, du caractère arbitraire et disproportionné de la décision attaquée, du non-respect des droits de la défense, ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation.
Quant au premier moyen, tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation du principe d’égalité
28 Prenant appui sur l’arrêt du Tribunal du 7 juillet 2009, Bernard/Europol (F-54/08), la partie requérante soutient que l’administration ne peut s’écarter du régime spécifique qu’elle a établi par voie de directive interne pour le renouvellement des contrats d’agents contractuels sans préciser les raisons qui l’y ont amenée.
29 Ainsi, la partie requérante déduit de la lecture combinée de l’article 4 de son contrat et de la note du 26 février 2010 que le renouvellement de son contrat était seulement subordonné à la réussite d’un test de sélection organisé par l’EPSO dans le groupe de fonctions correspondant à son poste, test qu’elle aurait réussi. Elle ajoute que la demande de prolongation de son contrat a été transmise par son chef de délégation à la DG «Relations extérieures» et déduit de cette transmission que la
prolongation en cause était justifiée par l’intérêt du service, qu’elle était opportune au regard de ses mérites et qu’un crédit budgétaire était disponible à cet effet.
30 Dans ces conditions, en s’abstenant de prolonger le contrat de la partie requérante, l’AHCC aurait commis une erreur manifeste d’appréciation. Par voie de conséquence, elle aurait aussi violé le principe d’égalité, dès lors que les autres agents contractuels se trouvant dans une situation similaire ont pu bénéficier d’une telle prolongation.
31 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un agent contractuel titulaire d’un contrat à durée déterminée n’a, en principe, aucun droit au renouvellement de son contrat, ceci n’étant qu’une simple possibilité, subordonnée à la condition que ce renouvellement soit conforme à l’intérêt du service (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 6 février 2003, Pyres/Commission, T‑7/01, point 64 ; arrêt Bernard/Europol, précité, point 44).
32 En effet, à la différence des fonctionnaires, dont la stabilité d’emploi est garantie par le statut, il ressort de l’article 47, sous b), du RAA, applicable aux agents contractuels en vertu de l’article 119, premier alinéa, du RAA, que la durée de la relation de travail entre une institution et un agent contractuel engagé à temps déterminé est régie, dans les limites fixées par l’article 85 du même régime, par les conditions établies dans le contrat conclu entre les parties. En outre,
l’administration jouit d’un large pouvoir d’appréciation en matière de renouvellement des contrats d’agents contractuels conclus pour une durée déterminée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 17 octobre 2002, Cocchi et Hainz/Commission, T‑330/00 et T‑114/01, point 82 ; arrêt du Tribunal du 23 novembre 2010, Gheysens/Conseil, F-8/10, point 75).
33 Toutefois, à partir du moment où, par directive interne, l’administration a élaboré un régime spécifique destiné à garantir la transparence du processus de renouvellement des contrats, l’adoption de ce régime s’analyse comme une autolimitation du pouvoir d’appréciation de l’institution (arrêt Bernard/Europol, point 29 supra, point 47).
34 Le moyen soulevé pose dès lors la question de savoir si, en l’espèce, les dispositions régissant la situation contractuelle de la partie requérante constituaient un régime spécifique au sens de l’arrêt Bernard/Europol, précité, tel que le refus de renouveler son contrat a conduit l’AHCC à commettre une erreur manifeste d’appréciation et à violer le principe d’égalité.
35 En l’espèce, l’article 4, deuxième alinéa, du contrat d’engagement de la partie requérante stipulait que ce contrat «p[ouvai]t être renouvelé» en cas de réussite d’une épreuve de sélection. Quant à la note du 26 février 2010, elle mentionne, certes, que «[l]a première prolongation du contrat d’un [agent contractuel] en [d]élégation implique la réussite d’un test CAST». Toutefois, elle indique aussi que la demande de prolongation est soumise à l’accord de l’unité «Carrières des fonctionnaires et
agents contractuels» de la direction «Service extérieur» de la DG «Relations extérieures» et que, après cet accord, le dossier doit encore être «transmis à la DG [«Ressources humaines et sécurité»] qui enverra une éventuelle offre de prolongation du contrat à l’[agent contractuel] concerné».
36 Il découle de ces dispositions que, si la condition d’avoir passé avec succès l’épreuve de sélection était une condition nécessaire au renouvellement du contrat de la partie requérante, elle n’en était pas la condition nécessaire et suffisante et que l’AHCC disposait, même si cette condition était remplie, d’un pouvoir d’appréciation quant au renouvellement, ou non, du contrat.
