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06/09/2011 | CJUE | N°C-108/10

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Ivana Scattolon contre Ministero dell’Istruzione, dell’Università e della Ricerca., 06/09/2011, C-108/10


Affaire C-108/10

Ivana Scattolon

contre

Ministero dell’Istruzione, dell’Università e della Ricerca

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunale di Venezia)

«Politique sociale — Directive 77/187/CEE — Maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprise — Notions d’‘entreprise’ et de ‘transfert’ — Cédant et cessionnaire de droit public — Application, dès la date du transfert, de la convention collective en vigueur chez le cessionnaire — Traitement salarial — Prise en compte

de l’ancienneté acquise auprès du cédant»

Sommaire de l'arrêt

1. Politique sociale — Rapprochement...

Affaire C-108/10

Ivana Scattolon

contre

Ministero dell’Istruzione, dell’Università e della Ricerca

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunale di Venezia)

«Politique sociale — Directive 77/187/CEE — Maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprise — Notions d’‘entreprise’ et de ‘transfert’ — Cédant et cessionnaire de droit public — Application, dès la date du transfert, de la convention collective en vigueur chez le cessionnaire — Traitement salarial — Prise en compte de l’ancienneté acquise auprès du cédant»

Sommaire de l'arrêt

1. Politique sociale — Rapprochement des législations — Transferts d'entreprises — Maintien des droits des travailleurs — Directive 77/187 — Champ d'application — Reprise par une autorité publique d’un État membre du personnel employé par une autre autorité publique et chargé de la fourniture de services auxiliaires à des écoles

(Directive du Conseil 77/187)

2. Politique sociale — Rapprochement des législations — Transferts d'entreprises — Maintien des droits des travailleurs — Directive 77/187 — Application immédiate aux travailleurs transférés de la convention collective en vigueur auprès du cessionnaire — Interdiction de régression salariale — Portée

(Directive du Conseil 77/184, art. 3)

1. La reprise, par une autorité publique d’un État membre, du personnel employé par une autre autorité publique et chargé de la fourniture, à des écoles, de services auxiliaires comprenant notamment des tâches de maintenance et d’assistance administrative constitue un transfert d’entreprise relevant de la directive 77/187, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d’entreprises, d’établissements ou de
parties d’établissements, lorsque ledit personnel est constitué d’un ensemble structuré d’employés qui sont protégés en tant que travailleurs en vertu du droit interne de cet État membre.

En effet, s'il est vrai que la réorganisation de structures de l’administration publique et le transfert d’attributions administratives entre des administrations publiques sont exclus par l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 77/187 dans sa version résultant de la directive 98/50, ainsi que par l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2001/23, du champ d'application de la directive 77/187, il n’en demeure pas moins que la portée de ces expressions est limitée aux cas dans lesquels le
transfert concerne des activités qui relèvent de l’exercice de la puissance publique. Si une autre interprétation était admise, tout transfert imposé à de tels travailleurs pourrait être soustrait, par l’autorité publique concernée, au champ d’application de la directive 77/187 en invoquant le simple fait que le transfert fait partie d’un réaménagement de personnel.

L'application des règles énoncées par la directive 77/187 dans ces situations n’affecte pas le pouvoir des États membres de rationaliser leurs administrations publiques. L’applicabilité de cette directive a pour seul effet d’empêcher que des travailleurs transférés soient, du seul fait du transfert, placés dans une position moins favorable que celle dans laquelle ils se trouvaient avant le transfert. Ainsi qu’il ressort de l’article 4 de la directive 77/187, celle-ci ne prive pas les États membres
de la possibilité de permettre aux employeurs de modifier des relations de travail dans un sens défavorable, notamment en ce qui concerne la protection contre le licenciement et les conditions de rémunération. Elle interdit, seulement, que de telles modifications aient lieu à l’occasion et à cause du transfert.

(cf. points 54, 58-59, 66, disp. 1)

2. Lorsqu’un transfert au sens de la directive 77/187, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d’entreprises, d’établissements ou de parties d’établissements, conduit à l’application immédiate, aux travailleurs transférés, de la convention collective en vigueur auprès du cessionnaire et que les conditions de rémunération prévues par cette convention sont notamment liées à l’ancienneté, l’article 3 de
cette directive s’oppose à ce que les travailleurs transférés subissent, par rapport à leur situation immédiatement antérieure au transfert, une régression salariale substantielle en raison du fait que leur ancienneté acquise auprès du cédant, équivalente à celle acquise par des travailleurs au service du cessionnaire, n’est pas prise en compte lors de la détermination de leur position salariale de départ auprès du cessionnaire. Il appartient à la juridiction de renvoi d’examiner s’il y a, lors d'un
tel transfert, une telle régression salariale.

Si, certes, la règle prévue audit article 3, paragraphe 2, premier alinéa, doit être comprise en ce sens qu’il est loisible au cessionnaire d’appliquer, dès la date du transfert, les conditions de travail prévues par la convention collective en vigueur chez lui, y compris celles relatives à la rémunération, et donc qu'elle lui laisse une marge de manœuvre lui permettant, ainsi qu'aux autres parties contractantes, d’aménager l’intégration salariale des travailleurs transférés de telle manière que
celle-ci soit dûment adaptée aux circonstances du transfert en cause, il n’en demeure pas moins que les modalités choisies doivent être conformes à l’objectif de ladite directive d'empêcher que les travailleurs soumis à un transfert soient placés dans une position moins favorable du seul fait de ce transfert. La mise en œuvre de cette faculté par le cessionnaire ne saurait donc avoir pour but ou pour effet d'imposer auxdits travailleurs des conditions globalement moins favorables que celles
applicables avant le transfert. S’il en était autrement, la réalisation de l’objectif poursuivi par la directive 77/187 pourrait facilement être mise en cause dans tout secteur régi par des conventions collectives, ce qui porterait atteinte à son effet utile.

En revanche, ladite directive ne saurait utilement être invoquée pour obtenir une amélioration des conditions de rémunération ou d’autres conditions de travail à l’occasion d’un transfert d’entreprise. Par ailleurs, cette directive ne s’oppose pas à ce qu’il y ait certaines différences de traitement salarial entre les travailleurs transférés et ceux qui étaient déjà, au moment du transfert, employés auprès du cessionnaire. Si d’autres instruments et principes de droit pourraient se révéler
pertinents pour examiner la légalité de telles différences, ladite directive ne vise, quant à elle, qu’à éviter que des travailleurs soient, du seul fait d’un transfert vers un autre employeur, mis dans une position défavorable comparée à celle dont ils bénéficiaient auparavant.

(cf. points 74-77, 83, disp. 2)

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

6 septembre 2011 (*)

«Politique sociale – Directive 77/187/CEE – Maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprise – Notions d’‘entreprise’ et de ‘transfert’ – Cédant et cessionnaire de droit public – Application, dès la date du transfert, de la convention collective en vigueur chez le cessionnaire – Traitement salarial – Prise en compte de l’ancienneté acquise auprès du cédant»

Dans l’affaire C‑108/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale di Venezia (Italie), par décision du 4 janvier 2010, parvenue à la Cour le 26 février 2010, dans la procédure

Ivana Scattolon

contre

Ministero dell’Istruzione, dell’Università e della Ricerca,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot, J.-J. Kasel et D. Šváby, présidents de chambre, MM. G. Arestis, A. Borg Barthet, M. Ilešič (rapporteur), M^me C. Toader et M. M. Safjan, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M^me A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1^er février 2011,

considérant les observations présentées:

– pour M^me Scattolon, par M^es N. Zampieri, A. Campesan et V. De Michele, avvocati,

– pour le gouvernement italien, par M^me G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. L. D’Ascia, avvocato dello Stato,

– pour la Commission européenne, par M^me C. Cattabriga et M. J. Enegren, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 avril 2011,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d’entreprises, d’établissements ou de parties d’établissements (JO L 61, p. 26), de la directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des
travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements (JO L 82, p. 16), ainsi que de principes généraux du droit.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M^me Scattolon au Ministero dell’Istruzione, dell’Università et della Ricerca (ministère de l’Enseignement, de l’Université et de la Recherche, ci-après le «Ministero») au sujet de l’absence de prise en compte, lors du transfert de M^me Scattolon dans les cadres du Ministero, de l’ancienneté de service qu’elle avait acquise dans la commune de Scorzè, son employeur d’origine.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 1^er, paragraphe 1, de la directive 77/187 énonçait, dans sa version initiale:

«La présente directive est applicable aux transferts d’entreprises, d’établissements ou de parties d’établissements à un autre chef d’entreprise, résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion.»

