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22/04/2010 | CJUE | N°C-98/09

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Jääskinen présentées le 22 avril 2010., Francesca Sorge contre Poste Italiane SpA., 22/04/2010, C-98/09


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 22 avril 2010 (1)

Affaire C‑98/09

Francesca Sorge

contre

Poste Italiane SpA

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale di Trani (Italie)]

«Directive 1999/70/CE – Clause 8 de l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée – Régression du niveau général de protection des travailleurs – Premier ou unique contrat – Indications à inclure dans un contrat de remplacement à durée déterminée – Conséque

nces d’une transposition incorrecte d’une directive – Interprétation conforme»

I – Introduction

1. La demande de décis...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 22 avril 2010 (1)

Affaire C‑98/09

Francesca Sorge

contre

Poste Italiane SpA

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale di Trani (Italie)]

«Directive 1999/70/CE – Clause 8 de l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée – Régression du niveau général de protection des travailleurs – Premier ou unique contrat – Indications à inclure dans un contrat de remplacement à durée déterminée – Conséquences d’une transposition incorrecte d’une directive – Interprétation conforme»

I – Introduction

1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la clause 8 de l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci‑après l’«accord‑cadre»), qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord‑cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (2).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M^me Sorge à son employeur, Poste Italiane SpA (ci‑après «Poste Italiane»), au sujet de la clause de son contrat de travail qui stipulait que celui‑ci était conclu pour une durée déterminée et dans laquelle ne figuraient ni les noms des travailleurs remplacés, ni les motifs pour lesquels ces derniers étaient absents. Selon la législation nationale antérieure à la transposition de la directive 1999/70, ces indications auraient
dû être mentionnées dans un tel contrat de travail. En revanche, dans le cadre du décret législatif n° 368, du 6 septembre 2001 (3) (ci‑après le «décret législatif 368/2001»), qui était applicable ratione temporis au contrat concerné, une telle obligation n’existe plus.

3. Le renvoi préjudiciel donne à la Cour l’opportunité de préciser et développer la jurisprudence qu’elle a adoptée dans les arrêts Mangold et Angelidaki e.a. (4). Elle est amenée à apprécier le rapport entre le changement du droit national ci‑dessus décrit et la notion d’une «régression du niveau général de protection des travailleurs dans le domaine couvert par [l’]accord‑cadre» qui est prévue à la clause 8, point 3, de celui‑ci. La juridiction a quo invite également la Cour à clarifier les
effets, sur le litige au principal, d’un éventuel défaut de conformité de la législation nationale avec l’accord‑cadre (5).

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union (6)

4. La directive 1999/70 est fondée sur l’article 139, paragraphe 2, CE (7) et vise, aux termes de son article 1^er, «à mettre en œuvre l’accord‑cadre […], figurant en annexe, conclu […] entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP) (8)».

5. Il ressort des troisième, sixième, septième et treizième à dix‑septième considérants de ladite directive, ainsi que des premier à troisième alinéas du préambule et des points 3, 5 à 8 et 10 des considérations générales de l’accord‑cadre que:

– la réalisation du marché intérieur doit conduire à une amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs dans la Communauté européenne au moyen d’un rapprochement dans le progrès de ces conditions, notamment pour les formes de travail autres que le travail à durée indéterminée, afin d’atteindre un meilleur équilibre entre la flexibilité du temps de travail et la sécurité des travailleurs;

– ces objectifs ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les États membres, de sorte qu’il a été jugé approprié de recourir à une mesure communautaire juridiquement contraignante, élaborée en étroite collaboration avec les partenaires sociaux représentatifs;

– les parties à l’accord‑cadre reconnaissent que, d’une part, les contrats à durée indéterminée sont et resteront la forme générale des relations d’emploi, dès lors qu’ils contribuent à la qualité de vie des travailleurs concernés et à l’amélioration de leurs performances, mais que, d’autre part, les contrats de travail à durée déterminée répondent, dans certaines circonstances, aux besoins tant des employeurs que des travailleurs;

– l’accord‑cadre énonce les principes généraux et les prescriptions minimales relatifs au travail à durée déterminée, en établissant, notamment, un cadre général destiné à assurer l’égalité de traitement pour les travailleurs à durée déterminée en les protégeant contre la discrimination ainsi qu’à prévenir les abus découlant de l’utilisation de relations de travail à durée déterminée successives, tout en renvoyant aux États membres et aux partenaires sociaux pour la définition des modalités
détaillées d’application desdits principes et prescriptions, aux fins de prendre en compte les réalités des situations spécifiques nationales, sectorielles et saisonnières;

– c’est ainsi que le Conseil de l’Union européenne a considéré que l’acte approprié pour la mise en œuvre de cet accord‑cadre est une directive, dès lors qu’elle lie les États membres en ce qui concerne le résultat à atteindre, mais laisse à ceux‑ci le choix de la forme et des moyens;

– s’agissant plus particulièrement des termes employés dans l’accord‑cadre, mais qui n’y sont pas définis de manière spécifique, la directive 1999/70 laisse aux États membres le soin de les préciser en conformité avec le droit et/ou les pratiques nationales, à condition qu’ils respectent l’accord‑cadre, et

– selon les parties signataires de l’accord‑cadre, l’utilisation des contrats de travail à durée déterminée fondée sur des raisons objectives constitue un moyen de prévenir les abus au détriment des travailleurs.

6. La clause 1 de l’accord‑cadre détermine le double objectif de ce dernier en se référant, d’une part, au respect du «principe de non‑discrimination», qui est énoncé par la clause 4, et, d’autre part, aux mesures visant à prévenir l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, qui font l’objet de la clause 5.

7. Le champ d’application de l’accord‑cadre est fixé dans la clause 2, comme suit: «les travailleurs à durée déterminée», notion définie dans la clause 3, «ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre».

8. La clause 8 de l’accord‑cadre, relative aux «Dispositions sur la mise en œuvre», prévoit:

«1. Les États membres et/ou les partenaires sociaux peuvent maintenir ou introduire des dispositions plus favorables pour les travailleurs que celles prévues dans le présent accord.

[…]

3. La mise en œuvre du présent accord ne constitue pas une justification valable pour la régression du niveau général de protection des travailleurs dans le domaine couvert par le présent accord.

[…]

5. La prévention et le règlement des litiges et plaintes résultant de l’application du présent accord sont traités conformément à la législation, aux conventions collectives et aux pratiques nationales.

[…]»

B – La réglementation nationale

1. La réglementation abrogée

9. L’article 1^er, paragraphes 1 à 4, de la loi n° 230, du 18 avril 1962, portant règlement sur les contrats de travail à durée déterminée (9) (ci‑après la «loi 230/1962»), telle que modifiée ultérieurement, disposait:

«Le contrat de travail est réputé être un contrat à durée indéterminée, sans préjudice des exceptions indiquées ci‑dessous.

Il peut être fixé un terme à la durée du contrat:

[…]

b) lorsque le recrutement a lieu dans le but de remplacer des travailleurs absents pour lesquels existe un droit à la conservation de leur poste, dès lors qu’il est fait mention, dans le contrat de travail à durée déterminée, du nom du travailleur remplacé ainsi que du motif de remplacement;

[…]

La stipulation du terme est dénuée d’effets si elle n’est pas consignée par écrit.

