ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
16 février 2012 ( *1 )
«Fiscalité — Sixième directive TVA — Déduction de la taxe payée en amont — Articles 17, paragraphes 2 et 5, et 19 — ‘Subventions’ utilisées pour l’achat de biens et de services — Limitation du droit à déduction»
Dans l’affaire C-25/11,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Supremo Tribunal Administrativo (Portugal), par décision du 10 novembre 2010, parvenue à la Cour le 17 janvier 2011, dans la procédure
Varzim Sol — Turismo, Jogo e Animação SA
contre
Fazenda Pública,
LA COUR (huitième chambre),
composée de Mme A. Prechal, président de chambre, MM. L. Bay Larsen (rapporteur) et E. Jarašiūnas, juges,
avocat général: Mme E. Sharpston,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
— pour Varzim Sol — Turismo, Jogo e Animação SA, par Mes A. Jacinto et M. Brás, advogados,
— pour le gouvernement portugais, par M. L. Inez Fernandes, en qualité d’agent,
— pour la Commission européenne, par Mme L. Lozano Palacios et M. P. Guerra e Andrade, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 17, paragraphes 2 et 5, et 19 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours opposant Varzim Sol — Turismo, Jogo e Animação SA (ci-après «Varzim Sol») à la Fazenda Pública au sujet d’avis de liquidation supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») et d’intérêts de retard pour les années 2002 à 2004.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 2, paragraphe 1, de la sixième directive soumet à la TVA «les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel» et les «importations de biens».
4 L’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de cette directive est formulé comme suit:
«À l’intérieur du pays
1. La base d’imposition est constituée:
a) pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b), c) et d), par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acheteur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations».
5 L’article 17 de la sixième directive, qui régit la naissance et l’étendue du droit à déduction, dispose à ses paragraphes 2 et 5:
«2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:
a) la [TVA] due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;
b) la [TVA] due ou acquittée pour les biens importés;
c) la [TVA] due conformément à l’article 5 paragraphe 7 sous a) et à l’article 6 paragraphe 3.
[...]
5. En ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux paragraphes 2 et 3 et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction, la déduction n’est admise que pour la partie de la [TVA] qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations.
Ce prorata est déterminé pour l’ensemble des opérations effectuées par l’assujetti conformément à l’article 19.
Toutefois, les États membres peuvent:
a) autoriser l’assujetti à déterminer un prorata pour chaque secteur de son activité, si des comptabilités distinctes sont tenues pour chacun de ces secteurs;
b) obliger l’assujetti à déterminer un prorata pour chaque secteur de son activité et à tenir des comptabilités distinctes pour chacun de ces secteurs;
c) autoriser ou obliger l’assujetti à opérer la déduction suivant l’affectation de tout ou partie des biens et services;
d) autoriser ou obliger l’assujetti à opérer la déduction, conformément à la règle prévue au premier alinéa, pour tous les biens et services utilisés pour toutes les opérations y visées;
e) prévoir, lorsque la [TVA] qui ne peut être déduite par l’assujetti est insignifiante, qu’il n’en sera pas tenu compte.
[...]»
6 L’article 19 de ladite directive, qui établit les règles applicables au calcul du prorata de déduction, énonce à son paragraphe 1:
«Le prorata de déduction, prévu par l’article 17 paragraphe 5 premier alinéa, résulte d’une fraction comportant:
— au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d’affaires, [TVA] exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction conformément à l’article 17 paragraphes 2 et 3;
— au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d’affaires, [TVA] exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu’aux opérations qui n’ouvrent pas droit à déduction. Les États membres ont la faculté d’inclure également dans le dénominateur le montant des subventions autres que celles visées à l’article 11 sous A paragraphe 1 sous a).
Le prorata est déterminé sur une base annuelle, fixé en pourcentage et arrondi à un chiffre qui ne dépasse pas l’unité supérieure.»
Le droit national
7 L’article 23 du code de la TVA énonce:
«1. Lorsque l’assujetti, dans l’exercice de son activité, effectue des livraisons de biens ou des prestations de services, dont une partie n’ouvre pas droit à déduction, la taxe payée sur les achats est déductible seulement pour le pourcentage correspondant au montant annuel des opérations qui ouvrent droit à déduction.