37 Comme le relève la Commission, il appartenait ainsi à l’AHCC d’examiner, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, si le renouvellement du contrat de la partie requérante était conforme à l’intérêt du service, si ses mérites et ses aptitudes le justifiait et s’il existait un crédit budgétaire pour le financer, ce que nul ne pouvait, d’ailleurs, prévoir trois ans auparavant, lors de la conclusion dudit contrat. Or, et contrairement à ce que suggère la partie requérante, cette appréciation
n’incombait pas qu’au chef de délégation. À supposer que celui-ci ait d’ailleurs pu y procéder en pleine connaissance de cause, il ressort de la note du 26 février 2010 et du rôle de supervision en matière de gestion du personnel assumé par le directeur général de la DG «Ressources humaines et sécurité», que cette appréciation échoyait également à ce dernier.
38 Par conséquent, l’AHCC n’a pas, au regard de l’article 4, deuxième alinéa, du contrat de la partie requérante et de la note du 26 février 2010, commis d’erreur manifeste d’appréciation ni méconnu le principe d’égalité en refusant de prolonger ledit contrat. Le grief tiré de la violation du principe d’égalité est, au demeurant, d’autant plus mal fondé qu’il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la réussite de l’épreuve de sélection ne créait aucun droit au renouvellement du
contrat.
39 Le premier moyen n’est donc pas fondé.
Quant au deuxième moyen, tiré de l’existence d’un détournement de pouvoir et de procédure
40 La partie requérante fait valoir que la décision attaquée est entachée d’un détournement de pouvoir et de procédure en ce qu’elle équivaut à une sanction disciplinaire déguisée, parce qu’elle est basée sur le rapport de l’OLAF, lequel recommandait un suivi disciplinaire pour mettre rapidement fin à son contrat.
41 Or, il ne serait pas permis à la Commission de tenir pour établies des infractions reprochées à un agent dans un rapport d’enquête de l’OLAF sans ouvrir une procédure disciplinaire permettant à l’intéressé de sauvegarder ses droits.
42 Par ailleurs, la décision rejetant la réclamation de la partie requérante serait fondée sur un motif ne figurant pas dans la décision attaquée, à savoir qu’une prolongation de son contrat n’aurait pas été conforme à l’intérêt du service en raison de la rupture, en l’espèce, du lien de confiance qui doit exister entre la Commission et ses agents. Selon la partie requérante, cette variation dans la motivation du refus de renouvellement de son contrat démontrerait aussi l’existence d’un détournement
de pouvoir et de procédure. Enfin, la mention, dans la décision attaquée, de l’audition de la partie requérante par l’AHCC prouverait également que la décision attaquée serait fondée sur des motifs disciplinaires, puisque cette audition serait intervenue dans la perspective de la résiliation anticipée de son contrat suite au rapport de l’OLAF.
43 Au demeurant, la partie requérante prétend que le lien de confiance entre elle et son service n’avait nullement été rompu. Pendant toute la durée de l’enquête menée par l’OLAF, les services de la délégation de la Commission à Tirana l’aurait encouragée à participer à des formations afin d’obtenir le renouvellement de son contrat. En outre, elle aurait continué à traiter ses dossiers et, à l’inverse de ce que lui avait demandé le directeur de la direction «Service extérieur» de la DG «Relations
extérieures», il lui aurait été expressément demandé de ne pas prendre tous ses jours de congés afin d’assurer le service. Enfin, la partie requérante fait valoir que la Commission a été amenée à engager trois agents pour la remplacer.
44 La partie requérante en conclut que l’AHCC ne disposait pas d’éléments suffisants pour ouvrir une procédure disciplinaire à son encontre, mais qu’elle a profité de l’échéance de son contrat pour ne pas renouveler celui-ci.
45 À cet égard, il découle de ce qu’un agent contractuel ne bénéficie pas de la stabilité de l’emploi, du large pouvoir d’appréciation dont dispose l’AHCC pour renouveler ou non son contrat à durée déterminée (voir point 32 ci-dessus) et des termes de l’article 47, sous b), point i), du RAA que l’autorité compétente n’a pas l’obligation d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre d’un agent contractuel dont la conduite pourrait justifier un licenciement pour motif disciplinaire et qu’elle
peut, dans un tel cas, recourir aux possibilités offertes par la nature contractuelle du lien qui les unit. Quant à l’article 49, paragraphe 1, du RAA, applicable aux agents contractuels en vertu de l’article 119, premier alinéa, du même régime, il n’envisage le recours à la procédure disciplinaire qu’en vue de résilier «sans préavis» un contrat d’engagement. Aussi, le choix d’attendre l’échéance du contrat à durée déterminée de la partie requérante et de ne pas renouveler celui-ci ne saurait
constituer, en tant que tel, un détournement de pouvoir (voir, en ce qui concerne la résiliation d’un contrat d’agent temporaire à durée déterminée, arrêt du Tribunal de première instance du 12 décembre 2000, Dejaiffe/OHMI, T‑223/99, point 38 ; en ce qui concerne la résiliation d’un contrat d’agent temporaire à durée indéterminée, arrêts du Tribunal du 24 avril 2008, Longinidis/Cedefop, F-74/06, point 116, et du 7 juillet 2010, Tomas/Parlement, F-116/07, F-13/08 et F-3l/08, point 158, faisant
l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑317/10 P ; en ce qui concerne le licenciement pour inaptitude manifeste en cours de stage d’un agent contractuel, arrêt du Tribunal du 7 octobre 2009, Y/Commission, F-29/08, point 111).