Une copie de l’acte écrit doit être remise par l’employeur à l’employé.

[…]»

2. La réglementation en vigueur

10. L’article 11, paragraphe 1, du décret législatif 368/2001 a entraîné l’abrogation intégrale de la loi 230/1962 à compter du 24 octobre 2001, étant précisé que le gouvernement italien est intervenu sur le fondement de la loi l’habilitant à adopter les règles nécessaires à la transposition d’actes de droit communautaire tels que la directive 1999/70 (10).

11. L’article 1^er, paragraphes 1 à 3, de ce décret législatif, dans sa version applicable en l’espèce (11), a été libellé de la façon suivante:

«1. Il est permis d’apposer un terme à la durée du contrat de travail salarié pour des raisons de technicité, de production, d’organisation ou de remplacement de salariés.

2. La stipulation du terme est dénuée d’effets si elle n’est pas consignée, directement ou indirectement, dans un acte écrit spécifiant les raisons indiquées au paragraphe 1.

3. Une copie de l’acte écrit doit être remise par l’employeur à l’employé dans un délai de cinq jours ouvrables à compter du début de la prestation. […]».

III – Le litige au principal et le renvoi préjudiciel

12. Le 29 septembre 2004, M^me Sorge a conclu avec Poste Italiane un contrat de travail à durée déterminée aux termes duquel elle était employée «pour des raisons de remplacement, liées à l’exigence spécifique de pourvoir au remplacement du personnel préposé au service de distribution auprès du pôle courrier Pouilles Basilicate, pendant la période du 1^er octobre 2004 au 15 janvier 2005».

13. Par recours en date du 18 février 2008, M^me Sorge a intenté une action contre Poste Italiane, en demandant au Tribunale di Trani – Sezione Lavoro (Italie) (ci‑après le «Tribunale di Trani») que soit prononcée l’illégalité de la clause de durée déterminée contenue dans ce contrat. Au soutien de sa demande, elle a invoqué que le nom des travailleurs remplacés et la cause du remplacement n’y étaient pas indiqués, alors que l’embauche en contrat à durée déterminée pour cause de remplacement
exigerait encore que ces indications soient fournies dans le cadre du décret législatif 368/2001.

14. Poste Italiane a contesté l’existence d’une telle obligation, en faisant valoir que l’article 1^er, paragraphe 2, sous b), de la loi 230/1962 avait été abrogé par l’article 11, paragraphe 1, du décret législatif 368/2001, qui est applicable ratione temporis, et n’avait été remplacé par aucune disposition de contenu analogue.

15. Par ordonnance datée du 9 juin 2008, le Tribunale di Trani a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes (12):

«1) La clause 8 de l’accord‑cadre contenu dans la directive 1999/70/CE doit‑elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation interne (telle que celle contenue aux articles 1^er et 11 du décret législatif 368/2001) qui, en transposant la directive 1999/70/CE […], a abrogé l’article 1^er, paragraphe 2, sous b), de la loi 230/1962, selon lequel ‘le fait de prévoir un contrat à durée déterminée’ était possible ‘lorsque l’embauche’ était ‘destinée à remplacer des travailleurs
absents et qui’ bénéficiaient ‘du droit au maintien de leur emploi, à condition que, dans le contrat de travail à durée déterminée’ figurent ‘le nom du travailleur remplacé et la cause de son remplacement’, en le remplaçant par une disposition qui ne prévoit plus ces obligations de spécification?

2) En cas de réponse affirmative à la première question, le juge national doit‑il écarter la réglementation interne qui contraste avec le droit communautaire?»

16. Des observations tant écrites qu’orales ont été fournies par la requérante et la défenderesse au principal, par le gouvernement italien, ainsi que par la Commission des Communautés européennes. Le gouvernement néerlandais a uniquement déposé des observations écrites.

IV – Analyse

A – Introduction

17. Aux termes de ses écritures, déposées le 1^er juillet 2009 (13), la requérante au principal souligne que l’enjeu de la procédure est particulièrement important dans la mesure où, d’une part, il y aurait près de 15 000 affaires en instance opposant Poste Italiane à ses employés et, d’autre part, tant les premier et second degrés de juridiction que les juridictions suprêmes italiennes ont déjà pris ou sont en voie de prendre position sur les textes visés par la demande de décision
préjudicielle.

18. Pour justifier sa demande, la juridiction de renvoi met également en exergue qu’il existe un nombre considérable de décisions des juges du fond qui ont interprété le décret législatif en cause, et ce de manière totalement différente. Outre les multiples décisions produites en annexe de ses observations écrites par M^me Sorge, il a aussi été fait référence, lors de l’audience, à plusieurs décisions récemment rendues dans ce cadre par la Corte suprema di cassazione et par la Corte
costituzionale (14). Les indications fournies par la juridiction de renvoi et les divers éléments versés au dossier par les parties intéressées donnent, en effet, un certain sentiment de confusion quant à la teneur du droit national en la matière.

19. À titre liminaire, je rappellerai également quelques principes de base qui peuvent guider l’interprétation de normes adoptées dans le domaine de la politique sociale. Il résulte des articles 136 CE et suivants que la compétence des États membres est conservée en la matière et que les mesures prises dans ce cadre doivent tenir compte de la diversité des pratiques nationales, ainsi que de la nécessité de maintenir la compétitivité de l’économie de la Communauté.

20. L’article 139 CE tend à favoriser la négociation collective au niveau communautaire et même à admettre l’existence d’un pouvoir normatif autonome des partenaires sociaux. L’accord‑cadre sur les contrats à durée déterminée, adopté sur la base de ce texte, ne fixe que des prescriptions minimales et vise des objectifs a priori antinomiques, qui nécessitent donc des compromis, à savoir, notamment, atteindre un meilleur équilibre entre la flexibilité du temps de travail pour les entreprises et
la sécurité de l’emploi pour les travailleurs (15), mais aussi prendre en considération les réalités des situations spécifiques nationales, sectorielles et saisonnières (16).

21. Il convient de ne pas perdre de vue ces différentes considérations lors de l’analyse du contenu des dispositions concernées par la demande préjudicielle. À mon avis, si les normes nationales de droit du travail ayant une vocation protectrice, de même que les stipulations des contrats de travail individuels, doivent être interprétées, en cas de doute, au bénéfice de la partie faible donc du travailleur, les dispositions des accords collectifs doivent néanmoins être conçues de façon stricte
afin de ne pas dénaturer la volonté conjointe des parties contractantes (17). Ainsi, les critères limitatifs d’application qui sont énoncés par le libellé de l’accord‑cadre ne sauraient être évincés sans de solides raisons.

B – Sur la recevabilité des questions préjudicielles

22. Poste Italiane a soulevé, à titre liminaire, l’irrecevabilité et le défaut de pertinence des questions déférées par la décision de renvoi, datant du 9 juin 2008, au motif que la Cour avait, dans l’intervalle, répondu à des questions similaires dans l’arrêt Angelidaki e.a. rendu le 23 avril 2009 (18), fournissant ainsi au Tribunale di Trani les paramètres utiles pour statuer de manière indépendante.