2. Nonobstant les dispositions du paragraphe précédent, l’assujetti pourra effectuer la déduction en fonction de l’affectation réelle de tout ou partie des biens et des services utilisés, à condition d’en informer préalablement la direction générale des impôts directs et indirects, sans préjudice de la possibilité pour cette dernière de lui imposer des conditions spéciales ou de mettre fin à cette procédure en cas de distorsions importantes dans l’imposition.
3. L’administration fiscale peut obliger le contribuable à procéder conformément aux dispositions du paragraphe précédent:
a) lorsque l’assujetti exerce des activités économiques distinctes;
b) lorsque l’application de la procédure visée au paragraphe l entraîne des distorsions importantes dans l’imposition.
4. Le pourcentage de déduction spécifique visé au paragraphe 1 résulte d’une fraction qui comporte, au numérateur, le montant annuel, taxe exclue, des livraisons de biens et des prestations de services qui ouvrent droit à déduction conformément à l’article 19 et à l’article 20, paragraphe 1, et, au dénominateur, le montant annuel, taxe exclue, de toutes les opérations effectuées par l’assujetti, y compris les opérations exonérées ou hors domaine d’application de la taxe, notamment les
subventions non taxées qui ne sont pas des subventions d’équipement.
[...]»
8 Les sociétés bénéficiant d’une concession d’exploitation de jeux de hasard dans une zone de jeu sont notamment soumises aux dispositions du décret-loi no 422/89 du 2 décembre 1989, tel que modifié. L’article 16 de ce décret-loi dispose:
«1. Sans préjudice des autres obligations visées dans le présent texte, de la législation complémentaire et des contrats de concession respectifs, les sociétés concessionnaires s’engagent à:
[...]
b) organiser régulièrement, dans les locaux du casino prévus à cet effet, des programmes d’animation d’un bon niveau artistique;
c) promouvoir et organiser des manifestations touristiques, culturelles et sportives, participer aux initiatives officielles de même nature, visant à favoriser le tourisme dans la zone de jeux concernée et soutenir ou réaliser la promotion de la zone de jeux à l’étranger [...].
2. Pour remplir les obligations prévues aux points b) et c) du paragraphe ci-dessus, les concessionnaires doivent affecter un montant correspondant à au moins 3 % des recettes de jeu brutes réalisées l’année précédente ou, s’il s’agit de la première année des concessions, l’année en question et, dans chaque cas, la somme affectée au respect desdites obligations ne doit pas être inférieure à 1 % de ces recettes.»
9 Le régime contractuel des concessions d’exploitation de jeux de hasard dans les zones de jeu a été modifié par le décret-loi no 275/2001 du 17 octobre 2001. L’article 2, paragraphe 4, de ce décret-loi prévoit:
«Les contreparties annuelles auxquelles demeurent liés les concessionnaires des zones de jeu de l’Algarve, d’Espinho, d’Estoril et de Póvoa de Varzim ne peuvent être inférieures aux valeurs indiquées dans le tableau figurant en annexe [...]»
10 L’article 5 dudit décret-loi, qui porte sur le régime de défalcation des charges dans le domaine de l’animation et de la promotion touristique, dispose:
«1. Dans les contreparties annuelles de l’exploitation, que les sociétés concessionnaires sont tenues de fournir, [...] la défalcation, jusqu’à 1 % des recettes de jeu brutes, est faite des charges relatives à l’exécution des obligations prévues à l’article 16, paragraphe 1, points b) et c) du décret-loi no 422/89 [...], charges qui ne peuvent pas être inférieures à 3 % des recettes de jeu brutes.
2. Dans le cas où lesdites charges, ajoutées aux coûts nets de l’animation et de la restauration et aux charges de publicité et de marketing, dépassent un montant correspondant à 3 % des recettes de jeu brutes, les concessionnaires [...] ont le droit de défalquer, en complément, 50 % des charges excédant le minimum exigible [...], cette défalcation supplémentaire ne pouvant excéder 3 % des recettes de jeu brutes.
3. Cette dernière défalcation ne peut être pratiquée que dans l’hypothèse et dans la limite de 25 % de l’augmentation des recettes de jeu brutes de chaque exercice par rapport à l’exercice précédent, dans les cas des zones de jeu de Póvoa de Varzim [...]»
11 Les règles ainsi établies quant à la défalcation des charges dans le domaine de l’animation et de la promotion touristique sont reproduites dans le contrat de concession d’exploitation de jeux de hasard dans la zone permanente de Póvoa de Varzim, attribué à Varzim Sol.
