La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/09/2010 | CJUE | N°C-132/09

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre Royaume de Belgique., 30/09/2010, C-132/09


Affaire C-132/09

Commission européenne

contre

Royaume de Belgique

«Manquement d’État — Compétence de la Cour — Statut des écoles européennes — Accord de siège de 1962 — Conventions de 1957 et de 1994 — Clause compromissoire — Article 10 CE — Financement des écoles européennes — Dépenses de mobilier et de matériel didactique»

Sommaire de l'arrêt

1. Recours en manquement — Requête introductive d'instance — Énoncé des griefs et moyens — Exigences de forme

(Art. 226 CE; statut de la

Cour de justice, art. 21, al. 1; règlement de procédure de la Cour, art. 38, § 1, c))

2. Recours en manquement — Comp...

Affaire C-132/09

Commission européenne

contre

Royaume de Belgique

«Manquement d’État — Compétence de la Cour — Statut des écoles européennes — Accord de siège de 1962 — Conventions de 1957 et de 1994 — Clause compromissoire — Article 10 CE — Financement des écoles européennes — Dépenses de mobilier et de matériel didactique»

Sommaire de l'arrêt

1. Recours en manquement — Requête introductive d'instance — Énoncé des griefs et moyens — Exigences de forme

(Art. 226 CE; statut de la Cour de justice, art. 21, al. 1; règlement de procédure de la Cour, art. 38, § 1, c))

2. Recours en manquement — Compétence de la Cour — Limites — Statut de l'école européenne

(Art. 10 CE et 226 CE)

1. En vertu des articles 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et 38, paragraphe 1, du règlement de procédure de cette dernière, la Commission est tenue, dans toute requête déposée au titre de l'article 226 CE, d'indiquer les griefs précis sur lesquels la Cour est appelée à se prononcer. Ces conclusions doivent être formulées de manière non équivoque afin d'éviter que la Cour ne statue ultra petita ou bien n'omette de statuer sur un grief.

(cf. points 36-37)

2. La Cour est incompétente pour statuer sur le recours de la Commission européenne, introduit sur le fondement de l’article 226 CE, au motif que le Royaume de Belgique aurait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’accord de siège conclu le 12 octobre 1962 entre le Conseil supérieur de l’école européenne et le gouvernement du Royaume de Belgique, lu en combinaison avec l’article 10 CE. En effet, ainsi qu'il ressort de l'article 28 de la convention signée à Luxembourg le 12
avril 1957, portant statut de l'école européenne, le régime dudit accord suit celui de ladite convention que la Cour est incompétente pour interpréter dans la mesure où, nonobstant les liens que ce statut présente avec la Communauté et le fonctionnement de ses institutions, il s'agit d'une convention internationale conclue par les États membres qui ne fait pas partie intégrante du droit communautaire. Cette appréciation ne saurait être limitée au contexte procédural d'un renvoi préjudiciel, mais est
également valable au regard de la procédure prévue à l'article 226 CE, dont l'objet ne peut viser qu'un manquement d'un État membre à l'une des obligations qui lui incombent en vertu du traité.

Par ailleurs, ni une éventuelle consolidation de l'acquis de la convention de 1957 par la convention conclue à Luxembourg le 21 juin 1994, qui est actuellement en vigueur, ni la référence faite par cette dernière aux accords de siège ne sauraient modifier rétroactivement la nature juridique de l’accord de siège, qui est un accord international conclu entre le Conseil supérieur et le gouvernement d’un seul État membre. Enfin, en ce qui concerne l’application éventuelle de la clause compromissoire
figurant à l’article 26 de la convention de 1994, une procédure en manquement au sens du traité CE et de la jurisprudence de la Cour ne saurait être introduite que sur le fondement de l’article 226 CE.

(cf. points 44-46, 51-53 et disp.)

