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03/03/2011 | CJUE | N°C-134/10

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre Royaume de Belgique., 03/03/2011, C-134/10


Affaire C-134/10

Commission européenne

contre

Royaume de Belgique

«Manquement d’État — Directive 2002/22/CE — Article 31 — Critères pour l’octroi du statut de bénéficiaire de l’obligation de diffuser — Objectifs d’intérêt général permettant l’octroi de ce statut — Impact du nombre d’utilisateurs finals des réseaux de communication sur l’octroi dudit statut — Principe de proportionnalité»

Sommaire de l'arrêt

1. Rapprochement des législations — Réseaux et services de communications éle

ctroniques — Service universel et droits des utilisateurs — Directive 2002/22 — Diffusion publique d'émissions de radio ou de té...

Affaire C-134/10

Commission européenne

contre

Royaume de Belgique

«Manquement d’État — Directive 2002/22/CE — Article 31 — Critères pour l’octroi du statut de bénéficiaire de l’obligation de diffuser — Objectifs d’intérêt général permettant l’octroi de ce statut — Impact du nombre d’utilisateurs finals des réseaux de communication sur l’octroi dudit statut — Principe de proportionnalité»

Sommaire de l'arrêt

1. Rapprochement des législations — Réseaux et services de communications électroniques — Service universel et droits des utilisateurs — Directive 2002/22 — Diffusion publique d'émissions de radio ou de télévision — Obligations raisonnables de diffuser («must carry»)

(Art. 56 TFUE; directive du Parlement européen et du Conseil 2002/22, art. 31, § 1)

2. Rapprochement des législations — Réseaux et services de communications électroniques — Service universel et droits des utilisateurs — Directive 2002/22 — Diffusion publique d'émissions de radio ou de télévision — Obligations raisonnables de diffuser («must carry»)

(Art. 56 TFUE; directive du Parlement européen et du Conseil 2002/22, art. 31, § 1)

3. Rapprochement des législations — Réseaux et services de communications électroniques — Service universel et droits des utilisateurs — Directive 2002/22 — Diffusion publique d'émissions de radio ou de télévision — Obligations raisonnables de diffuser («must carry»)

(Art. 56 TFUE; directive du Parlement européen et du Conseil 2002/22, art. 31, § 1)

1. Conformément à l’article 31, paragraphe 1, deuxième phrase, de la directive 2002/22, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques, les obligations de diffuser ne peuvent être imposées que lorsqu’elles sont nécessaires pour atteindre des objectifs d’intérêt général clairement définis et doivent être proportionnées et transparentes.

Or, l'objectif de garantir le pluralisme et la diversité culturelle, au titre d'une politique culturelle, est un objectif d'intérêt général qui est lié au droit fondamental à la liberté d'expression. Toutefois, même si les autorité nationales disposent d’un large pouvoir d’appréciation à cet égard, les exigences découlant des mesures destinées à mettre en œuvre une telle politique ne doivent en aucun cas être disproportionnées par rapport audit objectif et les modalités de leur application ne
doivent pas comporter de discriminations au détriment des ressortissants d’autres États membres. Ainsi, le statut de chaîne bénéficiaire de l’obligation de diffuser doit être strictement limité aux chaînes dont le contenu global des programmes est en mesure de réaliser l’objectif d’intérêt général poursuivi.

Or, une simple énonciation d'un tel objectif de politique générale, non assortie d’aucun autre élément supplémentaire susceptible de permettre aux opérateurs de déterminer préalablement la nature et la portée des conditions et des obligations précises à remplir lorsqu’ils souscrivent à l’octroi du statut de bénéficiaire de l’obligation de diffuser, ne définit pas clairement les critères concrets utilisés par les autorités nationales pour sélectionner les chaînes de télévision bénéficiant de
l’obligation de diffuser et n’est pas suffisamment précise pour garantir que les chaînes sélectionnées sont celles dont le contenu global des programmes est en mesure de réaliser l’objectif culturel d’intérêt général poursuivi.

(cf. points 50, 52-55)

2. Une réglementation nationale qui ne précise aucun critère objectif et connu à l'avance utilisé par les autorités de l'État membre concerné aux fins de la désignation des programmes des organismes de radiodiffusion en tant que bénéficiaires de l'obligation de diffuser ne permet pas aux organismes non publics de radiodiffusion susceptibles de bénéficier des obligations de diffuser de connaître les critères à remplir pour l'octroi du statut de bénéficiaire et ne respecte donc pas le principe
de transparence, au sens de l'article 31, paragraphe 1, deuxième phrase, de la directive 2002/22, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques. Le respect de ce principe n'est pas assuré non plus lorsqu'une telle réglementation ne prescrit pas de manière suffisamment claire que le bénéfice de l'obligation de diffuser ne saurait être accordé qu'à des chaînes de télévision spécifiées, tel qu'exigé par ledit article 31,
paragraphe 1. Il découle en effet de cette disposition que le statut de bénéficiaire de cette obligation ne saurait être automatiquement accordé à toutes les chaînes de télévision diffusées par un même organisme privé de radiodiffusion, mais qu'il doit être strictement limité à celles dont le contenu global des programmes est en mesure de réaliser l’objectif d’intérêt général poursuivi.

Par ailleurs, les critères sur le fondement desquels le statut de bénéficiaire de l’obligation de diffuser est accordé doivent être non discriminatoires. En particulier, l’octroi de ce statut ne saurait, ni en droit ni en fait, être subordonné à une exigence d’établissement sur le territoire national. Une réglementation nationale qui ne permet pas d'exclure que l'octroi de ce statut requiert, en droit ou en fait, que les organismes non publics de radiodiffusion susceptibles de bénéficier du statut
soient établis dans l'État membre en cause ne suffit pas non plus à satisfaire la condition de transparence prévue audit article 31, paragraphe 1, de la directive 2002/22.