46 Dans ces conditions, la circonstance que l’audition de la partie requérante et le refus de renouveler son contrat ont pour origine le rapport de l’OLAF ne saurait conduire à la conclusion que la décision attaquée serait entachée d’un détournement de pouvoir et de procédure.
47 De même, la preuve d’un tel détournement de pouvoir et de procédure ne saurait être trouvée dans le fait que l’AHCC aurait, dans sa décision de rejet de la réclamation, retenu, pour justifier le non-renouvellement du contrat de la partie requérante, des motifs différents de ceux figurant dans la décision attaquée. En effet, compte tenu de sa finalité même, qui est de permettre à l’administration de revoir sa décision (arrêt du Tribunal du 1er juillet 2010, Mandt/Parlement, F-45/07, point 110), la
procédure précontentieuse présente un caractère évolutif, de sorte que, dans le système des voies de recours prévu aux articles 90 et 91 du statut, l’administration peut, tout en rejetant la réclamation, être conduite à modifier les motifs sur le fondement desquels elle avait adopté l’acte contesté (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, points 55 à 60 ; arrêts du Tribunal du 15 décembre 2010, Angulo Sánchez/Conseil, F-67/09,
point 70, et du 28 septembre 2011, AZ/Commission, F-26/10, point 38). De surcroît, il ressort, en l’espèce, de la confrontation des motifs de la décision attaquée (point 23 ci-dessus) et du rejet de la réclamation (point 24 ci-dessus) que, outre la réponse aux griefs allégués à l’appui de cette réclamation, l’AHCC s’est limitée, dans ce rejet, à clarifier le motif pour lequel le contrat de la partie requérante n’avait pas été prolongé.
48 Enfin, l’intérêt du service et le maintien du lien de confiance dont l’AHCC doit tenir compte pour décider du renouvellement ou non d’un contrat d’engagement doivent s’apprécier non seulement à l’échelle du service d’affectation, dont l’intérêt ne saurait être ignoré, mais également à l’échelle de la direction générale dont relève le service d’affectation de l’intéressé, voire à l’échelle de la Commission dans son ensemble. Au demeurant, la nécessité pour l’AHCC de procéder à une appréciation
d’ensemble de l’intérêt du service s’impose en particulier lorsqu’est en cause l’attitude d’un agent investi de responsabilités financières. Il s’ensuit que les circonstances, à supposer même qu’elles soient établies, que le chef de la délégation de la Commission à Tirana ait maintenu sa confiance dans la partie requérante et que trois personnes aient dû être engagées pour la remplacer ne sauraient constituer des indices suffisants pour établir l’existence d’un détournement de pouvoir.
49 Le deuxième moyen n’est, par conséquent, pas fondé.
Quant au troisième moyen, tiré de la violation de la présomption d’innocence
50 La partie requérante allègue qu’une atteinte au principe de la présomption d’innocence peut émaner non seulement d’un juge ou d’un tribunal mais aussi d’autres autorités publiques. Elle estime que ce principe a été violé en l’espèce, d’une part, dans la mesure où la décision attaquée a été prise sur la seule base du rapport de l’OLAF sans que l’AHCC ne se soit prononcée sur les suites disciplinaires, et, d’autre part, dans la mesure où les faits qui lui sont reprochés ne seraient aucunement
établis, l’OLAF ayant d’ailleurs utilisé le «conditionnel» dans les conclusions dudit rapport.
51 Il convient de rappeler, à cet égard, que le droit à la présomption d’innocence constitue un droit fondamental dont les juridictions de l’Union doivent assurer le respect par les institutions (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Montecatini/Commission, C‑235/92 P, point 175 ; arrêts du Tribunal de première instance du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, point 281, et du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T‑193/04, point 121 ; arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 7 décembre
2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, point 63 ; arrêt du Tribunal du 23 novembre 2010, Wenig/Commission, F-75/09, point 58). Ce droit est identifié par la jurisprudence comme un principe général (arrêt de la Cour Montecatini/Commission, précité, point 175 ; arrêt du Tribunal de première instance Tillack/Commission, précité, point 121) applicable aux procédures administratives eu égard à la nature des manquements en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des mesures qui s’y rattachent (voir,
en matière de concurrence, arrêts du Tribunal de première instance du 8 juillet 2004, JFE Engineering/Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, point 178, et du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T‑44/02 OP, T‑54/05 OP, T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, point 61 ; arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, point 129). De surcroît, il a pour corollaires le devoir de sollicitude et le principe de bonne administration
(voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 8 juillet 2008, Franchet et Byk/Commission, T‑48/05, point 214). Il s’ensuit que le droit à la présomption d’innocence s’applique, même en l’absence de poursuites pénales, au fonctionnaire accusé d’un manquement aux obligations statutaires suffisamment grave pour justifier une enquête de l’OLAF au vu de laquelle l’administration pourra adopter toute mesure, le cas échéant sévère, qui s’impose.