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

30 septembre 2010 (*)

«Manquement d’État – Compétence de la Cour – Statut des écoles européennes – Accord de siège de 1962 – Conventions de 1957 et de 1994 – Clause compromissoire – Article 10 CE – Financement des écoles européennes – Dépenses de mobilier et de matériel didactique»

Dans l’affaire C‑132/09,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 6 avril 2009,

Commission européenne, représentée par M. J.-P. Keppenne et M^me B. Eggers, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume de Belgique, représenté par M. J.-C. Halleux, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, MM. E. Juhász (rapporteur), G. Arestis, J. Malenovský et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 juin 2010,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en refusant la prise en charge financière des dépenses de mobilier et de matériel didactique pour les écoles européennes, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’accord de siège conclu le 12 octobre 1962 entre le Conseil supérieur de l’école européenne et le gouvernement du Royaume de Belgique (ci-après l’«accord de siège»), lu en combinaison avec l’article
10 CE.

Le cadre juridique

Le statut des écoles européennes

2 Lors de leur création, les écoles européennes étaient régies par deux instruments, à savoir, d’une part, le statut de l’école européenne, signé à Luxembourg le 12 avril 1957 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 443, p. 129, ci-après la «convention de 1957»), et, d’autre part, le protocole concernant la création d’écoles européennes établi par référence au statut de l’école européenne, signé à Luxembourg le 13 avril 1962 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 752, p. 267,
ci‑après le «protocole de 1962»). Ces deux instruments ont été conclus entre les six États membres qui sont à l’origine des Communautés européennes.

3 Le Conseil supérieur de l’école européenne (ci-après le «Conseil supérieur»), institué par l’article 7 de la convention de 1957, est constitué, en vertu de l’article 8 de cette dernière, par le ou les ministres compétents de chacune des parties contractantes. Selon l’article 9 de cette convention, le Conseil supérieur est chargé de l’application de celle-ci et dispose, à cet effet, des pouvoirs nécessaires en matière pédagogique, budgétaire et administrative. Il établit, d’un commun accord,
le règlement général de l’école. Aux termes de l’article 28 de cette même convention, le Conseil supérieur peut négocier avec le gouvernement de l’État du siège de l’école tout accord complémentaire afin d’assurer à celle-ci les meilleures conditions matérielles et morales de fonctionnement.

4 La convention de 1957 et le protocole de 1962 ont été annulés et remplacés par la convention portant statut des écoles européennes, conclue à Luxembourg le 21 juin 1994 (JO L 212, p. 3, ci-après la «convention de 1994»), conformément à l’article 34 de cette convention, laquelle est actuellement en vigueur. La convention de 1994 a été conclue par les États membres ainsi que par les Communautés, lesquelles ont été habilitées à cet effet par la décision 94/557/CE, Euratom du Conseil, du 17
juin 1994, autorisant la Communauté européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique à signer et à conclure la convention portant statut des écoles européennes (JO L 212, p. 1).

5 Selon l’article 34, quatrième alinéa, de la convention de 1994, les références dans les actes concernant les écoles antérieurs à l’adoption de cette convention doivent s’entendre comme se rapportant aux articles correspondants de celle-ci.

6 Le champ d’application de la convention de 1994 s’étend aux écoles énumérées à son annexe I, parmi lesquelles figurent les écoles européennes de Bruxelles I, de Bruxelles II et de Bruxelles III ainsi que celle de Mol (Belgique).

7 Selon l’article 2, paragraphe 3, de ladite convention, l’ouverture d’une nouvelle école sur le territoire d’un État membre est subordonnée à la conclusion d’un accord préalable entre le Conseil supérieur et l’État membre d’accueil concernant la mise à disposition non rémunérée et l’entretien des locaux adaptés aux besoins de la nouvelle école.

8 L’article 6, second alinéa, de la convention de 1994 prévoit que, en ce qui concerne ses droits et obligations, l’école est traitée dans chaque État membre, et sous réserve des dispositions spécifiques de cette même convention, comme un établissement scolaire régi par le droit public.

9 Conformément à l’article 10, premier alinéa, de la convention de 1994, le Conseil supérieur, qui se compose notamment d’un représentant de niveau ministériel de chacun des États membres et d’un membre de la Commission, veille à l’application de cette convention et dispose à cet effet des pouvoirs de décision nécessaires en matière pédagogique, budgétaire et administrative, ainsi que de ceux requis pour la négociation des accords mentionnés aux articles 28 à 30 de la même convention.