4 Aux termes de l’article 2 de ladite directive, il convenait d’entendre par «cédant», toute personne physique ou morale qui, du fait d’un transfert au sens de l’article 1^er, paragraphe 1, de la même directive, perd la qualité de chef d’entreprise, et par «cessionnaire», toute personne physique ou morale qui, en raison d’un tel transfert, acquiert la qualité de chef d’entreprise.

5 L’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 77/187 disposait:

«1. Les droits et [les] obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert au sens de l’article 1^er paragraphe 1 sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire.

[…]

2. Après le transfert au sens de l’article 1^er paragraphe 1, le cessionnaire maintient les conditions de travail convenues par une convention collective dans la même mesure que celle-ci les a prévues pour le cédant, jusqu’à la date de la résiliation ou de l’expiration de la convention collective ou de l’entrée en vigueur ou de l’application d’une autre convention collective.

Les États membres peuvent limiter la période du maintien des conditions de travail sous réserve que celle-ci ne soit pas inférieure à un an.»

6 L’article 4 de la directive 77/187 énonçait:

«1. Le transfert d’une entreprise, d’un établissement ou d’une partie d’établissement ne constitue pas en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le cessionnaire. Cette disposition ne fait pas obstacle à des licenciements pouvant intervenir pour des raisons économiques, techniques ou d’organisation impliquant des changements sur le plan de l’emploi.

[…]

2. Si le contrat de travail ou la relation de travail est résilié du fait que le transfert au sens de l’article 1^er paragraphe 1 entraîne une modification substantielle des conditions de travail au détriment du travailleur, la résiliation du contrat de travail ou de la relation de travail est considérée comme intervenue du fait de l’employeur.»

7 À la suite de l’entrée en vigueur de la directive 98/50/CE du Conseil, du 29 juin 1998, modifiant la directive 77/187 (JO L 201, p. 88), dont le délai octroyé aux États membres pour sa transposition expirait le 17 juillet 2001, l’article 1^er, paragraphe 1, de la directive 77/187 était libellé comme suit:

«a) La présente directive est applicable à tout transfert d’entreprise, d’établissement ou de partie d’entreprise ou d’établissement à un autre employeur résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion.

b) Sous réserve du point a) et des dispositions suivantes du présent article, est considéré comme transfert, au sens de la présente directive, celui d’une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d’une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire.

c) La présente directive est applicable aux entreprises publiques et privées exerçant une activité économique, qu’elles poursuivent ou non un but lucratif. Une réorganisation administrative d’autorités administratives publiques ou le transfert de fonctions administratives entre autorités administratives publiques ne constitue pas un transfert au sens de la présente directive.»

8 La directive 77/187, telle que modifiée par la directive 98/50, a, pour des raisons de codification, été abrogée par la directive 2001/23.

9 Le libellé de l’article 1^er, paragraphe 1, de la directive 2001/23 correspond à celui de l’article 1^er, paragraphe 1, de la directive 77/187, telle que modifiée par la directive 98/50. Les définitions des notions de «cédant» et de «cessionnaire» figurant dans la directive 2001/23 sont en substance identiques à celles contenues à l’article 2 de la directive 77/187.

10 Quant à l’article 3 de la directive 2001/23, ses paragraphes 1 et 3 correspondent, pour l’essentiel, aux paragraphes 1 et 2 de l’article 3 de la directive 77/187. L’article 4 de la directive 2001/23 correspond, quant à lui, à l’article 4 de la directive 77/187.

La réglementation nationale

L’article 2112 du code civil italien

11 En Italie, la mise en œuvre de la directive 77/187 et, par la suite, de la directive 2001/23 est assurée, notamment, par l’article 2112 du code civil selon lequel, «[e]n cas de transfert d’entreprise, la relation de travail se poursuit avec le cessionnaire et le travailleur conserve tous les droits qui en découlent. […] Le cessionnaire doit appliquer les […] conventions collectives […] qui étaient en vigueur à la date du transfert, et cela jusqu’à leur expiration, à moins qu’elles soient
remplacées par d’autres conventions collectives qui s’appliquent à l’entreprise du cessionnaire».

L’article 8 de la loi n° 124/99 et les décrets ministériels le mettant en œuvre

12 Jusqu’en 1999, les services d’assistance aux écoles publiques italiennes consistant, notamment, en le nettoyage et l’entretien des locaux ainsi qu’en l’assistance administrative étaient assurés en partie au moyen de personnel administratif, technique et auxiliaire (ATA) de l’État et, pour une autre partie, par des collectivités locales, telles que des communes. Les collectivités locales assuraient ces tâches soit au moyen de leur personnel administratif, technique et auxiliaire (ci-après le
«personnel ATA des collectivités locales»), soit par la conclusion de contrats avec des entreprises privées.

13 Le personnel ATA des collectivités locales était rémunéré selon les conditions prévues par la convention collective nationale du travail – secteur des régions et autonomies locales (Contratto collettivo nazionale di Lavoro – Regioni Autonomie locali, ci-après le «CCNL du personnel des collectivités locales»). En revanche, le personnel ATA de l’État employé dans les écoles publiques était rémunéré selon les conditions énoncées à la convention collective nationale du travail du secteur de
l’école (Contratto collettivo nazionale di Lavoro della Scuola, ci-après le «CCNL de l’école»).

14 La loi n° 124, portant adoption de dispositions urgentes en matière de personnel scolaire (legge n. 124 disposizioni urgenti in materia di personale scolastico), du 3 mai 1999 (GURI n° 107, du 10 mai 1999, p. 4, ci-après la «loi n° 124/99»), a prévu le transfert, à partir du 1^er janvier 2000, dans les listes du personnel ATA de l’État, du personnel ATA des collectivités locales employé dans les écoles publiques.

15 À cet égard, l’article 8, paragraphes 1 et 2, de la loi n° 124/99 énonce:

«1. Le personnel ATA des établissements et écoles de l’État […] est à la charge de l’État. Les dispositions prévoyant la mise à disposition de ce personnel par les communes et les provinces sont abrogées.

2. Le personnel visé au paragraphe 1, employé par les collectivités locales et en poste auprès des établissements scolaires de l’État à la date d’entrée en vigueur de la présente loi est transféré dans les listes du personnel ATA de l’État et il est incorporé dans les qualifications professionnelles et les profils professionnels correspondants pour l’exercice des fonctions propres à ces profils. Les membres du personnel dont les qualifications et les profils ne trouvent pas de correspondance
dans les cadres du personnel ATA de l’État sont autorisés à opter en faveur de leur collectivité locale d’origine, dans les trois mois de l’entrée en vigueur de la présente loi. Ce personnel se voit reconnaître sur le plan juridique et économique l’ancienneté acquise auprès de la collectivité locale d’origine, ainsi que le droit au maintien du lieu d’exercice de ses fonctions, dans un premier temps, si un poste est disponible.»

