La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2011 | CJUE | N°C-585/10

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Niels Møller contre Haderslev Kommune., 15/12/2011, C-585/10


Affaire C-585/10

Niels Møller

contre

Haderslev Kommune

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Vestre Landsret)

«Prévention et réduction intégrées de la pollution — Directive 96/61/CE — Annexe I, point 6.6, sous c) — Installations destinées à l’élevage intensif de porcs disposant de plus de 750 emplacements pour truies — Inclusion ou non des emplacements pour cochettes»

Sommaire de l'arrêt

Environnement — Prévention et réduction intégrées de la pollution — Directive 96/61 — Inst

allations destinées à l'élevage intensif de porcs disposant de plus de 750 emplacements pour truies — Notion d'emplacement...

Affaire C-585/10

Niels Møller

contre

Haderslev Kommune

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Vestre Landsret)

«Prévention et réduction intégrées de la pollution — Directive 96/61/CE — Annexe I, point 6.6, sous c) — Installations destinées à l’élevage intensif de porcs disposant de plus de 750 emplacements pour truies — Inclusion ou non des emplacements pour cochettes»

Sommaire de l'arrêt

Environnement — Prévention et réduction intégrées de la pollution — Directive 96/61 — Installations destinées à l'élevage intensif de porcs disposant de plus de 750 emplacements pour truies — Notion d'emplacements pour truies

(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 166/2006; directive du Conseil 96/61, art. 1er et annexe I, point 6.6, c))

L’expression «emplacements pour truies», figurant au point 6.6, sous c), de l’annexe I de la directive 96/61, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution, telle que modifiée par le règlement nº 166/2006, doit être interprétée en ce sens qu’elle englobe les emplacements pour cochettes, à savoir des porcs femelles déjà saillies, mais n’ayant pas encore mis bas.

(cf. point 39 et disp.)

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

15 décembre 2011 (*)

«Prévention et réduction intégrées de la pollution – Directive 96/61/CE – Annexe I, point 6.6, sous c) – Installations destinées à l’élevage intensif de porcs disposant de plus de 750 emplacements pour truies – Inclusion ou non des emplacements pour cochettes»

Dans l’affaire C‑585/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Vestre Landsret (Danemark), par décision du 2 décembre 2010, parvenue à la Cour le 13 décembre 2010, dans la procédure

Niels Møller

contre

Haderslev Kommune,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. K. Schiemann, faisant fonction de président de la huitième chambre, M^me C. Toader et M. E. Jarašiūnas (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M^me C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 octobre 2011,

considérant les observations présentées:

– pour M. Møller, par M^e G. Lund, advokat,

– pour la Haderslev Kommune, par M^e E. Gram, advokat,

– pour le gouvernement danois, par M. C. Vang, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et D. Hadroušek, en qualité d’agents,

– pour l’Irlande, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de M. B. Doherty, barrister,

– pour la Commission européenne, par M^mes A. Alcover San Pedro et S. Petrova ainsi que par M. U. Nielsen, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du point 6.6, sous c), de l’annexe I de la directive 96/61/CE du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (JO L 257, p. 26), telle que modifiée par le règlement (CE) n° 166/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 janvier 2006 (JO L 33, p. 1, ci-après la «directive 96/61»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Møller à la Haderslev Kommune (commune de Haderslev, ci-après la «Kommune») à propos d’une décision de cette dernière lui ordonnant de réduire la capacité de son exploitation à un maximum de 750 emplacements pour truies.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 1^er de la directive 91/630/CEE du Conseil, du 19 novembre 1991, établissant les normes minimales relatives à la protection des porcs (JO L 340, p. 33), telle que modifiée par la directive 2001/88/CE du Conseil, du 23 octobre 2001 (JO L 316, p. 1, ci-après la «directive 91/630»), énonçait:

«La présente directive établit les normes minimales relatives à la protection des porcs confinés à des fins d’élevage et d’engraissement.»

4 Aux termes de l’article 2 de ladite directive:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

1) porc, un animal de l’espèce porcine, de n’importe quel âge, élevé pour la reproduction ou l’engraissement;

[...]

