La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/02/2012 | CJUE | N°C-372/10

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Pak-Holdco sp. zoo contre Dyrektor Izby Skarbowej w Poznaniu., 16/02/2012, C-372/10


ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

16 février 2012 ( *1 )

«Fiscalité — Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux — Droit d’apport perçu sur les sociétés de capitaux — Obligation d’un État membre de prendre en compte des directives n’étant plus en vigueur à la date d’adhésion de cet État — Exclusion de la base d’imposition du montant des avoirs propres de la société de capitaux qui sont affectés à l’augmentation du capital social et qui ont déjà été soumis au droit d’apport»

Dans l’affaire C-372/10,<

br>
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Nacze...

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

16 février 2012 ( *1 )

«Fiscalité — Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux — Droit d’apport perçu sur les sociétés de capitaux — Obligation d’un État membre de prendre en compte des directives n’étant plus en vigueur à la date d’adhésion de cet État — Exclusion de la base d’imposition du montant des avoirs propres de la société de capitaux qui sont affectés à l’augmentation du capital social et qui ont déjà été soumis au droit d’apport»

Dans l’affaire C-372/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny (Pologne), par décision du 26 mai 2010, parvenue à la Cour le 26 juillet 2010, dans la procédure

Pak-Holdco sp. zoo

contre

Dyrektor Izby Skarbowej w Poznaniu,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot (rapporteur), président de chambre, Mme A. Prechal, M. K. Schiemann, Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme K. Sztranc-Sławiczek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 octobre 2011,

considérant les observations présentées:

— pour Pak-Holdco sp. zoo, par Me N. Półtorak, radca prawny, et M. L. Mazur, doradca podatkowy,

— pour le gouvernement polonais, par M. M. Szpunar ainsi que par Mmes A. Kraińska et A. Kramarczyk, en qualité d’agents,

— pour la Commission européenne, par Mmes L. Lozano Palacios et K. Herrmann, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 5, paragraphe 3, premier tiret, de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25), et 7, paragraphe 1, de la directive 69/335, telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985 (JO L 156, p. 23).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Pak-Holdco sp. zoo (ci-après «Pak-Holdco») au Dyrektor Izby Skarbowej w Poznaniu au sujet d’une imposition portant sur des actes de droit civil.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

3 Aux termes de l’article 5, paragraphe 3, de la directive 69/335:

«Le montant sur lequel le droit est liquidé en cas d’augmentation du capital social ne comprend pas:

— le montant des avoirs propres de la société de capitaux qui sont affectés à l’augmentation du capital social et qui ont déjà été soumis au droit d’apport;

[...]»

4 L’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335 a été modifié à plusieurs reprises. Dans sa rédaction initiale, il disposait:

«Jusqu’à l’entrée en vigueur des dispositions à arrêter par le Conseil conformément au paragraphe 2:

a) le taux du droit d’apport ne peut dépasser 2 % ni être inférieur à 1 %;

b) ce taux est réduit de 50 % ou plus lorsqu’une ou plusieurs sociétés de capitaux apportent la totalité de leur patrimoine, ou une ou plusieurs branches de leur activité, à une ou plusieurs sociétés de capitaux en voie de création ou préexistantes.

Cette réduction est subordonnée à la condition que:

— les apports soient exclusivement rémunérés par l’attribution de parts sociales, les États membres ayant la faculté d’étendre l’octroi de la réduction aux cas où les apports sont rémunérés par l’attribution de parts sociales conjointement à un versement au comptant de 10 % au maximum de leur valeur nominale,

— les sociétés parties à l’opération aient leur siège de direction effective ou leur siège statutaire sur le territoire d’un État membre;

[...]»

5 La directive 73/79/CEE du Conseil, du 9 avril 1973, modifiant le champ d’application du taux réduit du droit d’apport prévu, en faveur de certaines opérations de restructuration de sociétés, par l’article 7 paragraphe 1 sous b) de la directive concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 103, p. 13), a modifié l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335 en y introduisant un point b) bis rédigé comme suit:

«b)bis Le taux du droit d’apport peut être réduit de 50 % ou plus lorsqu’une société de capitaux en voie de création ou préexistante obtient des parts représentant au moins 75 % du capital social antérieurement émis d’une autre société de capitaux. Dans le cas où ce pourcentage est atteint à la suite de plusieurs opérations, c’est seulement l’opération grâce à laquelle ce pourcentage est atteint, ainsi que les opérations subséquentes augmentant ce pourcentage, qui bénéficient du taux réduit.