10 Aux termes de l’article 25 de la convention de 1994, le budget des écoles est alimenté notamment par les contributions des États membres à travers le maintien des rémunérations payées aux professeurs détachés ou affectés et, le cas échéant, sous la forme d’une contribution financière ainsi que par la contribution des Communautés, qui vise à couvrir la différence entre le montant global des dépenses des écoles et le total des autres recettes.

11 Selon l’article 26 de la convention de 1994, la Cour de justice de l’Union européenne est seule compétente pour statuer sur les litiges entre les parties contractantes relatifs à l’interprétation et à l’application de cette convention et qui n’ont pu être résolus au sein du Conseil supérieur.

12 Selon l’article 30 de ladite convention, le Conseil supérieur peut négocier avec le gouvernement du pays du siège d’une école tout accord complémentaire afin d’assurer à celle-ci les meilleures conditions de fonctionnement.

13 L’article 33, premier et deuxième alinéas, de la convention de 1994 précise notamment que cette dernière est ratifiée par les États membres, parties contractantes, en conformité avec leurs règles constitutionnelles respectives et qu’elle entre en vigueur le premier jour du mois suivant le dépôt de tous les instruments de ratification par les États membres ainsi que des actes de notification de la conclusion par les Communautés.

14 Il est constant que la convention de 1994 est entrée en vigueur le 1^er octobre 2002.

L’accord de siège

15 L’accord de siège, approuvé par la loi belge du 8 novembre 1975 (Moniteur belge du 7 février 1976, p. 1415), a été conclu en vue d’assurer aux écoles européennes de Bruxelles et de Mol les meilleures conditions matérielles et morales de fonctionnement, conformément à l’article 28 de la convention de 1957.

16 Le chapitre I de l’accord de siège, intitulé «Bâtiments et équipement des écoles», énonce à son article 1^er:

«Le Gouvernement du Royaume de Belgique s’engage à mettre à la disposition des Écoles les bâtiments nécessaires à leur activité et répondant aux objectifs que se sont fixés les Gouvernements signataires du Protocole concernant la création d’Écoles européennes.

Il entretiendra ces bâtiments et les assurera suivant les règles qui régissent les immeubles propriétés de l’État belge.

Il s’engage à équiper ces écoles en mobilier et matériel didactique, selon les critères appliqués à ses propres établissements.»

La procédure précontentieuse

17 Par sa lettre de mise en demeure, du 17 octobre 2007, la Commission reprochait au Royaume de Belgique d’avoir méconnu les dispositions de l’accord de siège et de l’article 10 CE en refusant, d’une part, depuis l’année 1995, de financer le premier équipement en mobilier et en matériel didactique des écoles européennes sises sur son territoire et, d’autre part, depuis l’année 1989, d’acquitter une subvention annuelle de fonctionnement et d’équipement destinée à couvrir les frais courants des
écoles européennes établies sur son territoire.

18 N’étant pas satisfaite de la réponse du Royaume de Belgique à ladite lettre de mise en demeure, la Commission a, le 26 juin 2008, émis un avis motivé invitant cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

19 Le Royaume de Belgique n’ayant pas adopté les mesures prescrites dans le délai imparti, la Commission a introduit le présent recours.

Sur la demande de réouverture de la procédure orale

20 Par lettre du 23 juin 2010, la Commission a demandé la réouverture de la procédure orale.

21 La Cour peut d’office ou sur proposition de l’avocat général, ou encore à la demande des parties, ordonner la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 61 de son règlement de procédure, si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou que l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Bavarian Lager, C-28/08 P, non encore publié au Recueil, point 36 et jurisprudence citée).

22 Dans sa demande, la Commission fait valoir que les conclusions de M. l’avocat général seraient fondées sur des arguments qui n’ont pas été débattus devant la Cour. D’une part, la Commission soutient qu’elle n’a pas eu l’occasion, lors de la procédure, de se prononcer sur le motif d’incompétence ressortant desdites conclusions, selon lequel la clause compromissoire stipulée à l’article 26 de la convention de 1994 exclut l’application de l’article 226 CE. D’autre part, elle relève que les
conclusions de M. l’avocat général proposent une interprétation restrictive de l’article 10 CE, interprétation sur laquelle elle n’a pas eu non plus l’opportunité de s’exprimer lors de la procédure.