16 La loi n° 124/99 a été mise en œuvre par le décret relatif au transfert du personnel ATA des collectivités locales à l’État au sens de l’article 8 de la loi n° 124/99 (decreto trasferimento del personale ATA dagli enti locali allo Stato, ai sensi dell’art. 8 della legge 3 maggio 1999, n. 124), du 23 juillet 1999 (GURI n° 16, du 21 janvier 2000, p. 28, ci-après le «décret ministériel du 23 juillet 1999»). L’article 3 de ce décret dispose:

«[…]

Un décret […] établira les critères d’incorporation, dans le secteur de l’école, destinés à aligner le traitement du personnel en question sur celui de ce secteur, par référence à la rémunération, aux éléments de salaire accessoire et à la reconnaissance, sur les plans juridique et économique, ainsi que de l’incidence sur la gestion prévisionnelle, de l’ancienneté acquise auprès des collectivités locales, après la conclusion d’une convention collective à négocier […] entre [l’Agenzia per la
rappresentanza negoziale delle pubbliche amministrazioni (Agence de représentation des administrations publiques), ci-après l’‘ARAN’] et les organisations syndicales […]»

17 L’article 9 du décret ministériel du 23 juillet 1999 énonce:

«L’État succédera à partir du 24 mai 1999 aux collectivités locales dans les contrats qu’elles ont conclus, et éventuellement renouvelés par la suite, pour la partie qui assure les fonctions ATA au bénéfice des écoles de l’État, en lieu et place de l’engagement de personnel salarié. […] Sans préjudice de la poursuite des activités des tiers engagés […] en vertu des dispositions légales en vigueur, l’État succédera dans les contrats conclus par les collectivités locales avec les entreprises […] pour
les fonctions ATA que la loi impose aux collectivités locales d’effectuer en lieu et place de l’État. […]»

18 L’accord entre l’ARAN et les organisations syndicales prévu par l’article 3 du décret ministériel du 23 juillet 1999 a été signé le 20 juillet 2000 et approuvé par le décret ministériel portant approbation de l’accord du 20 juillet 2000 entre l’ARAN et les représentants des organisations et confédérations syndicales concernant les critères d’incorporation de l’ancien personnel des collectivités locales transféré au secteur de l’école (decreto recepimento dell’accordo ARAN – Rappresentanti
delle organizzazioni e confederazioni sindacali in data 20 luglio 2000, sui criteri di inquadramento del personale già dipendente degli enti locali e transitato nel comparto scuola), du 5 avril 2001 (GURI n° 162, du 14 juillet 2001, p. 27, ci-après le «décret ministériel du 5 avril 2001»).

19 Ledit accord dispose:

«Article 1 – Champ d’application

Le présent accord s’applique à dater du 1^er janvier 2000 au personnel salarié des collectivités locales transféré dans le secteur ‘École’ en vertu de l’article 8 de la [loi n° 124/99] et […] du décret ministériel […] du 23 juillet 1999 […]

Article 2 – Régime contractuel

1. À dater du 1^er janvier 2000, le [CCNL du personnel des collectivités locales] ne s’applique plus au personnel concerné par le présent accord […]; à partir de la même date, ce personnel relève du [CCNL de l’école], y compris en ce qui concerne tous les éléments relatifs au salaire accessoire, sauf les dispositions contraires des articles suivants.

[…]

Article 3 – Classement et rémunération

1. Les travailleurs visés à l’article 1^er du présent accord sont classés, sur l’échelle des rémunérations, au niveau salarial correspondant aux qualifications professionnelles du secteur de l’école, […] selon les modalités suivantes. Ces travailleurs se voient reconnaître […] le niveau salarial d’un montant égal ou immédiatement inférieur au traitement annuel qui était le leur au 31 décembre 1999, constitué du salaire et des rémunérations individuelles liées à l’ancienneté ainsi que, pour ceux
qui en bénéficient, [des indemnités du CCNL du personnel des collectivités locales]. La différence éventuelle entre le montant de la rémunération due en fonction du classement et le traitement que percevait le travailleur au 31 décembre 1999, comme indiqué ci-dessus, lui est versée à titre individuel et produit ses effets, moyennant temporisation, aux fins du passage au niveau de rémunération suivant. Le personnel concerné par le présent accord perçoit l’indemnité complémentaire spéciale du montant
applicable au 31 décembre 1999 si celle-ci est plus élevée que celle accordée pour une qualification correspondante du secteur de l’école. […]

[…]

Article 9 – Rémunération de base et salaire accessoire

1. À partir du 1^er janvier 2000, toutes les dispositions de nature pécuniaire du [CCNL de l’école] s’appliquent au personnel visé par le présent accord, selon les modalités prévues par ledit CCNL.

2. À partir du 1^er janvier 2000, le personnel visé par le présent accord se voit reconnaître, à titre provisoire, la rémunération individuelle accessoire conforme aux montants bruts figurant au tableau […] annexé au [CCNL de l’école]. […]

[…]»

20 Cette réglementation a donné lieu à des actions en justice engagées par des membres du personnel ATA transféré, qui ont demandé la pleine reconnaissance de leur ancienneté acquise auprès des collectivités locales. Ils faisaient valoir, à cet égard, que les critères adoptés dans le cadre de l’accord approuvé par le décret ministériel du 5 avril 2001 avaient pour effet qu’ils étaient, à partir de leur incorporation dans le personnel ATA de l’État, classés et rémunérés de la même façon que des
membres du personnel ATA de l’État qui avaient moins d’ancienneté. Selon leur argumentation, l’article 8 de la loi n° 124/99 impose le maintien, pour chaque membre du personnel ATA transféré, de l’ancienneté acquise auprès des collectivités locales, de sorte que chacun de ces membres doit recevoir, à partir du 1^er janvier 2000, la rémunération que reçoit un membre du personnel ATA de l’État ayant la même ancienneté.

21 Ce contentieux a abouti, au cours de l’année 2005, à un certain nombre d’arrêts rendus par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation), dans lesquels celle-ci a, pour l’essentiel, accueilli ladite argumentation.

La loi n° 266/2005

22 Le législateur italien a, par approbation d’un amendement émanant du gouvernement italien, inclus dans l’article 1^er de la loi n° 266/2005, portant dispositions relatives à l’établissement du budget annuel et pluriannuel de l’État (loi de finances pour 2006) [legge n. 266/2005 disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriennale delle Stato (legge finanziaria 2006)], du 23 décembre 2005 (supplément ordinaire à la GURI n° 302, du 29 décembre 2005, ci-après la «loi n° 266/2005»),
un paragraphe 218, libellé comme suit:

«L’article 8, paragraphe 2, de la [loi nº 124/99] doit se comprendre comme signifiant que le personnel des collectivités locales transféré dans le corps du [personnel ATA] de l’État est incorporé dans les qualifications fonctionnelles et les profils professionnels du service de l’État correspondants, sur la base de la prestation économique globale dont il bénéficiait au moment du transfert, avec l’attribution de la position salariale de montant égal ou immédiatement inférieur au traitement annuel
dont il bénéficiait au 31 décembre 1999, constitué du salaire, de l’allocation individuelle d’ancienneté, ainsi que d’éventuelles indemnités, s’il y a lieu, prévues par le [CCNL du personnel des collectivités locales] en vigueur à la date de l’incorporation dans l’administration de l’État. L’éventuelle différence entre le montant de la position salariale d’arrivée et le traitement annuel dont le personnel en cause bénéficiait au 31 décembre 1999 […] est versée ad personam et considérée comme devant
servir, après comptabilisation du temps, pour atteindre la position salariale supérieure. Sous réserve de l’exécution des décisions de justice rendues à la date d’entrée en vigueur de la présente loi.»