23. Je considère qu’il n’y a aucun doute quant à la recevabilité des questions préjudicielles, ainsi que la Commission l’a observé lors de l’audience. En effet, le caractère nouveau d’une question préjudicielle ne constitue nullement une condition de recevabilité de ladite question. Rien n’empêche un juge national de reposer à la Cour une question à laquelle elle aurait éventuellement déjà répondu.

24. Dans un tel cas de figure, la Cour a la possibilité de se prononcer par voie d’ordonnance motivée sur le fondement de l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, de son règlement de procédure (19). Il résulte à l’évidence du libellé de ce texte que la similitude des questions posées dans la décision de renvoi avec certaines de celles auxquelles la Cour a ultérieurement répondu dans l’arrêt Angelidaki e.a., précité, n’est pas en soi une cause d’irrecevabilité. La Cour a fait application de
cette disposition procédurale précisément dans des affaires où la réponse à une question identique ressortait dudit arrêt et était transposable à la question qui avait été posée, en l’occurrence avant le prononcé de celui‑ci (20).

25. Au surplus, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure instituée par l’article 234 CE, la juridiction de renvoi, qui seule possède une connaissance directe des faits à l’origine du litige dont elle est saisie et doit assumer la responsabilité de sa décision sur le fond, est, au regard des particularités de l’affaire, la mieux placée pour apprécier tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions
qu’elle pose à la Cour. Dès lors que celles‑ci portent sur l’interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer, sous réserve toutefois, aux fins de vérifier sa propre compétence, d’un examen des conditions dans lesquelles elle a été saisie par la juridiction nationale (21).

26. Or, il apparaît que le Tribunale di Trani a étayé sa demande de décision préjudicielle de façon suffisante pour en démontrer la pertinence, 1) en définissant le cadre factuel dans lequel cette demande s’insère, 2) en donnant les indications utiles sur le cadre juridique national pertinent, 3) en exposant les arguments des parties au principal et les incertitudes au regard de la jurisprudence nationale qui l’ont amené à s’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union et, 4) en
expliquant dans quelle mesure une réponse aux deux questions posées serait nécessaire pour trancher le litige au principal. Ainsi, au jour de la saisine de la Cour, l’interprétation du droit de l’Union qui a été sollicitée répondait effectivement à un besoin objectif inhérent à la solution d’un litige pendant devant la juridiction de renvoi (22).

27. Au vu de l’ensemble de ces éléments, je suis d’avis que les objections de la défenderesse au principal ne sauraient être retenues et que la présente demande de décision préjudicielle est recevable.

C – Sur la portée de la clause dite «de non‑régression»

28. Dans sa décision, la juridiction de renvoi exprime ses doutes quant à la conformité du décret législatif 368/2001 avec la directive 1999/70 et l’accord‑cadre qui y est annexé. Aux termes de la première question, cette juridiction se demande, en particulier, si les dispositions prévues aux articles 1^er et 11 de ce décret législatif n’ont pas engendré une régression prohibée du niveau général de protection des travailleurs au sens de la clause 8 dudit accord‑cadre. Au vu des arguments
dispersés qui ont été présentés en l’espèce, il me paraît nécessaire de commencer par circonscrire le cadre de la décision à intervenir, et donc des présentes conclusions. Le champ d’application de la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre devra également être défini, avant de procéder à l’interprétation de sa teneur.

1. Sur la limitation de la portée de la réponse à la portée de la question

29. Le libellé de la première question est tel qu’elle paraît, certes, viser l’interprétation de l’ensemble des dispositions de la clause 8 de l’accord‑cadre. Toutefois, le Tribunale di Trani a par ailleurs indiqué expressément qu’il sollicitait une clarification par la Cour, afin d’établir si les articles 1^er et 11 du décret législatif 368/2001 violent la clause habituellement qualifiée «de non‑régression» qui est contenue dans la clause 8 de l’accord‑cadre, et plus précisément au point 3 de
celle‑ci.

30. Dans la mesure où certaines observations, notamment celles présentées par M^me Sorge, contiennent des développements relatifs aux clauses 4 et 5 de l’accord‑cadre ou à d’autres dispositions du décret législatif que celles retenues par le Tribunale di Trani (23), il convient de préciser que la portée de la saisine de la Cour est délimitée par la demande de décision préjudicielle et non par les orientations éventuellement données par les parties.

31. En effet, il est de jurisprudence constante qu’il n’y a pas lieu pour la Cour d’examiner les arguments présentés par les parties au principal ou les parties ayant présenté des observations qui concernent des problèmes non englobés dans les questions préjudicielles (24). En outre, le fait de répondre aux arguments complémentaires mentionnés, dans ses observations écrites, par la requérante au principal serait incompatible avec l’obligation de la Cour d’assurer la possibilité aux
gouvernements des États membres et aux parties intéressées de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux parties intéressées (25).

32. Au demeurant, il n’est pas contesté que le litige au principal porte sur la conclusion d’un unique contrat à durée déterminée, et non sur un contrat faisant partie d’une succession de contrats à durée déterminée. Dès lors que seule cette dernière situation est appréhendée par la clause 5, points 1 et 2, de l’accord‑cadre, il n’y a pas lieu de se livrer à une interprétation de ladite disposition, et notamment de la notion qu’elle contient de «raisons objectives» permettant de justifier le
renouvellement de tels contrats (26). De même, dans l’arrêt Mangold (27), après avoir constaté que le contrat concerné était le premier et unique contrat de travail conclu entre les parties, la Cour a dit que l’interprétation de la clause 5, point 1, de l’accord‑cadre était manifestement dénuée de pertinence aux fins de la solution du litige au principal.

33. S’agissant de la clause 4 de l’accord‑cadre, qui est aussi invoquée par M^me Sorge, elle ne fait pas non plus l’objet de la demande de décision préjudicielle. Je précise néanmoins que ces dispositions relatives à la non‑discrimination, qui ont une portée générale, me paraissent applicables à tous les contrats de travail à durée déterminée, y compris un premier ou unique contrat de ce type.

2. Sur le champ d’application de la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre

34. La détermination de la portée matérielle de l’accord‑cadre est particulièrement importante car la clause 8, point 3, de celui‑ci prévoit que l’interdiction que cette disposition énonce ne concerne que «le domaine couvert par le présent accord». Les clauses 1 et 2 dudit accord‑cadre définissent respectivement l’objet et le champ d’application de celui‑ci. Selon moi, l’effet de ces dispositions à caractère général s’étend à l’évidence à la clause 8. En d’autres termes, le champ d’application
de la clause dite «de non‑régression» coïncide avec celui de l’accord‑cadre qui la contient.

35. En revanche, la sphère d’intervention de dispositions à caractère spécial telles que la clause 5 de cet accord, qui est spécifiquement relative à la prévention des abus liés à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, doit être distinguée du champ de l’accord‑cadre dans son ensemble et du champ de la clause 8 en particulier.