3) cochette, un porc femelle pubère qui n’a pas encore mis bas;

4) truie, un porc femelle après la première mise bas;

[...]»

5 Les huitième et vingt-septième considérants de la directive 96/61 énoncent:

«(8) considérant que l’objectif d’une approche intégrée de la réduction de la pollution est de prévenir, partout où cela est réalisable, les émissions dans l’atmosphère, les eaux et les sols, en prenant en compte la gestion des déchets, et, lorsque cela s’avère impossible, de les réduire à un minimum afin d’atteindre un haut niveau de protection de l’environnement dans son ensemble;

[...]

(27) considérant que la présente directive traite des installations et des substances dont le potentiel de pollution et, partant, la pollution transfrontière sont importants; [...]»

6 L’objectif et le champ d’application de cette directive sont définis à son article 1^er comme suit:

«La présente directive a pour objet la prévention et la réduction intégrées des pollutions en provenance des activités figurant à l’annexe I. Elle prévoit les mesures visant à éviter et, lorsque cela s’avère impossible, à réduire les émissions des activités susvisées dans l’air, l’eau et le sol, y compris les mesures concernant les déchets, afin d’atteindre un niveau élevé de protection de l’environnement considéré dans son ensemble, et cela sans préjudice de la directive 85/337/CEE [du Conseil, du
27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40), telle que modifiée par la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997 (JO L 73, p. 5),] et des autres dispositions communautaires en la matière.»

7 L’article 2 de la directive 96/61 est libellé comme suit:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[...]

3) ‘installation’: une unité technique fixe dans laquelle interviennent une ou plusieurs des activités figurant à l’annexe I ainsi que toute autre activité s’y rapportant directement qui est liée techniquement aux activités exercées sur le site et qui est susceptible d’avoir des incidences sur les émissions et la pollution;

4) ‘installation existante’: une installation en service ou, dans le cadre de la législation existante avant la date de mise en application de la présente directive, une installation autorisée ou ayant fait l’objet de l’avis de l’autorité compétente d’une demande complète d’autorisation, à condition que cette installation soit mise en service au plus tard un an après la date de mise en application de la présente directive;

[...]

9) ‘autorisation’: la partie ou la totalité d’une ou de plusieurs décisions écrites accordant le droit d’exploiter tout ou une partie d’une installation sous certaines conditions permettant d’assurer que l’installation satisfait aux exigences de la présente directive. [...]

[...]»

8 L’article 5 de la directive 96/61, relatif aux conditions d’autorisation des installations existantes, énonce à son paragraphe 1:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités compétentes veillent, par des autorisations délivrées conformément aux articles 6 et 8 ou, de manière appropriée, par le réexamen des conditions et, le cas échéant, leur actualisation, à ce que les installations existantes soient exploitées conformément aux exigences prévues aux articles 3, 7, 9, 10, 13 et à l’article 14 premier et deuxième tirets ainsi qu’à l’article 15 paragraphe 2, au plus tard huit ans après la date de
mise en application de la présente directive, sans préjudice d’autres dispositions communautaires spéciales.»

9 L’article 9 de ladite directive, relatif aux conditions de l’autorisation, dispose à ses paragraphes 1 et 3:

«1. Les États membres s’assurent que l’autorisation comprend toutes les mesures nécessaires pour remplir les conditions de l’autorisation visées aux articles 3 et 10, afin d’assurer la protection de l’air, de l’eau et du sol et d’atteindre ainsi un niveau élevé de protection de l’environnement dans son ensemble.

[...]

3. L’autorisation doit comporter des valeurs limites d’émission pour les substances polluantes, notamment celles figurant à l’annexe III, susceptibles d’être émises par l’installation concernée en quantité significative eu égard à leur nature et à leur potentiel de transferts de pollution d’un milieu à l’autre (eau, air et sol). En tant que de besoin, l’autorisation contient des prescriptions appropriées garantissant la protection du sol et des eaux souterraines, et des mesures concernant la
gestion des déchets générés par l’installation. Le cas échéant, les valeurs limites peuvent être complétées ou remplacées par des paramètres ou des mesures techniques équivalents.