23 Plusieurs juridictions ont saisi la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle) de questions portant sur la conformité de l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 avec la Constitution italienne, notamment avec la règle relative à l’autonomie du pouvoir judiciaire, cette règle impliquant une interdiction pour le législateur de s’ingérer dans la fonction d’interprétation uniforme de la loi réservée à la Corte suprema di cassazione.

24 Par arrêt du 18 juin 2007 ainsi que par des ordonnances ultérieures, la Corte costituzionale a jugé que l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 n’était pas entaché des violations alléguées de principes généraux du droit. Elle a notamment considéré que cette disposition ne constitue pas une règle innovatrice par rapport à l’article 8, paragraphe 2, de la loi n° 124/99 et qu’elle permet de favoriser le passage du personnel ATA des collectivités locales vers l’État, ce personnel
se trouvant dans une situation différente de celle du personnel déjà encadré dans les listes de l’État au moment du transfert.

25 Au cours de l’année 2008, la Corte suprema di cassazione a posé à la Corte costituzionale une nouvelle question concernant la constitutionnalité de la loi n° 266/2005 eu égard au principe de protection juridictionnelle effective énoncé à l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»).

26 Par arrêt du 16 novembre 2009, la Corte costituzionale a jugé que l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 ne porte pas atteinte audit principe. Elle a notamment considéré que cette disposition constitue l’une des possibles lectures de l’article 8, paragraphe 2, de la loi n° 124/99 et qu’elle ne comporte donc pas une modification défavorable d’un droit acquis.

27 Au cours des années 2008 et 2009, trois recours ont été introduits devant la Cour européenne des droits de l’homme par des membres du personnel ATA des collectivités locales ayant fait l’objet du transfert dans les cadres du Ministero, recours dans lesquels il était reproché à la République italienne d’avoir violé, par l’adoption de l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005, l’article 6 de la CEDH et l’article 1^er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Par son arrêt du 7 juin 2011, il a été fait droit auxdits recours (Cour eur. D. H., arrêt Agrati e.a. c. Italie).

Le litige au principal et les questions préjudicielles

28 M^me Scattolon, employée de la commune de Scorzè depuis le 16 mai 1980 en tant que concierge dans des écoles de l’État, a, jusqu’au 31 décembre 1999, exercé ce travail en tant que membre du personnel ATA des collectivités locales.

29 À partir du 1^er janvier 2000, elle a, en application de l’article 8 de la loi n° 124/99, été transférée dans les services du personnel ATA de l’État.

30 En application du décret ministériel du 5 avril 2001, M^me Scattolon a été classée dans une échelle salariale qui correspond, dans lesdits services, à neuf ans d’ancienneté.

31 N’ayant ainsi pas obtenu la reconnaissance de son ancienneté d’environ 20 ans acquise dans la commune de Scorzè et estimant avoir ainsi subi une réduction considérable de sa rémunération, M^me Scattolon a, par requête déposée le 27 avril 2005, saisi le Tribunale di Venezia afin d’obtenir la reconnaissance de l’intégralité de ladite ancienneté et d’être classée, en conséquence, dans l’échelon qui correspond, pour le personnel ATA de l’État, à une ancienneté allant de quinze à vingt ans.

32 À la suite de l’adoption de l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005, le Tribunale di Venezia a suspendu le jugement de l’affaire et renvoyé à la Corte costituzionale la question de la compatibilité de ladite disposition avec, notamment, les principes de sécurité juridique et de protection juridictionnelle effective. Par ordonnance du 9 juin 2008, cette dernière juridiction a, en se référant à son arrêt du 18 juin 2007, jugé que ledit article 1^er, paragraphe 218, n’est pas
entaché des violations alléguées de principes généraux du droit.

33 C’est dans ces circonstances que le Tribunale di Venezia a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) La [directive 77/187] et/ou la [directive 2001/23] ou toute autre réglementation [de l’Union] applicable doivent-elles être interprétées dans le sens de leur applicabilité à un cas de transfert du personnel chargé des services auxiliaires de nettoyage et d’entretien des bâtiments scolaires de l’État par les collectivités publiques locales (communes et provinces) à l’État, lorsque le transfert a entraîné la succession, non seulement dans l’activité et dans les relations avec tout le
personnel (concierges) employé, mais également dans les marchés conclus avec des entreprises privées pour assurer ces services?

2) La continuité de la relation de travail au sens de l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive [77/187] (reprise, avec la [directive 98/50] […], dans la [directive 2001/23]) doit-elle être interprétée en ce sens que la quantification des prestations économiques liées, auprès du cessionnaire, à l’ancienneté de service doit tenir compte de toutes les années effectuées par le personnel transféré, y compris au service du cédant?

3) L’article 3 de la [directive 77/187] et/ou les [directives 98/50 et 2001/23] doivent-ils être interprétés en ce sens que les droits du travailleur transférés au cessionnaire incluent également les avantages acquis par le travailleur auprès du cédant, tels que l’ancienneté, lorsque des droits de nature pécuniaire y sont rattachés par l’effet de la convention collective en vigueur au sein de la société cessionnaire?

4) Les principes généraux du droit [de l’Union] en vigueur relatifs à la sécurité juridique, à la protection de la confiance légitime, à l’égalité des armes dans le procès, à la protection juridictionnelle effective, au droit à un tribunal indépendant et, plus généralement, à un procès équitable, garantis par [l’article 6 TUE] lu en combinaison avec l’article 6 de la [CEDH] et avec les articles 46, 47 et 52, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée à
Nice le 7 décembre 2000, tels que repris dans le traité de Lisbonne, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils font obstacle à l’adoption par l’État italien, après un délai appréciable (cinq ans), d’une disposition d’interprétation authentique différente du libellé à interpréter et contraire à l’interprétation constante par l’institution titulaire de la fonction de garantie de l’interprétation uniforme de la loi, disposition qui en outre est pertinente pour statuer sur des litiges dans lesquels
l’État italien est lui-même impliqué?»

La procédure devant la Cour

34 Par lettre du 9 juin 2011, la requérante au principal a, eu égard à l’arrêt Agrati e.a. c. Italie, précité, demandé la réouverture de la procédure orale.

35 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, cette dernière peut d’office ou sur proposition de l’avocat général, ou encore à la demande des parties, ordonner la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 61 de son règlement de procédure, si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou que l’affaire doit être examinée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties (voir, notamment, arrêts du 14
décembre 2004, Swedish Match, C-210/03, Rec. p. I-11893, point 25; du 26 juin 2008, Burda, C-284/06, Rec. p. I‑4571, point 37, et du 17 mars 2011, AJD Tuna, C-221/09, non encore publié au Recueil, point 36).

36 En l’occurrence, la Cour considère qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour traiter la demande de décision préjudicielle et que cette demande ne doit pas être examinée sur la base d’un argument qui n’a pas encore été débattu devant elle.

37 Par conséquent, il n’y a pas lieu d’accueillir la demande de la requérante au principal tendant à la tenue d’une nouvelle audience ni celle, présentée à titre subsidiaire, visant à être autorisée à déposer des observations écrites supplémentaires.

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

38 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la reprise, par une autorité publique d’un État membre, du personnel employé par une autre autorité publique et chargé de la fourniture, à des écoles, de services auxiliaires, constitue un «transfert d’entreprise» au sens de la réglementation de l’Union relative au maintien des droits des travailleurs.

