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07/12/2010 | CJUE | N°C-439/08

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Vlaamse federatie van verenigingen van Brood- en Banketbakkers, Ijsbereiders en Chocoladebewerkers (VEBIC) VZW., 07/12/2010, C-439/08


Affaire C-439/08

Vlaamse federatie van verenigingen van Brood- en Banketbakkers, Ijsbereiders en Chocoladebewerkers (VEBIC) VZW

(demande de décision préjudicielle, introduite par le hof van beroep te Brussel)

«Politique de concurrence — Procédure nationale — Intervention des autorités de concurrence nationales dans les procédures judiciaires — Autorité de concurrence nationale de nature mixte ayant un caractère judiciaire et administratif — Recours contre la décision d’une telle autorité — Règlement (CE) nº 1/2003»

Sommaire de l'

arrêt

1. Questions préjudicielles — Saisine de la Cour — Nécessité d'une décision pré...

Affaire C-439/08

Vlaamse federatie van verenigingen van Brood- en Banketbakkers, Ijsbereiders en Chocoladebewerkers (VEBIC) VZW

(demande de décision préjudicielle, introduite par le hof van beroep te Brussel)

«Politique de concurrence — Procédure nationale — Intervention des autorités de concurrence nationales dans les procédures judiciaires — Autorité de concurrence nationale de nature mixte ayant un caractère judiciaire et administratif — Recours contre la décision d’une telle autorité — Règlement (CE) nº 1/2003»

Sommaire de l'arrêt

1. Questions préjudicielles — Saisine de la Cour — Nécessité d'une décision préjudicielle et pertinence des questions soulevées — Appréciation par le juge national

(Art. 267 TFUE)

2. Concurrence — Règles de l'Union — Application — Compétence des États membres — Désignation des autorités de concurrence nationales — Réglementation nationale ne permettant pas à de telles autorités de participer, en tant que parties défenderesses, aux procédures judiciaires dirigées contre leurs décisions devant une juridiction en appel — Inadmissibilité

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 35)

1. Dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales, telle que prévue à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire pendante devant lui, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. Dès lors que
les questions posées par les juridictions nationales portent sur l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, la Cour est donc, en principe, tenue de statuer, à moins qu’il ne soit manifeste que la demande de décision préjudicielle tend, en réalité, à l’amener à statuer par le biais d’un litige construit ou à formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, que l’interprétation du droit de l’Union demandée n’ait aucun rapport avec la réalité ou l’objet du
litige, ou encore que la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées.

À cet égard, dans le cadre d'un renvoi préjudiciel relatif à l'interprétation de dispositions du droit de l'Union en matière de concurrence, le fait que la juridiction nationale ne s’est pas encore prononcée de manière définitive sur la question de savoir s’il convient d’appliquer uniquement le droit national de la concurrence ou si, au contraire, le droit de l’Union est également applicable ne constitue aucunement un obstacle à la recevabilité de son renvoi préjudiciel. En effet, il serait
incohérent que, pour la recevabilité d’un renvoi préjudiciel, la juridiction nationale doive statuer définitivement sur un sujet qui, directement ou indirectement, constitue l’objet de son renvoi.

Par ailleurs, compte tenu de la séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, il ne saurait être exigé que, avant de saisir celle-ci, la juridiction nationale procède à la totalité des constatations factuelles et des appréciations de droit qui lui incombent dans le cadre de sa mission juridictionnelle. Il est en effet suffisant que l’objet du litige au principal ainsi que ses enjeux principaux pour l’ordre juridique de l'Union ressortent de la demande de décision
préjudicielle afin de permettre aux États membres de présenter leurs observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour et de participer efficacement à la procédure devant cette dernière.

(cf. points 41-42, 45-47)

2. L’article 35 du règlement nº 1/2003, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui n’accorde pas la faculté à une autorité de concurrence nationale de participer, en tant que partie défenderesse, à une procédure judiciaire dirigée contre la décision dont cette autorité est l’auteur. Le fait de ne pas accorder à l’autorité de concurrence nationale les droits
attachés à la qualité de partie au litige et, partant, de l’empêcher de défendre la décision qu’elle a adoptée dans l’intérêt général comporte, en effet, le risque que la juridiction saisie soit entièrement «captive» des moyens et arguments développés par la ou les entreprises requérantes. Or, dans un domaine tel que celui de la constatation d’infractions aux règles de concurrence et de l’imposition d’amendes, qui comporte des appréciations juridiques et économiques complexes, l’existence même d’un
tel risque est susceptible de compromettre l’exercice de l’obligation particulière qui incombe aux autorités de concurrence nationales, en vertu du règlement nº 1/2003, de garantir l’application effective des articles 101 TFUE et 102 TFUE, lesquels se sont substitués aux articles 81 et 82 précités.