Pour les installations visées à l’annexe I point 6.6, les valeurs limites d’émission établies conformément au présent paragraphe prendront en compte les modalités pratiques adaptées à ces catégories d’installations.

[...]»

10 Aux termes du point 6.6 de l’annexe I de la directive 96/61, relèvent des catégories d’activités visées par cette directive:

«Installations destinées à l’élevage intensif de volailles ou de porcs disposant de plus de:

[...]

b) 2 000 emplacements pour porcs de production (de plus de 30 kg)

ou

c) 750 emplacements pour truies.»

11 Le point 2 de l’introduction de cette annexe I précise que les valeurs seuils qui sont mentionnées à celle-ci se rapportent généralement à des capacités de production ou à des rendements.

Le droit national

12 L’article 41, paragraphes 1 et 2, de la loi relative à la protection de l’environnement (lov om miljøbeskyttelse), telle que publiée par l’arrêté n° 1757, du 22 décembre 2006, prévoit:

«1. Si une activité soumise à autorisation est de nature à causer d’importantes pollutions, l’autorité de surveillance peut enjoindre la réduction de la pollution, notamment par des mesures qu’elle précise. L’autorité de surveillance peut également procéder à de telles injonctions lorsqu’une activité soumise à autorisation risque de causer une pollution importante.

2. Dans l’impossibilité de réduire la pollution, l’autorité de surveillance peut interdire la poursuite de l’exploitation et, le cas échéant, demander sa fermeture.»

13 L’arrêté n° 1640, du 13 décembre 2006, relatif aux autorisations, dans sa version applicable au litige au principal, dispose à son article 1^er, paragraphe 6:

«Les installations destinées à l’élevage visées au point I.101 de la liste figurant à l’annexe I doivent être considérées comme des activités soumises à autorisation jusqu’à ce que des modifications ou extensions soient entreprises [...]»

14 Le point I.101 de l’annexe I dudit arrêté prévoit:

«Installations destinées à l’élevage d’une capacité supérieure à:

a) 250 têtes, ou à 270 têtes si au moins 90 % du cheptel est constitué de truies avec leurs petits d’un poids inférieur à 30 kg, ou 750 emplacements pour truies.»

Le litige au principal et la question préjudicielle

15 Le 8 novembre 2007, la Kommune a fait procéder à une inspection environnementale de l’exploitation de M. Møller. Lors de cette inspection, il a été constaté que cette exploitation consistait en un cheptel de 875 truies âgées de moins d’un an. Le 26 novembre suivant, la Kommune a mis M. Møller en demeure de réduire la capacité de son exploitation à un maximum de 750 emplacements pour truies, au motif qu’il ne disposait pas de l’autorisation requise pour exploiter une installation disposant de
plus de 750 de ces emplacements. Le 20 décembre 2007, la Kommune a ordonné à M. Møller de procéder à une telle réduction pour le 15 juin 2008 au plus tard. Ce dernier a contesté cette décision devant la juridiction de renvoi.

16 Dans son recours devant cette dernière, M. Møller fait valoir qu’il est nécessaire de distinguer les emplacements pour cochettes des emplacements pour truies. Il estime que le terme «truie» ne vise que les porcs femelles adultes qui ont mis bas, alors que le terme «cochette» désigne les porcs femelles adultes qui ont fait l’objet d’une première saillie, mais qui n’ont pas encore mis bas. M. Møller soutient que la Kommune a donc intégré à tort le nombre d’emplacements pour cochettes dans le
nombre d’emplacements pour truies de son exploitation. Par conséquent, la décision contestée serait illégale, car la capacité de son exploitation ne dépasserait pas la limite de 750 emplacements pour truies.