Le litige au principal et la question préjudicielle
12 Varzim Sol exploite un casino sur la base d’un contrat de concession d’exploitation de jeux de hasard dans la zone permanente de Póvoa de Varzim, conclu le 14 décembre 2001. Ce contrat l’oblige à mener un certain nombre d’actions d’animation artistique et culturelle, mais aussi à participer à la promotion de la zone dans laquelle se trouve le casino.
13 Varzim Sol exerce à la fois des activités dans le secteur du jeu, exonérées de la TVA, dans les secteurs de la restauration et de l’animation, qui sont soumises à la TVA, ainsi que dans le secteur administratif et financier, avec déduction partielle de la TVA. Dans les secteurs soumis à la TVA, la déduction de la TVA acquittée est effectuée selon la méthode de l’affectation réelle, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du code de la TVA.
14 Par ailleurs, en vertu de la réglementation applicable et du contrat de concession, Varzim Sol est tenue de verser à l’État portugais une contrepartie initiale, mais aussi une contrepartie annuelle calculée sur la base des recettes réalisées dans le secteur du jeu. Elle est autorisée à défalquer de cette contrepartie annuelle une partie des frais engagés pour la mise en œuvre de ses obligations d’animation et de promotion touristique. Le montant de cette défalcation dépend à la fois de celui des
frais engagés et de celui des recettes dégagées par l’activité de jeux.
15 À la suite d’une inspection des services fiscaux, Varzim Sol a fait l’objet d’avis de liquidation supplémentaires d’un montant de 496697,14 euros, pour les années 2002 à 2004. Ces corrections sont fondées sur une contestation de la méthode employée par Varzim Sol pour calculer le montant déductible de la TVA acquittée pour les secteurs de la restauration et de l’animation.
16 En effet, la Fazenda Pública soutient que la défalcation opérée sur la contrepartie annuelle en compensation des charges relatives à l’animation et à la promotion doit être qualifiée de subvention d’exploitation au sens de l’article 23, paragraphe 4, du code de la TVA. Elle estime que, dans la mesure où cette subvention n’est pas soumise à la TVA, les activités de restauration et d’animation doivent être traitées comme des activités mixtes. Dès lors, la déduction de la TVA acquittée dans ces
secteurs devrait être effectuée sur la base d’un prorata permettant de tenir compte à la fois des activités exonérées et des activités taxées.
17 Varzim Sol s’est acquittée des sommes exigées, mais a introduit un recours contentieux. Ce recours a été rejeté par le tribunal administrativo e fiscal do Porto. Varzim Sol a saisi, en appel, le Supremo Tribunal Administrativo.
18 Varzim Sol soutient que, même si le montant défalqué doit être qualifié de subvention, quod non, il ne peut influer sur la déduction de la TVA concernant des assujettis qui, dans le cadre de la méthode de l’affectation réelle, effectuent seulement des opérations taxées, et non exonérées, telles que celles de restauration et d’animation, qui ouvrent droit à la déduction de la TVA supportée.
19 Subsidiairement, Varzim Sol soutient que l’argumentation de la Fazenda Pública, reprise par le tribunal administrativo e fiscal do Porto, conduit à une distorsion en matière de déduction de la TVA, cela en violation de la sixième directive telle qu’interprétée par la Cour dans les arrêts du 6 octobre 2005, Commission/Espagne (C-204/03, Rec. p. I-8389), et Commission/France (C-243/03, Rec. p. I-8411).
20 C’est dans ces circonstances que le Supremo Tribunal Administrativo a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) L’article 23 du code [...] de la TVA est-il compatible avec les articles 17, paragraphes 2 et 5, et 19 de la sixième directive [...]?
2) [En cas de réponse affirmative à la première question], l’établissement, prévu à l’article 23 précité, d’un prorata spécifique de déduction de la [TVA] supportée par les assujettis qui effectuent seulement des opérations taxées, bien que par affectation réelle, sur la base de l’existence de subventions à ce secteur exonérées (‘inputs’), est-il conforme aux articles 17, paragraphes 2 et 5, et 19 de la sixième directive?»
Sur les questions préjudicielles
Sur la recevabilité
21 La République portugaise soulève, à titre principal, l’irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle.
22 Ainsi, en ce qui concerne la première question, cet État membre relève que celle-ci a pour objet l’appréciation de la compatibilité du droit national portugais, à savoir l’article 23 du code de la TVA, avec certaines normes du système commun de TVA.