36. Certes, comme la Commission l’a observé, l’accord‑cadre ne dit rien sur les raisons pouvant justifier la conclusion d’un premier contrat à durée déterminée, contrairement à l’obligation de prendre des mesures à ce sujet qui est mise à la charge des États membres par la clause 5, point 1, sous a), dudit accord en cas de renouvellement de tels contrats. La Cour a effectivement jugé que l’accord‑cadre n’impose pas aux États membres d’adopter une mesure exigeant que tout premier ou unique
contrat de travail à durée déterminée soit justifié par des raisons objectives au sens de la clause 5, point 1, de l’accord‑cadre, disposition dont de tels contrats ne relèvent pas (28).

37. Cependant, il me paraît erroné d’en déduire, comme la République italienne le fait, que les dispositions nationales prises en considération par le juge a quo n’affectent pas le domaine couvert par l’accord‑cadre, aux motifs que l’obligation de justifier le premier et unique contrat à durée déterminée par des raisons objectives et la nature de ces raisons sont des matières étrangères à l’accord‑cadre, et que les modifications introduites par le décret législatif 368/2001 ne pourraient donc
pas constituer une régression interdite par la clause 8, point 3, de cet accord.

38. Il est vrai que les situations, telles que celle de M^me Sorge, dans lesquelles un seul contrat à durée déterminée est en cause, ne sont pas couvertes par la disposition spéciale que constitue la clause 5 de l’accord‑cadre, mais elles peuvent néanmoins relever du champ d’application dudit accord. Par voie de conséquence, les dispositions nationales qui régissent les contrats à durée déterminée initiaux ou uniques ne sauraient, du seul fait de la portée limitée de la clause 5, échapper à la
clause dite «de non‑régression» qui couvre, quant à elle, un domaine aussi général que celui de l’accord‑cadre.

39. En effet, il est constant que, tant dans l’arrêt Mangold (29) que dans l’arrêt Angelidaki e.a. (30), la Cour s’est prononcée sur la notion de «régression», au sens de la clause 8 de l’accord‑cadre, en ce qui concernait des travailleurs ayant conclu un premier ou unique contrat de travail à durée déterminée. Après avoir considéré qu’au vu des objectifs poursuivis par l’accord‑cadre, et notamment sa clause 8, point 3, cette disposition ne saurait être interprétée de manière restrictive (31)
et après avoir rappelé le libellé non limitatif des clauses 2 et 3 dudit accord (32), la Cour a explicitement dit que «la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre doit être interprétée en ce sens que la ‘régression’ visée par cette clause doit être examinée par rapport au niveau général de protection qui était applicable, dans l’État membre concerné, tant aux travailleurs ayant conclu des contrats de travail à durée déterminée successifs qu’aux travailleurs ayant conclu un premier ou unique contrat à
durée déterminée» (33).

3. Sur l’interprétation de la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre

40. La clause 8, point 3, de l’accord‑cadre est habituellement dénommée «clause de non‑régression». Même si elle limite les conditions d’exercice de la compétence normative nationale, cette clause n’a pas pour but d’interdire de façon absolue à un État membre de réduire le niveau général de la protection offerte aux travailleurs par le droit interne. En revanche, s’il procède à une telle réduction, l’État membre doit assumer ce choix, et non masquer la politique ainsi retenue au plan national
en se réfugiant derrière de prétendues obligations liées à la transposition de normes du droit de l’Union. Il serait plus exact de qualifier cette disposition de «clause de transparence», comme l’avait proposé l’avocat général Tizzano dans l’affaire Mangold (34), après avoir démontré qu’il ne s’agissait nullement d’une «clause de stand‑still».

41. L’arrêt Angelidaki e.a., précité, lu en combinaison avec l’arrêt Mangold, précité, donne des indications claires pour apprécier si la réforme concernée en l’espèce est ou non prohibée au sens de ladite clause.

42. Il ressort du dossier soumis à la Cour que la régression invoquée par la juridiction de renvoi et alléguée par la requérante au principal consisterait dans le fait que le décret législatif 368/2001 a supprimé l’obligation, auparavant prévue par la loi 230/1962, de mentionner, dans le contrat à durée déterminée, le nom du travailleur remplacé, pour lequel existait un droit au maintien de son poste, ainsi que le motif de remplacement.

43. D’emblée, je relèverai que, à mon avis, une telle réforme constitue dans l’absolu une régression du niveau de protection des travailleurs concluant des contrats de travail à durée déterminée. L’obligation de mentionner le nom du travailleur remplacé accroît les possibilités tant des travailleurs que des syndicats de contrôler que les dispositions limitatives qui sont applicables à de tels contrats sont respectées par l’employeur. De surcroît, l’inexistence d’une telle obligation peut
permettre aux employeurs ayant un large effectif de salariés de disposer d’une flexibilité plus élevée en ce qui concerne les contrats de remplacement. En effet, il n’est alors plus nécessaire d’avoir une correspondance exacte entre les périodes d’absence et celles de remplacement de travailleurs identifiés par leur nom, mais il suffit d’avoir un bilan net équilibré entre le nombre des absences et le nombre des remplacements. La suppression de cette contrainte peut faciliter l’utilisation par de
tels employeurs des contrats à durée déterminée pour assurer des remplacements, alors qu’ils pourraient sinon devoir disposer d’une réserve de membres du personnel, bénéficiaires de contrats à durée indéterminée, pour les vacances, les congés de maladie et toutes autres causes d’absences largement prévisibles.

44. Cependant, cette approche centrée sur le sort de contrats de travail individuels n’est pas adéquate pour déterminer s’il existe une atteinte à la clause de non‑régression contenue dans l’accord‑cadre. Comme la Cour l’a indiqué (35), il y a lieu d’examiner dans quelle mesure les modifications apportées par la réglementation nationale destinée à transposer la directive 1999/70 et l’accord‑cadre sont susceptibles, d’une part, d’être considérées comme étant liées à la «mise en œuvre» de cet
accord et, d’autre part, de porter sur le «niveau général de protection» des travailleurs au sens de la clause 8, point 3, de celui‑ci.

45. S’agissant du premier critère, la Cour a précisé que la notion de lien avec la «mise en œuvre» de l’accord‑cadre couvre toute mesure nationale visant à garantir que l’objectif poursuivi par la directive 1999/70 puisse être atteint, y compris celles qui, postérieurement à la transposition proprement dite, complètent ou modifient les règles nationales déjà adoptées (36). En l’espèce, cette première condition me semble pouvoir être acquise (37), au vu du préambule du décret législatif
368/2001, qui vise expressément la directive 1999/70, et au vu des dispositions de la loi ayant habilité le gouvernement italien à intervenir en la matière, qui y renvoient également (38). Cependant, la réglementation ne peut être considérée comme contraire à la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre si la régression qu’elle comporte est justifiée non pas par la nécessité de mettre en œuvre ledit accord, mais par celle de promouvoir un autre objectif, distinct de cette mise en œuvre (39).