17 La Kommune soutient, devant la juridiction de renvoi, qu’elle était fondée à inclure les emplacements pour cochettes dans le nombre d’emplacements pour truies. Elle fait valoir que l’objectif de la directive 96/61 est la protection de l’environnement et qu’il n’y a pas de raison de considérer qu’une cochette pollue moins qu’une truie ou est à l’origine d’une pollution différente. Elle en déduit que les emplacements pour cochettes sont visés par l’expression «emplacements pour truies». Selon
elle, les réglementations en matière de bien-être des animaux ne sont pas pertinentes à cet égard.

18 Dans la décision de renvoi, le Vestre Landsret indique, d’une part, que le nombre d’emplacements pour truies de l’exploitation de M. Møller ne dépasse la limite de 750 que si les emplacements pour cochettes sont pris en compte et, d’autre part, que les emplacements destinés aux truies, qui sont des porcs femelles qui ont mis bas, et ceux affectés aux cochettes, qui sont des porcs femelles qui n’ont pas encore mis bas, sont conçus de la même manière.

19 Par ailleurs, ladite juridiction relève que si l’expression «emplacements pour truies» n’est pas définie dans la directive 96/61, la directive 91/630, quant à elle, distingue les truies des cochettes. À cet égard, elle souligne que les cochettes représentent entre 12 % et 20 % d’un cheptel de truies. Dès lors, la question de savoir si le point 6.6, sous c), de l’annexe I de la directive 96/61 doit être interprété comme incluant les emplacements pour cochettes parmi ceux destinés aux truies
aurait une incidence sur le champ d’application de cette directive et, par conséquent, sur la solution du litige dont il est saisi.

20 C’est dans ces circonstances que le Vestre Landsret a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les dispositions de l’annexe I, point 6.6, sous c), de la directive [96/61] doivent-elles être interprétées en ce sens que les emplacements pour cochettes relèvent desdites dispositions?»

Sur la question préjudicielle

21 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’expression «emplacements pour truies», figurant au point 6.6, sous c), de l’annexe I de la directive 96/61, doit être interprétée en ce sens qu’elle englobe les emplacements pour cochettes.

22 M. Møller et l’Irlande estiment que cette question appelle une réponse négative, en particulier au regard de la réglementation relative au bien-être des animaux, qui distingue les truies des cochettes. M. Møller soutient en outre que, selon la jurisprudence de la Cour, la pollution générée par ces animaux ne peut être prise en compte aux fins de l’interprétation demandée, la Cour ayant déjà rejeté la possibilité de calculer les seuils d’autorisation des installations d’élevage intensif selon
la méthode dite des «animaux-équivalents».

23 La Kommune, les gouvernements danois et tchèque ainsi que la Commission européenne considèrent, au contraire, que l’expression «emplacements pour truies» inclut les emplacements pour cochettes, notamment en raison du fait que, selon eux, aux fins de l’interprétation de la directive 96/61, les considérations relatives à l’environnement doivent prévaloir. Or, les cochettes généreraient une pollution au moins équivalente à celle générée par les truies.

24 À cet égard, il convient de relever, d’une part, qu’il ressort de la décision de renvoi que le terme «cochette» désigne, en l’occurrence, des porcs femelles qui, bien que déjà saillies, n’ont pas encore mis bas. D’autre part, la directive 96/61, dans laquelle le terme «cochette» ne figure pas, ne définit pas la notion de «truie».

25 Selon une jurisprudence constante, la détermination de la signification et de la portée des termes pour lesquels le droit de l’Union ne fournit aucune définition doit être établie conformément au sens habituel de ceux-ci dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie (voir, notamment, arrêts du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a., C‑72/95, Rec. p. I‑5403, point 38; du 22 décembre
2008, Wallentin-Hermann, C‑549/07, Rec. p. I‑11061, point 17, ainsi que du 22 janvier 2009, Association nationale pour la protection des eaux et rivières et OABA, C‑473/07, Rec. p. I‑319, points 23 et 24).

26 De même, la nécessité d’une interprétation uniforme des différentes versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union exige également, en cas de divergence entre celles-ci, que la disposition en cause soit interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (arrêts Kraaijeveld e.a., précité, point 28, ainsi que du 19 avril 2007, Profisa, C‑63/06, Rec. p. I‑3239, point 14).