23 La Cour considère qu’elle dispose en l’occurrence de tous les éléments nécessaires pour statuer sur le litige dont elle est saisie et que celui-ci ne doit pas être examiné au regard d’arguments qui n’ont pas été débattus devant elle.

24 Dès lors, il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la procédure orale.

Sur la compétence de la Cour

Argumentation des parties

25 Le Royaume de Belgique conteste la compétence de la Cour pour connaître des litiges concernant l’accord de siège. Il fait valoir que, pour être fondée à introduire un recours en manquement sur la base de l’article 226 CE, il faut que la Commission établisse la violation d’une disposition du droit communautaire ou d’un accord auquel la Communauté européenne est partie ou encore l’existence d’une clause attributive de compétence.

26 Or, selon le Royaume de Belgique, en l’occurrence, aucune violation d’une disposition du droit communautaire ne saurait être constatée, étant donné l’absence d’infraction aux dispositions du traité CE et de ses annexes ou d’atteintes au droit dérivé. Cet État membre soutient que l’accord de siège n’est pas un accord auquel la Communauté est partie et qu’il n’existe pas de clause attributive de compétence.

27 Le Royaume de Belgique précise que l’accord de siège est distinct de la convention de 1994 et que ce n’est que cette dernière qui prévoit, à son article 26, une telle clause attributive de compétence. Il considère que l’accord de siège ne saurait être qualifié d’acte dérivé de la convention de 1994 et que le fait que la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) était membre votant du Conseil supérieur, ce dernier disposant d’une personnalité juridique internationale distincte de
celle de la CECA, ne signifie pas pour autant que cette dernière est une partie contractante à l’accord de siège conclu entre le Conseil supérieur et le gouvernement belge.

28 Par ailleurs, si, comme le prétend la Commission, la CECA, en tant que membre votant du Conseil supérieur, était une partie contractante à l’accord de siège, il en irait de même pour le Royaume de Belgique en tant que membre de ce même Conseil. Dans ces conditions, cet État membre aurait contracté avec lui-même, ce qui, selon un principe général du droit, est impossible.

29 En outre, ledit État membre fait valoir que l’acte par lequel il a conclu un tel accord ne trouve sa force obligatoire que dans sa propre souveraineté.

30 La Commission rejette cette interprétation pour deux motifs.

31 En premier lieu, elle rappelle que la requête ne se réfère pas uniquement à l’accord de siège, mais elle vise également l’article 10 CE, lu en combinaison avec cet accord.

32 En second lieu, la Commission soutient que l’accord de siège fait incontestablement partie du droit communautaire, indépendamment de l’article 10 CE, car il doit être considéré comme un acte dérivé de la convention de 1994, cette dernière faisant elle-même partie du droit communautaire.

33 Elle indique que, selon une jurisprudence bien établie, s’agissant des dispositions qui relèvent de la compétence de la Communauté, les accords conclus par cette dernière, ses États membres et des États tiers ont le même statut, dans l’ordre juridique communautaire, que les accords purement communautaires et que la convention de 1994 a été conclue entre les Communautés et leurs États membres.

34 La Commission rappelle que l’accord de siège a été, à l’origine, un acte dérivé de la convention de 1957 et que, en 1962 déjà, la Haute Autorité de la CECA était membre votant du Conseil supérieur. Elle estime donc que cette dernière doit être considérée comme une partie contractante de l’accord de siège. La Commission précise qu’elle s’est substituée à la Haute Autorité de la CECA lors de la signature du traité de fusion du 8 avril 1965 et que le but de la convention de 1994 était de
consolider l’acquis de la convention de 1957 ainsi que de renforcer le rôle des Communautés comme parties contractantes. Elle conclut par conséquent que, eu égard au fait que l’accord de siège a été adopté sur la base de l’article 28 de la convention de 1957 et que des accords de siège sont également prévus par la convention de 1994, l’accord de siège fait partie des droits et des obligations auxquels les Communautés ont souscrit en 1994.

Appréciation de la Cour

35 Il y a lieu de rappeler qu’un recours doit être examiné uniquement au regard des conclusions contenues dans la requête introductive d’instance (arrêts du 6 avril 2000, Commission/France, C-256/98, Rec. p. I‑2487, point 31, et du 4 mai 2006, Commission/Royaume-Uni, C‑508/03, Rec. p. I‑3969, point 61).