(cf. points 59-60, 63, 65-68)

3. Les obligations de diffuser découlant de l'article 31, paragraphe 1, de la directive 2002/22, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques, ne peuvent être imposées aux opérateurs des réseaux de communications électroniques que lorsqu'un nombre significatif d'utilisateurs finals de ces réseaux les utilise comme leurs moyens principaux pour recevoir des émissions de radio ou de télévision. Un État membre ne
transpose pas correctement cette disposition en prévoyant la possibilité, pour ses autorités nationales, de dispenser d'obligations de diffuser les opérateurs de réseaux dont le nombre d'utilisateurs finals les utilisant comme leurs moyens principaux pour capter les programmes de radiodiffusion télévisuelle n'est pas suffisant. Ce système leur permet, en cas de refus de cette dispense, d'imposer lesdites obligations auxdits opérateurs et d'exiger de ceux-ci la preuve que les conditions pour obtenir
la dispense sont remplies.

(cf. points 73-75)

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

3 mars 2011(*)

«Manquement d’État – Directive 2002/22/CE – Article 31 – Critères pour l’octroi du statut de bénéficiaire de l’obligation de diffuser – Objectifs d’intérêt général permettant l’octroi de ce statut – Impact du nombre d’utilisateurs finals des réseaux de communication sur l’octroi dudit statut – Principe de proportionnalité»

Dans l’affaire C‑134/10,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 15 mars 2010,

Commission européenne, représentée par M. A. Nijenhuis et M^me C. Vrignon, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume de Belgique, représenté par M^me M. Jacobs et M. T. Materne, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M^me R. Silva de Lapuerta, MM. G. Arestis (rapporteur), J. Malenovský et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas correctement transposé l’article 31 de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel») (JO L 108, p. 51), le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de ladite
directive et de l’article 56 TFUE.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

2 Aux termes du quarante-troisième considérant de la directive «service universel»:

«À l’heure actuelle, les États membres imposent certaines obligations de diffusion (‘must carry’) sur les réseaux pour la diffusion au public d’émissions de radio ou de télévision. Les États membres devraient être en mesure d’imposer aux entreprises sous leur juridiction, en considération d’intérêts publics légitimes et uniquement lorsque cela est nécessaire pour atteindre des objectifs d’intérêt général clairement définis par eux conformément au droit communautaire, des obligations qui devraient
être proportionnées, transparentes et soumises à un réexamen périodique. Les obligations de diffuser (‘must carry’) imposées par les États membres devraient être raisonnables; en d’autres termes, elles devraient être proportionnées et transparentes compte tenu d’objectifs d’intérêt général clairement définis, et pourraient, le cas échéant, s’accompagner d’une disposition prévoyant une rémunération proportionnée. Ces obligations de diffuser (‘must carry’) peuvent comprendre la transmission de
services spécialement destinés à permettre un accès convenable des utilisateurs handicapés.»

3 L’article 31 de la directive «service universel» dispose:

«1. Les États membres peuvent imposer des obligations raisonnables de diffuser (‘must carry’), pour la transmission des chaînes ou des services de radio et de télévision spécifiés, aux entreprises qui, sous leur juridiction, exploitent des réseaux de communications électroniques utilisés pour la diffusion publique d’émissions de radio ou de télévision, lorsqu’un nombre significatif d’utilisateurs finals de ces réseaux les utilisent comme leurs moyens principaux pour recevoir des émissions de
radio ou de télévision. De telles obligations ne peuvent être imposées que lorsqu’elles sont nécessaires pour atteindre des objectifs d’intérêt général clairement définis et doivent être proportionnées et transparentes. Ces obligations sont soumises à un réexamen périodique.

2. Ni le paragraphe 1 du présent article, ni l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2002/19/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive ‘accès’) (JO L 108, p. 7)] ne portent préjudice à la faculté des États membres de déterminer une rémunération appropriée, le cas échéant, concernant les mesures prises conformément au présent article tout en
garantissant que, dans des conditions similaires, il n’existe aucune discrimination dans le traitement des entreprises fournissant des réseaux de communications électroniques. Lorsqu’une rémunération est fournie, les États membres veillent à ce qu’elle le soit de manière proportionnée et transparente.»

La réglementation nationale

4 L’article 13 de la loi du 30 mars 1995 concernant les réseaux de distribution d’émissions de radiodiffusion et l’exercice d’activité de radiodiffusion dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale (Moniteur belge du 22 février 1996, p. 3797), tel que modifiée par la loi du 16 mars 2007 (Moniteur belge du 5 avril 2007, p. 19229, ci-après la «loi du 30 mars 1995»), dispose:

«L’opérateur doit, en vue de garantir le pluralisme et la diversité culturelle transmettre au moment de leur diffusion et dans leur intégralité les programmes de radiodiffusion télévisuelle suivants:

– les programmes de radiodiffusion télévisuelle diffusés par des organismes de radiodiffusion de service public relevant de la Communauté française et ceux relevant de la Communauté flamande;

– les programmes de radiodiffusion télévisuelle diffusés par tout autre organisme de radiodiffusion relevant des Communautés française ou flamande, que le Roi désigne dans un arrêté délibéré en Conseil des ministres;

– les programmes de radiodiffusion télévisuelle diffusés par l’organisme de radiodiffusion de service public relevant de la Communauté germanophone et qui sont désignés par le Roi dans un arrêté délibéré en Conseil des ministres. Le ministre compétent pour cette loi détermine, après avis de l’Institut, les modalités de cette diffusion (le cas échéant via un canal partagé);

– les programmes de radiodiffusion télévisuelle axés sur Bruxelles-Capitale qui sont diffusés par les organismes de radiodiffusion régionaux autorisés par la Communauté française et la Communauté flamande, compte tenu de leur champ de diffusion.