Il appartient aux autorités de concurrence nationales de mesurer la nécessité et l’utilité de leur intervention au regard de l’application effective du droit de la concurrence de l’Union. Toutefois, la non-comparution systématique de l’autorité de concurrence nationale à de telles procédures judiciaires compromet l’effet utile des articles 101 TFUE et 102 TFUE.

En l’absence de réglementation de l’Union, les États membres demeurent compétents, conformément au principe de l’autonomie procédurale, pour désigner le ou les organes relevant de l’autorité de concurrence nationale qui disposent de la faculté de participer, en tant que partie défenderesse, à une procédure devant une juridiction nationale dirigée contre la décision dont cette autorité est l’auteur, tout en garantissant le respect des droits fondamentaux et la pleine effectivité du droit de la
concurrence de l’Union.

(cf. points 58, 64 et disp.)

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

7 décembre 2010 (*)

«Politique de concurrence – Procédure nationale – Intervention des autorités de concurrence nationales dans les procédures judiciaires – Autorité de concurrence nationale de nature mixte ayant un caractère judiciaire et administratif – Recours contre la décision d’une telle autorité – Règlement (CE) n° 1/2003»

Dans l’affaire C‑439/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le hof van beroep te Brussel (Belgique), par décision du 30 septembre 2008, parvenue à la Cour le 6 octobre 2008, dans la procédure

Vlaamse federatie van verenigingen van Brood- en Banketbakkers, Ijsbereiders en Chocoladebewerkers (VEBIC) VZW,

en présence de:

Raad voor de Mededinging,

Minister van Economie,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot, K. Schiemann, J.-J. Kasel et D. Šváby, présidents de chambre, M. A. Rosas, M^me R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász (rapporteur), M. Safjan et M^me M. Berger, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M^me M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 janvier 2010,

considérant les observations présentées:

– pour la Vlaamse federatie van verenigingen van Brood- en Banketbakkers, Ijsbereiders en Chocoladebewerkers (VEBIC) VZW, par M^es P. Engels, J. Troch et B. van Hulst, advocaten,

– pour le Raad voor de Mededinging, par M^e W. Devroe, advocaat,

– pour le gouvernement belge, par M. J.-C. Halleux et M^me C. Pochet, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement polonais, par M. M. Dowgielewicz ainsi que par M^mes K. Zawisza et A. Kramarczyk, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. A. Bouquet et S. Noë, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 mars 2010,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, 5, 15, paragraphe 3, et 35, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1, ci-après le «règlement»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure introduite par la Vlaamse federatie van verenigingen van Brood- en Banketbakkers, Ijsbereiders en Chocoladebewerkers VZW (confédération flamande regroupant les associations de boulangers et pâtissiers, de glaciers et de chocolatiers, ci-après «VEBIC»), visant à obtenir l’annulation d’une décision par laquelle le Raad voor de Mededinging (ci-après le «Conseil de la concurrence») a constaté l’existence d’accords de prix entre
boulangers artisanaux et a imposé une amende à VEBIC.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

3 Le cinquième considérant du règlement est libellé comme suit:

«Afin d’assurer le respect effectif des règles communautaires de concurrence et, dans le même temps, le respect des droits fondamentaux de la défense, le présent règlement doit régir la charge de la preuve pour l’application des articles 81 et 82 du traité. C’est à la partie ou à l’autorité qui allègue une violation de l’article 81, paragraphe 1, ou de l’article 82 qu’il doit incomber d’en apporter la preuve requise par la loi. […]»

4 Le sixième considérant du règlement énonce:

«Pour assurer l’application efficace des règles communautaires de concurrence, il y a lieu d’y associer davantage les autorités de concurrence nationales. À cette fin, celles-ci doivent être habilitées à appliquer le droit communautaire.»

5 Le huitième considérant du règlement mentionne:

«Afin de garantir la mise en œuvre effective des règles communautaires de concurrence ainsi que le bon fonctionnement des mécanismes de coopération prévus par le présent règlement, il est nécessaire de faire obligation aux autorités de concurrence et aux juridictions des États membres d’appliquer les articles 81 et 82 du traité, lorsqu’elles appliquent des règles nationales de concurrence, aux accords et aux pratiques qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres. […]»

6 Aux termes du vingt et unième considérant du règlement:

«L’application cohérente des règles de concurrence requiert également la mise en place de mécanismes de coopération entre les juridictions des États membres et la Commission. Cela vaut pour toutes les juridictions des États membres qui appliquent les articles 81 et 82 du traité, qu’elles le fassent dans le cadre de litiges entre particuliers, en tant qu’autorités agissant dans l’intérêt public ou comme instances de recours. En particulier, les juridictions nationales doivent pouvoir s’adresser à la
Commission pour obtenir des informations ou des avis au sujet de l’application du droit communautaire de la concurrence. D’autre part, il est nécessaire de permettre à la Commission et aux autorités de concurrence des États membres de formuler des observations écrites ou orales devant les juridictions lorsqu’il est fait application de l’article 81 ou 82 du traité. […]»

7 Aux termes de la seconde phrase du trente-quatrième considérant du règlement:

«Conformément aux principes de subsidiarité et de proportionnalité énoncés à l’article 5 du traité, le présent règlement n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre son objectif qui est de permettre l’application efficace des règles communautaires de concurrence.»