36 Il importe également de rappeler que, en vertu des articles 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et 38, paragraphe 1, du règlement de procédure de cette dernière, la Commission est tenue, dans toute requête déposée au titre de l’article 226 CE, d’indiquer les griefs précis sur lesquels la Cour est appelée à se prononcer (arrêts du 31 mars 1992, Commission/Danemark, C-52/90, Rec. p. I-2187, point 17, et du 15 juin 2006, Commission/France, C‑255/04, Rec.
p. I‑5251, point 24).

37 Ces conclusions doivent être formulées de manière non équivoque afin d’éviter que la Cour ne statue ultra petita ou bien n’omette de statuer sur un grief (arrêts du 20 novembre 2003, Commission/France, C-296/01, Rec. p. I-13909, point 121, et du 15 juin 2006, Commission/France, précité, point 24).

38 En l’espèce, il convient de constater que le seul grief mentionné dans la partie conclusive de la requête introductive d’instance est relatif à la prétendue violation des obligations qui incomberaient au Royaume de Belgique en vertu de l’accord de siège, lu en combinaison avec l’article 10 CE.

39 Certes, dans les motifs de ladite requête, l’article 10 CE est mentionné à deux reprises. La Commission remarque que l’attitude des autorités belges porte atteinte au système de financement de la Communauté ainsi que de répartition des charges financières entre les États membres et, partant, viole ledit article, en indiquant que les conséquences de cette attitude sont préjudiciables. La Commission ajoute que les obligations du Royaume de Belgique découlant de l’accord de siège doivent être
interprétées à la lumière du principe de bonne foi, qui fait partie de l’article 10 CE et du droit international général.

40 Toutefois, il ressort de la requête introductive d’instance que la prétendue méconnaissance de l’article 10 CE par le Royaume de Belgique ne présente qu’un caractère accessoire par rapport au manquement allégué, lequel est relatif à l’accord de siège. En effet, selon la Commission, c’est le non-respect par le Royaume de Belgique de ses obligations au titre de l’accord de siège qui entraîne également une violation de l’article 10 CE.

41 Par ailleurs, dans son mémoire en réplique, la Commission précise expressément qu’elle n’a jamais invoqué l’article 10 CE per se dans cette affaire, c’est-à-dire indépendamment de l’accord de siège.

42 Dans ces conditions, l’incompétence éventuelle de la Cour pour constater, sur le fondement de l’article 226 CE, la méconnaissance des obligations qui découlent pour le Royaume de Belgique de l’accord de siège entraînerait nécessairement l’irrecevabilité du recours dans son intégralité.

43 En ce qui concerne les conventions internationales en général, il convient de relever que, selon la jurisprudence de la Cour, si la Communauté n’est pas partie contractante à une convention, la Cour n’est, en principe, pas compétente pour interpréter, dans le cadre d’une procédure préjudicielle, les dispositions de ladite convention (voir arrêt du 27 novembre 1973, Vandeweghe e.a., 130/73, Rec. p. 1329, point 2; ordonnance du 12 novembre 1998, Hartmann, C-162/98, Rec. p. I‑7083, point 9;
arrêts du 22 octobre 2009, Bogiatzi, C‑301/08, Rec. p. I‑10185, point 24, et du 4 mai 2010, TNT Express Nederland, C-533/08, non encore publié au Recueil, point 61).

44 S’agissant spécifiquement de la convention de 1957, il importe de rappeler que la Cour a déjà jugé qu’elle est incompétente pour se prononcer sur l’interprétation de celle-ci, ainsi que sur les obligations qui en découlent pour les États membres, dans la mesure où, nonobstant les liens que cette convention présente avec la Communauté et le fonctionnement de ses institutions, il s’agit d’une convention internationale conclue par les États membres qui ne fait pas partie intégrante du droit
communautaire (voir arrêt du 15 janvier 1986, Hurd, 44/84, Rec. p. 29, points 20 à 22).

45 Cette appréciation, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 46 de ses conclusions, ne saurait être limitée au contexte procédural de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Hurd, précité, dans le cadre de laquelle la Cour était appelée à statuer à titre préjudiciel, mais est également valable au regard de la procédure prévue à l’article 226 CE, dont l’objet ne peut viser qu’un manquement d’un État membre à l’une des obligations qui lui incombent en vertu du traité CE.