La nécessité des obligations visées à l’alinéa précédent est périodiquement vérifiée par l’Institut. Si l’Institut estime que le maintien de ces obligations n’est plus nécessaire, il le mentionne clairement dans le rapport annuel visé à l’article 34 de la loi du 17 janvier 2003 relative au statut du régulateur des secteurs des postes et des télécommunications belges.

Le ministre peut, sur avis de l’Institut, prévoir qu’un opérateur sera dispensé de cet article.

L’opérateur qui souhaite bénéficier de cette dispense adresse une demande motivée à l’Institut prouvant l’existence d’au moins un des éléments suivants:

a) c’est techniquement impossible pour l’opérateur;

b) il n’y a pas suffisamment d’utilisateurs finals sur le réseau l’utilisant comme principale ressource pour capter les programmes de radiodiffusion télévisuelle de sorte que les investissements nécessaires pour supprimer l’impossibilité technique sont déraisonnables.

L’Institut communique son avis au ministre au plus tard six semaines après la réception de cette demande. Ce délai est suspendu si l’Institut estime qu’un complément d’informations de la part du demandeur est nécessaire.

Si à l’expiration du délai, l’Institut n’a pas donné d’avis au ministre, l’Institut est réputé avoir fourni un avis favorable.»

La procédure précontentieuse

5 Le 28 avril 2006, la Commission a envoyé au Royaume de Belgique une lettre de mise en demeure en exprimant ses doutes quant à la conformité de l’article 13 de la loi du 30 mars 1995, dans sa version initiale, avec l’article 31, paragraphe 1, de la directive «service universel» ainsi qu’avec l’article 49 CE.

6 Par lettre du 5 octobre 2006, le Royaume de Belgique, après avoir contesté les griefs énoncés par la Commission, a informé ladite institution qu’une révision du régime d’octroi du statut de bénéficiaire de l’obligation de diffuser dans la région de Bruxelles-Capitale s’imposait à brève échéance.

7 À la suite de la notification par les autorités belges des modifications de l’article 13 de la loi du 30 mars 1995 introduites par la loi du 16 mars 2007, la Commission a, par lettre de mise en demeure complémentaire du 27 juin 2007, exprimé à nouveau ses doutes à propos de la conformité de ces nouvelles dispositions avec l’article 31, paragraphe 1, de la directive «service universel» ainsi qu’avec l’article 49 CE. La Commission a invité le Royaume de Belgique à lui faire parvenir ses
observations dans un délai de deux mois suivant la réception de ladite lettre.

8 Par lettre du 1^er août 2007, le Royaume de Belgique a demandé un délai de réponse supplémentaire en annonçant son intention de donner la suite voulue à la mise en demeure, au besoin en adaptant le cadre normatif. Il a toutefois attiré l’attention de la Commission sur les difficultés internes d’ordre institutionnel. La Commission a accordé une prorogation du délai de réponse jusqu’au 29 octobre 2007. Une nouvelle demande de prorogation de ce délai adressée à la Commission le 26 octobre
2007, dans laquelle les mêmes motifs étaient invoqués, a été rejetée par la Commission.

9 Par lettre du 8 mai 2008, la Commission a émis un avis motivé invitant le Royaume de Belgique à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

10 Le Royaume de Belgique a répondu par lettre du 4 juillet 2008 en faisant valoir que la nouvelle législation était conforme au droit communautaire.

11 Par avis motivé complémentaire du 1^er décembre 2008, la Commission a, en s’appuyant sur l’arrêt du 13 décembre 2007, United Pan-Europe Communications Belgium e.a. (C-250/06, Rec. p. I‑11135), réitéré ses affirmations selon lesquelles la législation belge ne remplissait pas les critères de transparence et de non-discrimination rappelés dans cet arrêt.

12 Par lettre du 16 janvier 2009, le Royaume de Belgique a répondu à l’avis motivé complémentaire en faisant valoir que, à la suite de l’annulation par le Conseil d’État (Belgique) des arrêtés ministériels portant désignation des chaînes de télévision bénéficiant de l’obligation de diffuser, aucun organisme de radiodiffusion privé ne disposait du statut de bénéficiaire de cette obligation et que, partant, cet État membre s’était conformé à l’article 31, paragraphe 1, de la directive «service
universel».

13 N’ayant pas été convaincue par la réponse du Royaume de Belgique, la Commission a introduit le présent recours.

Sur le recours

Sur la recevabilité

Argumentation des parties

14 Le Royaume de Belgique conclut à l’irrecevabilité du recours pour trois motifs.

15 Tout d’abord, l’article 31, paragraphe 1, de la directive «service universel» n’introduirait qu’une simple faculté pour les États membres d’imposer des obligations de diffuser. Or, l’article 258 TFUE ne visant qu’un manquement à une obligation, les conditions exigées par cet article afin d’introduire la procédure en manquement devant la Cour ne seraient pas réunies.

16 Ensuite, le présent recours serait purement hypothétique. En effet, les dispositions nationales visées par la Commission ne pourraient pas être constitutives d’un manquement dès lors que le Royaume de Belgique ne les aurait pas appliquées de façon effective. Selon cet État membre, la procédure de désignation des chaînes de télévision bénéficiant de l’obligation de diffuser n’a pas été utilisée.