23 Bien que la Cour puisse, dans le cadre de la coopération judiciaire instaurée à l’article 267 TFUE, fournir à la juridiction nationale, à partir des éléments du dossier, les éléments d’interprétation qui lui paraissent utiles dans l’appréciation des effets des dispositions du droit de l’Union, aucun passage de la décision de renvoi ne comporterait, cependant, d’indication précise, même succincte, sur les dispositions du droit interne portugais en cause dans l’affaire au principal.
24 L’imprécision de la première question impliquerait même que cette dernière soit regardée comme une demande d’avis général, qui ne saurait être admise au titre de l’article 267 TFUE.
25 Ces considérations vaudraient également, en substance, pour la seconde question.
26 Par conséquent, les lacunes de la décision de renvoi ne permettraient pas à la Cour de donner une réponse utile, pas plus qu’elles ne permettraient aux États membres et aux autres intéressés de présenter des observations dans la présente affaire.
27 À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que le système de coopération établi à l’article 267 TFUE est fondé sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour. Dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de cet article, l’interprétation des dispositions nationales appartient aux juridictions des États membres et non à la Cour, et il n’incombe pas à cette dernière de se prononcer sur la compatibilité de normes de droit interne avec les
dispositions du droit de l’Union. En revanche, la Cour est compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui permettent à celle-ci d’apprécier la compatibilité de normes de droit interne avec la réglementation de l’Union (arrêts du 6 mars 2007, Placanica e.a., C-338/04, C-359/04 et C-360/04, Rec. p. I-1891, point 36, ainsi que du 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, C-42/07, Rec.
p. I-7633, point 37).
28 Or, s’il est vrai que la teneur littérale des questions posées à titre préjudiciel par la juridiction de renvoi invite la Cour à se prononcer sur la compatibilité d’une disposition de droit interne avec le droit de l’Union, rien n’empêche la Cour de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi en fournissant à celle-ci les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui lui permettront de statuer elle-même sur la compatibilité du droit interne avec le droit de l’Union (voir, en
ce sens, arrêt Placanica e.a., précité, point 37).
29 En second lieu, il convient de rappeler que le rejet par la Cour d’une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui
sont posées (voir, notamment, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 61, ainsi que du 31 mars 2011, Schröder, C-450/09, Rec. p. I-2497, point 17).
30 S’agissant, plus particulièrement, des informations qui doivent être fournies à la Cour dans le cadre d’une décision de renvoi, celles-ci ne servent pas seulement à permettre à la Cour d’apporter des réponses utiles à la juridiction de renvoi, mais doivent également donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. À ces fins, il est nécessaire
que le juge national définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées (voir arrêt Schröder, précité, point 18).
31 Ainsi, lorsque les éléments d’information fournis par la juridiction de renvoi suffisent pour exposer l’objet du litige au principal et les enjeux principaux de celui-ci pour l’ordre juridique de l’Union ainsi que pour permettre, tant aux États membres de présenter leurs observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour et de participer efficacement à la procédure devant cette dernière qu’à la Cour de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, la demande de décision
préjudicielle doit être considérée comme recevable (voir, en ce sens, arrêt Schröder, précité, points 19, 21 et 22).
32 En l’occurrence, la décision de renvoi indique que, s’agissant des activités de restauration et d’animation qui sont exercées par Varzim Sol et qui sont soumises à la TVA, la déduction de la TVA acquittée est réalisée selon la méthode de l’affectation réelle. Par ailleurs, en ce qui concerne la contrepartie annuelle calculée sur la base des recettes réalisées dans le secteur du jeu, que Varzim Sol est tenue de verser à l’État, cette dernière est autorisée à en défalquer une partie des frais
exposés pour la mise en œuvre de ses obligations d’animation et de promotion touristique. Selon l’administration fiscale, dans la mesure où cette défalcation constitue une subvention d’exploitation non soumise à la TVA, les activités de restauration et d’animation doivent être traitées comme des activités mixtes et, dès lors, la déduction de la TVA acquittée dans ces secteurs doit être effectuée sur la base d’un prorata permettant de tenir compte à la fois des activités exonérées et des activités
taxées. Varzim Sol, quant à elle, soutient que cette prétendue subvention ne peut influer sur la déduction de la TVA concernant des assujettis qui, dans le cadre de la méthode de l’affectation réelle, effectuent seulement des opérations taxées, et non exonérées, telles que celles de restauration et d’animation, qui ouvrent droit à la déduction de la TVA supportée.