39 Le bénéfice de ladite réglementation ne pouvant être invoqué que par des personnes qui, dans l’État membre concerné, sont protégées en tant que travailleurs au titre de la législation nationale en matière de droit du travail (voir, notamment, arrêts du 10 décembre 1998, Hidalgo e.a., C‑173/96 et C‑247/96, Rec. p. I-8237, point 24, ainsi que du 14 septembre 2000, Collino et Chiappero, C‑343/98, Rec. p. I-6659, point 36), il importe de relever d’emblée que, selon les constatations faites par
la juridiction de renvoi, lesquelles ne sont pas contestées par le gouvernement italien, le personnel ATA employé dans les écoles publiques en Italie jouit d’une telle protection. Il s’ensuit que la requérante au principal est susceptible de bénéficier de la réglementation de l’Union relative au maintien des droits des travailleurs, pour autant que les conditions d’applicabilité spécifiquement énumérées dans cette réglementation sont remplies.

40 À titre liminaire, il convient également de constater que la reprise dudit personnel est intervenue le 1^er janvier 2000, à savoir avant l’expiration du délai imparti aux États membres pour effectuer la transposition de la directive 98/50 et avant l’adoption de la directive 2001/23. Il s’ensuit que la question posée par la juridiction de renvoi doit être examinée au regard de la directive 77/187 dans sa version initiale (voir, par analogie, arrêts du 20 novembre 2003, Abler e.a., C‑340/01,
Rec. p. I‑14023, point 5, ainsi que du 9 mars 2006, Werhof, C‑499/04, Rec. p. I‑2397, points 15 et 16).

41 Aux termes de l’article 1^er, paragraphe 1, de ladite version de la directive 77/187, cette dernière était applicable «aux transferts d’entreprises, d’établissements ou de parties d’établissements à un autre chef d’entreprise, résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion». Il y a donc lieu de vérifier si la reprise par une autorité publique d’un État membre du personnel employé par une autre autorité publique et chargé d’activités telles que celles en cause au principal, peut
réunir l’ensemble des éléments mentionnés à cette disposition.

Sur l’existence d’une «entreprise» au sens de la directive 77/187

42 La notion d’«entreprise», au sens de l’article 1^er, paragraphe 1, de la directive 77/187, comprend toute entité économique organisée de manière stable, indépendamment du statut juridique et du mode de financement de celle-ci. Constitue une telle entité tout ensemble de personnes et d’éléments qui permet l’exercice d’une activité économique poursuivant un objectif propre et qui est suffisamment structurée et autonome (arrêts du 10 décembre 1998, Hernández Vidal e.a., C‑127/96, C-229/96 et
C-74/97, Rec. p. I‑8179, points 26 et 27; du 26 septembre 2000, Mayeur, C-175/99, Rec. p. I‑7755, point 32, ainsi que Abler e.a., précité, point 30; voir également, à propos de l’article 1^er, paragraphe 1, de la directive 2001/23, arrêts du 13 septembre 2007, Jouini e.a., C-458/05, Rec. p. I‑7301, point 31, ainsi que du 29 juillet 2010, UGT‑FSP, C‑151/09, non encore publié au Recueil, point 26).

43 La notion d’«activité économique», figurant dans la définition rappelée au point précédent, comprend toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné (arrêts du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, C-475/99, Rec. p. I-8089, point 19; du 24 octobre 2002, Aéroports de Paris/Commission, C‑82/01 P, Rec. p. I‑9297, point 79, ainsi que du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C‑222/04, Rec. p. I‑289, point 108).

44 Sont par principe exclues de la qualification d’activité économique les activités relevant de l’exercice des prérogatives de puissance publique (voir, notamment, arrêt du 1^er juillet 2008, MOTOE, C-49/07, Rec. p. I‑4863, point 24 et jurisprudence citée, ainsi que, s’agissant de la directive 77/187, arrêt du 15 octobre 1996, Henke, C-298/94, Rec. p. I‑4989, point 17). Ont, en revanche, été qualifiés d’activités économiques des services qui, sans relever de l’exercice des prérogatives de
puissance publique, sont assurés dans l’intérêt public et sans but lucratif et qui se trouvent en concurrence avec ceux proposés par des opérateurs poursuivant un but lucratif (voir, à cet égard, arrêts du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C‑41/90, Rec. p. I-1979, point 22; Aéroports de Paris/Commission, précité, point 82, ainsi que Cassa di Risparmio di Firenze e.a., précité, points 122 et 123).

45 En l’occurrence, ainsi qu’il ressort de l’article 8 de la loi n° 124/99, le groupe de travailleurs ayant fait l’objet d’une reprise par l’État est constitué du personnel ATA des collectivités locales employé dans les écoles publiques. Il découle également du dossier que les activités de ce personnel consistent à assurer les services auxiliaires dont des écoles ont besoin pour réaliser, dans des conditions optimales, leur tâche d’enseignement. Ces services portent, notamment, sur le nettoyage
et l’entretien des locaux ainsi que sur des tâches d’assistance administrative.

46 Il ressort, en outre, des indications factuelles fournies par la juridiction de renvoi, de même que de l’article 9 du décret ministériel du 23 juillet 1999, que lesdits services sont, dans certains cas, confiés à des opérateurs économiques privés au moyen d’une sous-traitance. Au demeurant, il est constant que ces services ne relèvent pas de l’exercice des prérogatives de puissance publique.

47 Il apparaît ainsi que les activités exercées par les travailleurs soumis au transfert en cause au principal ont un caractère économique au sens de la jurisprudence susvisée et poursuivent un objectif propre, lequel consiste en l’encadrement technique et administratif des écoles. Au demeurant, il est constant que le personnel ATA a été conçu comme un ensemble structuré de salariés.

48 Il convient encore de vérifier, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 42 du présent arrêt et aux observations écrites du gouvernement italien, premièrement, si la qualification du personnel concerné en tant qu’«entreprise» est remise en cause par l’absence d’éléments d’actifs, deuxièmement, si ce groupe de travailleurs est suffisamment autonome pour être qualifié d’«entité économique» et, donc, d’entreprise et, troisièmement, si le fait que lesdits travailleurs font partie de
l’administration publique a une quelconque influence.

49 Pour ce qui concerne, en premier lieu, l’absence d’éléments d’actifs, la Cour a itérativement considéré que, dans certains secteurs, l’activité repose essentiellement sur la main-d’œuvre. Dans ces conditions, un ensemble structuré de travailleurs peut, en dépit de l’absence d’éléments d’actifs significatifs, matériels ou immatériels, correspondre à une entité économique au sens de la directive 77/187 (voir notamment, s’agissant de services de nettoyage, arrêts précités Hernández Vidal e.a.,
point 27, ainsi que Hidalgo e.a., point 26; voir également, à propos de la directive 2001/23, arrêt du 20 janvier 2011, CLECE, C‑463/09, non encore publié au Recueil, point 39).

50 Cette jurisprudence est transposable à la situation en cause au principal, dès lors qu’aucune des activités exercées par le groupe de travailleurs concerné ne semble nécessiter la disponibilité d’éléments d’actifs significatifs. La qualification du groupe de travailleurs en tant qu’entité économique ne saurait donc être exclue en raison du fait que cette entité ne comprend pas, outre ce personnel, d’éléments d’actifs matériels ou immatériels.

51 S’agissant, en deuxième lieu, de la question de savoir si un groupe de travailleurs tel que celui en cause au principal est suffisamment autonome, il convient de rappeler que, dans le contexte de la réglementation de l’Union en matière de maintien des droits des travailleurs, la notion d’autonomie se réfère aux pouvoirs, accordés aux responsables du groupe de travailleurs concerné, d’organiser, de manière relativement libre et indépendante, le travail au sein dudit groupe et, plus
particulièrement, de donner des instructions et de distribuer des tâches aux travailleurs subordonnés appartenant à ce groupe, cela sans intervention directe de la part d’autres structures d’organisation de l’employeur (voir, à cet égard, arrêt UGT‑FSP, précité, points 42 et 43). Si, certes, la présence d’une entité suffisamment autonome n’est pas infirmée par la circonstance que l’employeur impose audit groupe de travailleurs des obligations précises et exerce donc une influence étendue sur les
activités de ce dernier, il faut néanmoins que ledit groupe possède une certaine liberté pour organiser et exécuter ses tâches (voir, en ce sens, arrêt Hidalgo e.a., précité, point 27).