52 Il s’ensuit que, au vu de sa situation, la partie requérante peut a priori invoquer la violation du droit à la présomption d’innocence.
53 En l’espèce, il ne saurait, toutefois, être reproché à l’AHCC d’avoir porté atteinte à la présomption d’innocence en préjugeant, par la décision attaquée, des suites disciplinaires de l’enquête de l’OLAF. En effet, l’AHCC, n’étant pas liée par les recommandations de l’OLAF, celle-ci n’était pas tenue d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre de la partie requérante et pouvait choisir de ne pas renouveler son contrat (voir point 45 ci-dessus). Aussi, en optant pour le non-renouvellement
du contrat de la partie requérante, l’AHCC s’est implicitement, mais certainement, prononcée sur les suites à donner au rapport de l’OLAF en considérant qu’il n’y avait pas lieu de recourir à la procédure disciplinaire comme telle.
54 Par ailleurs, le droit à la présomption d’innocence n’empêchait pas l’AHCC d’adopter la décision attaquée en tirant des éléments de fait réunis lors de l’enquête de l’OLAF les conclusions qui lui paraissaient s’imposer d’un point de vue contractuel, alors même qu’elle s’était abstenue d’engager une procédure disciplinaire. En particulier, le droit au respect de la présomption d’innocence n’a ni pour objet ni pour effet d’interdire à l’AHCC de déduire de tels éléments une rupture du lien de
confiance faisant obstacle au renouvellement du contrat d’un agent contractuel.
55 Enfin, si le rapport de l’OLAF demeurait effectivement dubitatif en ce qui concerne l’exercice par la partie requérante d’activités déloyales en faveur de la société K et de ses clients et, partant, en ce qui concerne la méconnaissance par la partie requérante de l’article 12 du statut, il importe de relever dès à présent que la décision attaquée n’est pas fondée sur un manquement à cet article du statut ni donc sur ce grief.
56 Le troisième moyen n’est par conséquent pas fondé.
Quant au quatrième moyen, tiré du caractère arbitraire et disproportionné de la décision attaquée, du non-respect des droits de la défense, ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation
57 L’argumentation développée par la partie requérante au soutien du quatrième moyen permet de distinguer deux branches, tirées, la première, de la violation des droits de la défense et, la seconde, de ce que la décision attaquée serait arbitraire, disproportionnée et entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
– Sur la première branche, tirée d’une violation des droits de la défense
58 La partie requérante fait valoir que la décision attaquée est basée sur le rapport de l’OLAF, lequel n’a pas été élaboré conformément à la procédure prévue à l’article 1er de l’annexe IX du statut. En effet, l’AHCC aurait dû, spontanément, remettre à la partie requérante une copie des conclusions du rapport en question et lui proposer de faire part de ses éventuelles observations sur celui-ci préalablement à son audition organisée dans la perspective initiale de la résiliation de son contrat. Or,
le rapport de l’OLAF n’aurait été communiqué à la partie requérante qu’en raison de l’insistance de ses conseils et par leur intermédiaire et elle aurait dû prendre l’initiative de déposer des observations, le 17 mai 2010, sans que la Commission l’y ait invitée.
59 La partie requérante soutient, en outre, que les observations qu’elle a formulées en cours de procédure n’ont pas été prises en compte. Elle observe, à cet égard, que, dans son courriel du 9 avril 2010, le directeur de la direction «Service extérieur» de la DG «Relations extérieures» l’invitait déjà à quitter immédiatement son poste en prenant tous les jours de congé qui lui restaient et que le courriel de l’AHCC du 29 avril suivant précisait que l’audition prévue le 18 mai 2010 avait pour but de
donner suite à la demande de la DG «Relations extérieures» tendant à ce que son contrat soit résilié au vu du rapport de l’OLAF, ladite direction générale préjugeant ainsi des suites à donner à la procédure.
60 À cet égard, il convient d’observer que la partie requérante a été entendue le 26 janvier 2010 dans le cadre de l’enquête de l’OLAF avant l’établissement du rapport et des conclusions de celui-ci, conformément à l’article 1er de l’annexe I du statut, qu’elle a ensuite reçu une copie du rapport de l’OLAF courant avril 2010, qu’elle a pu déposer le 17 mai suivant des observations écrites et qu’elle a été entendue le lendemain du dépôt de ses observations par l’AHCC. Dans ces conditions, les droits
de la défense de la partie requérante ont été respectés. Sont sans incidence sur ce point les circonstances que la partie requérante ait pris l’initiative de demander une copie du rapport de l’OLAF, que celle-ci lui ait été transmise par l’intermédiaire de ses conseils et qu’elle ait déposé ses observations sans y avoir été invitée au préalable par l’administration.