[...]»

6 La directive 73/80/CEE du Conseil, du 9 avril 1973, concernant la fixation des taux communs du droit d’apport (JO L 103, p. 15), disposait:

«Article premier

Le taux du droit d’apport visé à l’article 7 de la directive [69/335, telle que modifiée par la directive 73/79,] est fixé à 1 % à partir du 1er janvier 1976.

Article 2

Les taux réduits visés à l’article 7 paragraphe 1 sous b) et b) bis de la même directive[, telle que modifiée,] sont fixés de 0 % à 0,50 % à partir du 1er janvier 1976.

[...]»

7 Enfin, l’article 1er, point 2, de la directive 85/303 a modifié l’article 7 de la directive 69/335 en disposant:

«L’article 7 [de la directive 69/335] est remplacé par le texte suivant:

‘Article 7

1.   Les États membres exonèrent du droit d’apport les opérations, autres que celles visées à l’article 9, qui étaient exonérées ou taxées à un taux égal ou inférieur à 0,50 % à la date du 1er juillet 1984.

L’exonération est soumise aux conditions qui étaient applicables à cette date, pour l’octroi de l’exonération ou, le cas échéant, pour l’imposition à un taux égal ou inférieur à 0,50 %.

La République hellénique détermine les opérations qu’elle exonère du droit d’apport.

[...]’»

8 La directive 85/303 a en outre abrogé la directive 73/80.

9 La directive 69/335 a été abrogée par la directive 2008/7/CE du Conseil, du 12 février 2008, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 46, p. 11). Cette abrogation est cependant postérieure aux faits au principal.

La réglementation nationale

10 L’article 1er, paragraphe 1, point 3, sous d), de la loi du 19 décembre 1975 sur les droits de timbre (Dz. U no 45, position 226), dans sa version applicable au litige au principal, dispose:

«Le droit de timbre est perçu:

[...]

3) sur les actes suivants constatant des opérations de droit civil:

[...]

d) les actes constatant la constitution d’une société par des personnes physiques et des personnes morales n’exerçant pas leurs activités dans le cadre de l’économie planifiée».

11 L’article 54, paragraphe 1, du décret du Conseil des ministres du 16 mai 1983 en matière de droit de timbre (Dz. U no 34, position 161), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le «décret sur le droit de timbre»), énonce:

«Le droit de timbre perçu sur les contrats de société, tel qu’appliqué à la base d’imposition, est de:

1) 10 % pour les apports d’immeubles ou d’usufruit perpétuel,

2) 5 % pour les autres apports.»

12 L’article 54, paragraphe 3, du décret sur le droit de timbre, prévoit:

«La base d’imposition du droit de timbre est constituée:

[...]

2) en cas d’augmentation du capital social, du montant de l’augmentation du capital social.»

13 Aux termes de l’article 54, paragraphe 4, du décret sur le droit de timbre:

«Le capital social s’entend de tous les apports des associés, à l’exception des apports en industrie, ainsi que des versements complémentaires dans les sociétés à responsabilité limitée.»

14 Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur les actes de droit civil du 9 septembre 2000, telle que modifiée (Dz. U de 2005, no 41, position 399, ci-après la «loi PCC»):

«Sont soumis à l’impôt:

1) les actes de droit civil suivants:

[...]

k) les contrats de société (actes constitutifs),

2) les modifications apportées aux contrats mentionnés au point 1 si elles entraînent une augmentation de l’assiette de l’impôt sur les actes de droit civil [...]»

15 L’article 1er, paragraphe 3, point 2, de la loi PCC dispose:

«Dans le cas d’un contrat de société, on entend par modification du contrat:

[...]

2) pour une société de capitaux: l’apport ou l’augmentation d’un apport à la société, dont la valeur a pour effet d’accroître le capital social, ainsi que les versements complémentaires.»

16 L’article 6, paragraphe 1, point 8, de la loi PCC énonce:

«La base d’imposition est constituée:

[...]

8) pour le contrat de société:

[...]

b) en cas de modification du contrat — par la valeur des apports augmentant les actifs de la société ou par le montant de l’augmentation du capital social».

17 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, point 9, de la loi PCC:

«Les taux d’imposition sont fixés aux montants ci-après:

[...]