8 Les première et deuxième phrases du trente-cinquième considérant sont rédigées comme suit:

«Afin d’assurer la mise en œuvre adéquate du droit communautaire en matière de concurrence, les États membres doivent désigner des autorités habilitées à assurer l’application des articles 81 et 82 du traité dans l’intérêt public. Ils doivent être en mesure de désigner des autorités aussi bien administratives que judiciaires chargées d’assurer les différentes fonctions conférées aux autorités de concurrence au titre du présent règlement.»

9 Sous le titre «Charge de la preuve», l’article 2, première phrase, du règlement prévoit:

«Dans toutes les procédures nationales et communautaires d’application des articles 81 et 82 du traité, la charge de la preuve d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, ou de l’article 82 du traité incombe à la partie ou à l’autorité qui l’allègue.»

10 L’article 5 du règlement, intitulé «Compétence des autorités de concurrence des États membres», dispose:

«Les autorités de concurrence des États membres sont compétentes pour appliquer les articles 81 et 82 du traité dans des cas individuels. À cette fin, elles peuvent, agissant d’office ou saisies d’une plainte, adopter les décisions suivantes:

– ordonner la cessation d’une infraction,

– ordonner des mesures provisoires,

– accepter des engagements,

– infliger des amendes, astreintes ou toute autre sanction prévue par leur droit national.

Lorsqu’elles considèrent, sur la base des informations dont elles disposent, que les conditions d’une interdiction ne sont pas réunies, elles peuvent également décider qu’il n’y a pas lieu pour elles d’intervenir.»

11 Sous l’intitulé «Coopération avec les juridictions nationales», l’article 15, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement dispose:

«Les autorités de concurrence des États membres, agissant d’office, peuvent soumettre des observations écrites aux juridictions de leur État membre respectif au sujet de l’application de l’article 81 ou 82 du traité. Avec l’autorisation de la juridiction en question, elles peuvent aussi présenter des observations orales. Lorsque l’application cohérente de l’article 81 ou 82 du traité l’exige, la Commission, agissant d’office, peut soumettre des observations écrites aux juridictions des États
membres. Avec l’autorisation de la juridiction en question, elle peut aussi présenter des observations orales.»

12 Sous l’intitulé «Désignation des autorités de concurrence des États membres», l’article 35, paragraphes 1 et 2, du règlement est libellé comme suit:

«1. Les États membres désignent l’autorité ou les autorités de concurrence compétentes pour appliquer les articles 81 et 82 du traité de telle sorte que les dispositions du présent règlement soient effectivement respectées. Les mesures nécessaires pour doter ces autorités du pouvoir d’appliquer lesdits articles sont prises avant le 1^er mai 2004. Des juridictions peuvent figurer parmi les autorités désignées.

2. Lorsque l’application du droit communautaire en matière de concurrence est confiée à des autorités administratives et judiciaires nationales, les États membres peuvent assigner différentes compétences et fonctions à ces différentes autorités nationales, qu’elles soient administratives ou judiciaires.»

La réglementation nationale

13 La loi sur la protection de la concurrence économique, dans sa version coordonnée par l’arrêté royal du 15 septembre 2006 (Moniteur belge du 29 septembre 2006, p. 50613, ci-après la «LPCE»), entrée en vigueur le 1^er octobre 2006, définit l’autorité belge de concurrence de la manière suivante à son article 1^er:

«4° Autorité belge de concurrence: le Conseil de la concurrence et le Service de la concurrence auprès du Service public fédéral Économie, P.M.E., Classes moyennes et Énergie, chacun agissant selon ses compétences définies dans la présente loi.

L’Autorité belge de concurrence est l’autorité de concurrence compétente pour l’application des articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne, visée à l’article 35 du règlement […]»

14 L’article 2, paragraphe 1, de la LPCE dispose:

«Sont interdits, sans qu’une décision préalable soit nécessaire à cet effet, tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser de manière sensible la concurrence sur le marché belge concerné ou dans une partie substantielle de celui-ci et notamment ceux qui consistent à:

1° fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction;

[…]»

15 L’article 11 de la LPCE énonce:

«§ 1^er Il est institué un Conseil de la concurrence. Ce Conseil est une juridiction administrative qui a la compétence de décision et les autres pouvoirs que la présente loi lui confère.

§ 2 Le Conseil de la concurrence est composé:

1º de l’assemblée générale du Conseil;

2º de l’Auditorat;

3º du greffe.