17 Enfin, le Royaume de Belgique fait valoir que le troisième grief invoqué par la Commission dans son recours, selon lequel cet État membre n’aurait pas circonscrit l’obligation de diffuser aux opérateurs de réseaux auxquels est abonné un nombre significatif d’utilisateurs finals, a été soulevé pour la première fois au stade de la requête introductive d’instance. Par conséquent, il y aurait une absence d’identité de motifs entre la procédure précontentieuse et ladite requête, ce qui aurait
empêché ledit État membre de se défendre.

18 La Commission rétorque que le simple fait que le Royaume de Belgique ait transposé dans son droit national les dispositions de l’article 31, paragraphe 1, de la directive «service universel» élimine l’argument selon lequel cette disposition crée une faculté pour les États membres plutôt que de leur imposer une obligation. De plus, quant à l’argument aux termes duquel le présent recours serait purement hypothétique, la circonstance selon laquelle la loi de transposition de cette disposition
reste inappliquée ne suffirait pas à rendre cette loi compatible avec le droit de l’Union.

19 S’agissant de l’absence d’identité de motifs entre la mise en demeure, l’avis motivé et la requête introductive d’instance, la Commission indique qu’une telle fin de non-recevoir ne s’applique qu’au grief concerné et non pas à l’ensemble de la requête. En tout état de cause, ce grief aurait déjà été invoqué dans les mêmes termes dans la mise en demeure complémentaire, dans l’avis motivé et dans l’avis motivé complémentaire, et la modification de son intitulé refléterait une restriction de
l’objet dudit grief, permise par la jurisprudence de la Cour, eu égard à l’abandon de l’une des deux branches de celui-ci.

Appréciation de la Cour

20 Il convient de rappeler que la Commission reproche au Royaume de Belgique d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive «service universel», eu égard à la transposition incorrecte de l’article 31 de celle-ci.

21 Comme le relève le Royaume de Belgique, ledit article 31 introduit une simple faculté pour les États membres d’adopter une législation prévoyant l’imposition d’obligations de diffuser des chaînes de télévision. Toutefois, il est constant, en l’espèce, que la législation belge, et plus particulièrement l’article 13, premier alinéa, deuxième tiret, de la loi du 30 mars 1995, prévoit la désignation de certaines chaînes devant bénéficier d’une obligation de diffuser. Ainsi, contrairement à ce
qu’il fait valoir, le Royaume de Belgique a exercé cette faculté du fait de l’existence d’une législation transposant l’article 31 de la directive «service universel» dans son droit national. Les griefs avancés par la Commission portent, notamment, sur la question de savoir si cette transposition, effectuée par le Royaume de Belgique, est compatible avec le droit de l’Union.

22 Quant à l’argument selon lequel le présent recours serait purement hypothétique, dès lors que le Royaume de Belgique n’aurait pas appliqué l’article 13, premier alinéa, deuxième tiret, de la loi du 30 mars 1995 de façon effective, car aucune chaîne ne ferait l’objet de l’obligation de diffuser à l’heure actuelle, il suffit de constater qu’une telle circonstance ne saurait rendre ladite disposition compatible avec le droit de l’Union.

23 En ce qui concerne l’absence d’identité de motifs entre la procédure précontentieuse et la requête, force est de constater que la Commission a effectivement modifié l’intitulé de son troisième grief et a renoncé à l’une des deux branches de celui-ci.

24 Toutefois, d’une part, la Cour a déjà jugé qu’il est possible de restreindre l’objet du litige au stade de la procédure contentieuse (voir, notamment, arrêts du 18 mai 2006, Commission/Espagne, C-221/04, Rec. p. I‑4515, point 33, et du 14 juin 2007, Commission/Irlande, C‑148/05, point 35).

25 D’autre part, il est constant que la branche du troisième grief qui a été maintenue au stade de la requête est citée tant dans la mise en demeure complémentaire que dans l’avis motivé et l’avis motivé complémentaire. Le Royaume de Belgique ne peut dès lors valablement alléguer que ledit grief est invoqué pour la première fois devant la Cour et qu’il n’a pas pu faire valoir utilement ses moyens de défense à cet égard.

26 Par conséquent, il ressort des considérations qui précèdent que le présent recours doit être déclaré recevable.

Sur le fond

Argumentation des parties

27 À l’appui de son recours, la Commission soulève trois griefs.

28 Le premier grief est tiré de l’absence d’objectifs d’intérêt général clairement définis dans la réglementation nationale en cause. La Commission considère que cette réglementation mentionne ces objectifs d’intérêt général dans des termes très vagues et généraux et que les critères concrets utilisés par les autorités nationales pour sélectionner les chaînes de télévision bénéficiant de l’obligation de diffuser ne sont spécifiés ni dans ladite réglementation elle-même ni dans les documents
préparatoires de celle-ci.

29 En effet, seul l’exposé des motifs de la réglementation nationale en cause indiquerait que, lors de l’établissement de la liste des chaînes de télévision pouvant bénéficier de l’obligation de diffuser, il y a lieu de décrire avec précision l’objectif d’intérêt général poursuivi par cette réglementation. Or, la Commission rappelle que, à la suite de l’arrêt United Pan-Europe Communications Belgium e.a., précité, qui a précisément examiné si l’article 56 TFUE s’opposait à l’article 13 de la
loi du 30 mars 1995, dans sa version initiale, l’arrêté ministériel du 17 janvier 2001 désignant les chaînes de télévision bénéficiant de l’obligation de diffuser a été annulé par l’arrêt du Conseil d’État du 14 juillet 2008, au motif, notamment, que les critères utilisés par les pouvoirs publics n’étaient pas connus à l’avance.