33 Ces éléments sont suffisants au regard de la jurisprudence rappelée aux points 30 et 31 du présent arrêt. Au demeurant, aucun indice ne permet de considérer que les informations fournies par la juridiction de renvoi n’auraient pas permis aux intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de présenter leurs observations conformément à cet article et de participer efficacement à la procédure devant cette dernière.
34 Il s’ensuit que la demande de décision préjudicielle est recevable.
Sur le fond
35 Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 17, paragraphes 2 et 5, ainsi que 19 de la sixième directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un État membre, lorsqu’il autorise des assujettis mixtes à opérer la déduction prévue auxdites dispositions, suivant l’affectation de tout ou partie des biens et services, calcule le montant déductible, pour des secteurs dans lesquels de tels assujettis
n’effectuent que des opérations taxées, en incluant des «subventions» non taxées dans le dénominateur de la fraction servant à déterminer le prorata de déduction.
36 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit à déduction prévu aux articles 17 et suivants de la sixième directive fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut en principe être limité. Il s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont. Toute limitation du droit à déduction de la TVA a une incidence sur le niveau de la charge fiscale et doit s’appliquer de manière similaire dans tous les États membres. En
conséquence, des dérogations ne sont permises que dans les cas expressément prévus par la sixième directive (voir, notamment, arrêt Commission/France, précité, point 28).
37 À cet égard, l’article 17, paragraphe 1, de ladite directive prévoit que le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible et le paragraphe 2 de cet article autorise l’assujetti, dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, à déduire de la TVA dont il est redevable la taxe due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre
assujetti (voir arrêt Commission/France, précité, point 29).
38 S’agissant des assujettis mixtes, il résulte de l’article 17, paragraphe 5, premier et deuxième alinéas, de la sixième directive que le droit à déduction est calculé selon un prorata déterminé conformément à l’article 19 de cette directive. Ledit article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, autorise néanmoins les États membres à prévoir l’une des autres méthodes de détermination du droit à déduction énumérées à cet alinéa, à savoir, notamment, l’établissement d’un prorata distinct pour chaque
secteur d’activité ou la déduction suivant l’affectation de tout ou partie des biens et services à une activité précise (voir arrêt Commission/France, précité, point 30).
39 L’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive prévoit que les subventions directement liées au prix d’un bien ou d’un service sont taxables au même titre que celui-ci. S’agissant des subventions autres que celles directement liées au prix, l’article 19, paragraphe 1, de cette directive prévoit que les États membres ont la faculté de les inclure dans le dénominateur du calcul du prorata applicable lorsqu’un assujetti effectue à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et
des opérations exonérées (voir arrêt Commission/France, précité, point 31).
40 Il est constant que, s’agissant de l’affaire au principal, Varzim Sol a été autorisée à opérer la déduction selon une méthode autre que celle du prorata déterminé en vertu de l’article 19 de la sixième directive, à savoir suivant l’affectation de tout ou partie des biens et services à une activité précise, méthode visée à l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, de cette directive.
41 Or, les activités de Varzim Sol exercées dans les secteurs de la restauration et de l’animation étant soumises à la TVA, le droit à déduction suivant la méthode de l’affectation réelle porte sur la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont.
42 En effet, dès lors que l’assujetti a été autorisé à opérer la déduction suivant la méthode de l’affectation réelle, les dispositions de l’article 19 de la sixième directive ne sont pas applicables et ne sauraient dès lors limiter le droit à déduction dans lesdits secteurs tel qu’il résulte de cette directive.
43 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que les articles 17, paragraphes 2 et 5, ainsi que 19 de la sixième directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un État membre, lorsqu’il autorise des assujettis mixtes à opérer la déduction prévue auxdites dispositions suivant l’affectation de tout ou partie des biens et services, calcule le montant déductible, pour des secteurs dans lesquels de tels assujettis n’effectuent que
des opérations taxées, en incluant des «subventions» non taxées dans le dénominateur de la fraction servant à déterminer le prorata de déduction.
Sur les dépens
44 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit:
Les articles 17, paragraphes 2 et 5, ainsi que 19 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un État membre, lorsqu’il autorise des assujettis mixtes à opérer la déduction prévue auxdites dispositions suivant l’affectation de tout ou partie des
biens et services, calcule le montant déductible, pour des secteurs dans lesquels de tels assujettis n’effectuent que des opérations taxées, en incluant des «subventions» non taxées dans le dénominateur de la fraction servant à déterminer le prorata de déduction.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: le portugais.