[…]»

16 L’article 12, paragraphe 1, de la LPCE prévoit:

«L’assemblée générale du Conseil est composée de douze conseillers. […]»

17 L’article 20 de la LPCE précise:

«Chaque chambre du Conseil et le président ou le conseiller qu’il délègue en cas de mesures provisoires statuent par voie de décision motivée sur toutes les affaires dont ils sont saisis, après avoir entendu en leurs moyens les intéressés ainsi que, à leur demande, les éventuels plaignants, ou le conseil de leur choix.»

18 L’article 25 de la LPCE institue auprès du Conseil de la concurrence un Auditorat, composé de six membres au moins et de dix membres au plus comprenant l’auditeur général et les auditeurs ou les auditeurs adjoints.

19 L’article 29 de la LPCE est libellé comme suit:

«§ 1^er Les auditeurs sont chargés:

1º de recevoir les plaintes et les demandes de mesures provisoires relatives aux pratiques restrictives de concurrence, ainsi que les notifications de concentrations;

2º de diriger et d’organiser l’instruction et de veiller à l’exécution des décisions prises par le Conseil de la concurrence;

3º de délivrer aux fonctionnaires du Service de la concurrence les ordres de mission […];

4º d’établir et de déposer le rapport motivé au Conseil de la concurrence;

5º de classer les plaintes et les demandes de mesures provisoires;

[…]

§ 2 […]

Sans préjudice de l’article 27, les auditeurs ne peuvent solliciter ni accepter aucune injonction concernant le traitement des dossiers introduits en vertu de l’article 44, § 1^er, ou leur prise de position dans les réunions de l’Auditorat qui ont pour objet la détermination des priorités de la politique de mise en œuvre de la loi et la fixation de l’ordre de traitement des dossiers.

§ 3 Quand l’Auditorat décide d’ouvrir une instruction en vertu de l’article 44, § 1^er, le fonctionnaire dirigeant le Service de la concurrence désigne, en concertation avec l’auditeur général, les fonctionnaires de ce Service qui composent l’équipe chargée de l’instruction.

Les fonctionnaires qui sont affectés à une équipe d’instruction ne peuvent recevoir des injonctions que de l’auditeur qui dirige cette instruction.

[…]»

20 Selon l’article 34 de la LPCE, le service de la concurrence est notamment chargé de la recherche et de l’examen des pratiques visées au chapitre II de la même loi, sous l’autorité de l’Auditorat.

21 Aux termes de l’article 45, paragraphe 4, premier alinéa, de la LPCE:

«Lorsque l’Auditorat estime que la plainte ou la demande ou, le cas échéant, une enquête d’office est fondée, l’auditeur dépose, au nom de l’Auditorat, un rapport motivé auprès de la chambre du Conseil. Ce rapport comprend le rapport d’instruction, les griefs et une proposition de décision; il est accompagné du dossier d’instruction et d’un inventaire des pièces le composant. L’inventaire détermine la confidentialité des pièces à l’égard de chacune des parties ayant accès au dossier.»

22 L’article 75 de la LPCE est libellé comme suit:

«Les décisions du Conseil de la concurrence et de son président ainsi que les décisions tacites d’admissibilité de concentrations par écoulement des délais visés aux articles 58 et 59 peuvent faire l’objet d’un recours devant la Cour d’appel de Bruxelles, sauf lorsque le Conseil de la concurrence statue en application de l’article 79.

La Cour d’appel statue avec un pouvoir de pleine juridiction sur les pratiques restrictives supposées et, le cas échéant, sur les sanctions imposées ainsi que sur l’admissibilité des concentrations. La Cour d’appel peut prendre en considération les développements survenus depuis la décision attaquée du Conseil.

La Cour d’appel peut imposer des amendes et des astreintes selon les dispositions visées à la Section 8 du Chapitre IV.»

23 L’article 76, paragraphes 1 et 2, de la LPCE dispose:

«§ 1^er Ne peuvent faire l’objet d’un recours distinct, les décisions par lesquelles le Conseil de la concurrence renvoie l’affaire à l’auditeur.

§ 2 Les recours prévus à l’article 75 peuvent être introduits par les parties en cause devant le Conseil, par le plaignant ainsi que par toute personne justifiant d’un intérêt conformément à l’article 48, § 2, ou à l’article 57, § 2, et ayant demandé au Conseil d’être entendue. Le recours peut également être introduit par le ministre sans que celui-ci doive justifier d’un intérêt et sans qu’il ait été représenté devant le Conseil de la concurrence.

[…]

La Cour peut demander à l’Auditorat près le Conseil de la concurrence de procéder à une instruction et de lui communiquer son rapport. […]

La Cour d’appel de Bruxelles fixe le délai dans lequel les parties doivent se communiquer leurs observations écrites et les déposer au greffe.