61 En outre, il ne saurait être déduit de ce que la décision attaquée fait grief à la partie requérante que ses arguments n’ont pas été pris en compte et que ses droits de la défense ont été méconnus. La décision attaquée fait d’ailleurs expressément référence à son audition, ainsi qu’aux observations écrites déposées par ses conseils. Elle témoigne, de plus, d’un réexamen des reproches adressés à la partie requérante. Alors que l’OLAF estimait, notamment, dans son rapport que cette dernière
«a[vai]t pu enfreindre […] l’article 12 du statut [...] en exerçant des activités déloyales en faveur de la société [K] et de ses clients», la décision attaquée est, quant à elle, seulement fondée sur la violation, par la partie requérante, des articles 11 bis et 12 ter du statut, et ne retient plus le grief susmentionné. De surcroît, dans le rejet de la réclamation, l’AHCC a conclu, dans le même sens, qu’une prolongation du contrat litigieux n’était pas conforme à l’intérêt du service au vu, «en
particulier de l’absence de déclaration du conflit d’intérêt[s] quant au programme IPA/2008/165691 et quant à la société [G], et de l’absence de demande d’autorisation pour l’exercice d’une activité extérieure au sein de l’[organisation non gouvernementale E] et la société [K]». En toute hypothèse, le respect des droits de la défense ne requiert aucunement des institutions qu’elles répondent à chaque argument soulevé, au cours de la procédure, mais uniquement qu’elles mettent les parties
intéressées en mesure de défendre utilement leurs intérêts (arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 25 octobre 2011, Transnational Company «Kazchrome» et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, point 327, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant la Cour, affaire C‑10/12 P).
62 De plus, la circonstance que le directeur de la direction «Service extérieur» de la DG «Relations extérieures» a invité la partie requérante, le 9 avril 2010, à prendre immédiatement tous les jours de congé lui restant et à suivre les instructions de son chef de délégation en ce qui concerne le retrait de toutes ses tâches ayant des implications financières doit s’analyser comme une mesure provisoire basée sur l’existence d’allégations de manquements aux obligations statutaires et non sur des
fautes dûment établies. En tout état de cause, la compétence pour mettre fin aux relations contractuelles avec la partie requérante appartenait, non pas à la DG «Relations extérieures», mais à l’AHCC. Aussi l’argument tiré du prétendu préjugé de cette direction générale est-il inopérant, dans la mesure où il n’établit nullement que l’AHCC, seule compétente pour entendre la partie requérante et pour prendre une décision en ce qui concerne le renouvellement, ou non, de son contrat, n’était plus
ouverte à ses arguments.
63 Enfin, le fait que l’AHCC a précisé, dans le courriel du 29 avril 2010 portant convocation de la partie requérante à une audition, qu’elle avait «été saisie par la DG [‘Relations extérieures’] de la demande de résiliation [de son] contrat d’agent contractuel» doit être lue comme tendant à informer la partie requérante des risques qu’elle encourrait de manière à lui permettre de faire connaître utilement son point de vue sur l’opportunité de cette mesure.
64 Il s’ensuit que la première branche du quatrième moyen n’est pas fondée.
– Sur la seconde branche, tirée de ce que la décision attaquée serait arbitraire, disproportionnée et entachée d’une erreur manifeste d’appréciation
65 La partie requérante soutient que le rapport de l’OLAF n’apportait pas la preuve des fautes qui lui ont été reprochées et que sa recommandation de mettre fin dans les meilleurs délais à son contrat n’était pas justifiée.
66 En l’espèce, la partie requérante conteste, premièrement, la prétendue violation de l’article 11 bis du statut tirée de ce qu’elle n’aurait pas déclaré un conflit d’intérêts résultant de ses liens professionnels avec la société G avant et après son entrée en fonctions. Elle fait valoir à ce propos que le contrat de collaboration verbal passé avec cette société dans le cadre du projet européen «Investment Promotion Kosovo» en échange d’une prime de succès s’élevant à 27 000 euros avait pris fin un
an avant qu’elle n’entre au service de la Commission. Elle expose aussi que si son ex-épouse a travaillé pour la société G à la suite de son intervention, cette dernière serait également antérieure à son engagement par la Commission. La partie requérante en conclut qu’elle n’avait aucun intérêt professionnel ou personnel dans ladite société lorsque celle-ci a remporté l’appel d’offres concernant le projet IPA/2008/165691 dont elle était responsable en sa qualité de responsable des projets
européens dans le domaine de la coopération transfrontalière à la délégation à Tirana.
67 Le Tribunal observe que la décision attaquée est, en effet, justifiée notamment par le fait que la partie requérante avait méconnu l’article 11 bis du statut.