52 En l’occurrence, il apparaît, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi, que le personnel ATA des collectivités locales employé dans les écoles constituait, au sein de l’administration des collectivités locales, une entité pouvant, de manière relativement libre et indépendante, organiser et exécuter ses tâches, au moyen, notamment, d’instructions données par des membres dudit personnel ATA investis de responsabilités de coordination et de direction.

53 S’agissant, en troisième et dernier lieu, du fait que le personnel transféré et ses activités sont intégrés dans l’administration publique, il y a lieu de rappeler que cette seule circonstance ne saurait soustraire cette entité à l’application de la directive 77/187 (voir, en ce sens, arrêt Collino et Chiappero, précité, points 33 et 35). La conclusion inverse ne serait pas cohérente avec la jurisprudence citée au point 42 du présent arrêt, selon laquelle tout ensemble suffisamment structuré
et autonome de personnes et d’éléments qui permet l’exercice d’une activité économique poursuivant un objectif propre constitue une «entreprise», au sens de l’article 1^er, paragraphe 1, de la directive 77/187, indépendamment du statut juridique et du mode de financement de celle-ci.

54 S’il est vrai que, comme l’a souligné le gouvernement italien, la Cour a exclu du champ d’application de la directive 77/187 la «réorganisation de structures de l’administration publique» et le «transfert d’attributions administratives entre des administrations publiques», exception consacrée, par la suite, à l’article 1^er, paragraphe 1, de cette directive dans sa version résultant de la directive 98/50, ainsi qu’à l’article 1^er, paragraphe 1, de la directive 2001/23, il n’en demeure pas
moins, ainsi que la Cour l’a déjà relevé et comme l’a rappelé M. l’avocat général aux points 46 à 51 de ses conclusions, que la portée de ces expressions est limitée aux cas dans lesquels le transfert concerne des activités qui relèvent de l’exercice de la puissance publique (arrêt Collino et Chiappero, précité, points 31 et 32 ainsi que jurisprudence citée).

55 Il ressort, certes, du dossier que la reprise par le Ministero du personnel ATA des collectivités locales s’est inscrite dans le cadre d’une réorganisation de l’administration publique en Italie. Toutefois, loin d’avoir jugé que tout transfert lié à ou s’inscrivant dans une réorganisation de l’administration publique doive être exclu du champ d’application de la directive 77/187, la Cour a seulement précisé, dans la jurisprudence invoquée par le gouvernement italien, que la réorganisation de
structures de l’administration publique et le transfert d’attributions administratives entre des administrations publiques ne constituent pas, par eux-mêmes et en tant que tels, un transfert d’entreprise au sens de ladite directive (voir arrêts précités Henke, point 14; Collino et Chiappero, point 31, ainsi que Mayeur, point 33).

56 La Cour a notamment considéré que la création d’un groupement intercommunal et la reprise par celui-ci de certaines compétences des communes qui en font partie constituent un réaménagement de l’exercice de la puissance publique et ne sauraient donc relever de la directive 77/187 (voir arrêt Henke, précité, points 16 et 17), tout en jugeant, dans d’autres cas, que le transfert de personnel exerçant des activités de nature économique dans une administration publique relève de cette directive
(voir, notamment, arrêts précités Hidalgo e.a., point 24, ainsi que Collino et Chiappero, point 32).

57 Rien ne justifierait de développer cette jurisprudence en ce sens que des employés publics, protégés en tant que travailleurs en vertu du droit national et soumis à un transfert vers un nouvel employeur au sein de l’administration publique, ne puissent bénéficier de la protection offerte par la directive 77/187 au seul motif que ce transfert s’inscrit dans le cadre d’une réorganisation de ladite administration.

58 Il importe de considérer, à cet égard, que si une telle interprétation était admise, tout transfert imposé à de tels travailleurs pourrait être soustrait, par l’autorité publique concernée, au champ d’application de la directive 77/187 en invoquant le simple fait que le transfert fait partie d’un réaménagement de personnel. D’importantes catégories de travailleurs exerçant des activités économiques au sens de la jurisprudence de la Cour risqueraient ainsi d’être privées de la protection
prévue par cette directive. Ce résultat serait difficilement conciliable tant avec le libellé de l’article 2 de celle-ci, selon lequel le cédant et le cessionnaire peuvent être toute personne physique ou morale ayant la qualité d’employeur, qu’avec la nécessité, compte tenu de l’objectif de protection sociale poursuivi par ladite directive, d’interpréter les exceptions à l’application de celle-ci de manière stricte (voir, en ce qui concerne la directive 2001/23, arrêt du 11 juin 2009,
Commission/Italie, C‑561/07, Rec. p. I-4959, point 30 et jurisprudence citée).

59 Il convient, enfin, de souligner que l’application des règles énoncées par la directive 77/187 dans des situations telles que celle au principal n’affecte pas le pouvoir des États membres de rationaliser leurs administrations publiques. L’applicabilité de cette directive a pour seul effet d’empêcher que des travailleurs transférés soient, du seul fait du transfert, placés dans une position moins favorable que celle dans laquelle ils se trouvaient avant le transfert. Ainsi que la Cour l’a
jugé à maintes reprises et tel qu’il ressort, au demeurant, de l’article 4 de la directive 77/187, celle-ci ne prive pas les États membres de la possibilité de permettre aux employeurs de modifier des relations de travail dans un sens défavorable, notamment en ce qui concerne la protection contre le licenciement et les conditions de rémunération. Ladite directive interdit, seulement, que de telles modifications aient lieu à l’occasion et à cause du transfert (voir en ce sens, notamment, arrêts du 10
février 1988, Foreningen af Arbejdsledere i Danmark, dit «Daddy’s Dance Hall», 324/86, Rec. p. 739, point 17; du 12 novembre 1992, Watson Rask et Christensen, C‑209/91, Rec. p. I‑5755, point 28, ainsi que Collino et Chiappero, point 52).

Sur l’existence d’un «transfert» «résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion» au sens de la directive 77/187

60 Pour déterminer s’il y a «transfert» de l’entreprise au sens de l’article 1^er, paragraphe 1, de la directive 77/187, le critère décisif est celui de savoir si l’entité en question garde son identité après avoir été reprise par le nouvel employeur (voir, notamment, arrêts du 18 mars 1986, Spijkers, 24/85, Rec. p. 1119, points 11 et 12, ainsi que UGT-FSP, précité, point 22).

61 Si cette entité fonctionne sans éléments d’actifs significatifs, le maintien de son identité par-delà l’opération dont elle est l’objet ne saurait dépendre de la cession de tels éléments (arrêts précités Hernández Vidal e.a., point 31; Hidalgo e.a., point 31, ainsi que UGT-FSP, point 28).

62 Dans cette hypothèse, laquelle est, ainsi qu’il a été constaté au point 50 du présent arrêt, celle pertinente au regard du litige au principal, le groupe de travailleurs en cause maintient son identité lorsque le nouvel employeur poursuit les activités et reprend une partie essentielle, en termes de nombre et de compétence, desdits travailleurs (voir arrêts précités Hernández Vidal e.a., point 32, ainsi que UGT-FSP, point 29).