46. À cet égard, je crois utile de distinguer trois catégories de normes nationales: premièrement, celles ayant pour objet la transposition de la directive stricto sensu, qui doivent obligatoirement se conformer aux exigences de celle‑ci; deuxièmement, celles s’inscrivant dans le cadre de la transposition de dispositions telles que celles de l’accord‑cadre qui ne fixent que des principes généraux et des prescriptions minimales, seuil au‑delà duquel les États membres sont autorisés à aller;
troisièmement, celles n’ayant aucun lien avec le contenu de la directive ou de l’accord‑cadre. Or, une seule et même réforme du droit interne peut avoir ces trois vocations. Dans l’hypothèse où la comparaison entre le régime juridique ayant précédé une transposition et le régime juridique résultant de celle‑ci donne un résultat globalement négatif, ce bilan peut caractériser une régression ayant un caractère général au sens de la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre. Cependant, si ladite clause est
conçue comme imposant une obligation de transparence, il serait possible d’exiger d’un État membre qu’il ait clairement déclaré son intention soit de mettre en œuvre l’accord‑cadre, soit d’atteindre un autre but, lorsqu’il a introduit telle ou telle modification.

47. Aucune des parties intéressées n’apporte d’éléments qui soient probants à ce sujet. En tout état de cause, dans le cadre du système de coopération judiciaire établi par l’article 234 CE, il incombe exclusivement aux juridictions nationales compétentes d’interpréter le droit interne (40). Or, selon la juridiction saisie du litige au principal, «la modification par régression de la cause de remplacement s’avère être étroitement liée au respect de l’obligation d’adaptation de l’ordre juridique
italien à la directive en question» (41).

48. En l’état des éléments versés au dossier de la Cour, il ne saurait être exclu que le fait que le décret législatif 368/2001 ne prévoie plus l’obligation de mentionner le nom du travailleur remplacé et le motif du remplacement est lié à la mise en œuvre de l’accord‑cadre, mais il est également possible qu’un tout autre objectif que ladite mise en œuvre ait conduit à cette réforme. Il appartiendra à la juridiction nationale, plutôt qu’à la Cour, d’identifier les motifs ayant présidé à
l’adoption de la disposition nationale concernée (42).

49. S’agissant de la deuxième condition posée par l’arrêt Angelidaki e.a., selon laquelle la régression doit porter sur le «niveau général de protection» des travailleurs à durée déterminée, elle implique que seule une réduction d’une ampleur de nature à affecter globalement la réglementation nationale relative aux contrats de travail à durée déterminée est susceptible de relever de la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre (43).

50. À cet égard, il convient de mesurer l’importance de l’impact qu’ont eu les modifications litigieuses sur le niveau de protection des travailleurs embauchés à durée déterminée, au regard de ce qui existait auparavant en droit interne.

51. Il apparaît que les changements introduits par l’article 1^er du décret législatif 368/2001 par rapport au droit national antérieur affectent non pas tous les travailleurs ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée, mais uniquement ceux qui ont été employés dans le but de remplacer des travailleurs absents ayant un droit au maintien de leur poste, puisque seule cette catégorie était visée par l’article 1^er, paragraphe 2, sous b), de la loi 230/1962, auquel la décision de renvoi
se réfère.

52. Conformément à la jurisprudence de la Cour (44), pour autant que les travailleurs embauchés pour assurer un remplacement ne représentent pas une partie significative des travailleurs employés à durée déterminée dans l’État membre concerné, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, la réduction de la protection dont bénéficie une telle catégorie restreinte de travailleurs n’est pas, en tant que telle, susceptible d’affecter globalement le niveau de protection applicable
dans l’ordre juridique interne aux travailleurs liés par un contrat de travail à durée déterminée.

53. En outre, je constate que le nouveau texte maintient, d’une part, l’exigence que le motif du recours à un contrat à durée déterminée soit mentionné, en faisant référence à des raisons précises de technicité, de production, d’organisation ou de remplacement de salariés, et, d’autre part, la sanction attachée à cette exigence, à savoir la nullité du terme. Au vu des éléments versés au dossier, il est permis de s’interroger sur le point de savoir si, comme Poste Italiane le soutient, les
modifications introduites pourraient avoir été contrebalancées par d’autres garanties, à tel point que le niveau de la protection offerte par le régime actuel serait comparable voire plus favorable que l’ancien, tant globalement que spécifiquement, à savoir en ce qui concerne les motifs de conclusion d’un contrat à durée déterminée.

54. Comme la Cour l’a jugé, il y a lieu de constater que les modifications apportées par une réglementation nationale n’apparaissent pas constituer une régression du niveau général de protection des travailleurs dès lors qu’elles sont susceptibles d’être compensées par l’adoption d’autres mesures, telles que celles qui sont préventives de l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs (45), et j’ajouterai à cette illustration les mesures qui visent à interdire les
discriminations exercées à l’encontre des travailleurs ayant conclu des contrats de travail à durée déterminée.

55. Dans les conditions susmentionnées, l’interdiction d’une régression du niveau général de protection des travailleurs n’empêche donc pas qu’un travailleur ou une catégorie des travailleurs puisse se trouver dans une situation moins favorable après la transposition de l’accord‑cadre.

56. Quoi qu’il en soit, l’appréciation de l’existence d’une régression du niveau général de protection des travailleurs telle que prohibée par la clause 8 de l’accord‑cadre, et notamment l’évaluation de l’incidence concrète de la modification du droit interne qui est en cause, incombe à la juridiction de renvoi, qui seule dispose d’une connaissance suffisante de l’évolution du régime applicable aux contrats à durée déterminée en droit national.

57. En définitive, il m’apparaît que les modifications apportées par une réglementation nationale, qui, comme celle en cause au principal, vise à transposer la directive 1999/70 et l’accord‑cadre, ne constituent pas une régression du niveau général de protection des travailleurs à durée déterminée au sens de la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre, dans la mesure où, ce qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier, elles portent sur une catégorie limitée de travailleurs ayant
conclu un contrat de travail à durée déterminée ou sont susceptibles d’être compensées par l’adoption d’autres mesures de protection des travailleurs ayant conclu de tels contrats.

D – Sur les conséquences à tirer de l’interprétation de la clause dite «de non‑régression»

58. Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande si elle est tenue, en vertu du droit de l’Union, d’écarter l’application d’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui ne serait pas conforme à ce droit. En substance, elle souhaite savoir si, dans l’hypothèse où les articles 1^er et 11 du décret législatif 368/2001 seraient contraires à la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre, elle devrait appliquer en leur lieu et place les dispositions qui étaient en
vigueur avant l’adoption de ce texte, à savoir l’article 1^er, paragraphe 2, sous b), de la loi 230/1962.

59. Il y a lieu de constater que la Cour a déjà fourni une réponse à une question similaire dans l’arrêt Angelidaki e.a., précité, et que d’autres éléments utiles permettant de répondre à cette question ressortent des arrêts Adeneler e.a. et Impact, ainsi que de l’ordonnance Vassilakis e.a. (46), comme cela a été relevé dans l’ordonnance rendue concomitamment dans l’affaire Koukou (47).