30 Par son deuxième grief, la Commission allègue que la procédure d’octroi du statut de bénéficiaire de l’obligation de diffuser prévue à l’article 13, premier alinéa, deuxième tiret, de la loi du 30 mars 1995 ne respecte pas le principe de transparence.

31 Tout d’abord, le Royaume de Belgique n’aurait fourni aucune indication supplémentaire hormis celles qui se rapportaient à l’adoption de l’arrêté ministériel du 17 janvier 2001. Ainsi, en l’absence de critères objectifs garantissant le minimum indispensable de transparence et de sécurité juridique, les autorités publiques disposeraient d’un pouvoir discrétionnaire très important, qui pourrait potentiellement être utilisé de façon arbitraire.

32 Ensuite, la Commission relève que le manque de transparence est renforcé par le fait que l’obligation de diffuser semble s’appliquer à des organismes de radiodiffusion, et donc, de manière indéterminée, à l’ensemble des chaînes de télévision qu’ils diffusent, et non aux chaînes désignées individuellement en tant que telles en raison du contenu de leurs programmes télévisés. En s’appuyant sur l’arrêt United Pan-Europe Communications Belgium e.a., précité, la Commission relève que le terme
«spécifié» utilisé à l’article 31, paragraphe 1, de la directive «service universel» doit être interprété en ce sens que le statut de bénéficiaire de l’obligation de diffuser est strictement limité aux chaînes de télévision dont le contenu global des programmes est en mesure de réaliser l’objectif d’intérêt général proposé.

33 Enfin, il ressortirait dudit arrêt que les critères sur le fondement desquels le statut de bénéficiaire de l’obligation de diffuser est accordé devraient être non discriminatoires et que l’octroi de ce statut ne saurait être subordonné à une exigence d’établissement sur le territoire national. Or, selon la réglementation nationale en cause, l’obligation de diffuser ne concernerait que les programmes diffusés par des organismes de radiodiffusion relevant de la Communauté française ou de la
Communauté flamande. Ainsi, la Commission considère que l’exclusion des organismes établis sur le territoire d’un autre État membre, sans justification spécifique, est non seulement contraire à l’article 56 TFUE par sa portée discriminatoire et restrictive, mais aussi par manque de transparence, et, de ce fait, viole l’article 31 de la directive «service universel».

34 Par son troisième grief, la Commission invoque le non-respect du champ d’application de l’article 31 de la directive «service universel». En effet, il ressortirait de l’article 13 de la loi du 30 mars 1995 que, à l’inverse de ce que prévoient les dispositions de la directive «service universel», l’opérateur d’un réseau, pour lequel le nombre d’utilisateurs finals l’utilisant comme leur moyen principal pour recevoir des émissions de radio ou de télévision ne serait pas significatif, est par
principe assujetti aux obligations de diffuser, sauf dérogation éventuellement accordée par le ministre.

35 Le Royaume de Belgique conteste le manquement qui lui est reproché.

36 Cet État membre fait valoir que le régime d’octroi du statut de bénéficiaire de l’obligation de diffuser, prévu par sa législation, est compatible avec le principe de libre prestation des services. En effet, ce régime ne s’appliquerait qu’aux organismes de radiodiffusion belges, établis dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, et non pas aux organismes de radiodiffusion établis dans d’autres États membres.

37 Ledit régime ne constituerait pas un avantage consenti aux organismes de radiodiffusion nationaux au détriment des organismes de radiodiffusion établis dans d’autres États membres dès lors qu’il serait octroyé en contrepartie d’importantes obligations souscrites auprès des Communautés belges par les organismes de radiodiffusion nationaux concernés. En outre, de l’avis du Royaume de Belgique, les organismes de radiodiffusion établis dans d’autres États membres, d’une part, ne demandent pas à
bénéficier de l’obligation de diffuser en Région bruxelloise car les téléspectateurs bruxellois ne sont pas leur public cible et, d’autre part, bénéficient de cette obligation dans leur État membre d’origine ainsi que de la liberté de diffuser en Région bruxelloise, conformément à l’article 14 de la loi du 30 mars 1995. Lesdits organismes de radiodiffusion disposeraient, en outre, d’autres moyens techniques pour faire retransmettre leurs programmes.

38 Le Royaume de Belgique soutient que, en tout état de cause, si le régime d’octroi du statut de bénéficiaire de l’obligation de diffuser instauré par la réglementation nationale en cause devait être considéré comme une restriction à la libre prestation de services, celle-ci serait justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général.

39 En effet, ce régime s’inscrirait dans une politique audiovisuelle visant à permettre aux téléspectateurs d’accéder aux chaînes de télévision de service public de proximité ou à des chaînes qui assument des obligations de service public. Il aurait pour but de sauvegarder le caractère pluraliste et culturel de l’offre des programmes sur le câble et de garantir l’accès de tous les téléspectateurs à ce pluralisme.

40 Par ailleurs, s’agissant de la compatibilité des obligations de diffuser prévues à l’article 13 de la loi du 30 mars 1995 avec la directive «service universel», le Royaume de Belgique relève que celles-ci existent uniquement pour les organismes de radiodiffusion de service public des Communautés française et flamande ainsi que pour les chaînes de télévision de proximité. Cet État membre n’aurait pas fait usage de la faculté de désigner d’autres organismes de radiodiffusion, de sorte qu’aucun
manquement ne pourrait lui être reproché.

41 Enfin, le Royaume de Belgique fait valoir que les objectifs d’intérêt général de sa réglementation sont clairement définis dans la loi du 30 mars 1995 elle-même puisqu’elle vise à garantir le pluralisme et la diversité culturelle, et que l’octroi du statut de bénéficiaire de l’obligation de diffuser fait l’objet d’une procédure claire et transparente, qui est déterminée par cette loi.