63 S’agissant de l’expression «résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion», figurant également à l’article 1^er, paragraphe 1, de la directive 77/187, il convient de rappeler que la Cour a, en raison tant des différences entre les versions linguistiques de cette directive que des divergences entre les législations nationales relatives aux notions auxquelles celles-ci se réfèrent, donné une interprétation suffisamment souple à cette expression pour répondre à l’objectif de cette
directive qui est de protéger les travailleurs en cas de changement de chef d’entreprise (arrêts du 19 mai 1992, Redmond Stichting, C-29/91, Rec. p. I‑3189, points 10 et 11; du 7 mars 1996, Merckx et Neuhuys, C‑171/94 et C‑172/94, Rec. p. I-1253, point 28, ainsi que Jouini e.a., précité, point 24). Elle a ainsi jugé que le fait que le transfert résulte de décisions unilatérales des pouvoirs publics et non d’un concours de volontés ne saurait exclure l’application de ladite directive (voir,
notamment, arrêts précités Redmond Stichting, points 15 à 17; Collino et Chiappero, point 34, ainsi que UGT-FSP, point 25).

64 Tout en ne remettant en question ni la jurisprudence rappelée aux points 60 à 63 du présent arrêt ni le fait que l’opération de transfert en cause au principal est fondée sur la loi n° 124/99 et résulte donc d’une décision unilatérale des pouvoirs publics, le gouvernement italien relève que, en l’occurrence, la reprise du personnel concerné par l’État italien n’a été que facultative, dès lors que les membres de ce personnel pouvaient choisir de demeurer affectés dans les collectivités
locales dont ils relevaient. Dans ces conditions, il n’y aurait pas de transfert au sens de la directive 77/187.

65 Cette observation du gouvernement italien repose toutefois sur une prémisse factuelle qui est contredite tant par la décision de renvoi que par la loi n° 124/99 elle-même. Il ressort, notamment, de l’article 8, paragraphe 2, de cette dernière que les seuls membres du personnel ATA ayant eu la possibilité d’opter pour le maintien de leur affectation auprès de leur employeur d’origine étaient ceux dont les qualifications et les profils ne trouvaient pas de correspondance dans les services du
cessionnaire. Il découle de cette règle, ainsi que du libellé des autres dispositions dudit article 8, que le personnel ATA des collectivités locales employé dans les écoles était, globalement et par principe, soumis au transfert.

66 Eu égard à l’ensemble des observations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que la reprise, par une autorité publique d’un État membre, du personnel employé par une autre autorité publique et chargé de la fourniture, à des écoles, de services auxiliaires comprenant notamment des tâches de maintenance et d’assistance administrative, constitue un transfert d’entreprise relevant de la directive 77/187, lorsque ledit personnel est constitué d’un ensemble structuré
d’employés qui sont protégés en tant que travailleurs en vertu du droit interne de cet État membre.

Sur les deuxième et troisième questions

67 Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande essentiellement si l’article 3 de la directive 77/187 doit être interprété en ce sens que, en vue du calcul de la rémunération de travailleurs ayant fait l’objet d’un transfert au sens de cette directive, le cessionnaire doit prendre en compte l’ancienneté acquise par ces travailleurs auprès du cédant.

68 À cet égard, il convient, au préalable, d’examiner la pertinence, pour une situation telle que celle en cause au principal, de l’arrêt Collino et Chiappero, précité, dans lequel la Cour s’est prononcée sur une question de reconnaissance d’ancienneté en cas de transfert d’entreprise et sur lequel se fondent tant la requérante au principal que le gouvernement italien dans leurs observations soumises à la Cour.

69 Dans ledit arrêt, il a été jugé que, si l’ancienneté acquise auprès du cédant ne constitue pas, en tant que telle, un droit que les travailleurs transférés pourraient faire valoir à l’égard du cessionnaire, il n’en demeure pas moins qu’elle sert, le cas échéant, à déterminer certains droits pécuniaires des travailleurs et que ces droits doivent alors, en principe, être maintenus par le cessionnaire de la même manière que chez le cédant (voir arrêt Collino et Chiappero, précité, point 50).

70 Tout en rappelant que le cessionnaire peut, en dehors de l’hypothèse d’un transfert d’entreprise et dans la mesure où le droit national le lui permet, modifier les conditions de rémunération dans un sens défavorable aux travailleurs, la Cour a jugé que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 77/187 doit être interprété en ce sens que, pour le calcul de droits de nature pécuniaire, le cessionnaire est tenu de prendre en compte l’ensemble des années de service effectuées par le personnel
transféré dans la mesure où cette obligation résultait de la relation de travail liant ce personnel au cédant et conformément aux modalités convenues dans le cadre de cette relation (arrêt Collino et Chiappero, précité, points 51 et 52).

71 Or, dans l’affaire opposant M^me Scattolon au Ministero, il est constant que les droits et les obligations du personnel transféré et du cédant étaient contenus dans une convention collective, à savoir le CCNL du personnel des collectivités locales, dont l’application a, dès le 1^er janvier 2000, qui est la date du transfert, été remplacée par celle de la convention collective en vigueur chez le cessionnaire, à savoir le CCNL de l’école. Dans ces conditions, à la différence de ce qui a pu
être le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Collino et Chiappero, précité, l’interprétation sollicitée de la directive 77/187 ne saurait porter uniquement sur l’article 3, paragraphe 1, de celle-ci, mais doit également, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 75 de ses conclusions, tenir compte du paragraphe 2 du même article, cette dernière disposition concernant, notamment, l’hypothèse où l’application de la convention en vigueur chez le cédant est abandonnée en faveur de celle
en vigueur chez le cessionnaire.

72 Aux termes du premier alinéa dudit article 3, paragraphe 2, le cessionnaire est tenu de maintenir les conditions de travail convenues par une convention collective dans la même mesure que celle-ci les a prévues pour le cédant, jusqu’à la date de la résiliation ou de l’expiration de cette convention collective ou de l’entrée en vigueur ou de l’application d’une autre convention collective. Le second alinéa de la même disposition ajoute que les États membres peuvent limiter la période du
maintien des conditions de travail, sous réserve que celle-ci ne soit pas inférieure à un an.

73 Ainsi que la Cour l’a déjà précisé, la règle prévue à l’article 3, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 77/187 ne saurait priver de sa substance le premier alinéa du même paragraphe. Ce second alinéa n’empêche donc pas que les conditions de travail énoncées dans la convention collective dont relevait le personnel concerné avant le transfert cessent d’être applicables avant l’écoulement d’une année après le transfert, voire même immédiatement à la date à laquelle le transfert
intervient, lorsque se présente l’une des situations visées au premier alinéa du même paragraphe, à savoir la résiliation ou l’expiration de ladite convention collective ou l’entrée en vigueur ou l’application d’une autre convention collective (voir arrêt du 9 mars 2006, Werhof, C‑499/04, Rec. p. I‑2397, point 30, ainsi que, à propos de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2001/23, arrêt du 27 novembre 2008, Juuri, C‑396/07, Rec. p. I-8883, point 34).

74 Par conséquent, la règle prévue à article 3, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 77/187, selon laquelle «le cessionnaire maintient les conditions de travail convenues par une convention collective dans la même mesure que celle-ci les a prévues pour le cédant, jusqu’à la date […] de l’application d’une autre convention collective», doit être comprise en ce sens qu’il est loisible au cessionnaire d’appliquer, dès la date du transfert, les conditions de travail prévues par la
convention collective en vigueur chez lui, y compris celles relatives à la rémunération.