68 Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que l’article 11 bis du statut, applicable aux agents contractuels au titre de l’article 3 bis du RAA en vertu des articles 11 et 81 du même régime, a pour but de garantir l’indépendance, l’intégrité et l’impartialité des fonctionnaires et agents, ainsi que, par voie de conséquence, celles des institutions qu’ils servent en imposant au fonctionnaire ou à l’agent concerné un devoir d’information préventif de l’autorité investie du pouvoir de nomination ou de
l’AHCC destiné à lui permettre de prendre, le cas échéant, des mesures appropriées. Eu égard au caractère fondamental des objectifs d’indépendance et d’intégrité poursuivis par cette disposition et au caractère général de l’obligation prescrite aux fonctionnaires et agents, il convient de reconnaître à l’article 11 bis du statut un large champ d’application, couvrant toute situation au vu de laquelle l’intéressé doit raisonnablement comprendre, compte tenu des fonctions qu’il exerce et des
circonstances, qu’elle est de nature à apparaître, aux yeux des tiers, comme une source possible d’altération de son indépendance (voir, en ce sens, à propos de l’article 14 du statut tel qu’il était en vigueur avant le 1er mai 2004, dont les dispositions figurent désormais sous celles de l’article 11 bis du statut, arrêts du Tribunal de première instance du 11 septembre 2002, Willeme/Commission, T‑89/01, point 47, et du 3 février 2005, Mancini/Commission, T‑137/03, point 31).
69 En l’espèce, il ressort du procès-verbal d’audition de la partie requérante par l’OLAF que celle-ci a admis qu’elle aurait dû déclarer à sa hiérarchie l’existence d’un possible conflit d’intérêts dès le dépôt par la société G d’une offre dans le cadre du projet IPA/2008/165691 dont elle avait été désignée responsable, dans la mesure où elle avait conclu, le 5 novembre 2006, un contrat de collaboration verbal avec la société K en vue d’aider la même société G à remporter l’appel d’offres du projet
«Investment Promotion Kosovo» contre paiement d’une prime de succès de 27000 euros. En outre, la partie requérante a confirmé devant les enquêteurs de l’OLAF qu’elle n’aurait pas dû, le 13 novembre 2008, soit au moment où elle évaluait les offres déposées dans le cadre du projet IPA/2008/165691 dont elle était responsable, et notamment celle de la société G, «préparer un contrat entre [elle-même] et [la société K] au profit de [la société G]», en vue de procéder à la «régularisation du contrat
verbal» du 5 novembre 2006 et le sauvegarder sur l’ordinateur mis à sa disposition par la Commission.
70 Enfin, l’indépendance des fonctionnaires et agents vis-à-vis des tiers ne doit pas seulement être appréciée d’un point de vue subjectif. Elle suppose aussi d’éviter, particulièrement dans la gestion des deniers publics, tout comportement susceptible d’affecter objectivement l’image des institutions et de saper la confiance que celles-ci doivent inspirer au public. Au vu des éléments rappelés au point précédent, de l’expérience de la partie requérante, du grade dont elle était titulaire et du
domaine dans lequel elle opérait, l’AHCC a pu raisonnablement estimer que celle-ci avait laissé se créer une situation ambiguë contraire à l’article 11 bis du statut, et cela quand bien même elle n’aurait plus eu d’intérêts dans la société G lorsque cette dernière a emporté le projet IPA/2008/165691 dont la partie requérante était responsable.
71 La partie requérante conteste, deuxièmement, avoir méconnu l’article 12 ter du statut en ne déclarant pas ses prétendues activités extérieures.
72 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 12 ter du statut, rendu applicable aux agents contractuels au titre de l’article 3 bis du RAA par les articles 11 et 81 du même régime, oblige les fonctionnaires et les agents à solliciter une autorisation lorsqu’ils se proposent d’exercer une activité extérieure rémunérée ou non. Cette obligation s’impose de manière générale, sans qu’il y ait lieu d’opérer une distinction quant à la nature ou à l’importance de l’activité (voir, en ce sens, à
propos de l’article 12 du statut tel qu’il était en vigueur avant le 1er mai 2004, dont les dispositions figurent désormais sous celles de l’article 11 bis du statut, arrêts du Tribunal de première instance du 19 mars 1998, Tzoanos/Commission, T‑74/96, point 66, et du 16 janvier 2003, Fichtner/Commission, T‑75/00, point 31). En outre, l’article 12 ter du statut ayant pour objet de garantir l’indépendance et l’intégrité des fonctionnaires et agents, ainsi que, par extension, celles de
l’institution qui les emploie et le recrutement par l’Union créant une situation nouvelle au regard de l’application de cette disposition, il y a lieu de considérer que l’obligation de demander une autorisation pour exercer une activité extérieure s’adresse non seulement aux fonctionnaires et agents qui, au cours de leur carrière, envisagent d’exercer une telle activité, mais aussi aux recrues qui souhaitent continuer à exercer une activité qu’ils exerçaient avant leur engagement et qui devient
«extérieure» à compter de leur entrée en fonctions.