Appréciation de la Cour

42 Il convient de relever d’emblée que la désignation de certaines chaînes de télévision comme faisant l’objet d’une obligation de diffuser, en vertu de l’article 13 de la loi du 30 mars 1995, constitue une restriction à la libre prestation des services au sens de l’article 56 TFUE, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, en ce qui concerne la désignation, par arrêté ministériel, des chaînes de certains organismes de radiodiffusion privés conformément à la version initiale de cette disposition
nationale, aux points 28 à 38 de l’arrêt United Pan-Europe Communications Belgium e.a., précité.

43 Selon la jurisprudence de la Cour, une telle restriction à une liberté fondamentale garantie par le traité FUE peut être justifiée dès lors qu’elle répond à des raisons impérieuses d’intérêt général, pour autant qu’elle est propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (arrêt United Pan-Europe Communications Belgium e.a., précité, point 39 et jurisprudence citée). C’est dans cette même optique que l’article 31,
paragraphe 1, de la directive «service universel» permet aux États membres d’imposer des obligations raisonnables de diffuser lorsque de telles obligations «sont nécessaires pour atteindre des objectifs d’intérêt général clairement définis» et exige qu’elles soient «proportionnées et transparentes».

44 En l’espèce, l’objectif poursuivi, identifié à l’article 13 de la loi du 30 mars 1995, consiste à garantir le pluralisme et la diversité culturelle. Or, selon une jurisprudence constante de la Cour, et ainsi que la Commission le reconnaît dans la présente affaire, une politique culturelle peut constituer une raison impérieuse d’intérêt général justifiant une restriction à la libre prestation des services (voir, en ce sens, arrêt United Pan-Europe Communications Belgium e.a., précité, point
41 et jurisprudence citée).

45 Toutefois, la Commission s’interroge sur la proportionnalité de la loi du 30 mars 1995 et, plus précisément, sur le caractère adéquat de la procédure et des critères retenus pour désigner les chaînes bénéficiant de l’obligation de diffuser.

46 Le Royaume de Belgique relève que ses autorités n’ont pas fait usage de la faculté de désigner d’autres organismes de radiodiffusion, hormis ceux qui relèvent du service public des Communautés française et flamande ainsi que ceux des chaînes de télévision de proximité, lesquels ne seraient pas concernés par le présent recours en manquement.

47 À cet égard, il y a lieu de relever, en effet, qu’il ressort de la requête introduite par la Commission, lue dans son ensemble, et notamment des nombreuses références à l’article 13, premier alinéa, deuxième tiret, de la loi du 30 mars 1995 ainsi qu’à l’arrêt United Pan-Europe Communications Belgium e.a., précité, lequel concerne la conformité avec le droit de l’Union d’une mesure mettant en œuvre cette disposition, que la portée du présent recours se limite à la désignation, par arrêté, des
programmes de tels organismes de radiodiffusion privés, conformément audit article 13, premier alinéa, deuxième tiret. Ainsi, l’argument de la Commission, fondé sur le fait que l’article 13, premier alinéa, premier tiret, de la loi du 30 mars 1995 dispose lui-même que les programmes de radiodiffusion télévisuelle diffusés par les organismes de radiodiffusion de service public, relevant de la Communauté française ou de la Communauté flamande, sont soumis à l’obligation de diffuser, est dénué de
pertinence car cette dernière disposition ne fait pas l’objet d’un argumentaire spécifique dans la requête et doit dès lors être considérée comme n’étant pas concernée par celle-ci.

48 Toutefois, il y a lieu de souligner que l’article 13 de la loi du 30 mars 1995 vise à assurer la transposition de l’article 31 de la directive «service universel» et que le deuxième tiret de son premier alinéa prévoit précisément la désignation de ces autres organismes, privés, en tant que bénéficiaires des obligations de diffuser.

49 Ainsi, dans la mesure où c’est la manière dont la directive «service universel» est transposée dans la législation nationale qui fait l’objet du recours en manquement, il convient de vérifier si le texte même de ladite législation porte en lui le caractère insuffisant ou défectueux de la transposition (voir, en ce sens, arrêts du 21 septembre 1999, Commission/Irlande, C‑392/96, Rec. p. I‑5901, points 59 et 60; du 20 novembre 2008, Commission/Irlande, C‑66/06, point 59, ainsi que du 12
février 2009, Commission/Pologne, C‑475/07, point 54).

50 S’agissant du premier grief relatif à l’absence d’objectifs d’intérêt général clairement définis à l’article 13 de la loi du 30 mars 1995, il convient de rappeler que, conformément à l’article 31, paragraphe 1, deuxième phrase, de la directive «service universel», les obligations de diffuser ne peuvent être imposées que lorsqu’elles sont nécessaires pour atteindre des objectifs d’intérêt général clairement définis et doivent être proportionnées et transparentes.

51 En effet, selon le quarante-troisième considérant de la directive «service universel», les États membres devraient être en mesure d’imposer aux entreprises sous leur juridiction, en considération d’intérêts publics légitimes et uniquement lorsque cela est nécessaire pour atteindre des objectifs d’intérêt général clairement définis par eux conformément au droit communautaire, des obligations qui devraient être proportionnées, transparentes et soumises à un réexamen périodique.

52 Or, il est vrai que le premier alinéa de l’article 13 de la loi du 30 mars 1995 prévoit que l’opérateur doit, en vue de garantir le pluralisme et la diversité culturelle, transmettre, au moment de leur diffusion et dans leur intégralité, les programmes de radiodiffusion télévisuelle de certains organismes de radiodiffusion relevant des Communautés belges. D’ailleurs, comme la Cour l’a jugé, la loi du 30 mars 1995 poursuit ainsi un objectif culturel d’intérêt général dont elle est d’ailleurs
propre à garantir la réalisation (arrêt United Pan-Europe Communications Belgium e.a., précité, points 42 et 43).