Le ministre peut déposer ses observations écrites au greffe de la Cour d’appel de Bruxelles et consulter le dossier au greffe sans déplacement. La Cour d’appel de Bruxelles fixe les délais de production de ces observations. Elles sont portées par le greffe à la connaissance des parties.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

24 VEBIC a été constituée en vue de représenter les intérêts de ses associés et des membres qui leur sont affiliés. Les membres de VEBIC sont les associations professionnelles provinciales de la région flamande constituées en association sans but lucratif.

25 Les associations locales de boulangers auxquelles chaque boulanger peut s’affilier sont membres d’une association professionnelle provinciale. Ces groupements locaux ne comptent que des boulangeries artisanales, les intérêts des boulangeries industrielles étant défendus par la Federatie van Grote Bakkerijen in België (Fédération des grandes boulangeries belges).

26 À la suite de la libéralisation du prix du pain en Belgique le 1^er juillet 2004, le Minister van Economie a adressé au Conseil de la concurrence une lettre, en date du 7 juillet 2004, pour lui demander d’enquêter sur l’existence d’éventuels accords de prix entre des associations de boulangers et des boulangers.

27 À la suite de plusieurs mesures d’instruction, l’auditeur général a, le 8 juin 2007, transmis au président du Conseil de la concurrence son rapport comportant les griefs et le dossier d’instruction, rapport qui a été envoyé à VEBIC.

28 L’Auditorat conclut que VEBIC s’est rendue coupable d’une infraction à l’article 2, paragraphe 1, de la LPCE en publiant et en diffusant l’indice des prix du pain ainsi qu’en communiquant les structures de prix à ses membres.

29 Le rapport de l’Auditorat mentionne que les décisions des fédérations de boulangers n’ont pas d’incidence éventuelle sur les échanges entre les États membres et que, à ce titre, les règles de l’Union en matière de concurrence ne sont pas applicables aux pratiques examinées.

30 Les griefs figurant dans ledit rapport peuvent être résumés comme suit:

– En établissant et en diffusant un indice reflétant la hausse du prix de revient et susceptible d’être appliqué volontairement par les boulangers, VEBIC diffuse indirectement un prix de référence parmi les boulangers. L’indice est appliqué sur le dernier prix réglementé du pain qui était identique pour chaque boulanger. Si cet indice est appliqué par les boulangers sur un seul et même montant de base, chaque boulanger obtient le même prix de vente. Cela enfreint l’article 2, paragraphe 1, de
la LPCE.

– VEBIC mentionne des valeurs concrètes exprimées en pourcentage pour chaque facteur de coûts et cela pour les cinq paramètres.

31 L’auditeur général a proposé à la chambre du Conseil de la concurrence d’interdire la pratique incriminée sous peine d’astreintes. Il a aussi proposé d’infliger une amende en tenant compte de circonstances aggravantes, notamment le fait que VEBIC connaissait le caractère illicite des accords sur les prix et n’a pas usé de la possibilité de soumettre aux autorités de concurrence la méthode de calcul des prix.

32 Le 13 août 2007, VEBIC a déposé des observations écrites sur le rapport de l’Auditorat, en contestant les conclusions au fond de celui-ci et en soulevant des moyens tirés de la violation des principes procéduraux et, notamment, des droits de la défense.

33 Le 25 janvier 2008, le Conseil de la concurrence a rendu une décision par laquelle, d’une part, il constatait que VEBIC avait commis, du 1^er juillet 2004 au 8 juin 2007, une infraction à l’article 2 de la LPCE et exigeait qu’il soit mis fin à cette infraction et, d’autre part, il lui infligeait une amende de 29 121 euros.

34 VEBIC a introduit un recours en annulation contre ladite décision par requête déposée au greffe du hof van beroep te Brussel le 22 février 2008.

35 Ladite juridiction relève que les dispositions de la LPCE ne permettent pas à l’Auditorat, qui est l’organe en charge des poursuites au sein du Conseil de la concurrence, de participer à la procédure devant elle.

36 En effet, selon les articles 75 et 76 de la LPCE, le Conseil de la concurrence, dont fait partie l’Auditorat, ne dispose pas de la faculté de déposer des observations écrites dans le contexte d’un recours contre une décision prise par celui-ci. Seul le ministre fédéral en charge de l’économie dispose de cette faculté.

37 Le ministre concerné n’ayant pas fait usage de la faculté de présenter des observations écrites, la seule partie ayant participé à la procédure en appel est VEBIC, qui a agi en tant que requérante.

38 Les dispositions légales relatives à la procédure devant le hof van beroep te Brussel et leur interprétation en Belgique soulèvent, selon cette juridiction, des questions relatives à la conformité de cette procédure avec le droit de l’Union au regard de l’effectivité des règles de concurrence applicables dans l’Union européenne et aux droits fondamentaux de la défense, en raison du fait qu’aucune disposition ne prévoit la participation de l’autorité de concurrence nationale dans la procédure
de recours aux fins d’assurer la défense de l’intérêt économique général.