73 En l’espèce, la partie requérante conteste avoir exercé, concomitamment à ses fonctions à la délégation de la Commission à Tirana, des responsabilités au sein de l’organisation non gouvernementale E (ci-après l’ONG E) sans avoir demandé d’autorisation. Elle fait valoir à ce propos qu’elle avait déclaré cette activité dans le curriculum vitae joint à sa candidature au poste sur lequel elle a été recrutée. Dès lors qu’elle assumait déjà des responsabilités au sein de ladite organisation non
gouvernementale lors de son entrée en fonctions, elle estime n’avoir pas violé l’article 12 ter du statut, car celui-ci exigerait seulement des fonctionnaires qui se proposent d’exercer une activité extérieure qu’ils en demandent préalablement l’autorisation. En tout état de cause, la partie requérante soutient qu’il n’y a pas eu d’interférence entre son travail pour la Commission et ses fonctions auprès de l’ONG E, sauf en ce qui concerne un contrat avec une société B. Toutefois, l’exécution de
ce contrat aurait débuté en 2006, soit avant que la partie requérante ne prenne ses fonctions à la Commission.
74 Force est, cependant, de constater que la partie requérante a admis, lors de son audition par l’OLAF, qu’elle n’avait pas respecté l’article 12 ter du statut en ne demandant pas une autorisation du fait de ses activités au profit de l’ONG E. Lors de cette audition, la partie requérante a, au demeurant, exposé qu’elle restait en contact avec M.P., de la société K, dans le but d’utiliser cette société et ses contacts pour «rétablir [un] pont» entre le Kosovo et des sociétés de conseil «dans
l’intention de faire [de l’ONG E] un partenaire local privilégié pour les projets européens via» ladite société.
75 Il importe peu, par ailleurs, que la partie requérante ait mentionné dans son curriculum vitae ses activités au sein de l’ONG E. En effet, l’article 12 ter du statut prévoit que le fonctionnaire concerné doit adresser une demande d’autorisation à l’autorité compétente. En outre, il a été exposé, au point 73 ci-dessus, que l’article 12 ter doit être interprété comme s’appliquant notamment aux activités que les recrues exerçaient avant leur engagement par l’institution et qu’elles entendent
poursuivre après cet engagement.
76 La partie requérante ne peut davantage se retrancher derrière le fait qu’il n’y aurait eu aucune interférence entre ses fonctions à la délégation de la Commission à Tirana et ses activités au sein de l’ONG E, puisqu’elle reconnaît au moins une interférence, liée à un contrat avec la société B, la circonstance que l’exécution de celui-ci avait débuté avant sa prise de fonctions étant dépourvue de pertinence comme cela vient d’être rappelé. Au demeurant, dès lors que ses activités au sein de l’ONG
E avaient manifestement un caractère professionnel, il n’appartenait pas à la partie requérante de s’ériger en juge de l’existence d’interférences ou non avec ses fonctions à la délégation de la Commission à Tirana. L’article 12 ter du statut prévoit, en effet, qu’une autorisation doit être demandée pour exercer une activité extérieure afin, précisément, de mettre l’autorité compétente en mesure de procéder à ce genre d’appréciation.
77 La partie requérante conteste, troisièmement, avoir violé l’article 12 du statut en exerçant des activités déloyales en faveur de la société K et des clients de celle-ci, alors qu’elle était employée par la Commission. Toutefois, il a déjà été relevé au point 61 ci-dessus que, si l’OLAF a évoqué ce grief dans son rapport, l’AHCC n’a pas fondé la décision attaquée sur celui-ci. Par conséquent, les arguments que la partie requérante développe à propos de la violation de l’article 12 du statut sont
dépourvus de pertinence et sont, partant, inopérants.
78 Enfin, la partie requérante soutient que, à les supposer fondés, les manquements qui lui ont été reprochés correspondaient à une mauvaise compréhension de sa part des règles en vigueur. Elle fait aussi valoir que la Commission n’en a subi aucun préjudice financier, que son rapport de stage avait été exemplaire, qu’elle opérait dans un des secteurs les plus difficiles de l’aide extérieure de l’Union et qu’il lui a été demandé de ne pas prendre ses congés avant son départ de la délégation afin de
faciliter la période de transition jusqu’à l’arrivée de son remplaçant. La partie requérante en déduit que le refus de renouveler son contrat constituerait un licenciement abusif, parce qu’il serait fondé sur des motifs non valables tant en fait qu’en droit.
79 Toutefois, les articles 11 bis et 12 ter du statut ont été publiés au Journal officiel de l’Union européenne. Aussi la partie requérante ne peut-elle, en vertu du principe général du droit selon lequel nul n’est censé ignorer la loi, invoquer son ignorance de ces dispositions pour justifier ses manquements (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal de première instance du 9 septembre 2009, Nijs/Cour des comptes, T‑375/08 P, point 28).