27 S’agissant du sens habituel du terme «truie», il y a lieu de relever qu’il désigne généralement la femelle du porc. À cet égard, il importe de constater que la directive 91/630 précise, à son article 2, que les définitions qu’elle contient sont données «[a]ux fins» de cette directive, c’est-à-dire qu’elles sont spécifiques à celle-ci. Partant, contrairement à ce que l’Irlande a fait valoir lors de l’audience, il ne peut être considéré que la définition du terme «truie» qui figure audit
article permet de déterminer le sens habituel de ce terme. Cela étant, comme ce même État membre l’a relevé, le terme «truie» n’a pas un sens univoque dans l’ensemble des langues officielles de l’Union européenne. En effet, ce terme peut également, notamment en langues allemande et anglaise, être compris comme ne visant que les porcs femelles ayant déjà mis bas une première fois.

28 Il convient dès lors d’examiner également l’économie générale de la directive 96/61 et les objectifs poursuivis par celle-ci.

29 La Cour a déjà jugé que l’objet de la directive 96/61, tel qu’il est défini à son article 1^er, est la prévention et la réduction intégrées des pollutions par la mise en œuvre de mesures visant à éviter ou à réduire les émissions des activités visées à son annexe I dans l’air, l’eau et le sol afin d’atteindre un niveau élevé de protection de l’environnement (arrêt Association nationale pour la protection des eaux et rivières et OABA, précité, point 25).

30 Cette approche intégrée se matérialise par une coordination adéquate de la procédure et des conditions d’autorisation des installations industrielles dont le potentiel de pollution est important, permettant d’atteindre le niveau le plus élevé de protection de l’environnement dans son ensemble, ces conditions devant, dans tous les cas, inclure des dispositions relatives à la minimisation de la pollution à longue distance ou transfrontière et garantir un niveau élevé de protection de
l’environnement dans son ensemble (arrêt Association nationale pour la protection des eaux et rivières et OABA, précité, point 26).

31 L’objectif de la directive 96/61 ayant ainsi été défini de manière large, le point 6.6, sous c), de son annexe I ne saurait, comme le suggèrent M. Møller et l’Irlande, faire l’objet d’une interprétation restrictive excluant les emplacements destinés aux cochettes (voir, par analogie, arrêt Association nationale pour la protection des eaux et rivières et OABA, précité, point 27).

32 L’interprétation qui assimile les cochettes aux truies visées au point 6.6, sous c), de l’annexe I de la directive 96/61 est corroborée, en premier lieu, par le contexte dans lequel s’inscrit l’utilisation du terme «truie» dans cette disposition. En effet, ce point 6.6 distingue, en ce qui concerne l’élevage intensif de porcs, entre les porcs de production de plus de 30 kilos, visés audit point, sous b), et les truies, visées à ce même point, sous c). Partant, aux fins de la directive 96/61,
une distinction est opérée entre l’élevage intensif de porcs de production, mâles ou femelles, de plus de 30 kilos, destinés à l’engraissement, et l’élevage intensif de porcs femelles destinés à la reproduction. Or, dès lors qu’un porc femelle a fait l’objet d’une première saillie, il rentre, par la nature des choses, dans la catégorie des porcs femelles destinés à la reproduction et doit, par conséquent, relever de la notion de «truie», au sens dudit point 6.6, sous c), au même titre qu’un porc
femelle qui a déjà mis bas.

33 Cette interprétation est corroborée, en second lieu, par le fait, invoqué par les gouvernements danois et tchèque ainsi que par la Commission, et qui n’a pas été sérieusement contesté par M. Møller, qu’un porc femelle qui a fait l’objet d’une première saillie est à l’origine d’une pollution qui a la même incidence sur l’environnement que celle générée par une truie qui a déjà mis bas. À cet égard, il convient de relever que, l’objectif de la directive 96/61 étant, ainsi qu’il résulte des
points 29 et 30 du présent arrêt, d’atteindre un niveau élevé de protection de l’environnement en soumettant à autorisation et à certaines conditions les installations industrielles ayant un potentiel de pollution important, la pollution résultant d’une activité donnée revêt, contrairement à ce que fait valoir M. Møller, une pertinence certaine aux fins de l’interprétation du point 6.6, sous c), de l’annexe I de cette directive.