39 Dans ces conditions, le hof van beroep te Brussel, avant de statuer sur le litige dont il est saisi en appel, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Faut-il interpréter les [articles 2, 15, paragraphe 3, et 35, paragraphe 1, du règlement] en ce sens que les autorités de concurrence nationales puisent directement dans [ces dispositions] la faculté de présenter des observations écrites sur les moyens soulevés dans un recours contre leur décision et même de pouvoir présenter elles-mêmes des moyens, de sorte que cette faculté ne peut pas être retirée par un État membre?

2) Faut-il interpréter ces mêmes dispositions en ce sens que l’application efficace des règles de la concurrence en vue de protéger l’intérêt général veut que les instances publiques de surveillance, désignées comme autorités de concurrence, n’aient pas seulement la faculté, mais aussi l’obligation, de participer à une procédure de recours contre leurs décisions en exprimant leur position sur les moyens soulevés en fait et en droit?

3) Si les première et deuxième questions appellent une réponse affirmative, faut-il interpréter ces dispositions en ce sens que, en l’absence de dispositions internes relatives à la participation de l’autorité de concurrence à la procédure devant l’instance de recours et, lorsque différentes autorités sont désignées, l’autorité compétente pour prendre les décisions énumérées à l’article 5 du règlement soit aussi celle qui participe à la procédure de recours contre sa décision?

4) Les questions qui précèdent appellent-elles une réponse différente lorsque l’autorité de concurrence agit, selon la législation interne, en tant que juridiction et/ou lorsque la décision finale est prise à l’issue d’une instruction menée par un organe, appartenant à cette juridiction, chargé de rédiger les griefs et un projet de décision?»

Sur la recevabilité des questions préjudicielles

40 Lors de l’audience devant la Cour, VEBIC a excipé de l’irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle au motif que l’interprétation sollicitée du règlement, ou plus généralement du droit de l’Union, serait dépourvue de pertinence pour la solution du litige au principal. En l’espèce, il n’y aurait aucun lien entre celui-ci et des dispositions du droit de l’Union, puisque, ainsi que l’a relevé le Conseil de la concurrence lors de ses investigations, la pratique de la requérante au
principal n’affecterait pas le commerce entre les États membres et que, par conséquent, seul le droit national de la concurrence devrait s’appliquer. De plus, selon cette dernière, la juridiction de renvoi ne s’est pas encore prononcée de manière définitive sur la question de savoir s’il convient d’appliquer uniquement le droit national de la concurrence ou si, au contraire, le droit de l’Union est également applicable. La Cour serait ainsi saisie d’une question hypothétique, sans aucune pertinence
pour le litige pendant devant la juridiction de renvoi.

41 Il est de jurisprudence constante que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales, telle que prévue à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire pendante devant lui, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des
questions qu’il pose à la Cour (arrêts du 14 décembre 2006, Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio, C‑217/05, Rec. p. I‑11987, point 16, et du 2 avril 2009, Pedro IV Servicios, C‑260/07, Rec. p. I‑2437, point 28).

42 Dès lors que les questions posées par les juridictions nationales portent sur l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, la Cour est donc, en principe, tenue de statuer, à moins qu’il ne soit manifeste que la demande de décision préjudicielle tend, en réalité, à l’amener à statuer par le biais d’un litige construit ou à formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, que l’interprétation du droit de l’Union demandée n’ait aucun rapport avec la
réalité ou l’objet du litige, ou encore que la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêts du 7 janvier 2003, BIAO, C‑306/99, Rec. p. I‑1, point 89, et Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio, précité, point 17).

43 Tel n’est pas le cas du litige au principal.

44 À cet égard, il suffit de constater qu’il ressort notamment de la décision de renvoi que le hof van beroep te Brussel dispose d’un pouvoir de pleine juridiction et d’un pouvoir de réformation à l’égard des décisions du Conseil de la concurrence. Plus particulièrement, selon la juridiction de renvoi, la prémisse sur laquelle est fondée la décision du Conseil de la concurrence en cause au principal, suivant laquelle les pratiques examinées n’affectent pas les échanges entre les États membres
et que, en l’occurrence, seules les règles internes en matière de concurrence s’appliquent, pourrait être contredite par des éléments de fait qui tendent à prouver que ces pratiques anticoncurrentielles ont des incidences non seulement à l’intérieur de la zone géographique dans laquelle ces pratiques ont cours, mais aussi par rapport auxdits échanges entre États membres. Ladite juridiction estime ainsi que les pratiques en cause sont susceptibles de relever de l’article 101 TFUE.