60. La Cour a tout d’abord rappelé que sa jurisprudence constante concernant l’effet direct vertical des directives (48) a été étendue aux accords qui, à l’instar de l’accord‑cadre sur les contrats à durée déterminée, ont été négociés entre partenaires sociaux au niveau communautaire et ont été mis en œuvre par une directive du Conseil, dont ils font alors partie intégrante, en application de l’article 139, paragraphes 1 et 2, CE (49).

61. Elle a ensuite jugé que, compte tenu de l’objet de la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre, et de sa portée limitée, au vu même de son libellé, les particuliers ne pourraient déduire de l’interdiction énoncée par cette disposition aucun droit dont le contenu serait suffisamment clair, précis et inconditionnel (50).

62. Comme je l’ai déjà relevé, une régression du niveau de protection éventuellement ressentie par un travailleur n’implique pas nécessairement une régression du niveau général de protection au sens de la clause 8 de l’accord‑cadre. En d’autres termes, il n’est pas exclu que la situation d’un individu s’avère moins favorable que sous l’ancien régime juridique, sans pour autant que la nouvelle norme nationale soit contraire à l’accord‑cadre.

63. La Cour a inféré de ce qui précède que ladite clause ne remplissait pas les conditions requises pour produire un effet direct (51), qui aurait été vertical en ce cas (52) alors que dans la présente affaire, il pourrait s’agir de lui faire produire un effet direct horizontal, possibilité qui a toujours été refusée par la Cour (53).

64. Il convient de préciser que la qualité d’entité privée ou publique de Poste Italiane a été fort débattue par les parties, sans que le dossier apporte des éléments suffisants pour me permettre de prendre une position catégorique à ce titre. Au demeurant, il ne me paraît pas nécessaire de clarifier cette qualité puisque même un effet direct vertical a été explicitement dénié à la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre.

65. La Cour a poursuivi en indiquant que «[d]ans ce contexte, il incombe aux juridictions nationales d’interpréter les dispositions du droit national dans toute la mesure du possible d’une manière telle qu’elles puissent recevoir une application conforme à la finalité (54) poursuivie par l’accord‑cadre», et en particulier de donner une interprétation conforme à la clause 8, point 3, dudit accord‑cadre (55).

66. Les implications concrètes de cette jurisprudence ont été analysées de façon divergente par les parties. M^me Sorge en a déduit que la juridiction de renvoi devrait substituer les dispositions de la loi 230/1962 à celles du décret législatif 368/2001 considérées comme contraires à l’accord‑cadre, notamment au vu de décisions rendues par la Corte costituzionale et la Corte suprema di cassazione. Estimant au contraire que ces décisions allaient dans le sens de la conformité des normes
contestées avec la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre, Poste Italiane a été d’avis que le Tribunale di Trani ne pourrait en aucun cas écarter lesdites normes. Ne se prononçant qu’à titre subsidiaire sur cette question, la République italienne a indiqué que le juge a quo disposait de divers moyens pour donner au décret législatif 368/2001 une interprétation permettant de se conformer au niveau de protection recherché par l’accord‑cadre. Pour sa part, le gouvernement néerlandais a considéré que
l’interprétation conforme ne devrait pas amener le juge national à laisser inappliquées les dispositions en cause dès lors que cela reviendrait à faire produire à la clause de non‑régression un effet direct qui a été refusé. La Commission n’a pas précisé sa position de ce chef.

67. L’arrêt Angelidaki e.a., précité, donne à la juridiction de renvoi des indications tant sur le fondement juridique (points 197 et 198) que sur les limites de l’obligation d’interprétation conforme (points 200 à 202), et ce, par analogie s’agissant de la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre. En particulier, il est rappelé que les juridictions nationales, au même titre que tous les organes des États membres, sont tenues de faire tout ce qui relève de leur compétence, aux fins de garantir la
pleine effectivité de la directive en cause et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle‑ci (56). Toutefois, l’exercice de cette mission ne saurait conduire le juge a quo à outrepasser ses prérogatives, et notamment à procéder à une interprétation contra legem du droit national, dès lors que le législateur a seul le pouvoir de le modifier.

68. Il me paraît nécessaire d’ajouter que, à mon avis, l’obligation d’interprétation conforme ne pourrait nullement conduire à rendre applicables des règles nationales qui ne sont pas formellement valides et pertinentes tant ratione materiæ que ratione temporis. C’est nécessairement la norme nationale applicable qui doit faire l’objet d’une interprétation conforme à la directive 1999/70 et à l’accord‑cadre, ainsi qu’au droit de l’Union en général. Alors que la primauté du droit de l’Union peut
conduire à laisser inappliquée une norme nationale, ce droit ne saurait octroyer une validité formelle ou conférer une applicabilité in casu au sein de l’ordre juridique d’un État membre à une norme relevant de celui‑ci. J’insiste sur le fait que le droit de l’Union ne saurait «ressusciter d’entre les morts» une disposition interne qui n’est plus en vigueur et qui, en l’absence de dispositions spécifiques à cet effet, n’est pas applicable ratione temporis à un litige, comme c’est le cas des
dispositions abrogées de la loi 230/1962.

69. Je précise qu’il faut distinguer l’exigence ainsi formulée de celle tenant au fait que l’obligation d’interprétation conforme doit porter sur l’ensemble des dispositions pertinentes du droit interne, tant antérieures que postérieures à la directive concernée (57). De surcroît, je rappellerai que, comme la Cour l’a jugé, si le droit national, par l’application des méthodes d’interprétation reconnues par celui‑ci, permet, dans certaines circonstances, d’interpréter une disposition de l’ordre
juridique interne de telle manière qu’un conflit avec une autre norme de droit interne soit évité ou de réduire à cette fin la portée de cette disposition en ne l’appliquant que pour autant qu’elle est compatible avec ladite norme, la juridiction a l’obligation d’utiliser les mêmes méthodes en vue d’atteindre le résultat poursuivi par la directive (58).

70. Il y a également lieu de souligner que l’obligation d’interprétation conforme, ainsi conçue, ne revient pas à admettre de facto l’effet direct, vertical voire horizontal, de la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre comme le gouvernement néerlandais le craint. Je considère qu’il ne faut pas confondre, d’une part, l’effet direct qu’une disposition de ce type pourrait en tant que telle produire à l’égard des particuliers avec, d’autre part, l’impact qu’elle a sur l’activité tant législative que
juridictionnelle (59) des États membres.

71. En conséquence, il sera répondu à la deuxième question préjudicielle, d’une part, qu’un particulier ne saurait prétendre à la mise en œuvre directe de la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre pour obtenir que les dispositions de l’article 1^er du décret législatif 368/2001 soient écartées au profit de celles, qui sont abrogées, de l’article 1^er, paragraphe 2, sous b), de la loi 230/1962; mais, d’autre part, que dans l’hypothèse où les dispositions contestées seraient considérées par la
juridiction de renvoi comme contraires au droit de l’Union, celle‑ci est tenue de faire une interprétation des dispositions du droit interne applicables qui permette de respecter à la fois le texte et l’objectif de ladite clause, autant que possible et sans aller au‑delà des compétences propres à ladite juridiction.