9) sur les contrats de société: 0,5 %.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

18 Elektrowna Pątnów II sp. zoo (ci-après «EP II») et Pak-Holdco sont deux filiales de Zespol Elektrowni Patnow Adamov Konin SA (ci-après «ZEPAK»).

19 Le 17 août 2005, ZEPAK a cédé la totalité des parts qu’elle détenait dans EP II à Pak-Holdco, par voie d’apport en nature à cette dernière. Le lendemain, Pak-Holdco a procédé à une augmentation de capital égale à la valeur de cet apport en nature, augmentant la valeur des parts de ZEPAK dans Pak-Holdco du montant de celles auparavant détenues par ZEPAK dans EP II. Cette opération constituant une modification du contrat de société de Pak-Holdco au sens de la loi PCC, elle a été soumise à l’impôt
sur les actes de droit civil, au taux de 0,5 %.

20 Le 31 août 2006, Pak-Holdco a demandé aux services fiscaux de constater l’existence d’un excédent de versement de l’impôt sur les actes de droit civil d’une valeur égale au montant des droits versés en application des dispositions de la loi PCC, et ce au motif que cette dernière serait en contradiction avec la directive 69/335, dont l’article 7, paragraphe 1, interprété conjointement avec les directives 73/79, 73/80 et 85/303, interdirait de soumettre au droit d’apport l’opération en cause et
qu’il y aurait donc lieu d’appliquer prioritairement la directive 69/335. Au surplus, Pak-Holdco estimait que l’article 5, paragraphe 3, premier tiret, de cette directive exclut de la base d’imposition l’apport, par une autre société, d’actifs qui ont déjà été antérieurement imposés au droit d’apport.

21 À la suite du refus opposé par l’administration fiscale, Pak-Holdco a formé un recours devant le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Poznaniu (tribunal administratif de la voïvodie de Poznań), qui a confirmé cette décision. Cette juridiction a notamment fondé son jugement sur le fait que les directives 73/79 et 73/80 ont été abrogées avant l’adhésion de la République de Pologne à l’Union européenne et qu’elles ne pouvaient par suite produire d’effets de droit à l’égard du requérant. En outre, elle a
jugé que l’article 5, paragraphe 3, premier tiret, de la directive 69/335 était inapplicable aux faits d’espèce.

22 Saisi en cassation, le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour administrative suprême) s’interroge sur le point de savoir s’il faut faire de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335, telle que modifiée par la directive 85/303, une interprétation littérale ou historique. Selon la juridiction de renvoi, la jurisprudence de la Cour n’est pas fixée. En effet, alors que la Cour se serait, dans l’arrêt du 21 juin 2007, Optimus-Telecomunicações (C-366/05, Rec. p. I-4985, point 27), prononcée contre
une interprétation historique de cette disposition, elle se serait en revanche livrée à une telle interprétation dans l’arrêt du 9 juillet 2009, Commission/Espagne (C-397/07, Rec. p. I-6029, point 21).

23 C’est dans ce contexte que le Naczelny Sąd Administracyjny a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) La juridiction nationale a-t-elle l’obligation, en interprétant l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335, [telle que modifiée par la directive 85/303,] de tenir compte des dispositions des directives modificatives, en particulier des directives 73/79 [...] et 73/80 [...], alors que ces dernières n’étaient plus en vigueur lors de l’adhésion de la République de Pologne à l’Union [...]?

2) En cas de réponse négative à la première question, l’exclusion des avoirs de la société de capitaux de la base d’imposition au droit d’apport, que prévoit l’article 5, paragraphe 3, premier tiret, de la directive 69/335 [...], concerne-t-elle exclusivement les avoirs de la société de capitaux dont le capital est augmenté?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

24 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans le cas d’un État, telle la République de Pologne, qui a adhéré à l’Union le 1er mai 2004, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335, telle que modifiée par la directive 85/303, doit être interprété en ce sens que l’exonération obligatoire prévue à cette disposition ne s’applique qu’aux opérations relevant du champ d’application de cette directive, telle que modifiée, qui, au 1er juillet 1984, étaient
exonérées, dans ledit État, du droit d’apport ou qui étaient soumises à ce droit à un taux réduit inférieur ou égal à 0,50 %.

25 Aux fins de répondre à cette question, il convient de tenir compte, quant à l’interprétation et à l’application de la directive 69/335, de la situation particulière d’un État, telle la République de Pologne, qui est devenue membre de l’Union le 1er mai 2004.