45 En outre, le fait que la juridiction de renvoi ne s’est pas encore prononcée de manière définitive sur la question de savoir s’il convient d’appliquer uniquement le droit national de la concurrence ou si, au contraire, le droit de l’Union est également applicable ne constitue aucunement un obstacle à la recevabilité de son renvoi préjudiciel.

46 En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 42 de ses conclusions, d’une part, il serait incohérent que, pour la recevabilité d’un renvoi préjudiciel, la juridiction de renvoi doive statuer définitivement sur un sujet qui, directement ou indirectement, constitue l’objet de son renvoi. D’autre part, il convient de constater que, en l’espèce, les questions posées par la juridiction de renvoi présupposent nécessairement l’applicabilité du règlement.

47 À cet égard, il résulte de la jurisprudence que, compte tenu de la séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, il ne saurait être exigé que, avant de saisir celle-ci, la juridiction de renvoi procède à la totalité des constatations factuelles et des appréciations de droit qui lui incombent dans le cadre de sa mission juridictionnelle. Il est en effet suffisant que l’objet du litige au principal ainsi que ses enjeux principaux pour l’ordre juridique communautaire
ressortent de la demande de décision préjudicielle afin de permettre aux États membres de présenter leurs observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice et de participer efficacement à la procédure devant cette dernière (voir arrêt du 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, C‑42/07, Rec. p. I‑7633, point 41).

48 Il découle de ce qui précède que la demande de décision préjudicielle est recevable.

Sur les questions préjudicielles

49 Les quatre questions posées par la juridiction de renvoi étant liées, il convient de les examiner ensemble.

50 En l’espèce, lesdites questions sont soulevées dans le cadre d’un recours contre une décision du Conseil de la concurrence. Selon la juridiction de renvoi, la difficulté réside dans le fait que ne participe à la procédure devant elle que la partie requérante au principal, en l’absence d’une partie défenderesse.

51 Selon la juridiction de renvoi, une situation dans laquelle aucun représentant d’une autorité de concurrence, ou aucun représentant de l’intérêt public de la concurrence, ne participe à la procédure engagée devant une juridiction contre la décision de l’autorité de concurrence soulève des questions concernant la conformité de la réglementation nationale en cause avec le droit de l’Union, notamment avec les articles 2, 15, paragraphe 3, et 35, paragraphe 1, du règlement.

52 Dès lors, il convient de considérer que, par ses questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une autorité de concurrence nationale a le droit, en vertu desdites dispositions du règlement, de participer, en tant que partie défenderesse, à une procédure judiciaire concernant une décision dont elle est l’auteur.

53 Il y a lieu de relever d’emblée que le droit des autorités de concurrence nationales de participer à une procédure relative à un recours introduit contre leurs propres décisions en bénéficiant des mêmes droits que ceux dont disposerait une partie à cette procédure ne découle pas du libellé des articles 2 et 15, paragraphe 3, du règlement.

54 En effet, d’une part, l’article 2 du règlement énonce que la preuve d’une violation des articles 101 TFUE et 102 TFUE incombe «à l’autorité qui l’allègue» sans que cette disposition n’accorde un quelconque droit procédural à une telle autorité.

55 D’autre part, il doit être constaté que l’article 15, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement, qui autorise une autorité de concurrence nationale à soumettre des observations écrites aux juridictions de son État membre au sujet de l’application des articles 101 TFUE et 102 TFUE et, avec l’autorisation de la juridiction en question, à présenter des observations orales ne vise pas la participation d’une telle autorité aux procédures judiciaires nationales en tant que partie défenderesse.

56 Il importe également de constater que, conformément à l’article 35, paragraphe 1, du règlement, les États membres désignent l’autorité ou les autorités de concurrence compétentes pour appliquer les articles 101 TFUE et 102 TFUE de telle sorte que les dispositions de ce règlement soient effectivement respectées. Les autorités ainsi désignées doivent, conformément à celui-ci, assurer l’application effective desdits articles dans l’intérêt général (voir les cinquième, sixième, huitième,
trente‑quatrième et trente-cinquième considérants du règlement).

57 Même si l’article 35, paragraphe 1, du règlement laisse à l’ordre juridique interne de chaque État membre le soin de régler les modalités procédurales des recours en justice introduits contre les décisions des autorités de concurrence ainsi désignées, de telles modalités ne doivent pas porter atteinte à l’objectif de ce règlement, qui est d’assurer l’application effective des articles 101 TFUE et 102 TFUE par lesdites autorités.

58 À cet égard, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 74 dans ses conclusions, le fait de ne pas accorder à l’autorité de concurrence nationale les droits en tant que partie au litige et, partant, de l’empêcher de défendre la décision qu’elle a adoptée dans l’intérêt général comporte le risque que la juridiction saisie soit entièrement «captive» des moyens et arguments développés par la ou les entreprises requérantes. Or, dans un domaine tel que celui de la constatation
d’infractions aux règles de concurrence et d’imposition d’amendes, qui comporte des appréciations juridiques et économiques complexes, l’existence même d’un tel risque est susceptible de compromettre l’exercice de l’obligation particulière qui incombe aux autorités de concurrence nationales, en vertu du règlement, de garantir l’application effective des articles 101 TFUE et 102 TFUE.