53 Toutefois, la Cour a jugé, dans le contexte d’une interprétation de l’article 56 TFUE, en ce qui concerne le caractère nécessaire de la précédente version de l’article 13, premier alinéa, deuxième tiret, de la loi du 30 mars 1995 pour atteindre l’objectif poursuivi, que, même si le maintien du pluralisme, au titre d’une politique culturelle, est lié au droit fondamental à la liberté d’expression et que, partant, les autorités nationales disposent d’un large pouvoir d’appréciation à cet
égard, les exigences découlant des mesures destinées à mettre en œuvre une telle politique ne doivent en aucun cas être disproportionnées par rapport audit objectif et les modalités de leur application ne doivent pas comporter de discriminations au détriment des ressortissants d’autres États membres (arrêt United Pan-Europe Communications Belgium e.a., précité, point 44). Ainsi, le statut de chaîne bénéficiaire de l’obligation de diffuser doit être strictement limité aux chaînes dont le contenu
global des programmes est en mesure de réaliser l’objectif d’intérêt général poursuivi (voir, en ce sens, arrêt United Pan-Europe Communications Belgium e.a., précité, point 47, ainsi que du 22 décembre 2008, Kabel Deutschland Vertrieb und Service, C‑336/07, Rec. p. I‑10889, point 42).

54 Force est de constater qu’une simple énonciation d’un objectif de politique générale, qui n’est d’ailleurs assortie d’aucun autre élément supplémentaire susceptible de permettre aux opérateurs de déterminer préalablement la nature et la portée des conditions et des obligations précises à remplir lorsqu’ils souscrivent à l’octroi du statut de bénéficiaire de l’obligation de diffuser, ne permet pas de respecter ces exigences.

55 Par conséquent, il y a lieu de constater que l’article 13, premier alinéa, deuxième tiret, de la loi du 30 mars 1995 ne définit pas clairement les critères concrets utilisés par les autorités nationales pour sélectionner les chaînes de télévision bénéficiant de l’obligation de diffuser et que cette disposition n’est donc pas suffisamment précise pour garantir que les chaînes ainsi sélectionnées sont celles dont le contenu global des programmes est en mesure de réaliser l’objectif culturel
d’intérêt général poursuivi.

56 Il s’ensuit que le premier grief invoqué par la Commission au soutien de son recours est fondé.

57 Par son deuxième grief, la Commission reproche au Royaume de Belgique que la procédure d’octroi du statut de bénéficiaire de l’obligation de diffuser prévue à l’article 13, premier alinéa, deuxième tiret, de la loi du 30 mars 1995 ne respecte pas le principe de transparence découlant de l’article 31, paragraphe 1, de la directive «service universel», eu égard à l’absence de critères utilisés pour l’octroi de ce statut, à la non-spécification des chaînes de télévision bénéficiant dudit statut
et à l’ambiguïté sur la condition d’établissement sur le territoire belge.

58 Il y a lieu, tout d’abord, de relever que l’article 13 de la loi du 30 mars 1995 désigne les organismes de radiodiffusion dont les programmes bénéficient de l’obligation de diffuser. Le premier alinéa, deuxième tiret, de cet article vise tout organisme non public de radiodiffusion relevant des Communautés française et flamande, que le Roi désigne dans un arrêté délibéré en Conseil des ministres.

59 Il convient de constater, à cet égard, que ladite disposition ne précise aucun critère objectif et connu à l’avance utilisé par les autorités belges aux fins de la désignation des programmes desdits organismes en tant que bénéficiaires de l’obligation de diffuser. En effet, cette même disposition indique uniquement que le Roi désigne par arrêté délibéré en Conseil des ministres ceux d’entre eux qui bénéficieront de cette obligation.

60 Dans ces conditions, les critères à remplir pour l’octroi du statut de bénéficiaire de l’obligation de diffuser sont inconnus des organismes non publics de radiodiffusion susceptibles de bénéficier des obligations de diffuser. Par conséquent, une telle procédure ne respecte pas le principe de transparence, au sens de l’article 31, paragraphe 1, de la directive «service universel».

61 Ensuite, il découle de l’article 31, paragraphe 1, première phrase, de la directive «service universel» que les États membres peuvent imposer des obligations de diffuser aux opérateurs de réseaux de communications électroniques pour la transmission des chaînes ou des services de radio et de télévision spécifiés.

62 S’agissant du caractère spécifié des chaînes de radio et de télévision qui peuvent bénéficier de l’obligation de diffuser, la Cour a déjà jugé qu’il ressort du libellé de cette disposition que les États membres sont tenus d’indiquer de manière spécifique les chaînes auxquelles sera accordé le statut de bénéficiaire de cette obligation (arrêt Kabel Deutschland Vertrieb und Service, précité, point 24).

63 En outre, la Cour a jugé que ce statut ne saurait être automatiquement accordé à toutes les chaînes de télévision diffusées par un même organisme privé de radiodiffusion, mais qu’il doit être strictement limité à celles dont le contenu global des programmes est en mesure de réaliser l’objectif d’intérêt général poursuivi (voir arrêts précités United Pan-Europe Communications Belgium e.a., point 47, ainsi que Kabel Deutschland Vertrieb und Service, point 42).