46 Il ressort en effet du préambule de l’accord de siège que celui-ci était fondé sur l’article 28 de la convention de 1957 accordant au Conseil supérieur le pouvoir de négocier avec le gouvernement de l’État membre du siège tout accord complémentaire afin d’assurer aux écoles européennes les meilleures conditions matérielles et morales de fonctionnement. Il en résulte que le régime de cet accord suit celui de la convention de 1957.

47 La thèse de la Commission, selon laquelle la CECA, et ensuite la Communauté, doit être considérée comme une partie contractante de l’accord de siège, étant donné que la Haute Autorité de la CECA était membre votant du Conseil supérieur et que la Commission s’est substituée à celle-ci, n’infirme pas la constatation effectuée au point précédent et, partant, cette thèse doit être rejetée.

48 En effet, rien n’indique que la possibilité de l’octroi, prévue dans la convention de 1957 par ses parties contractantes, du droit de participation à la Haute Autorité de la CECA au Conseil supérieur en tant que membre votant de ce dernier, droit exercé ultérieurement par ladite Haute Autorité, impliquerait que les parties signataires de l’accord de siège souhaitaient accorder à la CECA le statut de partie contractante de cet accord. C’est d’ailleurs ce que soutient le Royaume de Belgique,
une des parties contractantes à l’accord de siège.

49 Dès lors, il ne saurait être soutenu que la Communauté se trouve impliquée, en qualité de partie contractante, dans l’accord de siège et que, partant, ce dernier institue des droits et des obligations dans le chef de celle-ci.

50 Quant à l’autre thèse de la Commission, selon laquelle l’accord de siège fait partie intégrante des droits et des obligations auxquels les Communautés ont souscrit en 1994, elle ne saurait davantage prospérer. Cette thèse est tirée du fait que la convention de 1994, qui a été conclue et approuvée par les Communautés, a pour objectif de consolider l’acquis de la convention de 1957 et de la circonstance que la convention de 1994 prévoit des accords de siège.

51 À cet égard, il convient d’observer que ni la consolidation alléguée de l’acquis de la convention de 1957 par la convention de 1994, qui, par ailleurs, n’est entrée en vigueur que le 1^er octobre 2002, ni la référence faite par cette dernière aux accords de siège ne sauraient modifier rétroactivement la nature juridique de l’accord de siège, qui est un accord international conclu entre le Conseil supérieur et le gouvernement d’un seul État membre.

52 En ce qui concerne l’application éventuelle de la clause compromissoire figurant à l’article 26 de la convention de 1994, il convient de constater qu’une procédure en manquement au sens du traité CE et de la jurisprudence de la Cour ne saurait être introduite que sur le fondement de l’article 226 CE, ce qui a été, par ailleurs, effectivement le cas dans cette affaire.

53 Dans ces conditions, force est de constater que la Cour est incompétente pour statuer sur le recours de la Commission, introduit sur le fondement de l’article 226 CE, au motif que le Royaume de Belgique aurait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’accord de siège, lu en combinaison avec l’article 10 CE.

Sur les dépens

54 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Royaume de Belgique ayant conclu à la condamnation de la Commission et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

1) La Cour de justice de l’Union européenne est incompétente pour statuer sur le recours de la Commission européenne, introduit sur le fondement de l’article 226 CE, au motif que le Royaume de Belgique aurait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’accord de siège conclu le 12 octobre 1962 entre le Conseil supérieur de l’école européenne et le gouvernement du Royaume de Belgique, lu en combinaison avec l’article 10 CE.

2) La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

* Langue de procédure: le français.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-132/09
Date de la décision : 30/09/2010
Type de recours : Recours en constatation de manquement - irrecevable

Analyses

Manquement d’État - Compétence de la Cour - Statut des écoles européennes - Accord de siège de 1962 - Conventions de 1957 et de 1994 - Clause compromissoire - Article 10 CE - Financement des écoles européennes - Dépenses de mobilier et de matériel didactique.

Dispositions institutionnelles

Dispositions financières


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : Royaume de Belgique.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi
Rapporteur ?: Juhász

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2010:562

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award