V – Conclusion

72. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions préjudicielles posées par le Tribunale di Trani (Italie):

«1) La clause 8, point 3, de l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle contenue aux articles 1^er et 11 du décret législatif n° 368, du 6 septembre 2001, qui, à la différence d’une règle de droit interne antérieure, telle que l’article 1^er, paragraphe 2, sous b), de la loi n° 230, du 18 avril 1962, portant règlement sur les contrats de travail à durée
déterminée, ne prévoit plus l’obligation pour l’employeur de spécifier, dans les contrats à durée déterminée ayant pour objet le remplacement de travailleurs absents bénéficiant du droit au maintien de leur emploi, à la fois le nom du travailleur remplacé et la cause de son remplacement, dès lors que de telles modifications, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, portent sur une catégorie limitée de travailleurs ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée ou sont
compensées par l’adoption d’autres mesures de protection des travailleurs ayant conclu un contrat à durée déterminée.

2) La clause 8, point 3, de l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, ne remplit pas les conditions requises pour produire un effet direct. Dans l’hypothèse où un changement de réglementation nationale, tel que celui introduit par l’article 1^er du décret législatif n° 368, du 6 septembre 2001, s’avérerait contraire à ladite clause, la juridiction de renvoi ne doit pas écarter les dispositions pertinentes du droit interne, mais il lui appartient de donner à ces
dispositions, dans toute la mesure du possible, une interprétation conforme au droit de l’Union et en particulier conforme à la finalité de l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée.»

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1 – Langue originale: le français.

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2 – JO L 175, p. 43.

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3 – Décret législatif portant exécution de la directive 1999/70 (GURI n° 235, du 9 octobre 2001, p. 4).

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4 – Arrêts du 22 novembre 2005, Mangold (C‑144/04, Rec. p. I‑9981), ainsi que du 23 avril 2009, Angelidaki e.a. (C‑378/07 à C‑380/07, non encore publié au Recueil).

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5 – Cette juridiction a récemment saisi la Cour d’une demande de décision préjudicielle dans le cadre d’un litige concernant Poste Italiane et portant aussi sur le décret législatif 368/2001 et la clause 8 de l’accord‑cadre: voir affaire Vino (C‑20/10, encore pendante devant la Cour).

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6 – Dès lors que le litige au principal concerne l’interprétation d’un décret législatif datant du 6 septembre 2001, il sera fait référence aux dispositions du traité CE selon la numérotation applicable antérieurement à l’entrée en vigueur du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

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7^ – L’article 139, paragraphe 2, CE prévoit que les partenaires sociaux peuvent demander conjointement que les accords conclus au niveau communautaire soient mis en œuvre par une décision du Conseil sur proposition de la Commission.

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8 – À savoir la Confédération européenne des syndicats, l’Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe (dénommée BusinessEurope depuis 2007) et le Centre européen des entreprises à participation publique.

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9 – GURI n° 125, du 17 mai 1962, p. 2010.

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10 – Le préambule du décret législatif 368/2001 indique qu’il a été adopté en exécution de la loi d’habilitation n° 422, du 29 décembre 2000, et notamment en application de son article 1^er et de son annexe B, qui vise la directive 1999/70 (GURI n° 16, du 20 janvier 2001, p. 5).

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11 – Le contrat litigieux a été conclu avant l’entrée en vigueur de la loi n° 247, du 24 décembre 2007 (GURI n° 301, du 29 décembre 2007, p. 3), qui a ajouté, au début de l’article 1^er du décret législatif 368/2001, un paragraphe rappelant que «le contrat de travail salarié est conclu, en principe, pour une durée indéterminée».

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12 – Par ordonnance du 21 avril 2008, le Tribunale di Trani avait déjà soulevé une question de constitutionnalité visant les articles 1^er et 11 du décret législatif 368/2001, sur laquelle la Corte costituzionale s’est prononcée par décision n° 214, du 8 juillet 2009.

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13 – Il convient de souligner que toutes les observations présentées par les parties sont postérieures à l’arrêt Angelidaki e.a., précité, contrairement à la décision de renvoi.

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14 – Le représentant de Poste Italiane a remis à la Cour, à l’issue de l’audience, la décision n° 214 rendue le 8 juillet 2009 par la Corte costituzionale, ainsi que trois arrêts rendus par la Corte suprema di cassazione – Sezione Lavoro (arrêt daté des 26 novembre 2009 et 14 janvier 2010, n° R.G.N. 22536/2008; arrêt daté des 26 novembre 2009 et 14 janvier 2010, n^os R.G.N. 21956/2008 et 22465/2008; arrêt daté des 10 décembre 2009 et 27 janvier 2010, n^os R.G.N. 20577/2006).

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15 – Deux objectifs combinés dans le néologisme «flexicurité», qui est notamment utilisé dans des documents de la Commission tels que la communication du 27 juin 2007, COM(2007) 359 final.

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16 – Voir, à ce sujet, le préambule et les considérations générales de l’accord‑cadre.

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17 – L’existence des accords collectifs européens en tant qu’instruments ayant une valeur juridique contraignante, et partant l’existence d’un droit du travail collectif européen, dépend en effet de la confiance qu’ont les partenaires sociaux dans le fait que leur interprétation et leur application seront fidèles aux compromis négociés.

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18 – Arrêt précité (en particulier points 126 et 208 à 212).

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19 – «Lorsqu’une question posée à titre préjudiciel est identique à une question sur laquelle la Cour a déjà statué ou lorsque la réponse à une telle question peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut, après avoir entendu l’avocat général, à tout moment, statuer par voie d’ordonnance motivée comportant référence à l’arrêt précédent ou à la jurisprudence en cause».

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20 – Voir ordonnances du 24 avril 2009, Koukou (C‑519/08), ainsi que du 23 novembre 2009, Lagoudakis (C‑162/08 à C‑164/08).

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21 – Voir, notamment, arrêts Mangold, précité (points 34 et suivants), ainsi que du 4 juillet 2006, Adeneler e.a. (C‑212/04, Rec. p. I‑6057, points 39 et suivants).

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22 – Voir arrêt Mangold, précité (point 38).

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23 – M^me Sorge se réfère non seulement à l’article 1^er, paragraphes 1, 2 et 4, du décret législatif 368/2001, mais aussi à l’article 2, paragraphe 1 bis, l’article 4, l’article 4 bis et l’article 5, paragraphes 3 et 4 bis, de ce texte.

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24 – Dans le cadre de la procédure préjudicielle, il appartient à la seule juridiction nationale d’apprécier la pertinence de tels arguments et, le cas échéant, de saisir à nouveau la Cour si elle estime nécessaire d’obtenir des éléments supplémentaires d’interprétation du droit communautaire en vue de rendre son jugement. Voir, notamment, arrêts du 3 octobre 1985, CBEM (311/84, Rec. p. 3261, points 9 et suivant), ainsi que du 24 mars 1992, Syndesmos Melon tis Eleftheras Evangelikis Ekklisias e.a.
(C‑381/89, Rec. p. I‑2111, points 18 et suivant).

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25 – Voir, notamment, arrêts du 20 mars 1997, Phytheron International, (C‑352/95, Rec. p. I‑1729, point 14), ainsi que du 17 septembre 1998, Kainuun Liikenne et Pohjolan Liikenne (C‑412/96, Rec. p. I‑5141, point 24).