80 Par ailleurs, il importe peu que la Commission n’ait subi, par hypothèse, aucun préjudice financier, car les obligations qui pèsent sur les fonctionnaires et les agents en vertu des articles 11 bis et 12 ter du statut tendent aussi à préserver l’indépendance et l’image des institutions (points 69 et 73 ci-dessus). De même, la circonstance que la partie requérante aurait accompli un stage prétendument exemplaire ne saurait infirmer l’appréciation de l’AHCC sur l’opportunité de ne pas renouveler
son contrat au vu de faits mis en lumière postérieurement au rapport concluant ce stage. En outre, le fait que la partie requérante opérait dans un secteur difficile et dans un domaine ayant des implications financières exigeait précisément une vigilance particulière au regard de tout ce qui pouvait semer un doute sur son indépendance et, par répercussion, sur celle de la Commission. Enfin, il a déjà été exposé que l’appréciation du maintien d’une relation de confiance entre l’agent et son
institution échoit, en dernière analyse, à l’AHCC qui doit procéder à une appréciation d’ensemble, de sorte que la circonstance qu’il ait été demandé à la partie requérante d’assurer la transition jusqu’à l’arrivée de son remplaçant n’est pas pertinente.
81 Dans ce contexte, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont l’AHCC dispose pour renouveler ou non des contrats d’agents contractuels, ainsi que des griefs dont la matérialité a été établie au terme de l’examen ci-dessus, il apparaît que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que les manquements avérés susmentionnés de la partie requérante avaient rompu la relation de confiance qui devait exister entre eux.
82 Cette conclusion s’impose sans qu’il soit besoin d’examiner si l’AHCC a pu considérer à bon droit que la partie requérante aurait également dû demander une autorisation pour exercer une activité extérieure dans le cadre de la société K.
83 En effet, en cas de pluralité de motifs, même si un motif d’un acte litigieux est erroné en fait, ce vice ne peut pas conduire à l’annulation de cet acte si les autres motifs fournissent une justification suffisante par elle-même (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, point 162, et du 8 mars 2005, Vlachaki/Commission, T‑277/03, point 85 ; arrêt Y/Commission, point 90). S’agissant, en
particulier, d’un moyen tiré, comme en l’espèce, de l’erreur manifeste d’appréciation, il importe de rappeler qu’il incombe à la partie requérante d’apporter des éléments de preuve suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration, de sorte que ce moyen doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés, l’appréciation de l’administration mise en cause peut toujours être considérée comme vraisemblable. Dans le cas où, comme en l’espèce, la décision attaquée
repose sur plusieurs motifs, ce rejet s’impose, plus précisément, lorsque la décision contestée est, par hypothèse, entachée d’une erreur sur l’un de ses motifs, mais que ce motif est insusceptible d’avoir déterminé à lui seul l’administration (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 29 septembre 2011, Kimman/Commission, F-74/10, points 92 et 93, faisant l’objet d’un pourvoi devant le Tribunal de l’union européenne, affaire T‑644/11 P, et AJ/Commission, F-80/10, points 35 et 36).
84 Il s’ensuit que la deuxième branche du quatrième moyen n’est pas fondée. Il en va de même, par voie de conséquence, du quatrième moyen dans son ensemble.
85 Compte tenu de tout ce qui précède, il s’impose de rejeter les conclusions en annulation.
Sur les deuxième et troisième chefs de conclusions tendant à ce que la Commission soit condamnée à réparer le préjudice subi et à prendre diverses mesures à la suite de l’annulation à intervenir de la décision attaquée
86 Par son deuxième chef de conclusions la partie requérante demande à être réintégrée dans ses fonctions, que la Commission soit condamnée au paiement de sa rémunération avec effet rétroactif ou tout au moins que lui soit versées des indemnités de chômage jusqu’à son nouveau recrutement. Elle demande, enfin, que la décision attaquée, ainsi que toute pièce liée à la présente procédure, soient retirées de son dossier personnel.
87 Par son troisième chef de conclusions, la partie requérante demande réparation de son préjudice en faisant valoir que les illégalités commises par la Commission sont autant de fautes qui engagent sa responsabilité.
88 Ces chefs de conclusions ne peuvent qu’être rejetés, dès lors qu’ils présentent un lien direct avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été jugées non fondées.
89 Le recours doit, dès lors, être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
90 Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
91 Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la partie requérante a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que celle-ci soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner la partie requérante à supporter les dépens exposés par la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) BD supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens de la Commission.
Van Raepenbusch
Barents
Bradley
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 mars 2012.
Le greffier
W. Hakenberg
Le président
S. Van Raepenbusch
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( *1 ) Langue de procédure : le français.