75 S’il résulte de ce qui précède que la directive 77/187 laisse une marge de manœuvre permettant au cessionnaire et aux autres parties contractantes d’aménager l’intégration salariale des travailleurs transférés de telle manière que celle-ci soit dûment adaptée aux circonstances du transfert en cause, il n’en demeure pas moins que les modalités choisies doivent être conformes à l’objectif de ladite directive. Ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, cet objectif consiste, essentiellement, à
empêcher que les travailleurs soumis à un transfert soient placés dans une position moins favorable du seul fait de ce transfert (arrêt du 26 mai 2005, Celtec, C‑478/03, Rec. p. I-4389, point 26 et jurisprudence citée, ainsi que, à propos de la directive 2001/23, ordonnance du 15 septembre 2010, Briot, C‑386/09, point 26).

76 La mise en œuvre de la faculté consistant à remplacer, avec effet immédiat, les conditions dont bénéficient les travailleurs transférés en vertu de la convention collective en vigueur auprès du cédant par celles prévues par la convention collective en vigueur auprès du cessionnaire ne saurait donc avoir pour but ou pour effet d’imposer auxdits travailleurs des conditions globalement moins favorables que celles applicables avant le transfert. S’il en était autrement, la réalisation de
l’objectif poursuivi par la directive 77/187 pourrait facilement être mise en cause dans tout secteur régi par des conventions collectives, ce qui porterait atteinte à l’effet utile de ladite directive.

77 En revanche, la directive 77/187 ne saurait utilement être invoquée pour obtenir une amélioration des conditions de rémunération ou d’autres conditions de travail à l’occasion d’un transfert d’entreprise. Par ailleurs, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 94 de ses conclusions, cette directive ne s’oppose pas à ce qu’il y ait certaines différences de traitement salarial entre les travailleurs transférés et ceux qui étaient déjà, au moment du transfert, employés auprès du
cessionnaire. Si d’autres instruments et principes de droit pourraient se révéler pertinents pour examiner la légalité de telles différences, ladite directive ne vise, quant à elle, qu’à éviter que des travailleurs soient, du seul fait d’un transfert vers un autre employeur, mis dans une position défavorable comparée à celle dont ils bénéficiaient auparavant.

78 En l’occurrence, il est constant que les actes mettant en œuvre l’article 8, paragraphe 2, de la loi n° 124/99 ont fixé les modalités du transfert du personnel ATA des collectivités locales dans les services du Ministero de telle manière que la convention collective en vigueur chez ce dernier, à savoir le CCNL de l’école, soit applicable dès la date du transfert aux employés transférés, sans toutefois que ceux-ci reçoivent la position salariale correspondant à l’ancienneté acquise par eux
auprès du cédant.

79 Le fait que le Ministero a, au lieu de reconnaître cette ancienneté en tant que telle et dans son intégralité, calculé pour chaque travailleur transféré une ancienneté «fictive» a joué un rôle déterminant dans la fixation des conditions de rémunération dorénavant applicables au personnel transféré. En effet, suivant le CCNL de l’école, les positions et progressions salariales dépendent dans une large mesure de l’ancienneté telle que calculée et reconnue par le Ministero.

80 Il n’est pas non plus contesté que les tâches exercées, avant le transfert, dans les écoles publiques par le personnel ATA des collectivités territoriales étaient analogues, voire identiques, à celles exercées par le personnel ATA employé par le Ministero. Par conséquent, l’ancienneté acquise auprès du cédant par un membre du personnel transféré aurait pu être qualifiée d’équivalente à celle acquise par un membre du personnel ATA possédant le même profil et employé, avant le transfert, par
le Ministero.

81 Dans de telles circonstances, caractérisées par la possibilité d’éviter, au moyen d’une reconnaissance à tout le moins partielle de l’ancienneté des travailleurs transférés, que ceux-ci subissent une régression salariale substantielle par rapport à leur situation immédiatement antérieure au transfert, il serait contraire à l’objectif de la directive 77/187, tel que rappelé et délimité aux points 75 à 77 du présent arrêt, de ne pas tenir compte de ladite ancienneté dans la mesure nécessaire
au maintien approximatif du niveau de la rémunération perçue par lesdits travailleurs auprès du cédant (voir, par analogie, arrêt du 11 novembre 2004, Delahaye, C‑425/02, Rec. p. I‑10823, point 34).

82 Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si la requérante au principal a subi, lors de son transfert, une telle régression salariale. À cette fin, il appartiendra à cette juridiction d’examiner notamment l’argument du Ministero selon lequel le calcul défini au point 79 du présent arrêt est de nature à garantir que le personnel ATA concerné n’est pas, du seul fait du transfert, placé dans une position globalement défavorable par rapport à sa situation immédiatement antérieure au
transfert.

83 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions que, lorsqu’un transfert au sens de la directive 77/187 conduit à l’application immédiate, aux travailleurs transférés, de la convention collective en vigueur auprès du cessionnaire et que les conditions de rémunération prévues par cette convention sont notamment liées à l’ancienneté, l’article 3 de cette directive s’oppose à ce que les travailleurs transférés subissent, par rapport à leur situation
immédiatement antérieure au transfert, une régression salariale substantielle en raison du fait que leur ancienneté acquise auprès du cédant, équivalente à celle acquise par des travailleurs au service du cessionnaire, n’est pas prise en compte lors de la détermination de leur position salariale de départ auprès de ce dernier. Il appartient à la juridiction de renvoi d’examiner s’il y a eu, lors du transfert en cause au principal, une telle régression salariale.

Sur la quatrième question

84 Eu égard à la réponse aux deuxième et troisième questions, il n’est plus besoin d’examiner si la réglementation nationale en cause, telle qu’appliquée à la requérante au principal, enfreint les principes mentionnés par la juridiction de renvoi dans sa quatrième question. Par conséquent, il n’y a pas lieu de répondre à cette dernière question.

Sur les dépens

85 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1) La reprise, par une autorité publique d’un État membre, du personnel employé par une autre autorité publique et chargé de la fourniture, à des écoles, de services auxiliaires comprenant notamment des tâches de maintenance et d’assistance administrative, constitue un transfert d’entreprise relevant de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts
d’entreprises, d’établissements ou de parties d’établissements, lorsque ledit personnel est constitué d’un ensemble structuré d’employés qui sont protégés en tant que travailleurs en vertu du droit interne de cet État membre.

2) Lorsqu’un transfert au sens de la directive 77/187 conduit à l’application immédiate, aux travailleurs transférés, de la convention collective en vigueur auprès du cessionnaire et que les conditions de rémunération prévues par cette convention sont notamment liées à l’ancienneté, l’article 3 de cette directive s’oppose à ce que les travailleurs transférés subissent, par rapport à leur situation immédiatement antérieure au transfert, une régression salariale substantielle en raison du fait
que leur ancienneté acquise auprès du cédant, équivalente à celle acquise par des travailleurs au service du cessionnaire, n’est pas prise en compte lors de la détermination de leur position salariale de départ auprès de ce dernier. Il appartient à la juridiction de renvoi d’examiner s’il y a eu, lors du transfert en cause au principal, une telle régression salariale.

Signatures

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* Langue de procédure: l’italien.


Synthèse
Formation : Grande chambre
Numéro d'arrêt : C-108/10
Date de la décision : 06/09/2011
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunale di Venezia - Italie.

Politique sociale - Directive 77/187/CEE - Maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprise - Notions d’‘entreprise’ et de ‘transfert’ - Cédant et cessionnaire de droit public - Application, dès la date du transfert, de la convention collective en vigueur chez le cessionnaire - Traitement salarial - Prise en compte de l’ancienneté acquise auprès du cédant.

Politique sociale


Parties
Demandeurs : Ivana Scattolon
Défendeurs : Ministero dell’Istruzione, dell’Università e della Ricerca.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bot
Rapporteur ?: Ilešič

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2011:542

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