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26 – Sur cette notion, voir, notamment, arrêt Adeneler e.a., précité (points 66 et suivants, ainsi que ordonnance du 12 juin 2008, Vassilakis e.a. (C‑364/07, points 88 et suivants).

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27 – Arrêt précité (points 40 à 43).

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28 – Voir arrêts précités Mangold (points 41 à 43), ainsi que Angelidaki e.a. (point 90).

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29 – Arrêt précité (points 44 et suivants). Dans cette affaire, le litige au principal concernait un seul contrat à durée déterminée (point 20 dudit arrêt).

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30 – Arrêt précité (points 108 et suivants). Dans l’une des trois affaires jointes, à savoir l’affaire C‑378/07, le litige au principal portait sur une série de contrats à durée déterminée uniques (point 32 dudit arrêt).

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31 – Il convient de préciser que le contexte d’interprétation est ici différent de celui que j’ai analysé au point 21 des présentes conclusions. Si le domaine couvert par la clause 8, point 3, ne doit pas être conçu de manière plus étroite que celui de l’accord‑cadre, à la lecture du libellé des clauses 1 à 3, pour autant, les termes employés dans l’accord‑cadre ne sauraient selon moi faire l’objet d’une conception extensive.

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32 – Arrêt Angelidaki e.a., précité (points 111 à 116). Concernant le large champ d’application de l’accord‑cadre, voir aussi arrêts du 7 septembre 2006, Marrosu et Sardino (C‑53/04, Rec. p. I‑7213, points 40 et suivants); du 7 septembre 2006, Vassallo (C‑180/04, Rec. p. I‑7251, point 32), ainsi que du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso (C‑307/05, Rec. p. I‑7109, points 24 et suivants).

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33 – Arrêt Angelidaki e.a., précité (point 121).

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34 – Point 62 des conclusions de l’avocat général Tizzano dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Mangold, précité.

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35 – Arrêt Angelidaki e.a., précité (point 130).

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36 – Arrêt Mangold, précité (point 51).

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37 – La République italienne soutient, certes, que les articles 1^er et 11 de ce décret législatif ne relèvent pas du domaine couvert par l’accord‑cadre, mais les arguments avancés à ce titre ne me convainquent pas, pour les motifs ci‑dessus exposés.

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38 – Voir note en bas de page 10 des présentes conclusions.

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39 – Arrêt Angelidaki e.a., précité (point 133).

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40 – Voir, notamment, ordonnance Vassilakis e.a., précitée (point 134), ainsi que arrêts Marrosu et Sardino, précité (point 54), et du 7 mai 2009, Rijkeboer (C‑553/07, non encore publié au Recueil, point 30).

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41 – Point III de la demande de décision préjudicielle, étant précisé que l’expression latine «reformatio in peius» est en italique dans le texte original.

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42 – Voir, en ce sens, arrêt Angelidaki e.a., précité (point 138).

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43 – Arrêt Angelidaki e.a., précité (point 140).

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44 – Arrêt Angelidaki e.a., précité (point 142).

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45 – Voir arrêt Angelidaki e.a., précité (point 146).

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46 – Arrêts Adeneler e.a., précité (points 108 à 124), ainsi que du 15 avril 2008, Impact (C‑268/06, Rec. p. I‑2483, points 69 à 80); ordonnance Vassilakis e.a., précitée (points 56 à 72).

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47 – Ordonnance précitée (points 125 et suivants).

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48^ – Voir arrêt Angelidaki e.a., précité (points 193 et suivant, ainsi que jurisprudence citée).

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49 – Voir arrêt Impact, précité (point 58), qui exclut l’effet direct de la clause 5, point 1, dudit accord‑cadre, mais reconnaît un tel effet pour la clause 4, point 1.

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50 – Voir arrêt Angelidaki e.a., précité (points 208 à 211). L’avocat général Kokott avait également conclu que la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre ne se prêtait pas à une application directe, en raison de «l’utilisation de termes juridiques vagues» et surtout du fait que «cette disposition ne vise pas du tout à accorder au particulier des droits de protection de ses intérêts qu’il pourrait faire valoir en justice» (points 125 à 127 des conclusions présentées dans cette affaire).

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51 – Arrêt Angelidaki e.a., précité (points 208 à 211).

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52 – Les divers litiges au principal opposaient des salariés aux collectivités territoriales les employant.

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53 – Selon une jurisprudence constante, une directive ne peut être invoquée à l’encontre d’un particulier, alors qu’elle peut l’être à l’encontre d’un État, quelle que soit la qualité en laquelle agit ce dernier, employeur ou autorité publique. Voir, notamment, arrêts du 26 février 1986, Marshall (152/84, Rec. p. 723, points 48 et 49); du 14 juillet 1994, Faccini Dori (C‑91/92, Rec. p. I‑3325, points 24 et 25); du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, Rec. p. I‑8835, point 109); du 19
avril 2007, Farrell (C‑356/05, Rec. p. I‑3067, point 40), ainsi que du 19 janvier 2010, Kücükdeveci (C‑555/07, non encore publié au Recueil, point 46).

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54 – Dès lors que l’accord‑cadre, qui est une composante de la directive 1999/70, a la même nature juridique que celle‑ci, la finalité dudit accord doit être pleinement respectée par les États membres, en application de l’article 249, troisième alinéa, CE.

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55 – Arrêt Angelidaki e.a., précité (points 212 et 213), ainsi que points 122 à 128 des conclusions de l’avocat général Kokott dans cette affaire.

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56 – L’arrêt Kücükdeveci, précité, a récemment rappelé ces principes (voir point 48).

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57 – Voir arrêt Angelidaki e.a., précité (point 197). J’estime que cette considération ne peut s’appliquer qu’aux dispositions ayant effectivement une valeur normative dans l’ordre juridique interne, et non aux dispositions abrogées qui n’ont plus qu’une existence factuelle, en tant qu’élément de l’histoire du droit national.

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58 – Voir arrêt Pfeiffer e.a., précité (point 116).

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59 – À cet égard, j’insiste sur le fait que l’accord‑cadre peut faire l’objet de litiges non seulement concernant les particuliers mais aussi concernant les partenaires sociaux, sur un plan sectoriel voire national, et que le principe d’une interprétation des dispositions législatives et des accords collectifs conforme à la clause 8, point 3, dudit accord‑cadre me paraît avoir davantage de pertinence à ce niveau que s’agissant d’apprécier la validité des stipulations de contrats de travail
individuels.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-98/09
Date de la décision : 22/04/2010
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunale di Trani - Italie.

Renvoi préjudiciel - Politique sociale - Directive 1999/70/CE - Accord-cadre sur le travail à durée déterminée - Clause 8 - Indications devant figurer dans un contrat de travail à durée déterminée conclu en vue du remplacement d’un travailleur absent - Régression du niveau général de protection des travailleurs - Interprétation conforme.

Politique sociale


Parties
Demandeurs : Francesca Sorge
Défendeurs : Poste Italiane SpA.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jääskinen
Rapporteur ?: Kūris

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2010:221

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