26 Il découle, en premier lieu, de cette constatation que la directive 69/335 n’était pas applicable dans cet État avant cette date. Toute mesure en matière d’imposition ou d’exonération des opérations relevant de la notion de rassemblements de capitaux était prise dans l’ordre juridique polonais, avant la date susvisée, sur la base du seul droit national (voir arrêt Optimus-Telecomunicações, précité, point 26).

27 En second lieu, il en résulte que, aux fins de l’interprétation et de l’application de la directive 69/335 en ce qui concerne la République de Pologne, une interprétation «historique» des objectifs de cette directive ne saurait influencer l’interprétation de celle-ci telle qu’en vigueur après l’adhésion de cet État (voir arrêt Optimus-Telecomunicações, précité, point 27).

28 L’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 69/335, telle que modifiée par la directive 85/303, comporte l’obligation claire et inconditionnelle, pour les États membres, d’exonérer du droit d’apport les opérations qui, au 1er juillet 1984, étaient exonérées ou taxées à un taux égal ou inférieur à 0,50 %. Cette obligation, dont le sens est dépourvu d’ambiguïté, lie également la République de Pologne à compter du 1er mai 2004 (voir, en ce sens, arrêt Optimus-Telecomunicações,
précité, point 30).

29 Cette interprétation correspond non seulement à la lettre claire dudit article 7, paragraphe 1, mais également à l’esprit et à l’objectif premier de la directive 69/335 qui tend à limiter autant que possible les effets du droit d’apport sur la libre circulation des capitaux (voir arrêt Optimus-Telecomunicações, précité, point 31).

30 Il y a lieu de relever, enfin, que la date du 1er juillet 1984, qui est prise comme date de référence en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335, telle que modifiée par la directive 85/303, est également valable pour la République de Pologne. En effet, en cas d’adhésion à l’Union, un renvoi à une date prévue dans le droit de l’Union, en l’absence d’une disposition contraire dans l’acte d’adhésion à l’Union ou dans un autre acte de l’Union, vaut également pour l’État adhérent,
même si cette date est antérieure à celle de cette adhésion. Or, en ce qui concerne la République de Pologne, il n’y a à cet égard aucune prescription différente ni dans l’acte d’adhésion de cet État à l’Union ni dans un autre acte de l’Union (voir, en ce sens, arrêts Optimus-Telecomunicações, précité, point 32, et du 16 juin 2011, Logstor ROR Polska, C-212/10, Rec. p. I-5453, point 33).

31 Il en résulte que, dans le cas d’un État, telle la République de Pologne, qui a adhéré à l’Union le 1er mai 2004, en l’absence de dispositions dérogatoires dans l’acte d’adhésion de cet État à l’Union ou dans un autre acte de l’Union, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335, telle que modifiée par la directive 85/303, doit être interprété en ce sens que l’exonération obligatoire prévue à cette disposition ne s’applique qu’aux opérations relevant du champ d’application de cette
directive, telle que modifiée, qui, au 1er juillet 1984, étaient exonérées, dans ledit État, du droit d’apport ou qui étaient soumises à ce droit à un taux réduit inférieur ou égal à 0,50 % (voir, en ce sens, arrêt Optimus-Telecomunicações, précité, point 33).

32 Cette interprétation n’est pas remise en cause par le point 21 de l’arrêt Commission/Espagne, précité, dans lequel la Cour s’est bornée à délimiter l’étendue des griefs qui étaient soulevés par la Commission européenne dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt en précisant les opérations qui étaient, à compter du 1er janvier 1986, date d’adhésion du Royaume d’Espagne aux Communautés européennes, obligatoirement exonérées du droit d’apport.

33 Il y a, par suite, lieu de répondre à la première question que, dans le cas d’un État, telle la République de Pologne, qui a adhéré à l’Union le 1er mai 2004, en l’absence de dispositions dérogatoires dans l’acte d’adhésion de cet État à l’Union ou dans un autre acte de l’Union, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335, telle que modifiée par la directive 85/303, doit être interprété en ce sens que l’exonération obligatoire prévue à cette disposition ne s’applique qu’aux opérations
relevant du champ d’application de cette directive, telle que modifiée, qui, au 1er juillet 1984, étaient exonérées, dans ledit État, du droit d’apport ou qui étaient soumises à ce droit à un taux réduit inférieur ou égal à 0,50 %.