59 Il s’ensuit que l’obligation incombant à une autorité de concurrence nationale d’assurer l’application effective des articles 101 TFUE et 102 TFUE exige que celle-ci dispose de la faculté de participer, en tant que partie défenderesse, à une procédure devant une juridiction nationale dirigée contre la décision dont cette autorité est l’auteur.

60 Il appartient aux autorités de concurrence nationales de mesurer la nécessité et l’utilité de leur intervention au regard de l’application effective du droit de la concurrence de l’Union.

61 Toutefois, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, la non‑comparution quasi systématique desdites autorités serait de nature à compromettre l’effet utile des articles 101 TFUE et 102 TFUE.

62 Selon l’article 35, paragraphe 1, du règlement, des juridictions peuvent figurer parmi les autorités de concurrence désignées par les États membres. Selon le paragraphe 2 de cet article, lorsque l’application du droit de l’Union en matière de concurrence est confiée à des autorités administratives et judiciaires nationales, les États membres peuvent assigner différentes compétences et fonctions à ces différentes autorités nationales, qu’elles soient administratives ou judiciaires.

63 À cet égard, il doit être relevé que, en l’absence de réglementation de l’Union, les États membres demeurent compétents, conformément au principe de l’autonomie procédurale, pour désigner le ou les organes relevant de l’autorité de concurrence nationale qui disposent de la faculté de participer, en tant que partie défenderesse, à une procédure devant une juridiction nationale dirigée contre la décision dont cette autorité est l’auteur, tout en garantissant le respect des droits fondamentaux
et la pleine effectivité du droit de la concurrence de l’Union.

64 Sur la base de ce qui précède, il convient de répondre aux questions posées que l’article 35 du règlement doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui n’accorde pas la faculté à une autorité de concurrence nationale de participer, en tant que partie défenderesse, à une procédure judiciaire dirigée contre la décision dont cette autorité est l’auteur. Il appartient aux autorités de concurrence nationales de mesurer la nécessité et l’utilité de leur
intervention au regard de l’application effective du droit de la concurrence de l’Union. Toutefois, la non‑comparution systématique de l’autorité de concurrence nationale à de telles procédures judiciaires compromet l’effet utile des articles 101 TFUE et 102 TFUE. En l’absence de réglementation de l’Union, les États membres demeurent compétents, conformément au principe de l’autonomie procédurale, pour désigner le ou les organes relevant de l’autorité de concurrence nationale qui disposent de la
faculté de participer, en tant que partie défenderesse, à une procédure devant une juridiction nationale dirigée contre la décision dont cette autorité est l’auteur, tout en garantissant le respect des droits fondamentaux et la pleine effectivité du droit de la concurrence de l’Union.

Sur les dépens

65 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

L’article 35 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui n’accorde pas la faculté à une autorité de concurrence nationale de participer, en tant que partie défenderesse, à une procédure judiciaire dirigée contre la décision dont cette autorité est l’auteur. Il appartient aux autorités de concurrence nationales
de mesurer la nécessité et l’utilité de leur intervention au regard de l’application effective du droit de la concurrence de l’Union. Toutefois, la non‑comparution systématique de l’autorité de concurrence nationale à de telles procédures judiciaires compromet l’effet utile des articles 101 TFUE et 102 TFUE.

En l’absence de réglementation de l’Union, les États membres demeurent compétents, conformément au principe de l’autonomie procédurale, pour désigner le ou les organes relevant de l’autorité de concurrence nationale qui disposent de la faculté de participer, en tant que partie défenderesse, à une procédure devant une juridiction nationale dirigée contre la décision dont cette autorité est l’auteur, tout en garantissant le respect des droits fondamentaux et la pleine effectivité du droit de la
concurrence de l’Union.

Signatures

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* Langue de procédure: le néerlandais.


Synthèse
Formation : Grande chambre
Numéro d'arrêt : C-439/08
Date de la décision : 07/12/2010
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Hof van Beroep te Brussel - Belgique.

Politique de concurrence - Procédure nationale - Intervention des autorités de concurrence nationales dans les procédures judiciaires - Autorité de concurrence nationale de nature mixte ayant un caractère judiciaire et administratif - Recours contre la décision d’une telle autorité - Règlement (CE) nº 1/2003.

Concurrence


Parties
Demandeurs : Vlaamse federatie van verenigingen van Brood- en Banketbakkers, Ijsbereiders en Chocoladebewerkers (VEBIC) VZW.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi
Rapporteur ?: Juhász

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2010:739

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