34 Il importe aussi de souligner à cet égard que la Cour, au point 40 de l’arrêt Association nationale pour la protection des eaux et rivières et OABA, précité, n’a pas exclu toute possibilité de déterminer le seuil d’autorisation préalable des installations d’élevage intensif selon une méthode d’animaux-équivalents prenant en compte la pollution réellement générée par un animal donné. Elle a simplement considéré que, d’une part, l’utilisation d’une telle méthode ne devrait être admise que si
est assuré le plein respect de l’objectif de prévention et de réduction des pollutions provenant de certaines activités, poursuivi par la directive 96/61, et que, d’autre part, le recours à cette méthode ne saurait avoir pour effet de soustraire au régime institué par cette directive des installations qui relèvent de celle-ci eu égard au nombre d’emplacements qu’elles totalisent (arrêt Association nationale pour la protection des eaux et rivières et OABA, précité, point 40).

35 La circonstance que la directive 91/630 distingue notamment les truies des cochettes n’est pas de nature à remettre en cause l’interprétation retenue au point 32 du présent arrêt.

36 En effet, il ressort de son article 1^er que la directive 91/630 établit des normes minimales relatives à la protection des porcs confinés à des fins d’élevage et d’engraissement, normes visant, selon le deuxième considérant de cette directive, à assurer le bien-être des animaux d’élevage. À cette fin, elle prévoit diverses règles tendant, notamment, à assurer que les porcs au sens large disposent d’un environnement correspondant à leur besoin d’exercice ainsi qu’à leur nature d’animaux
fouineurs et leur permettant, le cas échéant, d’interagir socialement avec d’autres porcs (voir quatrième et cinquième considérants de la directive 2001/88).

37 La directive 91/630 poursuit ainsi un objectif manifestement différent de celui assigné à la directive 96/61 et, par conséquent, ses dispositions ne sauraient être utilisées pour l’interprétation qu’il convient de donner à la notion de «truie», figurant au point 6.6, sous c), de l’annexe I de la directive 96/61.

38 En outre, il importe, d’une part, de constater que la directive 96/61 ne contient aucun renvoi à la directive 91/630 s’agissant de la définition des activités qui relèvent de son champ d’application et, d’autre part, de rappeler que, comme il a déjà été constaté au point 27 du présent arrêt, la directive 91/630 précise, à son article 2, que les définitions qu’elle contient lui sont spécifiques.

39 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il convient de répondre à la question posée que l’expression «emplacements pour truies», figurant au point 6.6, sous c), de l’annexe I de la directive 96/61, doit être interprétée en ce sens qu’elle englobe les emplacements pour cochettes (porcs femelles déjà saillies, mais n’ayant pas encore mis bas).

Sur les dépens

40 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit:

L’expression «emplacements pour truies», figurant au point 6.6, sous c), de l’annexe I de la directive 96/61/CE du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution, telle que modifiée par le règlement (CE) n° 166/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 janvier 2006, doit être interprétée en ce sens qu’elle englobe les emplacements pour cochettes (porcs femelles déjà saillies, mais n’ayant pas encore mis bas).

Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

* Langue de procédure: le danois.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : C-585/10
Date de la décision : 15/12/2011
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Vestre Landsret - Danemark.

Prévention et réduction intégrées de la pollution - Directive 96/61/CE - Annexe I, point 6.6, sous c) - Installations destinées à l’élevage intensif de porcs disposant de plus de 750 emplacements pour truies - Inclusion ou non des emplacements pour cochettes.

Environnement


Parties
Demandeurs : Niels Møller
Défendeurs : Haderslev Kommune.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi
Rapporteur ?: Jarašiūnas

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2011:847

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award