Sur la seconde question

34 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 3, premier tiret, de la directive 69/335, qui exclut de la base d’imposition le «montant des avoirs propres de la société de capitaux qui sont affectés à l’augmentation du capital social et qui ont déjà été soumis au droit d’apport», doit être interprété en ce sens que ne sont exclus de la base d’imposition que les seuls avoirs de la société de capitaux dont le capital social est augmenté ou
également ceux qui, provenant d’une autre société, viennent augmenter ce capital.

35 L’article 5, paragraphe 3, premier tiret, de la directive 69/335 soumet l’exclusion de la base d’imposition qu’il prévoit à deux conditions, à savoir, d’une part, que les avoirs en cause soient affectés à l’augmentation du capital social d’une société de capitaux et, d’autre part, qu’ils aient déjà été soumis au droit d’apport.

36 Il résulte ainsi du texte de cette disposition qu’elle ne vise pas exclusivement les avoirs de la société de capitaux dont le capital social est augmenté. L’ajout d’une autre condition, selon laquelle ces avoirs devraient en outre appartenir à la société dont le capital social est augmenté, serait contraire à l’interprétation littérale du texte de ladite disposition.

37 Cet ajout irait également à l’encontre de l’objectif que cette même disposition poursuit, qui exclut de l’assiette d’imposition les montants qui ont déjà été soumis au droit d’apport afin d’éviter leur double imposition dans le but de promouvoir la libre circulation des capitaux (voir, par analogie, arrêts du 18 mars 1993, Viessmann, C-280/91, Rec. p. I-971, point 21, et du 12 novembre 2009, Elektrownia Pątnów II, C-441/08, Rec. p. I-10799, point 40). En effet, l’ajout d’une condition
supplémentaire à celles qui sont posées par le texte de l’article 5, paragraphe 3, premier tiret, de la directive 69/335, selon laquelle les avoirs en cause devraient en outre appartenir à la société dont le capital est augmenté, permettrait la double imposition d’un même montant dès lors que l’opération en cause porterait sur des sociétés distinctes.

38 Il y a lieu, par suite, de répondre à la seconde question que l’article 5, paragraphe 3, premier tiret, de la directive 69/335, qui exclut de la base d’imposition le «montant des avoirs propres de la société de capitaux qui sont affectés à l’augmentation du capital social et qui ont déjà été soumis au droit d’apport», doit être interprété en ce sens qu’il s’applique indépendamment du point de savoir s’il s’agit des avoirs de la société dont le capital social est augmenté ou de ceux qui, provenant
d’une autre société, viennent augmenter ce capital.

Sur les dépens

39 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

  1) Dans le cas d’un État, telle la République de Pologne, qui a adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004, en l’absence de dispositions dérogatoires dans l’acte d’adhésion de cet État à l’Union européenne ou dans un autre acte de l’Union européenne, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985, doit être
interprété en ce sens que l’exonération obligatoire prévue à cette disposition ne s’applique qu’aux opérations relevant du champ d’application de cette directive, telle que modifiée, qui, au 1er juillet 1984, étaient exonérées, dans ledit État, du droit d’apport ou qui étaient soumises à ce droit à un taux réduit inférieur ou égal à 0,50 %.

  2) L’article 5, paragraphe 3, premier tiret, de la directive 69/335, qui exclut de la base d’imposition le «montant des avoirs propres de la société de capitaux qui sont affectés à l’augmentation du capital social et qui ont déjà été soumis au droit d’apport», doit être interprété en ce sens qu’il s’applique indépendamment du point de savoir s’il s’agit des avoirs de la société dont le capital social est augmenté ou de ceux qui, provenant d’une autre société, viennent augmenter ce capital.

  Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure: le polonais.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-372/10
Date de la décision : 16/02/2012
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny.

Fiscalité — Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux — Droit d’apport perçu sur les sociétés de capitaux — Obligation d’un État membre de prendre en compte des directives n’étant plus en vigueur à la date d’adhésion de cet État — Exclusion de la base d’imposition du montant des avoirs propres de la société de capitaux qui sont affectés à l’augmentation du capital social et qui ont déjà été soumis au droit d’apport.

Fiscalité

Impôts indirects


Parties
Demandeurs : Pak-Holdco sp. zoo
Défendeurs : Dyrektor Izby Skarbowej w Poznaniu.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott
Rapporteur ?: Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2012:86

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award