64 Or, selon le libellé de l’article 13, premier alinéa, deuxième tiret, de la loi du 30 mars 1995, il n’est pas exclu que le Roi désigne, en tant que bénéficiaires de l’obligation de diffuser, des organismes de radiodiffusion non publics relevant des Communautés française et flamande, si bien que tous les programmes diffusés par ces organismes de radiodiffusion bénéficieraient automatiquement de ladite obligation indépendamment du contenu global de ces programmes et de leur capacité à
atteindre les objectifs légitimes d’intérêt général poursuivis par la réglementation nationale en cause.

65 Il en découle que l’article 13, premier alinéa, deuxième tiret, de la loi du 30 mars 1995 ne prescrit pas de manière suffisamment claire que le bénéfice de l’obligation de diffuser ne saurait être accordé qu’à des chaînes de télévision spécifiées, tel qu’exigé à l’article 31, paragraphe 1, de la directive «service universel».

66 Enfin, il convient de rappeler que les critères sur le fondement desquels le statut de bénéficiaire de l’obligation de diffuser est accordé doivent être non discriminatoires. En particulier, l’octroi de ce statut ne saurait, ni en droit ni en fait, être subordonné à une exigence d’établissement sur le territoire national (arrêt United Pan-Europe Communications Belgium e.a., précité, point 48).

67 À cet égard, ainsi que le fait valoir la Commission, sans être démentie sur ce point par le Royaume de Belgique, l’exigence découlant de l’article 13, premier alinéa, deuxième tiret, de la loi du 30 mars 1995, selon laquelle les organismes non publics de radiodiffusion doivent relever des Communautés belges, ne permet pas d’exclure que l’octroi du statut de bénéficiaire de l’obligation de diffuser requiert, en droit ou en fait, que ces organismes de radiodiffusion soient établis en Belgique.

68 En tout état de cause, il y a lieu de constater que ladite exigence ne suffit pas à satisfaire la condition de transparence prévue à l’article 31, paragraphe 1, de la directive «service universel». En effet, il ne ressort pas clairement de l’article 13, premier alinéa, deuxième tiret, de la loi du 30 mars 1995 quelle est la portée de l’exigence selon laquelle les organismes non publics de radiodiffusion doivent relever des Communautés belges afin de bénéficier de l’obligation de diffuser.

69 À cet égard, le Royaume de Belgique n’apporte aucune précision de ce qu’il entend par organismes de radiodiffusion relevant de ses Communautés.

70 Il s’ensuit que le deuxième grief invoqué par la Commission à l’appui de son recours est également fondé.

71 Le troisième grief de la Commission est relatif au non-respect du champ d’application de l’article 31 de la directive «service universel», au motif que l’article 13 de la loi du 30 mars 1995 n’aurait pas circonscrit l’obligation de diffuser aux opérateurs des réseaux de communications électroniques auxquels est abonné un nombre significatif d’utilisateurs finals.

72 L’article 13, quatrième alinéa, sous b), de cette loi permet au ministre, sur avis de l’Institut, de dispenser un opérateur d’obligations de diffuser s’il n’y a pas suffisamment d’utilisateurs finals sur le réseau l’utilisant comme principale ressource pour capter les programmes de radiodiffusion télévisuelle de sorte que les investissements nécessaires pour supprimer l’impossibilité technique sont déraisonnables.

73 Or, les obligations de diffuser découlant de l’article 31, paragraphe 1, de la directive «service universel» ne peuvent être imposées aux opérateurs des réseaux de communications électroniques que lorsqu’un nombre significatif d’utilisateurs finals de ces réseaux les utilise comme leurs moyens principaux pour recevoir des émissions de radio ou de télévision.

74 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que l’article 13, quatrième alinéa, sous b), de la loi du 30 mars 1995 ne transpose pas correctement la condition prévue à l’article 31, paragraphe 1, de la directive «service universel». En effet, la possibilité pour les autorités belges de dispenser d’obligations de diffuser les opérateurs de réseaux dont le nombre d’utilisateurs finals les utilisant comme leurs moyens principaux pour capter les programmes de radiodiffusion télévisuelle n’est
pas suffisant leur permet, en cas de refus de cette dispense, d’imposer lesdites obligations auxdits opérateurs. En outre, l’opérateur concerné doit prouver que les conditions pour obtenir la dispense sont remplies.

75 Ainsi, comme les obligations de diffuser prévues à l’article 31 de la directive «service universel» ne peuvent viser que les opérateurs de réseaux dont il existe un nombre suffisant d’utilisateurs finals les utilisant de manière principale, il s’ensuit que l’article 13, quatrième alinéa, sous b), de la loi du 30 mars 1995 ne transpose pas correctement l’article 31, paragraphe 1, de la directive «service universel».

76 Il y a lieu, dès lors, de constater que le troisième grief invoqué par la Commission au soutien de son recours est fondé.

77 Par conséquent, il résulte de tout ce qui précède que, en n’ayant pas correctement transposé l’article 31 de la directive «service universel», le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de ladite directive et de l’article 56 TFUE.

Sur les dépens

78 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume de Belgique et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

1) En n’ayant pas correctement transposé l’article 31 de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel»), le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de ladite directive et de l’article 56 TFUE.

2) Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.

Signatures

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* Langue de procédure: le français.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-134/10
Date de la décision : 03/03/2011
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d’État - Directive 2002/22/CE - Article 31 - Critères pour l’octroi du statut de bénéficiaire de l’obligation de diffuser - Objectifs d’intérêt général permettant l’octroi de ce statut - Impact du nombre d’utilisateurs finals des réseaux de communication sur l’octroi dudit statut - Principe de proportionnalité.

Libre prestation des services

Droit d'établissement

Télécommunications

Rapprochement des législations

Protection des consommateurs


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : Royaume de Belgique.

Composition du Tribunal
Avocat général : Cruz Villalón
Rapporteur ?: Arestis

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2011:117

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